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LA CYTOLOGIE, UN OUTIL DIAGNOSTIQUE ESSENTIEL
DANS L’ÉVALUATION DU GOITRE NODULAIRE DE LA THYROIDE
Par Denise Vanasse, Cytologiste, Présidente de l’Association des cytologistes du Québec Article publié dans Sommaire scientifique, Volume 11, numéro 12, Février 2004 - OPTMQ
INTRODUCTION
La cytologie de la thyroïde est une analyse qui laisse souvent le professionnel perplexe. Bien que cet organe
soit facile d’accès, les images cytologiques de ses maladies ne sont pas faciles à
interpréter. Avec beaucoup d’expérience en cette matière, une cytopathologiste
américaine, Dr Sudha R. Kini, s’est démarquée depuis plusieurs années en
produisant une abondante documentation scientifique, offrant ainsi un
encadrement remarquable de la pratique. Ses enseignements se sont révélés aussi
valables pour les cytologistes et les pathologistes que pour les endocrinologues. Dr
Kini, directrice du département de cytopathologie au Henry Ford Hospital de
Détroit, était conférencière au congrès 2003 de l’Association des cytologistes du Québec cet automne. Elle
y a offert une formation sur les diagnostics différentiels de la thyroïde avec la collaboration du Dr Raphaël
Bélanger, endocrinologue à l’hôpital Notre-Dame du CHUM.
LA THYROIDE, SA TOPOGRAPHIE ET SON FONCTIONNEMENT
La thyroïde est une glande endocrine située à la base du cou1,2. Positionnée sous le larynx, elle chevauche la
trachée et l’œsophage juste sous la peau. Constituée de deux lobes reliés par un
isthme, cette glande fabrique des hormones à même ses cellules pour les
transmettre à l’organisme par la circulation sanguine. Chaque lobe est constitué
de multiples lobules, composés à leur tour de nombreux follicules, tous
supportés par un tissu conjonctif délicat et très vascularisé. Toute l’activité du
parenchyme thyroïdien se déroule à l’intérieur de chaque follicule.
Une maladie de la thyroïde peut être dépistée de différentes façons3 :
• Une augmentation de volume souvent palpée par le patient lui-même • Une fluctuation dans les résultats de la production d’hormones thyroïdiennes, lors d’une analyse
sanguine (TSH, etc.) • Un changement de consistance voire l’apparition de nodules constatés lors d’un examen médical
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Les maladies de la thyroïde sont diverses, variant entre l’hypothyroïdie et l’hyperthyroïdie, de la thyroïdite
au cancer. On dit3,4 que, si les nodules thyroïdiens sont fréquents, seulement 5 à 7% d’entre eux sont
cancéreux et plus de 90% sont guérissables. L’investigation2 des changements constatés dans une thyroïde
lors d’un examen clinique peut se faire par une scintigraphie, par un examen sous échographie et/ou par
une cytoponction connue aussi sous l’appellation biopsie à l’aiguille fine (FNA)3.
LA DÉFINITION D’UN GOITRE NODULAIRE
Le mot « goitre » est2 un terme descriptif que l’on retrouve dans toutes les maladies thyroïdiennes et qui
désigne une thyroïde plus grosse que normale. On parlera, entre autres, de goitre simple (sans nodules), de
goitre vasculaire (hyperthyroïdie de Basedow), de petit goitre ferme (maladie de Hashimoto) ou encore de
goitre nodulaire (avec nodule simple ou multi-nodulaire), lequel est
souvent la cible des cytoponctions. Le goitre nodulaire5 (goitre
adénomateux, goitre colloïde, goitre nodulaire non toxique ou goitre
multi-nodulaire) résulte d’une augmentation du volume de la thyroïde
causée par une hyperplasie intermittente ou persistante. Le goitre
nodulaire est une des conditions bénignes de la thyroïde les plus souvent
confondues avec une tumeur thyroïdienne et l’aspiration à l’aiguille fine (FNA / cytoponction) 1 est un
moyen efficace pour en faire la distinction tout en permettant d’éviter une chirurgie lorsque ce n’est pas
bligatoire.
