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Attirance et confusion - ekladata.comekladata.com/zWRcdQMspzytf1qq0slGm2ve1es/Attirance... · doute même qu’elle ait terminé le lycée. Le lendemain matin, je me demande toujours

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SimoneElkeles

ATTIRANCEETCONFUSION

Àmaplusgrandefan,AmberMoosvi

Tum’inspirespartaforce.

Tum’inspirespartoncourage.

Tum’inspires.

Jen’oublieraijamaislapetitephrasequetum’asdite

quandjet’aivuealorsquetufaisaisunechimio

àl’âgede16ansetmenaistaplusgrandebataille:

N’ABANDONNEJAMAIS!

CHAPITRE1DEREK

Jen’avais pasprévudeme faire prendre. Je comptais réaliser un tour tellementunique

qu’on en parlerait pendant des décennies, et me voilà avec cinq amis dans le bureau du

proviseurCrowe,obligédel’écouternousrabâchercommentnotrefarcenel’apasseulement

mis, lui, dans l’embarras, mais aussi tous les professeurs et membres du conseil

d’administrationdeson«pensionnatprestigieux».

—Quipasseauxaveux?demandeCrowe.

JacketSamsontentraindebaliser.David,JasonetRichontdumalànepaséclaterde

rire.Moi,c’est loind’être lapremière foisque jesuisconvoquédanscebureau,alorsçane

mefaitplusaucuneffet.

Pendantlasemainedesexamensfinauxàl’écoleprivéeRégentsPreparatoryAcademy,en

Californie, les terminales bizutent les premières. C’est la tradition. Cette année, les

terminales ont réussi à mettre du colorant bleu dans nos douches et à retirer toutes les

ampoulesdespartiescommunesdenotredortoir.C’étaitlégitimedeleurrendrelamonnaie

deleurpièce.Defairemieux,même.Ilss’attendaientàcequ’onprenneleurdortoird’assaut;

onsentaitbienqu’ilsétaient tendus.Desguetteurs tournaientencontinu,prêtsàdéfendre

leurterritoire.

Jack,moncolocataire,aeulabrillanteidéedegraissertroisbébéscochonsprovenantdela

ferme de son oncle et de les lâcher dans leur dortoir. Sam a suggéré de les lâcher plutôt

pendantlaremisedesdiplômes.Etc’estmoiquiaieul’idéedelesnuméroter...numéroun,

numérotroisetnuméroquatre.Ila fallus’ymettreàsixpouryarriver.L’hymnedel’école

étaitnotrepointderepèrepourlâcherlesbestioles.

Jecroyaisquel’onavaitréussisanssefairepincer,maisons’esttousfaitconvoquerchez

leproviseur.

Martha,sonadjointe,passelatêteparlaporte.

—MonsieurCrowe,onn’atoujourspasmislamainsurlenumérodeux.

Le proviseur s’énerve et gronde. S’il n’était pas aussi crétin, je lui dirais de cesser les

recherches,cariln’yapasdenumérodeux–çafaisaitpartiedelablague.Orc’estlegenre

detypequin’arienàfoutredesélèves.Ilveutjustefairesavoiràtoutlemondequec’estlui

lechef,qu’ilpeutdistribuerdescollesàtourdebrasetvirerdesprofscommeill’entend.Je

l’aivuabuserdesonpouvoirplusd’unefois,cetteannée.

—C’estmoilecoupable!

Je lance laphraseenexagérantbienmonaccentduTexas,puisque la simple idéequ’un

péquenot fréquente son précieux établissement l’horripile. Plus d’une fois, ilm’a reproché

mafaçondeparler,«carrément»ou«grave».

Crowesedressedevantmoi.

—Lesquelsdevospotesiciprésentsvousontaidé?

—Aucun,m’sieur.Jem’ysuispristoutseul.

Ilagiteundoigtdevantmoi.

—Lorsquevotrepèreapprendracela,ilseratrèsdéçu,Derek.

Je sensma colonne se serrer. Mon père, autrement connu comme capitaine de frégate

StevenFitzpatrick, est actuellement enmission,bloquépour sixmoisdansun sous-marin,

totalementcoupédumonde.

Je réfléchis rapidement à ce que peut bien faire Brandi, ma nouvelle belle-mère. Notre

arrangementestparfait.Jeresteàl’internatjusqu’àl’obtentiondemondiplômeetelleloue

une maison près de la base navale avec le gamin de cinq ans qu’elle a eu d’un premier

mariage.SiCrowepensequ’elleseradéçue,ilsemetledoigtdansl’œil.

Ilremontelesépaulesetm’adresseunedesesnombreusesgrimacesquiluidonnentune

têted’ogresousstéroïdes.

— Vous comptez me faire avaler que vous avez volé une des camionnettes de l’école,

transporté quatre cochons à la cérémonie de remise des diplômes, graissé et lâché ces

animauxtoutseul?

Jelanceunregardàmesamisetleurfaissignedelaboucler.Iln’yapasderaisonqu’onse

retrouvetousdanslepétrinseulementparcequeCrowen’aaucunsensdel’humour.

— J’ai agi seul, monsieur. Et techniquement, je n’ai pas volé la camionnette, je l’ai

empruntée.

Ilyavaittroiscochons,etonadûs’ymettreàsix,maisjegardeçapourmoi.Ilvamefiler

des heures de colle etm’ordonner de nettoyer les couloirs ou les toilettes, ou autre chose

d’humiliant.Jem’enfous.Lescollespendantl’étéserontunevraiepartiedeplaisirpuisque,

detoutemanière,moinsdevingtpourcentdesélèvesrestentsurlecampus.

—Vouspouvezyaller,vousautres,annonceCrowe.

Ils’assoitbiendroitdanssongrandfauteuilencuiretempoigneletéléphonetandisque

mesamissortent.

—Martha,appelezMrsFitzpatricketinformez-laquesonbeau-filsestrenvoyé.

Quoi?

—Renvoyé?

Jemanquedem’étouffer.Pasd’avertissement,decolle,d’exclusiontemporaire?

—C’étaituneblagueinnocente...

Ilraccrochedélicatement.

—Renvoyé.Vosactesontdes conséquences,monsieurFitzpatrick.Malgré lesnombreux

avertissements suite à vos tricheries, votre consommation de drogue et vos blagues, vous

avez à nouveau violé notre règlement et vous êtes montré indigne d’étudier à la Régents

Preparatory Academy. Evidemment, cela signifie que vous ne serez pas invité à nous

rejoindrepourvotreannéedeterminale.

Je reste scotché sur place. Je suis en train de rêver. Je connais une douzaine d’autres

élèvesquisesontfaitprendrepourdesblaguessansrécolterlemoindreavertissement.J’ai

accidentellement fait tombermesnotespar terrependantunexamenetMrRappaportm’a

dénoncépourtricherie.Quantàladrogue...d’accord,jesuisrevenubourréd’unesoirée.Mais

j’ignorais qu’on avait glissé de l’ecsta dansmon verre et n’avais pas prévu de vomir sur la

statuedu fondateurde l’école.Etcen’estcertainementpasmoiquiaipubliésur lesitedu

lycéelesphotosdemoientraindegerber.Leterminale,membreduconseildesélèves,quia

fait le coup, n’a jamais été inquiété : personne ne dénoncerait un type dont le cher papa

balanceunpaquetdefricàl’écolechaqueannée.

—Vosexamensfinauxétantpassés.Jevaismemontrermagnanimeetvouslaisservalider

votre annéedepremière.Par respectpour votrepère, je vous accorde égalementquarante-

huitheurespourretirervosaffairesducampus.

Ilcommenceàgrattersurunpapieretlèvelesyeuxens’apercevantquejenebougepas.

—Ceseratout,monsieurFitzpatrick.Magnanime?

Jeréalisel’ampleurdelasituationàmesurequej’approchedudortoirdespremières.On

vientdemevirerdel’écoleetjedoisrentreràlamaison.Avecmabelle-mèrequivitdanssa

bulle,sonpetitmonde.Quellegalère!

Assisauborddesonlit,Jack,moncolocataire,secouelatête.

—IlparaîtqueCrowet’arenvoyé.

—Ouais.

—Peut-êtrequesionretournetouslevoiretqu’onditlavérité,ilreviendrasur...

—Sitonpèrel’apprend,ilteferavivreunenfer.Lesautresserontdanslamêmegalère.

—Tunedevraispasprendrepourlesautres,Derek.

—Net’en faispas,Crowem’avaitdans lecollimateur. Ila trouvé l’excusequ’il lui fallait

pourmevirer.Jevaistrouverunesolution.

Unedemi-heureplustard,appeldeBrandi.Mabelle-mèreestaucourantetferalestrois

heuresderouteentreSanDiegoetl’écoledemain.Ellenecriepas,nemefaitpaslamorale,

neseprendpaspourmamère.Elleditjustequ’elleessaieradeconvaincreCrowederevenir

sur sa décision. Comme si ça allait marcher. Je doute que Brandi ait de grands talents

d’oratriceetn’aipasvraimentconfianceensacapacitédepersuasion.Pourêtrehonnête, je

doutemêmequ’elleaitterminélelycée.

Le lendemain matin, je me demande toujours ce que je vais faire quand les agents de

sécurité cognent à ma porte. On leur a donné l’ordre de m’escorter jusqu’au bureau du

proviseur.

Entraversantlacour,unagentdechaquecôté,j’entendsdesmessesbasses.Ilesttrèsrare

qu’unélèvesoitrenvoyé...Àl’entréedel’accueilsontaccrochéeslesphotosd’anciensélèves

devenuscélèbres:athlètes,astronautes,membresduCongrès,grandshommesd’affaires.Ily

adeuxans,j’auraispuimaginermonportraitaveclesleurs;plusmaintenant.

LesportesdubureaudeCrowes’ouvrentetmesyeuxsefixentsurlafemmeassisedevant

lui. C’est Brandi,mariée àmon père depuis huitmois. Elle a vingt-cinq ans : quatorze de

moinsquelui,etseulementhuitdeplusquemoi.Sestalonsaiguillesorangesontassortisà

sesimmensesbouclesd’oreillesquiluipendentjusqu’auxépaules.Sarobeparaîtdeuxtailles

trop grande, ce qui ne lui ressemble pas. D’habitude, elle porte des habits moulants très

courts,commesiellesortaitenboîte.Entoutcas,ellen’apasl’airàsaplacedanscebureau

toutenacajouetencuirnoir.

Brandimeregardeentrer,puisreportesonattentionsurCrowe.

—Quelschoixavons-nous?demande-t-elleenjouantavecsesbouclesd’oreilles.

Crowefermeledossiersursonbureau.

— Je suis désolémais il n’est pas question de choix. Les crimes odieux impliquant des

animauxnesontpastolérésàlaRégents,madameFitzpatrick.Votrefils...

—Beau-fils,dis-jepourlecorriger.

Crowemeconsidèreavecdégoût.

—Votrebeau-filsadépassélesbornes.Pourcommencer,ilsembleavoirabandonnétoute

activitéextrascolaire.Deplus,ilserendàdesfêtesoùcirculentdrogueetalcool.Sansoublier

la tricherie aux examens et la dégradation des biens de l’école en vomissant dessus. Cette

blague avec des animaux de ferme vivants a fait déborder le vase... Nous nous sommes

montrés patients avec Derek. Nous avons compati aux problèmes qu’il a rencontrés ces

dernièresannées,maiscelan’excusepassoncomportementdedélinquant.Notredevoir,ici,

consisteàfairedenosjeunesélèvesdescitoyensproductifsetdesdirigeantsresponsablesde

leur communauté et de leur environnement. De toute évidence, Derek ne souhaite plus

participeràceprojet.

Laremarquemefaitleverlesyeuxauciel.

—Vousnepouvezpasluidonnerdutravaild’intérêtgénéralou,genre,luifaireécrireun

truccommeune lettred’excuse?demandeBrandien tapotantsesonglesverniscontreson

sacàmainetenfaisanttintersesbracelets.

—J’aibienpeurquenon,madameFitzpatrick.Dereknemelaissepasd’autrechoixquede

lerenvoyer.

—Et,genre,quandvousditesrenvoyer,vousvoulezdirequ’ilnepourrapasrevenirpour

saterminale?

Unrayondelumièrebrillesursonalliance,tristerappeldesonmariageàmonpère.

—C’esttoutàfaitcela.Jesuispiedsetpoingsliés.

Quelmenteur ! C’est lui qui décide des règles et les change en fonction de ses besoins.

Maisjenelemettraipasdevantsescontradictions.Çaneserviraitàrien.

—Madécision est prise, poursuitCrowe. Si vous souhaitezun recoursdevant le conseil

d’administration, dont la majorité des membres ont assisté à la débâcle d’hier pendant la

remisedesdiplômes, libreàvousderemplirlesformulairesprévusàceteffet.Jedoisvous

prévenirqueleprocessusestlongetleschancesd’unrésultatpositifbienminces.Aprésent,

sivousvoulezbienm’excuser,nousn’avonstoujourspasretrouvéundesanimauxquevotre

beau-filsalâchédanslanature...

Brandientrouvreleslèvresdansundernierpetiteffortpourleconvaincre,maisCrowelui

clouelebecd’unmouvementdupoignetverslasortie.

Ellemesuitjusqu’audortoirenfaisantclaquersestalonsaiguillessurlepavé.Clac,clac,

clac,clac.Jen’y avaispas fait attentiondans lebureau,mais elle a vraimentprisdupoids

depuis notre dernière rencontre. Elle se fiche que tout le monde la regarde avec son

accoutrementridicule,sagrossecrinièreblondeetsesrajoutsinterminables.Tellequeje la

connais,ellenedoitmêmepasserendrecomptedesréactionsqu’elleprovoque.

Monpèrem’avait fait asseoirpourm’annoncerqu’ils allaient semarier etqueBrandi le

rendaitheureux.C’estlaseuleraisonpourlaquellejelatolère.

— Peut-être que c’est une bonne chose, finalement, lance-t-elle d’une voix enjouée qui

porteàtraverstoutelacour.

—Unebonnechose?

Jericaneenmetournantverselle:

—Onpeutsavoircequ’ilyadebienexactement?

—J’aidécidéderetournervivredansmafamille,àChicago.Commetonpèreestpartipour

sixmois,jepensequec’estlameilleurechoseàfairepourJulian.Al’automne,ilentreraen

maternelle,tusais.

Ellemefaitungrandsourire.

Elledoits’attendreàcequejesautedejoie.Ouquejeluirendesonsourire.Ellerêve...

—Brandi,jenedéménageraipasàChicago.

—Nesoispasbête,tuvasadorerChicago,Derek.Ilyadelaneigeenhiveret,enautomne,

lesfeuillesont,genre,descouleurstropbelles...

—Tuplaisantes?Neleprendspasmalmaistoietmoi,onn’estpasvraimentunefamille.

ParteztousàChicagosivousvoulez.Moi,jeresteàSanDiego.

Jelavoissemordrelalèvre.

—A ce propos... j’ai rompu le bail.Unenouvelle famille emménageradans lamaison la

semaineprochaine.J’allaist’enparlermaisjesavaisquetesexamensfinauxapprochaientet,

commetudevaispassertoutl’étésurlecampus,jemedisais,genre,quec’étaitpasurgent.

L’horreurmeserreleventre.

—Tuesentraindedireque,genre,j’aipasd’endroitoùhabiter?

—Biensûrquesi,répond-elleensouriant.AChicago,avecJulianetmoi.

—Brandi,enfin,tunepeuxpascroirehonnêtementquejevaisbougeràChicagopourma

terminale?

OnquitteChicagopourlaCalifornie,pasl’inverse.

—JeteprometsquetuvasadorerChicago!

Non...

Malheureusement, je n’ai personne chez qui aller en Californie. Mes grands-parents

paternelssontmortsetj’aicrucomprendrequemongrand-pèrematernelétaitdécédéilya

quelquetemps.Quantàmagrand-mèrematernelle...disonsqu’ellevitauTexas,point.Plutôt

creverqued’allervivreavecelle.

—Jen’aipaslechoix,n’est-cepas?

—Pasvraiment,dit-elleenhaussantlesépaules.Tonpèret’amissousmaresponsabilité.

Situnepeuxpasresterici,ilfaudraquetuhabitesavecmoi...àChicago.

Si elle prononce encore une fois cemot,ma tête va exploser. J’ai l’impression d’être en

pleincauchemar.J’espèrequejevaismeréveillerd’uninstantàl’autre.

—Ilyaencoreunechosequejenet’aipasdite,ajouteBrandicommesielleparlaitàun

gamin.

Jemefrottelebasdelanuque;jesensunnœudentraindeseformer.

—Quoi?

Elleposeunemainsursonventreetlance,toutexcitée:

—Jesuisenceinte!

Putain.C’est.Pas.Vrai.

Lenœuddanslanuquecommenceàtirerdetoutesparts,commes’ilvoulaitsortir.C’est

uncauchemar,aucundoute...

J’aienviequ’ellemedisequec’estuneblague,maisnon.Déjàquemonpèreaépousécette

bimbo.Jepensaisqu’ilserendraitcomptedesonerreur,maismaintenant...unbébéleslieà

jamais.

J’ensuismalade.

— Je comptais garder le secret jusqu’à ta venue pour la Fête nationale, explique-t-elle,

surexcitée. Surprise !Tonpère etmoi, on attendun enfant. Je croisque ton renvoi estun

signequenousdevonstousvivreensembleàChicago.Enfamille.

Ellese trompe.Jeveuxbienquemonrenvoisoit lesignedequelquechose,maispasde

ça...C’estjustelesignequemavieestfoutue.

CHAPITRE2ASHTYN

DepuismapremièreannéeaulycéeFremont,jesuislaseulefilledansl’équipedefootball

américain,alorsjenem’enfaispasquandDieter,notrecoach,crieauxgarçonsdesecouvrir

lorsque jeme dirige vers le vestiaire avant la première séance de l’été.Quand je lui passe

devant,monentraîneurmetapedansledos,commeàtouslesgarçons.

—Prêtepourlaterminale,Parker?

—C’estlapremièresemainedesvacances,coach.Laissez-moienprofiter.

—N’enprofitepas trop.Soisà fondpendant lesentraînementset tonstageauTexas.Je

veuxqu’ongagne,lasaisonprochaine.

—On gagnera le championnat d’Etat pour la première fois depuis quarante ans, coach !

crieundemescoéquipiers.

Le reste de l’équipe, moi y compris, pousse des cris de joie. On a failli intégrer ce

championnatlasaisondernière,maisonaperduauxéliminatoires.

— Très bien, très bien, lance Dieter. Ne vous emballez pas. On commence par le plus

important:lemomentestvenudevoterpourlecapitainequivousconduiraàlavictoire.

Le titredecapitaineest trèsconvoitédansmonécole. Ilyaun tasdeclubsetd’équipes

sportives,maisuneseulecomptevraiment : l’équipede footballaméricain.Jeregardemon

copain, Landon McKnight, avec fierté, certaine qu’il va être élu. C’est le quarterback de

l’équipeprincipaleetons’attendàcequ’ilnousmèneauchampionnatdel’Illinois.Sonpère

était quarterback dans la NFL, la ligue nationale de football américain, et Landon devrait

suivresespas.L’annéedernière,ilarameutéplusieursfoisdesrecruteursd’universitépour

qu’ils voient son fils jouer. Avec son talent et son réseau, il lui obtiendra sûrement une

bourse.

Onacommencéàsortirensembleaudébutdelasaisondernière,quandDieterm’amise

au poste de kicker de l’équipe principale. J’ai amélioréma technique tout l’été avantmon

entrée en première ; cela en valait la peine. Les garçons de l’équipe me regardaient à

l’entraînement,prenaientlesparissurlenombredetirsquejepouvaismarquerd’affilée.

Audébut,j’étaiscomplexéeparlefaitd’êtrelaseulefilledansl’équipe.Jerépondaispeu,

dansl’espoirdemefaireaccepter.Lesgarçonsbalançaientdesremarquespourm’intimider

mais je riaisaveceuxet répondais coupsur coup.Jen’ai jamais souhaitéde traitementde

faveur;jemesuisbattuepourêtreconsidéréecommen’importequeljoueur.Ilsetrouveque

jesuisunefille,c’esttout.

Dieter,danssonpantalonkakihabitueletsonpolomarquéFREMONTREBELSdunom

del’équipeenlettresbrodées,metendmonbulletindevote.Landonmefaitunsignedetête.

Toutlemondesaitqu’onestensemble,maisnousrestonsdiscretsàl’entraînement.

J’écrissonnomsurlebulletinetlerends.

Dieter passe en revue notre programme d’entraînement pendant que ses assistants

s’occupentdudépouillement.

—Vousnegagnerezaucunmatchleculvissésurvotrechaise,s’écrie-t-ilaubeaumilieude

sondiscours.Cette année, on attend encoreplusde recruteurs qued’habitude. Je sais que

vousêtesnombreuxàvouloirjouerenuniversitaire.Lesterminales,cetteannée,vousdevrez

montrercequevousavezdansleventre.

Dieterneditpas ceque tout lemonde sait, à savoirque les recruteursviennent surtout

voirLandon.Maisleurprésenceprofiteraàtous.

Ceseraitgénialdejouerauniveauuniversitaire.Pourtant,jenemefaisaucuneillusion:

les recruteurs ne viendront pas taper àma porte. Seule une poignée de filles ont déjà été

sélectionnéespour jouerdansdeséquipesuniversitaires,et laplupart,sansboursed’étude,

fontde la figuration. SaufKatieCalhoun, la première fille à avoir obtenuuneboursepour

jouerenDivision1.Jeferaisn’importequoipourluiressembler.

J’aidûregarderdesmatchsdefootballavecmonpèredèsmonplusjeuneâge.Mêmeaprès

ledépartdemamère,etledésengagementdepapaentantquepère,onacontinuéàsuivre

l’équipedesBearsdeChicago.Lui-mêmeaétékickeraulycéeFremont,ilyaquaranteans,la

premièreetdernièrefoisquelelycéearemportéletitred’État.Labanderoleduchampionnat

flotteencoresurlemurdugymnase.

Je suppose qu’intégrer l’équipe de football américain à mon arrivée au lycée était une

façon pourmoi de renouer le contact avecmon père. Peut-être qu’enme voyantmarquer

suffisammentdepoints,ilseraitimpressionné...

J’espérais qu’il viendrait m’encourager aux matchs, mais il n’est jamais venu. Pas une

seulefois,etjevaisentrerenterminaleàl’automne.Mamère,nonplus,nem’ajamaisvue

jouer.ElleestpartievivreàNewYorketjen’aipaseudenouvellesd’elledepuisprèsd’unan.

Unjour,jemontreraiàmesparentstoutcequ’ilsontraté;ilscomprendrontàquelpointils

ontéténuls.

Heureusement,j’aiLandonàmescôtés.

Dieterconclutsongranddiscourspournousboosterquandundesassistantsluitendles

résultatsduvote.Illitlepapierensilence,acquiesce,puisécritsurletableaublanc:

CAPITAINE

ASHTYNPARKER

Hein?quoi?

C’estimpossible.J’aidûmallire.

Jeclignedesyeuxtandisquemescoéquipiersmetapentdansledos.C’estbeletbienmon

nomquiestécrit.Iln’yapasd’erreur.

JetThacker,notreailierfétiche,pousseungrandcri:

—Bienjoué,Parker!

Lesautresscandentmonnom:Parker!Parker!Parker!

Jeme tourneversLandon,quinedécollepas lesyeuxdu tableaublanc. J’aimeraisqu’il

me regarde,me félicite, oume fasse comprendre que ça lui va.Mais non. Je sais qu’il est

choqué,etmoiaussi.J’ail’impressionquelaTerrevientdetremblersursonaxe.

Dieterdonneuncoupdesifflet.

—Parker,dansmonbureau.Lesautres,vouspouvezyaller.

—Bravo,Ashtyn,marmonneLandon.

Il s’arrête à peine devant moi en sortant. Je voudrais le retenir, lui dire que je ne

comprendspas,maisildisparaîtavantquejenepuissefairequoiquecesoit.

JesuisDieterdanssonbureau.

—Félicitations,Parker.

Ilm’offreunécussonavecla lettreCpourquejepuisselecoudresurmavestedesport.

Onenmettraunautresurmonmaillot.

—Apartirdumoisd’août,onseverrachaquesemaineavectouslesentraîneurs.Tudevras

maintenirtamoyenneetcontinueràdirigertonéquipe,surleterraincommeendehors.

Ildétaillemesnouvellesresponsabilitésavantdeconclure:

—L’équipecomptesurtoi,etmoiaussi.

Jepasseledoigtsurlapiècebrodée,lareposesurlebureauetmeredresse.

—Landonméritaitceposte,coach.Pasmoi.Jevaisdémissionneretluilaisserma...

—Jet’arrêtetoutdesuite,Parker,m’interrompt-ild’ungestedelamain.C’esttoiquiviens

d’être élue capitaine, pasMcKnight. Je n’ai aucun respect pour ceux qui baissent les bras

lorsqu’onleurdemanded’agirpourleurscamarades.Tucomptesbaisserlesbras?

—Non,monsieur.

Ilmerendl’écusson.

—Alorsauboulot.

Deretourdanslesvestiaires,jem’appuiecontreuncasieretscrutel’écussonmarquéd’un

grandC.Capitaine.J’inspire profondément en prenant lamesure des événements.Onm’a

éluecapitainedel’équipedefootballaméricain...

