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140 janvier 2012 24 La réécriture du mythe des Atrides Annexes Document 1 Document 2 Programme du théâtre de la Cité (saisons 1942-1943 et 1943-1944) « […] Argos. Une ville sombre sous un soleil de feu. Les mouches l’infestent, les remords l’accablent. Quinze ans plus tôt, Clytemnestre, la femme du roi Agamemnon, l’a assassiné avec la complicité d’Égisthe. Égisthe a pris le pou- voir, il a institué des cultes étranges qui main- tiennent ses sujets dans une abjecte humilité. Oreste, fils du roi mort, revient dans sa patrie : il ne songe point à venger son père, il aurait horreur de verser le sang mais il est las de sa vie errante d’exilé, il voudrait retrouver une place, fût-ce la plus humble, dans sa ville natale. En vain. Sa sœur Électre elle-même le repousse : l’usurpateur l’a réduite au rang d’esclave, elle se dissimule sa honte sous des rêves de vengeance et de haine. Elle ne peut reconnaître en le jeune voyageur, hésitant et timide, doux comme une fille, le libérateur qu’elle attendait. Oreste s’en ira-t-il ? Reprendra-t-il le chemin de l’exil ? Voici qu’il découvre en lui une liberté singulière et terrible. Il tuera Égisthe et Clytemnestre, il délivrera les gens d’Argos et puis, il partira, emmenant avec lui toutes les mouches de la ville : car les mouches étaient les Érinyes, les déesses des remords. Mais elles bourdonneront vainement autour de sa tête. Oreste sait qu’il est libre, il assume librement son crime, il ne se repentira pas. » Nous reprenons ici la proposition faite par Jean-Louis Jeannelle dans Les Mouches de Jean-Paul Sartre, coll. « Connaissance d'une œuvre », éd. Bréal. Acte I, scène I (p. 105 à 120) : Oreste, accom- pagné du Pédagogue, arrive sur une place d'Argos. À la recherche du palais d'Égisthe, ils demandent leur chemin à des femmes qui s'enfuient à leur approche. Un homme, dont le Pédagogue note la ressemblance avec Jupiter Ahenobarbus, et qui les suit depuis longtemps, les aborde. Il se présente sous le nom de Démétrios et leur conte l'histoire d'Argos. Les dieux ont envoyé sur cette ville des mouches, symboles de la culpabilité qui pèse sur ce peuple qui s'est fait le complice du meurtre d'Agamemnon, tué par Clytemnestre, sa femme, et Égisthe, l'amant de celle-ci. Égisthe règne sur Argos depuis quinze ans et toute la ville vit plongée dans la contrition et le remords. Électre, la fille d'Agamemnon et de Clytemnestre habite encore dans le palais, mais on ne sait quel a été le sort d'Oreste, son frère : a-t-il été assassiné par Égisthe ou a-t-il été recueilli par des bour- geois d'Athènes ? Oreste dit se nommer Philèbe et venir de Corinthe. Démétrios-Jupiter livre alors à Philèbe les conseils qu'il adresserait à Oreste s'il se présentait devant Argos : il lui faut partir sous peine de détourner les habitants de la voie du rachat et de provoquer ainsi leur malheur. Philèbe-Oreste admet que tout cela ne le regarde pas. Scène II (p. 120 à 126) : restés seuls, Oreste et le Pédagogue s'entretiennent de la jeunesse d'Oreste, qui, malgré l'éducation qu'il a reçue, se plaint de n'avoir aucun souvenir. Oreste pense n'être qu'une liberté vide, il affirme envier les autres hommes qui naissent « engagés », et qui savent qu'ils vont « quelque part ». Il imagine alors l'enfance qu'il aurait menée dans ce palais, qui ne lui évoque cependant rien : ce n'est pas son palais. Oreste décide de partir, mais regrette de ne pouvoir être accueilli et combler ainsi le vide de son cœur. Scènes III et IV (pp. 126-128 ; pp. 129-135) : au moment de partir, il surprend une femme qui vient couvrir la statue de Jupiter d'ordures et d'injures. Elle menace le dieu en affirmant qu'un homme viendra et renversera la statue. Oreste s'approche, se présente sous sa fausse identité et apprend qu'il s'agit d'Électre. Il l'interroge sur son existence qu'elle décrit comme celle d'une esclave au service d'un usurpateur et d'une mère qu'elle hait. Électre l'interroge à son tour sur Corinthe et s'émèrveille à l'évocation d'une vie si douce, libérée des remords. Scènes V et VI (pp. 136-144 ; pp. 145-146) : arrive Clytemnestre qui rappelle à Électre qu'elle doit passer sa robe noire pour la cérémonie qui va avoir lieu. Devant la résistance de celle- ci, Clytemnestre déclare se reconnaître dans

Annexes La réécriture du mythe des Atridescrdp.ac-paris.fr/piece-demontee/pdf/mouches_annexes.pdf · n'être qu'une liberté vide, il affirme envier les autres hommes qui naissent

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    La rcriture du mythe des Atrides

    Annexes

    Document 1

    Document 2

    Programme du thtre de la Cit (saisons 1942-1943 et 1943-1944)

    [] Argos. Une ville sombre sous un soleil de feu. Les mouches linfestent, les remords laccablent. Quinze ans plus tt, Clytemnestre, la femme du roi Agamemnon, la assassin avec la complicit dgisthe. gisthe a pris le pou-voir, il a institu des cultes tranges qui main-tiennent ses sujets dans une abjecte humilit. Oreste, fils du roi mort, revient dans sa patrie : il ne songe point venger son pre, il aurait horreur de verser le sang mais il est las de sa vie errante dexil, il voudrait retrouver une place, ft-ce la plus humble, dans sa ville natale. En vain. Sa sur lectre elle-mme le repousse :

    lusurpateur la rduite au rang desclave, elle se dissimule sa honte sous des rves de vengeance et de haine. Elle ne peut reconnatre en le jeune voyageur, hsitant et timide, doux comme une fille, le librateur quelle attendait. Oreste sen ira-t-il ? Reprendra-t-il le chemin de lexil ? Voici quil dcouvre en lui une libert singulire et terrible. il tuera gisthe et Clytemnestre, il dlivrera les gens dArgos et puis, il partira, emmenant avec lui toutes les mouches de la ville : car les mouches taient les rinyes, les desses des remords. Mais elles bourdonneront vainement autour de sa tte. Oreste sait quil est libre, il assume librement son crime, il ne se repentira pas.