ET LA BIOLOGIE CELLULAIRE DE LA THYROID
o
o
L’ANATOMIE E
Pour bien comprendre la cytologie d’un goitre nodulaire, il
faut d’abord connaître la composition cellulaire du follicule
thyroïdien normal (F), la véritable unité fonctionnelle du
parenchyme thyroïdien. C’est un petit globe
tridimensionnel, rempli de colloïde (C) et bordé par une
ïdales, les cellules
folliculaires (FC), reposant sur une membrane basale. Entre les
follicules, on observe des cellules à calcitonine (CC) et des
capillaires sanguins permettant de nombreux échanges: la
thyroïde, un organe endocrinien, est par définition une glande
très irriguée. Les cellules épithéliales montrent un noyau central,
seule couche de cellules épithéliales cub
« Pour nous cliniciens, un goitre signifie une
augmentation de volume de la glande thyroïde…
cela ne nous indique absolument pas le
diagnostic. » Dr Bélanger endocrinologue4
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rond ou ovale, avec une chromatine finement granulée. Les bords cellulaires sont bien définis. Un follicule
peut être vu, dans une coupe histologique ou en cytologie, comme un cercle de cellules cuboïdales avec des
noyaux régulièrement espacés et un cytoplasme appréciable disposées autour de la lumière du follicule,
lorsqu’il est observé en section transverse. Vu en surface, il apparaît alors comme un feuillet monocouche
de cellules bien définies avec des noyaux également centrés, d s an un aspect en nid d’abeille. Nous
trouverons donc ces structures sur les frottis cytologiques.
gements dégénératifs, comme infarctus, hémorragie, nécrose,
rmation kystique, fibrose et calcification.
La p o
ylindrique ase hyperplasique
ment de l’épithélium métaplasie des cellules folliculaires/cellules de Hurthle, locale ou diffuse
FOLLICULES THYROIDIENS NORMAUX / Coupe histologique
re
LA PATHOLOGIE DU GOITRE NODULAIRE
La pathologie générale du goitre nodulaire dépend du stade d’évolution de la maladie1. Dans les premières
phases d’hyperplasie et d’involution de la maladie, la glande thyroïde augmente de volume de façon diffuse.
Comme les lobules ne réagissent pas au même rythme, on peut observer éventuellement la formation de
nodules dont la taille peut varier considérablement. L’un ou plusieurs d’entre eux peuvent alors apparaître
dominant(s) et il peut être difficile cliniquement de déterminer si on a affaire à une néoplasie. On peut
aussi constater dans ces nodules des chan
fo
ath logie microscopique montre donc des images variées :
• petits follicules sans colloïde bordés par un épithélium c• changements papillaires durant la ph• accumulation de substance colloïde • petits follicules bordés d’un épithélium cuboïdal lors de la phase involutive • hyper-involution caractérisée par une distension du follicule avec aplatisse•
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LA CYTOPONCTION D’UN NODULE THYROIDIEN
La cytoponction se pratique à l’aide d’une aiguille très fine, avec ou sans anesthésie locale. Le médecin
procède à plusieurs prélèvements d’échantillon sur différentes parties du nodule pour en assurer une
analyse approfondie1,3. Elle se pratique généralement sur les nodules de plus d’un centimètre de diamètre et
elle est parfois guidée par échographie. La cytoponction est un examen important dans le diagnostic de
cette maladie 2,6 car, en général, elle facilite la décision de procéder ou non à une chirurgie.
Cette technique a vraiment pris son essor en Europe dans les années 70.
La cytologie s’est avérée efficace au cours des ans, avec une sensibilité de
95% et une spécificité de plus de 90%4. C’est une technique
essentiellement sans risque pour le patient, peu coûteuse, dont l’efficacité
repose surtout sur l’expérience des cytologistes et des cytopathologistes.
“C’est la meilleure méthode pour faire un diagnostic de cancer
thyroïdien » Dr Raphaël Bélanger,
endocrinologue 4
LA CYTOPRÉPARATION TECHNIQUE
La préparation technique des échantillons prélevés est primordiale. Une technique de qualité inférieure ne
permettra aucune évaluation cytologique adéquate1. Différentes méthodes sont utilisées pour le
prélèvement, la fixation ou la coloration des échantillons qui peuvent, d’une façon ou d’une autre,
influencer la cytomorphologie des cellules thyroïdiennes. Ces choix varient habituellement en fonction des
procédures définies par chaque laboratoire de cytopathologie. Les critères cytologiques utilisés pour le
diagnostic différentiel de certaines néoplasies thyroïdiennes sont très subtils et ils sont fondés sur des
détails cellulaires qui sont souvent le mieux exprimés sur des frottis fixés au cytospray et colorés par la
méthode de Papanicolaou. On doit pouvoir apprécier l’architecture des fragments tissulaires, la relation
d’une cellule à une autre, la qualité du cytoplasme, les contours cellulaires, la chromatine nucléaire de
même que les nucléoles.
