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195 Anticipations, prime de risque et structure par terme des taux d’intérêt : une analyse des comportements d’experts Georges Prat * Remzi Uctum ** 1 Introduction La théorie de la structure par terme de taux d’intérêt repose sur l’hypothèse d’absence d’opportunité d’arbitrage traduisant un équilibre de marché et permettant d’exprimer l’écart entre taux long et taux court (i.e. le spread ) en fonction des anticipations de taux et d’une prime de risque (encore appe- lée « prime de terme » ou « prime de liquidité »): c’est la relation standard de structure de taux. Toute vérification empirique de cette relation néces- site l’introduction de deux autres hypothèses sur les anticipations et la prime de risque, conduisant ainsi à tester une hypothèse jointe. La repré- sentation des anticipations est souvent fondée sur l’hypothèse d’anticipa- tions rationnelles ou sur les valeurs passées des taux, tandis que la spécifi- cation de la prime de risque est déduite soit d’une condition d’équilibre intertemporel de l’investisseur (modèle de portefeuille) soit d’une modélisa- tion ad-hoc (e.g. effets ARCH). Il n’est pas possible de résumer ici les innombrables résultats empiri- ques de la littérature consacrée à l’analyse de la structure par terme des taux d’intérêt. 1 L’enseignement général qui se dégage de cette littérature est le caractère assez disparate des résultats obtenus. En effet, les résultats dépendent non seulement du pays, de la période, de la fréquence des don- nées et de la maturité des titres, mais encore et naturellement des hypothè- ses faites sur les anticipations de taux et sur la détermination de la prime de risque. En fait, le test joint sus-visé ne permet ni de valider ni de rejeter * EconomiX, CNRS/Université de Paris Ouest – Nanterre La Défense, 200 av. de la République 92001 Nan- terre, France, Tél. : +33 1 40 97 59 68, e-mail : [email protected] ** EconomiX, CNRS/Université de Paris Ouest – Nanterre La Défense, 200 av. de la République 92001 Nan- terre, France, Tél. : +33 1 40 97 78 48, e-mail : [email protected] 1 Voir l’état de l’art proposé par Shiller (1990) concernant la littérature anglo-saxonne. Un résumé intégrant les travaux français est proposé par Jondeau (1998). DOI: 10.3917/rel.762.0195 Document téléchargé depuis www.cairn.info - ucl - - 130.104.59.155 - 20/03/2012 11h43. © De Boeck Université

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Anticipations, prime de risque et structurepar terme des taux d’intérêt :

une analyse des comportements d’experts

Georges Prat *

Remzi Uctum **

1 Introduction

La théorie de la structure par terme de taux d’intérêt repose sur l’hypothèsed’absence d’opportunité d’arbitrage traduisant un équilibre de marché etpermettant d’exprimer l’écart entre taux long et taux court (i.e. le spread )en fonction des anticipations de taux et d’une prime de risque (encore appe-lée « prime de terme » ou « prime de liquidité »): c’est la relation standardde structure de taux. Toute vérification empirique de cette relation néces-site l’introduction de deux autres hypothèses sur les anticipations et laprime de risque, conduisant ainsi à tester une hypothèse jointe. La repré-sentation des anticipations est souvent fondée sur l’hypothèse d’anticipa-tions rationnelles ou sur les valeurs passées des taux, tandis que la spécifi-cation de la prime de risque est déduite soit d’une condition d’équilibreintertemporel de l’investisseur (modèle de portefeuille) soit d’une modélisa-tion ad-hoc (e.g. effets ARCH).

Il n’est pas possible de résumer ici les innombrables résultats empiri-ques de la littérature consacrée à l’analyse de la structure par terme destaux d’intérêt. 1 L’enseignement général qui se dégage de cette littératureest le caractère assez disparate des résultats obtenus. En effet, les résultatsdépendent non seulement du pays, de la période, de la fréquence des don-nées et de la maturité des titres, mais encore et naturellement des hypothè-ses faites sur les anticipations de taux et sur la détermination de la primede risque. En fait, le test joint sus-visé ne permet ni de valider ni de rejeter

* EconomiX, CNRS/Université de Paris Ouest – Nanterre La Défense, 200 av. de la République 92001 Nan-terre, France, Tél. : +33 1 40 97 59 68, e-mail : [email protected]

** EconomiX, CNRS/Université de Paris Ouest – Nanterre La Défense, 200 av. de la République 92001 Nan-terre, France, Tél. : +33 1 40 97 78 48, e-mail : [email protected]

1 Voir l’état de l’art proposé par Shiller (1990) concernant la littérature anglo-saxonne. Un résumé intégrantles travaux français est proposé par Jondeau (1998).

DOI: 10.3917/rel.762.0195

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la relation de structure de taux. Prenons deux exemples pour illustrer cepoint important, à partir d’un modèle de structure de taux qui relie lespread de taux à la variation anticipée du taux court et à une prime de ris-que supposée constante. Lorsque les anticipations sont supposées rationnel-les, l’hypothèse jointe est presque systématiquement infirmée,2 mais cerésultat ne permet pas d’invalider la relation de structure de taux, puisqueles anticipations peuvent ne pas être rationnelles. Supposons maintenantque les anticipations soient fondées sur les valeurs présentes et passées destaux ; bien que l’hypothèse jointe soit dans ce cas parfois validée, les coef-ficients composites estimés ne permettent d’identifier ni le coefficient asso-cié à la variation anticipée, ni les paramètres du processus anticipatif. Onvoit donc que, dans le premier exemple, le rejet empirique de l’hypothèsejointe ne permet pas de rejeter la relation de structure de taux, alors quedans le second exemple l’acceptation de l’hypothèse jointe n’est pas suffi-sante en elle-même pour valider cette relation.

Dans le but de lever ces indéterminations, certains auteurs ontexploité les anticipations de taux d’intérêt révélées par des enquêtes d’opi-nion auprès d’experts. De telles données permettent d’éviter le recours à deshypothèses sur la formation des anticipations et de calculer les valeursimplicites de la prime de risque ex-ante exigée par les experts. Une telledémarche permet à la fois de rechercher les facteurs de cette prime etd’identifier la valeur du coefficient caractéristique de la structure de taux,ce coefficient reliant les anticipations au spread. En outre, les donnéesd’enquête permettent de rechercher le processus anticipatif sous-jacent auxréponses des experts. Cependant, le modèle théorique de structure de tauxfaisant intervenir les anticipations du marché et non celles des seuls expertsde l’enquête, l’utilisation de données d’enquête suppose implicitement queces dernières fournissent une approximation valable des anticipations dumarché. Cette hypothèse de représentativité sera naturellement d’autantplus acceptable que les répondants aux enquêtes sont en nombre suffisanttout en étant directement concernés par le marché monétaire.