Moi, Ashtyn Parker... Je suis honorée et reconnaissante envers mes coéquipiers.

Cependant,jerestesouslechoc.

Dehors, j’espère trouver Landon m’attendant devant ma voiture. Mais ce sont Victor

SalazaretJetThackerquidiscutentdevantmavieilleDodgetoutecabossée,quiauraitbien

besoind’uncoupdepeinture...etd’unnouveaumoteur,tantqu’onyest.

Victor,notrelinebackercentral,quiaplusdehargnequen’importequeljoueurd’Illinois,

n’estpasbavard.Sonpèrepossèdeengros toute lavilleetVicdoitobéirà toussesordres.

Quand il a ledos tourné,pourtant,Vic est sans limite, un vraidémon.C’est comme s’il se

fichaitdevivreoudemourir,et,pourcetteraison,ilestredoutablesurleterrain.

Jetpassesonbrasautourdemonépaule.

—TusaisqueFairfieldvasefrotterlesmainsenapprenantquesarivalevaavoirunefille

commecapitaine.CesenfoirésontbalancédesœufssurlamaisondeChadYounglejourde

sonélection,l’andernier.Ducoup,ons’estvengésetonacouvertlamaisondeleurcapitaine

avecduPQ.Faisgaffeàtoi,Parker.Quandlanouvelleauracirculé,tuserasprisepourcible.

—Jetedéfendrai,assureVicd’unairbourrumaissincère.

—Ontedéfendratous,enchaîneJet.Sois-ensûre.Prisepourcible?Jemerépèteque je

peuxgérerlasituation.Jesuisforte,solide,etjen’aipasl’habitudedemelaisserfaire.

Jenebaisseraipaslesbras.

Aprèstout,jesuislenouveaucapitainedel’équipedefootballdulycéeFremont!

CHAPITRE3DEREK

J’ai lesmuscles tendus alors que nous nous garons enfin devant unemaison en brique

rougeàdeuxétages,dans labanlieuedeChicago.J’ai conduit leSUVdemonpèreet suivi

BrandidanssanouvelleToyotablancheauxjantesflashy.Troisjoursderoute...

Un homme âgé apparaît sur le perron. Ses cheveux bruns commencent à grisonner aux

tempesetilnesouritpas.IldévisageBrandicommeuneétrangère.C’estuneconfrontation

etnil’unnil’autrenesemblentprêtsàfairelepremierpas.

J’ignore ce qu’il s’est passé entre Brandi et son vieux. Elle ne m’a pas expliqué grand-

chose, si ce n’est qu’elle est partie après le divorce de ses parents et qu’elle n’est jamais

revenue.Jusqu’àaujourd’hui.

Brandi prend Julian par la main et hisse en haut des marches son petit garçon qui

somnole.

—Jeteprésentemonfils.Julian,disbonjouràPapy.

Le fils deBrandi est un gamin super qui userait les oreilles de n’importe qui à force de

parler.Maislà,ilfaitsontimideetrefusedesaluersongrand-père.Ilgardelesyeuxrivéssur

seschaussures,etlevieuxfaitpareil.

Brandifinitparmeprésenterd’ungestedelamainetsonpèrerelèvelatête:

—Etvoicimonbeau-fils,Derek.

—Tunem’asjamaisparléd’unbeau-fils...

Celanem’étonnepasqueBrandiaitoubliédeluiparlerdemoi.Elleetlesenscommun,ça

faitdeux.

Elle penche la tête de côté ; ses grandes créoles rouges ressemblent à des anneaux de

cirque.Elledoitavoirunepairedechaquecouleurpourlesaccorderàsagarde-robe.

—Ahnon?Jesuistellementdistraite,j’aidûoublier...Entreledéménagement,lescartons

etlereste...Derekpeuts’installerdanslebureau?

— Le bureau est rempli de cartons. Et j’ai donné le vieux canapé qui s’y trouvait à une

œuvredecharité.

Jemepermetsd’intervenir:

—Sivouspréférez,monsieur,jedormiraisurleperron.Donnez-moijusteunecouverture,

jetez-moiquelquesrestesdetempsentemps,çadevraitaller.

Danslesmomentscommecelui-là,jesuistellementnerveuxque,malgrétousmesefforts,

jesuisincapablederetenirmessarcasmes.

LepèredeBrandi fixesonregardsurmoi.Si je lâchais troiscochonscouvertsdegraisse

danssonjardin,illestueraitetlesmangeraitavantdemedépecervivant.

— Tu plaisantes, s’exclame Brandi. Derek s’installera dansmon ancienne chambre avec

Julianetjedormiraidanslecanapédusalon.

—Jevaisdéplacerlescartonsetmettreunmatelasgonflabledanslebureau,conclutson

pèreavecréticenceencomprenantquejen’étaispasprêtàretournerenCalifornie.

—Çameva,luidis-je.

Detoutemanière,jenecomptepasm’éterniserdanscettemaison.

—Derek,est-cequetupeuxaidermonpèreàrentrernosaffairesdanslamaisonpendant

quejebordeJulianpoursasieste?Levoyagem’aépuiséeetj’aibesoindemereposer,moi

aussi.

Jeremarquequ’ellen’apascrachélemorceauàsonpèreausujetdesagrossesse.Ellene

pourrapasgarderlesecretbienlongtemps.

Sansmelaisserletempsderépondre,elleseglisseparlaported’entréeavecJulianetme

planteaveclevieuxgrincheux,quimesondedehautenbas.Manifestement,jeneluifaispas

bonneimpression.

—Quelâgetuas?demande-t-ild’unevoixrocailleuse.

—Dix-septans.

—Nem’appellepasPapy.

—Jen’enavaispasl’intention.

—Bien,soupire-t-il.J’imaginequetupeuxm’appelerGus.

Jedoisavoirl’airaussicontentd’êtrelàqueluidemerecevoirchezlui.

—Turentresoutuvasresterplantélàtoutelajournéeàattendrequ’ont’invite?

Il disparaît à l’intérieur. Je suis tenté de ne pas le suivre mais je n’ai pas vraiment le

choix...

Lamaison est une vieille baraque, avec un parquet sombre et desmeubles rentabilisés

depuislongtemps.Lesplanchesdeboiscraquentsousmespas,unevraiemaisonhantée.

Ilmeconduitlelongd’uncouloirjusqu’àlapiècedufondetouvrelaporte.

—Voicitachambre.Jeveuxqu’ellerestepropre,tuferasaussitalessivetoutseulettute

rendrasutile.

— J’aurai de l’argent de poche ? dis-je pour plaisanter. Son visage reste totalement

inexpressif.

—T’esunrigolo,toi,hein?

—Quandlesgensontlesensdel’humour,ouais.

Ilgrogneunboncoupenguisederéponse.

Gusfaitdemi-touretjelesuisjusqu’àlavoiture.Jenem’attendaispasàcequ’ilm’aideà

décharger nos cartons. Pourtant, il ne nous faut pas longtemps pour tout apporter à

l’intérieur. On dépose les affaires de Julian et Brandi dans leur chambre, à l’étage, et les

miennesdanslebureau.Nousn’échangeonspasunmot.Cettecohabitationpromet...etpas

danslebonsens.

Jerassemblemescartonsdansuncoindemachambrepour fairede laplacequandGus

réapparaît.Sansunmot, ilme tendunmatelasgonflable etme laissemedébrouiller avec.

J’aidumalàcomprendrepourquoiBranditienttantàrevenirvivreavecunpèrequi,detoute

évidence,neveutpasd’elle.

Monpèreesttoutlecontrairedusien.Quandj’étaispetitetqu’ilrentraitenpermission,il

étaittoutsouriresàlasecondeoùilnousapercevait.Ilnousembrassaitsifort,mamèreet

moi,qu’onfaisaitsemblantd’étouffer.

LepèredeBrandin’amêmepasprissafilledanssesbras,alorsqu’ilsnesesontpasvus

depuisdesannées.Ilsnesesontmêmepasserrélamainoutapédansledos.Etilaàpeine

remarquésonproprepetit-fils.

Jeglissemavalisederrièrelaporteetjetteunœilàmanouvellechambre.Lesmurssont

couverts d’un vieux lambris. Il y a des cartons partout.Dans un coin se trouve une vieille

cheminéequin’apasdûservirdepuisdessiècles.Aumoins,deuxfenêtreséclairentlapièce.

Cetendroitn’adécidémentriend’unchez-soi...Rienàvoirnonplusavecl’internatdulycée,

oùj’étaisentouréd’amis.Quellegalèred’êtreici.

Soudain,j’ail’impressiond’étoufferetfiledanslejardin,àl’arrière.

Ilfaitchaud,lesoleilcogne;j’enlèvemonT-shirtetleglissedanslaceinturedemonjean.

L’herbeestsihautequ’onn’ajamaisdûlatondre.Jetraverselapelousejusqu’àuncabanon

enboisàlapeintureeffritée.Levieuxcadenassurleloquetestouvertetj’ouvrelaporte.A

l’intérieur,desoutilsdejardinrouilléspendentàdescrochets,desbombesdepeintureetdes

sacsdedésherbant traînent surun établi etdespetits seaux enmétal jonchent le sol. J’en

pousseunaveclepiedetenramasseunautreensongeantàtousleschamboulementsqu’a

subismaviedepuisdeuxans.

Jejureàmi-voixetjetteleseauàtraverslecabanon.Lebruitdumétalrésonnedanscet

espaceexigu.

—Arrêtezouj’appellelapolice!s’écrieunevoixdefillederrièremoi.

Jemetourneetdécouvreunenanacanonquidoitavoirmonâge.Sescheveuxblondssont

rassemblésenunelonguetressequidescendsursapoitrine.Ellebloquelasortie,serrantune

fourcherouilléeentrelesmains.Ondiraitqu’elleestprêteàmetuer,cequilarendàpeine

moinsjolie.

—Tuesqui,toi?demandé-je.

Je remarque alors son T-shirt noir et son sweat à capuche assorti. On dirait une de ces

guerrièressexyqu’onvoitdanslesjeuxvidéooulesfilmsd’action.Mebattrecontreelledans

unjeuseraitvraimentcoolmaisdanslavraievie,çanemeditrien.

Acôtéd’ellesedresseunchienmonstrueuxaupoilgrisetrasetauxyeuxd’aciercomme

ceuxdesamaîtresse.Ilgrondecommesij’étaisdelaviandefraîcheetqu’iln’avaitpasmangé

depuisdesmois.Desflotsdebavevolentàchaqueaboiement.

—Falkor,ducalme!ordonnelaguerrière.

Labêtesetait,maissabouchesetorddangereusement.Ilsetientàcôtéd’ellecommeun

soldat,prêtàbondir.

—LaracailledeFairfield,vouscroyezquevouspouvezveniriciet...

Je lèveunemainpour interrompresatirade.Moi,uneracaille?C’est lameilleure.Cette

filleignoreàquielleparle.Onnem’ajamaistraitéderacailleauparavant.

— Je suis désolé de te décevoir, chérie,mais je n’ai pas lamoindre idée d’où se trouve

Fairfield.

—Ben,voyons!Prends-moipouruneidiote.Jenesuispastachérie.Etlaissetomberton

fauxaccentduSud.

Soudain, le chien est attiré par des bruissements dans le jardin. Il quitte son poste et

bonditversunebestiolemalchanceuse.

—Falkor,reviens!crielafille.

Maisill’ignorecomplètement.

Jefaisunpasverselleetlasortie.

—Posecettefourche,s’ilteplaît...

—Jetepréviens...unpasdeplusetjeteplante.

Sesmainstremblantesmedisentqu’elleestincapabledemettresamenaceàexécution.

Jelèvelesbrasetfaisminedemerendre.

—Tun’aspasvraimentenviedemeplanter.

—Oh,jecroisquesi.

Elle ferme ses yeux féroces. L’espace d’un instant, je suis certain qu’elle va baisser son

arme,quandj’entendsquelquechosecraquerderrièremoi–unoutilquitombesurlesol.Le

bruitlasurprend,elleaussi,etellelâchelafourche...surmonpied!

Quelleconne!

Ellefixeladentacéréequiressortdemachaussuregaucheetrestebouchebée.Puis,enun

clind’œil,elles’enfuitetclaquelaportederrièreelle.L’obscuritém’enveloppeetj’entendsle

bruitducadenasserefermer.

Jenesaispassijesuisuneracaille,maisunechoseestsûre:cettefilleestunefolle.

CHAPITRE4ASHTYN

J’arrive pas à le croire, je viens de planter quelqu’un ! Une racaille de Fairfield que je

voyaispourlapremièrefois.Ilétaitgrandetbeaucouptropmignonavecsescheveuxbruns

enbataillequiressortaientdesonbonnet.Commesicelanesuffisaitpas,ilsebaladaittorse

nuetilétaitparfaitementtaillé.Dansunautrecontexte,jel’auraisprispourunmannequin.

Ilcroyaitsincèrementqu’ilallaitpouvoirvandalisernotrepropriétéavecsesvieillesbombes

depeinture?CesabrutisdeFairfield font toujoursdugrabugedanscettepartiede laville.

J’entendsencore l’avertissementdeJet.Onm’aéluecapitaineet je suisdevenueunecible

dèsquelanouvelles’estrépandue...

Je coursaussi vitequepossible vers lamaison. Je refusede céderà lapanique,mais ce

n’estpasgagné.

—Papa!Ilyauntypequi...

Ma voix s’estompe alors que j’aperçois une femme étrange dans notre cuisine, debout

devant le réfrigérateur ouvert. Elle porte une robe d’été rouge et des boucles d’oreilles

assorties.J’ail’impressionqu’elleveutvolernotrenourriturequand,soudain,ellemefaitun

sourireéclatant:

—Salut!Waouh,commeelleagrandi,masœurette!Jen’encroispasmesyeux...

Lafemmen’estpasunevoleuse.C’estmasœur,Brandi.Enchairetenos.Jelareconnais,

à présent... Une version plus âgée de la fille de dix-huit ans qui nous a quittés alors que

j’entraisaucollège.

—Euh...salut,luidis-je,unpeuhébétée.

Papam’apourtantditqueBrandiallaitpasserquelquetempscheznous.Maisjenel’aipas

cru,carmasœurn’aniappelé,niécrit,e-mailoutexto,depuissondépartquandj’avaisdix

ans.Pasmêmepourm’annoncerqu’elleavaiteuunfilsavecsonex,Nick,puisqu’elles’était

mariéeavecungarsdelaNavy.Jel’aiapprisencroisantparhasardunancienamiàelle.

Songrand«salut» joyeuxpourrait laissercroirequ’elleestpartiehier,alorsqueça fait

septans.

Commeilyaunintrusdanslecabanonavecunefourchedanslepied,jepréfèreretarder

nosretrouvailles.

—OùestPapa?

—Jecroisqu’ilestpartitravailler.

—Oh,non.C’estmauvais,ça.

Jememordsla lèvreavecinquiétude.Est-cequ’onvam’arrêter?Dieterneserapasravi

d’apprendrequ’uneheureaprèsmonélection,j’aiblesséquelqu’un.Onoubliemamoyenne:

planterdesgensdanslepiedn’estpasdigned’uncapitaine.Mais j’aiunebonneexcuse: je

défendaislamaison...ou,plutôt,lecabanon.Qu’est-cequejedoisfaire?Appelerlapoliceou

uneambulance?

—Qu’est-cequ’ilt’arrive?demandeBrandi.

—Hum...onaunpetitproblèmeàl’arrière.

Jetressailleaufildesmots.

—Quelgenredeproblème?

— Je viens d’enfermer un joueur de football américain de Fairfield dans notre cabanon.

Cesmecssontdesanimaux.

Jeluiexpliquerapidementetluifaissignedemesuivre.

—Jeluiaiditdepartirmaisilarefusé.Jenevoulaispasleblesser.

Masœurmeregarde,lesyeuxécarquillés.

—Tul’asblessé?OmonDieu!Qu’est-cequ’onvafaire?Hum... jesais!Derekvanous

aider!

Masœurclaquelaporteduréfrigérateuretseprécipiteverslebureauenhurlant:

—Derek!

—C’estqui,Derek?

Netrouvantpersonne,ellecourtdanslesalon,faisantvolersescheveuxblondsdécolorés.

—Derek,t’eslà?

—C’estqui,ceDerek?

Jecroyaisquesonmaris’appelaitSteve.Ilestcenséêtreenmissionetnedoitpasrevenir

avantunmoment.Est-cequeBrandil’adéjàjetépourpasseràunautre?Çanem’étonnerait

pas.Ellen’ajamaisététrèsstable.

—Derekestmonbeau-fils,Ashtyn.

Jelasuisdansl’escalier.

—Derek,onabesoindetonaide!crie-t-elleencore.Oùes-tu?

Sonbeau-fils?Dequoielleparle?Elleaunfilsquis’appelleJulian,mais jen’ai jamais

entenduparlerd’unautregamin.

—Tuasunbeau-fils?

—Oui,l’enfantdeSteve.

—Enquoiest-cequelegamindeStevevanousêtreutile,Brandi?

Jelavoisseretournerd’uncoupenfronçantlessourcils.

—Derekn’ariend’ungamin,Ashtyn.Iladix-septans.

Dix-septans?Commemoi?

Soudain,j’aiunmauvaispressentiment.Non,çanepeutpasêtrelui.Etsi...

—Est-cequ’ilestgrand...avecdesyeuxbleus,unaccentduSud,etunbonnet?

Moncœurbatsivitequej’ail’impressionqu’ilvam’arracherlapoitrine.

Lesyeuxdemasœurs’écarquillentetonréaliseenmêmetempsl’horribleerreurquej’ai

commise. On se précipite vers le cabanon où j’arrive la première. Falkor, surexcité, aboie

commeundémentenagitantsalonguequeue.

Branditambourineàlaporte.

— Derek, c’est moi. Je t’en prie, dis-moi que, genre, tu ne vas pas pisser le sang à en

mourir.

—Pasencore,répondunevoixétouffée.Branditiresurlecadenas.

—Ashtyn,oùestlaclé?Hum...

—Laclé?

Toujourscesgrandsyeuxécarquillés.

—Ouais,laclé!Tusais,cesmachinsenmétalavecuneformebizarrequiserventàouvrir

lesportes.Elleestoù?

—J’ensaisrien.

—Tublagues?gémitDerek.

—Net’inquiètepas,onvatesortirdelà,s’écriemasœur.Ashtyn,oùest-cequePaparange

sesgrossestenaillesaiguisées?

—Danslecabanon...

Elleramassealorsunepierreetcommenceàfrapperlecadenas.

—Jepourraisdéfoncerlaporte,s’exclameDerek,maisjenesuispassûrqueletoittienne.

—Non!hurlé-je.

Je ne veux pas être responsable et du pied tranché du beau-fils de Brandi et de

l’effondrementd’unecabanesursatête.Ilrisquedefinirbroyé.Etpuisilyabeaucouptrop

d’outilstranchants,quipourraientluicouperdespartiesvraimentimportantes.Jemegratte

la tête... Où peut bien se trouver cette clé ? Cette porte n’a pas été verrouillée depuis des

années.

—Attendez!faitBrandiencessantdefrapperavecsoncaillou.Laissez-moiréfléchirune

seconde...

Jepréfèreignorerlegrognementprovenantducabanon.J’aiuneidée.

—Essaiede trouverunarrosoir,Derek.Papacachaitundoublede laclédedans.Si tu la

trouves,tun’aurasqu’àlaglissersouslaporte.Jesaisqu’ilfaitnoirmais...

— Je vais utiliser la lumière de mon portable, répond Derek en se mettant à fouiller.

Trouvé!

Jen’auraisjamaiscruquecemotmerendraitsiheureuse.

Derekpousselaclédansuninterstice.Brandiouvrelecadenas,puislaporte,etjecherche

sonbeau-filsdu regard.Dereket sesabdos sontappuyés contre l’établi. Il a l’airdétendu ;

peut-êtreunpoilirrité,maisilnesevidepasdesonsang.

— Derek, je te présentema sœur Ashtyn, annonce Brandi en se précipitant sur lui. Ta,

euh...,tanteparalliance.C’estmarrantquevousayezlemêmeâge,non?

—Hilarant.

Ilsecouelatête.Iln’arrivepasàycroireetiln’estpasleseul.

Brandiposesonregardsurlafourchequigîtàterre,puisinspectelepieddeDerek.Ilaun

troudanssachaussuregauche.

—MonDieu!Tul’asvraimentplanté!

Elles’agenouillecommeunevraiemèrepouleterroriséeetexaminelachaussure.

—Jel’aipasfaitexprès.

—Aumoins, ellene sait pas viser, enchaîneDerekavecune voixde séducteur.Ellem’a

justeégratignél’orteil.

Brandisemordillelalèvre.

—Etletétanos?LepédiatredeJulianditqu’onpeutmourirensecoupantavecuntruc

rouillé.

—T’inquiètepas,petitgars, lanceDerekàquelqu’underrièremoi.Onm’a faitunvaccin

l’andernier.

Petitgars?Jeme tournepour voir àqui il parle.Unadorablepetit garçonaux cheveux

blondsnousarejoints,detouteévidencemonneveuJulian.Ilfixeletroudanslachaussure

deDerek puisme dévisage, terrorisé, comme si j’étais la Faucheuse venue sur Terre pour

récolterdesâmesetlesramenerenEnferavecmoi.

Branditapotelatêtedesonfils.

—Ashtyn,jeteprésenteJulian.Julian,disbonjouràTatieAshtyn.

Julianrefusedemeregarder;iladmireDerekcommeunhéros.

—N’aiepaspeurd’elle,luiditcedernier.Tatanten’estpasméchante.Elleestjustefolle.

CHAPITRE5DEREK

Pendant le restede la journée, je fuis la guerrièrepsychopathequim’a enfermédans le

cabanon.Elle,enrevanche,nesemblepasressentirlebesoindem’éviter:aubeaumilieude

maconversationavecJackautéléphone,elledébouledanslebureausansfrapper,sonchien

degardesurlestalons.

—Onauncompteàrégler.

Elle a les bras croisés sur la poitrine, son molosse ancré dans le sol à côté d’elle. S’il

pouvaitcroiserlespattes,luiaussi,illeferait.

Amusé,jelèveunsourcil.

—Jack,jeterappelle.

Je glissemon portable dansma poche,m’appuie contre lemur et pose les pieds sur le

cartonmarquéHABITSD’HIVERquimesertdetablebasse.

—Maisréglonstoutcequetuveux.Monironieneluiapaséchappé.

Ellepréfèrepasseroutreetsouffleungrandcoup.

—Toutd’abord, tudois expliquer àmonneveuque jene suis pas folle. Il refusedeme

regarder.

J’enailepiedquifrétille.

—Ce n’est pasmoi quimenace des innocents avec une fourche et les accuse d’être des

racailles.

—Ouais, ben peut-être que tu aurais dûmedire qui tu étais, dès le départ, et éviter de

porter un bonnet en plein été. Ma sœur ne nous avait pas dit qu’elle avait un beau-fils.

Commentj’auraispusavoir?

—Moi,ellenem’apasditqu’elleavaitunesœur.Etmonbonnet...cen’estqu’unbonnet.

—Ons’enfiche.Çam’aperturbée.

—Pourquoituteprendsautantlatête?Détends-toi...

J’agitelepiedsoussonnez.

—Siçapeutteconsoler,tupeuxmelemasseretonseraquitte.

Ellebaisselesyeuxversmesorteilsavecdégoût.

—Tutetrouvesdrôle,n’est-cepas?

—Disonsque jem’amuseunpeu, dis-je en regardantmonpied. J’imaginequ’onoublie

pourlemassage?

—Écoute,Cow-boy,dit-elleendécouvrantmacollectiondebottesalignéesdansuncoin,

onvamettreleschosesauclair.Tuaspeut-êtrel’habitudequelesfillestemassentlespieds

oufassentcequetuveuxdèsquetusourisoumontrestesabdos,maisçanemarchepasavec

moi.Jesuisavecdesjoueursdefootballaméricaindumatinausoiralorstombersurunmec

musclé,c’estcommevoirunestatue:çanemefaitriendutout.

—Dis-moi,alors,commentjefaispourattirertonattention?

—Ah,tuaimeraissavoir...

Plutôt,ouais.Etjesensquejevaislesavoirtrèsbientôt.Ashtynestdécidémentunefille

qui joue selon ses propres règles. Mais plus je l’énerve et plus je lui fais de l’effet. Je

m’apprêteàluisortiruneremarquebientrouvéequandFalkorpousseungrognement,s’étire

etselèchelesbonbons.

—Tonchienadesproblèmes,ondirait.

—Onatousdesproblèmes,réplique-t-elleenmefixantdroitdanslesyeux.Maisnevapas

t’intéresserauxmiensoutemêlerdemesaffaires.

—Ashtyn,memêlerdetesprécieusesaffairesestbienladernièrechosedontj’aienvie.Tes

affaires,tesproblèmes,peuimporte.

—Bien!lance-t-elleenrejetantsatresseenarrière.Aumoins,noussommesd’accord.

Brandipasseune têtepar laporte, ses grandesbouclesd’oreilles sebalançantdepart et

d’autredesonvisage.

—Commenttutesens,Derek?demande-t-elleavecunecertaineinquiétudedanslavoix.

