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Approches fréquentielle et spectrale pour le contrôle des systèmes linéaires conservatifs en dimension infinie. Karim RAMDANI Journée TIPE 2013 - 6 Novembre 2012 Table des matières 1 Quelques notations et définitions 4 2 Contrôlabilité en dimension finie. Les critères de Kalman et de Hautus. 6 3 Contrôlabilité en dimension infinie. Critère de type Hautus. 9 3.1 Quelques mots d’analyse fonctionnelle ..................... 11 3.2 Contrôlabilité ................................... 11 3.3 Caractérisation de la contrôlabilité exacte ................... 12 3.4 Caractérisation fréquentielle de la contrôlabilité ............... 14 4 Caractérisation spectrale de la contrôlabilité 16 4.1 Cas avec gap ................................... 16 4.2 Cas sans gap ................................... 18 5 Exemples d’applications 19 5.1 Equation des ondes 1D .............................. 19 5.2 Equation des plaques 1D ............................. 20 5.3 Equations des ondes 1D à coefficients variables ................ 21 5.4 Equation des plaques dans un carré ....................... 22 * Inria Nancy - Grand Est et Université de Lorraine; http://www.iecn.u-nancy.fr/~ramdani/ 1

Approches fréquentielle et spectrale pour le contrôle des

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Page 1: Approches fréquentielle et spectrale pour le contrôle des

Approches fréquentielle et spectrale pour le contrôle des

systèmes linéaires conservatifs en dimension infinie.

Karim RAMDANI∗

Journée TIPE 2013 - 6 Novembre 2012

Table des matières

1 Quelques notations et définitions 4

2 Contrôlabilité en dimension finie. Les critères de Kalman et de Hautus. 6

3 Contrôlabilité en dimension infinie. Critère de type Hautus. 9

3.1 Quelques mots d’analyse fonctionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

3.2 Contrôlabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

3.3 Caractérisation de la contrôlabilité exacte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

3.4 Caractérisation fréquentielle de la contrôlabilité . . . . . . . . . . . . . . . 14

4 Caractérisation spectrale de la contrôlabilité 16

4.1 Cas avec gap . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

4.2 Cas sans gap . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

5 Exemples d’applications 19

5.1 Equation des ondes 1D . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

5.2 Equation des plaques 1D . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

5.3 Equations des ondes 1D à coefficients variables . . . . . . . . . . . . . . . . 21

5.4 Equation des plaques dans un carré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

∗Inria Nancy - Grand Est et Université de Lorraine; http://www.iecn.u-nancy.fr/~ramdani/

1

Page 2: Approches fréquentielle et spectrale pour le contrôle des

Dans ce cours, on s’intéresse à la commande (ou au contrôle) des systèmes dynamiques.Le problème modèle traité peut s’énoncer comme suit : étant donné un système décrit parune variable d’état z(t) dépendant du temps et prenant des valeurs dans un espace X (dedimension finie ou infinie), est-il possible d’agir sur le système, via un contrôle u(t) pourl’amener d’un état initial z0 donné à un état final cible zτ à l’instant t = τ . D’innombrablesapplications industrielles ou de la vie courante font intervenir ce type de problématique :

• régulation de température d’un four ou d’une pièce ;• régulateur de vitesses d’une voiture ;• planification de trajectoire pour un robot manipulateur ;• système de pilotage automatique d’un avion ou guidage de satellites ;• commande de molécules par contrôle laser en chimie quantique ;

De manière schématique, les systèmes de contrôle ci-dessus peuvent être décrits via lareprésentation systèmes de la Figure 1. En général, le contrôle est obtenu en temps réel àl’instant t à partir de la connaissance de l’état (ou de manière plus réaliste d’une partiede l’état, appelée sortie du système) aux dates antérieures. On parle de contrôle en bouclefermée ou contrôle par feedback/rétroaction.

SORTIE

FEEDBACK

SYSTÈMECONTRÔLEUR

Figure 1 – Système contrôlé.

On restreindra ici notre analyse aux systèmes linéaires autonomes, c’est à dire auxsystèmes dont la dynamique est linéaire et indépendante du temps. De tels systèmes sontmodélisés par l’équation suivante (le point désignera toujours la dérivation temporelle) :

z(t) = Az(t) +Bu(t). (⋆)

Le problème de contrôle consiste alors à savoir s’il existe un contrôle u(t) permettant deconduire le système d’un état z(0) = z0 donné à un état final z(τ) = zτ prédéfini.

Dans un premier temps, nous répondrons à cette question dans le cas où l’espace desétats X dans lequel évolue z(t) au cours du temps est un espace de dimension finie (typi-quement Rn), A et B étant alors des matrices. L’exemple le plus simple de tels systèmes estle système masse-ressort, régi par l’EDO (Equation Différentielle Ordinaire) de l’oscillateurharmonique linéaire

mx(t) = −kx(t) + u(t).

On notera que cette EDO linéaire du deuxième ordre s’écrit bien sous la forme (⋆) d’un

système différentiel d’ordre un, en introduisant la nouvelle variable z(t) =

[x(t)x(t)

], avec

A =

[0 1

−k/m 0

]B =

[0

1/m

]

2

Page 3: Approches fréquentielle et spectrale pour le contrôle des

Dans un grand nombre de problèmes issus de la physique, l’état du système ne peutêtre décrit par un nombre fini de variables (i.e. n’est pas un élément de R

n), mais faitintervenir un nombre infini de degrés de libertés. En voici deux illustrations. Un premierexemple, que l’on rencontre en astronomie, est fourni par les télescopes terrestres utilisésen optique adaptative. En effet, un miroir déformable est utilisé pour corriger en temps réelles déformations du front d’onde générées par la turbulence atmosphérique et mesurées viaun analyseur de fronts d’ondes. Depuis une vingtaine d’années, les miroirs utilisés, qui sontdéformés par des actionneurs ferro-électriques, sont de taille si importante et comportentune densité d’actionneurs si élevée qu’une modélisation de type discret devient inadaptée.Il est alors plus judicieux de passer à une modélisation continue, dans laquelle le contrôle(la fonction décrivant la surface du miroir en l’occurrence) est décrit par une fonction dutemps à valeurs dans un espace fonctionnel de espace de dimension infinie. Le contrôle dessystèmes vibratoires (une corde, une poutre, une membrane,...) fournit un autre exemplede problème de contrôle en dimension infinie. L’état du système est alors décrit à chaqueinstant par une fonction de la variable spatiale (z(t) : x 7−→ z(x, t) représentant parexemple le déplacement du point x la corde, de la poutre ou de la membrane).

Pour de tels problèmes de contrôle en dimension infinie, on est alors conduit à étudierdes systèmes de la forme (⋆), où A et B non plus des matrices, mais des opérateurs surdes espaces fonctionnels de dimension infinie, typiquement des opérateurs aux dérivéespartielles. Ainsi, en acoustique par exemple, le contrôle d’un système de type ondes estmodélisé par une équation aux dérivées partielles (EDP) de la forme

∂2w

∂t2(x, t) − ∆w(x, t) = 1O(x)u(t) x ∈ Ω, t ∈ (0, τ)

w(x, t) = 0 x ∈ ∂Ω, t ∈ (0, τ)

On notera de nouveau que, du moins formellement, ce système peut être réécrit sous la

forme équivalente (⋆), en introduisant la nouvelle variable z(t) =

[w(t)w(t)

](où l’on a noté

w(t) : x 7−→ w(x, t)), avec

A =

[0 I∆ 0

]B =

[0

1O

]

Les deux exemples décrits ci-dessus présentent la particularité commune de correspondreà des problèmes de contrôle de systèmes conservatifs. On désignera par ce terme dessystèmes idéaux (“sans dissipation”) dont l’énergie est conservée au cours du temps. D’unpoint de vue mathématique, ils peuvent être décrits comme des systèmes dont la dyna-mique

z(t) = Az(t),

fait intervenir une matrice ou un opérateur A antiadjoint (i.e. vérifiant A∗ = −A). Pours’en convaincre, il suffit de remarquer que l’énergie E(t) := ‖z(t)‖2 du système vérifie

E(t) =ddt

〈z(t), z(t)〉 = 〈Az(t), z(t)〉 + 〈z(t), Az(t)〉 = 〈Az(t), z(t)〉 + 〈A∗z(t), z(t)〉 = 0.

