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Energétique des liaisons inter- et intramoléculaires dans les trois acides carboxypyridiniques (acides picolinique, nicotinique et isonicotinique) Raphaël Sabbah et Safi Ider Résumé : Le présent travail porte sur l’étude thermodynamique des trois acides carboxypyridiniques de formule générale : C 6 H 5 NO 2 . Il a été réalisé en utilisant quatre techniques : la calorimétrie de combustion de faibles quantités de substance (quelques milligrammes par essai), la calorimétrie de sublimation, la mesure de capacités calorifiques par la méthode de chute et l’analyse thermique différentielle. Cette étude nous a permis : de déterminer les enthalpies de combustion, de sublimation, de formation et de fusion de ces composés ainsi que la température de leur point triple; de préciser la stabilité relative des trois isomères et de les comparer à celle d’autres dérivés de la pyridine; de déterminer les énergies de conjugaison et de les comparer à celles d’autres dérivés de la pyridine; de déterminer les enthalpies d’atomisation des trois composés et la valeur enthalpique des liaisons du groupe (C-N5C); de déterminer qualitativement et quantitativement les interactions intermoléculaires. Mots clés : thermodynamique, calorimétrie, analyse thermique différentielle, acides carboxypyridiniques, acide picoli- nique, acide nicotinique, acide isonicotinique, enthalpie de combustion, de sublimation, de fusion, de formation, des liaisons inter- et intramoléculaires, énergie de conjugaison, température du point triple, substance d’intercomparaison. Abstract: The present work is concerned with a thermodynamic study of the three carboxypyridinic acids (general formula: C 6 H 5 NO 2 ). It was achieved using four techniques: combustion calorimetry of small amounts of substance (a few milligrams), sublimation calorimetry, heat capacity measurements by the drop method, and differential thermal analysis. From this study, it was possible to determine the enthalpies of combustion, sublimation, formation, and fusion of these compounds and their triple point temperatures; to discuss the relative stability of the three molecules and to compare it to those of other pyridine derivatives; to determine the resonance energy and to compare it to those of other pyridine derivatives; to determine the atomization enthalpies of our compounds and an enthalpy value for the bonds of the group (C-N5C); to determine the nature and the enthalpy of the intermolecular bonds. Key words: thermodynamics, calorimetry, differential thermal analysis, carboxypyridinic acids, picolinic acid, nicotinic acid, isonicotinic acid, enthalpy of combustion, of sublimation, of fusion, of formation, of inter- and intramolecular bonds, resonance energy, triple point temperature, reference material. Sabbah et Ider 257 Dans le cadre de nos études sur l’énergétique des liaisons inter- et intramoléculaires dans les substances organiques visant la mise en évidence du lien existant entre grandeurs énergétiques et structure, nous avons souhaité nous intéresser à l’étude des trois acides picolinique, nicotinique et isonicotinique. Cette étude fait suite à celle que nous avons entreprise sur les trois isomères de l’aminopyridine (1). Can. J. Chem. 77: 249–257 (1999) © 1999 CNRC Canada 249 Reçu le 23 juin 1998. R. Sabbah 1 et S. Ider. Centre de thermodynamique et de microcalorimétrie du Centre national de la recherche scientifique, 26, rue du 141ème RIA, 13331 - Marseille, Cedex 03, France. 1.Auteur à qui adresser toute correspondance. Tél. : 33 4 91 28 20 62. Téléc. : 33 4 91 50 38 29. Mél. : raphael . sabbah@ctm . cnrs-mrs . fr N O OH N OH O N OH O Acide picolinique (isomère ) ortho Acide nicotinique (isomère ) méta Acide isonicotinique (isomère ) para

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Energétique des liaisons inter- etintramoléculaires dans les trois acidescarboxypyridiniques (acides picolinique,nicotinique et isonicotinique)

Raphaël Sabbah et Safi Ider

Résumé: Le présent travail porte sur l’étude thermodynamique des trois acides carboxypyridiniques de formulegénérale : C6H5NO2. Il a été réalisé en utilisant quatre techniques : la calorimétrie de combustion de faibles quantitésde substance (quelques milligrammes par essai), la calorimétrie de sublimation, la mesure de capacités calorifiques parla méthode de chute et l’analyse thermique différentielle. Cette étude nous a permis : de déterminer les enthalpies decombustion, de sublimation, de formation et de fusion de ces composés ainsi que la température de leur point triple; depréciser la stabilité relative des trois isomères et de les comparer à celle d’autres dérivés de la pyridine; de déterminerles énergies de conjugaison et de les comparer à celles d’autres dérivés de la pyridine; de déterminer les enthalpiesd’atomisation des trois composés et la valeur enthalpique des liaisons du groupe (C-N5C); de déterminerqualitativement et quantitativement les interactions intermoléculaires.

Mots clés: thermodynamique, calorimétrie, analyse thermique différentielle, acides carboxypyridiniques, acide picoli-nique, acide nicotinique, acide isonicotinique, enthalpie de combustion, de sublimation, de fusion, de formation, desliaisons inter- et intramoléculaires, énergie de conjugaison, température du point triple, substance d’intercomparaison.

Abstract: The present work is concerned with a thermodynamic study of the three carboxypyridinic acids (generalformula: C6H5NO2). It was achieved using four techniques: combustion calorimetry of small amounts of substance (afew milligrams), sublimation calorimetry, heat capacity measurements by the drop method, and differential thermalanalysis. From this study, it was possible to determine the enthalpies of combustion, sublimation, formation, and fusionof these compounds and their triple point temperatures; to discuss the relative stability of the three molecules and tocompare it to those of other pyridine derivatives; to determine the resonance energy and to compare it to those of otherpyridine derivatives; to determine the atomization enthalpies of our compounds and an enthalpy value for the bonds ofthe group (C-N5C); to determine the nature and the enthalpy of the intermolecular bonds.