    Nous reprenons ici la proposition faite par Jean-Louis Jeannelle dans Les Mouches de Jean-Paul Sartre, coll. Connaissance d'une uvre , d. Bral.

    Acte I, scne I (p. 105 120) : Oreste, accom-pagn du Pdagogue, arrive sur une place d'Argos. la recherche du palais d'gisthe, ils demandent leur chemin des femmes qui s'enfuient leur approche. Un homme, dont le Pdagogue note la ressemblance avec Jupiter Ahenobarbus, et qui les suit depuis longtemps,les aborde. il se prsente sous le nom de Dmtrios et leur conte l'histoire d'Argos. Les dieux ont envoy sur cette ville des mouches, symboles de la culpabilit qui pse sur ce peuple qui s'est fait le complice du meurtre d'Agamemnon, tu par Clytemnestre, sa femme, et gisthe, l'amant de celle-ci. gisthe rgne sur Argos depuis quinze ans et toute la ville vit plonge dans la contrition et le remords. lectre, la fille d'Agamemnon et de Clytemnestre habite encore dans le palais, mais on ne sait quel a t le sort d'Oreste, son frre : a-t-il t assassin par gisthe ou a-t-il t recueilli par des bour-geois d'Athnes ? Oreste dit se nommer Philbe et venir de Corinthe. Dmtrios-Jupiter livre alors Philbe les conseils qu'il adresserait Oreste s'il se prsentait devant Argos : il lui faut partir sous peine de dtourner les habitants de la voie du rachat et de provoquer ainsi leur

    malheur. Philbe-Oreste admet que tout cela ne le regarde pas.Scne II (p. 120 126) : rests seuls, Oreste et le Pdagogue s'entretiennent de la jeunesse d'Oreste, qui, malgr l'ducation qu'il a reue, se plaint de n'avoir aucun souvenir. Oreste pense n'tre qu'une libert vide, il affirme envier les autres hommes qui naissent engags , et qui savent qu'ils vont quelque part . il imagine alors l'enfance qu'il aurait mene dans ce palais, qui ne lui voque cependant rien : ce n'est pas son palais. Oreste dcide de partir, mais regrette de ne pouvoir tre accueilli et combler ainsi levide de son cur.Scnes III et IV (pp. 126-128 ; pp. 129-135) : au moment de partir, il surprend une femme qui vient couvrir la statue de Jupiter d'ordures et d'injures. Elle menace le dieu en affirmant qu'un homme viendra et renversera la statue. Oreste s'approche, se prsente sous sa fausse identit et apprend qu'il s'agit d'lectre. il l'interroge sur son existence qu'elle dcrit comme celle d'une esclave au service d'un usurpateur et d'une mre qu'elle hait. lectre l'interroge son tour sur Corinthe et s'mrveille l'vocation d'une vie si douce, libre des remords.Scnes V et VI (pp. 136-144 ; pp. 145-146) : arrive Clytemnestre qui rappelle lectre qu'elle doit passer sa robe noire pour la crmonie qui va avoir lieu. Devant la rsistance de celle-ci, Clytemnestre dclare se reconnatre dans

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    le visage de sa fille, ce que confirme Oreste. Clytemnestre se prsente Philbe-Oreste maiselle est interrompue par lectre qui ironise et l'accuse de prendre plaisir se confesser publiquement, comme le font tous les habi-tants d'Argos. La reine dclare ne pas regretter le meurtre de son mari et demande Philbe-Oreste de partir, mais lectre le presse de resterafin d'assister la fte des morts.Aprs leur dpart, Dmtrios-Jupiter vient pro-poser au jeune homme ses services pour l'aider quitter la ville, mais voyant que celle-ci a chang d'avis, il l'invite loger avec lui dans une auberge.Acte II, premier tableau, scnes I, II, III (pp. 150-154 ; pp. 155-160 ; pp. 161-168) : sur une plate-forme dans la montagne, devant une caverne ferme par une grande pierre, les Argiens attendent avec angoisse le dbut de la crmonie. C'est lectre que l'on attend, mais les gardes ne la trouvent pas. On te donc la pierre et le Grand Prtre invoque les morts en dansant au son d'un tam-tam. gisthe veille la terreur de la foule et rappelle chacun ses crimes. toute la foule crie piti. lectre apparat alors, vtue de blanc au lieu d'tre en deuil, suscitant la frayeur et l'indignation des Argiens. Elle dclare devant tous que son bonheur rjouit au contraire son pre, et elle exhorte les Argiens la joie. Elle danse et demande ses morts de ne faire aucun signe s'ils approuvent sa conduite. Des gens dans la foule se retournent contre gisthe, mais Jupiterfait rouler la pierre. Les Argiens accusent donc lectre de les avoir tromps, et gisthe la condamne l'exil. lectre reste seule avec Oreste.Scne IV (pp. 168-184) : lectre dit philbe-Oreste qu'il l'a trompe en lui faisant oublier sa haine. Elle refuse de fuir d'Argos avec lui et ne souhaite plus que pouvoir se venger. Elle dclare attendre son frre. S'il refusait son destin, elle ne pourrait que le mpriser. Philbe alors dvoile sa vritable identit. lectre refuse de partir avec lui et se moque de sa belle me .Oreste, renvoy sa solitude, tranger aux autres et lui-mme, invoque alors Zeus en lui demandant de lui montrer le bien. Une lumire qui fuse d'une pierre signifie alors Oreste de partir d'Argos. Mais un changement se produit en Oreste qui dclare qu'il y a un autre che-min , son chemin. il doit prsent quitter la lgret de sa jeunesse, prendre de force cette ville qui le refuse, et voler les remords des Argiens. il ne s'agit cependant pas pour lui d'expier et lectre appelle pour la premire fois son frre par son vritable nom. prsent, ce qu'elle attendait et qu'elle redoutait tant vas'accomplir.Deuxime tableau, scnes I, II, III, IV (p. 185 ;