Les analyses de la structure de taux fondées sur l’exploitation desanticipations révélées par des enquêtes d’opinion sont très peu nombreuses.Une première série d’analyses est centrée sur la question de savoir commentse forment les anticipations de taux d’intérêt. Notamment, les travaux deKane et Malkiel (1967) pour le marché américain et de Colletaz (1986) pourle marché français rejettent l’hypothèse d’anticipations rationnelles maissuggèrent l’existence de comportements adaptatifs conformes au modèle derévision proposé par Meiselman (1962). Toutefois, ces résultats souffrentd’un manque de robustesse, et la question de savoir comment se formenteffectivement les anticipations de taux reste actuellement sans véritable

2 L’étude de Gerlach et Smets (1997) confirme ce résultat sur les taux des euro-devises de 1 à 12 mois pour17 monnaies, les auteurs concluant sur l’existence d’une prime de risque variable.

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réponse. Une seconde série d’analyses porte sur la question de l’existence ounon d’une prime de risque variable.3 Froot (1989) ainsi que MacDonald etMacmillan (1994) rejettent le modèle de structure de taux fondé sur la théo-rie pure des anticipations d’après laquelle il n’existerait pas de prime de ris-que.4 Ils trouvent que l’écart entre le taux d’intérêt anticipé et le taux àterme n’est pas un bruit blanc, ce qui les conduit à conclure à l’existenced’une prime de risque significativement variable, sans toutefois en détermi-ner les facteurs.5 L’identification de ces facteurs reste donc un objectif derecherche à part entière. A notre connaissance, aucune étude ne cherche àexpliciter la formation des anticipations et à identifier les facteurs de laprime de risque en utilisant des données d’enquête. Ce travail a précisémentpour objet de pallier ces lacunes sur les données françaises.

Dans le cadre de la théorie du choix de portefeuille, la partie 2 rap-pelle la relation entre le spread de taux d’intérêt, les anticipations de tauxet les facteurs de la prime de risque. En exploitant les anticipations de tauxd’intérêt sur le marché de l’Eurofranc révélées par les enquêtes du« Consensus Economics » (Londres) auprès d’un panel d’experts, la partie3 s’interroge sur la validité de cette relation tout en examinant la questionde la formation des anticipations de taux d’intérêt. Enfin, la partie 4 pré-sente des remarques conclusives.

2 Spread de taux, anticipations et prime de risque :rappels théoriques

L’analyse traditionnelle de la structure de taux fondée sur la théorie dite« des anticipations » nous vient de Fisher (1896), Hicks (1939) et Lutz(1940). Supposant que les agents sont neutres au risque, cette théorie« pure » des anticipations ne fait donc pas intervenir de prime de risque.Dans sa version initiale, elle suppose que les investisseurs anticipent à cha-que instant les valeurs futures du taux d’intérêt à court terme pour des hori-zons allant jusqu’à la maturité du titre le plus long (version qualifiée« d’anticipations de taux par période de détention »). Une seconde version,dite des « anticipations locales » (Malkiel (1966), Masera (1972)) supposeque les investisseurs anticipent pour « la période suivante » la gamme destaux des titres de différentes maturités. Ce travail privilégiera cette dernièreversion qui semble plus proche des comportements observés sur les marchés.

3 Cette prime est datée au moment où les décisions sont prises sur le marché monétaire : c’est une primeex-ante devant être soigneusement distinguée de la « prime rationnelle » ex-post .

4 Les pays analysés par le premier auteur sont les Etats-Unis, l’Allemagne, le Japon et l’Australie, tandis quela seconde étude porte sur le Royaume-Uni et utilise un panel d’anticipations individuelles.

5 Pour un article de synthèse sur le sujet, voir MacDonald (2000).

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Considérons à présent le cas général d’agents adverses au risque, etsupposons que l’horizon de placement de l’investisseur est de mois. Letaux d’intérêt sans risque est dans ce cas donné par le taux de rendementde l’actif de créance 6 ayant une maturité résiduelle de mois, soit . Soitau même instant un titre coté sur le marché ayant une maturité résiduellede mois et dont le rendement est ( ). A l’instant t, l’investis-seur est donc face aux choix suivants: (a) acheter le titre à mois lui per-mettant d’assurer la rentabilité entre t et t+ , 7 ou (b) acheter le titreayant une maturité de dans la perspective de le revendre en t+ ,sachant que la rentabilité de ce titre entre t et t+ est aléatoire,puisque son prix de t+ est inconnu à l’instant t. L’investisseur (i.e. le prê-teur) n’optera pour le choix (b) que si la rentabilité qu’il espère en achetantle titre long excède le taux sans risque d’une « prime » ayant un montantsuffisant pour compenser le risque qu’il encourt. Lorsqu’il n’existe plusd’opportunités d’arbitrage sur le marché, « l’excès de rentabilité » corres-pond à la « prime de risque » exigée par l’ensemble des prêteurs et acceptéepar les emprunteurs.

Supposons que les titres soient des bons « zéro coupon » et que lacomposition des intérêts s’effectue en temps continu.8 La conditiond’absence d’opportunité d’arbitrage permet alors d’exprimer le spread detaux d’intérêt (l’écart entre taux long et taux court) par la relation suivante(voir Annexe A):

(1)

où désigne l’opérateur espérance conditionnelle et la prime de ris-que. En raison de la nature des données d’enquête disponibles, nous nouslimitons dans ce travail à et . Le titre ayant une maturité de3 mois représentera donc le titre « court » et celui ayant une maturité de 6mois le titre « long ». 9 Dans ce cas, la relation (1) devient :

(2)

Le modèle usuel de choix de portefeuille entre des actifs ayant diffé-rentes maturités permet de spécifier les facteurs de la prime de risque (Roll(1971), Artus (1990)). L’investisseur représentatif maximise sous sa con-

6 On suppose l’absence de risque de défaut.7 Pour l’actif à une période, le rendement et la rentabilité sont confondus.8 Rappelons qu’une propriété d’un titre zéro coupon est que sa maturité résiduelle est confondue avec sa

duration. Cette caractéristique est intéressante dans la mesure où c’est la duration (et non la maturité) quiimporte dans les stratégies d’immunisation au risque (i.e: un investisseur ayant un horizon de placementdonné ne prend aucun risque si son portefeuille a une duration égale à son horizon de placement).