Key words: thermodynamics, calorimetry, differential thermal analysis, carboxypyridinic acids, picolinic acid, nicotinicacid, isonicotinic acid, enthalpy of combustion, of sublimation, of fusion, of formation, of inter- and intramolecularbonds, resonance energy, triple point temperature, reference material.Sabbah et Ider 257

Dans le cadre de nos études sur l’énergétique des liaisons inter- et intramoléculaires dans les substances organiques visantla mise en évidence du lien existant entre grandeurs énergétiques et structure, nous avons souhaité nous intéresser à l’étudedes trois acides picolinique, nicotinique et isonicotinique. Cette étude fait suite à celle que nous avons entreprise sur les troisisomères de l’aminopyridine (1).

Can. J. Chem.77: 249–257 (1999) © 1999 CNRC Canada

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Reçu le 23 juin 1998.

R. Sabbah1 et S. Ider. Centre de thermodynamique et de microcalorimétrie du Centre national de la recherche scientifique, 26, ruedu 141ème RIA, 13331 - Marseille, Cedex 03, France.

1.Auteur à qui adresser toute correspondance. Tél. : 33 4 91 28 20 62. Téléc. : 33 4 91 50 38 29.Mél. : [email protected]

NO

OH N

OH

O

N

OHO

Acide picolinique(isomère )ortho

Acide nicotinique(isomère )méta

Acide isonicotinique(isomère )para

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Sur le plan pratique l’acide nicotinique et ses dérivés, lanicotinamide par exemple, font partie du groupe de la vita-mine B. Ils sont principalement utilisés en pharmacie etcomme additifs dans l’alimentation humaine et animale. Onévalue les besoins mondiaux en acide nicotinique et ses déri-vés à environ 100 000 t/an (2). Entrant dans la constitutionde certains coenzymes (NADH, NADP), une carence ali-mentaire en acide nicotinique induit une pathologie : la pel-lagre associant aux lésions dermatologiques et digestivesd’importants troubles mentaux (3). Signalons, au passage,que l’acide nicotinique a été étudié, au cours de ces derniè-res années, par calorimétrie de combustion dans le but de leproposer comme substance d’intercomparaison dans ce do-maine calorimétrique pour les substances azotées (4).

Cette étude a été réalisée par calorimétrie de combustionde faibles quantités de substance, de sublimation et par ana-lyse thermique différentielle : mesure du degré de pureté del’échantillon soumis à l’étude, de son enthalpie de fusionainsi que de la température de son point triple. Elle nous apermis, dans un premier temps, de déterminer certainesgrandeurs énergétiques liées à la structure des molécules étu-diées : énergie de conjugaison, enthalpie d’atomisation. Àpartir de cette dernière grandeur, il nous a été possible de dé-terminer l’enthalpie des liaisons du groupement (C-N5C).Une étude sur la stabilité relative des acides carboxypyridi-niques et d’autres dérivés de la pyridine a aussi été réalisée.Elle a permis de mettre en évidence l’effet du substituant.

Enfin, à partir de l’enthalpie de sublimation, nous avonspu tirer des conclusions quantitatives relatives aux liaisonshydrogène inter- et intramoléculaires présentes dans les cris-taux des trois acides.

Les données dans la littérature concernant les grandeursthermodynamiques des substances étudiées sont inexistantesà l’exception de l’acide nicotinique pour lequel l’enthalpiede combustion et de formation à l’état condensé sontconnues (5, 6). Par ailleurs, quelques résultats concernant lastructure cristalline sont consignés dans les références 7 à 13.

2.1. ProduitsL’acide picolinique est un produit Aldrich. L’analyse ther-

mique différentielle de l’échantillon de cet acide ayantdonné un degré de pureté égal à 99,65 mol %, nous avonsété amenés à repurifier le produit en le recristallisant troisfois dans l’éthanol absolu puis séché en l’abandonnant 8 henviron dans un dessiccateur à potasse maintenu sous pres-sion réduite. Nous avons trouvé pour le produit ainsi purifiéun degré de pureté de (99,92 ± 0,01) mol %.

L’acide nicotinique est un produit Fluka. Son analyse ther-mique différentielle ayant fourni un résultat satisfaisant pourson degré de pureté : (99,98 ± 0,01) mol %, nous l’avonsutilisé tel que.

L’acide isonicotinique est un produit Fluka dont le degréde pureté, signalé sur le flacon, est≥99 %. Compte tenu deson point de fusion élevé (592 K (14)) et de sa décomposi-tion à la fusion, il ne nous a pas été possible de réaliser sonanalyse thermique différentielle. Selon la référence 13, l’acideisonicotinique pur est incolore. Comme notre produit avaitune légère couleur brunâtre, nous l’avons repurifié à partirde quatre recristallisations dans l’eau distillée et déminéra-

lisée suivies d’un séchage identique à celui qui a étépratiqué dans le cas de l’acide picolinique.

2.2. Appareillages, techniques et modes opératoires

2.2.1. Analyse thermique différentielleNous avons utilisé la version moyenne température de

l’analyseur thermique différentiel et les cellules expérimen-tales en verre décrites dans la référence 15.

Dans toutes nos expériences : (i) la vitesse de montée entempérature du four a été de 0,2 K min–1; (ii ) la masse desubstance utilisée a été d’environ 100 mg, déterminée pardouble pesée à l’aide d’une balance « Mettler», type M5,sensible auµg et dont l’exactitude des pesées est de ±2µg;(iii ) la préparation des échantillons et leur mise en containeront été conduites de la façon décrite dans la référence 15.

