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Angulation anormale du genou chez l’enfant PA Cohen R Zeller R Seringe G Kalifa R é s u m é. Les désaxations des membres inférieurs chez l’enfant sont un motif fréquent de consultation. Cette étude comporte dans un premier temps un rappel de l’évolution physiologique des axes des membres inférieurs de l’enfant au cours de sa croissance. La grande majorité des enfants observés présentent des défauts d’alignement qui sont physiologiques. Un bilan radiographique, simple dans un premier temps, puis une surveillance photographique suffisent. Dans de rares cas, ces désaxations correspondent à des phénomènes pathologiques. Le pronostic mécanique et/ou esthétique peut être grevé. Un bilan d’imagerie alors plus complet est indispensable au diagnostic et dans le choix de la conduite thérapeutique. Introduction Une démarche ou une position debout disgracieuse, représentent les motifs les plus fréquents de consultation, qui orientent vers les anomalies d’alignement. Dans la grande majorité des cas, les désaxations répondent à l’histoire naturelle de l’évolution de l’alignement des membres inférieurs (MI) en période de croissance. Le bilan radiologique est d’autant moins justifié que ces anomalies régressent spontanément. La surveillance clinique est suffisante, aidée par la photographie, document de base pour juger de la correction spontanée, progressive. Dans de très rares cas, reconnus par l’examen clinique, la déformation répond à un processus pathologique que la radiographie, alors indispensable, recherchera. Dans un but synthétique, nous considérons que les déformations s’effectuent selon deux plans : – frontal : sur un enfant debout, de face : – les genoux sont en contact, les malléoles s’écartent : genu valgum ; Pierre Alain Cohen : Radiologue, attaché au service de radiologie. Reinhart Zeller : Praticien hospitalier, service de chirurgie orthopédique. Raphaël Seringe : Professeur des Universités, praticien hospitalier, service de chirurgie orthopédique. Gabriel Kalifa : Professeur des Universités, praticien hospitalier, service de radiologie. Hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 82, avenue Denfert-Rochereau, 75674 Paris cedex 14, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Cohen PA, Zeller R, Seringe R et Kalifa G. Angulation anormale du genou chez l’enfant. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Radiodiagnostic – Neuroradiologie-Appareil locomoteur, 31-106-A-10, 1998, 7 p. – les malléoles sont en contact, les genoux s’écartent : genu varum ; – sagittal : sur l’enfant debout, de profil : – les genoux se projettent en arrière des chevilles : genu recurvatum ; – les genoux se projettent en avant : genu flessum. Déviations frontales Rappel physiologique Le genu varum du nouveau-né est une constatation banale, normale [12] . Les os longs du foetus, ceux des MI en particulier, doivent s’adapter à l’exiguïté de la cavité utérine : ce modelage postural est autorisé par la plasticité de l’os et la laxité ligamentaire, physiologiques à cette étape de la vie. De plus, il existe une influence intrinsèque génétique, comme en témoignent les genu varum accentués familiaux, et ceux observés avec une incidence augmentée chez les enfants dont l’origine ethnique est l’Afrique noire. Ils se corrigent spontanément et de façon progressive. De nombreuses études ont retracé l’histoire naturelle de l’alignement des MI de la période néonatale à l’âge adulte : l’angulation en varum décroît jusqu’à 18-24 mois. À cet âge, les membres sont alignés en rectitude, puis un valgum apparaît et va en s’accentuant jusqu’à 2-3 ans pour diminuer et se stabiliser en discret valgum, typique de l’adulte (fig 1). Indications du bilan radiologique L’examen radiologique n’est pas systématique. Une étude radiologique est indiquée si on suspecte une déformation pathologique, en particulier si l’examen clinique préalable a révélé : – le caractère excessif de la déviation pour l’âge de l’enfant ; 31-106-A-10 ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 31-106-A-10 © Elsevier, Paris

Angulation anormale du genou chez l'enfant

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Angulation anormale du genouchez l’enfant

PA CohenR Zeller

R SeringeG Kalifa

R é s u m é. – Les désaxations des membres inférieurs chez l’enfant sont un motiffréquent de consultation.Cette étude comporte dans un premier temps un rappel de l’évolution physiologiquedes axes des membres inférieurs de l’enfant au cours de sa croissance.La grande majorité des enfants observés présentent des défauts d’alignement quisont physiologiques.Un bilan radiographique, simple dans un premier temps, puis une surveillancephotographique suffisent.Dans de rares cas, ces désaxations correspondent à des phénomènes pathologiques.Le pronostic mécanique et/ou esthétique peut être grevé.Un bilan d’imagerie alors plus complet est indispensable au diagnostic et dans lechoix de la conduite thérapeutique.