9 Si le fait d’étudier une partie seulement de la structure des taux (3-6 mois) est une limite du point de vuede la liaison entre les taux courts et les taux « vraiment » longs (3, 5, 10 ans) , cette limite ne constitue pasun obstacle à l’analyse des anticipations des agents privés et de leur comportement vis-à-vis du risque,laquelle fait l’objet de ce travail.

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trainte budgétaire l’espérance de l’utilité de sa richesse réelle de la périodesuivante en répartissant son portefeuille d’une manière optimale entre lesactifs de différentes maturités. En supposant que l’offre de titres est exogèneet s’adapte instantanément à la demande et en mettant l’espérance de l’uti-lité sous la forme espérance-variance, on peut écrire le programme à deuxactifs comme suit:

(3)

où est la part de l’actif à 6 mois dans la richesse nominale

, l’indice du prix des biens et services, et les coursdes titres à 3 et 6 mois respectivement (on suppose que les valeurs nomina-les sont égales à 1), et les nombres de titres à 3 et 6 mois respec-

tivement et le coefficient d’aversion relative au risque.En exprimant la richesse future sous la forme

et en reportant cette expression dans le programme de maximisation (3),on spécifie les facteurs de la prime de risque définie par l’équation (2) :

(4)

où représentera désormais la part optimale de titres à 6 mois, la volatilité attendue du taux court et la covariance atten-due entre l’inflation et le titre court.

3 Vérifications empiriques

Les anticipations du taux d’intérêt à trois mois intervenant dans la repré-sentation de la prime de risque seront mesurées par les données issues desenquêtes menées par l’institut londonien Consensus Economics (CE) (sec-tion 3.1). Un objectif de ce travail étant d’endogénéiser ces anticipations ausein de la relation (4), nous nous intéresserons préalablement à la questionde la formation des anticipations et notamment à la pertinence de l’hypo-thèse d’anticipations rationnelles (section 3.2). Nous examinerons ensuite lavalidité empirique de la relation (4) (section 3.3).

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3.1 Les données

Les données utilisées dans ce travail couvrent la période allant d’Octobre1989 à Septembre 1998, c’est-à-dire depuis le début des enquêtes de CEjusqu’à la veille de la mise en place de l’Euro. Les taux d’intérêt et considérés sont les taux du marché monétaire international de l’eurofranc,pour un placement à 3 et 6 mois respectivement. 10 Il s’agit donc de tauxsur un marché concurrentiel, que l’on peut assimiler à des taux de titres zérocoupon, conformément aux hypothèses de la partie 2. Pour ces deux séries,nous disposons d’observations quotidiennes. Au début de chaque mois, lesenquêtes de CE demandent à une vingtaine d’institutions françaises s’inté-ressant aux prévisions macroéconomiques de révéler leurs anticipations surles valeurs futures du taux d’intérêt de maturité 3 mois pour les horizons à3 et 12 mois. Les répondants sont des experts directement intéressés par desprévisions de taux d’intérêt puisqu’ils représentent pour trois quarts lesgrandes banques françaises (BNP, Société Générale, Crédit Lyonnais,CCF…) et pour un quart des instituts de prévision macroéconomique(REXECODE, COE-CCIP, OFCE…). Ces grandes banques sont à la foisles prêteurs et les emprunteurs sur le marché monétaire français et les prin-cipaux gestionnaires de fonds sous forme de SICAV monétaires, et sont àce titre directement concernées par les anticipations de taux et le risque detaux. Dans la mesure où les répondants ont intérêt à assurer la crédibilitéde leurs institutions, on peut admettre que les prévisions qu’ils fournissentreprésentent leurs « vraies » opinions. Cette recherche de crédibilité est enoutre de nature à décourager les comportements stratégiques consistant àafficher des prévisions dans le seul but d’inciter la Banque Centrale à inter-venir sur le marché monétaire pour faire évoluer les taux dans un sensdésiré.11 Par ailleurs, on constate qu’environ les deux tiers des répondantsinstitutionnels restent les mêmes au cours de la période, ce qui confère unecertaine stabilité à l’échantillon. Cependant, les changements survenus dansle tiers restant peuvent induire un biais résultant d’un défaut d’homogé-néité dans la moyenne des réponses au cours du temps. Néanmoins, ce biaisreste sans doute négligeable compte tenu de la dispersion relativementmodérée des opinions (voir infra). Dans l’ensemble, ces remarques permet-tent de supposer que les opinions émises représentent valablement les anti-cipations de taux sur le marché monétaire.

Les anticipations du taux d’intérêt à 3 mois pour les 3 et 12 prochainsmois sont publiées mensuellement dans la Lettre de CE sous la forme demoyennes arithmétiques, encore appelées « consensus ». Pour l’horizon à 3

10 Les données ont été collectées dans la base DATASTREAM.11 Par exemple, si les banques souhaitent une hausse des taux d’intérêt et si elles croient que la Banque Cen-

trale mène une politique anti-inflationniste par la hausse des taux, elles pourraient avoir pour stratégied’afficher des anticipations haussières de taux dans le seul but de faire réagir la Banque Centrale dans lesens d’une hausse.

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mois, ce consensus traduit la variable définie dans la partie 2. Surl’ensemble de la période d’analyse, le coefficient de variation instantanéentre les réponses (i.e. pour une enquête donnée, le rapport de l’écart-typedes réponses à leur moyenne) est compris entre 0.02 et 0.07 pour l’anticipa-tion à 3 mois du taux à trois mois et entre 0.04 et 0.12 pour l’anticipationà 12 mois de ce même taux. Ce dernier intervalle se ramène à [0.02, 0.06]dès lors que l’écart-type de l’anticipation à 12 mois est exprimé en base tri-mestrielle pour être comparé à celui de l’anticipation à 3 mois. L’hétérogé-néité des anticipations individuelles n’est donc pas suffisamment forte pourposer des problèmes d’agrégation sérieux. Concernant la datation desréponses, celles-ci sont datées au premier lundi du mois jusqu’à mars 1994et au deuxième lundi depuis avril 1994 sauf exception de jour férié, auquelcas elles sont reportées au jour ouvrable le plus proche. Les réponses étantconcentrées sur un jour donné, on peut admettre qu’à chaque enquête tousles répondants observent les taux du marché et le même jour.