    pp. 186-189 ; pp. 190-192 ; p. 192) : Oreste et lectre se sont introduits dans le palais. ils se cachent derrire le trne lorsque deux soldats entrent. ils se plaignent des mouches et imaginent q'Agamemnon les observe, assis sur son trne. gisthe et Clytemnestre entrent. Le roi dclare tre las de toute cette comdie et ne plus pouvoir porter ainsi bout de bras les remords de tout un peuple. Lui-mme craint la prsence de celui qu'il a assassin, alors qu'il n'a invent la fable de la crmonie des morts que pour effrayer le peuple. il renvoie Clytemnestre et se lamente du vide qu'il sent en lui.Scnes V, VI, VII, VIII (pp. 193-203 ; pp. 204-206 ; pp. 207-208 ; pp. 208-212) : gisthe ne reconnat pas immdiatement Jupiter, qui entre dans la salle du trne et qui vient l'avertir du danger qui le menace. Mais gisthe refuse de faire arrter lectre et Oreste. il ne veut plus accomplir les desseins de Jupiter et se montre jaloux de l'attention que celui-ci porte Oreste, alors que lui-mme paye sa faute depuis si longtemps. Jupiter lui montre comment son crime irrflchi lui a servi plonger toute une ville dans le repentir. Le crime d'Oreste ne lui sera d'aucune utilit car celui-ci ne le regret-tera pas. Jupiter invoque l'Ordre ; gisthe seul peut arrter Oreste, car les dieux ne peuvent frapper un homme lorsqu'il a pris conscience de sa libert. Cependant, lorsqu' Oreste l'attaque, gisthe se laisse assassiner. lectre hsite alors et Oreste va seul dans la chambre de Clytemnestre. lectre doit s'exhorter vouloir pleinement ces crimes dont elle a rv. son retour, Oreste dclare qu'il est libre et qu'il vient de natre et de faire natre sa sur. Celle-ci dit ne pas se sentir libre aprs cet acte. Elle s'effraie de voir les mouches fondre sur eux. ils se refugient dans le temple d'Apollon.Acte III, scne I (pp. 215-225) : Oreste et lectre dorment au pied de la statue d'Apollon, veills par les rinnyes qui se rjouissent l'ide de faire souffrir ces deux jeunes gens. lectre s'veille d'un cauchemar : sa mre tait tombe et saignait abondamment. Elle repousse Oreste, qui reconnat le visage de Clytemnestre dans celui de sa sur. Les ritmyes voquent alors la mort de Clytemnestre et poussent lectre accuser son frre d'avoir t le bour-reau de sa propre mre. Oreste l'assure souffrir lui aussi au souvenir de cette mort. Mais il ne regrette pas cet acte, car il est libre, par-del l'angoisse et les souvenirs . Mais lectre dclare qu'elle le hait et veut le fuir. Elle tombe dans les griffes des rinnyes.Scne II (pp. 225 -239) : Jupiter entre et loigne les rinnyes. il fait preuve d'ironie

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    et tente de faire flchir Oreste. Mais, ni sa dchance, ni celle de sa sur ne lui font regretter son acte : lectre est seule pou-voir allger ses souffrances, car elle est libre. Jupiter leur demande de se repentir. il dit lectre qu'elle n'a pas voulu le mal, mais a rv ce crime et a agi en petite fille. Oreste tente d'empcher sa sur de renier son acte et il refuse de prendre le pouvoir d'gisthe que lui propose Jupiter. Celui-ci, afin de briser l'orgueil d'Oreste, fait apparatre les constel-lations clestes qui tmoignent de l'harmonie de la nature. tout homme doit se soumettre la volont de son crateur. Mais Oreste dclare que la nature tout entire peut l'craser, il n'enest pas moins libre. il est sa propre libert, quelle que soit sa situation. il ne peut suivre que son propre chemin. il dcide donc de rv-ler aux Argiens leur libert. Jupiter se retire alors. Mais son rgne n'a pas encore pris fin et il appelle lectre tre de son ct.

    Scnes III, IV, V, VI (pp. 239-241 ; pp. 242 : 243 ;pp. 243-244 ; pp. 245-246) : celle-ci s'apprte le suivre. Oreste lui propose de l'accompagner dans son errance. Mais lectre choisit la voie du repentir et se fait l'esclave de Jupiter. Oreste reste seul avec les rinnyes. Le Pdagogue apparat alors : il annonce son matre que les Argiens assigent le temple pour le mettre mort. Oreste lui ordonne d'ouvrir la porte dutemple car il veut parler son peuple. La foule fait cependant silence lorsqu'il se pr-sente comme Oreste, fils d'Agamemnon et qu'il dsigne ce jour comme celui de son couron-nement. il leur fait peur car il n'est pas des leurs. Contrairement gisthe, il ne regrette pas son crime, mais le revendique devant tous. Oreste choisit de s'exiler et conte aux Argiens l'histoire de Scyros, infeste par les rats. Un jour, un joueur de flte vint dans la ville : tous les rats se mirent le suivre et il disparut avec eux, comme ceci : Oreste s'enfuit alors, pour-suivi par les rinnyes.

    Tableau emprunt Alain Beretta, tude sur Jean-Paul Sartre, Les Mouches, coll. preuve de franais , d. Ellipses, 1997.

    Au cours d'un festin, Tantale servit aux dieux son fils Plops, qui fut ensuite ressuscit.