—Ashtynétaitsurlepointdememasserlepied.Tunem’avaispasditquetasœurétait

doucecommeunsucred’orge.

Brandiposeunemaincontresoncœur.

—Oh.C’estsupercooldetapartdeluipardonnercommeça,Derek.Ledînerestprêt,c’est

quandvousvoulez.

Elles’envaetAshtyn,lesmainssurleshanches,lèveunsourcil.

—Sucred’orge,moncul!lâche-t-elleavantdes’éclipser.Danslacuisine,lepèredeBrandi

présideunetableenchêneentouréedesixchaisesenbois.Julians’empiffredepuréesansla

moindretracedepommesdeterrevéritables–samèren’ajamaisdûluicuisinerautrechose

quedesboîtes.Ashtynestassiseenfacedelui.Ellelèvelatêteetnosregardssecroisent.Un

mouvementdesourcildemapartlafaitreplongerdanssonassiette.

Je vais me laver les mains dans l’évier en faisant semblant, par pur plaisir, de ne pas

vouloirattirersonattention.

—Tuasfaitunebonnesieste,bonhomme?

Julianacquiesce.J’aperçoisuntrèslégersouriresursonvisagequandjeluifrottelatêteet

meglisseàcôtédelui...enfaced’elle.

J’inspectelanourrituresurlatable:dupouletfritquinedoitavoirdepouletquelenom,

de la purée instantanée et des pâtes qui baignent dans une sauceAlfredo. Il faudra que je

fasselescoursesdetempsentempssijeveuxmangerautrementquedel’industriel.Detoute

évidence,mangersainn’estpasuneprioritédelafamilleParker.

Discuternonplus.

Le silence n’est brisé que par le tintement des couverts dans les assiettes et un

toussotementoccasionnel.Est-cequ’ilssonttouslesjourscommeça?Monpèreatoujours

des histoires incroyables à raconter et ferait parler unmuet.Ce doit être un talent inné, à

moinsquecenesoitunetechniqued’interrogatoireappriseà l’armée.Quoiqu’ilensoit, je

n’aipascedon.Balancerdelapuréeàtraverslapiècepourégayerlasoiréeseraitplusdans

mescordes,maisAshtynrisqueraitdemeplanteravecsafourchette.

Finalement,c’estellequiselance:

—Onm’aéluecapitainedel’équipedefootball,aujourd’hui.

Je dénote une pointe presque imperceptible de fierté dans sa voix. C’est en effet un bel

accomplissement.

—Waouh!

—Tujouesaujeududrapeau?luidemandeBrandi.

C’estmignon.Moi,jejouaisdansl’équipedesfillesquandj’étais...

—Jeneparlepasdedrapeaux,l’interromptAshtyn.Jejoueaveclesgarçons,dansl’équipe

principale,àFremont.Sanslespetitsboutsdechiffon.

—Tasœurestunvraigarçonmanqué,commenteGus.

—Tueslesbienne?s’exclameBrandi.

J’essaiedenepaséclaterderire,maisc’estvraimentdifficile.

—Non,jenesuispaslesbienne.J’aiuncopain.C’estjusteque...j’aimejoueraufootetje

suisdouée.

—Derekyjouaitautrefois,expliqueBrandi.

—C’étaitilyalongtemps,dis-jetrèsrapidement.

J’espère lui clouer lebec avantqu’ellene se lancedansunde ses grandsdiscours et lui

racontemavie.Ashtynn’apasbesoindeconnaîtremonpassé.

— J’étais plutôt moyen, j’ajoute pour clore le débat. Cette fille manie la fourche, je ne

devraispasêtreétonnéqu’ellejoueaufootball.Etpourtant...

Brandiagitelesbras,toutexcitée,ettoutlemondesetourneverselle.

—Ashtyn, j’aiune idéedegénie.Pourquoi tunesortiraispas,genre, cesoir,avecDerek,

pourluiprésentertesamis?

Sasœurfixesonregarddanslemien.

—J’avaisdesplansmais,euh...

—Tun’espasobligéedemesortir.Detoutemanière,jenevaispasfairedevieuxosaprès

avoirconduitpendanttroisjours.J’aimeraisjusteallercouriretmecouchertôt.

Pasbesoindebaby-sitting,merci.

—LelacMichigann’estpasloin,renchéritBrandi.

Tupeuxcourirsurlaplage.TutesentirasunpeuenCalifornie.

Jeparieraismacouillegaucheque lesplagesdeChicagon’ontrienàvoiravec lesplages

californiennes.

—Ouaustadedulycée,enchaîneAshtyn,unpeutropenthousiaste.Toutlemondecourt

surlespistesd’athlétisme,ici.Ilyaunmondefou,àlaplage,lesoir.Jeneteconseillepasd’y

aller.

Ha!ha!ettoi,tuyserastrèscertainement...

—Qu’est-cequetucomptesfaire?demandesoudainGusàsafilleaînée.Tunecomptes

pastraînerlàtoutelajournée,aumoins?

L’heureest-ellevenuedeluiannoncerqu’elleestencloque?

— Je vais poserma candidature au salon deDebbie. J’aimeraisme remettre à travailler

quandJulianauracommencélamaternelleetDereksaterminaleàFremont.

Entredeuxphrases,elleplantesafourchettedansunmorceaudepoulet.

— Et je pense que Debbie me prendra pour les manucures quand j’aurai obtenu mon

certificat,cetété.

Lepèrehochelatête;ildésapprouvetotalement.

—Tudevraisplutôt t’inscrireà la facducoinet suivredevrais cours si tuveuxpouvoir

faireautrechosequegagnerlesalaireminimumenfaisantlesongles.Tonmariagerisquede

nepasdurer,tusais.

Gusn’enratepasune.Jepensaislamêmechoseavantd’apprendrelagrossessedeBrandi,

maisjemesuisabstenud’enparler.JejetteunœilàJulian,trèsconcentrésursonassiette.

Pourm’assurerqu’ilnes’intéressepasa laconversation, jeposeunmorceaudepouletsur

songenouetregardeFalkorleléchouiller.Çalefaitrigoler.

—Jenesuispasfaitepourlesvraiesétudes,Papa.Tulesais.

Brandibaisse latête.Sonoptimismehabituelabeaum’énerver, là,ellea l’airtotalement

abattueenmurmurant:

—Etmonmariage vabien,mercide t’en soucier.Ellehoche la tête et soupire, frustrée.

Ellenevapasparlerdesagrossesse.

Bienjoué,Gus.JefaissigneàJuliand’offrirplusderestesàFalkor,enpriantpourquele

chienneconfondepassonpetitdoigtavecunhotdog.

—Tun’étaispasbonneàl’écoleparcequetunet’appliquaispas.Quandonpenseautemps

quetuasperduaveclesgarçonsetlesemmerdes!Situenavaispassélamoitiéàétudier,tu

auraisdéjàundiplôme.

Ashtynclaquesamaincontresonfrontethochelatête,gênée.

Sasœurreposesafourchetteetnedécollepaslesyeuxdesonpère.

—Onestvraimentrepartispouruntour?Parcequ’onpeutaussisortird’icietnejamaiste

revoir,commepratiquementtouslesgensquetuconnais.

GusbonditenfaisantgrincersachaisesifortqueJuliansebouchelesoreilles.Puisilse

tire.Onentendlaported’entréeclaquer,lespneusdesavoiturecrisser,etlesilencerevient.

UnsimpleregardversBrandietAshtynmedonneenviedefileràmontour.Juliann’apas

l’airenmeilleurétat.

Ashtynfixesasœurd’unairaccusateur.

—Quoi?demandecelle-ciinnocemment.C’estluiqu’acommencé.

—Etsic’étaittoiquiavaiscommencéquandtuespartieilyaseptans?

Jeressenssacolèreàl’autreboutdelatable.Mincealors,jemeretrouveaumilieud’une

nouvelleguerrecivile.

—Tuesinjuste.

—Benvoyons,Brandi,répondsasœurenlevantlesyeuxauciel.

Soudain,j’aperçoisunelarmecoulerlelongduvisagedemabelle-mère.Ellel’essuiepuis

quittelatable.Juliancourtderrièreelle;Ashtynetmoinousretrouvonsseuls.

— Vous devriez vous inscrire à cette émission de télé-réalité ; chaque semaine, c’est la

famillelaplustaréequigagne.Vousaveztoutesvoschancesdetoucherlegroslot.

—Toiaussi,tufaispartiedecettefamilledetarés.JeregardeAshtynd’unairamusé.

—Etenquelhonneur?

—Sinon,tuseraisrestéenCalifornie.Tun’auraispassuiviBrandi.Tuseraisavectapropre

mère.Tamèrebiologique.

—C’estimpossible,dis-jeenm’éloignantdelatable.Elleestmorte.Ettoi,pourquoitune

vispasavectamère?

Jen’aipasrépondu.Jen’aipaspu;jen’aijamaisétécapablededireàhautevoixpourquoi

mamèrenevitplusavecnous.Enréalité,elleestpartieparcequ’elleenavaitmarredeson

rôled’épouseetdemère.Jeneparlejamaisd’elle,mêmeavecLandon.

J’auraismieux fait deme taire au sujet de lamère deDerek. Jeme sens vraimentmal,

maintenant. Si j’avais su qu’elle n’était plus en vie, j’aurais évité d’en parler. Quand il a

nettoyésonassietteetm’alaisséeseuledanslacuisine,saréponserésonnaittoujoursdans

l’air. J’ai eu envie de le rappeler, de lui demander pardon,mais depuis que j’ai posémon

regardsurlui,jemebarricadeetjenecontrôlepluscequejedis.

Julian regardaitDerek comme un super-héros. Je ne peux pas parler football américain

sansquemasœurparledeDerek.Puiselleveutque jem’occupede lui.Bientôt,monpère

regarderalesmatchsaveclui.

J’ai eu envie de me gifler à chaque fois que mon regard plongeait dans le sien. Il ne

m’attirepas,non.Sesyeuxontunecouleurunique,voilàtout.

Quand mon père m’a annoncé que Brandi réemménageait avec nous, j’espérais qu’on

redeviendraitunefamille.JecroyaisqueJulianetmoiserionstoutdesuiteproches.Aulieu

decela,àcausedeDerek,monneveumeprendpourunetarée.Ilesttempspourmoidele

fairechangerd’avis.

Jeretrouvemonneveudanslachambredemasœur,jouantavecuneconsoleportable.

—Coucou,Julian!

Ilnereposepassaconsole.

—Salut.

—JesaisqueDerekt’aditquejesuisfolle.Maisc’estpasvrai.

Illèvelesyeuxdesonécran.

—Jesais.Ilm’aditqu’ilplaisantait.

—Bien.

Jem’assoisàcôtédelui.Sanssescheveuxblonds,c’estleportraitcrachédeNick.D’après

cequejesais,sonpèrealaissétombermasœurendécouvrantqu’elleétaitenceinte.Jedoute

qu’ellel’aitrevu;Juliann’ajamaisdûrencontrersonpèrebiologique.

—Tumefaisuncâlin?Ilhausselesépaules.

—Bon.Alors,quandtuserasprêt,jeserailà.D’accord?Ilacquiesce,toujoursabsorbépar

sonjeuvidéo.

CHAPITRE6ASHTYN

Jeresteavecluiunquartd’heurepuismasœurentreetluiditdesepréparerpourallerau

lit.Elleagitcommesinotredisputedanslacuisinen’avaitpaseulieu,maisjelagardebienà

l’esprit.

Landon,que je suis censée retrouver à laplage, tout à l’heure, nem’a pas téléphoné. Je

vaisdansmachambre,fermelaporteetl’appelle.

—Allô?

—Salut.

—Désoléd’avoirfiléaprèslaséanceavecDieteretdenepast’avoirappelée.Ilfallaitqueje

rentreaidermamèrepouruntruc.

—Alorstunem’enveuxpas?

—Pourquoijet’envoudrais?

—Pourlepostedecapitaine.Jepensaisvraimentquec’étaittoiquiseraisélu.

Jesaisqu’ilycroyait,luiaussi.Jenepeuxpasm’empêcherdemesentircoupable,comme

sij’avaisprissaplacealorsquejen’avaisrienfaitpour.

—Tantpis.Cen’estpasgrave.

Pourtant,si.J’attendsqu’ilmediseque j’ai travailléduretque jemérited’êtrecapitaine

autantqu’unautre,maisriennevient.Etleretourdemasœuretnotredisputenem’aident

pasàresterzen.

—Onpeutsevoirseuleàseul,cesoir?Masœurestrentréeàlamaisoncematinet j’ai

besoindeparler.

—Toutlemondeseretrouveàlaplage.

—Jesaismaisjemesens...jesaispas.

—Écoute,çat’atoujoursgavéequetasœursoitpartie.Maintenant,elleestlà.Tudevrais

êtrecontente,Ash.Tuaseucequetuvoulais.

Saufqueleschosesnesedéroulentpascommeprévu.

—Tuasraison.

Jeneveuxpasjouerlacopinequiseplainttoutletemps.Sonex,Lily,denotreécolerivale

Fairfield, se plaignait en permanence. Rien n’était jamais assez bien pour elle et elle

l’étouffait complètement. Je me suis promis que je ne serais jamais comme elle. J’essaie

d’êtretoujoursàfond,mêmequandjen’enaipasenvie.

—Tuarrivesquand?

—Jepasseteprendredansunquartd’heure,conclutLandonavantderaccrocher.

Jemedépêchedem’habiller,jenepeuxfranchementpassortiravecLandonenT-shirtet

pullàcapuche.J’essaiesepttenuesdifférentesavantd’appelerMonika,mameilleureamie,

experteenmatièredemode.Jeluienvoiedesphotosdechacune:sonchoixseportesurun

shortenjeanetunpetithautroseplongeantquimetmapoitrineenvaleuretrévèleunbrin

depeauauniveaudelaceinture.

Jesuispenchéeau-dessusdulavabodelasalledebains,entraindemettredugloss,quand

Derekdébarque.

—Tunepeuxpasfrapper?

—Laporteétaitouverte...

Ils’appuiecontrelacabinededoucheetmescruteavecsesyeuxbleuclair.

—Soiréecâlineenperspective?

—Oui.

—Avectoncopain?

—Oui.

—Iljoueaussiaufootball?

—Çaneteregardepas,maisoui.

Jeme tournevers lui. J’aimerais lui trouverundéfaut,une imperfection,mais rien.Les

fillesaulycéevonts’endonneràcœurjoiedèsqu’elleslecroiseront.Jevoisd’icilesbagarres

etlesdrames.

—Tueslàpouruneraisonparticulièreoutuvoulaisjustemerappelerqu’ondoitpartager

unesalledebains?

—Fautquejemesoulage.Çat’ennuie?

—Berk!

—Commesiçanet’arrivaitjamais.

—Si,si.Simplement,jeneressenspaslebesoindel’annonceraumonde.

J’attrapemesaffairesetm’apprêteàsortir,maisjestoppeetfaisdemi-tour.

—N’osemêmepaslaisserlalunettelevée.

—Sinonquoi?demande-t-iltoutsourire.

—Crois-moi,tun’aspasenviedesavoir.

Deretourdansmachambre, jemedemandesiDerekaunecopineet tented’imaginerà

quoiellepeutressembler.Nonpasquecelam’intéresse.Avraidire,j’auraisplutôtpitiédela

fillequidoitsupportercebeaugossetropcaustiqueetrusé.

On sonne à la porte quelques minutes plus tard. J’ai hâte de voir les yeux de Landon

s’illuminerenmevoyanttoutepomponnée.J’attrapemonsacàmainetmeprécipiteenbas.

—J’arrive!

Landonm’attenddansl’entrée,enjeansetchemiseBCBGsursapeaubrune.Jel’embrasse

sur les lèvres quand Derek apparaît en pantacourt avec RÉGENTS PREPARATORY

ACADEMYbrodésurunejambe.Jenesuispassurprisequ’ilvienned’unejoliepetiteécole

privée,vusonego.Torsenu, ilnousmontre sesgrosmusclesavecunairaussiassuréque

Landond’habitude.Jen’ysuispastotalementinsensible,quoiquejeprétendelecontraire.Il

yaquelquechosechezluiquicaptemonregard,etjesuisincapabled’yrésister.

—T’esqui,toi?demandeLandoncommesic’étaitunintrusqu’ilfallaitmettreàlaporteà

coupsdepiedauxfesses.

—UnepetiteracailledeCalifornie,répondDerekenmefaisantunclind’œil.

Ilpousselaporte-moustiquairedel’entréeetsort,seschaussuresdesportàlamain.

Landonpointeledoigtverslaporte.

—C’étaitqui,celui-là?

—Lebeau-filsdeBrandi.Nefaispasattentionàlui.J’agiteunemainenl’airpoursignifier

quecegarçonquivitdanslebureaunecomptepas.Luinelequittepasdesyeux.

—Sonbeau-fils?J’aimepasça.

—Moinonplus.

Jel’attrapeparlamainetletiredanslamaison.Moncopainal’espritdecompétitionetun

niveaudetestostéroneausommet.Çaneledérangepasquejetraîneavecnoscoéquipiers,

maisilestjalouxdesnon-initiés.

—Allez,onvafêterledébutdesvacances.J’aibesoindedécompresser.

Dehors,Dereklaceseschaussures,assissurleperron.

—Éclatez-vousbien,crie-t-ilalorsquenousnouséloignons.

—T’inquiètepaspournous,grogneLandon.

Depuis lavoiture, jenepeuxm’empêcherd’observerDerek.Nosregardssecroisentet je

sensl’adrénalinemonter.J’aimeraisl’ignorer,fairecommes’iln’étaitpaslà.Pourquoiest-ce

sidifficilededétournerleregard?J’ailesentimentquelesiencachesatristesse,çanousfait

unpointcommun.

Surlechemindelaplage,letéléphonedeLandondansleporte-gobeletsemetàsonner.Je

voiss’afficherlenomdeLilysurl’écran.

—Pourquoiest-cequetonext’appelle,Landon?

IIjetteunœilautéléphonemaisnedécrochepas.

—Vasavoir.

—Jecroyaisquevousnevousparliezplus.

— On se capte de temps en temps. Rien d’important. Pourquoi voudrait-il avoir des

nouvellesdesonexalorsqu’ilseplaintd’elleenpermanence?J’aimeraisluiposerquelques

questions,maisonarriveàlaplageetildescenddevoitureavantquejenepuissepoursuivre.

J’espérais que nous pourrions trouver un endroit tranquille où nous asseoir et discuter

devantlefeudecamp,maisilm’abandonnepourallertraîneraveclesautresgarçons.Jeme

joindraisbienàeux,maisj’aiunedrôledesensation,cesoir,etjepréfèrelelaisserrespirer.

Jerefusedel’étouffercommelefaisaitLilyavantmoi.

Debout près de la voituredeVictor, Jet discute avecdes copains, unpackdebières à la

main.Dèsqu’ilmevoit,ilmefaitsignedevenir.

—Salut,Capitaine!lance-t-ilenmeserrantcommeunourspar-derrière.

—Arrête,Jet.

—Jesaisquetum’aimes,Ash.

—Non,c’est faux.Laplupartdu temps, jene t’appréciemêmepas,dis-jeenplaisantant.

Vire tes grosses pattes de là, garde-les pour les pauvres filles pures et innocentes qui sont

sensiblesàtonbaratin.

Jeluimetsuncoupdecoudedanslescôtes.

—Landonestlà.Çavapasluiplaire.Jetéclatederire.

—Pourquoijedéplairaisànotrequarterbackvedette?Notrefierté,notrejoie,leprince,la

personne la plus importante de notre équipe... Le seul quarterback qui puisse nousmener

jusqu’auchampionnatd’État,unemainattachéederrièreledos...

—Ducalme,Thacker,intervientVicpourlefairetaire.

Aprèsnotredéfaiteauxéliminatoires,lejournallocalapubliéuncommentairedeLandon

dans lequel il blâmait Jet de ne pas avoir rattrapé ses deux dernières passes. Landon a dit

qu’on avait mal retranscrit ses paroles, mais Jet l’a tout de même pris personnellement.

Depuiscejour-là,ilss’envoientdesvannessansarrêtetj’aidûintervenirplusieursfoispour

éviterqueçanedégénère.

JetpointealorsundoigtversunefilleenBikiniminusculequisepavaneauborddel’eau.

—Atonavis,j’aimeschancesaveccelle-là?

—Plusqu’avec toutes lesautres.Est-ceque jedois laprévenirquetunecherchesqu’un

coupd’unsoiretqu’ellenedoitpass’attendreàterevoir?

L’idéefaitsourireVie.

—Surtoutpas!

Jetneveutpasdecopine.Il«répandl’amour»,commeildit,ensetapantlepluspossible

defillescanon.Cequisignifieaussiqu’ilesttachéavec lagrandemajoritéde lapopulation

fémininedulycéedeFremontetdesalentours.

J’ai dû sauver Jet plusieurs fois des griffes de filles possessives et désespérées par son

attitude. J’ai fait trop souvent semblantd’être sapetite amiepour compter. Je l’aiprévenu

qu’un jour il s’attacheraitàune fillequi luibriserait le cœur,mais ça l’a fait rire.Pour lui,

l’amour,c’estdesconneries.

Jem’approchedufeudevant lequelMonikaestassiseetrepenseàmaconversationavec

Derek,dans lacuisine.Asesabdos...A ladisputedemonpèreavecBrandi...Acette fichue

culpabilité quime ronge depuis que j’ai été élue capitaine. Il faudrait quemon cerveau la

metteenveilleuse,ilsurchauffe.

—J’arrivepasàycroire!Mameilleurecopinenem’amêmepasditqu’elleétaitdevenue

capitaine, lanceMonika en se blottissant contre Trey, son petit ami et notre running back

vedette.Bravo,magrande!

—Merci.

TreyetMonikasortentensembledepuisunan.Ilssontfousamoureuxetn’ontpaspeur

des’affichernideparlerd’avenircommes’ilsallaientêtreensemblepourtoujours.

Quandmesparentssesontséparés,j’aiabandonnél’idéedetrouverlegrandamour,celui

qu’onnousbalancedanslesfilmsetleslivrespourfairecroireàl’impossible.TreyetMonika

m’ontredonnélafoi.Luilaregardecommesielleétaitlaseulefilleaumonde,sabouéede

sauvetagesans laquelle il serait totalementperdu.Ellem’aditqu’ilétaitsonâmesœur. Ils

comptentaller tous lesdeuxà l’universitéde l’Illinois, lui sedébrouillerapourobtenirune

boursegrâceausport.

Landonnousrejointenfin;jemepencheverslui.

—Aquoitupenses?Tuasl’airsisérieux.

—Rien,rien,répond-il,irrité.

Il s’ouvre une cannette de bière et la descend d’une traite. Il pose unemain contre son

torse.

—C’estàcausedecettehistoiredecapitaine?Ildégagemamain.

—Putain,Ash,tupeuxpaslaboucleravecça?Toutlemondemelesbrise,d’accord?On

t’a élue capitaine.Et alors, putain ? Jet a tout orchestré pour se venger de ce foutu article

danslejournal.Jemesuisbienfaitavoir,non?

—Jetn’arienorchestrédutout.

Ilaunricanementméprisant.Sesmotsmefontmal.

—Benvoyons.

—Dis-moiquetunelepensespasvraiment.

—Bien,jenelepensepas,répète-t-ilsansconviction.Je jetteunœilàMonikaetàTrey,

quifontleurpossiblepournepastropmontrerqu’ilsnousécoutent.J’essaiededéglutirmais

unnœudmeserrelagorgequandjesorscequimetravailledepuiscematin,quandDietera

écritmonnomsurletableau:

—D’à...d’aprèstoi,jeneméritepasd’êtrecapitaine?Ilnerépondpas.

CHAPITRE7DEREK

LesoleilsecouchedurantmonjoggingavecFalkor.Aladernièreminute,j’aidécidéqu’il

valaitmieuxfairelapaixaveclabêteetluiproposerunpeud’exercice.J’avancesansbutet

l’airchaudquimecaresselevisagedétendmesmuscles.

Commenousdépassonslelycéeetleterraindefootballaméricainvoisin,lessouvenirsde

mamèremeregardant jouerenvahissentmonesprit.C’était toujourselle, leparent leplus

bruyant des tribunes ; je suis sûr que ses poumons la faisaient souffrir à la fin de chaque

match.Mêmeaprèssesséancesdechimio,alorsqu’elleétaitnauséeuseetfatiguée,elleétait

là.«Iln’yarienquejepréfèreàteregarderjouer»,m’avait-elledit.

Jeferaisn’importequoipourrejouerpourelleunedernièrefois.Jeferaisn’importequoi

pourluireparler.Maiscelan’arriverajamais.

Lassésparlestoursdepiste,nousquittonslestaded’athlétismepourlaville.Ensuivant

les indicationsde laplage, jememetsàpenseràAshtyn.Mincealors,sonhautmoulantet

sonshortmini-mininelaissaientpasdeplaceàl’imagination...Quellemétamorphoseaprès

cet après-midi, quand son corps était enveloppé dans un gros pull ! C’est peut-être un

caméléon,quisetransformeenunenouvellepersonneenfonctiondesgensquil’entourent?

Jemedemandesisonpetitamiappréciesestenuessexyetl’exhibeteluntrophée.Quandil

estvenulachercher,ilm’aregardécommesij’étaisunadversairesurlepointd’intercepterle

ballond’unedesespasses.