Cette classe de systèmes linéaires s’avère très importante, notamment parce qu’il est dansce cas possible de transposer les critères de contrôlabilité connus pour les systèmes dedimension finie aux systèmes de dimension infinie. Nous verrons en particulier dans ce coursque ces critères de contrôlabilité sont de type fréquentiel ou spectral (critère de Hautus).Après un bref rappel de ce critère en dimension finie, nous détaillerons la caractérisationfréquentielle de la contrôlabilité (exacte) des systèmes conservatifs.

Dans ce cours, nous restreindrons à l’étude d’un modèle très simplifié. Des modélisationsplus complexes peuvent s’avérer nécessaire pour traiter de configurations plus réalistes(voir Figure 2) :

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Page 4: Approches fréquentielle et spectrale pour le contrôle des

u(t) = h (z(t), y(t))y(t) : SORTIE

w(t) : PERTURBATION

CONTRÔLEUROBSERVATEUR

z(t) = f (z(t), u(t))˙z(t) = g (z(t), y(t))

Figure 2 – Système perturbé contrôlé avec estimateur d’état.

• systèmes non linéaires : z(t) = f (z(t), u(t)) où f est une fonction non linéaire ;• systèmes non autonomes : z(t) = f (t, z(t), u(t)) (la dynamique varie au cours du

temps) ;• systèmes avec perturbations : z(t) = f (z(t), u(t)) + w(t) où w représente une per-

turbation inconnue (mais généralement petite), prenant en compte par exemple desincertitudes ou du bruit.

De plus, nous n’aborderons que la question préliminaire (et académique) de la contrôlabi-lité d’un système. Un grand nombre de questions doivent être généralement étudiées :

• Comment déterminer le contrôle permettant d’atteindre l’état final souhaité, notam-ment lorsqu’on n’a pas accès à l’état du système z(t) mais seulement à une mesurepartielle y(t) (par exemple dépendant linéairement de l’état : y(t) = Cz(t)) ?

• Comment déterminer, parmi l’ensemble des contrôles, celui qui optimise un critère de“coût” donné ? C’est l’objet de la théorie du contrôle optimal.

• Comment garantir que le contrôle obtenu est “robuste” vis-à-vis des perturbations ?• Enfin, on citera aussi la problématique de stabilisation d’un système (autour d’une

trajectoire cible) qui est très étroitement liée au problème de contrôle.Pour clore cette courte introduction, ci-dessous quelques références (en français) pour

le lecteur qui souhaiterait approfondir le sujet :– Analyse Fonctionnelle : H. Brezis[1].– Semi-groupes : Cazenave et Haraux [2].– Systèmes de Dimension Finie : E. Trélat [9].

Pour les systèmes de dimension infinie, seules des références en anglais sont disponibles :J-. M. Coron [3], W. Liu [4], M. Tucsnak et G. Weiss [10], E. Zuazua [11].

1 Quelques notations et définitions

• Mm,n(K) : ensemble des matrices carrées à m lignes et n colonnes à coefficients dansK ;

• Mn(K) : ensemble des matrices carrées d’ordre n à coefficients dans K ;

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Page 5: Approches fréquentielle et spectrale pour le contrôle des

• eA =∞∑

k=0

Ak

k!: exponentielle de la matrice A ;

• Ω : intervalle ouvert de R ou ouvert borné régulier de Rd ;

• Cp(Ω), p ∈ N : espace des fonctions de Ω à valeurs dans R (ou C) de classe Cp ;• C∞

0 (Ω) : espace des fonctions de classe C∞ à support compact contenu dans Ω ;• Lp(Ω), p ≥ 1 : espace des fonctions mesurables de Ω à valeurs dans R (ou C), de

puissance p intégrable. C’est un espace de Banach pour la norme

‖f‖Lp(Ω) =(∫

Ω|f(x)|p dx

)1/p

.

• L2(Ω) : L’espace des fonctions de carré intégrable muni du produit scalaire

(f, g)L2(Ω) =∫

Ωf(x)g(x) dx,

définit un un espace de Hilbert.• Lp(0, τ ;X) : Si X est un espace de Hilbert et τ > 0, on notera Lp(0, τ ;X) l’espace

des fonctions f de l’intervalle (0, τ) à valeurs dans X telles que t 7→ ‖f(t)‖ soit dansLp(0, τ). C’est un espace de Banach lorsqu’il est muni de la norme

‖f‖Lp(0,τ ;X) =(∫ τ

0‖f(t)‖p dt

)1/p

.

Pour p = 2, c’est un espace de Hilbert lorsqu’il est muni du produit scalaire

(f, g)L2(0,τ ;X) =∫ τ

0(f(t), g(t)) dt

• Hm(Ω), m ∈ N, est l’espace des fonctions de L2(Ω) dont les dérivées (au sens desdistributions) jusqu’à l’ordre m sont dan L2(Ω). En particulier, H1(Ω) est l’espacedes fonctions f telles que f, f ′ sont dans L2(Ω) ;

• H10 (Ω) est le sous-espace des fonctions de H1(Ω) constituée des fonctions de trace

(valeur au bord) nulle sur ∂Ω ;• L(E,F ) : espace vectoriel des applications linéaires continues de E dans F (E,F

étant deux espaces de Hilbert) ;• KerA = u ∈ E | Au = 0 : Noyau d’un opérateur A ∈ L(E,F ) ;• ImA = v = Au, u ∈ E ⊂ F : Image d’un opérateur A ∈ L(E,F ) ;• Adjoint d’un opérateur borné : Si A ∈ L(E,F ), on note A∗ ∈ L(F,E) l’opérateur

défini par(φ,A∗ψ)E = (Aφ,ψ)F , ∀ (φ,ψ) ∈ E × F.

• Base Hilbertienne : Une famille (φn)n∈N d’un espace de Hilbert X est une base or-thonormée de X ou une base Hilbertienne de X si et seulement si

• ‖φn‖X = 1, ∀ n ∈ N

• 〈φn, φm〉X = 0, ∀ n,m ∈ N, n 6= m• l’espace vectoriel engendré par la famille (φn)n∈N est dense dans X.

En particulier, tout élément z de X, on a

• z =∞∑

n=1

〈z, φn〉φn

(i.e. lim

N→+∞

∥∥∥z −N∑

n=1

〈z, φn〉φn

∥∥∥X

= 0)

;

• ‖z‖2X =

∞∑

n=1

|〈z, φn〉|2.

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Page 6: Approches fréquentielle et spectrale pour le contrôle des

• Opérateur diagonalisable : Un opérateur linéaire A d’un espace de Hilbert X seradit diagonalisable si et seulement s’il existe une base hilbertienne de X constituée defonctions propres de A, i.e. s’il existe une base hilbertienne (φn)n∈N de X et une suitede nombres complexes (λn)n∈N tels que

D(A) =

z =

∞∑

n=1

〈z, φn〉φn

∣∣∣∞∑

n=1

|λn|2|〈z, φn〉|2 < +∞

Az =∞∑

n=1

λn〈z, φn〉Xφn, ∀ z ∈ D(A).

2 Contrôlabilité en dimension finie. Les critères de Kalman

et de Hautus.

Etant données deux matrices A ∈ Mn(C) et B ∈ Mn,m(C), on considère le systèmelinéaire contrôlé

z(t) = Az(t) +Bu(t)z(0) = z0.

(2.1)

On appelle• X = C

n l’espace des états,• z(t) ∈ X l’état du système à l’instant t,• z0 ∈ X l’état initial du système,• U = R

m l’espace des contrôles,• u(t) ∈ U le contrôle à l’instant t.