    Plops pousa Hippodamie aprs avoir triomph d'namaos, roi d'lide, avec l'aide du cocher Myrtilos, dans une course de chars dont la jeune fille tait l'enjeu.Atre et Thyeste furent des frres ennemis : se disputant leurs pouses : Thyeste sduisit Arop ;Plopia, aprs une relation incestueuse avec son pre Thyeste, dont naquit gisthe, pousa son oncle Atre ; se disputant le pouvoir : quand Atre fut lu roi de Mycnes, il bannit Thyeste, puis, feignant une rconci-liation, l'invita un banquet o il lui servit ses deux enfants, qu'il avait massacrs.

    gisthe rgna avec son pre Thyeste Mycnes avant d'en tre chass par Agamemnon. Pendant l'absence de ce dernier, parti pour le sige de Troie, il sduisit Clytem-nestre et, quand le roi revint, il le fit assassiner.

    lectre et Oreste vengrent le meurtre d'Agamemnon en tuant gisthe et Clytemnestre sept ans aprs. Les dieux, frapps d'horreur, dpchrent Oreste les Erinyes, mais Apollon le dfendit et Athna l'acquitta de son meurtre.lectre protgea galement son frre de la colre de son peuple. Sauv par Iphignie en Tauride, Oreste succda son pre et pousa Hermione. lectre pousa Pylade, cousin et ami d'Oreste.

    ARES ZEUS

    OENAMAOS TANTALE

    PELOPSHIPPODAMIE

    AEROPE

    MENELAS

    HELENE

    CHRYSOTHEMIS IPHIGENIE ORESTE

    HERMIONEfille de Mnlas et Hlne

    PYLADEami dOreste

    ELECTRE

    AGAMEMNON CLYTEMNESTRE EGISTHE

    ATREE TRYESTE PELOPIA

    PLOUTO(nymphe)

    AVEC L'AiMAbLE AUtORiSAtiOn DES DitiOnS ELLiPSES

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    Michel Leiris, Oreste et la Cit , Les Lettres franaises, n 12, dcembre 1943, p.1-3.

    Au moment de la cration des Mouches, l'cri-vain Michel Leiris rdige un compte rendu qui parat clandestinement dans Les Lettres franaises. il donne, en quelque sorte, le point de vue et l'assentiment du milieu littraire rsistant, clairant le message politique et philosophique de la pice avec beaucoup de perspicacit.Les mouches j'entends ici : les vraies, les poli-cires, celles qui pullulent dans les joumaux sti-pendis ont bourdonn trs fort, l't dernier,contre ces autres Mouches, pice dont le thmeest celui de l'Orestie d'Eschyle et qui vient d'trereprise au thtre de la Cit.L'aubaine tait en effet excellente, car dans cette uvre telle qu'on n'en avait pas vu en France d'aussi puissante depuis nombre d'an-nes un problme crucial est abord : celui de la libert comme fondement mme de l'homme ou condition sine qua non pour qu'il y ait, au sens strict du terme, humanit .inutile de rappeler ici, autrement qu'en quelques mots, le sujet de l'Orestie : aprs le meurtre d'Agamemnon, roi d'Argos et de Mycnes, par son pouse Clytemnestre qu'assiste son amant gisthe, le fils d'Agamemnon, Oreste, aid de sa sur lectre que les deux meurtriers ont rduiteen servage, les tue et dlivre du mme coup Argos de leur tyrannie ; rfugi Athnes, Oreste, protg par Apollon et par Minerve, fait sa paix avec les rinyes, qui le poursuivaient en tant que prposes par les dieux la vengeance du sang matemel.De l'Orestie, Les mouches ont repris le thme central : chtiment de Clytemnestre et d'gisthe par le jeune Oreste, qui doit ensuite faire faceaux rinyes, ici reprsentes sous la forme de mouches, insectes effectivement obsdants comme le peuvent tre les remords. Mais, de latragdie antique au drame contemporain, l'orientation a totalement chang : de victime de la fatalit, Oreste est devenu champion de la libert. S'il tue, ce n'est plus pouss par des forces obscures mais en pleine connaissance de cause, pour faire acte de justice et, par cette prise de parti dlibre, exister enfin en tant qu'homme au lieu d'tre le vague adolescent que les fleurs de la plus fine culture avaient

    simplement affranchi des communs prjugs sans lui fournir le moyen d'accder la viri-lit (l'on songerait presque, ici, au meurtre initiatique que, dans certaines socits dites primitives , le jeune homme est oblig d'accomplir avant de prendre rang parmi les adultes). S'il tient en respect les rinyes, ce n'est plus grce la mise en jeu d'un rituel et d'une procdure mais parce que, ayant assum l'entire responsabilit de son acte, il n'a pas connatre le remords et peut opposer un front d'airain ces sirnes, qu'on nous montre ter-ribles et la fois charges de toute la sduction qu'ont, pour les faibles, dlectation morose et auto-accusation. la rigueur de l'attitude d'Oreste, s'oppose l'inconsistance de celle d'lectre, vhmente etsacrilge mais qui, incapable de sortir du cerclepassionnel, de s'vader du cycle des rancunes familiales, apparat confine entre l'rotisme et une sorte de contre-religiosit qui n'est, en somme, qu'une pit retoume et, par cons-quent, se situe encore sur le plan religieux.Ronge par la haine comme les gens d'Argos le sont par la peur, lectre qui, faute de lucidit et de courage, n'a pas agi librement ressem-blant en cela sa mre Clytemnestre comme elle lui ressemble physiquement sera la proie du remords et n'chappera aux rinyes que par le repentir, allant jusqu' renier la fureur qui l'animait quand elle poussait son frre faire vengeance. ces apports tout nouveaux au thme clas-sique de l 'Orestie, il faut joindre la conduite de l'Oreste des Mouches l'gard du peuple qu'il a dbarrass de ses tyrans. Alors qu' la fin de : l'Orestie Oreste retourne Mycnes pour rentrer en possession de l'hritage paternel, Oreste, dans Les mouches, refuse de rgner et quitte sa ville natale sans intention de retour, entranant avec lui les mouches ou Erinyes qui infestaient la ville. la passivit d'gisthe (si las de son pouvoir, si cras par le dgot. qu'il s'offre de lui-mme, telle une victime sacrificielle, au couteau du meurtrier) s'oppose, comme ce qui vit ce qui est dj mort, l'activit du jeune Oreste. La tyrannie, en effet, enferme gisthe dans un cercle vicieux : il s'est fait meurtrier par got de l'ordre, pour que l'ordre rgne par lui ; mais cet ordre s'avre bientt n'tre que le rseau de croyances et de rites qu'il doit forger lui-mme