—Jen’aimepassoncopain,dis-jeàFalkor.

Lechienmeregardedesesgrandsyeuxgris,haletant,sagrosselanguependantsurlecôté.

—Laprochainefoisqu’ilvient,tudevraisluipissersurlajambe.

Minute...Jesuisentraindeparleràunchien?J’ail’impressiond’êtredanscefilmoùle

typeéchouesuruneîledeserteetfinitpars’adresseràunballondevolleycommesic’était

sonmeilleurami.PourvuquecenesoitpaslesignequeFalkorestenpassededevenirmon

seulamid’ici.Ceseraitvraimentnaze.

Depuis la plage, j’observe l’eau immobile éclairée par la lune, Falkor à mes côtés. Le

paysagen’arrivepasàlachevilledelaCalifornie,oùdesvaguespeuventvousemportersans

prévenir.Jemedemandecommentmonpèresesententouréd’eauetderiend’autre.Ilm’a

raconté,unefois,quevivredansunsous-marinétaitcommequitterlemondeextérieurpour

vivre dans sa propre bulle. Certains s’engagent pour l’argent, pour la formation, pour se

trouvereux-mêmes...Monpère,lui,sesentutiledansl’armée.«Nousavonstousuneraison

devivre,m’a-t-ilditunjour.Trouverlasienneestessentielpoursavoirquil’onestetquil’on

veutdevenir.

Quelleestmaraisondevivre?Jen’aipasditàmonpèreque j’allaism’engageraprès le

lycée,afindetrouverlaréponse.

Jecourslelongdurivageettombesurunpetitgroupeinstalléautourd’unfeuquiécoute

delamusiqueenrigolant.JereconnaisAshtynsur-le-champ.Elleestassiseavecsoncopain

ettouslesdeuxontl’aird’êtreauplusbas.Legarss’appuiesurunemain,tenantunebièrede

l’autre.Sic’étaitmacopine,j’enpasseraisunedansseslongscheveuxblondsetl’autreautour

desataille;jelatireraiscontremoietjel’embrasseraiscommeunfou.Maiscen’estpasma

copine...

Falkor se met à aboyer, attirant l’attention de pratiquement tout le monde, y compris

Ashtyn.Merde!Ellemelanceunregarddéfiantavantdetournerlatêteetdefairecommesi

jen’existaispas.

Je finis par les contourner et poursuis ma course jusqu’à la maison. J’espérais que ce

footingm’empêcheraitdetroppenser,maisvoirAshtynm’arappelétoutesmesemmerdes.

— Il faut que j’oublie ta maîtresse, dis-je à Falkor. Un bruit étrange, comme un

grognement,sortdelagueuleduchien.

—Elleaunpetitami.Etellenesupportepasdemevoirhabiterchezelle,tuvois?

Mais elle a des lèvres charnues qu’on a envie d’embrasser. Et des yeux noisette

extraordinairesquejen’arrivepasàmesortirdel’esprit.

Jem’arrêteetbaisselatêteverslechienpouravoirsonapprobation,puisqu’il laconnaît

mieuxquemoi.Ilmeregardeavecdesyeuxdésolés,vides.

Soudainjeristoutseul:

—Jeparleàunsatanécabotetc’estmoiquilatraitedefolle.

Deretouràlamaison,j’essaiedetrouverunepositionconfortablesurlematelasgonflable,

maiscen’estpassimple.Enplusdeça,jecontinued’imaginerleslèvresd’Ashtyncommeune

admirable œuvre d’art. Et quand je suis enfin prêt àm’endormir sur cet horriblemachin,

Falkorbonditsurlelit.Jecrainsuninstantquelematelasn’explosemaisnon.Enquelques

secondes,labêteronfle.

Jecomatedepuisaumoinsuneheurequandquelqu’undébouledanslachambre:

— On peut savoir pourquoi tu dors avecmon chien ? Je réponds à Ashtyn d’une voix

endormie:

—Moi,jedorspas.C’estluiquidortavecmoi.

—Çanetesuffitpasquemasœuretmonneveuvénèrentlaterresurlaquelletumarches?

TuveuxaussimevolerFalkor?Jet’aivu,àlaplage,aveclui.Nevapascroirequec’estton

chien.Ilestàmoi.

—Ecoute,Sucred’orge,c’estluiquiestvenudansmachambre.Jenel’aipasinvité.Tuas

desproblèmesavectafamille,laisse-moiendehorsdetoutça.

Je me redresse et m’aperçois qu’elle s’est changée pour un maillot de hockey et un

pantalon de flanelle bouffant, avec des têtes de mort et des os dessus. Nouvelle

métamorphose...

—Reprendstonchienetvatecoucher.

Je me rallonge et attends qu’elle s’en aille, mais je sens son regard peser sur moi.

J’aimerais ne pas être tenté de la serrer contre moi, de l’embrasser... Qu’elle oublie son

copain...

—Quoi?

—Appelle-moiSucred’orgeencoreunefoisettuvasprendrecher.

J’hésiteàdirecequej’aisurleboutdelalangue:«Tumelepromets?»

CHAPITRE8ASHTYN

Troisheuresquejesuisrecroquevilléedansmonlit,lesyeuxclos,priantpourquemavie

cesse de partir en vrille. Landon et moi avons passé une très mauvaise soirée. Je ne sais

mêmeplusoùonenest.

Jejetteuncoupd’œilàmontéléphonepourvoirs’ilm’aappeléeouenvoyéunmessage.

Rien,pourtantonestsamedi.Ildoitencoreêtreentraindedormir.

Jeme traîne vers la salle de bains et vaism’asseoir sur les toilettes quand, soudain, je

perds l’équilibreetmesenstombertoutaufond.Cettefoutue lunetteestrestéerelevée.Je

tressailleenm’installantcorrectementetjemaudisDerekdansmoncoin.Ilvam’entendre,

celui-là!

Avant toute chose, manger. Ensuite je pourrai l’affronter et partir pour l’entraînement.

Même siDieter n’a pas prévu officiellement d’entraînement pendant lesweek-ends, on ne

veutpasperdrenotreélan.

Derek entre dans la cuisine quelques minutes après moi, en short et T-shirt. Il a les

cheveuxenbatailleetunairtoutdouxetinnocent.Jeconnaislestypescommelui,quiont

l’airinnocentetsontenréalitétoutlecontraire.

Falkor,quisecachaitjusqu’àmaintenant,débarqueensepavanantderrièrelui.

—Tuasramenémonchiencheztoipendantlanuit?

—Iln’arrêtaitpasdegratteràmaporteetdegeindre,alorsjeluiaiouvert.

—Tumel’asvolé.Derekhausselesépaules.

—Peut-êtrequ’ilenamarredetoietqu’ilcherchedenouveauxcompagnons?

— Un chien n’en a jamais marre de son maître. Et sache que je suis un excellent

compagnon.Falkorm’adore.

—Situledis...

Il fouille leréfrigérateur,ensortdesœufspuisattrapeunemichedepaindans legarde-

manger.

—Qu’est-ce qu’il s’est passé entre toi et ton beau gosse à la plage ? Vous aviez l’air de

passerunesoiréepourrie,dit-ild’unevoixtraînantetoutenpréparantdesœufsbrouilléset

destoasts.

Ilesttempsdecontre-attaquer:

— Dis, tu as oublié ma règle de la lunette baissée ? Le coin de sa bouche se relève

légèrement.

—J’aiunemaladiequim’empêchedecomprendrelesordresqu’onmedonne.

—Ha!ha!unemaladie,tudis?

—Ouais.Vraimenttrèsgrave.

— Oh, je suis vraiment désolée pour toi. Pauvre petit bébé qui reçois des ordres d’une

femme.Çaadûtitillertavirilité.

Je sorsunpaquetdeSkittlesdugarde-manger et trie les violets, comme toujours, avant

d’ingurgiterlereste.Dereksepenchesurmoietmechuchoteàl’oreille:

—Jamaisriennemenacemavirilité,Sucre.

Avec son souffle chaud contrema peau, une drôle de sensation remonte le long dema

colonnevertébrale.L’espaced’uninstant,jesuiscommeparalysée.

Ilouvreànouveauleréfrigérateur.

—Endehorsdesœufsetdupain,vousavezrien,là-dedans,quinesoitpasdelamalbouffe

oudesproduitstoutpréparés.

Faisonscommes’ilnemefaisaitaucuneffet:

—Nan.

Ils’assoitavecsesœufsetsestoastsmaisfixemacollectiondeSkittlesviolets.Quandje

pense qu’un garçon avec de tels yeux bleus est capable de laisser la lunette des toilettes

relevéeexprès...

—Nourrissant,ironise-t-il.

—Çameréconforte.

—Situledis,grimace-t-il,visiblementamusé.

—Oh,nemedispasquetuesunobsédédelanutrition?

Ilengouffreunepleinefourchetted’œuf.

—Jenesuispasunobsédédelanutrition.

—Bien.Tiens...

JeluioffremacollectiondeSkittlesviolets.

—Tupeuxprendreceux-là,j’ysuisallergique.

—TuesallergiqueauxSkittlesviolets?demande-t-il,sceptique.

J’enattrapeunorangeetlejettedansmabouche.

—Jesuisallergiqueuniquementaucolorantviolet.J’adorelesSkittles.

—Monpetitdéjmeconvient,maismerciquandmême.

Soudain,JulianentreetDerekportesonattentionsurlui:

—Salut,bonhomme!Tuveuxunpetitdéj?

Lepetitfaitunsignedetête.

—Jevaistepréparerça.

—Jevaist’aider,luidis-je.

J’aibesoindemeracheterpourqueJuliancessedecroireque je suis lapire tantede la

planète.Etsijedoistravaillerduravantd’avoirmoncâlin,qu’ilensoitainsi.

Derekm’empêchedemeleverd’ungestedelamain.

—Jem’enoccupe.

Après le départ demamère,mon père n’a jamais fait la cuisine. J’ai dûme prendre en

chargeetmangercequ’ilrapportaitdumagasin:delamalbouffeetdessurgelésàmettreau

micro-ondes.Detouteévidence, lamamandeDerekapasséplusdetempsavec luiquema

mèreavecmoi.Iln’yestpourrien,maisjesuisterriblementjalouse.

Julians’assoitàcôtédelui.C’estcommesij’étaisinvisible,insignifianteetinutile.

— Skittles ? dis-je en secouant le paquet devant lui. Je n’ai jamais connu d’enfant qui

n’aimepaslesbonbons.

—C’estdelasupernourrituredepetitdéj,c’esttropbon.

Monneveusecouelatête.Ilneveutdécidémentriendemoi.

Derekposeuneassietted’œufsbrouillés etde toasts fumants sous ses yeux.L’odeurdu

pain fraîchement grillémemet l’eau à la bouche. Julian commence àmanger, fredonnant

gaiementàchaquebouchée.L’airmerappellel’hymnequelesfansdenotreécolechantentà

lami-temps desmatchs, et çame fait penser que je n’ai pas regardé dehors si les gars de

Fairfield avaient recouvert lamaisondepapier toilette.Rien à signaler, hier, quand je suis

alléemecoucher,maisFalkoradormidanslebureauetpourraitn’avoirrienentendu.

Jetirelesrideauxdusalonetplaquemamaincontremaboucheendécouvrantledevant

delamaison.

Non!

C’estpireque le papier toilette. Pire que tout ce que je pouvais imaginer. L’humiliation

absolue!

Ils ont collédes centainesde servietteshygiéniques aux troncs et accrochédes tampons

auxbranches,tellesdesdécorationsdeNoëlquiflottentauvent.

Et comme si ce n’était pas déjà assez tordu, les serviettes et les tampons ont tous été

imbibésdecolorantrougevif.

Furieuseetmortedehonte,jemeprécipitedanslejardinpournettoyer.Quand,soudain,

une dernière découverteme coupe le souffle. Écrits avec des serviettes, troismots barrent

l’allée:PUTEDEFREMONT.

CHAPITRE9DEREK

Ashtyn a crié plusieurs fois avant de se précipiter dehors, comme si un zombie la

pourchassait.Jelaretrouvedevantlamaison,pétrifiéefaceaubordelquisouillelapelouseet

lesarbres.Putain!

—Va-t’en!hurle-t-elle.

Ellecommenceàramasserlesserviettescolléesdansl’alléepourformercesmots:PUTE

DEFREMONT.Sesmainssontcouvertesd’unliquidequiressembleàduketchup.Elleena

bientôtpartoutsursonmaillotdehockey.

Entantqu’amateurdebonnesblagues,jedoisdirequejesuisimpressionné.Celle-làadû

demanderbeaucoupd’efforts etdepréparation.Ce seraitdrôled’organiserdes représailles.

MaisAshtyn souffle aussi fort qu’undragonprêt à cracher du feu.Elle n’est ni amuséeni

impressionnée. Elle a la rage. Je m’empare de la poubelle près du garage et commence à

défairelestamponsaccrochésauxbranches.

Ellemepiquebrusquementlapoubelle.

—Tufaisquoi,là?

—Jet’aide.

Ellearéussiàsemettreduketchupsurlevisageetdanslescheveux.Elles’essuie,maisne

faitqu’aggraverleschoses.

—Jen’aipasbesoindetonaide.

Jelèvelesyeuxverslestamponsquiflottentauventau-dessusdesatête,endécrocheun

etl’agitedevantelle.

—Ecoute,Ashtyn.Tumettrasdeux fois plusde temps à le faire seule. Laisse tomber ta

fierté,pourunefois,etlaisse-moit’aider.

Maisellem’arracheletampondesmainsetlejette.Puiselleseretourneets’éloigneavec

lapoubelle.

—Tunetrouveraispasçadrôlesiçat’arrivaitàtoi.Pourquoitunevaspasaidermasœur

oumonneveuetavoirunbonpoint?Tuestellementfortàcejeu.Tun’asrienàgagneravec

moi,alorsautantqueturetournesàl’intérieur.

Sic’estcequ’elleveut,soit.Jelèvelesmainsensignedesoumission.Qu’ellesedémerde,

aprèstout.S’intéresserauxfillescommeAshtyn,quiprennentlavietropausérieux,çamène

àtropdecomplications.Çan’envautpaslapeine.

—Tuessacrementamère,commefille.

—Qu’est-cequisepasse,ici?hurleGusenapprochantdemoi.Tuasquelquechoseàvoir

avectoutça?

—Non,monsieur.

Ashtyn continue d’arracher les tampons des branches. Son père souffle et la regarde

commesicetteblagueétaitlapirechosequipouvaitleurarriver.

—J’appellelapolice.Ashtynlesupplieduregard.

—Papa,non ! Si tu appelles la police, onm’accuserad’êtreune fille faible quin’est pas

digned’êtrecapitainedesonéquipe.

—Tuesune fille, Ashtyn. Pourquoi tu ne laisses pas un garçon être capitaine ?Qu’une

autrefamillesefassevandalisersonjardin.

Peut-êtrequ’ilsontbesoind’entendreunevoixneutre?Quelqu’unpourquiêtre lacible

d’uneblaguen’estpaslafindumonde?Ilesttempspourmoid’intervenir.

—Cen’estpasdesafaute,Gus.C’estjusteuneblague.

—Justeuneblague?Çan’ariendedrôle.

—Cen’estpasgrave,Gus.Aulieudeluicrierdessus,vousdevriez...

—Netemêlepasdeça,Derek.

Ashtyn se poste devant son père, épaules en arrière, tête haute, accaparant toute son

attention.

—Papa,jeteprometsquej’auraitoutnettoyéavantquetunerentresduboulot.N’appelle

paslapolice.Jet’ensupplie.

Ilhochelatête,furieuxdevoirsonjardindanscetétat.

—Sitamèreétaitlà,jamaisellenetelaisseraitjoueraufootballaméricain.Ellet’inscrirait

àuncoursdecuisine,dedanseoudejesaispasquoi.

Visiblement,Ashtynprendlaremarquecommeuneénormeclaque.

—J’aimecesport,Papa.Etjesuisdouée.Situvenaisvoirunmatch,unentraînement,tu...

Mais sa voix s’éteint alors que Gus, faisant mine de ne rien entendre, marche vers sa

voiture.

—Quetoutsoitnickelavantmonretour,sinonj’appellelesflics,tranche-t-il.

Aprèssondépart,Ashtyninspireprofondément,puisseremetautravail.

Demoncôté,j’arrachelestamponsnouésauxbrancheslesplushautes.

—Tusais,luidis-jeenlesjetantdanslapoubelle,tuenespeut-êtrecapable,maistun’es

pasobligéedesupportercesconneriestouteseule.

CHAPITRE10ASHTYN

—Hého,yaquelqu’un?

LavoixdeklaxondeJetfaittremblerlesmursdelamaison.Iln’estpasdugenreàsonner

à la porte. D’ailleurs, si on la fermait à clé, il frapperait dessus si fort qu’il finirait par la

casser.

Jedévalel’escalierenespérantm’êtredébarrasséedetoutlefauxsang.Ilnousafalluplus

d’une heure, à Derek et moi, pour tout nettoyer. A la fin, on ressemblait à deux victimes

sortiesd’unfilmd’horreur.

Jetfaitcommechezluidansmonsalon,enprenantlefauteuilpréférédemonpèretandis

queTrey etMonika s’asseyent ensemble sur le canapé. Victor reste sur le seuil, lesmains

croiséessurletorse.Jesaiscequiletracasse,maisjenetrahiraijamaissonsecret.

JeréfléchisàcequejevaisleurdirequandJetdémarre:

—Onestaucourantpourlesservietteshygiéniques.

J’avaisespéréavoirnettoyésuffisammentvitepourquelanouvellenesepropagepas.On

abienvupasserquelquesvoitures,maisuneseulearalentipouradmirerlascène.

—Commentvousavezsu?

—Touslesgarsdel’équipeontreçudesphotosparmailanonyme.

Trey brandit son téléphone et fait défiler les images. Le jardin souillé... L’allée avec ces

troismotsquimefontencorefrémir...

— Elles sont aussi sur le Net, ajoute Jet en rejetant ses cheveux sur le côté. Il faut se

venger,parcequejevaispasresterlesbrascroisésàrienfaire.

Monika tapote legenoudeTreyet l’inciteàmedirequelquechosedont ilsontde toute

évidencedébattuavantd’arriver:

—Onsedemandejustecommentilsontfaitpouravoirtoutesnosadresses.

Elleconfirmed’unsignedetête:

—Cedoitêtrequelqu’undecheznous.

—Vousavezregardétropdesériespolicières,vousdeux,ditVie.

—Cen’estpascompliquéderécupérerlalistedesjoueursetnose-mails.Certainsélèves

dulycéedeFremontviennentdusuddeFairfield...

Jetgémit:

—Putain,j’ailadalle!Qu’est-cequet’asàbouffer?

—Pasgrand-chose.

Mais ilestdéjàpartià lacuisine,expliquantqu’ilnepeutpasréfléchir leventrevide.Ce

gars-làmange des tonnes et reste le joueur le plus vif et le plus rapide que je connaisse,

brûlanttoutessescaloriesavecuneénergieinfinie.Undesesdeuxpèresestchefcuisinier;

ducoup, jenecomprendspascomment ilacceptedemangerquoiquecesoitendehorsde

chezlui.

OnlesuittousàlacuisineoùDerekestassisàtable,entraindetapersursonordinateur.

Ilfaitunpetitgestedelamain.

—Salut.

VictorprendunairsuspicieuxtandisqueJetdemande:

—Tuesqui,toi?

—C’estDerek...,dis-je,lebeau-filsdemasœur.

Je fouille les placards et en sors des trucs au hasard pour nourrir tout le monde. Mes

coéquipierssefichentd’unenourrituresaineoupas.Ilsmangeraientn’importequoi.

Je peux pratiquement entendre le cerveau en ébullition de Jet. Comme j’aimerais lui

fermerlaboucheavecdusparadrap!Siseulementj’avaisassezdeforcepourlemaintenirau

solassezlongtemps...Levoilàquiéclatederire:

—Attends,Ash,çaveutdirequec’esttonbeau-neveu.Holà,lebordel!

—Jesuisbiend’accord,marmonneDerek.

JetattrapeunepoignéedeSkittlesvioletsrestéssurlatableetlesenfourne.

—Fautqu’ontrouveunplan,Ash.CesenfoirésdeFairfielddoiventcomprendrequ’onse

foutpasdenousimpunément.

Ma sœur entre à ce moment-là avec un énorme chignon sur la tête et observe tout le

monde.

—Dequelplanvousparlez?

—Dereprésailles,annoncefièrementJetavantquejen’aieletempsdeluidiredesetaire.

BrandiagiteundoigtversDerek,commemamanfaisaitavecnousautrefois.

—Nepensemêmepas participer. Tu te souviens de ce qu’il s’est passé avec ta dernière

blague?

—Ils’estpasséquoi?demandeTrey.

Dereksecouelatêtealorsquemasœurlâchelescoop:

— Il s’est fait renvoyerpour avoir lâchédes cochons aubeaumilieude la cérémoniede

remisedesdiplômes.

Renvoyer?Quandj’aivuDerekavecsonshortdelaRégents,hier,jen’aipasimaginéqu’il

s’étaitfaitvirer.

JetéclatederireetdonneuncoupàDerekaveclepoing.

—Epique,mongars!

Masœursetourneverslui,lesmainssurleshanches,ressemblantplusàunemamanqu’à

lafillequifumaitdesjointstouslesjoursetdansaitdanstoutelamaisonenpetiteculotte.

—Çan’ariend’épique.C’est,genre,pasbiendutout.PuiselleseconcentresurDerek:

—Nevapasfairedebêtisesaveclesamisdemasœur.Illasaluecommeàl’arméepourse

moquerd’elle.

Surquoi,elleprendsatassedecaféets’enva.

—Jepariequec’estcetype,Bonk,quiatoutplanifié,reprendVicquicontinuederegarder

Derekcommesic’étaitunsuper-espionenquionnepeutpasavoirconfiance.

—Quecesoitbienclair,intervientMonikaenprenantlatêtedeTreyentrelesmains:mon

hommene se battra contrepersonne.Horsdequestionqu’on abîme ce visagemagnifique.

N’est-cepas,chaton?

Ils se mettent à se bécoter et les niaiseries à pleuvoir. Jet lève les yeux au ciel et fait

semblantdevomir.

—Franchement,allezàl’hôtel!

—Laisse-lestranquilles,luidis-je.Ilssontamoureux.Quandtut’attacherasàunefille,tu

serascommeeux.

—Heureusementqueçan’arriverajamais.Sijecraque,bute-moiqu’onenfinisse.

Soudain,Victorreçoitunsmsetjureàvoixbasse:

—Merde,jedoisyaller.

—Attendez...JesuisleseulquiveuilleallerbotterleculdeFairfield?s’écrieJet.

— Peut-être qu’on devrait, tu sais, ne pas se venger et montrer qu’on a plus de classe

qu’eux?

—Quiparlede classe ici ?Pasmoi.Ash, si tu crois qu’on t’a élue capitaineparcequ’on

apprécietaclasse,tutegoures.Franchement,sionavaitcherchéleplusstylédetous,c’est

moiquiauraisgagné.

MonikalèvelamainmaisgardelesyeuxrivéssurTrey.

—Faux!Monbébéestleplusstylédetoutel’équipe.

—Tun’espasobjective,rigoleJet.Hep,Parker,tuveuxvraimentsavoirpourquoic’esttoi

qu’onaéluecapitaine?

—Pasvraiment...

Atouslescoups,ilvadirequej’ailesplusgrosnichonsdel’équipeouquelquechosedans

le genre. Ou qu’il a tout manigancé, comme le pense Landon, ce qui me ferait me sentir

terriblement mal et indigne du titre. En vérité, j’aimerais connaître la vérité... J’espère

simplementquecen’estpascequeLandoncroit.

—Moi,j’aienviedesavoir,intervientDerek.AlorsJetpassesonbrasautourdemoietme

serrecontreluicommeunepeluche.

—Onavotépourelleparcequec’estlananalapluscanondel’équipe.

—Jet,jesuislaseulenana!

— Je n’ai pas fini... On a aussi voté pour elle parce que c’est une fille qui a de sacrées

couilles.Ellen’abandonnejamaisetnepleurepaschaquefoisqu’elleestblessée,secoupeou

semangeungnonsurleterrain.Elledéfoncetoutlemondeàchaquefois!Ellenousmotive,

yapasdedoute!

IlfixeDerekavecgravité.

— Cette fille a voulu entrer dans l’équipe dès son arrivée au lycée. On a parié qu’elle

abandonneraitauboutd’unesemaine.Jesuisbienplacépourlesavoir:j’aiperdudelathune

enpariantcontreelle.Vapascroirequelesmecsn’ontpasessayédelafaireflancher,moiy

compris.Maisellen’ajamaisbaissélesbras.C’estcommeçaqu’elleagagnénotrerespect.

Puis,avecunregardsurmapoitrine:

—Etellealaplusbellepairedenibardsdetoutel’équipe!

CHAPITRE11DEREK

Dèsqu’onévoquelapoitrined’Ashtyn, jedétourneleregardet faisminedem’intéresser

aux Skittles restés sur la table. Je refuse de prêter attention à sa poitrine, ou à n’importe

quelle autre partie de son corps, d’ailleurs. Je suis déjà bien trop attiré par cette fille. Pas

question de m’intéresser à ses parties féminines, pour toutes les raisons possibles et

imaginables.