Le système (2.1) a une unique solution (par exemple en supposant que le contrôle continuen temps à valeurs dans U , i.e. u ∈ C([0, τ ];U)) donnée par la formule de Duhamel

z(t) = etAz0 +∫ t

0e(t−s)ABu(s) ds. (2.2)

La formule (2.2) définit les trajectoires solutions de (2.1) pour des contrôles non nécessai-rement continus, mais d’énergie finie : u ∈ L2(0, τ ;U).

Le problème de la contrôlabilité du système (A,B) défini par (2.1) consiste à répondreà la question suivante : étant donné un temps τ , un état initial z0 et un état final zτ ∈ X,est-il possible de trouver un contrôle u ∈ L2(0, τ ;U) permettant d’atteindre cet état àl’instant τ , i.e. de trouver u(t) tel que

z(τ) = eτAz0 +∫ τ

0e(τ−s)ABu(s) ds = zτ .

Commençons par remarquer que compte tenu du caractère linéaire du problème, il suffitd’étudier le cas où z0 = 0 (contrôlabilité à partir de zéro).

En introduisant l’application “contrôle → état final”

Φτ : L2(0, τ ;U) −→ X

u 7−→∫ τ

0e(τ−s)ABu(s) ds

on est alors naturellement conduit à la définition suivante de la contrôlabilité.

6

Page 7: Approches fréquentielle et spectrale pour le contrôle des

Définition 2.1. Le système (A,B) est dit contrôlable en temps τ s’il existe un tempsτ > 0 tel que Φτ soit une application surjective sur X :

Im Φτ = X.

Afin de caractériser l’image de l’application Φτ (linéaire et continue de L2(0, τ ;U) dansX), on utilisera les deux résultats préliminaires suivants

Lemme 2.2. Soient E,F deux e.v. munis de produits scalaires, avec dimF < ∞, et soitT ∈ L(E,F ). On désigne par T ∗ ∈ L(F,E) l’opérateur adjoint de T :

〈Tx, y〉F = 〈x, T ∗y〉E . (2.3)

Alors, on aIm T = (KerT ∗)⊥ KerT = (Im T ∗)⊥.

En particulier, T est surjectif si et seulement si T ∗ est injectif.

Lemme 2.3. L’adjoint de l’application Φτ ∈ L(L2(0, τ ;U),X) est définie par

Φ∗τ : X −→ L2(0, τ ;U)

z0 7−→ v(t)(2.4)

avecv(t) = B∗e(τ−t)A∗

z0, ∀ t ∈ (0, τ). (2.5)

Démonstration. Il suffit de remarquer que pour tout u ∈ L2(0, τ ;X) et pour tout z0 ∈ X,on a

(Φτu, z0) =∫ τ

0

(e(τ−s)A Bu(s), z0

)ds =

∫ τ

0

(u(s), B∗e(τ−s)A∗

z0

)U

ds = (u, v)L2(0,τ ;U) .

Nous pouvons maintenant obtenir la première caractérisation de contrôlabilité en di-mension finie, à savoir le critère de Kalman.

Proposition 2.4 (Critère de Kalman). Le système (A,B) défini par (2.1) est contrôlableen temps τ si et seulement si la matrice de Kalman

K := [B |AB | . . . |An−1B] ∈ Mn,nm(C)

est de rang maximal :rgK = n.

Avant de démontrer ce résultat, on remarquera que le critère de Kalman ne dépendpas du temps τ , ce qui montre que, lorsque qu’un système linéaire autonome (i.e. dont ladynamique est indépendante du temps) est contrôlable, il l’est en temps arbitrairementpetit. Ce résultat est propre à la dimension finie et n’est plus vrai en dimension infinie.

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Page 8: Approches fréquentielle et spectrale pour le contrôle des

Preuve de la Proposition 2.4. Puisque dimX < ∞, le Lemme 2.2 montre que la contrôla-bilité de (A,B) est équivalente à l’injectivité de l’application Φ∗

τ définie par (2.4)-(2.5).

• Supposons que (A,B) n’est pas contrôlable. Il existe alors z0 ∈ Ker Φ∗τ , et donc

B∗etA∗

z0 = 0, ∀ t ∈ (0, τ).

La fonction analytique y(t) := B∗etA∗

z0 est donc identiquement nulle. Il en est donc demême pour ces dérivées en 0 à tout ordre. En particulier

0 =

y(k)(0)...

y(k)(0)...

y(n−1)(0)

=

B∗z0...

B∗(A∗)kz0...

B∗(A∗)n−1z0

= K∗z0.

ce qui montre que KerK∗ 6= 0, et par suite que rgK < n.

• Inversement, si rgK < n, alors il existe z0 6= 0 tel que

K∗z0 =

B∗z0...

B∗(A∗)kz0...

B∗(A∗)n−1z0

= 0.

Comme chaque puissance Ak pour k ≥ n est une combinaison linéaire des I,A, . . . , An−1,la relation ci-dessus entraîne que

B∗(A∗)kz0 = 0, ∀ k ∈ N.

Par conséquent, la fonction y(t) := B∗etA∗

z0 est identiquement nulle, comme le montreson développement de Taylor à l’origine. Il en est donc de même pour Φ∗

τz0 = y(τ − ·).Donc z0 ∈ Ker Φ∗

τ , et Φτ n’est pas surjectif.

Proposition 2.5 (Critère de Hautus). Le système (A,B) défini par (2.1) est contrôlablesi et seulement si pour toute fonction propre φ de A∗, on a B∗φ 6= 0.

Preuve de la Proposition 2.5.• Supposons que le système (A,B) n’est pas contrôlable, ce qui revient à dire que N :=Ker (Φ∗

τ ) 6= 0. Le sous-espace N étant stable par etA∗

, il l’est aussi par A∗ (par exemple

en remarquant que A∗z = limt→0

etA∗

z − z

tpour tout z ∈ X). Notons alors A∗

N ∈ L(N ) la

restriction de A∗ à N . Clairement, son spectre σ(A∗N ) est un sous-ensemble de σ(A∗) et,

puisque N 6= 0, σ(A∗N ) est non vide. Etant donné une valeur propre λ ∈ σ(A∗

N ), et siz0 ∈ N , z0 6= 0, est un fonction propre associée, on a

B∗z0 = (Φ∗τz0)(τ) = 0

et donc le critère de Hautus n’est pas vérifié.

• Réciproquement, supposons qu’il existe un vecteur propre z0 ∈ X de A∗ tel queB∗z0 = 0. Alors z0 ∈ Ker (Φ∗

τ ), puisque pour tout t ∈ (0, τ), on a

(Φ∗τz0)(t) = B∗e(τ−t)A∗

z0 = B∗eλ(τ−t)z0 = eλ(τ−t)B∗z0 = 0,

ce qui montre que (A,B) n’est pas contrôlable.

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Page 9: Approches fréquentielle et spectrale pour le contrôle des

3 Contrôlabilité en dimension infinie. Critère de type Hau-

tus.

Dorénavant, on s’intéresse aux systèmes linéaires contrôlés de la formez(t) = Az(t) +Bu(t)z(0) = z0,

(3.1)

dans le cas où l’espace des états X est de dimension infinie. Typiquement, X désigneraun espace de fonctions de la variable spatiale ayant certaines propriétés d’intégrabilité oude régularité (par exemple : X = L2(0, 1), espace des fonctions de carré intégrable). Lesopérateurs (linéaires) A et B ne sont plus alors des matrices mais des opérateurs agissantsur ces espaces infini-dimensionnels. Pour les équations issues de la physiques, on seragénéralement en présence d’opérateurs différentiels (ou intégraux). De tels opérateurs Asont en général non bornés (pour plus de détails, on renvoie le lecteur au livre H. Brézis[1]) : :

• Aϕ peut ne pas être défini pour tout ϕ ∈ X, mais seulement si ϕ appartient à unsous-espace vectoriel de X. On appelle ce sous-espace le domaine de l’opérateur A eton le note D(A).

• A n’est pas borné au sens où il n’existe pas de constante C > 0 telle que

‖Aϕ‖ ≤ C‖ϕ‖, ∀ ϕ ∈ D(A).