    les enjeux de la pice

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    pour se faire craindre des autres, pour leur faire partager sa mauvaise conscience ; finalement il est, comme il le dit, victime de l'image de lui-mme qu'il impose ses sujets. tout, en lui, n'est plus alors que peur : peur des spectres qu'il a lui-mme invents pour terrifier les autres par ces personnifications de leurs remords, peur qu'il a que vienne un jour o il ne fera plus assez peur, peur du vide qu'il sent en lui. l'inverse d'gisthe, Oreste commet un meurtre qui le laisse sans remords et lui confre une pl-nitude, parce qu'il ne s'agit pour lui ni de ven-geance ni d'ambition personnelle mais d'un acte accompli librement, pour chtier le couple par qui tait tenue dans l'abjection la collectivit en laquelle il voulait s'insrer. Au lieu d'craser,comme gisthe, autrui sous le poids d'un remords dont il serait le premier cras, au lieu d'tre haine de soi et, partant, haine des autres, il dlivre ceux-ci et trouve sa place et sa fonction en prenant sur sa propre tte, avec le sang dont il n'a pas hsit se souiller, toute la culpabilit latente de la socit. Ainsi, il les libre doublement : d'une part, supprimant leur tyran et leur apprenant que la nature humaine est libert ; d'autre part, jouant le rle d'un bouc missaire sur qui les autres peuvent se dcharger de leurs pchs (dans l'horreur mme dont ils revtent l'image de ce meurtrier sans remords) ou, plutt, celui d'un chaman guris-seur dont le pouvoir repose sur le fait que lui seul est de taille prendre sur lui, sans succom-ber, le dmon qui causait la maladie.Dress contre le pouvoir spirituel que repr-sente un dieu cauteleux et le pouvoir temporel qu'incarne gisthe le soudard, l'acte d'affirma-tion de soi accompli par Oreste prend figure de rvolution. Aussi loign du scepticisme confortable qu'il tenait de sa culture huma-niste et librale que de la rvolte lmentaire d'lectre qui n'est qu'aveugle dchanement, pareillement ddaigneux de la vie trop facile qu'on mne dans une cit telle que Corinthe et de la dvotion tremblante aux morts en laquelle

    se complaisent les habitants d'Argos, Oreste a bris le cercle fatal, fray, la voie qui mne du rgne de la ncessit celui de la libert. Mais il ne saurait tre question, pour lui, d'une prise du pouvoir : libre, Oreste a rompu le cercle et n'a donc pas dominer les autres, traiter autrui comme une chose ; parce qu'il est sans chanes, il n'a pas besoin d'enchaner. Un chef, d'ailleurs, n'est-il pas ncessairement li son peuple par des liens de dpendance rciproque et, dans le cadre de rapports impliquant un esclavage, peut-il tre question, pour quiconque, d'une vraie libert ? De sa propre libert est corollaire la libert qu'Oreste laisse aux autres, puisqu'il ne pourrait leur imposer des lois sans, du mmecoup, en tre dupe lui-mme.Aux gens d'Argos, aprs les avoir dlivrs de cette grande peur qu'il faut avoir parce que c'est comme cela qu'on devient un honnte homme , Oreste se bornera lguer son exemple : chacun de faire comme lui et d'ac-complir le saut, s'engageant dangereusement et de sa propre dcision dans la voie aride ainsi inaugure, l'encontre d'un bien qui n'est autre que leur bien , celui des hommes alins eux-mmes par le respect de l'ordre tabli. Je ne suis ni le matre, ni l'esclave, Jupiter. Je suis ma libert , dit Oreste, qui dclare peu aprs que chaque homme doit inventer son chemin . Rvle elle-mme par le geste d'Oreste, on peut penser que la cit d'Argos, au lieu d'tre un agrgat de matres et d'esclaves, se changera en une association d'hommes devenus conscients de leurs responsabilits et, affranchis du joug religieux comme du joug politique, se tenant leur propre hauteur, par-del bonheur et dsespoir.telle est, en traits rapides, la grande leon morale qui semble devoir tre tire des Mouches, au niveau de la cit.

    Avec l'aimable autorisation des Lettres franaises.

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    Document 6

    Matriel pour l'activit page 8

    Premier papieri 1 = Jai demand cent fois notre chemin dans cette maudite bourgade qui rissole au soleil Je dois demander mon chemin i, 1 = Je ne sais plus Je ne sais pas. Je ne peux pas texpliquer. (p.132-133)

    Deuxime papier Je te dis quil y a un autre chemin, mon chemin Il savance vers lectre tu es ma sur, lectre, et cette ville est ma ville. Ma sur ! Il lui prend le bras.lectre Laisse-moi ! tu me fais mal, tu me fais peur et je ne tappartiens pas. Oreste Je sais. Pas encore : je suis trop lger. il

    faut que je me leste dun forfait bien lourd qui me fasse couler pic, jusquau fond dArgos. Attends. Laisse-moi dire adieu cette lgret sans tache qui fut la mienne. Laisse-moi dire adieu ma jeunesse.

    troisime papier nous tions trop lgers, lectre : prsent nos pieds senfoncent dans la terre comme les roues dun char dans une ornire. (p. 240)

    Quatrime papier Je ne suis ni le matre ni lesclave. Je suis ma libert ! Je ne reviendrai pas ta nature : mille che-mins y sont tracs qui conduisent vers toi, mais je ne peux suivre que mon chemin. Car je suis un homme, Jupiter, et chaque homme doit inventer son chemin.