La mesure des températures a été faite à l’aide de deuxthermocouples (thermocoax, type 2ABI 15), l’un est soli-daire de l’échantillon, l’autre de la référence (alumine-α). Ladifférence entre les f.é.m. délivrées par ces deux thermocou-ples est amplifiée par un microvoltmètre AOIP, type EVA,sensibilité 100µV pleine échelle. Le signal ainsi amplifié estenvoyé simultanément à un enregistreur Sefram, type Gépé-rac, pour le visualiser, et à un multimètre Keithley, modèle175, pour le digitaliser. Un autre multimètre Keithley, mo-dèle 196, sensibilité 300 mV (résolution 100 nV) est utilisépour mesurer la f.é.m correspondant à la température del’échantillon. Les données issues de ces deux multimètressont envoyées vers un ordinateur en vue de leur traitement àl’aide d’un programme écrit et mis au point au laboratoire.En appliquant l’équation de Clausius–Clapeyron et la loi deRaoult, ce programme permet de déterminer la pureté del’échantillon, son enthalpie de fusion ainsi que la tempéra-ture de son point triple.

Comme indiqué dans la référence 15, l’étalonnage (i) entempérature, de notre analyseur thermique a été réalisé àpartir d’échantillons rigoureusement purs de naphtalène, defluorène, d’acides benzoïque, diphénylacétique et anisique,de carbazole et d’anthraquinone, dont la température de leurpoint triple est bien connue dans la littérature; (ii ) enénergie, a été réalisé à partir d’échantillons rigoureusementpurs de naphtalène, de fluorène, d’acides benzoïque et di-phénylacétique, dont l’enthalpie de fusion est bien connuedans la littérature.

2.2.2. Calorimétrie de combustionLes enthalpies de combustion de nos composés ont été dé-

terminées en utilisant un calorimètre isotherme, à flux ther-mique, monopile, basculant, CRMT (sensibilité : 0,0623 VW–1) équipé d’une microbombe en acier inoxydable (Supe-rimphy 625) de volume interne égal à 42,9 cm3 à la tempéra-ture ambiante.

Le signal issu du calorimètre est amplifié par un micro-voltmètre électronique AOIP, modèle EVA, sensibilité 30mV pleine échelle, avant son envoi simultané sur un intégra-teur électronique, conçu, réalisé et mis au point au labora-toire, qui détermine l’aire des thermogrammes dQ/dt = f(t),et sur un enregistreur potentiométrique Sefram, modèle Ser-votrace, qui le visualise.

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250 Can. J. Chem. Vol. 77, 1999

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La rotation du calorimètre suivant plusieurs plans permetà toutes les génératrices de la bombe d’être lavées par l’eaudéminéralisée placée en son fond (1 cm3).

Comme indiqué dans la référence 16, les substances à étu-dier sont mises sous forme de pastilles. À cet effet, nousavons utilisé un ensemble piston-moule façonné dans unacier trempé, ce qui a pour effet d’éviter l’entraînement dansles pastilles de traces de métal et d’augmenter ainsi la qua-lité des résultats.

Les pesées ont été effectuées sur une microbalance « Met-tler», modèle UM3, équipée d’un jeu de poids étalonnés parle N.I.S.T. Sa portée est de 3 g et sasensibilité de 0,1µg.L’erreur commise avec cette balance sur une pesée de quel-ques milligrammes est de l’ordre de ±0,2µg. Dans toutesnos pesées, nous avons tenu compte des corrections depoussée de l’air pour calculer les masses réelles.

Une fois garnie, la bombe est remplie d’oxygène sous unepression de 3,04 MPa. L’oxygène N45, utilisé à cet effet,provient de l’Air Liquide et son degré de pureté est supé-rieur à 99,995 % (fraction molaire d’azote <10–5). La duréed’une expérience a toujours été de 90 min à partir du mo-ment de la mise de feu.

Après chaque expérience, nous avons déterminé, dans laphase aqueuse, la concentration d’acide nitrique par titrageacido-basique en présence de phénolphtaléine avec une solu-tion desoude préalablement titrée à l’aide de solutions d’acideoxalique de concentrations connues et avons vérifié, à l’aidedes tubes de Dräger, l’absence d’oxyde de carbone et d’oxydesd’azote (NO, NO2) dans la phase gazeuse (sensibilité des tu-bes <1 ppm pour CO et <0,1 ppm pour NO et NO2).

2.2.3. Calorimétrie de sublimationNous avons utilisé un calorimètre Tian–Calvet (sensibilité

0,0188 V W–1 à 328,75 K et 0,0160 V W–1 à 362,15 K) asso-cié à un montage différentiel doté de cellules d’effusion deKnudsen pour déterminer les enthalpies de sublimation denos composés. L’étalonnage de notre système calorimétriquea été réalisé par effet Joule avant et après chaque séried’expériences. Le mode opératoire a été décrit dans la réfé-rence 17. Précisons que :

(i) le signal issu du calorimètre est amplifié par un nano-voltmètreKeithley modèle 147, sensibilité 30µV pleine échelle,puis digitalisé par un multimètre numérique Keithley modèle175 et enregistré sur un enregistreur potentiométriqueSefram, modèle Servotrace;

(ii ) compte tenu de la faible pression de vapeur saturantede nos composés, l’isomèreortho a été étudié à 328,75 K etles deux autres isomères à 362,15 K. De plus, nous avonsadmis l’identité∆subHm(T) ; ∆subH°m(T);

(iii ) le diamètre des trous d’effusion, pratiqués dans desjoints en téflon de 0,3 mm d’épaisseur, sont respectivementde 0,5, 1 et 2,5 mm dans le cas des isomèresortho, métaetpara.