En d’autres termes, il existe une suite ϕn ∈ D(A) telle que

‖ϕn‖ = 1, ‖Aϕn‖ −→ +∞.

Un exemple élémentaire de tels opérateurs est l’opérateur de dérivation en dimension 1.En effet, il ne peut être défini de X = L2(0, 1) dans lui-même, mais comme un opérateur

de l’espace D(A) =ϕ ∈ L2(0, 1)

∣∣∣dϕ

dx∈ L2(0, 1)

dans X = L2(0, 1), avec

Aϕ =dϕ

dx, ∀ ϕ ∈ D(A).

De plus, cet opérateur n’est pas borné, comme le montre le choix de la suite : ϕn(x) = einx.

Soit A : D(A) −→ X un opérateur non borné diagonalisable. On note (φn)n∈N une basehilbertienne de X formée de fonctions propres de A et (λn)n∈N la suite des valeurs proprescorrespondantes. Pour tout α > 0, on définit l’opérateur Aα : D(Aα) −→ X par

D(Aα) :=

z ∈ X

∣∣∣∞∑

n=1

|λn|2α|〈z, φn〉X |2 < +∞

Aαz =∞∑

n=1

λαn〈z, φn〉X φn, ∀ z ∈ X.

Définition 3.1. Soit A : D(A) −→ X un opérateur non borné de X de domaine dense.L’adjoint A∗ : D(A∗) −→ X de A est l’opérateur défini par

D(A∗) = v ∈ X tel que ∃w ∈ X | (v,Au) = (w, u), ∀u ∈ D(A),

A∗v = w.

9

Page 10: Approches fréquentielle et spectrale pour le contrôle des

L’unicité de w donnant un sens à la définition ci-dessus découle de la densité de D(A)dans X. De plus, on notera que l’opérateur adjoint vérifie la propriété

(v,Au) = (A∗v, u) ∀ u ∈ D(A), ∀v ∈ D(A∗).

Exemple 3.2. On considère l’opérateur non borné A de X = L2(R) de domaine D(A) =H1(R) et défini pour tout u ∈ D(A) par

Au = u′ + u.

Alors A∗ est l’opérateur de domaine D(A∗) = H1(R) tel que pour tout v ∈ D(A∗)

A∗v = −v′ + v.

En effet, soit v ∈ D(A∗) ⊂ L2(R). Il existe alors w ∈ L2(R) tel que pour tout u ∈ H1(R),on ait ∫

R

(u′ + u)v =∫

R

uw.

En particulier, en prenant u = ϕ ∈ C∞0 (R) dans la relation ci-dessus, on obtient qu’au

sens des distributions w = −v′ + v. Donc v′ = v − w ∈ L2(R) et par suite v ∈ H1(R).Ainsi, D(A∗) ⊂ H1(R) et A∗v = −v′ + v. Enfin, on vérifie aisément que H1(R) ⊂ D(A∗),ce qui conclut la preuve.

Définition 3.3. On dira que– A est autoadjoint si et seulement si A∗ = A, c’est à dire si

D(A∗) = D(A) et A∗u = Au, ∀ u ∈ D(A∗).

– A est antiadjoint si et seulement si A∗ = −A, c’est à dire si

D(A∗) = D(A) et A∗u = −Au, ∀ u ∈ D(A∗).

Dorénavant, on se place sous les hypothèses suivantes. On se donne deux espaces deHilbert X,U respectivement munis des produits scalaires 〈·, ·〉 et 〈·, ·〉U , les normes corres-pondantes étant notées ‖ · ‖ et ‖ · ‖U .

Soit A : D(A) −→ X un opérateur non borné de X et B un opérateur de contrôlesupposé borné pour simplifier : B ∈ L(U,X).

Transposer les problématiques de contrôlabilité décrites précédemment en dimensionfinie à ce contexte infini-dimensionnel suppose de répondre à plusieurs questions :

• Quel sens donner aux trajectoires solutions de (3.1) ?

• Comment définir la contrôlabilité ? Nous verrons qu’il existe en dimension infi-nies deux notions de contrôlabilité : la contrôlabilité exacte (Φτ surjectif : Im Φτ = X)et la contrôlabilité approchée (Φτ d’image dense : Im Φτ = X).

• Comment caractériser la contrôlabilité exacte ? Le critère de Kalman n’étantpas transposable en dimension infinie, la question est de savoir si cela peut-être en-visagé pour le critère de Hautus.

Pour répondre à ces questions, nous allons nous restreindre au cas des systèmes conser-vatifs, i.e. au cas où : A est un opérateur antiadjoint : A∗ = −A.

10

Page 11: Approches fréquentielle et spectrale pour le contrôle des

3.1 Quelques mots d’analyse fonctionnelle

Nous avons vu dans la Section 2 que la famille d’opérateurs (etA)t≥0 jouait un rôlefondamental, notamment car elle permettait d’exprimer l’évolution de l’état du systèmelibre (en l’absence de contrôle) et du système contrôlé -via la formule de Duhamel (2.2).Afin d’étudier la contrôlabilité des systèmes de dimension infinie, il nous faut donc aupréalable généraliser la notion d’exponentielle de matrice à des opérateurs A : D(A) −→ Xnon bornés. Ceci est l’objet de la théorie de semi-groupes. Ce sujet étant bien au-delà del’objet de ce cours, nous renvoyons le lecteur intéressé aux livres généraux de H. Brézis [1]et de W. Rudin [8] (en anglais), ou aux références plus pointues : Cazenave et Haraux [2]et Pazy [6] (en anglais).

Nous nous contentons donc de rappeler ici -sans démonstration- quelques résultats quinous seront utiles dans la suite de ce cours.

Théorème 3.4 (Théorème de Stone). Soit A : D(A) −→ X un opérateur non borné d’unHilbert X de domaine dense. Alors, les deux assertions suivantes sont équivalentes :

(1) A est antiadjoint.

(2) A est le générateur d’un groupe unitaire (etA)t∈R sur X :

∣∣∣∣∣∣∣∣∣∣∣∣∣∣

etA ∈ L(X) ∀ t ∈ R

e0A = Id ∀ t ∈ R

e(t+s)A = esAetA ∀ t, s ∈ R,

limt→0+

etAz0 = z0 ∀ z0 ∈ X

‖etAz0‖ = ‖z0‖ ∀ t ∈ R, ∀z0 ∈ X

Définition 3.5 (Solution faible). Soit A : D(A) −→ X un opérateur antiadjoint. Onconsidère le problème de Cauchy non homogène suivant

z(t) = Az(t) + f(t), t ∈ (0, τ)z(0) = z0.

(3.2)

Si z0 ∈ X et si f ∈ L1(0, τ ;X), on dit que z ∈ C((0, τ);X) est solution faible du problème(3.2) si

z(t) = etA z0 +∫ t

0e(t−s)A f(s) ds, ∀ t ∈ (0, τ).

3.2 Contrôlabilité

Soit A : D(A) −→ X antiadjoint et B ∈ L(U,X) un opérateur borné de U dans X.Etant donné u ∈ L1(0, τ ;U), on considère le problème d’évolution

z(t) = Az(t) +Bu(t), t ∈ (0, τ)z(0) = 0.

(3.3)

Comme‖Bu(t)‖ ≤ ‖B‖L(U,X) ‖u(t)‖U , ∀ (0, τ),

11

Page 12: Approches fréquentielle et spectrale pour le contrôle des

on a Bu ∈ L1(0, τ ;X) et par conséquent, le problème (3.3) s’inscrit parfaitement dans lecadre de ce que l’on a appelé les solutions faibles dans la définition 3.5. Ainsi, on peutintroduire z ∈ C([0, τ ];X) solution de (3.3) par

z(t) =∫ t

0e(t−s)A Bu(s) ds, ∀ t ∈ [0, τ ]. (3.4)

On définit alors l’opérateur Φτ qui a une commande u ∈ L2(0, τ ;U) ⊂ L1(0, τ ;U) associela solution z de (3.3) à l’instant τ :

Φτ : L2(0, τ ;U) −→ X

u 7−→ z(τ) =∫ τ

0e(τ−s)ABu(s) ds.