Alorsquejequittelacuisine,ungrandLatinom’interpelle:

—Derek,attends!Etsitunousaidais?

—Onn’apasbesoindelui,Vie,répondAshtyn.Ettuasentendumasœur:Derekn’apasle

droitdenousaider.

Ouais...Saufqueçamedonneencoreplusenviedelefaire.

—Enquoipuis-jevousaider?

—Anousvengerdesmecsquiontfoutulebordeldanslejardind’Ashtyn.

Jet,legarçonautoproclaméleplusstyléetàlalanguebienpendue,enchaîne:

—Ondoittrouverunplan,qu’ilssachentqu’onnepeutpasvenirnousemmerdercomme

ça.Touteslesidéessontlesbienvenues.

Ashtyns’interposealorsentrelesgarçonsetmoi.

—Iln’aaucuneidée,n’est-cepas,Derek?

—Eneffet...

Maisjemedoisdecassersasecondedetriomphe:

—Jevaisbientrouverquelquechose.

—Non!

—Génial!crientsescoéquipiers.Fais-noussignedèsquequelquechosetevient.

Ashtynmefusilleduregardpuistapechacundesesamissurl’épaule.

—Onenreparlera.Cettehistoireconcernel’équipe.Allezvousentraîner.Jevousrejoins.

Unefoistoutlemondeparti,ellesepenchepar-dessuslatable,approchantsonvisagedu

mien.Jetétait-ilobligédelaramenerausujetdesesseins?Danscetteposition,j’aiunevue

plongeantesursonsoutien-gorgeendentellerose...

—Tudois croire que j’ai besoind’un sauveur... J’ai biendumal àme concentrer sur ce

qu’ellemedit...

—Moinon.Etmêmesij’apprécietonaidepourlenettoyagedujardin,j’auraisététoutà

faitcapabledem’enoccuperseule.

—Jenesuispasunsauveur,dis-jeenrefermantmonordinateur.

—Alorsqu’est-cequetucherches,Cow-boy?Àpartàm’énerver.

—Jenechercherien.Depuisquejesuislà,j’aiperdusuffisammentdetempsàt’énerver.

Jevaismeréfugierdanslebureauenespérantpouvoiroublierlesoutien-gorgeendentelle

rose et la fille qui le porte. Allongé sur monmatelas gonflable, je rouvremon ordinateur

portable.J’aidans l’idéede regarderdesvidéos sur Internet,mais je finispar chercherdes

photosde lamaisond’Ashtynet tombedessustoutdesuite.Ellesse trouventsurunprofil

bidoncréélematinmême.UncertainBoogerMcGeeprétendantêtredeFremont.

Undesclichésaétéprisdeloinpourmontrerl’ampleurdudésastre.D’autresprésentent

les détails de l’œuvre d’art en tampons et serviettes. On a tagué Ashtyn sur la photo du

messagePUTEDEFREMONT. Les responsables ont bien fait attention à ne pas se trahir,

craignant sans doute les conséquences s’ils étaient reconnus. Malins, mais pas assez ! Je

plisse les yeuxpour examiner unephoto sur laquelle apparaît la voiture d’Ashtyn.Dans le

reflet d’une des vitres, on peut voir le capot d’une voiture : une Jeep Wrangler avec des

pharespersonnalisés.ImpossibledeconfondreuneJeepavecunautrevéhicule.

Mais pourquoi je jouerais les preux chevaliers pour Ashtyn ? Elle est bien capable de

menersespropresbatailles,etpourcellesquiluiéchappent,ehbien,elleauncopainetdes

coéquipiers.Jedoismerappelerdenepasmemêlerdesavie,mêmesimoninstinctmedicte

lecontraire.

Soudain,Falkormesautedessusetposesespattessurmoi.Sonhaleinemeditqu’iladû

mangerautrechosequedelanourriturepourchien.

L’été à laRégents doit être génial, avec des soirées qui durent toute la nuit.Moi, jeme

retrouvedans labanlieuedeChicago,avecunebelle-mèrequiveilleàceque jenem’attire

pasd’ennuietunefilleensoutien-gorgerosequijoueaufootballaméricainetaimerait,plus

quetoutaumonde,mevoirdisparaîtredelasurfacedelaTerre...

Commejen’airiendemieuxàfaire,etquej’aibesoind’aventure,jedécidedefaireuntour

jusqu’à Fairfield pour voir si je peux trouver la Jeep. Entrer en territoire ennemi est une

partiedeplaisirquandpersonnenesaitquel’ennemi,c’estvous.Jeporteunjean,desbottes,

etunechemiseàcarreauxavecmonbonnet–pourbienmontrerquejenesuispasd’ici.La

premièrefoisquej’airencontréJackàlaRégents,ilm’ademandésijevivaisdansunranchà

causede la façondont jemarche.Jeparlepeut-êtrecommeuncow-boy,mais jeressemble

plus à un surfeur californien qui porterait un bonnet. J’ai vécu dans tellement d’endroits

différentsquejen’entredansaucunmoule.

Fairfieldest lavillevoisinedeFremont.Jecherchele lycéesurmonGPSetdécouvreun

terraindesportdésert.D’accord,onestsamedi,maislesjoueursmotivéss’entraînentmême

leweek-end... Je parcours les rues à l’affût d’une Jeep ; il neme faut pas longtemps pour

comprendre qu’il y a un quartier riche et un quartier qui l’est bien moins. Je passe un

premier croisement, un second, et des tags de gangs commencent à apparaître sur les

bâtiments. Les types qui traînent dans la rue sont prêts àme vendre de la drogue, pas de

doutelà-dessus.

Je suis sur le point de baisser les bras quand j’aperçois une Jeep rouge avec des phares

customisés,garéedevantunmagasindesandwichs,Rick’sSubs.Jemegareàlaplaced’une

Corvettequivientdes’enaller.Al’intérieur,jem’assoisauboutducomptoiretfaissemblant

delire lemenuécrità lacraie.Detouteévidence,c’est le lieuincontournabledesélèvesde

Fairfield.

Ungroupedegarçonsdemonâgeinstallésàunetablerientetseprennentpourdesdurs.

—Bonk,téléchargeunautregrosplan,lanceundestypesunpeutropfort.

Bonkalecrâneraséetdespiercingsauxoreillesetàl’arcadesourcilière.Ilfaitsigneaux

autresdesecalmeretjetteunœilautourdeluipours’assurerquepersonnenelesécoute.

—Vousprenezquoi?medemandelaserveuse.J’inspecteànouveaulemenu.

—Unsandwichauxboulettesdeviandeàemporter.

—Çamarche.

Ellehurlemacommandeaucuisinieretmesertdel’eau.

—VousêtesdeFairfield?Jenevousaijamaisvu.

—Nan,jesuisdepassage,jeviensdeCalifornie.

JefaisunsignedetêteversBonketsaclique,entourésàprésentdetouteunefoule.

—Dites,euh...cesgarsvontaulycée?

—Biensûr.Lesjoueursdefootballaméricain.Celuiaveclecrânerasés’appelleMatthew

Bonk.C’est notre receiver vedette, annonce-t-elle fièrement comme si c’était une célébrité.

Onagagnélechampionnatd’Etatl’andernier.Matthewestnotrestarlocale.

Et elle s’en va prendre une autre commande. Bonk s’avance vers le comptoir et me

surprendàlescruterdebasenhaut.

—Qu’est-cequeturegardes?

MesyeuxnesontpasdignesdeSaSeigneurie?Ildoitprendresonstatutdestarlocaleun

peutropausérieux.

C’estlemomentdes’amuserunpeu.

—Jesuisjuste...waouh!MatthewBonkenchairetenos!

Jeluiprendslamainetlaserreavecunenthousiasmeexagéré.

—C’estunplaisirderencontrerenfinlecélèbrereceiverdulycéeFairfield.

—Merci,mongars.Etilretiresamain.

—Commenttut’appelles,aufait?

—PaytonWalters.

Jenefaisqu’inverserlenomd’undesplusgrandsrunningbacksdetouslestemps.Cemec

estinculte.

—Jemedemandaisjustesijepouvaisavoirunautographepourmacopine.C’estunetrès

grandefan,mec.Ellevadevenirfollequandelleapprendraquejet’airencontré.

J’attrapemaserviette,laluitends,etlaserveuseéperdueapparaîtcommeparmagieetlui

offreunstylo.Jeregardepar-dessussonépaule.

—PourSucred’orge.C’estcommeçaquejel’appelle.

—T’aspasàtejustifier.

BonkdédicacelaservietteàSucred’orgeetsigneMatthewBonk,#7.

—Jepeuxprendreunephoto?luidis-jedansmonplusbelaccenttexan.Sucred’orgevase

fairedessussijeluimontreunephotodetoiaveclaservietteàsonnom.

LesgensduNord, les«Yankees»commeon lesappelle,pensent toujoursqueceuxqui

ontunaccentduSudsontdesabrutis.Ilsignorentqu’onutilisenosaccentsànotreavantage

quand ça peut être utile. Comme maintenant, puisque Bonk prend la pose devant mon

téléphone.

—Écoute,monpote,jedoisallerretrouvermesamis,dit-ilavantdemerendrelaserviette

etdecommanderdenouvellesboissons.

—Pasdesouci.Mercibeaucoup!

Etjeluiserrelamainvigoureusement.

Ilretourneverssespotesetjel’entendsparlerdemoiavecmépris.Jepaiemonsandwich

et les suis dehors, où ils se regroupent devant la Jeep. Un des types prononce le nom

d’Ashtyn et suggère d’entrer par effractiondans les vestiaires deFremont pour les décorer

aveclestamponsquileurrestent.

Soudain,ilss’aperçoiventdemaprésenceetmedévisagentcommesij’étaisunalien.

—Laphotoque j’ai prise était floue.Est-ceque jepeux t’embêter et t’endemanderune

autre ? Je te jure que ma copine va faire dans sa culotte quand elle te verra avec ton

autographe.

Bonklèvelesyeuxauciel,rigole,maisneprotestepasquandjeluitendslaservietteavec

sa signature. Il prend la pose contre sa voiture, le papier en l’air. C’est parfait, à un détail

près...

—Vouspouveztousvousmettredanslechamp?Cesgarssonttroporgueilleuxpourrater

uneoccasionpareille...

Missionaccomplie.

CHAPITRE12ASHTYN

MonikaetBreeviennentmevoirdimanchematin.Cesontlesdeuxleadersdespom-pom

girls.Ellesveulentmonavissurleurnouveausloganetlachoréqu’ellesviennentdemettre

aupoint.Ellesimaginentsansdoutequejepourraiparleraunomdemescoéquipiers.

Sur lapelouse,devant chezmoi, lesdeux filles commencent à taperdans lesmains et à

danser.Jenecomprendspascommentellesfontpourbougercommeça–ondiraitqu’elles

sontfaitesdansunematièreélastiqueextraordinaire.Jesuisunpeujalouse,alorsqu’aucune

des deux n’est capable d’attraper, de lancer ou de taper dans un ballon de football comme

moi.

Dereksortetsedirigeverslecabanon.Ilal’airvirildanssonjean,sesbottesdecow-boyet

sondébardeurblanc.Falkorlesuitdeprès.

Brees’arrêteaubeaumilieudesonenchaînement.

—C’estqui,ça?demande-t-elleunpeutropfort.

—Derek.

—C’estlebeau-filsdeBrandi,préciseMonika.Ilest...

—Vraimentcanon!faitBree,presqueàboutdesouffle.ÔmonDieu!Tumecachesdeces

trucs,Ash.J’adoresesbottesetsonpetitchapeauesttropmignon.

—Sonbonnet?luidis-je.Onestenpleinété,c’estridicule.

—Tutetrompesàdeuxcentspourcent.

Ellebavecommes’ilétaitunmorceaudeviandequ’elleallaitdévorerenunebouchée.

—Unmeccommeçapeutportercequ’ilveut.Présente-le-moi,Ash.

—Crois-moi,tun’aspasenviedeleconnaître.

—Oh,quesi.

Monika m’adresse un sourire complice. Nous sommes amies depuis suffisamment

longtempspoursavoirquelorsqueBreearepéréuneproie,ilestimpossibledel’arrêter.

Soudain,Derekréapparaîtetjeluifaisunsignediscretpourl’inviterànousrejoindre–en

espérant qu’il m’ignore. Malheureusement, nous ne sommes pas sur la même longueur

d’onde.

—Derek,jeteprésentemacopineBree.EttuconnaisdéjàMonika.

—Salut,Monika.Ravideterencontrer,Bree.

Il penche la tête commeun parfait gentlemandu Sud. Je suis surprise qu’il ne l’ait pas

appelée«mam’zelle».

—Tuveuxvoirnotrenouvellechorégraphie?demandeBree.

Elleenroulesescheveuxduboutdudoigtetluifaitungrandsourire,totalementconquise

parsonpetitjeu.C’estpasvrai...

—Jesuiscapitainedel’équipedepom-pomgirlsetj’aimeraisavoirtonavis.

Derekal’airenchanté.

— Je ne connais pas grand-chose aux pom-pomgirls. Pendant ce temps,Monika dévore

soncorpsdesyeux.

—Disdonc,Derek...tufaisdusport?

—Plusmaintenant.

—Vraiment?Avecunphysiquepareil?

Brees’écarteunpeupouravoirunevued’ensemble.

—Alorstudoisfairedelamuscu.Beaucoupdemuscu...

Ondiraitqu’iltousse,maisDerekessaiesurtoutdeseretenirderire.

—Jecoursetjelèvedespoids.Puisilmeregarded’unœilmoqueur.

—Etj’essaiedenepastoucherauxglaces,auxSkittlesetauxcookiesaupetitdéj.

—Oùestlemal,luidis-je,siçamefaitdubienàl’esprit?

—Situledis.

—Alors,Derek,interromptBree,tuteplaisàChicago?Jesaisque,techniquement,onne

vitpasàChicagomaistuverras,avecletemps,tuaurasl’habitudedenousentendre,nousles

banlieusards,parlerdeChicagocommedenotreville.

—Onfaitaller.Disonsquejen’aipasl’intentionqueChicagodeviennemaville.J’aigrave

enviederentrerenCalifornie,etaprèslelycéej’intégrerailaNavy.Et,avecuncoupd’œilvers

moi:

—Bon,jevaistenterdefairedémarrerlatondeuse.C’étaitsympadepapoteravecvous,les

filles.

Il met ses écouteurs dans les oreilles et tire notre vieille tondeuse tout usée hors du

garage.

—Quoi?dis-jeàBreequimeregardeenfronçantlessourcils.

—Derekestlemecrêvé,Ashtyn.Avecuncorpscommelesien,ilirasansdoutedansune

unitéd’élite.C’estpascanon,franchement?

Lemecrêvé?Uncanon?Tuparles!Unpersonnagedecauchemar,oui!Letypequihante

lafilletranquillequin’ariendemandé...

—Bof...

Macopinemeregardecommesij’étaisfolle.

—T’aspasvusesbicepsouquoi?Etsescheveux?Etsesyeux!ÔmonDieu!sesyeux

bleusferaientfondren’importequellenana.

—Ilasurtoutbesoind’allerchezlecoiffeuretd’arrêterdefrimer.

—Personnellement, je trouve qu’il frime très bien. Je vais l’inviter à sortir demain soir.

J’arriveraipeut-êtreàvoirsesabdosdeplusprès,dansl’intimité.

EtvoilàBreequisautillepresquejusqu’àlui–depeur,sansdoute,qu’uneautrefillenele

luipiquesiellen’agitpasrapidement.

—Vouspensezquetouteslesfillesvontluisauterdessus,c’estça?jedemandeàMonika.

—C’estsûr.IlnevautpasTreyMatthews,maisilestvraimentmimi.

—Vousexagérez...

Macopinemedévisagecommes’ilmemanquaitunecase.

—D’accord,d’accord,j’admetsenlevantlesmainsenl’air.Danslegenrecow-boy-surfeur

californien,ilestpasmal,maiscen’estpasdutoutmontype.

Jebaisse lesyeuxvers lebraceletporte-bonheurquem’aoffertmoncopain.Landonn’a

pasdonnésignedeviedepuisvendredisoir.Ilnememanquepastantqueça,bizarrement.

J’aiétéprisedansunteltourbillondechangements,cesderniersjours;j’essaiedesuivrele

rythme,maisj’ail’impressiond’avancerauralenti.

— Où est-ce que vous en êtes avec Landon, au fait ? me demandeMonika avec un air

compatissant.

Elle s’attendpeut-êtreà ceque je craqueetmemetteàpleurer?Jepréféreraishurlerà

m’endécrocherlespoumons.

—J’aicruquevousalliezrompre,vendredisoir.

Jefaismined’ignorerlasensationquimenouel’estomac.J’ignoretotalementoùl’onen

est, Landon et moi. Je sais qu’il a besoin d’espace lorsqu’il est stressé, et je le laisse

tranquille.Maischaquejourquipassesansqu’onseparle,jemesensunpeupluséloignéede

lui.Déconnectée.

—Çavas’arranger,dis-jesimplement.Ontraverseunemauvaisepériode,c’esttout.

Mon amie penche la tête. Je vois bien, à son regard, qu’elle analyse beaucoup trop les

choses.

—Ils’estpasséquelquechoseentre toietDerek?J’ai levisagequichaufferienqued’y

penser.

—Jamaisdelavie.Pourquoitudisça?

—Jenesaispas, fait-elleenhaussant lesépaules.Simplement il yauncourantétrange

entrevous.Etc’estbizarrequetuledétestesautant.

EllesetourneversBreeetDerek,quin’ontpascessédediscuter.

—RegardecommentBreemarquedéjàsonterritoire.Tuasvuça?Elleluitouchelebras

chaquefoisqu’elleprendlaparole.

—Elle estpasséemaîtredans l’artdu flirt et ilmarcheà fond.Oualors c’est ellequi se

laisseprendreparsoncharmeàdeuxballes.Ilariendesincère,cetype.

—Hé,Bree!crieMonika.Viensparlàqu’onmontrelachorégraphieàAshtyn.

Maisunevoitureremontel’alléeenklaxonnant,retardantunenouvellefoislespectaclede

pom-pomgirls.MonikacouinedebonheurenvoyantVicgarersonénormeSUV.

—C’estépique!s’exclameJet,surexcité,endescendantdevoiturederrièreTrey.

Il porte une casquette de base-ball à l’envers et son survêtement raccourci – qu’il a

probablementcoupélui-même.

—Qu’est-cequiestépique?

Ilmeregarde,consterné,enrecoiffantsescheveuxparfaitemententretenussurlecôté.

—Tuesentraindemedirequetun’asrienàvoiravecça?

—Avoiravecquoi?

—Jevousavaisditquecen’étaitpaselle,s’exclameVie.Ellen’apaslescouillesdelefaire.

Bonjourl’insulte...

—J’aidescouilles,Vic!

—Jelesavais!hurleJetenfaisantunegrimaceidiote.Fais-nousvoir,Ash.

Jelèvelesyeuxaucieletluiclaquelebras.

—Tudevrais arrêterd’avoirunevie sociale etpasserplusde temps sur Internet,medit

Treyensortantsonportable.Quelqu’unacrééunprofilbidondunomdePaytonWalterseta

publiédesphotosdeBonketdesescoéquipierstenantdesaffiches.

—Desphotoscomment?

—Regarde.

Sur un des clichés, Bonk et ses coéquipiers s’appuient contre l’arrière d’une Jeep. Ils

brandissent une serviette marquée FAIRFIELD CRAINT en grosses lettres grasses et la

plaqued’immatriculationdelavoitureaétéchangéeenDUCON.Jem’étrangleendécouvrant

lasecondephoto:BonkestauRick’sSubsdeFairfieldetbrandituneserviettemarquéeJE

VEUXÊTRELAPUTEDEFREMONT.SignéeMATTHEWBONK#7.

—Quiafaitça?

Personneneme répond.C’est de la folie ! Lesmecs de Fairfield vont péter un câble en

voyantlesphotos.Ondiraitqu’ellesontétéretouchéesparunprofessionnel.Lerésultatest

impressionnant.J’auraisaiméypenserlapremière.

—Landon,peut-être?

Ma suggestion ne les convainc pas ; ils se regardent tous comme s’ils avaient de gros

doutes.

—Benvoyons,lanceJet.Toncopain,cehéros...

—Tuluiasparlé?demandeVie.Jesecouelatête.

—Hum,ditTrey,McKnightestportédisparudepuisvendredisoir.

J’évitedeleurdirequ’ilestportédisparudansnotrecoupleaussi.

CHAPITRE13DEREK

Lundi matin, je me réveille tard et tout le monde est déjà parti. En prenant mon petit

déjeuner, je contemple le jardin laissé à l’abandon à l’arrière de la maison. Le terrain est

plutôt grand,mais personne ne s’implique suffisamment pour que la pelouse ressemble à

quelquechose.C’estcommesilafaçadeimpeccableservaitdevitrinepourlespassants.

La tondeuse que j’ai trouvée hier est dans un état lamentable, mais j’ai réussi à la

démarrer.J’aibesoindem’occuper,sinonjevaisdevenircinglé.

Je lance lemoteur et placemes écouteurs surmes oreilles pourm’isoler.Mamèreme

disait toujours que la musique l’aidait à s’évader. Lorsqu’elle était à l’hôpital pendant ses

chimios,ellemefaisaitécouterEllaFitzgeraldetLouisArmstrong.Audébut,jelesdétestais,

mais ces chanteurs sont peu à peu devenus des symboles. C’est dur de tourner la page,

putain!Uneheureplustard,jetranspiredepartout.J’aidesbrinsd’herbecolléssurtoutle

corps,maisj’aibienavancé.Lecabanon,lieudemapremièrerencontreavecAshtyn,aconnu

des joursmeilleurs. J’ai vu de la peinture à l’intérieur ; il aurait bien besoin d’un coupde

pinceau.

Jemerinceetsongeàallermeposerdansmachambre,quandFalkordébouleensoufflant

commeunmalade.Lepauvreaenviedesortir.Jeluimetssalaisseetcommenceàcouriren

directionduterraindefootball.Cetendroitm’attirecommeunaimant...

Quandnousarrivonsau lycée, l’équipeestenpleinentraînement.Jeregarde les joueurs

s’échaufferetmemets instantanémentdans leurétatd’esprit.J’aiquittémonéquipe ilya

plusd’unan,maisjeconnaistellementbiencesexercicesquejepourraislesrefairelesyeux

fermés.

Ashtynfaitdusprint.Ellenem’apasencoreremarqué;quandcesera lecas, jesuissûr

qu’ellevam’engueulerparcequej’aisortisonchiensanssapermission.

Jelaregardeattraperdesballonsetcouriràtraversleterrain.Avecgrâce,elleinstalleun

ballonausoletsemetenposition.Quelquesgarçonssurlatouchel’observentethochentla

tête,impressionnés.Elleesttellementconcentréequ’ellenevoitrienendehorsduballonet

desbuts.Elleexécuteunpremiertirentrelespoteauxsansaucunedifficulté.

Alorsqu’ellesemetenpositionpourunnouveautir,ellem’aperçoitdanslesgradins.Elle

ratesesdeuxtirssuivantsmaisn’abandonnepas.Elleréussitsixcoupssurdix.Pasmal,mais

pasdequoifairelaunedesjournaux.

J’évalue l’équipe, comme je faisais avec mes rivaux. Le coach principal se distingue

facilement:ilporteunpulldegolfnoiretor,unecasquettedesRebels,etnecessedehurler

des instructions. Depuis que je suis arrivé, il n’a pas arrêté de s’en prendre à la ligne

d’attaquants, alors que je suis plutôt impressionné par leur jeu. Sans une ligne solide, le

quarterbackseretrouvevulnérableetl’équipeaffaiblie...

Lequarterbackestunegrandeperchequiportelenumérotrois.Iln’apasl’airtrèsconfiant

alors qu’il semble plutôt doué.Malgré quelques bons enchaînements, il ne parvient pas à

établir le contactavec lesautresquand la lignedéfensive lui tombedessus.Je connais son

problème:ilbloquementalement.Ilfautqu’ilarrêtederéfléchiretlaissefairesoninstinct.

Comme il répète la même erreur trois fois de suite, le coach l’attrape par le casque et

l’engueule.Jesuistroploinpourentendrelesmotsexacts,maisjesaisqu’ils’enprendplein

lafigure.

—Eh,Derek!crieAshtynenmelançantleballon.

Jem’écarte et le laisse rebondir contre les gradins, derrièremoi. Je n’ai pas touché un

ballondepuis le jourde lamortdemamère.Moninstinctmeditde l’attraper,mais jesuis

pétrifié.

—Ouais?

—Quit’aditquetupouvaispromenermonchien?

—Ilm’asuppliédel’emmeneravecmoi.Ilcroitquejesuislemâledominant.Tusaisque

leschiensontunsensdelahiérarchie?Jedisça,jedisrien.

Jehausselesépaules.

—Renvoie-moileballon,tuveux?

Je le regarde un instant avant dem’en saisir. Ce n’est pas comme si jeme remettais à

jouer,aprèstout.C’estjuste...unballon.Mêmesilasensationfamilièredudouxcuircontre

mesdoigtsmerappellelepassé.

Laplupartdesfillesquejeconnaisauraientpeurdesecasserunongle,maisAshtyntend

lesbrasetl’attrapesansaucunehésitation.

