31
Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 Panorama de l’art du XX & XXIème siècle. Cours de Séphora Thomas destiné aux B1. Table des Matières. Comment lire la sculpture du XXème siècle dans une continuité éclatée ? I. Conditions d‘émancipation de la sculpture vis‐à‐vis de l’Académisme. a) Académisme et situation artistique à la fin du XIXème siècle. b) La rupture avec la tradition se fait‐elle de la même manière et au même moment en peinture et en sculpture ? c) Importance des peintres pour « libérer » la sculpture. d) Le choc des Arts dit « Primitifs » II. Quand la sculpture devient‐elle « moderne » ? a) Naissance du cubisme. b) Brancusi. III. Futurisme. Pourquoi tant de Manifestes au XXème siècle ? IV. Avant‐Gardes Russes a) Constructivisme b) Suprématisme. V. Cinétisme. VI. Minimalisme. VII. Art Conceptuel. + Marcel Broodthaers : une figure particulière. VIII. Art Post‐minimal Post‐minimalisme américain Arte Povera Européen Land Art L’OBJET dans l’art des XX & XXIème siècle. Dadaïsme. Surréalisme. Pop Art & Nouveau Réalisme. Objets ’80 à 2000.

Art Contemporain

Embed Size (px)

Citation preview

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

Panorama de l’art du XX & XXIème siècle. Cours de Séphora Thomas destiné aux B1.   Table des Matières.  Comment lire la sculpture du XXème siècle dans une continuité éclatée ?  I. Conditions d‘émancipation de la sculpture vis‐à‐vis de l’Académisme.   a) Académisme et situation artistique à la fin du XIXème siècle. 

b) La rupture avec la tradition se fait‐elle de la même manière et au même moment en    peinture et en sculpture ? 

  c) Importance des peintres pour « libérer » la sculpture.   d) Le choc des Arts dit « Primitifs »  II. Quand la sculpture devient‐elle « moderne » ? 

a) Naissance du cubisme. b) Brancusi. 

 III. Futurisme. 

Pourquoi tant de Manifestes au XXème siècle ?  IV. Avant‐Gardes Russes 

a) Constructivisme   b) Suprématisme. 

 V.  Cinétisme. VI. Minimalisme. VII. Art Conceptuel.  + Marcel Broodthaers : une figure particulière. VIII. Art Post‐minimal  Post‐minimalisme américain  Arte Povera Européen  Land Art  L’OBJET dans l’art des XX & XXIème siècle.   Dadaïsme.  Surréalisme.  Pop Art & Nouveau Réalisme.  Objets ’80 à 2000.      

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

 Conclusion.  Comment lire la sculpture du XXème siècle dans une continuité éclatée ?  I. Conditions d‘émancipation de la sculpture vis­à­vis de l’Académisme.    a) Académisme et situation artistique à la fin du XIXème siècle.  Cfr ; « L’Elite Artiste » de Nathalie Heinich (sociologue). (Gallimard 2006).  Dans nos démocraties actuelles, les artistes forment une sorte d’aristocratie. Comment est‐on passé de l’ancien stéréotype du créateur maudit à celui du provocateur omniprésent ?  « Et si l’avant‐garde était en réalité réactionnaire ? »  La position d’artiste change quand la Révolution Française, réorganisant la société, supprime les corporations et les académies.  Les artistes acquièrent alors un statut libéral (exempté de patente) : peinture et sculpture sont devenus « libres » c’est‐à‐dire du ressort intellectuel et non plus manuel. (Artisan).  Le mot « artiste » apparaît pour la première fois dans le vocabulaire administratif de la loi en 1798. Il s’agit d’une nouvelle catégorie sociale qui attirera tant les fils de bourgeois que les enfants de prolétaires.C’est l’époque où la peinture se popularise grâce aux Salons pendant que la littérature se diffuse grâce aux feuilletons dans les journaux.  L’Art Académique.  Né pendant la Révolution, il est ajusté aux goûts de la nouvelle couche de notables issue de la Révolution et de l’Empire. Il se définit par le rejet de l’art aristocratique du XVIII siècle. (Watteau, Boucher) et une réaction contre le Romantisme qui exaltait la personne de l’artiste. (Friedrich). Il s’agissait de faire le consensus autour d’une culture de « juste milieu ». Tout le fonctionnement du système s’appuyait sur l’existence de concours couronnés par des réponses honorifiques. Des caractéristiques  de l’institution académique découlent les propriétés de l’art académique. L’artiste ne peut manifester sa virtuosité que sur le terrain de la technique et de la culture historique. Dans l’œuvre, c’est le moment intellectuel qui compte :  l’académisme défend une esthétique du contenu. L’art académique se soucie de la lisibilité, instaure une langue officielle, un code qui s’impose tant à la conception qu’à la réception. L’art académique prône une « esthétique du fini » et lorsque cette dimension s’absente comme dans l’ »Olympia » ou le « Déjeuner su l’herbe » de Manet, ces œuvres paraissent « malpropres » physiquement et/ou moralement, « faciles » et donc peu « honnêtes ». 

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

La critique relève chez Manet  des « fautes ». On lui reproche son manque de « fini ».  La révolution impressionniste n’aurait consisté qu’à présenter en œuvres achevées les esquisses des peintres académiques.  Le monopole académique reposait sur tout un réseau de croyances qui se renforçaient mutuellement. Croyances des peintres dans la légitimité du Jury ; de l’Etat dans l’efficacité du Jury, du public dans la valeur du label académique. Ces croyances croisées s’effondreront petit à petit entrainant la ruine du capital symbolique qu’elles fondaient.  La création en 1863 du « Salons des refusés » favorisera le développement d’un milieu artistique libre hors de l’Institution qui sera à la fois le laboratoire social du mode de pensée et du style de vie caractéristique de l’artiste moderne et un marché où les audaces novatrices en matière d’art trouveront un minimum indispensable de gratifications symboliques pour se développer. Baudelaire : « La modernité c’est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art dont l’autre moitié est l’éternel et l’immuable ». (Salon 1859)  b) La rupture avec la tradition se fait­elle de la même manière et au même moment en peinture et en sculpture ?  La sculpture est, au XIXème siècle, essentiellement commémorative, productive de monuments publics et/ou privés. Quand Rodin produit les « Bourgeois de Calais » (1884) et Camille Claudel « les Causeuses » (1885), leur démarche plastique reste très « classique » en regard de ce qui se passe au même moment en peinture. Les Impressionnistes ont rompu avec la tradition académique tant par leur manière que par leurs sujets.   Il y a donc un décalage incontestable entre la peinture qui précède la sculpture dans la rupture avec le passé.  c) Importance des peintres pour « libérer » la sculpture.  En fait, le renouveau de la sculpture ira s’enraciner dans les œuvres d’artistes/peintres qui vont bouleverser la sculpture parce que pour eux ce médium est un moyen d’expérimenter et de solutionner des questions qu’ils se posent en peinture. Daumier : ses bustes‐charges équivalents sculptés de ses caricatures.    Degas : ses essais sculptés en plâtre lui permettaient d’étudier le mouvement des chevaux et des danseuses qui le fascinaient. Ces œuvres fragiles n’étaient pas destinées au public. Exception faites  de sa « Danseuse », en bronze,  présentée au Salon des Indépendants en 1881 où elle provoqua un énorme scandale.  Gauguin précède les cubistes par son intérêt  pour la statuaire primitive.  Il ouvre la voie au primitivisme moderne à la fin d’un XIXème siècle prisonnier de son égocentrisme culturel. d) Le choc des Arts dit « Primitifs »  Maillol : « L’art nègre renferme plus de possibilités que l’art grec. Nous ne savons plus prendre ces libertés. Nous sommes trop asservis au passé. » 

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

 Valéry : « Ceux qui n’ont pas nos répugnances, nous répugnent ».  M.Thévoz : « Il nous a fallu un siècle pour prendre nos distances vis­à­vis d’une esthétique académique et de ses connotations idéologiques et cela devrait nous alerter sur l’esthétique qui est la nôtre, dans laquelle nous sommes immergés, sans le recul qui rende possible un regard démythificateur ».  L’influence de l’Art nègre sur la peinture et la sculpture se fait sentir à Paris dès 1907 et se généralise en 1920. Il s’agit d’une réévaluation fondamentale de l’art des populations dites « primitives » des Empires coloniaux d’Océanie et d’Afrique.  De la Renaissance à Rodin et Maillol, la sculpture occidentale obéit au principe du naturalisme. L’art tribal s’oriente délibérément vers le surnaturel. Sa tâche est souvent d’incarner l’invisible. Il ne recherche pas la ressemblance. Il relève souvent du rituel actif.  La construction d’une figure ne se fonde pas sur un principe global et synthétique des différents éléments du corps. Les œuvres assemblent souvent plusieurs matériaux hétéroclites.  La leçon plastique et la forte spiritualité incarnées par ces objets interpellèrent tant les expressionnistes Allemands que les cubistes.   Ainsi retrouve‐t‐on cette double influence dans les sculptures en bois peint des expressionnistes Allemands (Kirschner ; Schmidt­Rotluff). Ils exprimaient ainsi leur révolte intellectuelle contre l’ère industrielle assimilée à la décadence et à la déshumanisation. (D’un point de vue strictement sculptural cette veine aboutit plutôt à une impasse).  II. Quand la sculpture devient­elle « moderne » ?  a) Naissance du cubisme.  En France, la découverte et l’assimilation des Arts « primitifs » débouche sur la fragmentation en facettes du cubisme analytique de Picasso. En 1909 Picasso réalise « Tête de Fernande Olivier », sa compagne. La sculpture africaine y rejoint la leçon cézanienne.  Cette œuvre vraiment novatrice avait été précédée par une série de peintures ( !) dont les fameuses « Demoiselles d’Avignon ». (1907) et d’un premier buste de Fernande (1906), un portrait  aux volumes traditionnels.   En 1909 Picasso semble céder à un désir fougueux de démolition. Détruisant la figure, il s’insurge contre l’un des sujets les plus respectés et respectables de la sculpture traditionnelle.   (Nous verrons plus tard comment l’art contemporain s’ouvre de plus en plus à des champs 

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

du savoir étranger à l’esthétique et à l’art stricto sensu comme la philosophie, la politique, la psychanalyse, la science etc. Ainsi, dans le cas de la « Tête de Fernande » (1909) est‐il possible d’y  détecter l’écho des théories freudiennes sur la fragmentation du Moi !)  En tout état de cause, on décèle dans La « Tête de Fernande » un souci de répartir et de multiplier les jeux de lumière sur des segments de surfaces éclairés tantôt de la droite, tantôt de la gauche, produisant alternativement un effet concave ou convexe.  Matisse  également peintre et sculpteur, rejoint Picasso dans cette volonté d‘interpréter librement un sujet en prenant des cadres de références en dehors des normes traditionnelles. Leur modèle n’est plus une personne ou une chose mais une certaine vision de ceux‐ci ; le but n’étant plus l’imitation mais la création d’une présence. (cfr. Art africain !)  « La serpentine ».  Mais la sculpture n’est vraiment devenue moderne qu’après 1912 date à laquelle Picasso réalise « La Guitare » suivie d’une multitude d’Assemblages. Il associe alors une technique héritée de la peinture (nature morte), c’est‐à‐dire  celle de l’assemblage improvisé d’éléments, avec les ressources expressives que lui a révélé l’art tribal. Ce faisant il évacue de son propos sculpté pratiquement toute l’histoire de la sculpture occidentale.  La guitare et les autres assemblages instituent la liberté des pratiques, dépassent les notions de bloc, de taille, de modelage. Ils privilégient l’emploi de matériaux nouveaux.  Tous les matériaux désormais sont susceptibles de devenir « sculpture ». La Guitare n’étant ni sculptée, ni taillée, ni modelée : pour la désigner on usera du terme de « Construction ».  Les artistes cubistes se sont toujours défendus de toute volonté théorique (pas de Manifeste !). Ils ont voulu transmettre leur vision du monde et montrer que la perception n’est pas un acte simple permettant d’enregistrer le spectacle de la nature mais que c’est surtout une activité de l’esprit.  Les cubistes ne présentent plus ce qu’ils découvrent du monde mais ce qu’ils en connaissent.  Apolinaire dira qu’ils sont passé d’une « réalité de vision » à une « réalité de conception » (voir infra du cours !)  Les cubistes introduisent une nouvelle problématique du vrai et du faux, de la réalité et de l’illusion dans l’art , notamment par le procédé technique du collage.  En intégrant dans leurs tableaux des éléments empruntés au réel (tickets de métro, journaux etc), ils engendrent de véritables chaînes de paradoxes dans la dialectique Art/Réalité. 