(iv) l’ouverture et la fermeture de l’orifice d’effusion descellules sont pilotées par l’ordinateur;

(v) toutes les pesées ont été effectuées à l’aide d’une ba-lance « Mettler », type UM3.

L’acquisition et le traitement des données sont réalisés àl’aide de l’ordinateur et d’un programme conçu et mis aupoint au laboratoire. Il permet, entre autres, de déterminer lapression de vapeur saturante, l’aire des thermogrammes et, à

partir du coefficient d’étalonnage, l’enthalpie de sublimationde nos composés à la température de l’expérience∆subH°m (T).

2.2.4. Mesure des capacités calorifiquesPour calculer∆subH°m (298,15 K) à partir de∆subH°m (T),

il est nécessaire de connaître : (i) le comportement ther-mique de nos substances entre 298,15 K etT. Nous noussommes donc assurés que nos substances ne présentaient au-cun changement de phase dans cet intervalle; (ii ) la capacitécalorifique à pression constante des phases condensée et ga-zeuse des substances étudiées à 298,15 K etT de façon àpouvoir appliquer la relation suivante :

∆subH°m (298,15 K) = ∆subH°m (T)

+T

K298 15,∫ [C°p,m(g) – C°p,m(cr)]dT

La différence enthalpiqueH°m(T) – H°m(298,15 K) àl’état solide a été calculée par la méthode de chute à l’aided’un calorimètre Tian–Calvet et d’un four maintenus respec-tivement à 298,15 K etT. Le calorimètre a été préalablementétalonné en utilisant des échantillons d’alumine-α.

Quant aux valeurs des capacités calorifiques à l’état ga-zeux C°p,m(g) et aux températures 298,15 K etT, elles ontété déterminées à partir d’une méthode incrémentale en utili-sant, à chacune de ces deux températures, les capacités calo-rifiques à l’état gazeux des molécules de benzène et del’acide benzoïque (18). Ceci nous a permis, dans un premiertemps et à chacune de ces deux températures, de déterminerla part du chaînon COOH, puis de calculer une valeurmoyenne deC°p,m pour les trois acides en ajoutant cettequantité auC°p,m de la pyridine.

Les différents calorimètres et analyseur thermique, leurspériphériques ainsi que les balances sont placés dans des sal-les thermorégulées à (19,0 ± 0,2)°C.

Les constantes physiques des trois acides ayant fait l’objetde ce mémoire sont rassemblées dans le tableau 1.

3.1. Analyse thermique différentielleLes résultats obtenus sont consignés dans le tableau 2. Les

trois isomères se décomposent à la fusion en prenant une co-loration brune. L’acide isonicotinique n’a pas pu être étudiécar sa décomposition entraînait une explosion de l’ampoule.

Le manque de données de la littérature relatives àl’enthalpie de fusion de ces acides ne nous a pas permis d’enfaire une comparaison avec nos valeurs expérimentales.

Quant aux températures de leur point triple, la référence14 indique les valeurs suivantes : acide picolinique :409–410 K, acide nicotinique : 509–510 K et acide isonico-tinique : 592 K.Comme nous pouvons le constater, nosrésultats expérimentaux sont tout à fait compatibles avec cesdonnées.

3.2. Calorimétrie de combustionL’équivalent énergétique du système calorimétrique (Ucalor)

a été déterminé à partir de sept combustions d’acide ben-zoïque échantillon 39 i du N.I.S.T. pour lequel∆cu°(cr,298,15 K) = (–26 414 ± 3) J g–1 (21). Dans chaque expé-rience, nous avons utilisé environ 5 mg d’acide et 0,2 mg de

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Sabbah et Ider 251

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coton (dont l’énergie de combustion, préalablement déter-minée aulaboratoire, a pour valeur∆cu°(cd, 298,15 K) =(–16 399 ± 23) J g–1 (22). Nous avons trouvéUcalor =(16,028 ± 0,004) J V–1 s–1.

Les enthalpies standard de combustion de nos composésconcernent la réaction suivante :

C6H5NO2(cr) + 25/4 O2 (g) → 6 CO2 (g)

+ 5/2 H2O (l) + 1/2 N2 (g)

et sont calculées, à l’aide de l’ordinateur et d’un programmeécrit et mis au point au laboratoire, à partir de nos valeursexpérimentales en tenant compte des corrections dites deWashburn.

La combustion des trois isomères s’est révélée complète,aucune trace de cendre ne subsistant dans le corps de labombe et dans le creuset, une fois l’expérience terminée etles dosages par tubes colorimétriques de Dräger n’ayant ré-vélé aucune présence de CO et d’oxydes d’azote dans laphase gazeuse.

Les résultats relatifs à ces manipulations sont rassemblésdans les tableaux 3–5.

L’enthalpie de formation à l’état condensé de nos troisacides a été calculée à partir de leur enthalpie de combustionet des valeurs de l’enthalpie de formation de l’eau :∆fH°m(l,298,15 K) = (–285,830 ± 0,042) kJ mol–1 et du dioxyde decarbone :∆fH°m(g, 298,15 K) = (–393,51 ± 0,13) kJ mol–1

(23).Nous avons remarqué qu’environ 12 % de l’azote contenu

dans nos composés se trouvaient, à l’issue de la combustion,sous forme d’acide nitrique. L’expérience a montré que laquantité d’acide nitreux formé est excessivement faible etpeut être négligée.