—Cen’estpastoiledominant.C’estmoi.

Ellecoinceleballonsoussonbrasetlanceenretournantsurleterrain:

—Jedisça,jedisrien.

CHAPITRE14ASHTYN

J’ai dit à Derek que j’étais le dominant mais là, tout de suite, j’en suis loin. Je n’étais

absolumentpasdans le jeuaujourd’hui.J’étais troublée,dispersée,et levoirassisdans les

gradinsàmeregardern’afaitqu’aggraverleschoses.

LaputedeFremont.

Deux joursontpasséetcesmotscontinuentdemetrotterdans la tête.Cematin,Dieter

m’a convoquée dans son bureau ; la rumeur au sujet des photos lui était parvenue. Ilm’a

conseilléd’oubliercettehistoireetdemeconcentrersurlavictoire.

Landonn’estpas venuà l’entraînement. Ilne répondpasàmesappels,ni àmes textos.

L’année dernière, il n’a pas raté un seul échauffement, ni un seul match. J’ai fait une

tentative cematin avant de quitter lamaison,mais son téléphone était éteint. Je suppose

qu’ila reçu leshorriblesphotosdechezmoi, luiaussi.Pourquoiest-cequ’iln’estpasvenu

mevoir,commetouslesautres?Ilauraitpu,aumoins,téléphonerouenvoyerunmessage

poursavoircommentj’allais...

BrandonButter,notrequarterback remplaçant,ne fait pas lepoids. Sous lapressiondes

autresjoueurs,sespassespartaientdanstouslessens.Malgrétout,jenevoulaispasqu’ilse

décourage,jeluiaitapédansledosàlafindel’entraînementetl’aifélicitépoursesefforts.

Jedoutequ’ilm’aitcruemaisçal’aiderapeut-êtreàreprendreconfianceenlui.Untoutpetit

peu,ceseraitdéjàbienutile.

Les entraînementsdedébutd’étéontbeauêtre facultatifs, je saisqueDieter est inquiet

quenotrequarterbackvedettenesoitpassurleterrain.Sonremplaçantn’estpasprêtpourla

compétition et si Landon se blesse, nous sommes foutus. C’est un joueur tellement solide

quepersonnen’avaitenvisagécecasdefigure.Jusqu’àaujourd’hui.

Je vaisme rhabillerdans le vestiairedes filles et tente encorede joindreLandon. Je lui

écrispourlaquatrièmefoisaujourd’huimaisilnerépondpas.Moncœurseserreunpeuetje

me mets à angoisser. Est-ce qu’il fait exprès de ne pas répondre ? Est-ce qu’il a préféré

rappelerLily,sonanciennecopine?Arf...Moiquin’aijamaisdoutédenotrecouple.Jerefuse

decommencermaintenant.

Surleparking,Derekestappuyécontremavoiture,lesjambescroisées.

Falkoraboiepourmesalueretsemetàbaver.

—Tuveuxmerendremonchien?

Çam’énervequ’ilcroieavoirunnouveaumaître.J’arrachelalaissedesmainsdeDereket

m’agenouillepourcaresserFalkorderrièrel’oreillegauche,sonendroitpréféré.

—Situveuxquejeteramène,jetepréviens,c’estluiquis’assoitàl’avant.

J’ouvrelaportièreetlaisseFalkormonteràsaplace.

—Jenecroispas,non,oseDerekensepenchantdanslavoiture.Falkor,vaderrière!

Monchien,d’ordinaireobstiné,sautedocilementsurlabanquettearrière.CommesiDerek

l’avaithypnotisé.

Jedémarre,allumelaradioetprendslechemindelamaisonsansunmot.

—Tuaspeut-êtrel’habitudededonnerdesordresauxgensautourdetoi,maisçamarche

pasavecmoi,medit-il.

—J’entendspascequetudis,jerépondsenmecouvrantl’oreilleaveclamain.

Alorsiléteintlaradio.

—Pourquoitum’enveux?Jen’aipasdemandéàvenirici,moi.Sionm’avaitpasviréetsi

Brandin’étaitpasencloque,j’auraistrouvéunmoyenderesterenCalifornie.

Onarrêtetout!Est-cequej’aibienentendu?

—Masœuresten-enceinte?Enceinte...,ellevaavoirunbébé?

—Oui,c’estcequisepassequandonestencloque.Jeluijetteunregarddecôtépuisme

concentresurlaroute.Enmegarantdansl’allée,jemetourneverslui.

—Soishonnête,pourunefois.Tuplaisantesausujetdemasœuretdubébé,n’est-cepas?

Ilsoupireetlèvelesyeuxaucielenouvrantlaportière.Falkorsortd’unbondderrièrelui.

Jebaisselesyeuxversletableaudebord.Masœurestencoreenceinteetellen’ariendit?

Ilestvraiqu ’e l le n’apasdonnédenouvellesenseptans...Etdepuisqu’elleestrentrée, je

l’évitecommej’éviteDerek.

Brandi est exactement commemaman. Ilm’a fallu longtemps avant de comprendre que

mamèren’allait jamais revenir.Brandi estde retour,mais inutilede se rapprocherd’elle :

ellepartiraànouveau,j’ensuissûre.

Pourtant,çametuequeDerekconnaissemieuxmasœurquemoi.Etquemonneveu le

préfèreàmoi.EtqueFalkorlesuivecommes’ilétaitlemâledominant.

Soudain,mon regard se tourne vers le garage et j’ai la surprise de trouver Landon assis

danssadécapotable,ses lunettesdesoleil sur lenez.Depuiscombiende tempsest-cequ’il

attend?

Jemarcheversluitandisqu’ildescenddevoiture.

—Tuétaispasséoù?

Je ne sais pas quoi lui dire d’autre après notre dispute de vendredi soir. Je ne veux pas

parlerdenosproblèmesdecouple,nideLily.

—Tuasratél’entraînement...

—Mes parents ont voulu que j’aille à un genre de brunch en famille. Je n’ai pas pu y

échapper.

—Oh...

Par lepassé, sonpèren’aurait jamais exigéqu’il rateunentraînement,maisLandonn’a

pasl’airdevouloirdévelopper.

—TuasvulesphotosdemamaisonsurInternet?EtcellesdeBonk?

Ilhochelatêtelentement.

—Ouais,j’aivu.

—C’esttoiquiaspubliécellesdeBonk?Ilhocheencorelatête.

—Ouais,maisneledisàpersonne.

—Comment tu as fait pour l’obliger à prendre la pose comme ça ? J’imaginemalBonk

poservolontairement.

—J’aimesméthodes.Comments’estpassél’entraînement?

—Buttersedonnedumal,maisseslancersmanquentdeprécisionetilbâclesespasses.

Un long silence s’installe. Jemesens triste lorsqu’il tend le bras et effleure le bracelet

avecuncœuretunballonqu’ilm’aoffertpourmondernieranniversaire.

—Désolé, pour vendredi soir.Mon vieuxme prenait la tête pour que jemène l’équipe

aveclemaillotdecapitaine,commeluiàl’époque.

Jecomprends.CarterMcKnightétaitunelégendeàChicago.Ilaunniveaud’exigenceultra

élevéet son filsveut toujours le satisfaire.Jusqu’àmonélectionaupostedecapitaine, il y

étaitarrivé.

Pourtant,Dieterm’aaidéeàcomprendrequejetenais,moiaussi,àcetteplacedecapitaine.

Je veux mener et motiver mon équipe. J’apprécie de ne pas être un simple joueur parmi

d’autres.

—Jen’aipasvoulutepiquertaplace,Landon.

—Oui,jesais,Ash.

Il évitemon regardet,denouveau, le silencenous sépare. Jene saispasquoidirepour

réparernotrecouple.Jenepeuxpaschangerlecoursdesévénements,nirevenirenarrière.

Pasplusquelui.

Iltoucheànouveaumonbraceletporte-bonheur.

—Est-cequej’aitoutgâchéentrenous?demande-t-il.

—Non...

Je ne supporterais pas qu’on me quitte encore. Avec Landon, au moins, je ne suis pas

seule.

—Mais... jemesuissentie trèsmalàcausede toi,vendredisoir.CettehistoireavecLily

m’achamboulée.Ettunem’aspasrappelée,nienvoyéaucunmessagedepuisdesjours.Jene

saisplusquoipenser.

—Tun’asqu’àoubliertoutça.

Ilsepencheetm’embrasse.Toutsemblerentrerdansl’ordreetj’aienvied’ycroire,mais

c’estdifficile.Depuisquemamèrenousaabandonnés, jen’aiplus jamaisvraimentcruen

personne.MêmeenLandon...

Ondiscutedel’entraînement.Jeluidemandes’ilapréparésesbagagespournotrevoyage

au Texas, à la fin du mois. Nous avons tous les deux été acceptés à Elite, un stage

d’entraînementauquelilestpratiquementimpossibled’accéder.Seulslesmeilleursjoueurs

lycéens du pays y sont admis. On a prévu d’y aller en voiture et de rester dans de grands

hôtelsgratuitementgrâceauxpointsdefidélitédesonpère.

—C’estquoil’histoiredecemec,Derek?demande-t-i l soudain.

Ilregarde,par-dessusmonépaule,Derektondrelapelouseenécoutantdelamusiqueau

casque. J’ignore pourquoi il tient tant à entretenir la maison. Mon père se fiche que la

pelousedederrière ait l’air jolie. Il tond à l’avant une semaine sur deux et les passants se

disentquetoutvabien.

—Aucuneidée.Toutcequejesais,c’estqu’ons’estmisd’accordpourseteniréloignésl’un

del’autre.Jefaiscommes’iln’existaitpas.

Envérité,j’essaiedefairecommes’iln’existaitpas,mais ilmerendparfois la tâchebien

difficile.Landonfaitungesteverslamaison.

—Tonvieuxestlà?

—Probablementpas,jenevoispassavoiture.Monpèrepréfèreêtreauboulot,oùilpeut

senoyerdanssesprojetsd’expertcomptable.

Landonmetirecontreluietmurmuredansmonoreille:

—Et si onmontait dans ta chambre , là,maintenant ? J’aimerais bien que tume

massesledos.

—Maintenant?JejetteunœilàDerek.

—Cen’estpeut-êtrepaslemomentidéal.

—Allez,Ash.

Ilmeprendparlamainetmeconduitàl’intérieur.

— Tu dis toujours que l’on ne passe pas assez de temps seule à seul. Profitons-en tant

qu’onpeut.

Dansmachambre,Landonenlèvesonhautets’étendsurmonlit.Jem’assoisàsescôtés

etcommenceàluimasserledos,malaxantsesmusclescrispés.

—C’est tropbon,gémit-il tandisque jepasseauxépaules.Jemedétendscomplètement

avectoi,Ash.

—Pourquoi tunememasseraispas lespieds,que jemedétendeaussi?J’aimalà force

d’avoirtapédansleballon.

—Lespiedsmedégoûtent.Lesseulspiedsquejetouche,cesontlesmiens.

Ilsetournepourmefairefaceetglisse lentementsamainsousmonhaut.Ildéfaitmon

soutien-gorge,puispasselespoucessurmestétons.

—Jepeuxtemasserailleurs,parcontre.Jeluibloquelesbras.

—Arrête,Landon.J’aisurtoutbesoindeparlerdemaviequipartenvrille.

Ilgardesesmainssurmapoitrineetposeses lèvressurmoncou.Ilm’embrassesousle

mentonetjesenssalanguecontremapeau.OndiraitFalkorquandilmelèchelevisage.

—Tunem’écoutespas...Tuessaiesdedétournermonattention.

—Tuasraison.Jenepeuxpast’écouterplustard?Là,j’aijusteenviequ’ons’amuse.

Enquelquessecondes,ildéfaitsonpantalonetbaisselesyeuxverssonentrejambe–une

manièrepasdutoutdiscrètedemefairesigned’yaller.

Jeregardecequisedressedanssonboxer.

—Jen’enaipasenvie,Landon.

—T’es sérieuse ?Allez,Ash ! se lamente-t-il, frustré.Tu saisque tu enas envie. J’enai

envie.Allez...

CHAPITRE15DEREK

Un lit couine au-dessus dema tête. Je regarde Falkor. Falkorme regarde. J’étais rentré

faire une pause,mais savoir Ashtyn et son copain à l’étage en train de s’amuserme rend

malade.

— Tu peuxme dire pourquoi je ressens le besoin d’aller là-haut et de sortir sonmec à

coupsdepiedauxfesses?

Falkor lève la tête comme s’il allaitme répondre, puis se jette sur un de ses jouets en

peluche.

—Toi,tuasbesoind’unecopine.

Il me dévisage avec ses yeux gris tombants et penche la tête de côté. Je l’entendrais

presquemedire:«Tuesjustejaloux.»

LorsqueLandonaembrasséAshtyn,toutàl’heure,jen’aipasratésonairdemedire« je

t’emmerde,elleestàmoi».Detouteévidence,cetypeseditqu’ilestundonduCielsurcette

Terre, avec sa Corvette décapotable et ses lunettes noires qu’il n’enlève même pas pour

embrassersacopine.Çam’étonnequ’ellesesoitattachéeàunmecpareil,quivoitsavoiture

commeuneextensiondesavirilité.

JenesaispaspourquoijetienstantàprotégerAshtyn.Ellesaitsedébrouillertouteseule

etn’apasbesoinqu’ondéfendesavertu.

Le lit recommenceàcouiner là-haut.Merde... impossibled’entendreçasansdevenir fou.

Savoir que cemec est en train de la toucherme donne envie de lui en coller une. Je n’ai

aucundroitderessentirçaetçametue.

Jeressorsetlancelatondeuseetmamusique,biendécidéàneplusypenser.

Aprèsavoirnettoyéunebellezonedemauvaisesherbes,pourtant,jenepeuxm’empêcher

dejeterunœilendirectionde lafenêtrede lachambre.Qu’est-cequ’ilm’arrive?Lesfilles

comme Ashtyn ne m’intéressent pas, d’habitude. J’aime les nanas qui cherchent juste à

passerdubontempsetneprennentpaslavietropausérieux.Alorspourquoiest-cequejene

cessedemedemandercommentceseraitdel’embrasseretdesentirsesmainssurmoi?

Enfin,Landonrepart.Ashtynl’embrasse,puisfaitdemi-tourverslamaison.

J’enlèvealorsmesécouteursetlance:

—Jet’ensupplie,nemedispasquetut’esremiseaveclui?

Ellemetoisedehautenbas.

—Remontetonfroc.Ilestentraindetomberetonvoittonslip.

Pourcequiestdechangerdesujet,elleestexperte.

—Franchement,untypequigardeseslunettesdesoleilpourembrasserunefille...

—Lemecavecquijesorsetlafaçondontons’embrasseneteconcernentpas.

Mince...Jesecouelatêteenm’approchantd’elle.

—Tusaisquecegarssefoutdetagueule?Tut’enrendscompte?

—Tut’yconnais,àcequejevois?répond-elleenlevantlesyeuxauciel.

—Toutàfait!

Je suis juste en faced’elle. Je relève sonmentonavec le pouce et l’index et ses yeux se

fixentsurmoi.Commeàchaquefoisqu’ellemeregarde,j’aiunmaldechienàdétournerle

regard.

—Tusaisqu’ungarssefoutdetagueulelorsqu’ilneteregardepasdanslesyeux.

—Arrête!fait-elleentournantlatête.

—Arrêtequoi?

—De vouloirme faire douter dema relation avec Landon. J’y arrive très bien sans toi,

merci.

Elle dégage ma main et se précipite dans la maison. Voilà qui est intéressant... Je

m’apprêteàlasuivrelorsquemontéléphonesonne.

—Coucou,meditBree.Jemedemandaissionpouvaitsevoirsamedisoir?

—Samedi?

— Jeme disais que ce serait sympa d’apprendre à se connaître un peumieux. Tu auras

besoindequelqu’unpour t’aider, au lycée.Ashtyn est assezprise à causedeLandon et du

football.Jepourraisêtrelàencasdebesoin.

Encasdebesoin...J’aitellementdebesoins,encemoment,queçaendevientcomique.Il

faut que je me secoue, parce que si je continue sur cette voie, je vais finir par péter les

plombs.

—D’accord,luidis-jeenlevantlesyeuxverslafenêtred’Ashtyn.C’estuneexcellenteidée.

CHAPITRE16ASHTYN

LesfêtesàFremontsontlégendaires,surtoutlorsqu’ellesontlieuchezJet.Sesdeuxpères

sontpartispourleweek-end,alorsilenprofitepourouvrirlesfestivitésdel’été.Landonest

venumechercher.Jecomptebienarrangerleschosesentrenous.

Ilmeprendlamainetm’entraîneàl’intérieur.Jetestassisdanslesalonetjoueàunjeu

d’alcooldesoninvention,N’importenawak.J’yaidéjàjoué.Uneseulechoseàsavoir,avecce

jeu:quelqu’unfiniracomplètementbourréavantlafindelasoirée.

Jetnousfaitsignedelerejoindre.Detouteévidence,lapartieduredepuisunmoment:ila

lesyeuxinjectésdesangetVicsouritcommesitoussesproblèmess’étaientévaporés.Vicne

souritjamais;engénéralilbroiedunoirets’énerveparcequesonpèredirigesavie.Jetse

décalepournousfaireuneplace.

—Hé,Ashtyn!N’importenawak?

—Jenejouepas,Jet.

Ladernièrefois,ilétaittellementivrequ’ils’estmisàvomirpartout.Onacruqu’ilallait

faireuncomaéthylique.

—Allez,Cap’taine, faispastarabat-joie.N’importenawak?Monikaetmoi,ona faitdes

trucsensembleenclassedecinquième?

MonikaestassisesurlesgenouxdeTrey,lesbrasautourdesoncou.Facile...

—C’estn’importenawak.

—Exactement ! lance fièrementMonika. Je n’aime pas les petits Blancs. Je n’aime que

monhommeenchocolat.Pasvrai,bébé?

—Vrai!

Etill’embrasse.

—C’estparcequetun’asjamaisétéavecunpetitBlanc,s’amuseJet.

TreylèvelesyeuxaucieletMonikaéclatederire.

Jet avale un shot tandis qu’un groupe de filles entre dans la pièce. Parmi elles, Bree en

minirobenoire,épaulesdénudées.

—Houlà!Breechercheunpeud’action,cesoir,murmureJetavantdesifflerdoucement.

Derekentreàsontour.Elleseretourneverslui,sourit,puisleprendparlebrasetl’amène

s’asseoiravecnous.

—Saluttoutlemonde!dit-elle,toutexcitée.

Je sens tous les regards braqués sur moi ; ils meurent d’en savoir plus au sujet du

nouveau. Il nem’avait pas dit qu’il serait là, ce soir, avec Bree. Il s’était enfermé dans sa

chambreetn’avaitpaslaisséfiltrerlemoindreindice.

—Derek n’a jamais joué àN’importe nawak, lance Landon. Il faut qu’on s’occupe de ce

puceau.

Jetacquiesce,maisjeproteste:

—Jenecroispasquecesoitunebonneidée.

—Onfaitunpetitjeud’alcool,t’espartant,Derek?enchaîneLandonenm’ignorant.

Jeluidonneuncoupdecoudeetluilanceunregardnoir.

—Landon,stop.

—Quoi?Alors,Derek,tuveuxjoueroupas?Enfin,situcroisquetunepeuxpasgérer...

—C’estparti, ditDerek sans aucunehésitation, commesiLandon remettait en cause sa

virilité.

—Jet’expliquelesrègles.D’abord,tudescendsunshot.C’estdelageléeunpeuarrangée.

Puistudoisrépondresansréfléchir.

Derekhochelatête.Ilnesedoutepasqu’ilyabeaucoupplusdevodkaquedegelée.

—Onseposedesquestionsà tourde rôle,poursuitLandon.Si ceque jedis est vrai, tu

prendsunshot.Chaquefoisquetuhésites, tuprendsunshot.Si jedisdesconneries, tu le

dis...etsituasraison,tuneprendspasdeshot.Jepeuxcontesteretdirequecenesontpas

desconneries,etalorsc’estlegroupequivote.Lamajoritél’emporte.

—D’accord.

Derekn’estpas lemoinsdumonde intimidé. Jene luidispasqu’engénéral, onnedoit

boire que lorsqu’on hésite. Il n’est théoriquement pas obligé non plus de boire au départ,

maiscesoir,Landonsemblejouerselonsespropresrègles.

Deuxtaureauxcornesàcornes,çanevapasêtrebeauàvoir.Ilfauttoutarrêteravantque

lejeunecommence.

—Landon,nefaispasça.

—T’inquiète,Ash,ditDerek.Jecontrôle.BreeagitelebrassousceluideDerek.

—Laisse-lesjouer,Ash.Faispastarabat-joie.

Jedevraisbondiretrefuserd’assisteraudésastrequis’annonce,maisLandonmetientpar

lahancheetmeforceàrester.

Lesdeuxgarçonsavalentchacununshot.Jepariequ’ilsauronttouslesdeuxunehorrible

gueuledeboisdemainmatinetçanemeplaîtpas.

Moncopainseraclelagorge.

—Alors:tutecoupeslespoilspubiens.

Derek ne quitte pas Landon des yeux et vide un shot d’une traite. Puis il se penche en

avant.

—Çat’emmerdequ’onaitéluAshtyncapitaine.

—C’estdesconneries.

Derekhochelatêteenentendantsaréponse.

—Tumens.C’esttoiquidisdesconneries.

—Onenchaîne:tudétestesvivreàFremont.Derekavaleunautreshotetlemitrailleavec

sanouvellequestion:

—Toutlemondepensequetuesunconnard.Landonprendunshot.

—Tutebranlesenpensantàmacopine.

—Landon!

—Quoi?dit-ilenlevantlesmainscommeunparfaitinnocent.Cen’estqu’unjeu.

Dereknerépondpas,nemeregardepas.

—Jepariequec’estvrai,marmonneTrey.

—Tuveuxjoueràça?demandeDerek,prêtàendécoudre.Tuveuxvraimentqu’onaborde

lessujetsperso?

—Oui,onpeutjoueràça.Derekprendunnouveaushot.

—Tubaisestoujoursavectonex.

Qu’est-cequ’ilsepasse?C’estdugrandn’importequoietjemeretrouveenpleinmilieu

des tirs. Landon est furieux et bondit sur ses pieds. Derek n’a pas pu dire ce que j’ai cru

entendre...Aprésent,toutlemondelesregarde.Ondiraitqu’ilssontprêtsàsetaperdessus.

—Çasuffit!

Jecriemaispersonnenem’écoute.JemetourneversJetetVicavecunairsuppliant,mais

Vicestàl’ouestetJetsemarretroppourintervenir.

—Prendsunshot,ditDerek,visiblementsatisfait.Tuashésité.

Landonvidesonverred’untraitpuisleclaquecontrelatable.Iln’aimepassefaireavoir,

çavatrèsmalseterminer.

—Ashtynestàmoi,tusais.

—C’estcequetucrois,répliqueDerek.Tun’espasleseulàtelatapertouslessoirs.

Ildéglutitetmejetteunbrefcoupd’œil.Sonmensongem’afaitl’effetd’unegifle.J’aile

visagebouillantetlerestedemoncorpsparalysé.Iln’apaspudireça...

Jelepousseetcourshorsdelamaison.

CHAPITRE17DEREK

—Ashtyn,attends!

Jelavoisquimarchelelongdutrottoiretjelarattrape.

—Mavien’estpasunjeu,Derek.

—Jen’aijamaisditça.

J’ai du mal à articuler ; l’alcool commence à faire effet. Pourtant, j’ai encore les idées

claires.Siquelqu’unmanquedeclairvoyance,c’estbienelle.

—Pourquoi tum’en veux ? je lui demande en lui tendant sa veste qu’elle avait oubliée.

C’estLandonquim’afaitjoueràsonjeudébile.

—Je vous en veuxà tous lesdeuxpour vosquestionsdébiles, etparcequemaintenant,

tout lemondecroitqu’oncoucheensemble.Si tuasunproblèmed’ego, il fallaitresterà la

maison.

Ellenevapass’entireraussifacilement.

—Jet’aidéjàditquejen’avaispaschoisideveniràChicago,Sucred’orge.Onm’yaobligé,

commetoncopainm’aobligéàjoueràcepetitjeuidiot.

—Jet’avaisditdenepasjouer!Maistonegoettescouillesraséest’ontenvahilecerveau.

—Jen’aipasditquejemerasais.J’utilisedesciseaux.Jeledévisagecommesic’étaitun

taré.

—Peuimporte.Tuétaiscensénepastemêlerdemavie,etmoiignorerlatienne.Onavait

unmarché.

—Commentj’étaiscensésavoirqu’ilallaitmeposerunequestionsurtoi?Etilestoù,le

problème,bordel?Fous-moiunpeulapaix!RedescendssurTerre,Ashtyn.Jesuisunmec,à

notre âge on est bourré d’hormones, et j’ai rien fait ces derniers temps... D’accord, je me

masturbe.Etalors?Jesuisdésolédem’être laisséprendreaupetit jeudetoncopainpour

savoirquiavaitlaplusgrosse.

—Tuesfou,DerekFitzpatrick.C’estofficiel.Ivreseraitplusjuste.