 b) Constantin Brancusi. (1876­1957)  Personnalité marginale et inclassable (du point de vue des mouvements !).  Il débarque de sa Roumanie natale à Paris en 1904 et quitte l’atelier de Rodin avec ces 

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

mots : « A l’ombre des grands arbres rien ne pousse ». Son œuvre est dense ; ses thèmes peu nombreux ; son influence énorme. Il fut toute sa vie à la recherche de formes absolues susceptibles de traduire sa nature contemplative et son immense soif d’absolu et d’éternel. (« La colonne sans fin » !) Quand il travaille le bois, il démontre qu’il n’a jamais oublié ses premiers contacts avec les matériaux bruts et les travaux liés à la terre. (Il était berger dans les Carpates.)  Une façon aussi d’assumer l’héritage de l’art « primitif ». Au Louvre, il est davantage  attiré par les figures Cycladiques (2000 avant J‐C) que par les œuvres de la Renaissance. Quand il réalise « Le Baiser » en 1909 ( !), il remonte loin dans les temps préhistoriques pour une œuvre qui se présente comme un bloc traité de façon graphique quand il s’agit d’indiquer les lignes onduleuses des chevelures, le traitement des bras et des yeux rappelant certaines pierres funéraires mégalithiques.  Pour lui aussi il est plus important d’évoquer  « l’idée de la chose » plutôt que d’en restituer sa réalité naturaliste. (cfr Matisse et Picasso). Ainsi les formes de ses multiples « Muses endormies », réalisées dans divers matériaux,  sont‐elles empruntées à la vie organique et évoquent une sorte d’état originel qu’incarne l’œuf. Bien que ses formes tendent vers l’abstraction, Brancusi n’échappe pas à la figuration par la façon dont il nomme chacune de ses sculptures. (« Coupe » ; « Premier pas » ;  « La négresse blanche », « Sculpture pour aveugles »)  Très tôt aussi, Brancusi se préoccupa de trouver ce qui distinguait un objet sculpté d’un autre objet. Il disait: « De la même manière que le cadre délimite la peinture, c’est le socle qui isole et fait la sculpture ».  Et s’il en est ainsi, alors « portons tous nos efforts sur le socle : désormais socle et sculpture feront un tout indissociable. » Il organise des entités, socle/sculpture  dont la partie inférieure nettement plus brute contraste avec la partie supérieure plus lisse et stylisée. (L’esprit du Bouddha 1927, Melle Pogany III 1931, etc)  C’est ainsi  que naît l’idée de  la Colonne sans fin, 1938 : un socle devenu autonome qui dévorerait sa propre sculpture et se mettrait à proliférer à la verticale.  Mais la colonne est aussi issue du Baiser qui incarne l’union du masculin et du féminin.  B. avait imaginé cette œuvre comme deux moitiés qui pouvaient être vues séparément ou ensemble. Cette idée revient dans les colonnes qui semblent n’avoir ni début ni fin ou qui semblent indiquer un commencement idéal des choses (de la sculpture ?). Elles sont le Baiser porté à son aboutissement logique extrême (comme Princesse X ,1916, était l’  « aboutissement » d’une « extrême simplification du cops féminin », précisait Brancusi).  Il y a  dans les Colonnes une tension évidente entre deux moitiés unies qui se fondent en une seule forme. Dans son atelier, on en trouvait de nombreuses variations de toutes dimensions.  Ensemble majeur et monumental  réalisé en 1937 pour sa ville natale à Targa Jiu.  La Table du Silence. La Porte du Baiser.La Colonne sans fin.  

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

Brancusi eut aussi une façon très personnelle de travailler la lumière dans la matière.  C’est le cas dans les formes élancées de ses Oiseaux dont l’Oiseau dans l’espace.1940. On y décèle l’aboutissement réussi de son immense désir de simplification.  Brancusi : « Ce n’est pas la forme extérieure qui est réelle mais l’essence des choses.  Pourtant de cette vérité, il est impossible à quiconque d’exprimer quelque chose de réel en imitant la surface extérieure des choses. Ainsi la simplicité n’est­elle pas un but dans l’art mais on y arrive malgré soi, en s’approchant du sens réel des choses ».  III. Le Futurisme  Ce mouvement, d’impulsion italienne, fut rendu public via un Manifeste publié en 1909 ( !) à Paris dans le Figaro et dont l’auteur était Filippo Tommaso Marinetti. ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐  NOTE IMPORTANTE AU SUJET DES MANIFESTES AU XXÈME SIÈCLE. Le XXème siècle est une ère de Manifestes.  Le premier avait été proclamé par Courbet dès la fin du XIXème siècle et définissait les objectifs du Réalisme. La multiplication des manifestes indique que les artistes ne travaillent plus pour une quelconque instance extérieure, religieuse ou politique, mais qu’ils défendent désormais des points de vue qui leur sont propres.  Ainsi se regroupent‐ils et rassemblent‐ils leurs idées motrices au sein d’un manifeste. Le dernier manifeste sera celui de l’Arte Povera en 1968. Ensuite, on assiste à l’émergence de générations d’artistes plus indépendants et individualistes capables de se défendre et de s’imposer en solitaire.  On voit aussi  apparaître le concept de Mythologie Personnelle. (voir infra). ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐  Les futuristes italiens étaient contemporains des cubistes.  A la différence de ces derniers, avant‐gardes presque malgré eux et sans manifeste, les futuristes ont mis en place une doctrine sous‐tendue par un comportement général. L’esthétique futuriste sera donc le produit d’une intéressante dialectique entre praxis et théorie. Elle se dégage de quelques deux cent Manifestes jalonnant l’histoire du mouvement. Ces Manifestes étaient souvent la résultante des expériences menées dans tous les domaines avec un grand esprit d’inventivité. Il n’empêche que dans l’ensemble, les créations formelles des futuristes resteront en deçà de leurs théories.  (ex : « Formes uniques de la continuité dans l’espace », 1913 de Boccioni : sujet anthropomorphique ; matériau traditionnel.)  Extraits du Manifeste général de 1909 : 4) « …une automobile rugissante…est plus belle que la Victoire de Samothrace ».  5) « Nous voulons glorifier la guerre – seule hygiène du monde ­ , le militarisme, le patriotisme, le geste destructeur des anarchistes, les belles Idées qui tuent, et le mépris de la femme. » 

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

 12) « C’est en Italie que nous lançons ce manifeste de violence culbutante et incendiaire, par lequel nous fondons aujourd’hui le futurisme parce que nous voulons délivrer l’Italie de sa gangrène de professeurs, d’archéologues, de cicérones et d’antiquaires.  L’Italie a été trop longtemps le grand marché des brocanteurs.  Nous voulons la débarrasser des musées innombrables qui la couvrent d’innombrables cimetières. Musées, cimetières !...Identiques vraiment dans leur sinistre coudoiement de corps qui ne se connaissent pas. »  Extraits du manifeste de la sculpture : « …Il faut détruire la prétendue noblesse, toute littéraire et traditionnelle, du marbre et du bronze et nier carrément que l’on doive se servir exclusivement d’une (…) matière pour un ensemble sculptural… »  « … Il faut proclamer à haute voix que dans l’intersection des plans (…) il y a bien plus de vérité que dans tous les seins et dans toutes les cuisses de héros et de Vénus qui enthousiasment 

l’incurable sottise des sculpteurs contemporains ».IV. Avant­Gardes Russes   

Entre 1896 et 1932, la Russie connaît une extraordinaire explosion artistique.  Les salles d’expositions s’ouvrent aux nouveaux courants de l’art européen : le symbolisme, l’impressionnisme, le fauvisme, le cubisme, etc… Des colonies de peintres et de sculpteurs russes débarquent à Paris.D’importantes collections d’art moderne se constituent à Moscou. A Paris, le cubisme était resté une « méditation esthétique » très empirique.  En Russie il fait l’objet d’une véritable théorie.  

Constructivisme.  C’est en Russie que les théories cubistes et futuristes trouvent leur plein épanouissement. Vladimir Tatline établit la liaison historique entre les constructions cubistes de Picasso qu’il rencontre en 1913 à Paris et les débuts du constructivisme à Moscou.  Il sera, en outre, le premier à franchir le pas décisif de la figuration à la non‐figuration en sculpture. Ses reliefs ne représentent rien d’autre que des « formes matérielles dans l’espace : un matériau réel dans un espace réel ». (Picasso avait tendance, dans ses assemblages, à métamorphoser les matières dans un monde beaucoup plus imaginaire.) Cette conscience de l’espace est à la base du constructivisme et de son pendant le suprématisme. Le manifeste constructiviste est publié à Moscou en 1920. « Dans notre sculpture, l’espace n’est plus une abstraction logique ou une idée transcendantale. Il est devenu un élément matériel malléable. Il est devenu une réalité ».  Tatline et d’autres artistes intitulent leurs œuvres « Relief » ou « Contre‐Relief » par analogie avec le terme « contre‐attaque » que l’on peut souvent lire dans les journaux de l’époque. La notion de transparence est souvent émise par des artistes comme Gabo, 