3.2 Formation des anticipations de taux d’intérêt

Si l’exploitation des données d’enquêtes présente l’avantage de fournir unemesure exogène des anticipations, elle a aussi l’inconvénient de ne pas iden-tifier le processus anticipatif sous-jacent du taux à 3 mois, laissant donc unequestion en suspens dans la modélisation de la structure des taux. Pourlever cette indétermination, nous présentons dans cette section une analysede la formation des anticipations de taux d’intérêt telles qu’elles sont révé-lées par les enquêtes auprès des experts. La théorie des anticipations éco-nomiquement rationnelles introduite par Feige et Pearce (1976) montre quela quantité optimale d’information choisie par le prévisionniste est celle quiégalise le gain marginal résultant d’une diminution de l’erreur de prévisionau coût unitaire de l’information. Dans le cas limite où toute l’informationpertinente serait utilisée, ce processus traduirait des anticipations rationnel-les. Il semble donc naturel dans une première étape d’examiner si cette der-nière hypothèse caractérise les anticipations de taux d’intérêt révélées parles enquêtes de CE. A cette fin, nous avons effectué des tests d’absence debiais à partir de l’équation suivante reliant la variation anticipée de taux àla variation observée ex-post sur un horizon de 3 mois:

(5)

La spécification retenue en termes de variations de taux permet detravailler sur des variables dont les tests ADF (non présentés ici) ont mon-tré qu’elles sont stationnaires au seuil de 1%, condition qui n’aurait pas étéremplie si les niveaux de taux avaient été utilisés. Le choix de la variationanticipée en tant que variable endogène plutôt qu’exogène permet en outred’éviter un biais d’endogénéité résultant d’erreurs de mesure sur le taux

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anticipé. De plus, une représentation MA(2) des résidus a été retenue dansle but de capturer un éventuel biais d’estimation attribuable au chevauche-ment des données résultant de l’association d’une périodicité mensuelle avecun horizon d’anticipation de 3 mois (voir Hansen and Hodrick (1980), Mac-Donald (2000)). Une condition nécessaire mais non suffisante à la rationa-lité des anticipations est la condition d’absence de biais, à savoir et

. Outre la périodicité mensuelle, nous avons également estimé la rela-tion en espaçant les données de 3 mois, l’absence de chevauchement ainsiobtenue ne nécessitant donc plus la correction MA(2) (dans ce cas

. Le Tableau 1 présente les résultats d’estimation sur lapériode 1989.10-1998.06 dans le cas de chevauchement avec et sans lacorrection (données mensuelles) ainsi que dans le cas d’absence de chevau-chement (données espacées de 3 mois):

Tableau 1: Tests d’absence de biais

Notes. Les résultats correspondent à l’équation (5). L’absence de chevauchement correspond àdes données espacées de 3 mois. Les valeurs entre parenthèses représentent les t de Student. Testde Wald : les valeurs critiques asymptotiques pour la statistique F sont respectivement 4.82,4.82 et 5.29 pour (2,101), (2,103) et (2,34) degrés de liberté au seuil de significativité de 1%.

Au regard du test de Wald, les trois estimations rejettent sans nuancel’hypothèse jointe (a=1, b=0), ce qui nous conduit à rejeter l’hypothèsed’anticipations rationnelles pour caractériser les réponses des experts. Cesderniers n’utilisent donc pas toute l’information disponible, ce qui est con-forme à la théorie des anticipations économiquement rationnelles évoquéeci-dessus. Dès lors, se pose la question de savoir comment se forment cesanticipations.

Nous considérons l’hypothèse d’un processus anticipatif mixte admet-tant comme cas particulier les processus traditionnels de la littérature 12 : leprocessus extrapolatif avec , le processus

a bTest de Wald

pour (a=1, b=0)

T

chevauchement avec correction

0.43(11.1)

-0.31(-5.1)

0.78(8.3)

0.25(2.6)

F(2,101)=115 p=0.00 0.727 1.83 105

chevauchement sans correction

0.41(9.7)

-0.32(-7.5)

F(2,103)=109.67p=0.00 0.473 0.48 105

absence dechevauchement

0.37(4.5)

-0.37(-4.9)

F(2,34)=35.52p=0.00 0.359 0.62 36

12 Prat et Uctum (2000) valident un processus mixte similaire sur le marché des changes.

a 1=b 0=

&1 &2 0= =

&1 &2 R2 DW

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adaptatif avec , le proces-

sus régressif avec (j=1,2), et finalement un processus « fondamentaliste »

d’expression générale où les sont des variables

macroéconomiques exogènes, observées ou anticipées. Concernant le proces-sus extrapolatif, la valeur du retard ne peut être déterminée que parl’analyse économétrique. Le processus adaptatif repose sur l’hypothèsed’une révision précoce des anticipations : lorsque le taux d’intérêt du mar-ché est connu en début du mois, les individus comparent cette valeur à cellequ’ils avaient anticipée le mois précédent et non celle qu’ils avaient anticipé3 mois auparavant.13 Le processus régressif est représenté par un modèle àcorrection d’erreur traditionnel, dans lequel le troisième terme du membrede droite est introduit afin de faire apparaître la variation anticipée du tauxd’intérêt comme variable endogène.14 Le processus « fondamentaliste » tra-duit la référence à des modèles macroéconomiques de détermination du tauxd’intérêt ; par exemple, si un nombre significatif d’agents croit en la relationde Fisher, on peut s’attendre à une influence de l’inflation anticipée. Le pro-cessus mixte étant défini comme une moyenne pondérée des processus sim-ples évoqués ci-dessus, l’analyse économétrique qui suit a pour objectifd’identifier le processus effectivement utilisé par l’ensemble des répondantsà l’enquête menée par CE. Un tel processus peut s’écrire :

(6)

où les coefficients composites dépendent des paramètres structurels desprocessus simples et des pondérations associées au mixage de ces processus.Deux situations polaires peuvent conduire à l’équation (6) : (i) le marché estconstitué de quatre groupes de prévisionnistes, chaque groupe utilisant l’undes processus simples définis ci-dessus (effet d’hétérogénéité de groupes) ; (ii)tous les prévisionnistes utilisent le même processus anticipatif mixte, définicomme une combinaison des 4 processus simples (effet de mixage individuel).

13 Puisque le modèle adaptatif revient à définir le taux anticipé par une moyenne pondérée à décroissancegéométrique des taux passés, il semble plus pertinent de considérer un retard d’un mois que de trois moislorsque les données sont mensuelles. En effet, retenir cette dernière hypothèse (qui traduit la formulationtraditionnelle) reviendrait à considérer une moyenne pondérée des taux passés à intervalles de trois mois,alors que les enquêtes sont de fréquence mensuelle.

14 Le processus adaptatif ne saurait être regardé ici comme un cas particulier du MCE: alors que selon cedernier, l’anticipation converge vers la cible , elle converge selon le processus adaptatif vers la valeurobservée .