Comme nous l’avons précisé dans l’introduction, seull’acide nicotinique a fait l’objet de deux études réalisées parcalorimétrie de combustion en bombe statique en vue de saproposition comme substance d’intercomparaison dans cedomaine calorimétrique pour les substances azotées. C’estainsi que Johnson propose en 1975 (5) la valeur∆fH°m(cr, 298,15 K) = (–2730,67 ± 0,57) kJ mol–1 et Sato-Toshima et al. proposent en 1983 (6) la valeur∆fH°m(cr,298,15 K) = (–2730,83 ± 0,48) kJ mol–1. Comme nouspouvons le constater ces deux valeurs sont tout à faitcom-patibles à la nôtre∆fH°m(cr, 298,15 K) = (–2731,19 ± 0,79)kJ mol–1.

3.3. Calorimétrie de sublimation.L’ensemble des résultats est consigné dans le tableau 6.

Malheureusement le manque de données dans la littératurerelatives à l’enthalpie de sublimation et à la pression de va-peur saturante des trois acides carboxypyridiniques ne nousa pas permis d’en faire une comparaison avec nos valeursexpérimentales. À partir de nos essais, il nous a été possibled’évaluer la pression de vapeur saturante de nos trois acidesen utilisant la relation :

P(T) ≈ ∆P = dm/dt (2πRT / M)1/21/aF

dans laquelle∆P est la pression de part et d’autre du troud’effusion; P(T), la pression mesurée par effusion à la tem-pératureT; dm/dt, la masse effusée par unité de temps;R, laconstante des gaz parfaits;M, la masse molaire de la subs-tance;a, l’aire de l’orifice d’effusion;F, le facteur de Clau-sing.

3.4. Enthalpie de formation à l’état gazeuxEn utilisant les résultats expérimentaux obtenus par calo-

rimétrie de combustion et de sublimation, nous avons cal-culé l’enthalpie molaire standard de formation à l’étatgazeux de chacun des trois isomères. Celle-ci est égale à(–245,0 ± 0,9) kJ mol–1, (–239,3 ± 1,0) kJ mol–1 et (–240,3± 1,0) kJ mol–1 respectivement pour les isomèresortho,métaet para.

3.5. Enthalpie d’atomisationÀ une température donnée, la réaction d’atomisation des

acides étudiés dans ce mémoire s’écrit :

C6H5NO2(g) → 6 C(g) + 5 H(g) + N(g) + 2 O(g)

En conséquence, à 298,15 K, l’enthalpie liée à cette réac-tion est égale à :

∆aH°m(g) = 6∆fH°mC(g) + 5∆fH°mH(g)

+ ∆fH°mN(g) + 2∆fH°mO(g) – ∆fH°mC6H5O2N(g)

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252 Can. J. Chem. Vol. 77, 1999

M a ρ –(∂U/∂P)T

Substance Formule g mol–1 g cm–3 J g–1 MPa–1

Acide benzoïque C7H6O2 122,1234 1,32(19) 0,12(19)Coton CH1,791O0,850 27,4157 1,50(19) 0,29(19)Acide picolinique C6H5NO2 123,1112 1,571b 0,13c

Acide nicotinique C6H5NO2 123,1112 1,333b 0,13c

Acide isonicotinique C6H5NO2 123,1112 1,488(13) 0,13c

aCalculée à partir du tableau des masses atomiques de 1993 (20).bValeurs déterminées par nos soins.cValeurs estimées.

Tableau 1. Grandeurs physiques des substances utilisées à 298,15 K.

Pureté Tpta ∆ fusHm

Substance mol % K kJ mol–1

Acide picolinique 99,92±0,02 410,23±0,04 14,47±0,11Acide nicotinique 99,98±0,01 509,16±0,01 13,01±0,32

a Températures du point triple définies par rapport à l’EIT-90.

Tableau 2. Analyse thermique différentielle des acides étudiés.

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Les valeurs de∆aH°m(298,15 K) sont respectivement éga-les à (6606,0 ± 1,6) kJ mol–1, (6600,3 ± 1,7) kJ mol–1 et(6601,3 ± 1,7) kJ mol–1 pour les acides picolinique, nicoti-nique et isonicotinique. Elles ont été calculées en utilisant

les valeurs de∆fH°m(g,298,15K) de C, H, N et O consignéesdans la référence 23 et qui valent respectivement (716,67 ±0,44), (217,997 ± 0,006), (472,68 ± 0,40) et (249,17 ± 0,10)kJ mol–1.

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Sabbah et Ider 253

m subst m coton n (HNO3) A –∆U –W1 W2 –∆cU°m

mg mg 10–6 mol V s J J J kJ mol–1

6,6658 0,1226 6,30 9,378564 150,316 2,011 0,557 2728,795,8860 0,1778 5,73 8,340882 133,685 2,916 0,502 2724,645,4115 0,1343 4,39 7,635474 122,379 2,203 0,409 2724,685,8374 0,1439 6,49 8,239944 132,067 2,360 0,545 2724,046,2735 0,1382 5.92 8,844485 141,756 2,267 0,523 2727,076,6323 0,1109 6,49 9,304860 149,135 1,819 0,566 2724,026,4366 0,1199 6,30 9,041061 144,907 1,967 0,550 2723,478,4330 0,1509 9,55 11,849523 189,920 2,475 0,797 2724,826,5235 0,1486 6,30 9,182025 147,166 2,437 0,553 2720,88

–∆ cU(cr,298,15 K)/kJ mol–1 = 2724,71 ± 0,74–∆ cH(cr,298,15 K)/kJ mol–1 = 2724,09 ± 0,74–∆ fH(cr,298,15 K)/kJ mol–1 = 351,54 ± 0,74A = aire des thermogrammes,∆U = variation de l’énergie interne de la bombe et de son contenu,W1= énergie de

combustion du coton,W2 = corrections pour passer à l’état de référence.