    Les Mouches l'preuve du plateau

    Document 5

    Cartographie des didascalies

    i, 1 =De vieilles femmes vtues de noir entrent en procession et font des libations devant la statue. Un idiot assis par terre au fond. Entrent Oreste et le pdagogue puis Jupiter

    i, 2 =Oreste, le pdagoguei, 3 =Oreste, le pdagogue, lectrei, 4 =Oreste, lectrei, 5 =Oreste, lectre, Clytemnestrei, 6 =Oreste, Jupiter

    PREMIER TABLEAUii, 1 = La foule, puis Jupiter, Oreste, et le pdagogueii, 2 =La foule, Jupiter, Oreste, le pdagogue, gisthe, Clytemnestre, le grand prtre, les gardesii, 3 =La foule, Jupiter, Oreste, le pdagogue, gisthe, Clytemnestre, le grand prtre, les gardes, lectreii, 4 =lectre, Oreste

    DEUXIME TABLEAUii, 1 =Oreste, lectreii, 2 =Oreste et lectre (cachs), deux soldatsii, 3 =gisthe, Clytemnestre, Oreste et lectre (cachs)ii, 4 =gisthe, Oreste et lectre (cachs)ii, 5 =gisthe, Oreste et lectre (cachs), Jupiterii, 6 =gisthe seul, puis Oreste et lectreii, 7 =lectre seuleii, 8 =lectre, Oresteiii, 1 =lectre, Oreste, les rinyesiii, 2 =lectre, Oreste, les rinyes, Jupiteriii, 3 =lectre, Oreste, les rinyesiii, 4 =Oreste, les rinyesiii, 5 =Oreste, les rinyes, le pdagogueiii, 6 =Oreste, les rinyes, le pdagogue, la fouleIl sort ; les rinyes se jettent en hurlant derrire lui.

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    Document 7

    PAUL COx

    Affiche de Paul Cox pour la cration de la pice

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    Document 9

    OrESTE POUrSUIvI PAr LES fUrIES, WiLLiAM bOUGUEREAU, hUiLE SUR tOiLE, 233 x 280 CM, ChRYSLER MUSEUM OF ARt, nORFOLk, VA

    Document 8

    Sartre sinspire dun pisode sanglant du mythe grec des Atrides pour dvelopper la question centrale de sa philosophie existentialiste : lhomme et la libert. Les hros sont des liberts prises au pige : Chaque personnage ne sera rien que le choix dune issue . Peu joue depuis plusieurs dcennies, la pice les Mouches

    est ici revisite dans une mise en scne originale faisant voler les conventions, la recherche dune forme vive, libre et actuelle. Dans cette anti-tragdie , lhomme saffranchit des dieux : il est responsable de ce quil est. Son destin est en lui-mme .

    Une question qui mrite dtre nouveau pose face au sentiment actuel de soumission aux forces conomiques

    | Cie L'oreille interne | Thomas Lonchampt : Oreste | Emma Pluyaut-Biwer : Electre | Catherine Gourdon : Clytemnestre | Alain Fabert : Egisthe | Liliane David : Le pdagogue

    | Bernard Cupillard : Jupiter | Musicien et rgisseur son : Vincent Lebgue | Cration lumire / Rgie: Jean-Jacques Ignart | Cration vido : Rmi Briand

    Dans cette anti-tragdie , lhomme saffranchit des dieux : il est responsable de ce quil est.

    Les mouches

    D'aprs Jean-Paul Sartre

    2 0 h 3 0

    28jAN.

    Thtre | Tout public

    Cration 2011

    15

    12t A R I F S

    6rDuiT :10,50GrouPe :

    10AbONNS

    6rDuiT :

    Programme du thtre de Chauffailles

    Peinture de William Bouguereau (1825-1905)

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    Document 10

    ric Ferrand a mis en musique des extraits de tragdies grecques quil a choisis avec laide dAmandine Georges, professeur de lettres classiques

    Partition compose par ric Ferrand;le texte grec a t retranscrit

    phontiquement.

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    transcription du texte

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    Texte grec et sa traduction

    i. Les vieilles

    Extrait de la tragdie dEschyle, Agamemnon, vers 174-182 (rplique du chur) , , . . .

    Traduction de Victor-Henri Debidour (dition De Fallois, 1958) :Mais quiconque, pour Zeus, chantera de plein curle lot de ses triomphesaura trouv tous secrets de sagesse. lhomme il a trac le chemin de sagesse : Ce qui te fait saigner, cest l ce qui ten-seigne .tel est le matre mot quil a dict pour nous.Mme quand nous dormons, trs avant dans nos curssinstille le remords : par ce tourment pntre,mme malgr nous, la sagesse.Cest violence, mais sans doutecest une grce aussi,que nous font les puissancesassises sur le banc sacr.

    ii. Le repentir

    Extrait de la tragdie dEschyle, Les Chophores, vers 22-31 (rplique du chur) . . , .

    Traduction de Victor-Henri Debidour (dition De Fallois, 1958) :hors du palais je mavance, sur ordre, pour des libations,et mes poings frappent dru pour rythmer le cortge.

    Mes joues portent la marquedes estafilades sanglantesdont mes ongles les ont frachement laboures.Car mon cur ternellementne se nourrit que de sanglots :dans ma douleur jai fait crisserlacres en lambeaux, perdues,les toffes de lin qui drapent ma poitrine do les coups du malheur ont banni toute joie.

    iii. lectre

    Extraits de la tragdie dEschyle, Les Chophores, vers 429-433, vers 462, vers 418-419, vers 421-422 (montage de diffrentes rpliques dlectre) , , .

    , .

    .

    Traduction de Victor-Henri Debidour (dition De Fallois, 1958) :Femme froce et sclrate,de quelle froce maniretu as, ma mre,conduit un roi jusqu sa tombesans quil ft lament par toute la cit,un mari sans quil ft pleur !tu as os pareille obsque !

    Dieux, faites droit aux dfenseurs du Droit !

    Quels mots faudrait-il trouverpour tre exaucs ? Dirai-jeles avanies quune mrea os nous infliger ?

    Ma mre a fait de mon curun loup assoiff de sang que rien napprivoisera !