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En fait, les deux effets peuvent évidemment jouer simultanément, renforçantainsi la représentation du consensus par un processus mixte. Naturellement,la stabilité du modèle suppose que ces différents effets sont non-significative-ment variables au cours de la période. C’est pourquoi il importera d’analyserla stabilité de la relation (6).

L’estimation de la relation (6) requiert une hypothèse sur la cible .On supposera que la valeur de cette cible est donnée par les anticipations à12 mois de ce même taux, soit . Concernant la composanteextrapolative , la valeur optimale trouvée pour le retard estd’une semaine. Le terme constant ainsi que la spécification MA(2) des rési-dus s’étant révélés non significatifs, 15 l’estimation de l’équation (6) excluantces termes donne :

(7)

=0.961, =0.117 %, Ljung-Box Q-Stat p-value = 0.43, 0.73, 0.75 (1,2, 3 retards), Arch TR2 p-value = 0.21, 0.08, 0.12 (1, 2, 3 retards), ChowF p-value = 0.077 (1994.06), ADF t= -9.27 (0 retard)où représente le taux d’inflation que les agents anticipent au moist pour l’année calendaire suivante, la variation du taux de crois-sance anticipé du PIB pour cette même année, et les tauxde variation des définitions M1 et M2 de la masse monétaire sur les 3 der-niers mois, l’indice c indiquant que les écarts à la moyenne des variables ontété considérées. 16

Remarquons que la présence de variables communes dans les termesdu membre de droite de l’équation (7) peut affecter l’efficacité des estima-teurs en raison de la multicolinéarité. En fait, Johnston (1985, p. 294-95) amontré que si le de la régression de chaque régresseur sur tous les autresest inférieur à 0.9, on peut en déduire que la colinéarité ne détériore passignificativement l’efficacité des estimateurs. Ces conditions sont ici large-ment satisfaites, ce qui suggère que les variances des estimateurs ne sontpas altérées par la colinéarité. Par ailleurs, la relation (7) fait intervenir 7régresseurs dont 5 sont des variables anticipées qui sont par nature desvariables entâchées d’erreurs de mesure, pouvant biaiser les estimateurs desmoindres carrés du fait de la corrélation entre ces variables et le termed’erreur. Pour tester l’hypothèse nulle selon laquelle ces derniers ne sont pascorrélés, le test de spécification d’Hausman (1978) a été conduit en choisis-sant 5 instruments les plus corrélés possible avec les variables qu’ils repré-

15 La non-significativité du MA(2) n’est pas surprenante dans la mesure où dans la relation (7) l’informationest révisée entre deux mois successifs tandis que dans les tests d’absence de biais la variation ex-postcontient par construction 2/3 d’information commune entre deux mois successifs.

16 Le fait de centrer les variables macroéconomiques permet de garantir la condition d’égalité entre le tauxd’intérêt observé et le taux anticipé en régime d’équilibre dynamique.

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sentent et indépendants des . Chaque instrument est construit à partir devariables exogènes appartenant à un ensemble de 15 variables macroécono-miques observables incluant les deux variables non-entâchées d’erreurs del’équation (7). Le test se base sur la statistique de Wald qui compare l’esti-mateur des moindres carrés et l’estimateur des variables instrumentalescompte tenu des matrices de covariances respectives. Si les deux estima-teurs sont non significativement différents, alors l’hypothèse nulle d’ortho-gonalité n’est pas rejetée. Sous l’hypothèse nulle, la statistique de Wald suitune loi du à k-k’ degrés de liberté, où k=7 est le nombre de variablesexogènes et k’=2 est le nombre de variables non-entâchées d’erreurs. La sta-tistique de Wald trouvée, égale à 2.37, est largement inférieure à la valeurdu =11, on conclut que l’hypothèse nulle selon laquelle l’estimateurdes moindres carrés est convergent n’est pas rejetée au seuil de 5%.

Au regard du test ADF, les variables et sont I(1)au seuil de 5%, les variables restantes y compris l’endogène étant toutes I(0).Concernant les résidus , la statistique ADF indique que l’on peut admettrel’hypothèse de stationnarité (la valeur critique de MacKinnon (1991) baséesur les résidus est -3.82 au seuil de 5%). En outre, les hypothèses d’indépen-dance sérielle et d’homoscédasticité sont acceptées au seuil de 5% au regardrespectivement des tests de Ljung-Box et Arch. Le modèle est stable auseuil de 5% au regard du test de Chow distinguant deux sous-périodes detailles identiques, ce qui suggère une certaine stabilité structurelle des effetsde mixage individuel et/ou d’hétérogénéité de groupe. On constate que lestrois processus traditionnels sont significatifs. Parmi les variables macroé-conomiques testées,17 le taux d’inflation anticipé, la variation du taux decroissance anticipé du PIB et le taux de variation du rapport M2/M1 sesont révélées être les seules variables exerçant une influence significative surla variation anticipée du taux d’intérêt, les deux premières avec un signepositif et la dernière avec un signe négatif. Ces résultats suggèrent l’exis-tence de comportements fondamentalistes fondés sur les trois effets macro-économiques traditionnels (Sargent (1969)) : l’« effet-prix » dû aux varia-tions du niveau général du prix des biens et services (comportements« fishériens »), l’« effet-revenu » dû aux variations du revenu réel (compor-tements « wickselliens ») et l’« effet de liquidité » dû aux variations desencours monétaires (comportements « keynésiens »). Les deux premierseffets peuvent également être interprétés par le fait que les marchés con-naissent la règle de Taylor sur laquelle serait fondée la fonction de réactionde la Banque Centrale. Quant à l’ « effet de liquidité », il peut être inter-prété comme suit. L’indicateur traduit les variations

17 Il s’agit des valeurs observées et anticipées du taux de variation des prix à la consommation, du taux devariation du PIB en volume, du taux de variation de l’investissement en volume, du solde de la balance cou-rante, du solde budgétaire de l’Etat et du taux de chômage, ainsi que des valeurs observées du taux devariation de M1, du taux de variation de M2 et de la rentabilité des actions (CAC40). Les séries observéessont extraites de DATASTREAM et les séries anticipées de Consensus Forecasts.

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attendues du volume des placements liquides basées sur les variations obser-vées au cours des 3 derniers mois. Une hausse attendue de ce type de pla-cements devant conduire à une baisse de la variation anticipée du tauxd’intérêt à court terme, cette dernière dépendra négativement de l’indica-teur .

Dans l’ensemble, une analyse de la variance (non reproduite ici) amontré que les processus traditionnels extrapolatif, régressif et adaptatifdominent largement les variables macroéconomiques dans la représentationdes anticipations de taux.18 Ceci confirme les résultats de la littérature mon-trant que les taux passés jouent un rôle essentiel dans la représentation desanticipations au sein des modèles de structure de taux.19 Ces taux passésconstituant une information relativement peu coûteuse, leur influence pré-pondérante est conforme à l’hypothèse d’anticipations économiquementrationnelles évoquée ci-dessus.