Tableau 5. Combustion de l’acide isonicotinique (isomèrepara) à 298,15 K.

m subst m coton n (HNO3) A –∆U –W1 W2 –∆cU°m

mg mg 10–6 mol V s J J J kJ mol–1

6,1029 0,0976 6,11 8,572344 137,395 1,601 0,529 2728,646,4085 0,1558 6,88 9,067806 145,336 2,555 0,584 2731,687,0258 0,1525 6,69 9,917505 158,954 2,501 0,590 2731,156,0255 0,1158 6,69 8,490999 136,091 1,899 0,561 2730,305,4839 0,1264 5,16 7,749681 124,209 2,073 0,456 2731,665,1415 0,1354 6,69 7,297641 116,964 2,221 0,536 2734,655,5873 0,1457 5,73 7,922163 126,974 2,390 0,493 2734,24

–∆cU(cr,298,15 K)/kJ mol–1 = 2731,76 ± 0,79–∆cH(cr,298,15 K)/kJ mol–1 = 2731,19 ± 0,79–∆fH(cr,298,15 K)/kJ mol–1 = 344,48 ± 0,79A = aire des thermogrammes,∆U = variation de l’énergie interne de la bombe et de son contenu,W1 = énergie de combustion du

coton,W2 = corrections pour passer à l’état de référence.

Tableau 4. Combustion de l’acide nicotinique (isomèreméta) à 298,15 K.

m subst m coton n (HNO3) A –∆U –W1 W2 –∆cU°m

mg mg 10–6 mol V s J J J kJ mol–1

7,0192 0,1352 7,45 9,907245 158,790 2,217 0,634 2735,035,9476 0,1335 6,88 8,431185 135,132 2,190 0,570 2740,017,4184 0,1456 7,64 10,493439 168,185 2,388 0,657 2740,576,1673 0,1293 6,88 8,728518 139,898 2,121 0,576 2738,795,8866 0,0937 6,30 8,287905 132,836 1,537 0,534 2734,796,2468 0,1671 6,88 8,878794 142,306 2,741 0,580 2739,125,6952 0,1037 5,35 8,049306 129,012 1,701 0,473 2741,815,2016 0,1406 5,73 7,388838 118,426 2,309 0,482 2736,835,0680 0,0903 5,16 7,153461 114,653 1,481 0,444 2738,387,5250 0,1482 7,64 10,641621 170,560 2,431 0,660 2739,85

–∆cU(cr,298,15 K)/kJ mol–1 = 2738,52 ± 0,73–∆cH(cr,298,15 K)/kJ mol–1 = 2737,96 ± 0,73–∆fH(cr,298,15 K)/kJ mol–1 = 337,73 ± 0,73A = aire des thermogrammes,∆U = variation de l’énergie interne de la bombe et de son contenu,W1 = énergie de combustion du

coton,W2 = corrections pour passer à l’état de référence.

Tableau 3. Combustion de l’acide picolinique (isomèreortho) à 298,15 K.

Page 6: Article

Dans le présent travail, l’incertitude qui accompagne lesrésultats expérimentaux représente l’écart moyen,σm =±{ Σ(x – x0)

2 / n(n – 1)}1/2, x étant chacune desn valeurs en-trant dans le calcul de la moyennex0. Lorsque la valeur ex-périmentale est fonction de plusieurs variables, l’incertitudecalculée tient compte de l’erreur sur chacune de ces varia-bles.

4.1. Enthalpie de formation à l’état gazeuxNous avons voulu comparer entre elles les valeurs de

l’enthalpie de formation à l’état gazeux et à 298,15 K destrois isomères de différents dérivés de la pyridine se diffé-

renciant par la nature du substituant. Ces différentes valeurssont rassemblées dans le tableau 7. Cette comparaison nouspermet de faire les constatations suivantes :

1. Les substances étudiées dans le présent travail sont lesplus stables. Les valeurs de leur∆fH°m(g, 298,15 K) sont né-gatives et élevées (en valeur absolue). La stabilité sembledécroître dans l’ordre suivant : carboxypyridines, hydroxy-pyridines, méthylpyridines et aminopyridines.

2. Quelle que soit la famille considérée, l’isomèreorthoparaît être le plus stable. Comme il en sera question plusloin dans le texte, ceci peut être dû à la présence d’une liai-son hydrogène intramoléculaire entre l’atome d’hydrogènede la fonction acide et l’atome d’azote de l’hétérocyclecréant ainsi un second cycle et renforçant, de ce fait, laconjugaison. Par ailleurs, cette stabilité décroît dans le sensortho, para, méta.

4.2. Liaisons intramoléculaires dans les acidescarboxypyridiniques

Par définition, l’enthalpie d’atomisation d’une moléculeest égale à la somme des liaisons intramoléculaires comptetenu des facteurs de stabilisation et de déstabilisation.

À partir de cette grandeur thermodynamique et comptetenu du principe de transférabilité, nous avons pu déterminerla valeur enthalpique de l’ensemble des liaisons comprises

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∆fH°m(g, 298,15 K)

Dérivé kJ mol–1 Référence

ortho méta paraMéthylpyridines 99,2 106,4 104,1 24Aminopyridines 107,5 141,4 125,9 1Hydroxypyridines –30,3 25Carboxypyridines –245,0 –239,3 –240,3 Ce travail

Tableau 7. Enthalpies de formation à l’état gazeux et à298,15 K des trois isomères de différents dérivés de la pyridine.