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    Document 11

    Conduite vido tablie par ric Ferrand

    Aprs divers essais et priodes de rsidences techniques, portant essentiellement sur les surfaces de projection en vue dobtenir une richesse et une posie des supports dimages, la partie cration vido se prsentera de la manire suivante :- Parc technique :4 x vido-projecteurs (led), en rtro-projection (sur panneaux et textures diverses), avec batte-rie autonome et lecteurs de cartes, pour statue de Jupiter, maisons dArgos, angles du palais1 x vido-projecteur en rtro-projection en demi-cercle (fond de scne) pour portes de palais, de temple, de caverne.1 x vido-projecteur grand angle (face) : pour effets mouches Construction4 x modules roulettes pour 4 vido-projec-teurs, avec bras amovible reliant les 4 surfaces de projection1 x module roulettes pour 1 vido-projecteur (effet mouches )Surfaces de projection : tulle, plastique, confet-tis translucides tombant des cintres, visages des comdiens, autres essais en cours

    Droul

    Acte i : place dArgos- maisons dArgos, filmes avec lignes de fuite et perspectives, incluant un mouvement de lumire (course du soleil) puis apparition de sang sur les murs (didascalie des murs dgou-linant de sang (3 vido-projecteurs + 3 sur-faces de projection)- statue de Jupiter (un Dieu menaant pour le peuple), joue par bernard Cupillard et filme au plateau, avec mouvement tournant (1 vido-

    projecteur avec surface de projection + 1 lec-teur DVD)- porte du palais, avec cache en demi-cercle (1 vido-projecteur)- apparition des mouches : points noirs en mou-vement, projets sur les comdiens (1 vido-projecteur + lecteur DVD)Acte II1er tableau :- arrive de la foule (tournage au plateau): 4 vido-projecteurs et surface de projection, fond noir et passage des silhouettes dans un rai de lumire2e tableau : la crmonie des morts- colonnes du temple, avec mouvement de lumire : 2 vido-projecteurs + surface de projection- clair-obscur extrieur, soleil couchant, ville au lointain : 2 vido-projecteurs + 2 surfaces de projection- porte de la caverne, en demi-cercle : effet tunnel, avec mouvement lumineux- effet mouches 2e tableau : la salle du trne- intrieur du palais : angles et lignes de fuite (3 vido-projecteurs + 3 surfaces de projection)- statue de Jupiter : un Dieu alli du pouvoir (nouveau tournage) joue par bernard Cupillard, tourn au plateau avec mouvement tournant- porte intrieure du palais, en demi-cercleActe III : intrieur du temple dApollon- 3 Erinyes (desses du remords), projetes sur 3 surfaces en mouvement (fume blanche) (3 vido-projecteurs)- statue dApollon, joue par thomas Lonchampt, film au plateau avec mouvement tournant- porte intrieure du temple, en demi-cercle- effet mouches Montage :Les images seront retouches numriquement afin daccentuer les contrastes, lignes de fuite et clair-obscur.

    Document 12

    Interview dric Ferrand ralise le 14 septembre 2011 et extraits de sa note dintention

    Pourquoi ce dsir de monter Les Mouches ?ric Ferrand : Le choix des Mouches est direc-tement li la prcdente cration dipe tyran.Sophocle ma permis de poser les bases dun thtre qui prend appui sur son histoire, joue -samuse - avec ses codes et parle daujourdhui avec acuit, ironie, franchise.

    Les Mouches constitue logiquement ltape suivante : cette fois, le regard crois antique/actuel est dj dans lcriture. Le recul, le dca-lage et mme lanachronisme y figurent.Lenjeu se situe ailleurs, dans les thmes sar-triens et leur exposition.Aprs avoir jou avec les codes antiques et fort de cette exprience, je trouve stimulant de mettre en scne une contestation de la tragdie : ici, la reprise du thme des Atrides permet surtout de sinsinuer dans le procd de

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    la tragdie pour mieux la dynamiter de lint-rieur, car le destin de lhomme est en lui-mme.Oreste, qui choisit, dcide, agit et se libre des Dieux offre un contraste saisissant avec dipe, qui subit son destin en voulant y chapper. ici, lhomme prend la main.Les Mouches est un projet qui naurait jamais vu le jour sans la cration ddipe tyran, pour-tant ils seront distincts, dissemblables comme quelque chose lest de sa ngation : le second naurait pu exister pour moi sans le premier.

    Quest-ce que la pice nous dit sur aujourdhui ?. F. : Une rflexion sur la jeunesse : Oreste dit adieu sa jeunesse et passe lge adulte : Comme tout a chang, quel vide immense, perte de vue . Les jeunes sont les hritiers dune socit faite ni par ni pour eux. Oreste et lectre ne sont pas encore installs dans leur vie, ils nont pas encore agi, leur acte ne les a pas encore dtermins.Libert, choix, angoisse, action, responsabilit, culpabilit Les Mouches me propose et me permet de remettre en question ces notions aujourdhui, dans une socit o la pression sociale, par le travail et la menace de sa perte, la prcarit ou sa perspective, conduisent subir toujours plus, dans un sens qui semble aller lencontre de lide de progrs social, de progrs tout court.Une socit pourtant qui, avec la Dmocratie comme garant, semble trouver la Libert acquise, naturelle surtout si on la compare la date de cration de la pice, sous loccupa-tion allemande.Mais de quelle marge de manuvre disposons-nous personnellement ? Que sommes-nous en mesure de choisir pour nous-mmes ? ne connais-sons-nous pas une nouvelle forme de contrainte exerce par des hommes sur dautres hommes ?Et pourtant lenvie et le besoin se font sentir dune rpartition plus juste, plus quitable, afin de recommencer envisager les liberts possibles, afin de commencer choisir. Jouer Les Mouches aujourdhui participe de cette envie, de cet espoir.Sartre me permet de poser nouveau, dans ce contexte particulier dune socit dite en crise mais btie sur les principes de consom-mation et de croissance, la question : Et vous, tes-vous libres ? il est bien sr galement question de notre relation au religieux, aux croyances, au divin.Lmancipation dOreste a lieu au cours de lacte 3, scne2 :Oreste : tu es le roi des Dieux, Jupiter, mais tu nes pas le roi des hommes il ne fallait pas me crer libre peine mas-tu cr que jai cess de tappartenir.

