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Journal des Maladies Vasculaires (Paris) © 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés, 31, 5, 284-286 ANÉVRYSME DU TRONC CŒLIAQUE À PROPOS D’UN CAS M. TABERKANT, H. ELKAOUI, M. BOUCHENTOUF, S. IBRAHIMA, A. ZENTAR, M.I. JANATI Service de Chirurgie Viscérale et Vasculaire, Hôpital militaire d’instruction Mohamed V, Rabat, Maroc. RÉSUMÉ : Anévrysme du tronc cœliaque. À propos d’un cas Les anévrysmes du tronc cœliaque sont rares, leur principale com- plication est représentée par la rupture. Un traitement chirurgical est classiquement proposé chaque fois que possible. Nous présentons un cas d’anévrysme du tronc cœliaque traité chirurgicalement. (J Mal Vasc 2006 ; 31 : 284-286) Mots-clés : Anévrysme. Tronc cœliaque. Chirurgie. ABSTRACT: Aneurysm of the coeliac trunk. A case report Aneurysm of the coeliac artery is a rare vascular problem. The most serious clinical complication of coeliac artery aneurysm is rupture. Be- cause of this, surgery is traditionally recommended. This paper presents a case of a coeliac artery aneurysm treated by open surgery. (J Mal Vasc 2006 ; 31 : 284-286) Key-words: Aneurysm. Coeliac artery. Surgery. INTRODUCTION Les anévrysmes du tronc cœliaque (TC) sont réputés être rares (1), leur gravité est représentée par le risque de rupture qui est souvent létale. Leur diagnostic est de plus en plus facile du fait de l’utilisation plus courante des moyens d’imagerie. Leur traitement suscite plusieurs controverses quant à l’indication opératoire, mais aussi au meilleur moyen thérapeutique. Nous rapportons un cas d’anévrysme du tronc cœliaque opéré au service de chirurgie viscérale et vasculaire de l’Hôpital militaire d’instruction Mohammed V de Rabat au Maroc. OBSERVATION Notre patiente est âgée de 52 ans, elle est hypertendue de- puis deux ans sous traitement, elle a déjà été opérée à deux re- prises, la première pour kyste hydatique du foie, elle avait bénéficié d’une résection du dôme saillant, la deuxième pour kyste hydatique de la rate traité par splénectomie. Elle présen- tait depuis plusieurs mois des coliques hépatiques typiques traitées de façon symptomatique. Une échographie faite à l’oc- casion d’un nouvel épisode a objectivé une lithiase vésiculaire associée à un anévrysme du tronc cœliaque de 2,6 cm de dia- mètre. Le bilan a été complété par un angioscanner (fig. 1) et une artériographie (fig. 2) qui montrent un anévrysme du tronc cœliaque de 2,7 cm de diamètre s’étendant jusqu’à la naissan- ce des artères hépatique et splénique, sans aspect de calcifica- tions ni de thrombus. Il n’a pas été noté d’autres localisations anévrysmales. L’indication opératoire a été retenue du fait de la taille de l’anévrysme qui est supérieure à 2 cm, de la diffi- culté de réaliser un suivi rigoureux dans notre contexte et de l’absence de comorbidités majeures. La patiente fut opérée par une médiane sus-ombilicale, l’ané- vrysme est abordé après ouverture du petit épiploon, l’aorte sus-cœliaque est contrôlée ainsi que les branches viscérales du tronc cœliaque (fig. 3). Après clampage, une anévrysmectomie est réalisée suivie d’une réimplantation directe de l’artère hépa- tique au niveau de l’ostium du tronc cœliaque, les artères coro- naire stomachique et spléniques ont été ligaturées (fig. 4). La perméabilité de l’artère gastro-duodenale étant vérifiée, nous n’avons pas jugé utile de réimplanter l’artère coronaire stoma- chique. La cholécystectomie fut réalisée en fin d’intervention. Les suites opératoires furent simples en dehors d’une élévation transitoire des transaminases, l’examen anatomo-pathologique de la paroi anévrysmale a montré une dégénérescence de la mé- dia. Après un recul de 18 mois, la patiente va bien. DISCUSSION La fréquence réelle des anévrysmes du tronc cœliaque est difficilement appréciable, ils représentent la quatriè- Reçu le 10 mai 2006. Acceptation par le Comité de rédaction le 1 er août 2006. Correspondance : M. TABERKANT, app 28, imm 16, rue Omar Eljadidi, Rabat, Maroc. E-mail : [email protected] ABRÉVIATIONS : AH : artère hépatique AS : artère splénique ACS : artère coronaire stomachique