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

Pevsner ou Rotchenko.  Elle correspond à un idéal politique qui consiste à lutter contre la rigidité hiérarchique et sociale de l’ancien monde qui reposait sur des barrières opaques et infranchissables.  Pour les révolutionnaires russes, la transparence est la métaphore d’une société sans classe, en constante évolution. Pour les constructivistes, la sculpture doit être abstraite et non symbolique.  Au lieu de titres, leurs constructions portent parfois des numéros de séries à l’instar des produits industriels. (Steinberg). Alexandre Rotchenko est l’une des personnalités parmi les plus originales de cette avant‐garde russe. Il est l’auteur de multiples « Constructions spatiales suspendues » (1919). Lissitsky : ingénieur/architecte, auteur de travaux graphiques qui comportaient des plans géométriques mêlant la peinture au relief et nommés « Proun » (1919).  Ils devaient, selon leur auteur abolir la frontière entre l’art pictural et l’ architecture.   Très rapidement le constructivisme va s’étendre à tous les arts : architecture, théâtre, cinéma, design et littérature. Partout la notion de production fut substituée à celle de création et comportait une exigence d’économie des moyens.L’effet esthétique ne devait résulter en chacun de ses arts que des rapports formels de volume et d’espace. Le désir utopique y coexistait avec l’aspiration utilitaire. Dans cette esthétique, les différents arts sont reliés par une même finalité : celle de construire  la vie quotidienne.  Les frontières entre arts majeurs et mineurs sont souvent supprimées. (Notion de transparence !). Cette esthétique est donc aussi une éthique : celle de la révolution en acte.  Le message artistique y est noué à un message politique qui veut que l’art beau soit utile et que l’évolution de l’art soit à la mesure de celle de la société. L’activité de l’avant‐garde russe subira le contrecoup de la mort de Lénine qui marque la fin du libéralisme en art. Les artistes quittent la Russie quand ils n’admettent pas d’être réduits au silence. Le stalinisme triomphant leur oppose à partir de 1922, le réalisme‐socialiste qui renouait avec le naturalisme académique de l’époque tsariste.   Le suprématisme.  En 1915, à Pétrograd, l’exposition « 0.10, la dernière exposition futuriste » propose une série d’œuvres de Malévitch dont son « Carré noir sur fond blanc ».  Cette œuvre n’est pas apparue gratuitement mais avait été précédée par de nombreuses peintures reflétant un cheminement mental reprenant celui de la peinture occidentale de son temps en accéléré. Le Carré noir était le fruit d’une longue réflexion sur la peinture et sur les degrés de réalité de l’image. (cfr Mondrian). Malévitch accompagnait ce tableau d’une brochure (Manifeste) intitulée :  « Du cubisme et du futurisme au suprématisme : le nouveau réalisme pictural ». « Je n’ai rien inventé, j’ai seulement senti la nuit en moi­même et en elle, j’ai entrevu la chose nouvelle que j’ai appelé suprématisme. Cela s’est exprimé par une surface noire qui représentait un carré. J’ai hésité jusqu’à l’angoisse quand il s’est agi de quitter le monde de la volonté et de la représentation ». 

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

Malévitch affirme l’autonomie des formes, toutes issues du carré.Les œuvres suprématistes défient l’attraction terrestre : il n’y a plus de loi de gravité ; les formes flottent dans un espace‐univers atomique peuplé de structures indépendantes. Les formes ne représentent rien. C’est là que réside leur sens.  Malévitch y rejoint les icônes de son peuple, engendrant des tableaux purement contemplatifs. C’est‐à‐dire qu’entre le Rien et le Tout, il concentre le Tout dans l’impénétrable impersonnalité géométrique d’une surface noire. Le suprématisme spirituel s’oppose au matérialisme affirmé des constructivistes. Ce qui compte c’est l’action directe de la couleur sur l’âme. (cfr : Kandinsky in « Du Spirituel dans l’Art » : « La couleur est la touche, l’œil le marteau qui la frappe et l’âme l’instrument aux cordes innombrables ».)Les couleurs ont un effet physique et psychique. Il y en a six, encadrées par le noir et le blanc qui sont,  en peinture,  ce que sont les silences en musique. Malevitch évolue petit à petit vers la rédaction de son Manifeste blanc qu’incarne le « Carré blanc sur fond blanc ».  Ainsi en vient‐il à abandonner la peinture au profit de la plume. La pensée blanche de Malévitch aboutit au Rien, c’est‐à‐dire l’absolu philosophique auquel il consacra un petit recueil intitulé « Dieu n’est pas déchu. L’art. L’église. La Fabrique ». (1922) Le suprématisme devient davantage une philosophie du monde et de l’existence plutôt qu’un style pictural.  Autour de Malévitch se crée un cercle comparable à celui qui entoure Freud à Vienne. Ce cercle a pour but le développement du suprématisme dans tous les domaines d’expression : architecture, arts appliqués, musique, poésie, théâtre et littérature. Sur le front de l’architecture, le Carré Blanc est devenu Cube Blanc.   Les Planites et les Architectones transfèrent la pensée suprématiste du plan au volume dans l’espace.  Qualifié de « philosophe rêveur », Malévitch meurt, solitaire, en 1935. V. Cinétisme.  Beaucoup d’artistes liés au constructivisme avaient utilisé les ressources de la technologie de pointe. Cette tendance se confirme après la deuxième guerre mondiale engendrant un nouvel esthétisme qualifié d’ « Art Cinétique » et dont le « Manifeste Jaune »  fut publié en 1955 par Vasarely.  L’art cinétique ne vise pas à représenter le mouvement mais à l’incarner en utilisant des processus d’illusions psycho‐physiologiques pour que le spectateur voit nécessairement comme en mouvement ce qui ne bouge pas spécialement. L’accent  est mis sur le mouvement réel et/ou illusoire mais aussi sur les ressources de l’électricité. L’art cinétique incarne l’impact de la science et de la technique sur l’art.  Il cherche à « démythifier » les notions d’art et d’artiste.   C’est Gabo qui dès 1920 en avait réalisé l’exemple insurpassable avec sa tige animée par un moteur et dont le volume n’était que le corps virtuel d’une oscillation dépourvue en réalité de masse. L’art cinétique comme art du mouvement virtuel ou fictif utilise souvent des réseaux à effets perspectifs : superpositions de feuilles translucides, interférences de lignes, etc., le 

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

but étant d’engendrer chez le spectateur un effet non définitif. (Soto) L’art cinétique comme art du mouvement réel ajoute à ces paramètres le fait d’engendrer une composition elle‐même ni fixe, ni définitive. (Calder, Tinguely, Bury) L’art cinétique comme art des lumières en mouvement dit parfois « lumino‐cinétisme ». (Moholy­Nagy, N.Schöffer)  Le Laser ouvrit le champ créatif à des dimensions plus vastes encore offrant à la sculpture d’aborder une échelle de grandeur jusque là impensable.  En même temps qu’une totale dématérialisation. (Reuterswärd)  Le mouvement introduit dans l’art une nouveauté de taille :  La possibilité pour l’œuvre de se recréer indéfiniment. Son apparition dans l’art est une innovation aussi importante que la naissance de la perspective au XVème siècle qui visait au contraire à fixer les figures dans l’espace pictural. VI. Minimalisme 

 Terme désignant le travail de cinq artistes travaillant tous à New‐York dans les années soixante. Il s’agit de Donald Judd, Sol Lewitt, Carl Andre, Dan Flavin et Robert Morris. Ces artistes ont tous publié des articles dans des magazines et des catalogues. Le minimalisme se développe en réaction contre l’expressionnisme abstrait dont J. Pollock était l’exemple par excellence = paroxysme de l’art du geste et de l’expression immédiate. Le minimalisme lui reprendra son gigantisme et son extra‐dimentionnalité qui impose au spectateur, incapable de saisir l’œuvre dans sa totalité, une redéfinition constante de sa position dans l’espace et donc de sa perception. Les minimalistes rejettent toutefois la « sentimentalité néo‐humaniste » de l’expressionnisme abstrait ainsi que le décrit Barbara Rose : « Un art dont l’impersonnalité neutre et mécanique contraste si brutalement avec le style expressionniste abstrait romantique et biographique, que le public est frigorifié par son apparent manque d’émotion et de contenu. »  Elle écrit aussi : « Par son caractère direct, dérangeant, intransigeant et parfois brutal…ce nouvel art, trop grand ou trop ingrat ou trop vide ou trop ennuyeux pour plaire, est certainement d’un accès difficile ».  Lucy Lippard en 1966 : « Le plus passionnant chez ces artistes c’est leur démonstration que l’intensité n’est pas nécessairement mélodramatique ».  ‐ L’œuvre d’art minimal entretient une relation physique et existentielle à l’espace et non plus esthétique ou transcendantale. ‐ L’œuvre minimale est constituée d’une addition d’éléments modulaires : n’est donc pas structurée par des relations internes (sculpture traditionnelle). ‐ Son volume peut être quasi immatériel (néon de Flavin, plaques au sol de C. Andre) ‐ Ses formes sont neutres, géométriques, horizontales.‐ Son échelle est calculée au mm près : l’agrandissement ou la réduction le viderait de son sens. (Lewitt). ‐ Ses matériaux sont souvent industriels et exécutés dans ce cas, d’après les indications de l’artiste et non par lui‐même. ‐ La question du socle en sculpture, déjà posée par Brancusi au début du siècle, devient ici 

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

cruciale. ‐ L’œuvre minimale doit  susciter des réactions à prédominance physiques. L’impression doit être immédiate, dénuée d’ambiguïté, sans rapport avec la mémoire d’expériences esthétiques passées. ‐ La neutralité voulue de ces œuvres dépourvues d’image et de tout contenu psychologique ou expressif, se dérobe à la contemplation/interprétation et oblige le spectateur à reporter son attention sur lui‐même dans une relation d’équivalence simple. ‐ L’esthétique de l’art minimal tend surtout à provoquer chez le spectateur « l’expérience esthétique pure » en l’incitant à concentrer son attention sur la perception directe des éléments primaires (lignes, couleurs, plans, formes) et non sur leur interprétation symbolique.  La sculpture devient avec les minimalistes : « Un ensemble d’éléments modulaires aux dimensions spécifiques, associés à un lieu spécifique et destinés à provoquer des réactions spécifiques ». L’objet minimal est qualifié par Donald Judd de « specific object » : c’est le « What you see is what you see » de Frank Stella (peintre minimaliste).  La différence entre l’objet d’art traditionnel et l’objet spécifique, explique Judd, c’est que le premier propose toujours un objet à voir qui n’est jamais là pour lui‐même parce qu’il est « signifiant », c’est‐à‐dire qu’il y a toujours en lui une part de transcendance qui nous conduit au‐delà de la réalité concrète du tableau ou du volume.  ‐ L’objet minimal est sensé ne rien dire ; être « insignifiant » ! Par exemple s’il y a de la couleur, celle‐ci n’est là que pour « tenir les formes ensemble ». Elle ne représente que l’unité visuelle.   (Pour le développement de chacun des artistes minimalistes, voir notes personnelles prises au cours !)VII. Art Conceptuel  Si les artistes minimalistes accordaient beaucoup d’importance à l’idée qui préside à la réalisation, l’œuvre devait néanmoins exister car, disait D.Judd, « il y a toujours une part d’imprévisible dans la réalisation… » Toutefois, il n’est pas étonnant que cette tendance ait fini par aboutir à un mouvement d’artistes qui ne veulent plus ni représenter, ni exprimer. Des artistes qui exposent des « propositions artistiques », toutes à la recherche de l’idée de l’art. (L. Weiner : « Première proposition » 1960.) Un des artistes parmi les plus célèbres de cette mouvance sera Josef Kosuth. « Art as Idea, as idea : one and two chairs » : Œuvre témoignant de la façon dont l’artiste conceptuel prend comme objectif exclusif de sa création l’idée de l’art, le concept de l’art. Son but  étant d’en explorer le fonctionnement.  (Voir Marcel Broodthaers : « Musée d’Art Moderne : département des Aigles », infra !).   La proposition artistique de Kosuth a un caractère tautologique comparable à une équation mathématique dont les deux termes s’auto‐vérifient.  (cfr. Expo « Wittgenstein, le jeu de l’indicible » PBA, Bxl, 1990). 