(3.5)

Il est alors clair que Φτ ∈ L(L2(0, τ ;U),X), puisqu’il existe une constante kτ > 0 dépen-dant uniquement de τ , de A et de B telle que

‖Φτu‖ ≤ kτ ‖u‖L2(0,τ ;U) , ∀ u ∈ L2(0, τ ;U),

De plus, l’adjoint Φ∗τ de Φτ est donné par la proposition qui suit.

Proposition 3.6. Soit Φτ ∈ L(L2(0, τ ;U),X) l’opérateur défini par (3.5). Son adjointΦ∗

τ ∈ L(X,L2(0, τ ;X)) est l’opérateur

Φ∗τ : X −→ L2(0, τ ;U)

z0 7−→ v(3.6)

avecv(t) = B∗e−(τ−t)A z0, ∀ t ∈ (0, τ). (3.7)

Démonstration. Comme Φτ est un opérateur borné, il suffit de remarquer que pour toutu ∈ L2(0, τ ;X) et pour tout z0 ∈ X, on a (puisque A∗ = −A) a

(Φτu, z0) =∫ τ

0

(e(τ−s)A Bu(s), z0

)ds =

∫ τ

0

(u(s), B∗e−(τ−s)A z0

)Uds = (u, v)L2(0,τ ;U)

de sorte que l’on a bien v = Φ∗τz0.

L’opérateur Φτ nous permet de donner les définitions de la contrôlabilité.

Définition 3.7. Soit Φτ l’application linéaire définie par (3.5). On dira du système définipar (3.3) qu’il est exactement contrôlable en temps τ si et seulement si Φτ est surjectifsur X :

Im Φτ = X.

3.3 Caractérisation de la contrôlabilité exacte

En dimension finie, on a vu que la contrôlabilité (Φτ surjectif) était équivalente à l’injec-tivité de l’opérateur Φ∗

τ . En dimension infinie, cette injectivité n’est plus suffisante, commele montre le résultat suivant.

12

Page 13: Approches fréquentielle et spectrale pour le contrôle des

Proposition 3.8. Soient E et F deux espaces de Hilbert. L’adjoint T ∗ ∈ L(F,E) d’unopérateur borné T ∈ L(E,F ) défini par (2.3) vérifie

Ker T ∗ = (Im T )⊥, (Ker T ∗)⊥ = ImT .

La différence principale avec le cas de la dimension finie (pour le problème de contrô-labilité qui nous intéresse ici) apparaît dans la seconde relation ci-dessous : alors qu’endimension finie on avait (Ker T ∗)⊥ = ImT , cette relation relie en dimension infinie lenoyau de l’adjoint à l’adhérence de son image. En particulier, l’injectivité de Φ∗

τ ga-rantit seulement que Φτ soit d’image dense (autrement dit qu’on peut s’approcher aussiprès qu’on veut de n’importe quel état final). Une condition nécessaire et suffisante estdonnée par le résultat suivant.

Théorème 3.9. Les assertions suivantes sont équivalentes :

(1) Le système (3.3) est exactement contrôlable en temps τ > 0.

(2) L’opérateur Φ∗τ est borné inférieurement, i.e. il existe kτ > 0 tel que

‖Φ∗τz0‖L2(0,τ ;U) =

(∫ τ

0‖B∗esA z0‖2

U ds

)1/2

≥ kτ ‖z0‖, ∀ z0 ∈ X. (3.8)

En effet, on a le résultat d’analyse fonctionnelle suivant.

Théorème 3.10. Soit Y,Z deux espaces de Hilbert et G ∈ L(Y,Z). Alors, G est surjectifsi et seulement son adjoint G∗ est borné inférieurement, i.e. il existe C > 0 tel que

‖G∗z‖Y ≥ C‖z‖Z , ∀ z ∈ Z.

Démonstration. Il suffit d’appliquer le lemme 3.11 ci-dessous en prenant X = Z et commeopérateur F l’identité sur Z.

Lemme 3.11. Etant donné trois espaces de Hilbert X,Y,Z, soit F ∈ L(X,Z) et G ∈L(Y,Z). Alors, les assertions suivantes sont équivalentes :

(1) ImF ⊂ ImG.

(2) Il existe une constante C > 0 tel que

‖G∗z‖Y ≥ C‖F ∗z‖X , ∀ z ∈ Z.

(3) Il existe un opérateur H ∈ L(X,Y ) tel que F = GH.

Démonstration.

Tout d’abord, il est clair que (3) implique (1), mais également (2) avec C = ‖H‖−1L(X,Y )

(si H = 0, alors les assertions (1) et (2) sont trivialement vérifiées).

Montrons que (1) entraîne (3). On construit l’opérateur H ∈ L(X,Y ) comme suit. Pourtout x ∈ X, on a Fx ∈ ImF ⊂ ImG, et donc il existe un unique y ∈ (Ker G)⊥ tel queFx = Gy. Posons alors Hx = y. Par construction, on a bien F = GH. Par le théorème dugraphe fermé (tout opérateur fermé de X dans Y de domaine égal à X est borné), pourmontrer que H ∈ L(X,Y ), il suffit de montrer que H est fermé. Soit donc (xn, yn)n≥0 unesuite d’éléments du graphe de H (i.e. yn = Hxn, ∀n ≥ 0) qui converge vers (x, y) ∈ X×Y

13

Page 14: Approches fréquentielle et spectrale pour le contrôle des

pour la norme du graphe. Comme yn = Hxn, on a Fxn = Gyn, ∀n ≥ 0. En prenant lalimite, il vient par continuité de F et G que Fx = Gy. D’autre part, y ∈ (Ker G)⊥, puisquec’est le limite d’une suite d’éléments (yn)n≥0 de (Ker G)⊥ qui est fermé. Par conséquent,on a Hx = y et L est fermé, et donc borné.

Pour conclure, montrons que (2) entraîne (3). Pour ce faire, nous allons obtenir l’opé-rateur H en construisant son adjoint. Supposons, qu’il existe C > 0 tel que

‖G∗z‖U ≥ C‖F ∗z‖X , ∀ z ∈ Z. (3.9)

Introduisons l’application linéaire D : Im (G∗) ⊂ Y −→ Im (F ∗) ⊂ X telle que pour toutz ∈ Z on ait D(G∗z) = F ∗z. Cette application est bien définie, puisque si z1, z2 ∈ Z sonttels que G∗z1 = G∗z2, alors (3.9) montre que F ∗z1 = F ∗z2. D’autre part, (3.9) montreégalement que

‖G∗z‖U ≥ c‖DG∗z‖X , ∀ z ∈ Z,

de sorte que D peut être étendu de manière continue à Im (G∗). Si l’on prolonge alors

D par 0 sur(Im (G∗)

)⊥, on obtient un opérateur D ∈ L(Y,X) vérifiant DG∗ = F ∗.

L’assertion (3) est alors obtenue en posant H = D∗.

3.4 Caractérisation fréquentielle de la contrôlabilité

Avant de fournir une version infini-dimensionnelle du critère de Hautus (critère spectralde contrôlabilité exacte), nous allons d’abord obtenir un critère fréquentielle de la contrô-labilité exacte. Ce critère ne fait pas intervenir le temps, mais uniquement les opérateurs(A,B) ainsi qu’un paramètre -la fréquence- pour lequel une certaine inégalité (voir (3.10))doit être vérifiée de manière uniforme. Grâce à ce critère, l’étude du problème de contrôle,qui est de nature purement transitoire, se ramène ainsi à l’étude d’une famille de problèmespériodiques en temps.