3.3 Détermination de la prime de risque

L’équation (4) permet à la fois une mesure de la prime de risque basée sur lesdonnées d’enquête et une spécification des facteursde cette prime :

(8)

où est un bruit blanc N(0, ). Comme précédemment, le processusMA(2) caractérisant la partie stochastique de (8) est destiné à corriger leséventuels biais résultant du chevauchement des données. Les valeurs atten-dues de ne doivent pas excéder un seuil de l’ordre de 10 pour traduireune aversion « raisonnable » au risque.20 La variable n’étant pas obser-vable, nous supposons qu’elle suit un processus AR(1), soit

(9)

où est un bruit blanc N(0, ) supposé indépendant de . Dans lemodèle à composante non-observable représenté par (8) et (9), la premièreéquation définit l’équation de mesure et la seconde l’équation d’état,l’ensemble pouvant être estimé par la méthode du filtre de Kalman.L’Annexe B présente la forme espace-état correspondant à ce modèle et leséquations récurrentes du filtre de Kalman.

18 Notons que Gennotte and Leland (1990) ont montré, sur la base d’une enquête auprès des opérateurs surle NYSE portant sur leurs méthodes de prévision, que ces derniers fondent leurs anticipations plus sur lesprix du marché que sur les fondamentaux.

19 Voir notamment Meiselman (1962), Modigliani et Sutch (1966, 1967), Dobson, Sutch et Vanderford (1976)et Friedman et Roley (1979) pour les Etats-Unis ; Artus (1987) et Avouyi-Dovi, Boutillier et Topol (1989)pour la France ; Jondeau (1998) pour les USA, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni.

20 Voir Mehra et Prescott (1985), Lucas (1994).

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La relation (8) pose la question de la mesure des variances et cova-riances attendues et . Nous avons retenu commeproxy de une moyenne pondérée des valeurs présente et passéesde la variance du taux à terme de 3 mois de l’actif à 3 mois, ce tauxétant égal à :

(10)

Les taux d’intérêt étant observés quotidiennement, nous pouvonsainsi estimer une variance proche de l’instant t, ce qui n’aurait pas étépossible si l’on avait utilisé le taux anticipé (observable mensuellement) aulieu du taux à terme. Au cours du processus d’estimation du système (8) et(9), nous avons trouvé que la longueur optimale de l’intervalle sur lequelest calculée est de 7 jours et que le retard i est de 1 mois. Pour évaluerla covariance, les taux futurs et étant naturellement inconnusen t, nous avons supposé que les agents prennent leurs décisions sur la basede l’idée qu’ils s’en font à l’instant t, à savoir et , oùl’indice f indique la fin de l’année en cours (CE ne fournit pas le taux d’infla-tion anticipé à 3 mois).21 En supposant que les erreurs de mesure affectantces deux dernières variables issues des enquêtes ont une covariance nulle,on peut en déduire que la covariance calculée avec les données d’enquête estégale à la covariance entre les vraies anticipations, et donc que l’utilisationdes données d’enquête ne perturbe pas les résultats. La longueur de lapériode sur laquelle est calculée la covariance entre les valeurs anticipées dutaux court et de l’inflation a été optimisée au cours de l’estimation du sys-tème (8) et (9). La longueur optimale trouvée est de 3 mois, ce qui indiqueune symétrie entre la référence au passé et l’horizon futur considéré. Aucunretard significatif n’a été trouvé pour la covariance. L’asymétrie dans lesdurées sous-jacentes au calcul de la variance et de la covariance est intuitivedans la mesure où, en observant quotidiennement le taux d’intérêt, les répon-dants perçoivent une volatilité « du moment », ce qui n’est naturellementpas possible dans le cas de la covariance puisque l’inflation n’est observéeque mensuellement. Puisque la covariance est calculée à partir des anticipa-tions de taux d’intérêt et de taux d’inflation, sa nature ex-ante est bien res-pectée, et il en va de même pour la variance du taux court calculée à partirdu taux à terme implicite.

21 Remarquons que l’existence d’actifs ayant une maturité supérieure à 6 mois modifie l’expression de laprime de risque dans (4). Dans ce cas, il faut ajouter la somme pondérée (par les parts d’actifs) des cova-riances entre la rentabilité de l’actif à 6 mois et la rentabilité de tout actif ayant une maturité supérieure à 6mois. Nous avons représenté cette somme au moyen d’une variable d’état AR(1). Après avoir augmentél’équation (8) de cette composante non observable, l’estimation de l’équation de mesure a conduit à la non-significativité du processus AR(1). Il semble donc que le modèle à 2 actifs fournisse une approximationacceptable pour modéliser la prime de risque de l’actif à 6 mois.

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Tableau 2: Estimation de la prime de risque par le filtre de Kalman

Notes. Les estimations ont été réalisées sur la période 1990:05-1998:10 (105 observations) avecla méthode du maximum de vraisemblance (v. Annexe B). Les variances de et de ont étéestimées respectivement sous la forme exp(c1) et exp(c2), garantissant leur positivité quels quesoient les signes des paramètres estimés et . Les valeurs entre parenthèses représentent lesécarts-types d’estimation des paramètres ; les p-values (non reportées) indiquent que ces der-niers sont tous significatifs à 5%, sauf qui est non significatif dans le modèle B. Q* et hHsont respectivement les statistiques d’autocorrélation de Ljung-Box et d’hétéroscédasticitéadaptées au filtre de Kalman (Harvey, 1992) (v. Annexe C pour la description de ces statisti-ques et pour les valeurs critiques asymptotiques associées). AIC, SC et HQC désignent respec-tivement les critères d’information d’Akaike, de Schwarz et de Hannan et Quinn. estobtenu en ajoutant à la valeur calculée de la variable endogène de l’équation (7).