—Jen’arrivepasàcroirequevousayezréussiàm’incluredansvotremanège.Maintenant,

lesgensvontsemettreàcolportertoutessortesderagots.

Jeme passe unemain dans les cheveux. Comme j’aimerais que cette conversation n’ait

jamaiseulieu...

—Jemefouspasmaldecequelesgensdecettevillepeuventpenser.

Soudain,Landonsortdelamaisonavectoutungroupederrièrelui:

—Ashtyn,viensici!

Ellefaitminedenepasl’avoirentenduetmedévisagecommesij’étaisl’ennemi.

—Pour tagouverne, tues leneveuque j’aime lemoins,dit-elleentre lesdentsavantde

rejoindreMonikapourluidemanderdelaraccompagner.

Alorsqueleurvoitures’éloigne,lamusiquequiprovientdelamaisonmerappellequela

fêtebatsonplein.EtBreedoitsedemanderpourquoijen’aipasenvoyéboulerLandonquand

cet idiot a dit que je me branlais en pensant à Ashtyn. Je me faufile jusqu’à elle dans le

labyrinthehumain.

—Onpeutparler?

Elleposeunemainsurmajoue.

—Tuestropmignon.Situcomptest’excuser,cen’estpaslapeine.Jesaisquetutefoutais

deLandonjustepourqu’illaferme.Etjecroisquetuasréussi.

—Merci.

Ellem’embrassesurlabouche.

—Toutleplaisirestpourmoi.

Nous restons à la soirée unmomentmais très vite, je suis tellement soûl que j’ai juste

enviededormir.Bree finitparavoirenviedepartir, elleaussi, etnous trouvonsquelqu’un

d’assezsobrepournousraccompagner.

Deretouràlamaison,j’aiconsciencequejedoisrattraperlecoupavecAshtyn.

Elleaététrèsclaire,pourtant:elleneveutrienavoiràfaireavecmoi.Alorspourquoiest-

cequejen’arrivepasàmelasortirducrâne?Jecroisquoi?Queparcequejesuisattirépar

elle,elleressentforcémentlamêmechose?

Labonneblague!

Finalement,c’estbienqu’Ashtynmerejette.Nosviessontdéjàsuffisammentcompliquées

commeça,pasbesoind’enrajouter.

Jeluisuisreconnaissantd’avoirlaissélaported’entréeouverte,maismachancenedure

paslongtemps.Brandiestencoredebout,devantl’ordinateur,entraindefaireunevidéo.Ça

mefaitbizarredevoirsonventrerondetnusoussonhautrelevé.

Jepassederrièreellediscrètement,enespérantqueleseffetsdel’alcoolnesevoientpas

trop.

—Jesuisrentré.

—Salut,Derek,répond-elleenfrottantsonnombril.Jefilmemonventrejouraprèsjour.

Lorsque tonpère rentrera, il sera content de voir l’évolution. Ilmemanque àmort. Tiens,

viensluifaireunmessage.

Jesaluelacaméraenpriantpourn’avoirpasl’airtroptorché.

—Coucou,Papa.J’espèrequet’accompliscequetuveuxaumilieudel’océan.Aplus!

C’estnazequ’il soit aussi loin, etqu’onnepuissepas separler.Lorsqu’il est absent, j’ai

l’impression qu’il gravite autour dema vie sans en faire véritablement partie, comme une

vagueconnaissance.

—Tuasbucombiendeverrescesoir?medemandeBrandiavantquejeneparte.

—Beaucoup.

— Je l’ai senti à la seconde où tu t’es approché. Elle baisse son haut pour couvrir son

ventre.

—Bon.Ehbien,jedevrais,tusais...,tedirequec’estunemauvaiseidéedeboireàtonâge.

—Tunebuvaispas,toi?

— Si. Je ne suis sans doute pas la bonne personne pour critiquer les soirées du lycée.

Simplement...n’enfaispastrop,d’accord?Sitonpèresavait,jesuissûrequ’ilneseraitpas

contentet...

—Dis-luicequetuveux.

Aupointoùonenest,qu’est-cequ’ilpourraityfaire?Cen’estpascommes’ilpouvaitme

gronderoumereprendrelabagnole.Iln’estpaslàpourfairelaloi.Personnen’estlàpourça.

Ellesecouelatête.

—Etsijetelaissaisleluidire?

—Cool.

Mavie est redevenueparfaitement anormale en seulementquelques secondes.Avantde

m’enaller,jemeretourneversBrandi.

—TusaisoùestAshtyn?

—Elleestlà-haut,elledort.Est-cequetoutvabienentrevous?

—Jenesaispas,dis-jeenmefrottantlanuque.

—Tuveuxunconseil?

Jen’aipasletempsdeluidiredelegarderpourellequ’ellelèvelesmains:

—Masœurvitàfondetelleaimeàfond.C’estdanssanature,elleestcommemoi.

Jeréfléchisuneminute,cequiestassezdurdansmonétat.

—Merci,Brandi.Ellesouritfièrement.

—Derien.Bonnenuit,Derek.

—‘nuit.

Quandj’étaispetit,mamèreavaitl’habitudedes’allongeravecmoisurlelitetoninventait

deshistoires.Ellecommençaitunephraseetjelaterminais.«Ilétaitunefoisungarçonqui

s’appelait...»,commençait-elle,etmoij’ajoutais:«Derek.»Puiselleenchaînait:«Unjour,

Derek rêvait d’aller... » et je racontais où j’avais envie d’aller et on créait comme ça une

aventure incroyable.C’étaitnotre ritueldu soir.Puis je suisdevenu trop vieux et elle s’est

miseàmeprodiguerdesconseilssur lesfilles, l’école, le footballaméricain,ettoutcedont

j’avaisenviedediscuteravecelle.

Brandin’arienàvoiravecmamère.Ducoup,celle-cimemanqueencoreplus.J’aimerais

tellementpouvoirluiparlerencoreunefois,lavoirmesourireencoreunefois,créerunede

noshistoiresencoreunefois.Jedonneraisn’importequoipourqu’ellemeconseilleàpropos

d’Ashtyn;elleauraitcertainementlaréponse.

Maisilfautcroirequejedoismedébrouillerseul.

Jemedéshabilleetmonteà l’étageenboxerpourmebrosser lesdents.Ensortantde la

salledebains,jemerappellequejen’aipasrendusavesteàAshtyn.Jeredescends,attrapele

vêtementdansmachambre,remonteetmeretrouvedevantsaporte.Jefrapperaisbienmais

j’aipeurqueFalkorne semette à aboyer commeunchienenragéetne réveille Julianqui

dortdanslachambreàcôté.

—Ashtyn,dis-jedoucement.

Laporteestlégèremententrouverte.Jelapousseetjetteunœilàl’intérieur.

Falkor dort au pied du lit, veillant sur sa princesse. Je rentre sans bruit pour déposer

l’habitsurledossierd’unechaise,maisenvoyantAshtynétenduesurlelit,lesyeuxouverts,

jebloquecomplètement.

—Va-t’en.

Jebrandissaveste.

— Tu as oublié ça à la fête. Tu pourrais faire semblant d’être reconnaissante et me

remercier.

— Désolée. Merci infiniment de me l’avoir rapportée, dit-elle d’un ton sarcastique.

Maintenant,veux-tu,s’ilteplaît,laposeretdégagerd’ici?

— Je suis sûr que tu m’aimes bien, dis-je en m’exécutant. Les mots m’ont échappé,

impossibledelesretirer.

—Vraiment?

—Ouais.Lorsquetuserasprêteàl’admettre,fais-moisigne.

Cequ’ilyademieux,aveclesamisproches,c’estqu’ilssaventtoutdevotrevie.Cequ’ilya

depire,aveclesamisproches,c’estqu’ilssaventtoutdevotrevie.

Monikaestarrivéechezmoi,cematin,avecuncaféau laitdanschaquemain.Ellem’en

offreunpuiss’assoitauborddemonlitetsavourelesienàpetitesgorgées.

—Tuveuxenparler?

J’avaleunegorgéedeboissonchaudeetsoupire.

—Parlerdequoi?DufaitqueLandonetmoi,onnesesupporteplus,oudufaitqueDerek

estunfléaudansmonexistence?

—Unfléau?C’estrude,surtoutvenantdetoi.D’habitude,tuestoujoursenbonstermes

aveclesmecs.Tulescomprends.C’estquoi,leproblème,aveccelui-là?

Jerepousselescouvertures.

—Ilalechicpourfaireressortirlepireenmoi.

—Etpourquoiça?

—Jenesaispas,dis-jeenhaussantlesépaules.Ilneprendjamaisrienausérieux.Ah,sauf

lanourriture.

Jet’airacontéàquelpointilestobsédéparl’idéedemangersain?

J’agitelesmainsenl’air.

—IlrefusedetoucherunSkittles!Etillaisselalunettedestoilettesrelevéeexprès...juste

pourm’énerver.

J’enrageensongeantàlafaçondontDereks’estimmiscédansmavie.Jememetsàfaire

lescentpasenbuvantmoncaféaulait.

—Iltetapesurlesystème,ondirait.

—Tupeuxledire...

Je regardeMonikadu coinde l’œil. Je sais très bien ce qu’elle a en tête...Mameilleure

amiecroitavoirundonpourcomprendrelesgensetlessituations.

—Nevapassurinterpréterquoiquecesoit,s’ilteplaît.

—Promis,répond-elleenavalant lerestedesoncafé.S itunesurinterprètespas tropce

quejevaistedire.

—Aquelsujet?

—ÇaconcerneTreyetmoi.

Jem’assoisprèsd’elle.Je suisuneamie tellementnulleetégocentriqueque jene luiai

mêmepasdemandécommentelleva.Ilfautcroirequ’envoyantMonika,jepenseàunevie

CHAPITRE18ASHTYN

parfaite,etn’imaginepasqu’ellepuisseavoirlemoindreproblème.

—Qu’est-cequinevapas?

—Toutvabien,c’estjusteque...Elles’étendsurmonlitengeignant.

—Treyetmoi...

Jeluifaissignedepoursuivre.

—Vousn’allezpasrompre,quandmême?

—Non!Çan’arienàvoir.Promets-moiquetun’enparlerasàpersonne.

—Tuasmaparole.

Ellepoussealorsungrandsoupir.

—Onl’atoujourspasfait.

Etelleattrapeuncoussinetsecouvrelevisageavec,totalementgênée.

Jeredresselecoinducoussin.

—Dequoituparles?Desexe?

—Ouais.

—Attends...JecroyaisquevousaviezcouchéensembleàlaSaint-Valentin?

Treyavaitorganiséunesoiréeultra-romantique.Ilavaitlouéunechambred’hôteletl’avait

invitéeaurestaurant.Je l’avaisaidéàtoutpréparercar ilvoulaitquetoutsoitparfait.Pour

elle.

—Tum’as dit que ça avait été la plus belle soirée de ta vie. Tu asmême utilisé lemot

magique.

—J’aimenti.

—Pourquoi?

Monikadisaitsouventqueperdresavirginitén’étaitpasimportantpourelle,etquesiTrey

voulaitpasseràl’acte,elleétaittoutàfaitpartante.Etjesaisqu’ilsontdéjàfait...destrucs.

Laplupartdutemps,ilsnepeuventpass’empêcherdesetripoter.

—On est allés dîner, puis on est allés à l’hôtel et on a commencé à s’amuser.Mais ça

paraissaitbizarre,forcé,tuvois.Jen’étaispasdedans.

Ellecommenceàgrattersonvernisàongles.

—Treym’aditquecen’étaitpasgraveetqu’ilattendraitquejesoisprête,maisjesaisqu’il

étaitdéçu.

C’estvraimentétranged’apprendre lavérité,parcequ’à la façondontTreyparled’euxen

sonabsence,oncroiraitqu’ilsnemanquentpasuneoccasion.Jel’aidéjàentendudirequ’ils

avaientfaittroisfoisl’amourenunenuit.Etqu’ilsl’avaientfaitauRaviniaFestival,sousune

couverture,pendantunconcert.Ilamêmepréciséqu’unefois lepréservatifavaitcraqué.A

l’entendre,onjureraitqu’ilsontuneviesexuelledémente.

CommentconciliermarelationavecMonikaetmonamitiéavecTrey?Lesgarçonsnesont

pas justemes coéquipiers. Ils se confient àmoi.De toute évidence,Treyne souhaitait pas

révéler la vérité sur sa vie sexuelle, et je ne lui jette pas la pierre. Tous les autres garçons

parlent de leurs folles aventures avec des filles et je suis certaine que Trey ne voulait pas

restersurlatouche.Lesmecssonttouspareils.

Jecaresselamaindemonamie.

—Tonsecretserabiengardé.

— Je l’aime, Ashtyn. Sérieusement, je sais que ça a l’air stupide, mais je fantasme

complètement à l’idéed’épouserTrey et d’avoir des enfants avec lui.C’estmon âme sœur,

j’ensuissûre.J’aienviedefairel’amouravecluietilesttoujourstrèsdoux,trèspatientavec

moi.Jesuisjuste...Jenesaispas.Peut-êtrequequelquechoseclochechezmoi.

—Toutvabien,cheztoi,Monika.Tun’espasprête,voilàtout.

— J’aimerais tant que mes parents l’acceptent. Ils n’ont jamais toléré qu’il habite The

Shores.

TheShoresestunerésidenceduquartiersuddelaville.Cen’estpasl’endroitleplussûrde

Fremontetlesgangsysontnombreux,toutlemondelesait.MaisTreyasuresteràl’écart.

Sesparentsnesontpas trèsriches,mais ilssont très liéset lepèredeTreyest l’hommele

plusdrôlequejeconnaisse.

Monika a l’air plus détendue, maintenant qu’elle s’est confiée. Elle bondit de mon lit

commesielleétaitsutressortetregardeparlafenêtre.

—Alors,dis-moi,Derek,ilabienunehistoire?

—Jenesaispas.IlvientdeCalifornie,sonpèreestdanslaNavy,ildétestelamalbouffe,et

ils’estfaitvirerdejenesaisquelinstitutprivépouravoirlâchédescochonsdanslanature.

C’esttout.

—Ilaunecopine?Jehausselesépaules.

—Est-cequeBreeluiplaîtouest-cequ’ilenpincepourtoi,commel’asuggéréLandon?

—Jet’assurequ’iln’enpincepaspourmoi.Ilaimejustem’énerver.

—Çavautdespréliminaires.

—Tuesfolle.Écoute,jesaisqueturêvesdedevenirunagentduFBIunjour,maisDerek,

onn’enparlepas.

—Pourquoi?

—Parceque.Jeneveuxpasqu’ilinterfèredansmavieetj’aipromisdenepasm’immiscer

danslasienne.Onn’arienencommun.Absolumentrien.

Elleéclatederireetposeunemainsurmonépaule.

— Ce n’est pas une raison suffisante, d’après moi. Ecoute, on va partir en mission de

reconnaissanceetenapprendredavantagesurcegarçonmystérieux.

Elleseprécipiteaurez-de-chausséeetjelasuisàtoutesjambes.

—Pasquestiond’allerfouillerchezlui!

—Etpourquoipas?

—Parcequec’estpascooletprobablementillégal.Laportedubureauestouverte.Monika

pénètreàl’intérieursanshésiter.

—Faisleguetetpréviens-mois’ilarrive.

—Quecesoitclair,jesuiscontrecetteidéed’espionnage.

—Quecesoitclair,tumeursd’enviedesavoircequejevaistrouver.

Avraidire,ellen’apascomplètementtort.

MoncœurbatàtouteallurealorsquejeregardeparlafenêtreDerekpousserlatondeuse

aufonddujardin.IlacoincésonT-shirtdanslapochearrièredesonjeanetsondosmusclé

luitdesueur.Jem’écarteunpeupourqu’ilnepuissepasmevoir.

—Ilaimelesbottes,ondirait!

Monikaenbranditunepaireencuirmarronetenfaittomberuneliassedebilletsdecent

dollars.

Waouh! Ilestpleinauxas.D’où il sort toutcetargent?demande-t-elleenremettant la

liassedanslabotte.Paslamoindreidée.Allez,viens.

—Attends.Tiens,tiens...Voyez-vousça!s’exclameMonikaenouvrantsavalise.Ondirait

que ton hommeporte des boxers,met du parfumCalvinKlein et joue au poker. Peut-être

qu’ilagagnéunpaquetdefricauxcartes.

—Auxcartes?

Macopineplongealorslamaindanslavaliseetenressortunepoignéedejetons.

—Ouais.C’estunflambeur,yapasdedoute.Dehors,Derekramassel’herbecoupéeetla

fourredansdessacs.Monikainspecteencorequelquesboîtesavantdes’exclamer:

—Sonportefeuille!

Jemeprécipiteverselleetleluiarrachedesmains.

—Neregardepasdedans.C’esttroppersonnel!

— Justement. Quel meilleur moyen d’en apprendre un peu plus sur quelqu’un ? Le

portefeuilled’unmecestlerefletdesonâme,commesontéléphone.

—Vraiment?résonnelavoixdeDerekderrièrenous.Jen’avaisencorejamaisentenduça.

Merde!

Jefaisvolte-faceetilmedévisage.Jemesenscommeunegaminepriselesdoigtsdansle

pot de confiture. Je jette le portefeuille sur le lit et recule d’un pas, comme si ça pouvait

m’innocenter.Puisjebalbutie:

—Salut,Derek.Onétaitjuste...

JejetteunœildésespéréàMonikaquis’avanceversluiavecunsourireinnocent.

—Ashtynetmoin’étionspasd’accord,alorsilfallaitqu’onviennedanstachambrepour

décider.

—Vousn’étiezpasd’accordsurquoi?

—C’estunebonnequestion.

—Oui,c’estunebonnequestion,répèteMonikasanstrouverl’argumentquinousmanque.

Derekal’airmortderire.Ilnesembleniénervé,nigênéqu’onaitpudécouvrirqu’iljoue

aupokeretconserveunebellesommedansunebotte.

—Onvoulaitsavoirsitu...

— ... gardaisunpréservatifdans tonportefeuille ! s’écrieMonika.Ashtynapariéque les

garçons gardaient tous des préservatifs dans leur portefeuille et moi, j’ai dit, bah, que les

mecsnefaisaientplusçadepuislesannées80.

Despréservatifs?Elleauraitputrouverquelquechosedemoins...embarrassant.

—Etquelestleverdict,mesdemoiselles?lâche-t-ilavecundemi-sourire.

—On n’a pas eu le temps de voir, dis-je en regardant le portefeuille.Mais ce n’est pas

grave.

Derekleramasseetmeletend.

—Tiens.Ouvre-le.Vousêtesvenuesjusqu’icipoursavoir,alorspourquois’arrêtersiprès

dubut?

Monikam’inciteàleprendre,qu’onenfinisse.Jemeraclelagorge,puisledéplieetjette

unœilàl’intérieur.Dansundescompartiments,jetrouvelaphotod’unejoliefemmeenrobe

bleuclairàcôtéd’unhommeenuniformeblanc.Ellea lesyeuxdeDereket lui lesmêmes

traitsburinés.Jerepoussequelquesreçussansintérêtetvérifiel’autrecompartiment,vide.

—Pasdepréservatif,dis-jebêtement.Ilmereprendleportefeuilledesmains.

—Jecroisquetuasperdu.

CHAPITRE19DEREK

Voilàunesemainequ’AshtynetLandonse sont rabibochés.Elleentredans la cuisineet

jetteuneenveloppeFedExsurlatable.

—C’estpourtoi.

Puisellesetourneetouvrelegarde-manger.

UneenveloppeFedEx?Audébut,jeressensunventdepanique,craignantunemauvaise

nouvelle concernant mon père. Mais les mauvaises nouvelles aux familles de militaires

n’arriventpasparFedEx.C’estlorsquedeuxhommesenuniformeseprésententsurleperron

qu’ilfautsemettreàpaniquer.

Pourtant, je tressaille en découvrant l’adresse de l’expéditeur : c’est ma grand-mère du

Texas,lamèredemamère.Commentelleasuquej’étaisici?Autrefois,ellem’envoyaitun

cadeauà chaqueanniversaire,parobligation,mais jen’ai eu aucun contactdirect avec elle

depuisdesannées.

ElizabethWorthingtonatoujoursdétestéquemesparentssesoientmariés,carmonpère

nefaitpaspartiedelahautesociététexane.Ellen’estmêmepasvenueàl’enterrementdesa

fille,auquelelles’estcontentéed’envoyerunecargaisonentièredefleurs.Ellepensaitsans

doutequecelacompenseraitlesannéesperdues...

Avraidire,jemefichecomplètementdecequ’ElizabethWorthingtonaàmedire;autant

balancerl’enveloppeencoreintacteàlapoubelle.

—C’étaitquoi?medemandeAshtyn,unpaquetdecookiesàlamain.

Ellen’apasvuquejen’avaispasouvertl’enveloppe.

—Jecroyaisqu’onnedevaitpass’immiscerdanslesaffairesdel’autre?

—Simplecuriosité.Etpuistumedoisbiença.

—Pardon?

Elleprendunairchoqué:

—Attends,Cow-boy!Tuasditquetun’interviendraispasdansmavie,maistutapesdans

le dos de mes potes, tu joues à des jeux d’alcool avec mon copain et tu flirtes avec mes

copines.

—Jeflirte?

—AvecBree.

Jel’arrêtedelamain.

—Ecoute,cettefillem’ademandésil’essenceetl’huileallaientdanslemêmeréservoirde

latondeuseoudansdeuxcuvesséparées.Puisellem’aproposédesortiravecelleunsamedi

soir.Qu’est-cequetuvoulaisquejefasse,quejel’ignore?

— Si tu crois qu’elle s’intéresse aux tondeuses, tu es un crétin. Elle veut seulement

t’enlevertonpantalon.

—Etqu’est-cequ’ilyademalàça?Pasderéponse.

—Tuveuxvraimentsavoircequ’ilyadanscetteenveloppe?C’estunelettred’admission

dansl’équipeolympiquedetrampolinesynchronisé.J’enlèveunepoussièredemonépaule.

—Jen’aimepasmevanter,maisj’aigagnél’orauchampionnatnational,l’andernier.

— Le trampoline synchronisé n’existe pas, Derek. Je lui tapote la tête comme à une

gamine.

—Maissi,biensûr.

Ellelèveaucielcesyeuxnoisettequimecaptivent.J’aimevraimentlataquiner,mais,en

vérité,j’aimesurtoutlavoirseprendrelatête.

—Quelmenteur...

Ashtynatort.Etlepire,c’estqu’elleestpersuadéed’avoirraison.

—Onparie,Sucred’orge?

—Ouais,onparie,dit-ellelesmainssurleshanches.Çadevientintéressant.

—Qu’est-cequ’onparie?

Elleréfléchitetsefrottelesmains,commesiellevenaitd’avoiruneidéegéniale.

—Sijegagne,tudoismangerunsachetdeSkittlesentier.

—Lesvioletsaussi?dis-jeenrigolant.Çamarche!Etsituperds,tudoissortiravecmoi

unsoir.

Jel’entendsdéglutirbruyamment.

—Qu...quoi?J’aidûmalentendre...Sortiravectoi?

—Seulementsijegagne.

—Commeuncouple»?Euh...tutesouviensquej’aiuncopain?

—Neteprendspas latête.Quiparledecouple?Jevoulaissimplementdirequ’onferait

unesortieensemble.

—Landonnevapasapprécier.

—Qu’est-cequeçapeutmefaire?

—Tutefichesdetout,enfait?

—Pasexactement.

—Tu espathétique, conclut-elle avantdedisparaître.Mais très vite, elle réapparaît avec

sonordinateurportableetunsourirearrogant.

—IlyaunpaquetdeSkittlesentierquit’attenddansleplacard,Cow-boy.VersionXL.

Jemefrottelesmainscommesijesavouraisunevengeance.

—J’aidéjàprévutoutenotresoirée...Unesoiréerienquepourtoi.

Ellen’apasl’airdes’inquiéterlemoinsdumondeentapanttrampolinesynchroniséaux

Jeuxolympiquessursondavier.Maissonarrogancedisparaîtd’unseulcoupetellesepenche

enavantenfronçantlessourcils.D’habitude,ellecontrôlelemoindredesesmouvements;

plusmaintenant.Elleconsultedifférentssitesquiprouventquej’airaison,seplaquecontre

ledossierdesachaiseetplisselenez,vaincue.

—C’estunvraisport,marmonne-t-elle.

—Jetel’avaisdit.Tudevraismefaireconfiance,detempsentemps.

Ellemefixeduregardens’affalantsursachaise.

—Jenefaisconfianceàpersonne.

—C’estnaze.

—Jetel’accorde.

— Tu vas sans doute me trouver optimiste mais moi, je crois que la confiance peut se

gagner.Jevaispeut-êtret’étonnerettefairechangerd’avis.

—J’endoute.

Jeluipincegentimentlementon.

—Tumemetsaudéfi?Ok.

Jelalaissecogiteràl’idéedesortiravecmoietvaistrouverJuliandanssachambre.Ilest

en train de feuilleter un livre d’images sur les châteaux de sable et pointe du doigt une

énormeconstructiontrèsouvragée,avecdesdouvesetdesponts-levis.

—Pop’afaitunchâteaudesableavecmoiladernièrefoisqu’onestallésàlaplage.

Ilreposelelivre.