Théorème 3.12. Soit A : D(A) → X antiadjoint et B ∈ L(U,X) un opérateur decontrôle. Le système (A,B) défini par (3.3) est exactement contrôlable si et seulement s’ilexiste une constante δ > 0 telle que

‖(iωI −A)z0‖2 + ‖B∗z0‖2U ≥ δ‖z0‖2, ∀ ω ∈ R, ∀z0 ∈ D(A). (3.10)

Démonstration. Supposons (A,B) exactement contrôlable en temps τ , et soit ω ∈ R etz0 ∈ D(A). Posons v(t) = (etA − eiωt)z0. Alors

v(t) = etAAz0 − iωeiωtz0 = etAAz0 + iω(v(t) − etAz0),

ou encorev(t) = iωv(t) + etAf,

avec f = (A− iω)z0. Comme v(0) = 0, on en déduit que

v(t) =∫ t

0eiω(t−s)esAf ds,

et par Cauchy-Schwarz

‖B∗v(t)‖2U ≤ t

∫ t

0‖B∗esAf‖2

U ds.

14

Page 15: Approches fréquentielle et spectrale pour le contrôle des

Compte tenu de l’égalité etAz0 = v(t) + eiωtz0 et de l’inégalité d’observabilité (3.8), l’in-égalité ci-dessus entraîne que

k2τ ‖z0‖2 ≤

∫ τ

0‖B∗etAz0‖2

U dt ≤ 2∫ τ

0t

(∫ t

0‖B∗esAf‖2

U ds)

+ 2τ‖B∗z0‖2U

≤ τ2∫ τ

0‖B∗esAf‖2

U ds+ 2τ‖B∗z0‖2U

≤ τ3‖B∗‖2L(X,U)‖f‖2 + 2τ‖B∗z0‖2

U

≤ τ3‖B∗‖2L(X,U)‖(A− iω)z0)‖2 + 2τ‖B∗z0‖2

U .

On a ainsi obtenu l’inégalité fréquentielle annoncée (3.10), avec δ := k2τ/max(τ3‖B∗‖2

L(X,U), 2τ).

Réciproquement, supposons (3.10) satisfaite. D’après le Lemme 3.13 ci-dessous, on apour toute fonction χ ∈ C1(R) et tout élément z0 ∈ D(A) :

R

‖etAz0‖2(δχ2(t) − χ2(t)

)dt ≤

R

‖B∗etAz0‖2Uχ

2(t) dt. (3.11)

Etant donnés τ > 0 et une fonction non nulle ψ ∈ C1(R) à support compact dans ]0, 1[,posons χ(t) = ψ(t/τ). Alors

R

‖B∗etAz0‖2Uχ

2(t) dt ≤ ‖ψ‖2L∞(R)

∫ τ

0‖B∗etAz0‖2

U dt (3.12)

et comme etA est unitaire :∫

R

‖etAz0‖2(δχ2(t) − χ2(t)

)dt = ‖z0‖2

R

(δχ2(t) − χ2(t)

)dt

= ‖z0‖2∫ τ

0

(δψ2(t/τ) − (1/τ2)ψ2(t/τ)

)dt

= ‖z0‖2(δτ‖ψ‖2

L2(0,1) − (1/τ)‖ψ‖2L2(0,1)

)

≥ ‖z0‖2

où l’on a choisi τ assez grand pour obtenir la dernière inégalité. L’inégalité d’observabilitérecherchée s’obtient alors simplement en injectant la dernière inégalité et (3.12) dans(3.11).

Lemme 3.13. Supposons l’inégalité (3.10) satisfaite pour une certaine constante δ > 0.Alors, pour toute fonction χ ∈ C1(R) à support compact et tout élément z0 ∈ D(A) :

R

‖etAz0‖2(δχ2(t) − χ2(t)

)dt ≤

R

‖B∗etAz0‖2U χ

2(t) dt.

Démonstration. Etant donné χ ∈ H1(R) et z0 ∈ D(A), posons

z(t) = etAz0 Z(t) = χ(t)z(t) f(t) = Z(t) −AZ(t) = χ(t)z(t).

Par application de la transformation de Fourier, on a

f(ω) = (iω −A)Z(ω), ∀ ω ∈ R.

En appliquant l’inégalité (3.10) à z0 = Z(ω) ∈ D(A), on obtient après intégration en ωque

δ

R

‖Z(ω)‖2 dω ≤∫

R

‖f(ω)‖2 dω +∫

R

‖B∗Z(ω)‖2U dω,

15

Page 16: Approches fréquentielle et spectrale pour le contrôle des

inégalité qui s’écrit par Parseval sous la forme équivalente

δ

R

‖z(t)‖2χ2(t) dt ≤∫

R

‖z(t)‖2χ2(t) dt +∫

R

‖B∗z(t)‖2Uχ

2(t) dt,

et la preuve est ainsi complète.

4 Caractérisation spectrale de la contrôlabilité

Pour les systèmes linéaires de dimension infinie, il est clair que le critère de Hautusdes vecteurs propres (voir Proposition 2.5) est une condition nécessaire de contrôlabilitéexacte. En revanche, nous verrons que ce critère ne suffit plus à caractériser l’observabilitéexacte.

4.1 Cas avec gap

Théorème 4.1. Soit A un opérateur antiadjoint diagonalisable d’un espace de Hilbert Xet soit B ∈ L(U,X) un opérateur de contrôle. Soit (φn)n∈N une famille orthonormale defonctions propres de A associés aux valeurs propres (iµn)n∈N. Enfin, on suppose que lasuite de valeurs propres vérifie une condition de gap uniforme :

∃γ > 0, |µn − µm| ≥ γ, ∀ n,m ∈ N, n 6= m. (4.1)

Alors, le système (A,B) est exactement contrôlable si et seulement s’il existe δ > 0 tel quepour toute fonction propre φ de A

‖B∗φ‖U ≥ δ‖φ‖. (4.2)

Démonstration. D’après le Théorème 3.12, le système (A,B) est exactement contrôlablesi et seulement s’il existe une constante δ > 0 telle que

‖(iωI −A)z0‖2 + ‖B∗z0‖2U ≥ δ‖z0‖2, ∀ ω ∈ R, ∀z0 ∈ D(A). (4.3)

Si (A,B) est exactement contrôlable, on obtient immédiatement que le critère spectral(4.2) est satisfait en appliquant l’inégalité fréquentielle ci-dessus avec ω valeur propre deA et z0 fonction propre associée à ω.

Inversement, supposons la condition (4.2) vérifiée et que (4.3) ne l’est pas. Il existe alorsune suite de réels (ωn)n∈N et une suite de données initiales (zn

0 )n∈N, telles que

zn0 =

m∈N

cnmφm ∈ D(A), cn

m ∈ C, ∀ n ∈ N

‖zn0 ‖2 =

m∈N

|cnm|2 = 1 ∀ n ∈ N, (4.4)

‖(A− iωnI)zn0 ‖2 =

m∈N

|i(µm − ωn)cnm|2 −→ 0. (4.5)

‖B∗zn0 ‖U −→ 0. (4.6)

16

Page 17: Approches fréquentielle et spectrale pour le contrôle des

Pour tout entier n, on introduit l’unique entier m(n) ∈ N tel que

|ωn − µm(n)| = infm∈N

|ωn − µm|.

Et on notera que par la condition de gap uniforme (4.1), on a

|ωn − µm| ≥γ

2∀ m ∈ N,m 6= m(n), ∀n ∈ N. (4.7)

On décompose alors la suite données initiales en zn0 = Zn

0 + ρn avec

Zn0 := cn

m(n)φm(n) ρn =∑

m∈N,m6=m(n)

cnmφm.

Les relations (4.5) et (4.7), on obtient que

‖ρn‖2 =∑

m∈N,m6=m(n)

|cnm|2 −→ 0, (4.8)

et donc, compte tenu de (4.4), que

‖Zn0 ‖ −→ 1.

D’autre part, (4.6) et (4.8) impliquent que (par continuité de B∗)

‖B∗Zn0 ‖U = ‖B∗zn

0 −B∗ρn‖U −→ 0.

Les deux dernières relations montrent que la suite (Zn0 )n∈N est une suite de fonctions

propres qui contredit le critère spectral (4.2).