Enfin, nous distinguons deux approches pour représenter les anticipa-tions du taux à trois mois intervenant dans le membre de gauche de l’équa-tion (8). La première consiste à utiliser directement les anticipations révé-

Modèle avec anticipations exogènes (modèle A)

Modèle avec anticipations endogènes (modèle B)

Variable dépendante : Variable dépendante :

Equation d’état (9)

0.97 (0.03) 0.97 (0.03)

-3.53 (0.03) -3.04 (1.15)

Equation de mesure (8)

9.52 (2.95) 9.63 (4.76)

0.72 (0.18) 0.37 (0.12)

0.75 (0.12) 0.78 (0.12)

0.26 (0.12) 0.06 (0.14)

-3.16 (0.17) -3.04 (0.17)

0.49 0.49

0.51 0.62

Q* 10.16 15.5

hH 3.34 2.82

AIC 0.157 0.362

SC 0.335 0.541

HQC 0.229 0.434

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lées par les enquêtes de CE (modèle A à anticipations exogènes). La secondeendogénéise les anticipations de taux des experts en déduisant de (7) lesvaleurs calculées du taux anticipé à 3 mois et en reportant cesdernières dans les mesures de la prime et de la covariance intervenant dansla relation (8) (modèle B à anticipations endogènes). Nous testons ainsisimultanément la validité du processus anticipatif mixte et de la spécifica-tion de la prime de risque déduite du modèle de structure de taux. Cettedémarche en deux étapes est justifiée ex-post par l’absence constatée de cor-rélation significative entre le résidu du processus anticipatif (7) et lerésidu issu de l’estimation de la relation de structure de taux (8) avecanticipations endogènes. Concernant l’équation d’état (9), la valeur initialede la part d’actifs a été déterminée par balayage sur l’intervalle [0,1] demanière à minimiser les critères d’information d’Akaike, de Schwarz et deHannan et Quinn. La valeur estimée de s’étant avérée non significative-ment différente de zéro, les résultats présentés (Tableau 2) sont ceux obte-nus sans ce terme constant.

Il ressort de ces résultats que le modèle est globalement validé dansses deux versions A et B concernant la représentation des anticipations. Lesdeux versions conduisent à des résultats assez proches, validant ainsil’hypothèse jointe du processus anticipatif et du modèle de structure detaux. Dans les deux versions, le coefficient d’aversion relative au risque prend une valeur de l’ordre de 10, ce qui correspond à une valeur économi-quement acceptable. On constate qu’un seul retard sur la variance est signi-ficatif, avec un coefficient compris entre zéro et un, conformément à lavaleur attendue. La significativité des coefficients et dans le cas dumodèle A et dans le cas du modèle B indique que le processus MA(2)caractérisant les résidus corrige les effets du chevauchement des données.L’hypothèse d’un processus AR(1) est validée pour représenter la dynami-que de la variable d’état.

Dans ce travail, nous nous intéressons à une interprétation structu-relle (et non prédictive) du modèle. Pour cette raison, les valeurs des varia-bles d’état et de mesure ainsi que les résidus associés sont à tout instantcalculées en tenant compte de l’ensemble de l’échantillon (smoothed infer-ence) et non seulement en fonction des seules données passées (Harvey(1992), Hamilton (1994)). La Figure 1 représente l’évolution de la variabled’état estimée par le filtre de Kalman dans le cas de la version à anti-cipations exogènes (modèle A) choisie à titre d’illustration. On constate queles valeurs estimées de au cours de la période sont globalement compri-ses dans l’intervalle théorique [0,1]. En mars 1995, la détention de l’actiflong atteint la très faible valeur de 0.67% mais l’intervalle de confiance à5% représenté sur la Figure 1 indique que des valeurs jusqu’à 5.32% restentadmissibles. De même, bien que les valeurs de dépassent très légère-ment les bornes de l’intervalle théorique à la mi-1996 et en mars 1998, desvaleurs nettement intérieures aux bornes restent plausibles eu égard à

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l’intervalle de confiance à 5%. La légère tendance à la baisse de surl’ensemble de la période peut être rapprochée de la diminution observée dutaux d’inflation anticipé (CE) sur cette même période (le coefficient de cor-rélation entre les deux variables s’élève à 0.50) : la part de l’actif long dansle portefeuille est d’autant moins importante que l’inflation attendue est fai-ble, ce qui confirme un résultat fréquent de la littérature. La Figure 2 repré-sente les valeurs de la prime de risque et ses valeurs calculées issues del’équation de mesure (8) avec anticipations exogènes.

Dans l’ensemble, les principaux mouvements sont représentés d’unemanière acceptable par le modèle. Bien que l’on puisse parfois observer desdécalages temporels de sens variable entre les valeurs observées et calculées,la corrélation maximale est obtenue entre les valeurs contemporaines desdeux grandeurs, ce qui suggère qu’il n’y a pas de décalage systématique surl’ensemble de la période. On peut vérifier la qualité de l’ajustement auregard du coefficient de détermination conventionnel et d’une mesuremodifiée proposée par Harvey (1992), le , évaluant la qualité de l’ajus-tement par rapport à une simple marche aléatoire avec dérive (Tableau 2).22

Les valeurs du indiquent que la variance résiduelle de l’équation demesure est de 0.49 fois celle de la marche aléatoire. Ce résultat confirme quele modèle à composante inobservable domine largement la marche aléatoire.

Nous examinons maintenant les propriétés statistiques de , qui dési-gne désormais les résidus lissés standardisés de l’équation de mesure. Lestests de diagnostic auxquels nous nous référons sont les tests d’autocorréla-tion de Ljung-Box (Q*) et d’hétéroscédasticité (hH) proposés par Harvey(1992) pour analyser les résidus issus du filtre de Kalman (voir Annexe C).Le test Q* basé sur 10 retards appliqué à ces résidus permet de conclure àl’absence d’autocorrélation significative pour chacun des modèles A et B.De même, il ressort de la valeur de la statistique hH que l’hypothèse nulled’homoscédasticité n’est rejetée pour aucun des modèles A et B. L’ensemblede ces résultats confère aux résidus les bonnes propriétés statistiques, queles anticipations soient exogènes ou endogènes. On peut en particulierremarquer que si les chocs structurels qui ont marqué la période étudiée(réunification allemande, crise du SME…) ont pu affecter le niveau généraldes taux, ils ne semblent pas avoir eu une incidence significative sur lastructure de taux pour les horizons considérés.

22 Les deux mesures de la qualité d’ajustement sont définies par et

où et SSR est la somme des carrés des résidus. Une valeur négative

de implique que le modèle estimé est moins performant qu’une simple marche aléatoire avec dérive.