Introduction

Une démarche ou une position debout disgracieuse, représentent lesmotifs les plus fréquents de consultation, qui orientent vers lesanomalies d’alignement.Dans la grande majorité des cas, les désaxations répondent à l’histoirenaturelle de l’évolution de l’alignement des membres inférieurs (MI) enpériode de croissance.Le bilan radiologique est d’autant moins justifié que ces anomaliesrégressent spontanément.La surveillance clinique est suffisante, aidée par la photographie,document de base pour juger de la correction spontanée, progressive.Dans de très rares cas, reconnus par l’examen clinique, la déformationrépond à un processus pathologique que la radiographie, alorsindispensable, recherchera.Dans un but synthétique, nous considérons que les déformationss’effectuent selon deux plans :– frontal : sur un enfant debout, de face :

– les genoux sont en contact, les malléoles s’écartent : genu valgum ;

Pierre Alain Cohen : Radiologue, attaché au service de radiologie.Reinhart Zeller : Praticien hospitalier, service de chirurgie orthopédique.Raphaël Seringe : Professeur des Universités, praticien hospitalier, service de chirurgieorthopédique.Gabriel Kalifa : Professeur des Universités, praticien hospitalier, service de radiologie.Hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 82, avenue Denfert-Rochereau, 75674 Paris cedex 14,France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Cohen PA, Zeller R, Seringe Ret Kalifa G. Angulation anormale du genou chez l’enfant. Encycl Méd Chir (Elsevier,Paris), Radiodiagnostic – Neuroradiologie-Appareil locomoteur, 31-106-A-10, 1998,7 p.

– les malléoles sont en contact, les genoux s’écartent : genu varum ;– sagittal : sur l’enfant debout, de profil :

– les genoux se projettent en arrière des chevilles : genu recurvatum ;– les genoux se projettent en avant : genu flessum.

Déviations frontales

Rappel physiologique

Le genu varum du nouveau-né est une constatation banale, normale[12].Les os longs du fœtus, ceux des MI en particulier, doivent s’adapter àl’exiguïté de la cavité utérine : ce modelage postural est autorisé par laplasticité de l’os et la laxité ligamentaire, physiologiques à cette étapede la vie.De plus, il existe une influence intrinsèque génétique, comme entémoignent les genu varum accentués familiaux, et ceux observés avecune incidence augmentée chez les enfants dont l’origine ethnique estl’Afrique noire. Ils se corrigent spontanément et de façon progressive.De nombreuses études ont retracé l’histoire naturelle de l’alignementdes MI de la période néonatale à l’âge adulte : l’angulation en varumdécroît jusqu’à 18-24 mois. À cet âge, les membres sont alignés enrectitude, puis un valgum apparaît et va en s’accentuant jusqu’à 2-3 anspour diminuer et se stabiliser en discret valgum, typique de l’adulte(fig 1).

Indications du bilan radiologique

L’examen radiologique n’est pas systématique.Une étude radiologique est indiquée si on suspecte une déformationpathologique, en particulier si l’examen clinique préalable a révélé :– le caractère excessif de la déviation pour l’âge de l’enfant ;

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– le caractère asymétrique de la déformation ou son caractère électif,ne touchant qu’un segment de membre ;– une entrave au bon déroulé du pas ;– une douleur.L’anamnèse permet de connaître les antécédents[3] :– personnels : infections, traumatismes (méconnus, cachés) ;– familiaux.Le médecin apprécie le morphotype global en examinant l’enfant placéen position anatomique (rotules de face) : de dos, de face et de profil.La longueur des membres est mesurée.

Techniques et mesures

Radiologie standard

De première intention, l’exploration radiologique comprend l’étude desMI dans leur ensemble : de face, rotules au zénith, depuis les épinesiliaques antérosupérieures jusqu’aux articulations tibiotarsiennes. Il estessentiel que ce cliché soit pris rotules strictement de face[5].Chez le petit enfant, le cliché est effectué en décubitus dorsal, grâce àune contention, avec des bandes élastiques[9].Chez l’adolescent, le cliché debout peut permettre d’apprécierl’aggravation de la déformation en charge.Les désaxations importantes obligent à un cliché séparé de chaquemembre.On trace les repères classiques de gonométrie :– l’axe mécanique des MI, passant par le centre de la tête fémorale, desplateaux tibiaux et de la mortaise tibiopéronière ;– les axes diaphysaires du fémur et du tibia : le supplément de l’angleainsi formé permet de quantifier l’angulation (fig 2).Des études[11] ont permis d’attribuer des valeurs angulaires moyennesen fonction de l’âge :– angulation en varus : nouveau-né : 17° ; 1 an : 9° ;– angulation en valgus : 2 ans : 2° ; 3 ans : 11° ; 13 ans : 5-6° ; chezl’adulte : inférieure à 5°.En outre, sont analysés :