Voici divers procédés de prélèvements1 utilisés:
1. Échantillon étalé sur des lames / frottis
2. Prélèvement déposé dans une solution fixative de Saccomano
3. Rinçage de la seringue dans une solution saline après l’étalement des frottis
4. Liquide provenant de kyste, avec ou sans fixatif
Les échantillons obtenus lors de l’aspiration ou les lames sur lesquelles ils ont été étalés peuvent être fixés
selon différentes méthodes, dont les caractéristiques sont décrites dans le tableau I1 :
LA CYTOLOGIE, UN OUTIL DIAGNOSTIQUE ESSENTIEL … PAGE 5
TABLEAU I
MODE DE FIXATION AVANTAGES/DÉSAVANTAGES
1. Fixatif en aérosol / cytospray • Peu coûteux & facilement disponible • Lames prêtes à colorer • Détails cellulaires bien conservés • Bonne conservation des érythrocytes • Absence de perte de cellules ou de lavement de la colloïde
2. Alcool éthylique 0,95 • Hémolyse des érythrocytes • Destruction du cytoplasme des cellules épithéliales • Précipités provoquant éosinophilie • Noyaux contractés et foncés • Danger de non-adhérence du spécimen
3. Alcool isopropyl Voir ci-haut Alcool éthylique 4. Solution de Saccomano • Transport du spécimen facilité
• Aucune crainte de détérioration cellulaire ou de séchage dû à une manipulation lente ou déficiente
• Étalement monocellulaire mince : peut être fait directement au laboratoire • Possibilité de bloc cellulaire • Plus longue période de cytopréparation • Hémolyse des érythrocytes • Précipités à l’arrière plan
Si le prélèvement est déposé directement dans un bocal, avec ou sans solution fixative, il doit être traité à
son arrivée au laboratoire selon les procédures techniques en usage. Il est par la suite centrifugé à 2,000
rpm pendant 10 minutes. Si un culot est visible, on peut alors procéder à un étalement sur lame. Si le
spécimen est peu cellulaire, on peut procéder à une cytocentrifugation ou utiliser un filtre.
Les lames obtenues par frottis ou à la suite d’une cytopréparation sont ensuite colorées avec la coloration
de Papanicolaou habituellement utilisée en cytologie. Si les méthodes de prélèvement ou de fixation
choisies le permettent, on peut procéder à la préparation d’un bloc cellulaire sur le culot restant du
matériel. La présence d’un bloc cellulaire pourra faciliter l’analyse complémentaire d’un cas par
immunohistochimie ou biologie moléculaire.
Préparation d’un bloc cellulaire
1. Agiter le tube contenant le culot restant
2. Ajouter 4 ml d’Agar 6% fondu ou 1 ml d’une solution Histogel et bien mélanger
3. Si nécessaire, centrifuger 10 minutes à 2,000 rpm pour favoriser la formation d’un bouton cellulaire
4. Réfrigérer le tube jusqu’à fermeté
5. Retirer délicatement le dépôt du tube
6. Déposer le matériel obtenu dans une cassette pour technique histologique
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L’ÉVALUATION DE LA QUALITÉ DU SPÉCIMEN
Le matériel cellulaire du spécimen doit absolument être adéquat en terme de
cellularité et le frottis doit aussi satisfaire aux critères de qualité, du point de
vue de l’épaisseur, de la fixation et de la coloration1. Il est difficile de définir ce
que doit être un matériel adéquat d’une cytoponction de la thyroïde, car il n’en
existe pas vraiment de critères précis et établis. Les critères tendent à être
subjectifs et ils diffèrent parmi les pathologistes. En fait, un matériel adéquat
est celui pour lequel il est possible de poser un cytodia
« Adequacy of the thyroid aspirate must always be judged in a
clinical context », Dr Kini,
cytopathologist 1
gnostic, bénin ou autre.