    Jupiter : Eh bien, Oreste, tout ceci tait prvu. Un homme devait annoncer mon crpuscule, cest donc toi ? Quant toi, lectre, songe ceci : mon rgne na pas encore pris fin, tant sen faut, et je ne veux pas abandonner la lutte. Vois si tu es avec moi ou contre moi. Adieu. ici encore il est question de choix : croire ou non.Dieu nexiste pas, tout est permis et lhomme est dlaiss : Sartre illustre son concept philo-sophique, il tente de dfinir lhomme et sa rela-tion un Crateur, propose une dmonstration par lexemple et permet ainsi le dbat dides.Alors, que sont nos propres mouches ? Quels remords portons-nous ? Celui de nous tre loi-gns de Dieu ? Celui de ne pas avoir encore bti le monde qui nous permettrait de connatre la libert, le choix, laction ? De quelles liberts disposons-nous aujourdhui, face aux pouvoirs financiers et conomiques ?

    Est-ce que la rfrence la priode dcriture de la pice (lOccupation) sera prise en compte ?. F. : non pas vritablement car la superpo-sition de trois strates temporelles (lAntiquit, 1943 et 2011) risquerait de rendre confuse la narration et lenjeu philosophique de la pice. Je prfre privilgier le rapport daujourdhui lAntiquit.Dautant que les spectateurs en 1943 avaient t trs peu nombreux voir dans la pice une lecture de leur poque!

    Comment les propositions existentialistes seront-elles concrtement prouves sur le plateau ?. F. : tre dabord, se construire puis se dfinir par laction : ces propositions existen-tialistes seront prouves sur le plateau, dans le jeu, dans la construction musicale, dans la scnographie. Partir de rien, seulement lhumain, assembler, construire des signes qui dterminent une tem-poralit, une localisation, un tat : et le dcor existe, environnement visuel et sonore, il sert la narration et propose une situation qui va permettre au hros dinventer son chemin, de faire son choix Cet agencement provisoire de lespace est construit par les comdiens btis-seurs. tous les comdiens sont alternativement protagonistes et membres de lquipe du pla-teau et participent ainsi la mise en place de lespace, des clairages et du dcor. Rgisseurs et musicien sont galement figurants. tout joue, tout le temps : ds quun lment de dcor entre en jeu, il est et il fait sens.Un travail informatique sera galement men partir de la notion dalatoire. Ce plateau clat qui montre ses coutures et

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    1. Sartre lui-mme en avait conscience. Dans Un thtre de situations, il crit

    propos de sa pice : Mon dialogue tait verbeux ; Dullin, sans m'en faire reproche

    ni me conseiller dabord des coupures, me fit comprendre,

    en sadressant aux seuls acteurs, quune pice de thtre doit tre

    exactement le contraire dune orgie dloquence

    se construit vue est-il aussi li un dsir de crer un contrepoint la forme trs tradition-nelle de la dramaturgie sartrienne ?. F. : Oui cest en effet aussi une faon da-rer un texte parfois trop bavard1, trop explicite qui ne fait pas totalement confiance au lecteur/spectateur.

    Le texte est-il jou intgralement ?. F. : intgralement oui car les ayants droit lexigent. Mais les passages les plus bavards sont en quelque sorte escamots , car tuils, intgrs la bande-son.

    Quelle sera la place du travail musical et vocal ?. F. : Un travail musical et vocal sera men avec

    toute lquipe autour de compositions originales.Les chants vont dabord voquer le primitif, lorganique. ils sont lis aux chants des vieillesfemmes du texte, aux prires, aux rituels. Puis ils voluent au fil de la scne, se complexi-fient, cherchent la dissonance ils deviennent contemporains . ils sont ensuite enregistrs en direct et diffuss par quatre haut-parleurs rpartis dans la profondeur du plateau. Le trai-tement en direct permet de passer insensible-ment du chant humain au bourdonnement des mouches, dans un mme mouvement au sein des quatre haut-parleurs, et ce aux moments correspondant la prsence des mouches indique dans le texte. Ce procd permet, par accumulation, de constituer peu peu un son de foule puis un essaim de mouches.

    Document 13

    Biographie de Jean-Paul Sartre

    Sartre (1905-1980) occupe une place trs importante dans le paysage culturel et politique du xxesicle. il a t la fois romancier, drama-turge, critique littraire et artistique, essayiste, journalisteVoir biographie dtaille dans la pice dmon-te consacre une autre pice de Sartre Les mains sales.

    Pices de Jean-Paul Sartre

    Bariona, ou Le fils du tonnerre (1940) = premire pice de Sartre non publie et joue en 1940 dans un camp de prisonnier. Huis clos (1944) La Putain respectueuse (1946) Morts sans spulture (1946) Les mains sales (1948) Le Diable et le Bon Dieu (1951) Kean (1954) Nekrassov (1955) Les Squestrs dAltona (1959) Les Troyennes (1965)

    Pour aller plus loin

    Franois noudelmann commente Huis clos et Les Mouches de Jean-Paul Sartre, coll. Foliothque, n 807, d. Gallimard.

    Jean-Paul Sartre, Lettres Wanda , Les Temps modernes, tmoins de Sartre , nos 531-533, 1990.

    Simone de beauvoir, La force de l'ge, Paris, Gallimard, 1960.

    Eschyle, L'Orestie, in Tragiques grecs, Paris, Gallimard, bibliothque de la Pliade , 1967, trad. Jean Grosjean.

    Sophocle, lectre, in Tragiques grecs, Paris, Gallimard, bibliothque de la Pliade , 1967.Euripide, lectre, in Tragdies compltes, Paris, Gallimard, 1962, bibliothque de la Pliade , trad. Marie Delcourt-Curvers, p.914-918.

    Jean-Paul Sartre, L'tre et le Nant, Paris, Gallimard, 1943.

    Michel Leiris, Oreste et la Cit , Les Lettres franaises, n 12, dcembre 1943, p.1-3.

    Jean-Louis Jeannelle, Les Mouches de Jean-Paul Sartre, coll. Connaissance d'une uvre , d. bral.

    Document 14