Anévrysme du tronc cœliaque

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Page 1: Anévrysme du tronc cœliaque

Journal des Maladies Vasculaires (Paris)© 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés, 31, 5, 284-286

ANÉVRYSME DU TRONC CŒLIAQUE À PROPOS D’UN CAS

M. TABERKANT, H. ELKAOUI, M. BOUCHENTOUF, S. IBRAHIMA, A. ZENTAR, M.I. JANATI

Service de Chirurgie Viscérale et Vasculaire, Hôpital militaire d’instruction Mohamed V, Rabat, Maroc.

RÉSUMÉ :

Anévrysme du tronc cœliaque. À propos d’un cas

Les anévrysmes du tronc cœliaque sont rares, leur principale com-plication est représentée par la rupture. Un traitement chirurgical estclassiquement proposé chaque fois que possible. Nous présentons un casd’anévrysme du tronc cœliaque traité chirurgicalement. (J Mal Vasc2006 ; 31 : 284-286)

Mots-clés : Anévrysme. Tronc cœliaque. Chirurgie.

ABSTRACT:

Aneurysm of the coeliac trunk. A case report

Aneurysm of the coeliac artery is a rare vascular problem. The mostserious clinical complication of coeliac artery aneurysm is rupture. Be-cause of this, surgery is traditionally recommended. This paper presentsa case of a coeliac artery aneurysm treated by open surgery. (J Mal Vasc2006 ; 31 : 284-286)

Key-words: Aneurysm. Coeliac artery. Surgery.

INTRODUCTION

Les anévrysmes du tronc cœliaque (TC) sont réputésêtre rares (1), leur gravité est représentée par le risque derupture qui est souvent létale. Leur diagnostic est de plusen plus facile du fait de l’utilisation plus courante desmoyens d’imagerie. Leur traitement suscite plusieurscontroverses quant à l’indication opératoire, mais aussiau meilleur moyen thérapeutique. Nous rapportons uncas d’anévrysme du tronc cœliaque opéré au service dechirurgie viscérale et vasculaire de l’Hôpital militaired’instruction Mohammed V de Rabat au Maroc.

OBSERVATION

Notre patiente est âgée de 52 ans, elle est hypertendue de-puis deux ans sous traitement, elle a déjà été opérée à deux re-prises, la première pour kyste hydatique du foie, elle avaitbénéficié d’une résection du dôme saillant, la deuxième pourkyste hydatique de la rate traité par splénectomie. Elle présen-tait depuis plusieurs mois des coliques hépatiques typiquestraitées de façon symptomatique. Une échographie faite à l’oc-casion d’un nouvel épisode a objectivé une lithiase vésiculaireassociée à un anévrysme du tronc cœliaque de 2,6 cm de dia-mètre. Le bilan a été complété par un angioscanner (fig. 1) etune artériographie (fig. 2) qui montrent un anévrysme du tronc

cœliaque de 2,7 cm de diamètre s’étendant jusqu’à la naissan-ce des artères hépatique et splénique, sans aspect de calcifica-tions ni de thrombus. Il n’a pas été noté d’autres localisationsanévrysmales. L’indication opératoire a été retenue du fait dela taille de l’anévrysme qui est supérieure à 2 cm, de la diffi-culté de réaliser un suivi rigoureux dans notre contexte et del’absence de comorbidités majeures.