– la minéralisation et la structure osseuses ;– le cartilage de conjugaison (CC) ;– les métaphyses et les épiphyses ;– l’interligne articulaire.

Tomodensitométrie (TDM)

Rarement pratiquée avant l’âge de 8 ans, elle permet d’évaluer lestorsions ; elle donne, en préopératoire, une analyse structurale.

Imagerie par résonance magnétique (IRM)

C’est une méthode encore à l’étude pour l’analyse du CC en permettantun bilan lésionnel dans tous les plans de l’espace.

Formes étiologiques

Genu varum(tableau I)

Plus fréquent que le genu valgum, il répond dans la majorité des cas auxdeux premières étiologies indiquées ci-après.

Genu varum physiologique

L’arcature tibiale du tout-petit est bénigne et correspond à une inflexionmétaphysaire du tibia avec une torsion interne associée. Cette forme estspontanément résolutive dans la majorité des cas après la premièreannée. La surveillance clinique et les photographies suffisent.

Genu varum idiopathique

Ce n’est en fait que l’accentuation du phénomène physiologique, plussévère, persistant au cours de la deuxième année de vie, souvent chez lessujets de race noire avec une torsion tibiale majeure. L’histoire familialeretrouve des déformations similaires spontanément résolutives chez les

1 Évolution des axes au cours de la croissance, d’après [13].

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2 A. Axe mécanique du membre inférieur.B. Axes diaphysaires du fémur et du tibia, mesure de l’angulation.

A B

Tableau I. – Étiologies.

– Physiologique (en fonction de l’âge)

– Idiopathique

– Tibia vara (maladie de Blount)

– Traumatismes

– Rachitisme

– Maladies osseuses constitutionnelles

– Syndrome de Turner

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aînés. L’incurvation est tibiale et fémorale. L’angulation estharmonieuse, bilatérale, le plus souvent symétrique. La marche estdandinante, sans caractère douloureux.Le pronostic est favorable, une surveillance clinique tous les 6 mois estnécessaire afin de dépister une éventuelle forme de passage vers lamaladie de Blount.Dans ce contexte, la radiographie est inutile. En effet, la surveillanceclinique et/ou la photographie des MI permettent de contrôler lacorrection spontanée et progressive (fig 3).Lorsqu’elle est pratiquée, la radiographie montre[10] :– l’adduction des tibias par rapport aux fémurs ;– l’incurvation harmonieuse des deux os à convexité externe ;– l’angulation modérée, fréquente, des métaphyses tibiales dont lesversants internes sont trop soulignés. Ceux-ci sont souvent aplatis etdéformés en « becs » ;– l’épaississement régulier des corticales internes, des fémurs et destibias ;– une discrète asymétrie d’ossification des noyaux épiphysaires auxdépens de leur portion interne.La surveillance est clinique, mais chez l’enfant noir, il faudra toujoursavoir l’arrière-pensée d’une maladie de Blount.

Tibia vara ou maladie de Blount

Cette affection rare a été décrite par Blount en 1937.Il importe de la reconnaître précocement : le pronostic dépend de laprécocité du traitement orthopédique.

• Étiologie

Elle est mal connue.Des facteurs génétiques sont probables : son incidence est élevée danscertaines familles et parmi les populations antillaises et scandinaves.Les enfants africains et antillais acquièrent la station debout et la marcheplus précocement que les enfants caucasiens, et présentent unehyperlaxité ligamentaire.Le genu varum excessif est responsable d’une démarche particulière,cuisses en abduction, hanches en rotation externe et genoux en flessum.L’hyperlordose lombaire rééquilibre ces enfants.Il en résulte une répartition préférentielle des forces mécaniques sur lesversants internes et postérieurs des plateaux tibiaux (fig 4).Ce facteur a été incriminé dans la genèse de la maladie. Cette hypothèseest d’ailleurs corroborée par l’histologie qui ne trouve pas de signes denécrose avasculaire, mais plutôt des stigmates en faveur de l’étiologiemicrotraumatique.