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

Kosuth insiste sur la nature linguistique de toute production artistique.  L’art doit être producteur de Sens et non d’Apparence.  Son manifeste « Art after Philosophy » revendique un art purement réflexif.  L’art conceptuel témoigne d’une attitude analytique à l’égard de sa propre activité.   Il renverse l’ancien système qui voulait que l’art ait un public du fait que l’art s’offrait comme un « divertissement ». Le public de l’art conceptuel s’avèrera composé surtout d’artistes ce qui revient à dire qu’un public séparé des participants n’existe pas. L’art devenait aussi sérieux que la philosophie ou la science qui n’ont pas de public non plus.  Tout le problème de l’art conceptuel résidera dans la façon de présenter des démarches intellectuelles en tant qu’œuvres d’art. Car si l’art conceptuel ne vise pas nécessairement à produire un effet « visuel » parce qu’il a spécifiquement recours au langage comme forme, il ne se conçoit pas pour autant comme une chose littéraire.  Ainsi, en tant que discours, il n’a de sens qu’en s’inscrivant dans l’espace institutionnalisé des arts visuels. C’est ce qui le différencie de la philosophie stricto sensu.  Si l’intérêt de cet art  est de provoquer notre réflexion sur la nature de l’art, les questions semblent vite s’épuiser en une tentative éperdue, à la limite impossible, de définition ontologique inatteignable de l’art. Rares sont d’ailleurs les artistes qui parviendront à s’en tenir au stricte langage comme matériau de leur expression.  (Kosuth : Chambres d’amis Gand ’87 ; P.Corillon ; B.Queeckers . ;B. Nauman ; R.Graham ; M. François ; F.Gonzales­Torres ; M. Snow ; M. Raetz )  (Exemples et analyses d’œuvres : voir notes cours.)  Marcel Broodthaers : une figure particulière  M.B. a été libraire, photographe de reportage, guide‐conférencier dans des expositions d’art contemporain, critique d’art mais surtout poète avant d’adopter à l’âge de quarante ans la position d’artiste, parfaitement conscient d’être en représentation de son propre rôle d’ex‐poète devenu négociant de sa propre production d’artiste. L’œuvre de Broodthaers commence comme un pari s’appuyant sur la célèbre déclaration :   « Moi aussi je me suis demandé si je pouvais vendre quelque chose et réussir dans la vie. L’idée d’inventer quelque chose d’insincère me traversa l’esprit et je me mis aussitôt au travail  », imprimé sur l’invitation de sa première exposition à la Galerie St‐Laurent à Bruxelles en 1964.  On pouvait y voir sa première « sculpture » : une série d’invendus d’une plaquette de ses poèmes, immobilisés dans le plâtre et intitulés « Le Pense‐Bête ».  Broodthaers écrira encore au sujet de cette œuvre : « Le livre est l’objet qui me fascine, car il est pour moi l’objet d’une interdiction. Ma toute première proposition artistique porte l’empreinte de ce maléfice. J’ai plâtré à moitié un paquet de 50 exemplaires d’un recueil… 

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

invendus… On ne peut lire le livre sans détruire l’aspect plastique. Ce geste concret renvoyait l’interdiction au spectateur, enfin je le croyais. Mais à ma grande surprise…aucun n’eut la curiosité du texte, ignorant s’il s’agissait de l’enterrement d’une prose, d’une poésie, de tristesse ou de plaisir. Aucun ne s’est ému de l’interdit. »  Il y a dans l’oeuvre de M.B. les traces d’un incessant travail analytique.  Son projet s’apparente à une critique de l’idéologie de l’art et de l’art comme idéologie inspirée d’une lecture attentive de Mallarmé, Goldmann, Foucault et Lacan. Au sujet des œuvres présentant des coquilles de moules ou d’œufs il dira :  « Des moules, des œufs, des objets sans contenu autre que l’air et sans grâce.  Seulement leurs coquilles exprimant le vide forcément.  C’est le socle qu’il faut regarder.  En fait je vous livre de la réalité avec mes œuvres. »  La pratique de Broodthaers interroge aussi le lien entre l’art et la marchandise :  « …je ne crois pas qu’il soit sérieux de définir l’Art, sinon au travers d’une constante, à savoir la transformation de l’art en marchandise. »Ainsi peut‐on parcourir l’œuvre de B. comme l’analyse et le démontage ironique de ce qui conditionnent la production et la réception de l’art dans les sociétés post‐industrielles, dans des circuits de + en + fermés et pour un public de + en + restreint ou aliéné.   La pratique de B. s’inscrit dans le prolongement du langage.  Il dira lors d’une interview en 1974 : « Ces objets récents portent à la manière sensationnelle, les marques d’un langage. Mots, numérotations, signes inscrits sur l’objet lui­même ».  On peut penser que ses préoccupations rejoignent aussi celles de Roland Barthes qui venait d’écrire « Le Degré zéro de l’écriture ».  En 1968, M.B. fonde un musée fictif : Le Musée d’Art Moderne. Département des Aigles.  Sous l’en‐tête du Cabinet des Ministres de la Culture, une lettre en annonce l’ouverture. L’adresse privée de M.B. se juxtapose à une fonction publique fictive : celle de conservateur.L’inauguration a lieu dans sa maison, rue de la Pépinière à Bruxelles. Le discours d’ouverture sera prononcé par Johannes Cladders, conservateur officiel du musée d’art moderne de Mönchengladbach. M.B. déclarera : « Le mot « Musée » est peint sur la façade, on le lit à l’envers de la rue, à l’endroit de l’intérieur. Je vis avec ma famille dans cette situation. Veuillez me rendre visite, vous verrez ces lieux « musée » ou l’art peut­être est du côté jardin et le reste du côté rue… »  Tous les éléments de ce musée fictif – caisses vides, camion, cartes postales, inscriptions, lettres multiples concernent la notion d’envoi, de parcours, de destination.  (Il n’y a pas d’œuvres au sens traditionnel du terme.) A partir d’avril ’68, M.B. rédige des lettres ouvertes avec l’en‐tête du « Département des Aigles », émises à partir de différents lieux (Bruxelles, Ostende, Kassel, Düsseldorf, Anvers, Paris) et adressées à environ 500 à 1000 personnes appartenant au monde de l’art. La circulation des lettres diffuse le concept du musée. Partant de la lettre, M.B. introduit dans l’envoi la mobilité de la parole, la non fixité du sens associé aux incidences du 

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

quotidien. Dès ses premières lettres, les enjeux de la prise de parole, des effets de la vente et de l’achat, du rôle de l’artiste et du mensonge sont exposés.  Au fil du temps, M.B. ouvrira et fermera des sections de son Musée fictif à diverses occasions : expositions d’art contemporain ; biennales etc…  Ainsi virent le jour : La section XVIIème siècle ; La Section XIXè et XIXème bis, la Section Documentaire qui s’est tenue l’été ’69 sur la plage belge Le Coq. On vit M.Broodthaers et Herman Daled (collectionneur) portant des casquettes « Museum » et creusant dans le sable, entre deux marées, le plan éphémère d’un musée. Ils plantent deux pancartes portant l’une l’expression bilingue « Défense absolue de toucher aux objets » et l’autre, également  bilingue, « Museum voor Modern Kunst Afdeling XIX eeuw ». (Musée d’Art Moderne Département XIX ème s.) La Section cinéma (1970), La Section Financière du Département des Aigles est ouverte en 1970‐71 lors de la foire d’art de Cologne avec cette note : « Musée d’Art Moderne à vendre pour cause de faillite ». En ’72 M.B. ouvre à la Kunsthalle de Düsseldorf, la « Section des Figures : l’Aigle, de l’Oligocène à nos jours ».  On y trouvait pas moins de 300 objets, peintures, sculptures, objets d’usage, publicités et autres bandes dessinées représentant l’aigle. Les emprunts provenaient tant de musées publics que de collections privées. L’exposition était conçue dans un souci de non‐hiérarchie, de non‐prévalence des symboles entre eux. Chaque objet était muni d’une plaquette portant la mention : « Ceci n’est pas une œuvre d’art ». Celle‐ci incarnant une contraction sur le mode de la collision d’une double filiation : Duchamp‐Magritte, :  Broodthaers emprunte à Magritte « La trahison des images : ceci n’est pas une pipe » de quoi nier Duchamp : « ceci est un objet d’art ».  L’exposition instaurait un rapport de force entre la « violence institutionnalisée » du musée (qui nous fait prendre n’importe quoi pour de l’art) et la « violence poétique » d’un rassemblement d’objets hétéroclites (allant de l’étiquette de boîte de camembert à l’aigle précolombien).  Cette fiction mettait au jour les « conditions de vérité » de la présentation muséale. Broodthaers mettait en œuvre la fonction des présentoirs et des présentateurs dans le monde de l’art post‐duchampien.  Un objet quelconque, pourvu qu’il soit montré dans et par ce monde où règne la tautologie (voir supra : Kosuth et Wittgenstein  et voir infra : M. Duchamp in Dadaïsme) est automatiquement accompagné d’une étiquette virtuelle qui dit « Ceci est de l’art ».  La fin du Musée. A l’issue de la Documenta 5 de Kassel (1972), Broodthaers déclare la fermeture de son musée. Il lui est de plus en plus difficile d’échapper à l’ennui et de déjouer les conventions de l’artiste et les pièges des galeries.   Il publie pour le dire un constat laconique rappelant les enjeux de sa fiction et le chemin parcouru : « M.B. Je suis né en 1924. Je deviens artiste en 1963. Je fonde un musée (Musée d’Art Moderne Département des Aigles) en 1968. J’enterre ce musée en 1972 à la Documenta, à Kassel. Je redeviens artiste la même année ». 

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

Par la suite, il organisera des rétrospectives comme autant de relectures de son propre travail qu’il nommera « Décor ».  Le langage continue à y occuper une place majeure et son propos visera toujours le fait d’  « Apprendre à lire ».  VIII. Art Post Minimal  Cfr. Exposition au Whitney Museum de New‐York en janvier 1991 : « Mind over Matter » : minimalisme/post‐minimalisme ou le triomphe du concept.  Rappel : Les minimalistes s’employaient à éviter les pièges de l’interprétation. L’œuvre d’art devait être absolument « neutre » et le spectateur devait avoir accès à « la chose en soi ».  L’art minimal ouvrait la porte grande à l’art conceptuel. L’idée primant sur la forme. Mais l’art conceptuel s’éloignera presque d’entrée de jeu de l’art minimal avec une génération d’artistes qui s’aperçut vite que « la chose en soi » n’existe que par les vertus de la pensée, une pensée qui s’auto censure ! Ainsi la subjectivité va‐t‐elle rapidement évincer l’objectivité minimale.  Les post‐minimalistes de la fin des années ’60, entreprirent de démonter le minimalisme classique en réintroduisant des idées dans des objets  qui avaient été délibérément muselés.Par ex : Le Cube : « House of card : one ton prop »  de R. Serra, ou « Cube :Accession II » d’Eva Hesse.  a) Post­minimalisme américain.  L’artiste américain ne se positionne pas sur une histoire très ancienne mais sur une situation politico‐sociale et esthétique définie à court terme. (A l’inverse de l’artiste Italien : voir infra !) La cité de Manhattan, par exemple, se présente comme géométrique, strictement délimitée par son fleuve, ses ponts, ses tunnels et se définit comme un espace clos technologisé aux racines peu profondes et faciles à cerner. ( >< Rome : voir infra)  Les post‐minimalistes américains que sont Richard Serra, Eva Hesse, Keith Sonnier, Bruce Nauman, et Barry Le Va attachent, dès le milieu des années ’60, une grande importance aux aspects irrationnels et incontrôlables de l’univers des sensations humaines.Leurs ambitions esthétiques visent à déconstruire celles du monde minimaliste sans pour autant s’appuyer à leur tour sur une idéologie clairement définie mais au contraire en permettant aux incertitudes de l’expérience humaine de prendre place au sein même de leurs créations.  Ces artistes ont recours à des matériaux sensuels, amorphes et éphémères pour des formes ambigües et organiques et des images inattendues.  Ils soulignent le fragile, le vulnérable, l’humain, le transitoire : toutes qualités ignorées de l’art minimal. Et qui sont autant de métaphores du caractère imprévisible et irrationnel de la structure sociale elle‐même.  b) Arte Povera.  