La patiente fut opérée par une médiane sus-ombilicale, l’ané-vrysme est abordé après ouverture du petit épiploon, l’aortesus-cœliaque est contrôlée ainsi que les branches viscérales dutronc cœliaque (fig. 3). Après clampage, une anévrysmectomieest réalisée suivie d’une réimplantation directe de l’artère hépa-tique au niveau de l’ostium du tronc cœliaque, les artères coro-naire stomachique et spléniques ont été ligaturées (fig. 4). Laperméabilité de l’artère gastro-duodenale étant vérifiée, nousn’avons pas jugé utile de réimplanter l’artère coronaire stoma-chique. La cholécystectomie fut réalisée en fin d’intervention.Les suites opératoires furent simples en dehors d’une élévationtransitoire des transaminases, l’examen anatomo-pathologiquede la paroi anévrysmale a montré une dégénérescence de la mé-dia. Après un recul de 18 mois, la patiente va bien.

DISCUSSION

La fréquence réelle des anévrysmes du tronc cœliaqueest difficilement appréciable, ils représentent la quatriè-

Reçu le 10 mai 2006. Acceptation par le Comité de rédaction le 1er août 2006.

Correspondance : M. TABERKANT, app 28, imm 16, rue Omar Eljadidi, Rabat, Maroc.E-mail : [email protected]

ABRÉVIATIONS :AH : artère hépatiqueAS : artère spléniqueACS : artère coronaire stomachique

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me localisation la plus fréquente parmi les anévrysmesdes artères viscérales (2). Le risque de rupture est faiblemais réel, il est estimé entre 10 et 20 %, il serait plus im-portant pour les anévrysmes infectieux et ceux dont lataille est supérieure à 2 cm, la présence de thrombus oude calcifications n’augmente pas le risque de rupture.L’association à d’autres localisations anévrysmales extraviscérales a été notée par Stone qui en rapporte 67 % descas et par Graham qui en a noté 18 % (2). Le diagnosticfait appel à l’échographie et surtout au scanner qui sont

de plus en plus utilisés dans l’exploration de pathologiesabdominales, ce qui explique en partie l’augmentationobservée dans la fréquence des anévrysmes du tronccœliaque. L’origine athéroscléreuse est actuellement laplus fréquente, 27 % dans la série de Graham, les ané-vrysmes infectieux, en particulier syphilitique sont deve-nus exceptionnels (2, 3).

L’indication opératoire ne se discute pas en cas de rup-ture, le but est de sauver la vie du patient et la majorité desauteurs préconisent la ligature simple sans revascularisa-tion, la mortalité opératoire dans ce cas est de 40 % (3).L’embolisation a été rapportée, mais cette procédure de-vrait être réservée à des centres de référence. En dehorsde la rupture, il semble qu’un diamètre supérieur à 2 cmsoit une indication opératoire en absence d’un risque opé-ratoire élevé. Dans sa série, Stone ne rapporte aucun casde rupture en cas de diamètre inférieur à 2 cm, cependantla publication de petites séries ne permet pas de statuersur la taille critique à partir de laquelle l’anévrysme doitêtre opéré. En dehors de la série de la Mayo Clinique (3),on ne dispose pas de résultats d’anévrysmes du TC sur-veillés, ces auteurs concluent que c’est l’augmentation dela taille de l’anévrysme au cours de la surveillance quidoit inciter à l’intervention. En chirurgie élective, la re-vascularisation est recommandée, il ne semble pas existerde différence significative, en termes de résultats, entrel’utilisation d’un matériel veineux ou prothétique (4, 5).La réimplantation directe de l’artère hépatique, commenous l’avons réalisée chez notre malade, est séduisante etdoit être préférée chaque fois que possible.