Recommandations de critères d’évaluation pour un spécimen adéquat et satisfaisant1
1. Plusieurs trajets de prélèvement dans le nodule examiné afin d’offrir un échantillonnage adéquat (plus
facile sous anesthésie locale)
2. Au moins six (6) frottis finement étalés
3. Fixation immédiate de chaque lame et une bonne coloration
4. Un minimum de 8 à 10 fragments de cellules folliculaires bien conservées sur chaque lame d’une série
d’au moins deux (2) lames
L’ASPECT CYTOLOGIQUE
Le cytologiste doit être en mesure d’interpréter l’architecture des fragments tissulaires tout comme la
morphologie des composantes cellulaires et des cellules isolées. L’architecture des fragments peut se
définir ainsi :
• Agrégat : formation tissulaire multicellulaire
• Feuillet : fragment de tissu à l’intérieur duquel les cellules sont disposées régulièrement en relation les
unes par rapport aux autres et montrent un bord cellulaire distinct. La polarité cellulaire est maintenue.
• Syncytium : fragment tissulaire composé de cellules disposées de façon irrégulière en rapport les unes
avec les autres et qui montrent un bord cellulaire indistinct. La polarité nucléaire est altérée.
• Groupe : groupement tridimensionnel de cellules (ex. : un follicule thyroïdien vu globalement, un bout
de papille dans un carcinome papillaire)
Une aspiration d’un goitre nodulaire présente généralement un mélange de substance colloïde et de cellules
folliculaires bénignes en proportion variable, selon le stade d’évolution de la maladie. Autant la substance
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colloïde est abondante dans les goitres hyper-involués, autant elle est pour ainsi dire rare ou absente dans
les nodules adénomateux ou hyperplasiques. Ce sont les stades de développement les plus opposés alors
que la plupart des cas analysés montrent un aspect qui se situe entre ces deux extrémités. De plus, les
nodules apparaissent souvent modifiés par des changements secondaires.
Changements pouvant être associés au goitre nodulaire :
• Hémorragie
• Dégénérescence
• Kyste
• Tissu de granulation
En somme, en plus des cellules folliculaires bénignes et de la substance colloïde dans des proportions
variables, la cytologie d’un goitre nodulaire montre aussi des cellules inflammatoires et autres composantes
pouvant suggérer ces changements secondaires.
Il n’est pas nécessaire, toutefois, que tous ces éléments soient présents pour faire un diagnostic cytologique
de goitre nodulaire. Ni la présence de substance colloïde, ni celle d’histiocytes ne devraient être requises.
Ainsi, la substance colloïde reflète l’activité fonctionnelle des cellules folliculaires et non pas leur nature
bénigne ou néoplasique. De la même façon, des histiocytes ou des macrophages soulignent des
changements dégénératifs. Il faut donc se concentrer sur les cellules folliculaires bien conservées et bien
visibles, leur nombre, l’architecture des fragments tissulaires, la cytomorphologie des cellules individuelles
et les détails nucléaires. Tous les critères ne sont pas nécessairement présents dans tous les échantillons de
goitre nodulaire.
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Tableau II Caractéristiques cytologiques du goitre nodulaire5
PATRON • Mélange varié de cellules folliculaires bénignes et de colloïde • Cellules isolées, en groupes plutôt cohésifs ou en fragments tissulaires
ARCHITECTURE • Petits follicules réguliers avec noyaux distribués uniformément • Feuillets monocellulaires en nid d’abeille • Plus rarement, configuration papillaire avec composante cellulaire en nid d’abeille (goitre
hyperplasique) CELLULES FOLLICULAIRES
• Petites, cuboidales, relation N/C faible • Bords cellulaires distincts • Cellules de Hurthle fréquentes • Cytoplasme limité
NOYAU • De 7 à 9 microns de diamètre (= taille d’un globule rouge) • Rond ou ovale, avec membrane nucléaire régulière, pâle • Chromatine finement granulaire ou compacte, dispersée uniformément • Parfois picnotique • Rare nucléole
CELLULES DE HURTHLE / MÉTAPLASIE
• Cellules folliculaires altérées, plus larges • Isolées ou en feuillets • Variation de taille considérable • Cytoplasme granulaire, modéré à abondant • Noyau semblable ou plus large que celui des cellules folliculaires normales • Nucléole +/-
SUBSTANCECOLLOIDE
• Limitée à abondante • Film mince ou dépôt à l’intérieur de la lumière d’un follicule • Taches de matériel dense et coloré, avec ou sans fissures
CORPS DE PSAMMOME
• Très rare / occasionnel • Calcification isolée ou nichée dans des fragments de cellules folliculaires bénignes
CHANGEMENTSECONDAIRES
S • Macrophages avec ou sans hémosidérine • Cellules géantes multinucléées • Cellules stromales, isolées ou en fragments • Débris calcifiés • Métaplasie pavimenteuse
“Pay attention to the architecture and the nuclear size…Look for everything!” Dr Kini 5
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LA CYTOLOGIE DE LA THYROIDE NORMALE EN IMAGES
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LES DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS
N’importe laquelle des caractéristiques du goitre nodulaire peut devenir une composante prédominante ou
même exclusive dans une cytoponction provenant d’un goitre nodulaire. C’est pourquoi le goitre nodulaire
peut facilement devenir un piège diagnostique car ces cytoponctions peuvent alors être faussement
interprétées comme n’importe laquelle des tumeurs bénignes ou néoplasiques de la thyroïde.