Les sytèmes conservatifs de types ondes (systèmes d’ordre 2) constituent un cas parti-culier important.

Soient H,U deux espaces de Hilbert respectivement munis des normes ‖·‖, ‖·‖U . SoientA0 : D(A0) −→ H un opérateur autoadjoint défini positif et B0 ∈ L(U,X). On considèrele système :

w(t) +A0w(t) = B0u(t),w(0) = w0, w(0) = w1

(4.9)

On peut réécrire le système (4.9) sous la forme (3.3) d’un système contrôlé du premierordre, avec

z =

[ww

]z0 =

[w0

w1

]

X = D(A1

2

0 ) ×H D(A) = D(A0) × D(A1

2

0 )

A =

[0 I

−A0 0

]: D(A) −→ X,

B =

[0B0

]∈ L(U,X),

(4.10)

En munissant X de la norme∥∥∥∥∥

[ϕψ

]∥∥∥∥∥

2

= ‖A1

2

0 ϕ‖2H + ‖ψ‖2

H

17

Page 18: Approches fréquentielle et spectrale pour le contrôle des

on vérifie aisément que A définit un opérateur antiadjoint :

[ϕ1

ψ1

],

[ϕ2

ψ2

]∈ D(A) = D(A∗) :

⟨A

[ϕ1

ψ1

],

[ϕ2

ψ2

]⟩= −

⟨[ϕ1

ψ1

], A

[ϕ2

ψ2

]⟩.

On obtient alors la caractérisation spectrale suivante de la contrôlabilité exacte dusystème d’ordre deux (4.9) (pour la preuve de ce résultat, voir [7, Proposition 4.5]).

Proposition 4.2. Soit A0 : D(A0) −→ H un opérateur autoadjoint défini positif diago-nalisable et B0 ∈ L(U,H) un opérateur de contrôle. Soit (λn)n∈N∗ la suite croissante des

valeurs propres de A1

2

0 et (φn)n∈N∗ une suite de fonctions propres correspondante, formantune base orthonormée de H. Enfin, on suppose que la suite de valeurs propres (λn)n∈N∗

vérifie une condition de gap uniforme :

∃γ > 0, λn+1 − λn ≥ γ, ∀ n ∈ N∗. (4.11)

Alors, le système (A,B) est exactement contrôlable si et seulement s’il existe δ > 0 tel que

pour toute fonction propre φ de A1

2

0

‖B∗0φ‖U ≥ δ‖φ‖. (4.12)

4.2 Cas sans gap

Théorème 4.3. Soit A un opérateur antiadjoint diagonalisable d’un espace de HilbertX et soit B ∈ L(U,X) un opérateur de contrôle. Soit (φn)n∈N une famille orthonormalede fonctions propres de A associés aux valeurs propres (iµn)n∈N (N étant un ensembledénombrable). Pour tout ω ∈ R et tout ε > 0, on pose

Jε(ω) = m ∈ N; |µm − ω| < ε. (4.13)

Alors, le système (3.3) est exactement contrôlable si et seulement si l’une des assertionséquivalentes suivantes est satisfaite :

1. Il existe ε > 0 et δ > 0 tels que pour tout ω ∈ R et tout z =∑

m∈Jε(ω)

cmΦm :

‖B∗z‖U ≥ δ‖z‖. (4.14)

2. Il existe ε > 0 et δ > 0 tels que pour tout n ∈ N et tout z =∑

m∈Jε(µn)

cmΦm :

‖B∗z‖U ≥ δ‖z‖. (4.15)

Théorème 4.4. Soit A0 : D(A0) → H un opérateur autoadjoint positif d’inverse borné età résolvante compacte. Etant donné l’opérateur de contrôle B0 ∈ L(U,H), on considère lesystème

w(t) +A0w(t) = B0u(t),w(0) = w0, w(0) = w1.

(4.16)

18

Page 19: Approches fréquentielle et spectrale pour le contrôle des

On note (λn)n∈N∗ la suite croissante constituée par les valeurs propres de A1

2

0 et (φn)n∈N∗

une suite orthonormée (dans H) de fonctions propres associées. Pour tout ω > 0 et toutε > 0, on définit l’ensemble

Jε(ω) = m ∈ N∗; |λm − ω| < ε. (4.17)

Alors, les assertions suivantes sont équivalentes :

i) Le système (4.16) est exactement contrôlable.

ii) Il existe δ > 0 tel que pour tout ϕ ∈ D(A0) et tout ω > 0 :

‖(ω2 −A0)ϕ‖2H + ‖ωB∗

0ϕ‖2U ≥ δ‖ωϕ‖2

H . (4.18)

iii) Il existe ε > 0 et δ > 0 tel que pour tout ω > 0 et tout ϕ =∑

m∈Jε(ω)

cmφm :

‖B∗0ϕ‖U ≥ δ‖ϕ‖H . (4.19)

iv) Il existe ε > 0 et δ > 0 tel que pour tout n ∈ N∗ et tout ϕ =

m∈Jε(λn)

cmφm :

‖B∗0ϕ‖U ≥ δ‖ϕ‖H . (4.20)

5 Exemples d’applications

5.1 Equation des ondes 1D

On s’intéresse ici à la contrôlabilité exacte de l’équation des ondes dans Ω = (0, π) parun contrôle interne agissant sur un sous-intervalle O = [a, b] (a < b) arbitraire de Ω. End’autres termes, si 1O désigne la fonction caractéristique de O, on considère

∂2w

∂t2(x, t) −

∂2w

∂x2(x, t) = 1O(x)u(t) x ∈ (0, π), t ∈ (0, τ)

w(x, 0) = w0(x) x ∈ (0, π)∂w

∂t(x, 0) = w1(x) x ∈ (0, π)

w(0, t) = 0 t ∈ (0, τ)w(π, t) = 0 t ∈ (0, τ).

(5.1)

Il est clair que ce système s’écrit sous la formew(t) +A0w(t) = B0u(t),w(0) = w0, w(0) = w1,

(5.2)

si l’on introduit les notations suivantes :

• A0 est l’opérateur de H = L2(0, π) de domaine D(A0) = H2(0, π) ∩ H10 (0, π) tel que

A0ϕ = −d2ϕ

dx2pour tout ϕ ∈ D(A0).

19

Page 20: Approches fréquentielle et spectrale pour le contrôle des

• Si U = L2(O), l’opérateur de contrôle B0 ∈ L(U,H) est défini par

B0u = 1O u ∀ u ∈ L2(O), (5.3)

où u désigne l’élément de L2(0, π) obtenu en prolongeant u par 0. L’adjoint de B0 est alorsdéfini par

B∗0ϕ = ϕ|O ∀ ϕ ∈ H = L2(0, π). (5.4)

On vérifie aisément que A0 est autoadjoint, positif d’inverse borné, que

D

(A

1

2

0

)= H1

0 (Ω),

et que les valeurs propres de A1

2

0 sont

λp = p ∀ p ∈ N∗. (5.5)

Un système orthonormé (dans H) de fonctions propres est donné par

ϕp(x) =

√2π

sin (px) ∀ p ∈ N∗, ∀x ∈ (0, π). (5.6)

On est donc dans le cadre d’application du Théorème 4.1, avec un spectre présentant ungap. Par suite, la contrôlabilité exacte du système (5.1) est vérifiée si et seulement si lasuite (‖B∗

0ϕp‖U )p∈N∗est bornée inférieurement par une constante δ > 0. Or :

‖B∗0ϕp‖2

U = ‖ϕp‖2L2(O) =

∫ b

asin2 (px) dx.

L’existence d’une telle constante δ est alors fournie par le Lemme 5.1 ci-desssous, et doncle système (5.1) est exactement contrôlable.

Lemme 5.1. Etant donné a 6= b, il existe une constante δ > 0 telle que∫ b

asin2 (px) dx ≥ δ, ∀ p ∈ N

∗.