• Description clinique

Il existe deux formes :– la forme infantile qui atteint l’enfant entre 1 et 3 ans est le plus souventbilatérale ;– la forme prépubertaire (8-14 ans), moins fréquente, volontiersunilatérale, d’évolution plus lente, et qui affecte l’enfant souvent obèse.Cliniquement, l’accentuation de la déformation peut être difficile àdiscerner d’un aspect physiologique ; la douleur est rarement présente.La palpation note, juste en dessous du genou du côté interne, une saillieosseuse.Une discrète inégalité de longueur des MI peut être constatée.Radiographiquement, au tout début, les clichés montrent unaffaissement du versant interne de la métaphyse tibiale (fig 5).Une valeur seuil de 11° a été proposée[7] à l’angle formé par lecroisement de l’axe métaphysaire transversal avec la perpendiculaire àl’axe diaphysaire tibial (fig 6).Au fur et à mesure de l’évolution, ils mettent en évidence :– l’accentuation de cet effondrement qui peut s’étendre à la totalité dela métaphyse ;– l’adduction du tibia par rapport au fémur sans courbure intrinsèquede ces os ;– la fragmentation du noyau épiphysaire ; puis, rarement, au stadetardif, la création d’une épiphysiodèse ;

– parfois un épaississement des corticales internes ;– en cas de remaniements importants, une subluxation fémorotibialelatérale (fig 7).Rarement indiqué, le geste chirurgical consiste en une ostéotomie tibialede réaxation.Le problème du diagnostic différentiel ne se pose pas en général : lessignes radiologiques sont caractéristiques.Il faudra cependant toujours veiller à écarter le rachitisme (en particulierdans ses formes partielles, par vitaminothérapie insuffisante), d’autantplus que chez l’enfant noir, l’incidence de cette maladie est plus élevée.

3 A. Enfant à l’âge de 1 an et 6 mois.B. Même enfant à 2 ans et 4 mois.

A B

4 A, B. Genu varum excessif, asymétrique, chez un enfant d’origine africaineprésentant une maladie de Blount.

A B

5 Maladie de Blount bilatérale.

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RachitismeC’est toujours une maladie d’actualité qu’il faut avoir à l’esprit[2].Les déformations des MI seraient plus fréquentes, selon Swischuk dansla forme vitaminorésistante que dans la forme carentielle. Devant unedistance intercondylienne supérieure à 5 cm, on recherchesystématiquement un rachitisme.L’ensemble de la structure osseuse est modifié. Les signes radiologiquesqui caractérisent le rachitisme sont observés au niveau des métaphyseset des épiphyses, en particulier aux poignets (extrémités inférieures duradius et du cubitus), aux genoux, et au thorax (extrémités antérieuresdes arcs costaux).– Les métaphyses sont élargies, de limites floues et d’aspect« grignoté » : elles sont déformées latéralement par des becs.– Le CC est de hauteur augmentée (+++).– Les points d’ossification, d’apparition retardée, sont flous etirréguliers (fig 8).Les déformations métaphysodiaphysaires sont d’aspect différent selonl’âge auquel la maladie se développe et peuvent s’exercer selondifférents plans, et en particulier dans le plan frontal (genu varum etvalgum).La radiographie standard permet de reconnaître la maladie, de quantifierles déformations axiales et de surveiller l’évolution sous traitement. Lerachitisme carentiel se voit avant tout chez les sujets transplantés et chezles sujets de race noire. Le rachitisme vitaminorésistant doit êtrerecherché en cas d’antécédents familiaux. En effet, dans sa forme la plusfréquente, il s’agit d’une affection se transmettant sur un modeincomplètement dominant et lié au sexe. Dans ce contexte, le diagnosticest évoqué devant un enfant présentant un genu varum souventasymétrique, quelquefois associé à un genu valgum controlatéral avecun retard de croissance en dessous du cinquième percentile.Le diagnostic est confirmé par le bilan phosphocalcique avec unecalcémie normale ou abaissée, une phosphorémie basse et une élévationdes phosphatases alcalines.

ÉpiphysiodèseDéfinition : c’est la fusion prématurée du CC ; quand elle estpériphérique interne, elle est alors responsable d’un genu varum.

• Étiologies

Elles sont indiquées dans le tableau II.