Voici un tabloïde des diagnostics différentiels du goitre nodulaire1.
Tableau III
Patron cytologique de goitre nodulaire Diagnostic différentiel Indices bénins pour différenciation • Aspiration hyper-cellulaire avec peu ou
pas de colloïde • Fragments de cellules folliculaires avec
ou sans patron folliculaire
Néoplasie folliculaire Adénome/ Carcinome
• Arrangement en nid d’abeille • Follicules réguliers • Noyaux petits, 7 à 9 microns, distribués
uniformément • Fragments larges et pliés
• Aspiration hyper-cellulaire avec fragments pseudo-papillaires ou monocouches
• Noyaux pâles des cellules folliculaires avec inclusions intra-cytoplasmiques occasionnelles
• Corps de psammome occasionnel ou colloïde condensé simulant un corps de psammome
Carcinome papillaire • Absence des critères minimaux pour un diagnostic de carcinome papillaire
• Absence de syncytium • Corps de Psammome nus non
diagnostiques ou entourés de cellules bénignes
• Large population de cellules de Hurthle Néoplasie des cellules de Hurthle
• Cellules de Hurthle en feuillets montrant une forme de transition entre cellules folliculaires normales et cellules de Hurthle
• Cellules fusiformes avec noyau large, pâle + nucléole (fibroblastes)
Carcinome anaplasique • Absence de pléormorphisme nucléaire extrême
• Absence de critères de malignité • Cellules fusiformes d’origine stromale Carcinome médullaire • Immunocytologie négative pour la
calcitonine • Cellules fusiformes du carcinome
médullaire sont unipolaires avec noyau excentrique et chromatine plus grossière.
• Cellules folliculaires dégénérées + noyaux pléomorphiques, nucléoles, chromatine irrégulière ou vacuoles avec, à l’arrière-plan, des critères de goitre nodulaire
Carcinome métastatique • Absence de critères évidents de malignité
• Critères de goitre nodulaire à l’arrière-plan
• Aucune histoire de cancer primaire connu
Les diagnostics difficiles à classer, de catégorie indéterminée ou suspecte, représentent environ 10 à 15%
des cas.6 Les autres catégories de cytodiagnostics se répartissent ainsi : bénins (70%), malins (5-10%) et
non-diagnostiques (10-15%). La plupart des auteurs s’entendent pour dire que la valeur prédictive des
LA CYTOLOGIE, UN OUTIL DIAGNOSTIQUE ESSENTIEL … PAGE 11 cytodiagnostics bénins ou malins est excellente. Pour ce qui est des cas où la cytoponction s’avère non
concluante, il demeure relativement facile de faire un nouveau prélèvement. Le véritable défi demeure
donc cette classe indéterminée à l’intérieur de laquelle un
cytodiagnostic différentiel entre un nodule bénin adénomateux et
une lésion folliculaire est souvent difficile à faire. Certains tests
auxiliaires immunohistochimiques peuvent parfois être utilisés sur
les blocs cellulaires pour préciser le cytodiagnostic. On assiste, de plus, au développement de nouvelles
techniques moléculaires, de nouveaux marqueurs, qui peuvent suggérer une amélioration de la gestion des
cytodiagnostics ambigus.