Démonstration. Comme∫ b

asin2 (px) dx =

12

∫ b

a(1 − cos (2px)) dx, il est clair que

limp→+∞

∫ b

asin2 (px) dx =

b− a

2,

et le résultat annoncé en découle immédiatement.

5.2 Equation des plaques 1D

On s’intéresse au contrôle de l’équation des plaques en 1D.

∂2w

∂t2(x, t) +

∂4w

∂x4(x, t) = 1O(x)u(t) x ∈ (0, π), t ∈ (0, τ)

w(x, 0) = w0(x) x ∈ (0, π)∂w

∂t(x, 0) = w1(x) x ∈ (0, π)

w(0, t) = w(π, t) = 0 t ∈ (0, τ)∂2w

∂x2(0, t) =

∂2w

∂x2(π, t) = 0 t ∈ (0, τ).

(5.7)

20

Page 21: Approches fréquentielle et spectrale pour le contrôle des

Il est clair que ce système s’écrit sous la formew(t) +A0w(t) = B0u(t),w(0) = w0, w(0) = w1,

(5.8)

si l’on introduit les notations suivantes :

• A0 est l’opérateur de H = L2(0, π) de domaine

D(A0) =

ϕ ∈ H4(0, π); ϕ(0) = ϕ(π) =

d2ϕ

dx2(0) =

d2ϕ

dx2(π) = 0

et tel que A0ϕ =d4ϕ

dx4pour tout ϕ ∈ D(A0).

• U = L2(O) et l’opérateur de contrôle B0 ∈ L(U,H) est comme dans l’exemple précé-dent défini par

B0u = 1O u ∀ u ∈ L2(O),

où u désigne l’élément de L2(0, π) obtenu en prolongeant u par 0. L’adjoint de B0 est alorsdéfini par

B∗0ϕ = ϕ|O ∀ ϕ ∈ H = L2(0, π).

Cette fois les valeurs propres de l’opérateur A1

2

0 sont

λp = p2 ∀ p ∈ N∗, (5.9)

avec comme système orthonormé (dans H) de fonctions propres le même que précédem-ment, à savoir les fonctions

ϕp(x) =

√2π

sin (px) ∀ p ∈ N∗, ∀x ∈ (0, π). (5.10)

Par conséquent, on est en présence d’un spectre ayant un gap uniforme, et le même rai-sonnement que ci-dessus montre que l’on a bien contrôlabilité exacte de l’équation desplaques.

5.3 Equations des ondes 1D à coefficients variables

Considérons l’équation d’ondes unidimensionnelle à coefficients variables :

w(x, t) −∂

∂x

(p(x)

∂w

∂x

)= 0, x ∈ (0, 1), t > 0,

w(0, t) = w(1, t) = 0, t > 0,w(x, 0) = w0(x), x ∈ (0, 1),w(x, 0) = w1(x), x ∈ (0, 1),

(5.11)

et on suppose que l’on observe w sur le sous-intervalle non vide [a, b] de [0, 1] :

y = w|[a,b]. (5.12)

Proposition 5.2. Supposons que p ∈ C1([0, 1]) est tel que p(x) > 0 pour tout x ∈ [0, 1].Alors, le système (5.11)-(5.12) est exactement observable.

21

Page 22: Approches fréquentielle et spectrale pour le contrôle des

Démonstration. Si l’on introduit l’opérateur A0 : D(A0) −→ L2(0, 1) tel que

D(A0) =ϕ ∈ H1

0 (0, 1)∣∣∣∣ p

dϕdx

∈ H1(0, 1)

A0φ = −d

dx

(p

dϕdx

)∀ ϕ ∈ D(A0).

ainsi que l’opérateur d’observation

C0ϕ = ϕ|[a,b]

alors on peut montrer (c’est une conséquence d’estimations asymptotiques classiques deséléments propres des opérateurs différentiels d’ordre 2, cf. [5, Chap. 2]). ) que les valeurs

propres λn de A1

2

0 sont simples, qu’elles admettent un gap uniforme, et que la fonctionspropres φn correspondantes sont uniformément observables, i.e. qu’il existe δ > 0 tel que

‖C0φn‖ ≥ δ‖φn‖ ∀ n ∈ N.

La Proposition 4.2 permet alors de conclure.

5.4 Equation des plaques dans un carré

Soit Ω le carré (0, π) × (0, π) et O ⊂ Ω le rectangle [a, b] × [0, π], avec 0 ≤ a < b ≤ π.On note 1O la fonction caractéristique de O et on considère le problème de contrôle

∂2w

∂t2(x, t) + ∆2w(x, t) = 1O(x)u(t) x ∈ Ω, t ≥ 0,

w(x, t) = 0 x ∈ ∂Ω, t ≥ 0,∆w(x, t) = 0 x ∈ ∂Ω, t ≥ 0,w(x, 0) = w0(x) x ∈ Ω,

∂w

∂t(x, 0) = w1(x) x ∈ Ω.

(5.13)

Le système (5.13) s’écrit sous la forme abstraite d’ordre 2 (4.9) si l’on introduit les espaceset les opérateurs suivants. Let

H = L2(Ω), D(A0) =ϕ ∈ H4(Ω) ∩H1

0 (Ω) | ∆ϕ = 0 on ∂Ω, (5.14)

etA0 : D(A0) → H, A0ϕ = ∆2ϕ ∀ ϕ ∈ D(A0). (5.15)

So U = L2(O), alors B0 ∈ L(U,H) est défini par

B0u = u1O ∀ u ∈ U = L2(O), (5.16)

où u désigne l’extension de u par 0) d’un élément de L2(Ω). L’adjoint de B0 est alorsl’opérateur

B∗0ϕ = ϕ|O ∀ ϕ ∈ D(A

1

2

0 ), (5.17)

L’opérateur A0 est autoadjoint défini positif et

D

(A

1

2

0

)= H2(Ω) ∩H1

0 (Ω),

22

Page 23: Approches fréquentielle et spectrale pour le contrôle des

avec la norme‖ϕ‖2

1

2

=∫

Ω|∆ϕ(x)|2 dx.

Les valeurs propres de A1

2

0 sont

λp,q = p2 + q2 ∀ p, q ∈ N∗. (5.18)

Une famille orthonormée de fonctions propres associées (dans H) est

ϕp,q(x) =2π

sin (px1) sin (qx2) ∀ p, q ∈ N∗, ∀x = (x1, x2) ∈ Ω. (5.19)

D’après le théorème 4.4, le système (5.13) est exactement contrôlable si et seulement s’ilexiste ε, δ > 0 tels que pour tout p0, q0 ∈ N

∗ et tout ϕ =∑

(p,q)∈Jε(p0,q0)

cp,qϕp,q :

‖B∗0ϕ‖U ≥ δ‖ϕ‖H , (5.20)

où l’on a posé Jε(p0, q0) = (p, q) ∈ N∗ × N

∗ ; |λp,q − λp0,q0| < ε.

Choisissons ε < 1. On a alors

Jε(p0, q0) = (p, q) ∈ N∗ × N

∗ ; p2 + q2 = p20 + q2

0.

D’autre part, on a

‖B∗0ϕ‖2

U =∫

O|ϕ(x)|2 dx =

(p,q)∈Jε(p0,q0)

(m,n)∈Jε(p0,q0)

cp,qcm,n

∫ b

a

∫ π

0ϕp,q(x)ϕm,n(x) dx.

L’orthogonalité de la famille (sin(nx))n∈N∗ dans L2(0, π) montre que dans la somme sur(m,n) ci-dessus, on a nécessairement n = q, et donc m = p (puisque m2 + n2 = p2 + q2 =p2

0 + q20). Par conséquent, on a

‖B∗0ϕ‖2

U =2π

(p,q)∈Jε(p0,q0)

|cp,q|2∫ b

asin2 (px1) dx1.

Le lemme 5.1 montre alors qu’il existe δ > 0 tel que

‖B∗0ϕ‖2

U ≥ δ∑

(p,q)∈Jε(p0,q0)

|cp,q|2 = δ‖ϕ‖2H

ce qui montre que le système (5.13) est exactement contrôlable.

Références

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