• Diagnostic

La radiographie standard conduit au diagnostic (fig 9) ; lestomographies, si on ne dispose pas de scanner, réalisées en incidencesorthogonales visualisent le pont osseux périphérique interne.La TDM en coupes fines et reconstruction 2D permet de déterminer lepourcentage de fusion, dont dépend l’indication opératoire.L’examen IRM représente peut-être la méthode d’imagerie d’avenir[4] :il visualise bien le CC en séquence pondérée T1 ; il est de signalanalogue à celui du cartilage articulaire, c’est-à-dire en hyposignal parrapport à la moelle osseuse de la métaphyse et de l’épiphyse. Lesanomalies d’homogénéité seront aisément détectées.L’étude spatiale que permet cet examen guide le chirurgien enpréopératoire.

C

B

H

6 Angle mesuré pour apprécierl’affaissement métaphysaire interne.

7 Maladie de Blount augenou droit.

8 Rachitisme : genu varum bilatéral.

Tableau II. – Étiologies.

– Bacilles de Koch– Infections – Bactériennes

– Virales

Fréquentes – Salter 4 ou 5– Méconnus

– Traumatismes – Cachés (syndrome deSilverman)– Iatrogènes

– Immobilisation prolon-gée– Hypervitaminose A

Moins fréquentes – Radiothérapie– Agression thermique Gelures, brûlures– MOC– Tumeurs (ostéome,ostéoïde...)

MOC : maladies osseuses constitutionnelles.

9 Épiphysiodèse : séquelles traumatiques(genou droit).

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Maladies osseuses constitutionnelles (MOC)

Les déformations s’intègrent dans une dysmorphie évidente : le genuvarum, au second plan, est alors aisément rattaché à la maladie primitive.Il faut distinguer, à la limite des MOC, le syndrome de Turner.

Syndrome de Turner

Il s’agit d’une aberration chromosomique (45XO, ou mosaïquesXO/XX) qui se caractérise par :

– un retard statural, observable dès la naissance ;

– une absence de développement des caractères sexuels secondaires ;

– des malformations viscérales et squelettiques.

Parmi les malformations osseuses, celles situées au genou sontresponsables d’une déformation en varum. Elles sont rarement vuesavant l’âge de 7 ans.

La radiographie permet de retrouver les éléments des signes deKosowicz (fig 10) :

– le plateau tibial interne est concave, oblique en bas et en dedans ; lamétaphyse sous-jacente est élargie, prolongée très souvent par uneexostose périphérique ;

– les condyles fémoraux sont asymétriques, le condyle interne étant dehauteur excessive.

Les autres signes radiologiques, observés plus précocement, confirmentle diagnostic[8] :

– retard d’âge osseux ;

– brièveté des métacarpiens IV et V ;

– fermeture de l’angle carpien ;

– phalanges distales en « baguettes de tambour » ;

– présence de la malformation de Madelung associant une brièveté duradius, qui est incurvé et convexe en dehors, à une luxation dorsale del’extrémité inférieure cubitale.

Enfin il existe une hypertransparence des os et une trame osseused’aspect grossier.

L’étude du caryotype met en évidence l’anomalie chromosomique.

Genu valgum

Le genu valgum physiologique est fréquemment observé entre 2 et 7 ans.Il est symétrique et atteint sa plus grande fréquence vers 3-4 ans.

Le genu valgum unilatéral, en revanche, est presque toujourspathologique.

Les étiologies de ces formes sont données dans le tableau III.

• Essentiel

Il se caractérise par des valeurs angulaires situées au-delà des limitesadmises pour l’âge.

Cette forme est la plus fréquente et concerne souvent des enfantshyperlaxes, porteurs d’une surcharge pondérale.

Au-delà de 10°, le valgum entraîne un étirement excessif du ligamentlatéral interne ; parfois, un geste chirurgical de réaxation peut êtrejustifié.

La radiographie permet alors de quantifier le valgum.

• Secondaire

La clinique fait soupçonner une étiologie morbide si elle retrouve leséléments précédemment décrits pour le genu varum.

La radiographie permettra le diagnostic du mécanisme causal.

Déviations sagittales

Technique radiologique et résultats

Des incidences orthogonales (face-profil) des membres dans leur totalitésont réalisées.Le tracé des axes mécaniques (axes diaphysaires, fémoral et tibial ; ainsique la perpendiculaire à ce dernier, tangente aux plateaux tibiaux)permet la formation d’un angle ouvert en avant : celui-ci ne doit pasexcéder 96°[6].On évalue également le recurvatum global (Rg) et le recurvatum tibial(Rt).Cette construction permet de distinguer les composantes osseuses descomposantes capsuloligamentaires (fig 11).