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

Rome est une ville mythique, archétypale qui a conservé les strates de siècles d’activités humaines : Antiquité, Renaissance, baroque, époque contemporaine s’interpénètrent en un réseau complexe d’influences qui fonctionnent comme une sensibilité, une expérience que chaque habitant porte en soi, inconsciemment.  Ainsi le post‐minimalisme va‐t‐il s’exprimer autrement en Italie (avec l’Arte Povera) et ailleurs en Europe (Joseph Beuys, Thierry de Cordier) avec des attitudes esthétiques qui viseront d’abord à se débarrasser du « Style International » (= minimaliste) qui avait tendance à s’imposer partout en utilisant les relais que sont les galeries et la presse spécialisée.  Les artistes de L’Arte Povera, Mario Merz, Janis Kounellis, Gilberto Zorio, Luciano Fabro, Giuseppe Penone, Anselmo et Pistoletto, voulaient faire sentir la dimension mythique de l’expérience humaine.  Ils réagissaient aussi à l’opulence des années ’60 en s’intéressant aux déchets. Ils développent la conviction (héritée de Piero Manzoni) qu’une mythologie individuelle sert de fondement à la connaissance universelle. Germano Celant était le théoricien de ce mouvement. Il en publia le manifeste à Bologne en 1968.Les œuvres de l’Arte Povera sont souvent en matériaux organiques.  Elles donnent à voir des substances naturelles instables qui évoquent les processus biologiques ou physiques. (Penone ; Zorio). Les œuvres de l’Arte Povera traduisent une démarche volontairement intuitive. C’est l’essence du matériau qui va engendrer la logique du développement de l’œuvre, la création n’émanant plus de l’idée mais de l’expérimentation directe du réel.   Les « produits » de cet art visent à retrouver la réalité « primaire » de la nature et de l’homme. Il s’agit d’interpeller la subjectivité individuelle, l’inconscient collectif et des réalités mythiques.     c. Land Art.  Dans ce contexte d’art post minimaliste des artistes prennent en grippe la culture et ses symboles et intègrent dans leurs œuvres une pensée écologique. Les premiers « earthworks » c’est‐à‐dire travaux utilisant comme matériaux de base, la terre, le sol, entassent des détritus dans les galeries. (W.De Maria, R.Smithson, R.Morris).  L’idéologie de ces artistes incarne leur pessimisme à l’égard de la société industrielle et du potentiel destructeur de la technologie.  R.Smithson, W.De Maria, et M.Heizer, vont construire leurs travaux loin des galeries et des musées, à l’extérieur de ceux‐ci.  Il s’agit de prendre la mesure de vaste paysage tel que l’évoque le peintre B.Newman :  « Un lieu intemporel ou l’immensité de la nature situe l’homme en un autre temps ».  R. Long, Anglais, utilisera le paysage d’une façon moins titanesque en exploitant la marche et en laissant une trace de son passage, aménageant les matériaux trouvés sur place, sachant que la nature finira par reprendre ses droits et effacera ces « œuvres ».  Christo : Ses interventions se distinguent par leur implication sociale.  Elles ne se produisent pas dans des endroits inaccessibles ou peu fréquentés mais là où elles interpellent. Ses œuvres transforment de façon provisoire et éphémère des 

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

monuments ou des paysages. Ses projets sont radicaux, soudains, irrationnels, à l’image de l’individualisme du XXème siècle, inutiles comme l’art en général.   Il s’agit ici de souligner l’importance du médium photographique pour assurer la permanence du travail via sa trace. C’est d’ailleurs là que réside la contradiction du Land Art : tout en affirmant que l’œuvre « est le lieu » il ne peut éviter de montrer la photographie du lieu, le médium de l’œuvre et cela, à un moment où le spectateur a de moins en moins à faire avec la réalité et de plus en plus avec l’image. (Phénomène qui n’a fait qu’augmenter jusqu’à aujourd’hui !) Le risque étant que l’image photographique soit, progressivement, considérée comme plus belle que la réalité et l’efface, en quelque sorte. Et si  l’image prend le pas sur la réalité, c’est que la réalité est de trop dira Jean Baudrillard.    Conclusion :  La tendance à conceptualiser l’art entraîna dans son sillage un sérieux problème d’interprétation pour le public. A l’heure actuelle la force est de constater que le domaine des sujets couverts par l’art s’étend à l’infini englobant quasiment tout, du militantisme politique aux propos sexuels en passant par l’autobiographie. Nombreux sont les artistes qui refusent d’être limpides et exigent l’analyse. Certains scénarii nécessitent une telle quantité d’explications que les œuvres sombrent sous l’avalanche des descriptions.                         

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

  

 Apothéose de l’OBJET dans l’art des XX & XXIème siècle.  Un des phénomènes parmi les plus marquants de l’art du XXème siècle est l’envahissement du champ artistique par la réalité, une réalité quotidienne, banale et vulgaire.  La question qui se pose alors est de savoir si ce réel, une fois inscrit dans le champ artistique, est de même nature que celui que l’on côtoie au quotidien? Et s’il ne l’est pas, alors quelle est sa nature ?  Dès 1912, un enjeu se noue autour de cette interrogation du réel. Ainsi dans une synchronie troublante, Picasso et Braque créent leurs premiers collages pendant que Marcel Duchamp invente le concept de Ready Made. (infra). Pour Picasso et Braque, il s’agit d’atteindre le tableau dans son intégrité d’espace abstrait, propre à toutes les fictions ‐  la plus commune étant le rendu illusionniste du visible ‐ par l’adjonction d’un élément brut soustrait à la réalité : journal, papiers peints, ticket de métro fonctionnent comme autant de mines destinées à détruire les conventions inscrivant le tableau dans l’espace spécifique de l’art. Cette intrusion dans le champ clos de la pratique picturale d’un fragment brut de matériau prélevé à la réalité constitue une véritable révolution.  Le collage s’affirme comme le procès des fondations de la peinture occidentale : l’illusionnisme. (Tout comme La Guitare (1912) met un terme aux pratiques traditionnelles de la sculpture ; ni taillée, ni modelée ; faites de bric et de broc et sans socle possible). Le collage, qui consiste à introduire un élément non pictural sur la toile, engendre une nouvelle problématique du vrai et du faux dans l’art, celle du rapport entre la réalité et l’ illusion.  C’est tout l’espace environnant, c’est‐à‐dire la surface peinte,  qui se trouve frappée d’impuissance à représenter autre chose qu’elle même : l’illusion est morte, la peinture n’est plus que matière.  L’image peinte et tout ce qu’elle véhiculait depuis la Renaissance volent en éclats… Ce qu’exprime aussi le cubisme.    I Dadaïsme  Il faut chercher l’origine de l’esprit Dada à New‐York en 1915 quand M. Duchamp et F. Picabia font scandale, le premier avec ses Ready‐Made et le second avec ses toiles Mécanomorphes. Mais c’est dans un restaurant de Zurich en 1916 que l’épisode Dada commence réellement lorsque le poète allemand Hugo Ball ouvre le cabaret Voltaire. S’y réunissent, une pléiade de jeunes révoltés, poètes, plasticiens, déserteurs réfugiés, tous intellectuels, s’insurgeant contre les traditions politiques, sociales, culturelles et artistiques occidentales qui ont aboutit au désastre de la guerre ’14 – ’18. Ensemble, ils déclarent que tout est absurde, tout est à rejeter, y compris l’art. Le roumain Tristan Tzara organise des soirées « subversives ».  Il donnera les définitions les plus détonantes du mouvement Dada :  « Dada ne signifie rien, Dada est un produit de la bouche ».Même s’il fut trouvé par hasard, 

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

le mot évoque la négation de l’esthétique, le refus des valeurs bourgeoises et la revendication d’une attitude créative totalement spontanée et imprévisible. « Art, mot perroquet – remplacé par Dada – plésiosaure ou mouchoir », écrit encore Tzara. Pour provoquer la rupture définitive avec l’ordre bourgeois, comme les futuristes italiens dont ils procèdent, les dadaïstes incitent au désordre, à la destruction, à la désacralisation en multipliant les manifestations scandaleuses et iconoclastes. D’un point de vue esthétique, le principe de négation, le mépris de la logique, l’anti‐dogmatisme, l’irrationalisme devaient donner un authentique esprit de recherche à une grande tension spirituelle et à la découverte de la liberté absolue dans l’acte créateur.  Ainsi n’est‐il pas étonnant que ce mouvement le plus nihiliste du XXème siècle ait engendré l’un des mouvements les plus subversif et fécond : Le Surréalisme. De fait, l’esprit dada continuera de souffler dans bien des manifestations de l’art contemporain qu’il contribue à vivifier.  L’expansion du mouvement se fit vers l’Allemagne, à Berlin, à Cologne avec H.Arp et M.Ernst, à Hanovre avec K.Schwitters.  Dada se manifeste ensuite à Paris  où M.Duchamp, F.Picabia et A.Breton se retrouvent.  Œuvres de :  H.Arp : « Tête de Tzara » 1916 M.Ernst « Fruit d’une longue expérience »,1919 K.Schwitters : « Merzbild »… R.Hausman : « L’esprit de notre temps », 1919 Les œuvres dadaïstes, quand elles existent (car ils eurent beaucoup recours au langage comme matériau ( !)), sont des rictus, des signes d’amertume teintés d’humour. Leur caractère provocateur et nihiliste incarne bien le « Dada est contre l’art – l’art c’est Dada ».   Ce caractère passera par l’action destructive d’une esthétique qui fragmente mots, images et supports (ex : déchirure de texte et ré‐écriture de poèmes aléatoires !).  