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Figure 1: Valeurs estimées de la part de l’actif long (anticipations exogènes)

Figure 2: Valeurs observées et calculées de la prime de risque (anticipations exogènes)

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4 Conclusion

En exploitant les anticipations de taux sur le marché de l’Eurofranc révéléespar les enquêtes de Consensus Economics auprès d’experts, nous rejetonsdans une première étape l’hypothèse d’anticipations rationnelles, ce résultatpouvant s’interpréter comme une conséquence de l’existence de coûtsd’information. Nous trouvons que le modèle anticipatif décrivant les antici-pations de taux combine les processus traditionnels de la littérature (extra-polatif, adaptatif et régressif) et des anticipations macroéconomiques (infla-tion, revenu réel, monnaie). Dans une seconde étape, un modèle destructure de taux fondé sur la théorie du choix de portefeuille et intégrantce processus anticipatif a été estimé sous la forme d’une représentationespace-état permettant d’évaluer la part non-observable du titre long dansle portefeuille. Ce modèle relie ainsi les anticipations de taux, le spread etla prime de risque. Les facteurs théoriques de la prime de risque, à savoir lavolatilité attendue du taux court et la covariance attendue entre ce dernieret l’inflation, ont pu être validés par l’analyse économétrique, avec un coef-ficient d’aversion relative au risque économiquement acceptable. Dansl’ensemble, ces résultats montrent qu’il y a compatibilité entre le modèle destructure de taux et les anticipations des experts, suggérant ainsi que celles-ci constituent une approximation des anticipations du marché. Bien que lesinvestisseurs se coordonnent sur le marché avec des anticipations non-rationnelles, ils effectuent néanmoins des choix intertemporels conformes àla rationalité sous-jacente au modèle de portefeuille. Cette validation de larationalité des choix d’actifs au détriment d’une représentation sans biaisdu futur est de nature à ouvrir une réflexion nouvelle sur la théorie des prixd’actifs financiers.

Une implication intéressante de ces résultats est que les facteursmacroéconomiques influencent la structure des taux d’intérêt via les antici-pations de taux, via la covariance attendue et, de manière implicite, via lesfacteurs économiques sous-jacents à la dynamique de la part de l’actif longdans le portefeuille. Il en résulte notamment que la Banque Centrale peut,par des effets d’annonce sur la politique monétaire, infléchir les anticipa-tions d’inflation des agents et modifier ainsi la structure des taux.

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Annexe A : Expression de la prime de risque ex-ante

Le cours du titre à périodes est par définition égal à la valeur actualiséedes recettes futures, soit 23

(A1)

où représente la valeur nominale (connue en t) qui sera payée à l’échéance(intérêts composés et remboursement). La rentabilité espérée du titre longentre t et t+ a donc pour expression: 24

(A2)

où ln est le logarithme népérien et l’opérateur d’espérance condition-nelle. En reportant (A1) dans (A2) et en divisant par , on obtient l’expres-sion en base mensuelle de la rentabilité espérée du titre long, soit

(A3)

On en déduit l’expression générale de la prime de risque pour un actifayant une duration de périodes:25

(A4)

ce qui conduit à la relation (1).

Annexe B : Modèle espace-état et équations du filtrede Kalman

Afin de simplifier les écritures, posons , et. Le système formé par l’équation de mesure (8)

avec structure MA(2) des résidus et l’équation d’état (9) peut se mettresous la forme espace-état suivant (voir Hamilton (1994), ch. 13; Harvey(1992), ch.3):

23 Les taux sont exprimés ici sur la base d’un mois, en valeur décimale (et non en %).24 Remarquons que le titre à périodes en t devient un titre à périodes en .25 Un point important est celui de l’horizon de placement de l’investisseur. La relation (A4) ne traduit une prime

exigée (positive) que si l’horizon désiré de placement du prêteur est de mois (le prix du titre long en étant incertain en t, le prêteur encourt un risque de perte en capital), les emprunteurs désirant quant

à eux une disponibilité des fonds sur périodes (c’est pourquoi ils émettent des titres ayant une maturitéégale à ). Par contre, si l’horizon désiré est non pas d’une période, mais de périodes, il est clair quele taux représente alors le taux sans risque du prêteur : investir dans le titre à une période devient uneopération risquée, puisque le prix de ce titre en reste inconnu en t (en achetant le titre à mois, leprêteur encourt donc un risque de réinvestissement de son capital).

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(B1)(B2)

est un vecteur de variables non-observables, de valeur initiale ayantcomme moyenne et comme matrice de covariance . et les élémentsde sont des perturbations telles que et

et supposées non-autocorrélées. Elles sont également mutuellementnon-corrélées, soit , et aussi non-corrélées avec . Soit l’estimateur optimal (ou la mise à jour, v. infra) de basé sur toute l’infor-mation disponible jusqu’à t, notée . Soit lamatrice de variance-covariance de l’erreur d’estimation. Le prédicteur opti-mal de conditionnel à est donné par :

(B3)

et on montre que la matrice de variance-covariance de l’erreur de prévision,, peut se mettre sous la forme :

(B4)

Les relations (B3) et (B4) constituent les équations de prévision du filtrede Kalman. En déduisant de (B1) l’expression de la prévision de , on montreque l’erreur de prévision de a pour variance

. La projection linéaire de sur conduit aux équationsde mise à jour suivantes :

(B5)

(B6)

où est un terme correctif, appelé le gain du filtre de Kalman,appliqué respectivement à l’erreur de prévision de dans (B5) et à la cova-riance entre l’erreur de prévision de et celle de , soit

dans (B6). Si , et suivent une distribu-tion multivariée gaussienne, alors est . Les paramètrescontenus dans les équations (B1) et (B2) sont alors estimés par la maximisation

de la fonction de log-vraisemblance , où

est la fonction de densité de .

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Annexe C : Tests de diagnostic sur les résidus lissésstandardisés

Nous décrivons les tests d’autocorrélation et d’hétéroscédasticité de Harvey(1992) que nous appliquons aux résidus lissés standardisés de l’équationde mesure. Notons par l’autocorrélation de au retard .Nous retenons (Harvey (1992), p.259).

Test d’autocorrélation. Suivant Harvey (1992), l’hypothèse nulled’absence d’autocorrélation dans les résidus peut être testée au moyen de

la statistique Q de Ljung-Box modifiée , où

, avec d représentant le nombre de composantes non-stationnai-res distinctes dans le vecteur d’état (voir Annexe B), soit ici 1 (voir

Figure 1). Sous l’hypothèse nulle, suit une où , n=2désignant le nombre d’hyperparamètres à estimer (les valeurs critiques

asymptotiques aux seuils de 10%, 5% et 1% d’une sont respective-ment 13.36, 15.51 et 20.1).

Test d’hétéroscédasticité. Ce test est fondé sur le rapport des sommes

des carrés des résidus , où h est l’entier le plus proche

de , égal à 35 pour notre échantillon. La distribution asymptotique dela statistique est (les valeurs critiques asymptotiques pour un

étant 46.05, 49.8 et 57.3 aux seuils respectifs de 10%, 5% et 1%).

,1 1 1 …,p,=p T 102=

T* T d–=

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