« Large doesn’t mean neoplasm and cellularity doesn’t mean
neoplastic. Go for the architecture…» Dr Kini5
TRAITEMENT
Les critères seuls (âge, sexe, dureté du nodule, adénopathies satellites, histoire antérieure de radiothérapie)
ne suffisent pas pour décider s’il doit y avoir chirurgie ou non. En l’absence de cancer7, il n’est pas toujours
nécessaire d’enlever le ou les nodules. L’endocrinologue peut vouloir tenter un traitement basé sur les
hormones thyroïdiennes. Mais, généralement, « on ne fait rien »4 sinon un suivi à long terme : visite à tous
les 2 ou 3 ans. Pendant ce suivi, le clinicien pourra refaire une cytoponction pour poursuivre l’évaluation
du nodule s’il constate une modification clinique de la thyroïde, ce qui est très rare. Habituellement un
nodule bénin n’évolue pas, ne change pas.4 Par contre, dans le cas d’un cytodiagnostic de cancer, il est
habituellement recommandé de faire une thyroïdectomie totale éventuellement suivie par un traitement à
l’iode radioactif, et pour les lésions bénignes, une lobectomie7, avec suivi en fonction des résultats
pathologiques.
Le traitement à privilégier dans les cas de lésions indéterminées ou suspectes de la thyroïde demeure
toutefois un casse-tête. Ces résultats demandent une intervention du clinicien, généralement une
scintigraphie du nodule. S’il s’agit d’un nodule chaud, on peut éviter la chirurgie puisque seules les cellules
thyroïdiennes bénignes captent l’iode radioactif. S’il s’agit d’un nodule froid suggérant la possibilité de
lésion maligne, une intervention chirurgicale est recommandée. Les statistiques montrent que, s’il y a un
délai de plus de six mois avant le traitement d’un cancer, le pronostic n’est pas aussi bon. Il est aussi
possible de faire un suivi à l’aide d’une échographie laquelle pourra indiquer le volume du nodule et son
évolution ou non, un an plus tard. C’est une situation qui se discute avec les patients en fonction de leur
tolérance à l’incertitude : certains voudront une intervention chirurgicale, d’autres seront capables de
tolérer un suivi.
LA CYTOLOGIE, UN OUTIL DIAGNOSTIQUE ESSENTIEL … PAGE 12
t rares.
CONCLUSION
La cytoponction d’un goitre nodulaire présente donc un large éventail de changements cytologiques dont
le diagnostic différentiel est parfois difficile à faire, ce qui peut occasionner des erreurs d’interprétation du
matériel. La corrélation clinique demeure très importante pour faire le
meilleur diagnostic1,4. Malgré ces difficultés, la cytologie de la thyroïde
s’est avérée extraordinairement efficace au cours des années et elle
demeure un moyen essentiel pour mieux cibler les patients qui
nécessitent une chirurgie4. Espérons que la cytologie combinée à l’immunohistochimie et à la biologie
moléculaire permettra de résoudre une plus grande partie des lésions indéterminées ou suspectes de la
thyroïde, dans un avenir rapproché. Le véritable objectif à poursuivre en général est d’éviter une chirurgie
inutile pour la majorité des maladies de la thyroïde, car, rappelons-le, les nodules thyroïdiens sont fréquents
mais les cancers thyroïdiens son
« You must avoid surgery at any cost »
Dr Kini 5
REMERCIEMENT
Je désire remercier Docteur Charles-Jacques Mongeau, cytopathologiste au CHUS, et madame Jacynthe
Boudreau,TM, cytologiste au Centre hospitalier Saint-Eustache, d’avoir consenti à réviser ce document,
ainsi que mes consœurs à l’ACQ et au CHUS pour leur collaboration et soutien.
RÉFÉRENCES
1 KINI, Sudha R. M.D., cytopathologiste, Guides to Clinical Aspiration Biopsy, Thyroid 2nd Ed., New York, Igaku-Shoin Medical publishers Inc., 1996 2 SALLÉE, François-Xavier M.D., Thyroïde Info, http://perso.wanadoo.fr/infothyro/accueil.htlm 3 HAMBURGER, Joël I. M.D., Traitement d’un nodule thyroïdien, www.thyroid.ca/Articles/FrF2C.html 4 BÉLANGER, Raphaël M.D., endocrinologue, Cytologie thyroïdienne: aspects cliniques, Montréal, Congrès ACQ, 2003 5 KINI, Sudha R. M.D., Directrice, Cytopathology Henry Ford Hospital, Pitfalls in the cytologic diagnosis of nodular goiter, Montréal, Congrès ACQ, 2003 6 SEVEG Dorry L. M.D., Beyond the suspicious thyroid Fine Needle Aspirate, Acta Cytologica 2003, Vol. 47, No. 5, Sept/Oct 7 SINGER, Peter A. M.D., Treatment Guidelines for Patients with thyroid nodules and Well-differentiated thyroid cancer, Archives Intern Medecine, 1996, Vol 156, Oct 28