II Le Surréalisme  En 1924, André Breton publie le Manifeste du Surréalisme.  a) L’esthétique surréaliste.  Sans abandonner le procès dadaïste de la société, le Surréalisme s’illustrera par la volonté de rendre au monde un sens à partir de paramètres inusités ou méprisés :  le Rêve, le Hasard et l’Inconscient. L’esthétique du surréalisme a des sources freudiennes. Elle débouche sur une éthique.  Celle‐ci donne à l’inconscient et à la libido un rôle moteur dans la création, perçue comme une libération spontanée de « l’infracassable noyau de nuit » du désir. (Breton). Cette spontanéité (automatique !)  s’atteint via une rigueur morale extrême qui condamne la facticité et les faux‐semblants de l’art comme institution. Le « surréel » est un « point de l’esprit » où cessent toutes les contradictions.  Ce point est immanent au monde, vécu comme fusion poétique du rêve et de la réalité. Ainsi Breton propose t‐il dans « l’Amour Fou » cette étrange définition, triplement 

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

dialectique,  de  la Beauté :  « La beauté sera érotique/voilée, explosante/fixe, magique/circonstancielle ou ne sera pas » dont M.Duchamp propose une vision non dépourvue d’effroi et au titre rempli d’étrangeté :   « Etant donnés : 1° La chute d’eau 

   2° Le gaz d’éclairage »    (1946‐’66) b) Le sens du groupe : l’éthique surréaliste.  Le Surréalisme fabrique un mythe collectif auquel adhèrent ses membres.  L’esprit de corps est le dénominateur commun de ces rassemblements hétéroclites d’hommes et de femmes. L’écriture automatique en est un symptôme car elle est une manière de faire disparaître l’individu ; le rendre soluble dans la communauté.  Breton invite ses amis à « abdiquer leur personnalité ».  Plus tard, Roland Barthes décrira l’entreprise de « désacralisation » entamée par les surréalistes comme les prémices de ce qu’il appellera en 1968 « La mort de l’auteur ». Les surréalistes fréquentent les mêmes cafés, sortent ensemble, partent en vacances à plusieurs, partagent leurs amours et (le cas échéant)  vivent sous le même toit. Les œuvres collectives sont légions :  Les Champs Magnétiques  de Breton & Soupault ;  L’Immaculée Conception  d’Eluard et de Breton ; Les Proverbes  d’Eluard et de Peret.   Ils aiment se photographier ensemble jouant avec les codes du portrait de groupe.  Dans ce cas encore il s’agit de s’afficher en tant que puissance collective ;  une manière de « faire corps » avec l’image.  c) Le Merveilleux.  Les surréalistes ont été particulièrement sensibles à la « magie » de certains lieux urbains. André Breton installe la notion de merveilleux au centre de la poétique et de l’esthétique surréalistes : il s’agit selon lui d’une valeur fondamentale que l’on trouve tant dans la magie primitive et archaïque des arts et des civilisations lointaines que dans l’attention scrupuleuse portée aux hasards du quotidien. Le merveilleux surgit là où on ne l’attend pas.  Il n’est pas le même à toutes les époques ; il participe obscurément d’une sorte de révélation générale dont le détail seul nous parvient : ce sont les ruines au temps du romantisme, c’est le  mannequin moderne  ou tout autre symbole propre à remuer la sensibilité humaine durant un temps.  Dans les années ’20, la notion de merveilleux est souvent associée à l’étrange, au fantastique.  Breton emploie un vocabulaire psychanalytique pour exprimer ce contenu latent que le poète a charge de révéler. Le Merveilleux est suscité par les conduites qui opèrent la fusion de l’imaginaire et du réel d’où l’élargissement de l’esthétique surréaliste à des domaines extérieurs aux « Beaux‐Arts » : traditions populaires, objets ethnologiques, Art Brut = art des fous et des enfants, objets trouvés. Le Merveilleux moderne surréaliste est étroitement connecté à l’environnement urbain :  sur les traces de Charles Baudelaire , la ville, et surtout Paris, sera le lieu de son jaillissement. Ce Merveilleux est aussi lié à l’histoire du mouvement :  il existe une véritable  géographie  et même une topographie surréalistes marquées par les lieux où se vivait l’aventure collective.  

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

 Le Paysage de Paris  d’Aragon , L’amour fou  de Breton évoquent leurs promenades nocturnes dans les vieux quartiers de Paris. La Place Dauphine ou la Tour Saint‐Jacques photographiés par Brassaï deviennent des « objets à fonctionnement symboliques ».  d) L’objet surréaliste.  L’objet trouvé sera le moyen par excellence  pour mettre en valeur le Merveilleux surréaliste. Dès le premier numéro de la « Révolution surréaliste », l’objet est installé au centre des préoccupations du groupe.  Les surréalistes sont très sensibles au motif de la vitrine et de l’étalage incongru d’objets. En 1936, l’ « Exposition surréaliste d’objets » à la Galerie Charles Ratton faisait songer à un véritable cabinet de curiosités.  Max Ernst : « Objet recommandé aux familles » 1936 J.Miro : L’Objet du couchant » 1932 Giacometti : Le Palais à 4h du matin » 1932  Il y eut aussi les « Objets bouleversants » de Paul Nougé en 1929 et ceux à « fonctionnement symbolique » de S.Dali. Partout surgit cette « inquiétante étrangeté » qui naît du pouvoir perturbateur des objets et qui inspirera à Breton son recueil « L’Objet fantôme ».L’objet le plus banal, débarrassé de sa fonction, se mue en un « précipité de notre désir », en un catalyseur des fantasmes du découvreur. Dans les objets surréalistes, il n’y a pas seulement l’image produite par l’assemblage des matériaux mis en jeux qui importe, mais aussi la portée allégorique à fonctionnement symbolique qui jaillit de la lecture du titre. La combinaison d’objets incongrus avait pour effet de faire jaillir une signification  inconsciente. (« Why not Sneeze Sélavy  », Duchamp). Les références sexuelles y sont fréquentes. (Objet dard  de Duchamp ’51) 

L’importance et la possibilité d’engendrer un message irrationnel sera reconnu à l’époque par des artistes n’ayant a priori rien à voir avec le surréalisme.  Ainsi Le Corbusier en 1925 orne son appartement type, dans le pavillon d’exposition « L’esprit Nouveau », de cailloux, de fragments d’os et de pommes de pin, baptisant ces éléments empruntés à la nature « d’objets à réactions poétiques ».  Breton publiera aussi un article intitulé « Crise de l’Objet » illustré par M.Ray, où l’objet esseulé et dépouillé de sa fonction initiale est montré « exorbité » par l’acte photographique. Breton y décrit les « objets en mutation de rôle ».  e) Le langage et les choses.  Les surréalistes ont voulu dérégler le réel et sa loi. C’est la loi du langage qui est la plus mise en cause. Cette loi qui assigne à chaque chose un nom approprié, que l’on enseigne dès l’enfance et que nous sommes prié d’utiliser sous peine de n’être pas compris. Or cette loi qui relie les objets aux mots et vice versa avait été mise en cause par Freud dans un texte de 1910 intitulé : « Des sens opposés dans les mots primitifs ». Il est intéressant de savoir aussi que Jacques Lacan, formé à la pensée 

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

freudienne, fut proche des surréalistes au point d’écrire dans la revue « Le Minotaure ».  Il devait par la suite utiliser ce concept de « loi » pour évoquer l’accès de l’enfant au champ du langage comme d’une entrée dans le symbolique rendue obligatoire étant donné  « la terreur instaurée par le règne des noms propres ».La réflexion de Lacan sur les mécanismes entre les objets et leurs noms, consiste e.a.,  à constater combien ce mécanisme emprisonne l’utilisateur du langage dans son propre nom c’est‐à‐dire dans une conception immuable de son identité. D’où l’intérêt de la conviction surréaliste que toutes ces lois pouvaient être enfreintes, toutes ces relations changées au gré de l’imagination et de la mémoire (l’inconscient) de chacun.  f) Marcel Duchamp  Il inaugure des attitudes plastiques qui vont modifier en profondeur tout l’art de la deuxième moitié du XXème siècle.Dans l’ensemble de son œuvre il poursuit deux buts fondamentaux :  Celui de trouver une forme d’art plus mentale que visuelle.    Le fait d’atteindre à la disparition des activités artistiques c’est‐à‐dire au développement 

ultime de l’idée. (cfr : l’Art Conceptuel : voir supra !) Le langage occupera donc une place de choix dans ses travaux ; il fut le grand maître du calambour en art.  « Belle Haleine‐ eau de Voilette ».(1921) Rebelle et dadaïste il affirma en 1915 : « J’aime l’attitude qui consiste à combattre l’invasion les bras croisés ». Pour lui, il y avait quelque chose de plus que « oui » ou « non » ou « indifférent » : l’absence d’investigation. (intuition prémonitoire de la neutralité minimaliste ?) Il se disait contre le mot « anti » parce qu’il le voyait comme « athée » opposé à « croyant ». L’athée est aussi religieux que le croyant et l’anti‐artiste aussi artiste que l’artiste ; Duchamp se définit  anartiste  c’est‐à‐dire « pas artiste du tout ». 

 On observe aussi ce goût pour le langage et ses jeux dans son goût du déplacement qu’il applique aux objets usuels et dans la création des Ready­Made. Duchamp remet ainsi en cause la conception séculaire de l’ « artistique » dont découlaient des notions telles le beau, l’authentique, le précieux de même qu’il entame de façon irrémédiable la ligne de partage entre le réel et l’imaginaire. 

 Le procédé de déplacement peut s’appliquer :  

‐ Soit au contexte physique de l’objet en modifiant l’angle visuel sous lequel l’objet est ordinairement perçu et en l’isolant de son environnement habituel : « Trébuchet » ,1917.‐ Soit de façon plus abstraite en s’attaquant au contexte logique par le re‐baptême de l’objet au moyen d’un terme n’ayant aucun rapport évident avec l’objet :  « Fontaine »  1917.  

Duchamp parlait de ses objets en termes de « beauté d’indifférence » (notion de hasard). L’objet usuel dit  Ready‐Made , devient « œuvre d’art » dès lors, qu’arraché à son contexte habituel, il est replacé dans l’environnement institutionnalisé des objets dit « d’ art ». 

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

Duchamp engendre un art du prêt‐à‐porter par opposition au modèle unique.  Objet d’Art cependant puisque l’objet n’aura d’autre finalité désormais que la contemplation esthétique. « La Roue de Bicyclette », 1913 : Le tabouret d’atelier résout le problème du socle. (cfr. Brancusi)   Le siège en bas, la roue en haut capable de se mouvoir, rendent compte de manière plus convaincante des « Formes uniques de la continuité dans l’espace » de Boccioni.  g) Man Ray.  « Voici Man Ray. Voici l’homme à tête de lanterne magique ». A.Breton. Son ami Duchamp écrivait pour le définir : « Man Ray, n.m.syn. de Joie, Jouer, Jouir ! » Artiste multi‐média avant la lettre, M.Ray établit un vrai trait d’union entre l’Europe et le Nouveau‐Monde. Il est aussi, avec Duchamp,  celui qui illustre le mieux le glissement progressif du dadaïsme au surréalisme du début des années ’20.  « By it Self » : une de ses premières œuvres d’inspiration Dada, ce petit totem implique qu’il se serait fait lui‐même et ne serait qu’un équivalent poétique du Ready‐Made.  Des objets détournés comme « Cadeau » 1921 ou « Obstruction » 1925 (sorte d’installation avant la lettre) doivent autant à la pratique du Ready‐Made qu’à l’esprit surréaliste naissant à Paris autour d’A. Breton. Américain, nourri de non‐sense anglo‐saxon, le langage est aussi chez lui un moteur créatif.  Il aimait engendrer des cascades de sens à travers les jeux de mots.  Il nommait ses objets « Objets de mon affection ».  Au départ, ses objets sont à usage interne, c’est‐à‐dire réservés à un petit cercle d’amis et donc rarement exposés, encore moins vendus, construits souvent pour le temps d’une photo.  Tristan Tzara dira à leur propos : ce sont « des équivalents de l’écriture automatique, de la poésie surréaliste. Des objets qui rêvent et qui parlent dans leur sommeil ».  Toutes les œuvres de M.R. sont à plusieurs entrées du fait de sa pratique d’une poésie analogique : l’assemblage insolite, d’une part, le titre d’autre part, enferment l’existence de l’objet dans un filet serré où l’objectif et le subjectif, l’inconscient et le conscient se côtoient  et s’électrisent. Cependant toutes ces significations ne surgissent qu’après édification de l’objet et n’étaient jamais préméditées.  On reprocha à M.R. d’avoir refait certains objets dans les années ’60, ce qui lui fit dire :  « Si la création est divine, la reproduction est humaine ».  Cependant ces multiples n’étaient jamais absolument identiques : Ainsi Objet à détruire  (1923), le fameux métronome orné de l’œil de Lee Miller, change de titre au fil des reproductions et devient : Objet indestructible, Last Object, Lost Object ,   Motif perpétuel. 

