Aprilia déshabille sa RSV4 pour en faire le roadster le plus sulfureux de la production. Radicale, exigeante et sacrément motorisée, la nouvelle Tuono V4 R APRC nous a vraiment impressionnés. La Ducati Streetfighter peut d’ores et déjà trembler. Par Julien Amado. Photos DR.

Superbike en bikini

Aprilia Tuono V4 R APRC

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AMATEURS de sensations fortes, réjouissez-vous. La nouvelle Tuono V4 est arrivée, avec la ferme intention de tout décimer sur son passage. Si on ne connaît pas encore l’accueil que va lui réserver le public, elle a déjà réussi à estomaquer la poignée de journalistes conviés à sa présentation. Conçue sur la base de l’hypersportive RSV4 APRC, la Tuono s’en distingue sur plusieurs points. Le moteur a été retravaillé pour offrir une réponse plus douce à bas régime avec un vilebrequin alourdi, une modification du temps d’ouverture des soupapes, et l’abandon des cornets d’admission à longueur variable. Ils sont désormais bloqués en position haute pour favoriser la disponibilité du V4 à bas et mi-régimes. Les trois modes sont évidemment conservés (Track, Touring et Road). Le cadre est différent au niveau de la colonne de direction (107,5 mm/25° contre 105 mm et 24,5° pour la RSV4) et le moteur est ancré plus bas (les perçages

sont différents) pour abaisser le centre de gravité et contrer les wheelings (on va y revenir...). Les jantes, allégées, ont perdu 2 kg par rapport à celles de la RSV4 R. Pour étrenner cette nouvelle Tuono, Aprilia nous avait préparé un itinéraire dans les environs de Valence (en Espagne) agrémenté d’un essai sur le circuit qui accueille la finale des Grands Prix (voir encadré ci-contre). En montant sur la moto, on sent déjà

qu’on n’est pas là pour amuser le terrain. La position est plutôt exigeante, sur l’avant, avec un guidon que l’on va chercher loin. La selle, haute et ferme, est à l’avenant. Une pression sur le démarreur réveille le V4 qui gronde sur le ralenti. Grâce à un ouvreur qui a gentiment décidé d’organiser un concours de lenteur avec les journalistes, on peut prendre le temps de détailler

Aprilia Tuono V4 R APRC + 250 km/h167,3 ch - 11,7 mkg • 181 kg à sec 14 999 € Disponibilité mai 2011

l’instrumentation plutôt lisible et complète. À ce train de sénateur, le moteur se montre plutôt docile, acceptant de reprendre à 2 500 tr/min en 6e sans rechigner. En revanche, la selle, assez dure, gâche vite le confort et tanne le fessier en à peine 80 kilomètres. Le staff italien ayant finalement décidé d’ouvrir un peu, on va pouvoir mettre du gaz et savoir ce que cette Tuono V4 a dans le ventre. Départ en première, je visse la poignée à fond. Jusqu’à 5 000 tr/min, la poussée est agréable sans se montrer hallucinante. Il faut attendre 7 000 tr/min pour qu’il explose dans une sonorité rauque à souhait. C’est déjà le moment de passer la deux. Inutile de débrayer ou de couper les gaz, le shifter gère le passage des rapports. La moto tracte avec vigueur, tandis que le train avant s’allège sous les coups de boutoir des 167 chevaux déchaînés. L’anti-wheeling fait tout son possible pour faire reposer la roue avant, qui ne demande qu’à pointer vers le ciel.

LA TECHNOLOGIE AU SERVICE DE LA BESTIALITÉ

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Le shifter fait partie de la dotation de série. Rapide à haut régime, il peine à passer les rapports délicatement sous 6 000 tr/min. Sur route ou sur circuit, l’essayer c’est l’adopter. D’après Aprilia, il n’y a aucun souci de fi abilité à prévoir, même en l’utilisant au quotidien.

La nouvelle Tuono V4 conserve un peu plus de carénage que sa devancière. Le résultat est

convaincant, malgré quelques plastiques à l’aspect peu fl atteur.

EN PISTE AVEC LA TUONOÉtrennée sur le circuit de Valence, la Tuono V4

s’est montrée à l’aise. Réglée pour la piste (précharge sur l’amortisseur, hydraulique plus fermée),

l’Aprilia nous a dévoilé une plus grande partie de son potentiel. Bien campée sur ses suspensions, la moto

autorise des entrées de courbe très rapides. Stable une fois inscrite sur l’angle, l’APRC permet

de réaccélérer très tôt. S’échelonnant de 1 (peu d’intervention) à 8 (très intrusif), le contrôle

de traction idéal sur circuit se situe entre les niveaux 2 et 4 en fonction de votre niveau de pilotage. Grâce

à une action discrète et rapide, la puissance arrive progressivement, ce qui permet d’arriver plus vite au virage suivant. Cela permet aussi d’être plus confi ant

au moment de remettre les gaz, surtout lorsqu’on débute. Il faudra tout de même se montrer vigilant

car l’arrivée plutôt brutale de la puissance fait élargir la moto en sortie de courbe. Elle a aussi

tendance à guidonner en sortie de virage en seconde et en troisième. Le freinage, effi cace, reste constant

grâce aux durites aviation livrées de série.