Quelques observations du traitement endo-vasculaireont été rapportées récemment, ce traitement comprendl’embolisation ou l’utilisation d’endo-prothèse (6). Il n’apas été possible de le réaliser chez notre patiente étantdonné l’indisponibilité du matériel nécessaire. L’emboli-sation peut se faire par des coils intéressant l’anévrysmelui-même ou par occlusion du collet de l’anévrysmequand son diamètre le permet. L’exclusion de l’anévrys-

FIG 1. – Angioscanner montant un anévrysme du tronc cœliaque.CT scan showing the coeliac artery aneurysm.

FIG 2. – Aspect artériographique.Angiogram showing the coeliac artery aneurysm.

FIG 3. – Aspect per-opératoire.Intraoperatory findings.

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me par une endo-prothèse aortique placée en regard dutronc cœliaque a été rapportée (7, 8), Knobloch (9) a trai-té un anévrysme du TC en mettant en place une endo-prothèse couverte au niveau du TC après avoir réaliséune embolisation de l’artère coronaire stomachique et del’hépatique. Ce traitement est séduisant, se faisant sousanesthésie locale, peut être une bonne alternative pour lespatients à haut risque chirurgical, il nécessite néanmoinsune surveillance rigoureuse pour la détection d’éventuel-les endo-fuites.

CONCLUSION

Les anévrysmes du TC sont rares, mais présentent unrisque de rupture bien établi. Les résultats du traitementchirurgical électif sont excellents avec un taux de succès

aux alentours de 90 %. Ils doivent donc être opérés lors-que le diamètre est supérieur à deux cm ou que le suiviradiologique (écho-Doppler ou angio-scanner) montreune augmentation nette des mensurations, le traitementendo-vasculaire est sûrement une bonne alternative, sur-tout en cas de risque opératoire élevé, mais ses résultatsdoivent être validés.

RÉFÉRENCES

1. VOHRA R, CARR HM, WELCH M, et al. Management of coeliacartery aneurysms. Br J Surg 1991 ; 78 : 1373-5.

2. GRAHAM LM, STANLEY JC, WHITEHOUSE WM Jr et al. Coeliacartery aneurysms: Historic (1745-1949) versus contemporary(1950-1984) differences in etiology and clinical importance.J Vasc Surg 1985 ; 2 : 757-64.

3. STONE WM, ABBAS MA, GLOVICZKI P et al. Celiac arterial aneu-rysms: a critical reappraisal of a rare entity. Arch Surg 2002 ;137 : 670-4.

4. BROWN OW, HOLLIER LH, PAIROLERO PC, MCCREADY RA. Un-common visceral artery aneurysms. South Med J 1983 ; 76 :1000-1.

5. STANLEY JC, ZELENOCK JB. Splanchnic artery aneurysm. In: Ru-therford RB, ed.Vascular Surgery. Philadelphia, Pa WB Saun-ders Co; 2000:798-813.

6. GABELMANN A, GÖRICH J, MERKLE EM. Endovascular treatmentof visceral artery aneurysms. J Endovasc Ther 2002 ; 9 : 38-47.

7. BAUTISTA-HERNANDEZ V, GUTIERREZ F, CAPEL A. et al. Endo-vascular repair of a concomitant coeliac trunk and abdominalaortic aneurysms in a patient with Behcet’s disease. J EndovascTher 2004 ; 11 : 222-5.

8. ATKINS BZ, RYAN JM, GRAY JL. Treatment of a celiac artery an-eurysm with endovascular stent grafting- a case report. VascEndovascular Surg 2003 ; 37 : 367-73.

9. KNOBLOCH K, LOTZ J, FISCHER S, LEYH R, HAVERICH A,CHAVAN A. Interventional stent graft placement for aneurysmof the celiac trunk. EJVES Extra 2002 ; 4 : 39-41.

FIG 4. – Réimplantation de l’artère hépatique.Reimplantation of the hepatic artery.