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

Chaque titre introduit un aspect différent de l’idée d’indétermination et de manque perpétuel qui sous‐tend tout le travail de M.R. Ce qui manque à nous tous . 1935.  Autre exemple de récupération géniale :  « L’énigme d’Isidore Ducasse »  (= Le Comte de Lautréamont), détérioré par un malencontreux déballage est restauré par M.R. qui enfile dans le nouveau ficelage une étiquette chapardée dans un hôtel avec la mention :  Do not  disturb – Ne pas déranger .  Le radicalisme de M.R. trouve son apothéose dans son Autoportrait de 1944. Un cadre de bois entoure une feuille d’acier flexible qui fait miroir, réfléchissant et déformant l’image de tous ceux qui viennent devant.   En un seul geste, Man Ray :  renonce à son statut d’auteur unique le transmettant à quiconque se pose devant l’œuvre.  Déclare par cette renonciation qu’il n’y a ni origine, ni auteur unique de l’œuvre.  Fournit à chaque auteur successif une image qui, déformée, donne à celui qui pose pour 

son portrait, une identité de rechange.  Le fonctionnement du miroir, qui reproduit mécaniquement l’image comme une image 

qui est absence d’intériorité du créateur, met fin à la conception romantique du flux créateur dont l’œuvre jaillit comme l’eau d’une source.   

L’origine unique avait déjà été attaquée par Duchamp lorsqu’il se dédoublait en  Rrose Sélavy  ou Richard Mutt. L’origine suppose par ailleurs l’existence d’un original bafoué aussi par le Ready Made qui est objet produit en masse dont la nature est d’être reproductible.   La réflexion sur l’origine de l’œuvre s’enracine chez Man Ray dans sa pratique de la photographie qui instaure par nature le système de la reproduction.  Mais en établissant ce rapport entre la photo et l’objet, Ray nous fait pénétrer dans une vertigineuse galerie de miroirs .  Avec la vidéo, la photocopie etc, nous vivons désormais de plus en plus dans l’ordre du simulacre car nous sommes en permanence en contact avec des multiples sans originaux.  Les objets de Man Ray  posent donc très tôt la question très contemporaine du statut de l’original.    (Evocation de la thématique Machines célibataires et les femmes surréalistes : voir notes personnelles) Artistes : F.Picabia ; Max Ernst ; Duchamp ; H.Bellmer. Claude Cahun ; Meret Oppenheim ; Dora Maar) (René Magritte : voir notes cours)  III. Pop Art & Nouveau Réalisme.  U.S.A. A la fin des années’50 une série d’artistes américains s’insurgent contre l’expressionnisme 

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

abstrait (Pollock !) et renouent avec la réalité. Ils le font dans le contexte social, culturel et économique des Golden Sixties où la tradition du nouveau est née et où « le moderne » est adopté d’une manière beaucoup plus triomphaliste qu’en Europe. (voir infra : Nouveau Réalisme).  A New‐York, c’est toute une génération d’artistes qui partage un goût identique pour les biens de consommation courante – de la boîte de lessive au hamburger – comme la publicité, le cinéma, la bande dessinée etc. Ces artistes s’imposent sous le terme générique de Pop Art.  Jasper Johns : La référence au réel s’établit chez lui d’abord dans le traitement du support : Collage sur la toile vierge de papier journal qui affleure ensuite dans les interstices non peints et affirme sa nature concrète d’objet reconnaissable au dépend de la peinture qui apparaît – tel un maquillage – dans toute son artificialité. Sa facture, proche de celle des expressionnistes abstraits apparaît comme « à la manière de ». En somme, J.J. réalise alors la peinture d’une peinture. J.J. développe à sa façon la pratique du ready‐made en s’emparant d’images/objets préexistants tels cibles, drapeaux, chiffres, universellement lisibles et qui présentent la particularité d’être à deux dimensions. Nul besoin de subterfuges illusionnistes pour les représenter dans leur aspect réel : la peinture d’une cible EST une cible ; celle d’un drapeau EST un drapeau : le tableau s’identifie à l’objet qu’il représente. J.J. pose la question de savoir ce qui distingue la banalité de l’objet de sa transposition artistique et y répond : « C’est l’intervention de l’artiste » En sculpture, J.J. tient les objets familiers à distance  (boîtes de bière en bronze) par la façon dont il les socle. A la limite de la reconstitution exacte (hyperréaliste), il souligne l’écart entre représentation et réalité par d’imperceptibles détails.  J.J. parle « du poids que prend l’image selon son matériau ».  Robert Rauschenberg : Principal initiateur du Pop Art Américain. Il opte pour le métissage des pratiques artistiques mêlant la photo, la danse, la musique et la peinture.  Ses « Combine paintings » associent la peinture à la pratique du collage et de l’assemblage, intégrant des éléments du quotidien le plus banal, voire le plus trivial. Tout objet, de la bouteille de coca à la poule empaillée, participe à l’élaboration de « rébus » monumentaux.  Claes Oldenburg : amplifie le hiatus entre le vrai et le faux, le réel et l’imaginaire, dans des œuvres souvent monumentales. Il traque les icônes de la culture de masse américaine, les désacralisant en les convertissant en images monumentales. Il joue avec les nouvelles valeurs de la vie moderne américaine et le fait avec de vrais moyens de sculpteur puisqu’il travaille sur l’écart qu’il y a entre le réel et sa représentation, exploitant e.a ; la matière et l’échelle. Or les nouvelles valeurs de la vie moderne américaine ont trait e.a ; ‐ à l’alimentation : d’où le syndrome du fast‐food et un système de valeur reposant sur l’équation : plus gros = meilleur. Un des aspect de son travail consiste à réaliser des répliques grossières en plâtre aux couleurs criardes de marchandises comestibles : fausse nourriture, vrai simulacre. Oldenburg présente les dépouilles du réel : l’objet n’y est plus que sa caricature. 

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

‐ à l’hygiène : d’où la sacralisation de la salle de bain et des sanitaires devenus les attributs d’une nouvelle aristocratie et dont l’équation serait : « Plus ça brille, plus ça fait riche ».  Il réalise des sculptures molles. Objets magnifiés mais sans armature, qui s’affaissent, vidés de tout contenu comme de tout sens. Ils ne sont plus que la parodie d’eux‐mêmes, à la fois drôles et pathétiques. Ces sculptures monumentales incarnent une offensive contre la sculpture traditionnelle comme expression de valeurs humaines nobles et intemporelles passant par des matériaux nobles et durables mais elles illustrent aussi la banalité et l’inconsistance des valeurs d’une certaine vie américaine.  Roy Lichtenstein : Son désir de distanciation et un souci de l’anonymat le poussent à transformer sa pratique picturale en une pratique proche de celle du ready‐made. Par exemple,  il se saisit du code de représentation stylistique de la bande dessinée et y transcrit celui de l’expressionnisme (le coup de brosse).  La peinture devient « une chose » distincte de tout ce qu’elle peut représenter.  Andy Warhol : résume à lui tout seul l’esprit du Pop Art. Il se fit le chantre ironique et acerbe de cette société. Je veux être une machine . A.W est fasciné par le pouvoir de l’image. Il se définissait aussi « business artist ».  Star, créateur, réalisateur, acteur, il utilisait magistralement les médias et ne reculait devant aucune trivialité. Son œuvre  reprend en outre la question de la frontière entre l’original et la copie, entre l’art et l’artefact. (crf  M.Ray et M.Duchamp).  « Si vous voulez tout savoir sur A.W., vous n’avez qu’à regarder la surface de mes peintures, de mes films, de moi : me voilà. Sous la surface, il n’y a rien ». A.W. se positionne à l’exact opposé d’un Paul Valéry quand il écrit : « Ce qu’il y a de plus profond, c’est la peau ». A.W. opte d’emblée pour le simulacre. Or celui‐ci appartient aux principes de la séduction qui oppose au discours de la vérité, la stratégie des apparences ; à la plénitude du sens, le miroitement des surfaces ; à la massivité de l’Etre, l’art de la disparition. « Séduire c’est mourir comme réalité et se produire comme leurre, », écrivait Baudrillard dans « De la Séduction » en 1979.  A.W. adopte la technique de la sérigraphie qui annule la facture manuelle de l’artiste.  De même il emprunte ses sujets aux journaux et aux magazines à grand tirage, privilégiant les photographies au style le plus impersonnel qu’il agrandit et répète à l’infini.  Du portrait de Marilyn, à la bouteille de Coca‐cola en passant par la chaise électrique, tout est placé au même  niveau, tout n’est plus qu’images d’images. C’est là que réside une des dimensions majeures de l’oeuvre  de A.W.. Ce qu’il nous montre est au comble de la distanciation : la reproduction de la reproduction.  L’écho lointain d’une réalité devenue à ce point factice à force de répétitions qu’elle n’offre plus d’elle‐même que des effigies fantomatiques, lisses et vides de sens.  En France. Le mouvement Nouveau­Réaliste est fondé en 1960 par Pierre Restany qui en sera le porte parole et qui se chargera de la publication du Manifeste.  

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

« Les Nouveaux Réalistes considèrent le monde comme un tableau dont ils s’approprient des fragments dotés d’universelle signifiante. Dans la violence du contexte urbain et face au déferlement de la publicité « s’exprimer c’est s’approprier le monde ». Chacun des membres du groupe s’exprimera de façon quelque peu systématique à partir de gestes fondamentaux. Tous mettront, d’une manière ou d’une autre, les objets en jeu. L’impact de la technologie et de la société de consommation n’est pas ressenti de la même manière en Europe qu’aux Etats‐Unis : d’un côté il est perçu comme une rupture avec les archétypes traditionnels du goût et de la sensibilité, de l’autre un signe de maturité de la civilisation industrielle. D’un côté cela produit une heureuse synthèse culturelle incarnée par les « Combine Paintings » de Rauschenberg et de l’autre, chez les N.R. une succession de gestes/limites dans l’appropriation du réel.   Yves Klein : se détache d’emblée du groupe par une approche d’un ordre plus métaphysique, voire mystique. De ses « imprégnations d’objets par la couleur », l’ Y.K.B. (Yves Klein Blue) Il dira : « Le bleu c’est tout au plus la mer ou le ciel ; ce qu’il y a de plus abstrait dans la nature tangible et visible ». (Cfr l’Art Conceptuel où l’objet n’est qu’un prétexte pour exposer une idée). Christo : Procédera dans un premier temps, à l’emballage d’objets divers. Ce ne fut qu’une étape vers la réalisation d’actes plastiques beaucoup plus gigantesques et marqués du sceau de l’éphémérité pour l’emballage d’ « objets » à l’échelle surdimensionné. (Le Pont Neuf à Paris ; le Reischstadt à Berlin). Prolongation du Land Art.  Arman : L’objet n’est plus révélé par son unicité ‐ comme chez Duchamp ‐  mais au contraire par son nombre, sa multiplication. L’accumulation et la brisure d’objets sont les gestes auxquels cet artiste eut le plus souvent recours. En 1960 il fait « Le Plein » à la Galerie D’Iris Clert, représentante du mouvement. Arman recherche les seuils quantitatifs reflétant la primauté accordée dans la vie moderne, à la notion abstraite de quantité. L’excès dans la répétition afin d’exorciser, tout en la dénonçant, la soumission à la consommation, au « toujours plus ».Les « Brisures » regroupent « les Colères » c’est‐à‐dire des œuvres basées sur la destruction d’objets : souvent des instruments de musique. « Conscious Vandalism » est un happening qui eut lieu à la galerie Gibson de New‐York en 1975 au cours duquel Arman détruisit en vingt minutes à coups de hâche une chambre à coucher bourgeoise. (cfr. Fluxus). « The Day After » 1983 : salon Louis XV complètement calciné puis coulé en bronze. Comme Schwitters, Arman s’intéressera aux « Poubelles » se saisissant d’une réalité chaotique qui se présente comme l’antithèse de l’accumulation.  Alors que l’ordonnancement et la classification prévalaient dans le premier registre, dans les « Poubelles », c’est le désordre et le hasard qui règnent. Si dans les « accumulations » l’objet peut être neuf, dans les « poubelles » c’est le rebut qui prévaut et se trouve exposé. Spoerri : Réalise des piégeages d’objets. Il se voulait « topographe du hasard objectif » avec ses restes de repas collés sur une table. Il disait :  « Ne prenez pas mes « tableaux­pièges » pour des œuvres d’art. C’est une information, une provocation, une indication pour l’œil de regarder ce qu’il n’a pas l’habitude de regarder. Rien d’autre. Et d’ailleurs, l’art qu’est­ce que c’est ? C’est peut­être une possibilité de vivre ». César : La compression d’objets. Avec ce procédé, César ramène la sculpture au bloc 