Le V4 développe 167 chevaux, 13 de moins qu’une RSV4. Diffi cile de garder la tête froide lorsqu’on visse la poignée sur les premiers rapports, heureusement que l’anti-wheeling veille au grain. Dommage que le bloc ait autant d’appétit (entre 8 et 9 litres/100 km sur route sans trop forcer).

LES ÉQUIPEMENTS A

prili

a

Jauge à essence ✘Voyant de réserve ✔Compte-tours numérique ✘Compteur numérique ✔

Horloge ✔

Trip (A et/ou B) journalier ✔Trip total ✔Indicateur de température

de liquide de refroidissement ✘

Indicateur de température ambiante ✘Warning ✘Ordinateur de bord ✔Chronomètre ✔Indicateur de rapport engagé ✔Shiftlight ✔Réglage du levier d’embrayage ✘Réglage du levier de frein ✔Sélecteur réglable ✔Pédale de frein réglable ✔Repose-pieds réglables ✘Poignées de maintien passager ✔Selle passager ✔Emplacement antivol sous la selle

passager ✘

Crochets d’arrimage ✘Amortisseur de direction ✔ABS ✘Clé antivol ✔✘ : Pas disponible ✔ : Disponible

Seule la jauge à essence manque à ce tableau de bord par ailleurs riche en informations. Notez le mode de conduite sélectionné ainsi que la sensibilité du contrôle de traction sur la gauche de l’écran.

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Si vous débranchez le système, pensez à y aller doucement sur les gaz. Les trois premiers rapports raccourcis améliorent encore l’accélération par rapport à une RSV4. Sur route ouverte, il est tout simplement impossible de faire passer toute la puissance et ce, pour deux raisons. En tirant modérément sur les rapports, les 130 km/h sont atteints dans un souffle. Autant dire qu’en attaquant sur la route, on ne risque pas de passer souvent la quatrième. Ensuite, le contrôle de traction bride la puissance de manière plus ou moins intrusive en fonction du niveau sélectionné. Sur route sèche, les modes 4 et 5 sont les plus agréables, dans la mesure où ils permettent de rouler vite sans que le moteur en soit trop bridé. L’entrée en action du système se fait discrète, grâce

L’APRC, COMMENT ÇA MARCHE ? L’APRC (Aprilia Performance Riding Control) est en fait la réunion de quatre systèmes différents. Le shifter (Aprilia Quick Shift), l’anti-wheeling (Aprilia Wheelie Control), l’assistance aux départs (Aprilia Launch Control) et le contrôle de traction ATC (Aprilia Traction Control). Contrairement à d’autres systèmes qui coupent d’abord l’allumage puis l’arrivée d’essence, c’est l’accélérateur qui suffi t à supprimer un patinage de la roue dans 80 % des cas. Grâce au Ride by Wire dépourvu de câble de gaz, il n’y a plus de lien direct entre la poignée de gaz et les papillons. Du coup, lorsque le pilote accélère à fond, le système analyse différents paramètres (mode de pilotage sélectionné, angle de la moto, patinage de la roue arrière) et décide de fermer les papillons malgré la poignée de gaz vissée à fond. Et si cela ne suffi t pas, Il y a alors des coupures à l’allumage. À aucun moment la moto ne coupe son arrivée d’essence. Ces paramètres sont évidemment différents en fonction du mode sélectionné. Avec l’ATC en mode 8, la moto n’autorise d’accélérer à fond quasiment que lorsqu’elle est droite, alors qu’en mode 2, la moto tracte avec encore beaucoup d’angle. Pour changer, il suffi t d’appuyer sur les touches « + » et « - ». À l’aide du démarreur, on peut également modifi er l’arrivée de la puissance du moteur, ce qui signifi e que l’ATC sera encore différent en mode Track, Sport ou Road. C’est tout le paradoxe de l’APRC : il est très complexe sur le papier et très facile à utiliser.