Formes étiologiques

Genu recurvatum (GR)(tableau IV)

• Congénital

Il peut répondre au syndrome de Larsen, ou dislocation congénitale desgenoux, allant de la subluxation fémorotibiale où la trochlée est alors aucontact des plateaux tibiaux dans leur partie postérieure, jusqu’à la pertecomplète des rapports articulaires (fig 12).La radiologie précise en outre les déformations métaphysaires etépiphysaires.

• Secondaire

Il peut être secondaire à un traumatisme (souvent méconnu) de la faceantérieure du genou impliquant la tubérosité tibiale antérieure, avec pourconséquence, la fusion prématurée de celle-ci, ou à un traumatismetouchant la capsule et les ligaments (points d’angle postéro-interne et

10 Signes de Ko-sowicz (syndrome deTurner).

Tableau III. – Étiologies.

– Physiologique– Pieds « plats »– Déficit musculaire régional– Rachitisme– Traumatisme (épiphysiodèse)– MOC

MOC : maladies osseuses constitutionnelles.

Tableau IV. – Étiologies.

– Traumatisme

– Infection

– MOC

– Rachitisme

– Causes musculoligamentaires :– constitutionnelles :

– syndrome de Larsen– syndrome d’Ehlers-Danlos

– acquises :– poliomyélite– iatrogènes

MOC : maladies osseuses constitutionnelles.

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postéroexterne) qui provoque un défaut de verrouillage del’articulation ; l’extension se poursuit alors au-delà du « point 0 ».

Genu flessum

L’extension complète du genou est impossible.Outre les étiologies analogues à celles du GR, on trouve :– la luxation congénitale des rotules, où le système extenseur du genouest en position latérale externe aberrante ;– les séquelles d’injections intramusculaires à la face externe duquadriceps.

Incurvations tibiales congénitales

Nous les avons faites entrer dans ce cadre, bien qu’il s’agissed’étiologies différentes.Ces entités sont reconnues beaucoup plus précocement, et ladétermination de leur étiologie est très importante, en raison de la valeurpronostique indiscutable de celle-ci.La forme dont le pronostic est mauvais est l’incurvation du tibia àconvexité antéroexterne : le pied est normal. Le risque de fracture et depseudarthrose est majeur. L’association à la neurofibromatose estfréquente.Le traitement chirurgical est aléatoire (échecs fréquents aboutissantparfois à l’amputation) car il existe le plus souvent des anomalieslocalisées de la structure osseuse, qui empêchent la consolidation.La radiographie montre un os de structure anormale (souvent dense ethétérogène), au canal médullaire rétréci (fig 13).

Les autres incurvations ont un pronostic bénin : elles n’entraînent qu’unraccourcissement du membre :

– à convexité antéro-interne, elle est associée à un valgus équin dupied ;

– à convexité postéro-interne avec valgus du calcanéum, elle peut êtrede découverte plus tardive (10-12 ans) à l’occasion de la constatationd’une inégalité de longueur des MI.

Il a été récemment rapporté[1] des cas d’incurvation antéroexterneassociée à une bifidité du gros orteil homolatéral et une anomalie de lamain : ce type correspond à une forme mineure de duplication tibiale depronostic bénin.

La TDM, en cas de doute, permet de la reconnaître en montrant les deuxsegments osseux emboîtés (fig 14).

Le problème à long terme n’est pas la pseudarthrose, mais leraccourcissement tibial.

•• •

Les anomalies d’alignement des MI de l’enfant (à l’exception decelles des pieds) répondent pour la grande majorité des cas àl’histoire naturelle de l’évolution des axes, au cours de lacroissance. La surveillance clinique et/ou photographique suffit.

Rarement, un processus pathologique en est responsable.

La radiographie standard, loin d’être systématique, oriente lediagnostic.

Dans de très rares cas, l’indication du traitement chirurgicalcorrecteur sera posée : en préopératoire, la TDM et l’examen IRMreprésentent les méthodes d’imagerie de choix.

Rt = 96°

Rg

11 La différence Rg-Rt donne la va-leur de la composante capsuloliga-mentaire du recurvatum. Rg : recur-vatum global ; Rt : recurvatumtibial [6].

12 A. Dislocation congénitale du genou gauche.B. Aspect réductible de la dislocation congénitale du genou gauche.

A B

13 Pseudarthrose congénitale du tibia.

14 Aspect tomodensitométri-que d’une duplication tibiale mi-neure (tibia droit).

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