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

originel en retournant son sens puisqu’il en fait l’aboutissement final d’un objet périmé. Ces compressions sont des anti‐assemblages, des volumes abstraits, aux arêtes vives qui engloutissent le passé de ce qui n’est pas totalement effacé à l’extérieur. Dans ses assemblages d’objets en métal soudés, il engloutit le passé jusqu’à engendrer tout autre chose. On ne parle plus de détournement mais de « disparition ».  Martial Raysse : Il brouille les cartes au point que le « réel » introduit dans ses œuvres semble toujours plus artificiel que le faux véritable. >< Picasso dans les tableaux duquel le réel rendait impuissant le pictural.  Tinguely : Se situe sur un chemin allant du Constructivisme au Nouveau‐Réalisme en passant par le Dadaïsme. Il exalte les vertus esthétiques de la machine et réalise des machineries tragico‐ludiques. Les « Balubas » miment une humanité dont l’agitation vaine et mécanique est stigmatisée par des tressautements frénétiques et dont le besoin pathétique de séduire est souligné par des colifichets voyants qui les rendent un peu plus ridicules encore. Ce renvoi à l’anthropomorphisme trouvera une sorte d’apothéose lorsqu’une de ses machines se « suicidera » au MOMA à New‐York en 1960. La construction de l’œuvre avait duré 3 semaines et ses éléments provenaient de dépôts d’ordures, de stock de ferrailles : roue de bicyclette, pots de chambre, tambours de machine à laver, moteurs d’appareils électriques, bidons… Des moteurs programmés devaient déclencher une centaine d’opérations à l’heure prévue : il y avait des Méta‐Matics dessinant à l’éponge, des machines à écrire crépitant, des crics destinés à renverser la machine et autres engins : fumigènes, couleurs renversées, odeurs répandues : l’ « Hommage à New‐York » se détruisit en l’espace de trente minutes.  Niki de Saint­Phalle : Unique femme du groupe. Elle n’aura de cesse de mettre en accusation une société fascinée par la violence et la destruction par des parodies de l’abstraction tachiste et de l’action Painting (deux mouvements dominant dans la peinture au même moment !) et par des assemblages d’objets divers souvent empruntés au fourre‐tout féminin. « L’accouchement rose ». 1960.    IV. Objets ‘80/2000  Les années ’80 sont marquées par un retour en force de l’objet dans le champ de l’art. A l’état de déchet ou parfaitement neuf. L’objet reste un des matériaux privilégiés de la sculpture. Sans doute parce qu’il est omniprésent, presqu’omnipotent mais aussi parce qu’il offre aux artistes qui y ont recours, une grande indépendance économique. Facile à consommer, très vite périmé, les artistes n’ont aucun mal à le récupérer. Dans l’œuvre de bon nombre d’entre eux, l’objet n’est plus qu’un prétexte dans la mesure où il est choisi sans doute un peu pour sa forme mais surtout comme témoin d’une utilité et d’une fonction désormais révolue. L’oeuvre est alors un constat de la validité éphémère et du remplacement continuel de toutes choses dans la vie moderne. En récupérant les résidus d’une époque, l’artiste pose un geste symbolique dans le mouvement irréversible du temps et tente de donner à ces objets une valeur permanente qui est celle de l’art. 

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

 Tony Cragg ; Bill Woodrow ; Guillaume Bijl  (« Compositions trouvées »); Heim Steinbach (J’achète donc je suis. L’étagère/présentoir) ; Richard Artschwager  (« Le Coefficient d’art »); Bertrand Lavier ; Jef Koons (La surenchère).   V. Conclusion.  Il semble que la fonction critique, subversive et dérangeante que la modernité avait attaché à l’art et à la création se soit petit à petit évanouie.  J.Koons, par exemple, est au‐delà du goût, au‐delà de l’art, dans cette  transesthétique  dont parlait Baudrillard :  « Toute la machinerie du monde s’est trouvée transfigurée par l’esthétique : même le plus marginal et le plus banal, même le plus obscène s’esthétise, se culturalise, se muséalise ».   Koons incarnerait l’assomption de la sous‐culture de masse, l’indifférence vis‐à‐vis de tout destin esthétique ce que Baudrillard nommait : « Une laideur à la deuxième puissance parce que libérée du rapport à son contraire ».  Revenons‐en à ce moment clé : le  Ready‐Made  de M. Duchamp, cette chose qui n’a pas de nom tout de suite, « La mort de l’art », c’est‐à‐dire « Fontaine », l’urinoir signé R.Mutt alias M. Duchamp.  Depuis ce jour de 1917, notre musée imaginaire, jusque là empli d’œuvres d’art véritables (c’est‐à‐dire produits d’une praxis qui n’est pas à la portée de tous) a été déstabilisé par  cette irruption. Nous avons tous fini par intérioriser cette image d’urinoir dans notre « histoire de l’art » au même titre, et c’est cela qui est problématique, qu’un autoportrait de Rembrandt ou un paysage de Van Gogh. Or, il y a actuellement sur la scène de l’art, un formidable déferlement d’objets, plus ou moins détournés ou manipulés, au point que l’on peut parfois se demander si notre « musée imaginaire de demain ne ressemblera pas à une version ultra sophistiquée de La Samaritaine : tout y sera cher et sans utilité. Il pourrait y avoir un rayon mobilier, étrange et énigmatique, signé Artschwager, un rayon életroménager fossilisé par Lavier, ou Woodrow et Cragg et un rayon jouets grâce à Jeff Koons. Nous sommes dans une situation doublement paradoxale : le premier paradoxe c’est que le Ready‐made n’était pas vraiment fait pour être regardé, mais seulement pour exister. Aujourd’hui ces images, à force d’être reproduites, diffusées, sont devenues des « œuvres d’art ». Le deuxième paradoxe c’est que le ready‐Made initialement était censé dissoudre la notion même d’ »œuvre d’art ». C’était un geste terminal, un geste de clôture. Or finalement il a un héritage considérable : le refus de la tradition a fini par fonder une tradition. Tout cela étant bien d’une ironie qui aurait plu à Duchamp. Il l’avait d’ailleurs prévu lorsqu’il disait :  « N’importe quoi peut devenir beau au bout de peu de temps, si vous répétez l’opération trop souvent ».  L’esthétique du Ready‐Made, et donc de l’objet, a fait exister « la beauté d’indifférence » et cela après l’orgie des sensations provoquée par l’impressionnisme, Matisse et Picasso. Or, la « Beauté d’indifférence » suppose une perméabilité absolue au réel et c’est ce qui a 

Syllabus officiel – Art Contemporain – Séphora Thomas – Année 2010‐2011 

fini par arriver dans tout l’art contemporain à des degrés divers, du Pop Art au Minimal :Warhol par exemple s’est toujours servi d’images ready‐made, même si c’était pour leur injecter des qualités picturales ou rétiniennes classiques. Le Ready‐Made a fini par manipuler les regards en instaurant dans ceux‐ci la coïncidence entre l’art et le réel par le biais du seul langage : l’art n’est pas mort, simplement on ne sait plus où il est. C’est cela la confusion contemporaine.  Ces artistes fondent leur langage sur la fondamentale ambiguïté de l’objet.   Ils ne se présentent pas comme des inventeurs de formes mais comme des tacticiens de la mise en scène.  Ils brouillent les frontières entre Art et Production . Le Ready‐Made est bien un Produit ; mais dans la mesure où il devient moralement et pratiquement inutilisable, et qu’il est entré dans le domaine des arts, reste‐t‐il un produit ?  Sa forme garde sa mémoire fonctionnelle qui atteste qu’il a servi ou qu’il pourrait servir.  Dans ce sens le Ready‐Made court‐circuite le rapport production/consommation.   Le déjà‐là du monde se trouve dévoyé dans un contre‐sens plus riche de sens que ce déjà‐là.   Mais ce résultat est le pur produit d’une convention morale du discours esthétique : ces œuvres doivent gagner le consensus du spectateur, forcer sa complicité.  D’où son extrême dépendance vis‐à‐vis du commentaire.  Ce maniérisme des années’ 80 a suscité les commentaires et les analyses d’une foule d’exégètes : Gilles Deleuze pour sa « Logique du sens » ; Jean Baudrillard : « Système des objets » mais aussi Barthes, Foucault, Lacan, Heidegger… Pour cela il faut jouer le double jeu de la production et de sa contre‐façon. Il retire à l’objet  son utilité ; l’objet‐œuvre devenu improductif, bien que jouant la production se dédouble et remet en question le processus entier : elle se dénonce elle‐même comme non‐œuvre et en même temps comme faux‐produit auquel tout usage normal est dénié. A la fois œuvre et produit, l’œuvre trahit l’un et l’autre, remettant en question la distinction entre art et production, entre art et marchandise.  Les prix que valent ces œuvres représentent l’écart fictif entre l’art et la production industrielle. Cette nouvelle sculpture objective (« Giuletta »  de Lavier, « TV set » de Woodrow, « Composition trouvée » de Bijl) répond partiellement à la question : « Qu’en est‐il de l’art au sein de la société industrielle ? » (Cfr. Broodthaers !).  Ces artistes nous proposent des œuvres en porte – à – faux, ou plutôt en situation de double jeux.  L’enjeu n’en reste pas moins ouvert : soit les œuvres nous aliènent, soit elles nous libèrent et c’est au spectateur (nous !) de choisir,  car ces objets n’ont en soi rien de « propre » ou « d’impropre », rien d’aliénant ni de libérateur.  Ces ready‐mades au second degré n’ont plus la valeur sémantique absolue des readymade originels. Dans un contexte anonyme, ces œuvres restent anonymes et passent inaperçues. Elles ne franchissent le seuil de la conscience esthétique que lorsqu’elles sont placées en situation de disponibilité au mimétisme culturel. Dans ce contexte, le musée est l’espace réservé à l’art, le lieu par excellence de la rencontre entre la tactique maniériste et le discours esthétique. Les catalogues constituent dans ce contexte les éléments charnières du système : à la fois témoins et outils de référence.  (« Une parfaite journée parfaite » de Martin Page : extrait p.30‐31)