à une électronique évoluée (voir encadré

ci-contre) autorisant même une légère glisse lorsque l’on rencontre un sol poussièreux. Rassurant au moment de remettre les gaz : on prend vite confiance au guidon de la Tuono. Il faut dire que bien menée, elle est tout simplement impossible à suivre. L’électronique embarquée permet de réaccélérer très tôt sans craindre de passer par-dessus la moto. Du coup, on hausse le rythme, qui devient sacrément élevé. C’est là qu’il faut prendre certains paramètres en compte. Réaccélérer plus fort implique de ressortir plus vite et donc d’arriver avec une vitesse supérieure au virage suivant. Les repères de freinage sont modifiés et il faut faire attention de ne pas rentrer trop vite en virage. Or la moto est dépourvue d’ABS

C’est haut et ferme, mais le passager est mieux traité que sur une RSV4. La boucle arrière

est identique à la sportive, seul l’habillage change. Si les poignées sont superbement intégrées,

la selle jaune se révèle très salissante.

Le train avant perd les étriers monoblocs de la RSV4 pour des raisons de coût. Cela n’empêche pas le système de se montrer effi cace et constant.

MR

+

En plus de la Tuono V4 R APRC, Aprilia propose une machine dépourvue d’aides électroniques et d’amortisseur de direction. Son prix de lancement est de 12 999 € jusqu’au 31 juin 2011. Passé cette date, il faudra débourser 1 000 euros supplémentaires.

La Tuono V4 se montre convaincante en entrée de courbe. En revanche, on subit quelques ruades du train avant lors des grosses accélérations en sortie de virage.

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LES DONNEES CONSTRUCTEUR

MOTEURType

Distribution

Cylindrée (alésage x course)

Puissance

Couple

Alimentation

Boîte

Transmission finale (rapport)

PARTIE-CYCLECadre

Suspension AV

Suspension AR

Frein AV

Frein AR

Pneus AV/AR

Réservoir (réserve)

Longueur

Empattement

Garde au sol

Hauteur de selle

Chasse/angle

Poids à sec

Aprilia Tuono V4 R APRC

4-cylindres en V à 65°, 4-temps, refroidi par eaudouble ACT, 16 soupapes999,6 cm3 (78 x 52,3 mm)167,3 ch à 11 500 tr/min11,7 mkg à 9 500 tr/min13 à 1/injection électronique6 rapports par chaîne (16 x 42)

double poutre en aluminiumfourche inv. ø 43 mm, déb. 120 mm, triple réglage monoamortisseur, déb. 130 mm, triple réglage2 disques ø 320 mm, étriers radiaux 4 pistons ø 220 mm, étrier 2 pistons120/70 x 17 - 190/55 x 17* 17 litres (4 litres)2 065 mm1 445 mm 125 mm835 mn107,5 mm/25°181 kg

Oubliez la Tuono 1000 à moteur Rotax, la nouvelle V4 R l’éclipse totalement. Son 4-cylindres en V puissant et rageur est un régal à

utiliser, même s’il est impossible d’en

tirer tout le potentiel sur la route. La partie-cycle

suit le mouvement, tout comme le freinage, malgré un train avant un peu léger sur les grosses accélérations. L’électronique embarquée fait preuve d’une effi cacité redoutable, autorisant une conduite extrêmement rapide sur la route. Mais gare aux excès d’optimisme : l’APRC permet de repousser certaines limites, notamment à la réaccélération, mais les lois de la physique sont les mêmes pour tout le monde. Mention spéciale à ceux qui opteront pour la Tuono dépourvue d’APRC et d’amortisseur de direction, rodéo sur deux-roues garanti !

ve

rd

ict(un système d’ABS sportif est à l’étude) et l’APRC

n’augmente pas le grip des pneus. Côté partie- cycle, la moto se montre à la hauteur de sa mécanique remarquable. Elle est exigeante mais saine. Le train avant, précis, supporte du frein sur l’angle sans relever la moto. Une fois inscrite en courbe, la stabilité de l’Aprilia autorise des passages musclés sans sourciller. En revanche, la Tuono est un peu moins réactive dans les changements d’angle rapides (tout est relatif) que certaines

de ses rivales. Les suspensions, plutôt fermes, offrent une bonne tenue de route tout en ménageant un confort convenable. Le freinage, qui abandonne les étriers monoblocs de la RSV4, conserve des performances de premier ordre. Enfi n, le ressenti au niveau du levier est à souligner. Pour pinailler, on aurait pu profi ter d’un peu plus de mordant. Souhaitant rivaliser avec la Ducati Streetfi ghter, Aprilia a placé la barre assez haut côté tarifs. Pour vous offrir la nouvelle Tuono V4 R APRC, il faudra débourser 14 999 €. Une somme justifi ée vu le matériel embarqué... mais qui reste malheureusement hors de portée pour beaucoup d’entre nous. ■

MALGRÉ L’APRC, GARE AUX EXCÈS D’OPTIMISME

*la moto est aussi homologuée en 200/55 x 17 et en 190/50 x 17

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Même avec beaucoup d’angle, l’électronique embarquée gère le patinage de la roue arrière quelle que soit la position de l’accélérateur.

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