Isomère T m ∆subHm(T) ∆sub mH T( )C Tp

K

T

°∫ ,

,

(m g)d298 15

C Tp

K

T

°∫ ,

,

(m cr)d298 15 ∆subH°m(298,15 K) Ps(T)

K mg kJ mol–1 kJ mol–1 kJ mol–1 kJ mol–1 kJ mol–1 Pa

ortho 328,75 20,9578 92,6020,3792 91,2220,8570 89,1320,8562 90,39 91,00±0,50 3,14±0,15 4,86±0,02 92,72±0,52 1,921,0406 92,7121,1240 91,0822,6783 89,90

méta 362,15 9,4256 100,9810,2895 99,939,7803 99,97 101,12±0,61 7,05±0,15 11,10±0,06 105,17±0,63 0,31

10,6050 103,1110,1439 100,1311,6030 103,7411,8446 99,97

para 362,15 4,1015 107,873,5774 106,763,7896 106,115,0566 109,435,1588 105,933,7730 106,39 107,74± 0,68 7,05± 0,15 10,59± 0,03 111,28± 0,70 0,0155,5268 106,335,0398 110,604,3480 106,713,3775 104,303,1835 110,044,0754 112,40

Tableau 6. Sublimation des acides picolinique, nicotinique et isonicotinique.

Page 7: Article

dans le groupement (C-N5C) dans chacun des trois acides.Pour ce faire, nous avons défalqué de∆aH°m(298,15 K) lavaleur des différentes autres liaisons intramoléculaires pré-cédemment déterminées au laboratoire (26) :H(Cb-—Cb) =504,97 kJ mol–1, H(Cb—H) = 415,88 kJ mol–1, H(Cb—C) =351,56 kJ mol–1, H(COOH) = 1657,35 kJ mol–1. Nous trou-vons pourH(C-N5C) la valeur moyenne 910,22 kJ mol–1

qui est en très bon accord avec les valeurs trouvées précé-demment au laboratoire pour ce même ensemble (902,18 kJmol–1 (26), 924,2 kJ mol–1 (27)) ou consignées dans la litté-rature (valeur moyenne 903 kJ mol–1 (28)).

4.3. Energie de conjugaisonL’énergie de conjugaison est la différence entre l’énergie

réelle de la molécule et l’énergie qu’elle aurait si les diverssystèmes insaturés qu’elle comporte étaient indépendants.Pratiquement, pour la déterminer, il suffit d’utiliser les en-thalpies standard de combustion à l’état gazeux de la molé-cule réelle et de la molécule fictive non conjuguée. Lapremière de ces grandeurs s’obtient expérimentalement et laseconde nécessite le recours aux systématiques. En ce quinous concerne, nous avons utilisé celle de Klages qui estconsignée dans la référence 29 compte tenu des modifica-tions relatives aux liaisons C—N et C5N indiquées dans laréférence 30.

Les valeurs de l’énergie de conjugaison des trois acidesétudiés dans ce mémoire sont consignées dans le tableau 8avec celles de différents dérivés de la pyridine. Ce tableaunous permet de faire les constatations suivantes :

1. Les carboxypyridines sont les dérivés les plus conju-gués.Ceci est vraisemblablement dû au fait que le groupement(COOH), donneur d’électrons, consolide la conjugaison ducycle.

2. Quelle que soit la famille considérée, l’isomèreorthoest plus le conjugué.

3. L’énergie de conjugaison des aminopyridines est plusélevée que celles des hydroxypyridines (à noter que la litté-rature ne propose de valeur sûre que pour l’isomèrepara).Ceci peut s’expliquer si l’on considère l’électronégativitédes atomes d’azote de la fonction amine (NH2) et d’oxygènede la fonction hydroxyle (OH). En effet, le doublet électro-nique porté par chacun de ces deux atomes est plus déloca-lisé dans le cas de NH2 que dans celui de OH.

4. Le groupement CH3 ne participant éventuellement à laconjugaison que par l’effet d’hyperconjugaison fait que lesméthylpyridines apparaissent comme les dérivés les moinsconjugués.

4.4. Liaisons intermoléculaires dans les acidescarboxypyridiniques

4.4.1. Liaisons hydrogène intermoléculairesL’enthalpie de sublimation d’une substance organique est

liée aux interactions intermoléculaires comprenant la parténergétique due aux forces de van der Waals (de dispersionet dipolaires) et, le cas échéant, celle qui est relative auxliaisons hydrogène.

Un procédé de calcul, plusieurs fois utilisé avec succès aulaboratoire (1, 31–38), nous a permis de déterminer la parténergétique due aux liaisons hydrogène intermoléculaires. Ilconsiste, dans notre cas, à comparer l’enthalpie de sublima-tion de nos molécules à celle d’une molécule isoélectronique(ici la molécule de nitrobenzène) possédant les mêmes for-ces de dispersion et d’interactions dipolaires. Ce composéétant liquide à 298,15 K, nous avons déterminé sonenthalpie de sublimation à partir de son enthalpie de vapori-sation à 298,15 K et de son enthalpie de fusion àTfus =278,85 K en utilisant, en première approximation, la relationsuivante :

∆subH°m(298,15 K) = ∆vapH°m(298,15 K)

+ ∆fusHm(298,15 K)

avec ∆vapH°m(298,15 K) = 55,0 kJ mol–1 (24) et∆fusHm(278,85 K) = 11,59 kJ mol–1 (39). Cette dernière va-leur a été ramenée à 298,15 K en appliquant la relation deSidgwick (40) :

∆fusHm(298,15 K) = ∆fusHm(278,85 K)

– 0,055 (278,85 – 298,15)

Nous obtenons∆fusHm(298,15 K) = 12,65 kJ mol–1 et∆subH°m.(298,15 K) = 67,65 kJ mol–1. Cette dernière valeurcorrespond, en première approximation, à la part des forcesde dispersion et dipolaires dans le cristal des trois acidescarboxypyridiniques. Malheureusement, il ne nous a pas étépossible de départager ces deux types d’interactions. En ef-fet, la littérature ne propose aucune valeur de l’enthalpie devaporisation et de fusion du 2-phénylpropène qui nous au-raient permis de déterminer son enthalpie de sublimation à298,15 K. Cette grandeur est, rappelons-le, en première ap-proximation égale à la part énergétique due aux forces dedispersion dans les cristaux des acides carboxypyridiniques.Il s’en suit que la part énergétique due aux liaisons hydro-gène intermoléculaires dans les isomèresortho, métaet paraest respectivement égale à 25,07 kJ mol–1, 37,52 kJ mol–1 et43,63 kJ mol–1.

Si l’on considère la molécule d’isomèrepara dans la-quelle il ne peut y avoir que des liaisons hydrogène intermo-léculaires, la part énergétique due à ces liaisons estrelativement élevée par rapport à celles qui ont été trouvéesjusqu’ici au laboratoire (41) ou consignées dans la littérature(42). On pourrait expliquer cette anomalie si l’on considèreles rares résultats de la littérature à propos de la structurecristalline des trois acides carboxypyridiniques (10, 11, 13).En effet, ces résultats font tous état de liaisons hydrogène in-termoléculaires entre l’atome d’azote d’une molécule etl’atome d’oxygène de la fonction OH d’une molécule voi-

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Sabbah et Ider 255

Econj

Dérivé kJ mol–1

ortho méta paraMéthylpyridines 169,9 153,6 160,5Aminopyridines 182,6 168,2 182,9Hydroxypyridines 161,9Carboxypyridines 252,9 240,1 241,1

Tableau 8. Energie de conjugaison des trois isomères dedifférents dérivés de la pyridine.

Page 8: Article

sine. D’après Takusagawa et Shimada (13), à ces liaisonsviennent s’ajouter, dans le cas de l’acide isonicotinique (iso-mère para), deux autres faibles liaisons hydrogène entrechacun des atomes de carbone du cycle, situés de part etd’autre de l’atome d’azote, et l’atome d’oxygène de la fonc-tion carbonyle de molécules voisines. En estimant que laliaison N···H—O, ayant une longueur N···H de 1,51 Å (13),possèderait une enthalpie de 29 kJ mol–1 (42), à chacune desdeux liaisons C—H···O, ayant une longueur O···H de 2,46 Å(13), serait associée une enthalpie d’environ 7,5 kJ mol–1.

4.4.2. Liaisons hydrogène intramoléculaire dans l’isomèreortho

À la suite de leur travail sur la structure de l’acide picoli-nique, Pâris et al. (7) concluent que cet acide présente unechélation à l’état solide par formation d’une liaison hydro-gène intramoléculaire entre l’atome d’azote de l’hétérocycleet l’atome d’hydrogène de la fonction carboxylique.

Un moyen simple de pouvoir quantifier cette chélationconsiste à comparer entre elles les valeurs de l’enthalpie desublimation des isomèresortho et para. La différence ob-servée, dans le cas présent, est de 18,56 kJ mol–1 et doit êtreattribuée, compte tenu de la chélation, au fait que la molé-cule d’acide picolinique possède moins de liaisons hydro-gène intermoléculaires que les deux autres isomères. Lavaleur trouvée est tout à fait compatible avec celles qui ontété précédemment déterminées au laboratoire dans le cas desacides hydroxybenzoïques (17,8 kJ mol–1 (43)), des acidesaminobenzoïques (11,2 kJ mol–1 (44)) et des nitrophénols(20,1 kJ mol–1 (33)).

D’autres observations faites sur les propriétés physico-chimiques de l’acide picolinique tendent à prouver l’existencede cette liaison intramoléculaire.

1. À partir de nos expériences de sublimation, il s’avèreque la pression de vapeur saturante de l’isomèreortho, est,quelle que soit la température, toujours supérieure à celledes deux autres isomères.

2. La température du point triple et l’enthalpie de fusionsont plus faibles dans le cas de l’isomèreortho qu’elles ne lesont dans celui des deux autres isomères (cf. tableau 2).

3. La valeur du pKa de l’acide picolinique (5, 32) est su-périeure à celle des deux autres acides (nicotinique : 4,81,isonicotinique : 4,86) (45).

4. Au cours de nos expériences, nous avons constaté quela solubilité de l’acide picolinique dans un solvant apolairecomme le benzène est plus forte que celle de l’isomèreparadans le même solvant.

4.5. Peut-on ériger l’acide nicotinique au rang desubstance d’intercomparaison en calorimétrie decombustion des substances azotées ?

À la suite de leurs travaux, plusieurs chercheurs (5, 6, 46,47) ont en fait la proposition.

L’étude des trois acides carboxypyridiniques nous a mon-tré qu’ils sont stables à température ambiante, non hygrosco-piques et ont une faible pression de vapeur saturante. Parcontre, les expériences réalisées avec ces substances par ca-lorimétrie de combustion nous ont permis de constater que :

1. les pastilles d’acide isonicotinique ont tendance à s’effriter;2. des combustions incomplètes ont quelquefois été obser-

vées avec l’acide picolinique.Enfin, on trouve dans le commerce des échantillons

d’acide nicotinique très purs, ce qui permet de les utilisersans purification.

Compte tenu de ce qui précède, nous pensons aussi quel’acide nicotinique peut être retenu comme substance d’inter-comparaison en calorimétrie de combustion des substancesazotées dont le rapport N/C est faible.

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