—C’était avant qu’il aille dans le gros sous-marin.Pop’...C’est comme ça que j’appelais

monpèrequandj’avaissonâge.Cegaminn’ajamaisconnusonvraipère;jenedevraispas

être surprisqu’il considère lemiencomme le sien.Etpourtant...Oùque jeme tourne, j’ai

l’impression qu’on me rappelle que j’ai une nouvelle famille pour m’obliger à oublier

l’ancienne.J’aimeraislesenvoyertouspaître,maisquandjevoiscegosse...Jenesaispas.Je

sensunlienentrenous,commesij’étaissongrandfrère.

Jem’agenouilleprèsdelui.

— Eh bien, cours demander à ta mère ton maillot de bain. Je t’emmène à la plage

construireunchâteaudesable.

—Vraiment?

Iljettelelivresursonlitetbonditd’excitation.

—Ouais!

Etnousvoilàà laplageen traindecreuseretdedresserdes toursdesable.Troisautres

gamins nous regardent et se lancent dans leur propre construction, juste à côté de nous.

Julianredresselatêteparcequ’ilsaitquenotrechâteauestleplusbeau.Etdeloin.

—C’estmongrandfrère,dit-ilàundesgossesquiadmirentnosdouves.

—Tuveuxnousaider?Onauraitbienbesoindebrassupplémentaires.

Dèsquecegaminsejointànous,d’autresseprécipitentet,trèsvite,nousnousretrouvons

avecunepetitearméedeminisoldatsquimescrutentcommesi j’étaisungenrededieudu

château de sable et s’adressent à Julian comme s’il avait douze ans, et non cinq. Bientôt,

notreœuvreressembleàunvrairoyaume,avecplusieursbâtiments,desponts,destunnels.

Quandj’enaiassezdeschâteaux,jefaislacourseavecJulianjusqu’àl’eaudulacMichigan

pour nous rincer. Je lui apprends à flotter sur le dos sans bouger. On s’éclabousse et on

s’amusejusqu’àcequelepetitseretrouveavecdescoupsdesoleil.Alors,ilgrimpesurmes

épauleseljelereconduisjusqu’àlaberge.

—Jesuiscontentquetusoismonfrère,Derek,dit-ilenmeserrantlecou.

Jelèvelesyeuxverssafrimousse;ilmeregardecommesij’étaissonhéros.

—Jesuiscontent,moiaussi.

Sonpère l’aabandonné,monpèreestabsent, je suisdonc le seulhommedanssavie. Il

faudraitquesongrand-pères’intéresseàlui,maisGusn’aimerienàpartdisparaîtreetfaire

latronche.

On se sèche et on se prépare à partir. Julian accepte d’aller faire quelques courses avec

moi.Jefaislepleindeyaourts,defruitsetlégumesqui,j’ensuissûr,n’ontjamaispénétréle

frigodesParker.

Deretouràlamaison,jedécouvrelalettredemagrand-mère,miraculeusementressortie

delapoubellepouratterrirsurmoncoussin.Ouverte.Etmerde!Encoreuncoupd’Ashtyn.

Jelatrouvedanslesalon,entraindemangerdeschipsdevantuneémissiondetélé-réalité

débilequisemblelacaptiver.Ellearefaitsatresseetporteunsurvêtementsansmanchessur

unT-shirtmarquéFremontAthletics.

J’agitel’enveloppedevantelle.

—Pourquoituassortiçadelapoubelle?

— Pourquoi tu asmenti ? Ce n’est pas une invitation à intégrer l’équipe de trampoline

synchronisé.

ElleoffreunechipsàFalkoretseredresse.

—Çavientdetagrand-mère.

—Etalors?

—Tunel’asmêmepaslue,Derek.

—Enquoiçateregarde?

—Çanemeregardepas.Çat’estadressé,alors lis.Jeneveuxpassavoircequecontient

cettelettre.

—Tuterendscomptequec’estillégald’ouvrirlecourrierd’autrui?Laviolationdelavie

privée,çateditquelquechose?

Ashtynn’apas l’airdesesentircoupable ;elleattrapeunenouvellechipsetse la fourre

danslabouche.

— Tu l’as jetée. Elle n’était plus à toi. D’un point de vue juridique, ce n’est pas une

violationdelavieprivée.

—Tuteprendspouruneavocate,maintenant?Etsilaprochainefoisqueturecevaisune

lettre,jel’ouvraisàtaplace?Çateplairait?

—Sijelajetais,ceseraitjuste.Tupourraisenfairecequetuveux.

Elledésignealorsmonenveloppedesesdoigtsgras.

—Tudoislirecettelettre,Derek.C’estimportant.

—Quandj’auraibesoindetesconseils, jeteferaisigne.Enattendant,nefourrepluston

nezdansmesaffaires.

Je vais à la cuisine et balance le pli à la poubelle unedeuxième fois. Puis jememets à

chercherunmixer.

—PourquoivousvousbattezencoreavecTatieAshtyn?demandeJulianenmeregardant

viderlesplacards.

—Onnesebatpas.Onsechamaille.Tuveuxungoûter?

Ilmefaitouidelatête.

—Tusavaisqu’ilfautplusdemusclespourfroncerlessourcilsquepoursourire?

—Jedoisêtresacrementmusclé,alors.

Jetrouveenfinunmixeretluiprépareunsmoothiebanane-yaourt-épinards.

—Voilàpourtoi,dis-jeenluitendantungrandverre.Bonappétit!

Ilobservemonbreuvagecommesic’étaitdupoison.

—C’estvert ! Je... j’aime pas les boissons vertes. Autrefois, mamère se levait tous les

dimanchesmatinpournouspréparerdessmoothies.Onavaitpourritueldetrinquer,tousles

deux,avantdelesdescendre.

—Goûte,luidis-jeenmeremplissantunverre.Tchin!

—Pitié,Derek,aucunenfantn’aenviedeboireuntrucbonpourlecorps,intervientAshtyn

ensortantuneboîtedecookiesetunpaquetdeguimauvesduplacard.Jevaistefairequelque

chosequineressemblerapasàdel’herbeliquide,Julian.

Je l’observe préparer joyeusement des sandwichs de cookies avec de la guimauve au

milieu,puislesbalanceraumicro-ondes.

—Surtout,nepas les laissercuiretroplongtemps...Elleapprochelevisagedelavitredu

four,quiluigrilleprobablementlecerveauautantquesessandwichs.

— ... sinon,tufaiscramerlaguimauve.

Puisellesortl’assietteetlaposedevantsonneveu,fièredesacréation.

Julian regarde les sandwichsdecookies, le smoothie,moi, et enfinAshtyn. Il est le juge

finaldenotrepetitecompétition.

—Jecroisquejevaisprendreunfromagerigolo,tranche-t-il.

Ilentireunduréfrigérateuretl’agitesousnosnezenquittantlacuisine.

—Àplus!

Ashtynfaittoutunplatdesesfameuxsandwichsetj’essaied’ignorerlesgémissementsde

plaisir qu’elle m’inflige à chaque nouvelle bouchée. Ils me font penser à des choses

auxquellesjen’aipasledroitdepenser...

Lorsqu’elleaterminé,ellesedirigeverslapoubelleetenressortl’enveloppe.

—Arrête,avecça.

—Non,dit-elleenmelacollantpresquedanslesmains.Lis!

—Pourquoi?

—Parcequetagrand-mèreestmaladeetqu’elleveuttevoir.Jecroisqu’elleestmourante.

—Jem’enbranle.

C’estdumoinscequejesouhaiterais.Pourtant,jeposemonverreetfixel’enveloppe.

—Allez,tun’espasaussiinsensiblequeça.Prendsuntrucausérieux,pourunefois.

Elleabandonneleplidéchirésurlecomptoiretsortdelacuisine.Minceàlafin!Siellene

l’avaitpasressortieetnel’avaitpaslue,j’auraispuprétendrequecettelettren’avait jamais

existé.Jenesauraispasquemagrand-mèreestsurlepointdemourir.Jeneconnaismême

pascette femme.Ellen’étaitpas làpour sa fillequand celle-ci étaitmalade et avaitbesoin

d’elle.Enl’honneurdequoijedevraismesoucierd’elle?

Jeprendsl’enveloppeetlafourreànouveaudanslapoubelle.

Plus tard dans la soirée, Julian se précipite dans le jardin ; il a vu des lucioles. Je lui

apporteunpotenverrequej’aitrouvédanslacuisinepourqu’ilenattrape.

—PourquoivousvousbatteztoutletempsavecTatieAshtyn?medemande-t-ilànouveau

enattendantqu’unebestioledaigneallumersesfesses.

Évidemment,ilfallaitqu’ilramènelesujetsurletapis.

—Ilfautcroirequeçanousamuse.

—Mamanditquelesfillessedisputentaveclesgarçonsparcequ’elleslesaimentbien.

—Ouais,ben,TatieAshtynnem’aimepasbeaucoup.

—Tul’aimesbien,toi?

—Biensûr.C’estlasœurdetamaman...Iln’apasl’airconvaincu.

—Etsinon,tul’aimeraisquandmême?

Ilvautmieuxquejem’exprimeavecdesmotsd’enfant,pourqu’ilcomprenne.

—Écoute,Julian:parfois,lesfilles,c’estcommelanourriture.Ellesontl’airbonnes,elles

sontbonnes,maisenréalité,ellessontmauvaisespournous,ellesdonnentdescaries,et il

vautmieuxnepass’enapprocher.Tupiges?

Ilmedévisageavecsesgrandsyeuxclairs.

—AlorsTatieAshtyn,c’estcommeunSkittles?

—Ouais.UnénormesachetdeSkittles.

—Jedétesteallerchezledentiste.

Etilrepartàlachasseauxinsectes.Ilenmetquelques-unsdanslebocalpuiss’assoitdans

l’herbeetlesobserve.Ilesttrèsconcentrésurleslumièresquivibrentetscintillent.

—J’aienviedeleslibérer.

—Bonneidée.

Ildévisselecouvercleetvideentièrementlepot.

—Maintenant, vous êtes libres ! s’écrie-t-il d’une voix enjouée, semblable à celle de sa

mère.

J’entends s’ouvrir la porte-moustiquaire. Ashtyn vient dans notre direction, les yeux

soulignéspardumaquillagenoir.Ses lèvresbrillent.Elles’estchangéepourunerobed’été

moulanterosequisoulignesonbronzageetsescourbesdorées.Sonlookpourraitluiattirer

des ennuis si lamauvaise personne posait un regard sur elle. Quelle est la vraie Ashtyn ?

Celle enpull à capuchenoire etT-shirt ou celle enhabits courts etmoulants, penséspour

exciterlesgarçons?

—Qu’est-cequevousfaites?demande-t-elle.

—Onchopedeslucioles,répondJulianenimitanttrèsbienmonaccenttexan.

—Jepeuxvousaider?Jebrandislebocalvide.

—Tuarrivestroptard.Onafini.Sonpetitsouriredisparaît.

—Désolé.

LandondébarquealorsdanssaCorvette,cequiexpliquelarobesexy.

Il sort de sa voiture, et, après avoir admiré la tenue d’Ashtyn, il l’attire contre lui. Ils

s’embrassent,maisfranchement,Falkorselèchelesroubignolesavecplusdepassion.

CHAPITRE20ASHTYN

Landon m’emmène dîner dans un restaurant japonais. On partage notre table avec six

autrespersonnesvenuesfêterunanniversaire.Legroupeestbruyantetcomplètementsoûl.

—TuseraispaslefilsdeCarterMcKnight?demandeunhommedugroupe.

—Etcomment!répondLandonenbombantletorse.

Il devient subitement le centre de l’attention et passe les deux heures du repas à parler

footballaméricainaveceux.Onl’interrogesurlasaisonàvenir,onveutsavoirs’ilsuivrales

tracesdesonpère.

—Jecomptebienfaireuneplusgrandecarrièrequelui.

Sa déclaration récolte les faveurs du groupe ; ils ont en face d’eux un futur champion.

Landonneditpasque,moiaussi,jejoueaufootball.Cesoir,onneparlequedelui.

Laserveusevientrécupérerlesassiettesetils’éclipsepourallerauxtoilettes.

Uneminuteplustard,sontéléphone,qu’ilalaissésurlatable,semetàvibrer.J’enprofite

pourjeterunœilàl’écran.C’estencoreLily...etcettefois,elleluiaenvoyéunephotod’elle

enpetiteculottedevantunmiroir!Ellesecouvrelesseinsavecunbras,tenantévidemment

sonportabledel’autremain,etellesouritàl’objectif.Jedétourneleregard;jeneveuxpas

êtrejalousedesapeaumateetparfaite,deseslongscheveuxnoirsetbrillants,nidesesyeux

exotiquesetsombres.Jemerépètequ’elleestmoche,sansycroire.

Laphotoestaccompagnéed’unmessage:«Tutesouviensdeça?»

Landonmerejointetjeluitendssonportable.

—Tuasreçuuntexto.

Ilvoitl’écrandesontéléphoneetserassoitlentement.

—Cen’estpascequetucrois,Ash.

—Jecroisquec’estunephotodetonexàpoil.

Alors que nos voisins de table écoutent notre conversation, Landon commence à voir

rouge.

—Onpourraitparlerdeçaplustard,non?murmure-t-ilentresesdents.

Mais jeme fichequ’il se tape lahonte.Onpaie l’additionet j’exigequ’ilmeramèneà la

maison.Jeneluilaissepaslechoixetfonceverslaporte.

—Laisse-moit’expliquer,dit-ilunefoisdanslavoiture.

—Fais-toiplaisir, je suissûreque tuasuneexplicationparfaitement logiqueau faitque

Lilyt’envoiedesphotosd’ellenue.

—Cen’estpasdemafaute.Elledoitvouloirqu’onseremetteensemble.

Ilcomprendquejenesuispassatisfaiteparsonargumentetsoupireungrandcoup.

—Tusaisquejedétestelesnanasjalouses,Ash.Iln’yarienentreLilyetmoi.Jet’aime.

Fais-moiconfiance.

Ildémarrelavoitureenévitantmonregard.

JemerappellealorslesmotsdeDerek:«Tusaisqu’ungarssefoutdetagueulelorsqu’il

neteregardepasdanslesyeux.»Qu’ilpuisseavoirraisonmerendencoreplusdingue.

J’enrage tellementque jene remarquepas,avantd’yarriver,queLandonnemeconduit

paschezmoi,maisauClubMystique,qu’iladore.A la frontièreentreFremontetFairfield,

c’estlaboîtelaplusconnueducoin,etilslaissententrerlesgensàpartirdedix-septans.

—J’aipaslatêteàdanser,Landon.

—Onn’estpasobligésdedanser,dit-il,lamainsurmongenou.Onn’aqu’às’installerdans

lecarréVIP.Jeveuxtemontrerquetueslaseulefilledansmavie.Ok?

—Ok.

—Ehbenvoilà!fait-ilenmepinçantlegenou.Fais-moiconfiance.

Ilsegaredevantl’entréeetdonneauvoiturierlesclésetvingtdollarsdepourboire.Ona

beauêtrelundisoir,l’endroitestbondécarunDJplusoumoinscélèbredeLosAngelesest

venumixer. Et puis c’est l’été, les étudiants et les lycéens se croient enweek-end toute la

semaine.

Landongardesonbrasautourdemoialorsquenouscouponslafiled’attenteetavançons

vers la porte VIP. Le videur le reconnaît immédiatement et nous fait signe de passer. La

plupart des jeunes doivent présenter une pièce d’identité pour prouver qu’ils ont bien dix-

septans.Pasnous.

L’endroit est plein à craquer, on a du mal à se déplacer. Le sol vibre sous l’effet de la

musique.Seulsquelques spots sur lapisteoffrentunpeude lumière.Landonmeprend la

main etme conduit en haut des marches jusqu’au carré VIP délimité par des cordes –

n’importequiavecunstatutoudel’argentpeutytrouveruneplaceoùs’asseoiretboirede

l’alcool. On se pose sur un canapé de velours rouge qui surplombe la piste de danse.Une

serveuse enBikini string trop serré et froufrou blanc vient lui demander s’il veut un shot.

Landonouvreuneardoiseetsemblebientropcontentd’êtreserviparcettefille.Ellelèveune

bouteilledetequilaau-dessusdesatêteetilsepencheenarrière,attendantqu’elleluiverse

l’alcooldirectementdanslabouche.Ilsecouelatêteetavaled’unetraite.

—Tuveuxessayer?medemande-t-ilens’essuyantlabouchedureversdelamain.

—Non.

Ilglisseàlafilleunbilletdevingtdollars,troppourunpourboire.Elleleremercieavecun

sourire etun clind’œil appuyé,puis il regarde ses fessesalorsqu’elle s’éloignepour servir

d’autresclients.

—C’estquoitonproblème,Landon?

Il se la joue.Cen’estpas leLandonque jeconnais,celuipourqui j’aides sentiments et

aveclequeljesorsdepuisdesmois.

—Yapasdeproblème,détends-toi,Ash.Regarde,mêmeDereksaitprendredubontemps,

dit-ilenmontrantlasalleenbas.

JesondelafouleetaperçoisDerekquidanseavecBree.Ilssetiennentdosàdos,collés-

serrés.MonikaetTreydansentàcôtéd’euxenriant.Jenepeuxpasm’empêcherdemesentir

isoléeetdem’énerver.Dereknem’appartientpasetjeneprétendsàrienavecluimais,pour

uneraisonouuneautre,j’aidumalàlevoiravecquelqu’un.Pourcouronnerletout,c’estun

excellentdanseurquin’apaspeurdeselâchersurledancefloor.Jemedisaisques’ildevait

connaître une danse, ce serait un truc de cow-boy sur de la musique country. Je ne

m’attendaispasàcequ’ilm’impressionne,enboîte,surdelahouse.

Depuisquandmameilleureamieetsoncopainfont-ilsdessortiesencouplesavecDerek

etBree?J’auraispréféréqu’ilsaillentailleurs,cesoir.LaprésencedeDerekfaitressortirdes

chosesquejepréféreraisgarderenfouies.

Breeseretourneetpassesesbrasautourdesoncou.Ilposesesmainssurseshancheset

ilssebalancentenrythme.J’aienviedepartirpournepasassisteràça.Alafindelachanson,

il lèvelesyeuxetjedétourneleregardpourqu’ilneremarquepasquejel’observe.Jesens

quejepourraismeperdredanssesyeux.

Landonserapprochedemoietmelèchelecou.

—Tusensbon,Ash,mechuchote-t-ilà l’oreilleavantdemesucer le lobeetdeposersa

mainàl’intérieurdemacuisse.Ettuesvraimentsexy!

D’ordinaire,enprivé,quandilessaiedem’exciter,jemelaissefaire.Ici,j’ail’impressionde

medonnerenspectacleetçamanquetotalementd’émotion.

—Ilfautquej’ailleauxtoilettes,jereviens.

J’attrapemonsacàmain,parsm’enfermerdansunecabineetappuielatêtecontrelaporte

pouressayerdemettreunpeud’ordrelà-dedans.

VoirDereketBreeensembleaouvertuneplaiedontj’ignoraisl’existence.Énervée,jetape

contre la porte de la cabine. Ce n’est pas possible ! Pas maintenant, alors que tout

commençaitàs’arranger.Jesuiscapitainedel’équipe.Masœuretmonneveusontderetour

àlamaison,aumoinstemporairement,etDerekestentraindetoutgâcher.

Laréalitémefrappecommeunjoueurdepremièrelignedansunemêlée.Nonseulementil

aenvahimamaison,moncercled’amis,mavie...ilaaussiréussiàpercermoncœur.

J’ai le béguin pour lui et il ne va pas disparaître comme ça. Il faut que je rompe avec

Landon.

Mavieestvraimentsensdessusdessous.

JeretournetrouverLandonetbloqueenlevoyantdiscuteravecMatthewBonkcommesi

c’étaientdeuxvieuxpotes.J’ail’impressiond’êtredansuneautredimension.BonketLandon

sedétestent.Ilssontrivauxsurleterrainetendehors,alorspourquoiest-cequ’ilssourientet

se tapent dans la main ? Bonk devrait être furieux que Landon ait publié des photos

humiliantesdeluisurInternet.

—Aplus,mec!

Bonkluitapedansledoscommesic’étaituncoéquipier.Puiscesaletypemelâcheunrire

mauvaisenpassantdevantmoi.Ondiraitunprédateurprêtàbondir.

—Pourquoiest-cequetuparlaisavecBonk?dis-jeàLandon.

J’aiunehorriblesensationaufonddemoi.Cesdeux-làévoluentdansdeséquipesrivales.

Fairfieldn’ajamaisjouéréglo,quecesoitsurleterrainouendehors,etLandonlesait.Ilsait

aussi que Bonk est du genre à faire des histoires. Je n’ai aucune confiance en ce type.

Personne,cheznous,n’aconfianceenlui.

—Assieds-toi,Ashtyn,m’ordonneLandon.

Jehochelatêteetreculequandilessaiedem’attraperlepoignet.

— Pas avant que tum’expliques pourquoi, Bonk et toi, vous êtes soudain les meilleurs

amisdumonde.

Iltendànouveaulamain,larefermeautourdemonbrasetmeforceàm’asseoiràcôtéde

lui.

—Metapepasunscandale,s’ilteplaît.

Jetentedemelibérer,maisilmeserrecommeunétau.Jenel’aijamaisvucommeça.Il

mefaitpeuretjetressailleensentantsesdoigtsentrerdansmapeau.

— Je me casse de Fremont pour aller à Fairfield, avoue-t-il enfin. Comme je vis à la

frontière entre les deux districts, je peux choisir mon école. Ils m’ont offert la place de

capitaineetj’aiaccepté.

La douleur dans mon bras n’est rien à côté de sa trahison. Je comprends tout,

brusquement.

—Tuasraté l’entraînementparcequ’ont’arecrutéàFairfield,pasparceque tesparents

voulaientquetuassistesàunévénementenfamille.Tum’asmenti!

— Je n’ai pasmenti. J’ai accepté une offre... Comme si changer de campn’avait aucune

importance!

—SiFremontveutquetusoisleurcapitaine,pasdeproblème.

J’essaiederespirernormalement;j’ailatêtequitourne.

—Situnouslâches,luidis-je,ondevrasedébrouilleravecBrandonButter.Onn’arrivera

jamaisauchampionnatd’État.

—Écoute,jedoisfairecequiestbienpourmoi,pascequiferaplaisiràtoutlemonde.

—Pourquoi tum’as invitée à sortir, ce soir ? Pourquoi faire semblant que tout va bien

entrenousalorsquetunousabandonnes,moiettoutel’équipe?Tuasditquetum’aimais.

Çaaussi,c’étaitunmensonge?

Ilhausselesépaules.

CHAPITRE21DEREK

J’essaiedemeconcentrer surBreepournepas regarder lebalconoùLandonest colléà

Ashtyn. Je lutte pour la laisser tranquille,mais ça nemène à rien ; je ne pense qu’à une

chose:monterpouréchangermaplaceaveccegars.

Lasoiréesepassaitpourtantbien...Jusqu’àcequ’ellesepointeavecsoncopain.

Bree se frotte contremoi commesi j’étais sabarrede strip-teaseperso.Elledansebien,

d’ailleurs.Lorsqu’ellem’aproposédeveniravecelle,MonikaetTrey,jemedisaisqueçame

soulageraitdepasserunesoiréesansAshtynmerépétantquejeluigâchelavie.

Mais rien ne se passe comme prévu. Je lève la tête vers le balcon, ne résistant pas à la

tentation,etm’attendsàlavoirblottieconfortablementcontrelui.Pourtant,Ashtynn’apas

l’airheureuse.Landona lesdoigts serrésautourde sonbras.Ondiraitqu’elle essaiede se

libérermaisillatientfermementetnelâchepasprise.Elleal’airpaniquée,contrariée...Elle

tressaillededouleur.Putain!

Je sens la rage et l’adrénaline monter. Je me précipite à travers la foule, puis dans

l’escalier. Hors de question que je le laisse lui faire du mal. Rien à foutre qu’elle m’ait

demandéderesterendehorsdesavie.

Jeregardelegrosvideurquibloquel’entréeducarréVIPdroitdanslesyeux.

— Il y adeuxnanasqui sont en trainde se friter, dis-je enpointant vers le centrede la

pièce.Faudraitinterveniravantqueçanedégénère.

Levideurquittesonposte.Jesautepar-dessuslacordeetcoursverseuxalorsqu’Ashtyn

griffeLandonauvisage.

Illuilâchelebrasettouchesajoueentaillée.Ellesedressedevantlui,grandeetfière,etle

toise avecmépris. Il tourne la tête à gauche, à droite, et s’aperçoit que tout lemonde les

regarde.Ila lahaineet lève lamain,commes’ilallait la frapper,mais jem’interposeavant

qu’iln’aitunechancedelatoucher.

—Tul’effleuresetjetedéfoncebiencommeilfaut.Jemetienslespoingsserréslelongdu

corps,prêtàmebattre.

—Tumecherches?ditLandonenmebousculant.Ilmesondedelatêteauxpieds,comme

sij’étaisunmoinsquerien,etjelebousculeàmontour.

—J’aieuenviedetechercherlapremièrefoisquejet’aivu,mec.

On est au point de non-retour.McKnight ne va certainement pas céder et il est hors de

questionquejelelaisses’enprendreàAshtyn.

—Net’aviseplusjamaisdeposerlamainsurmoi!hurle-t-elle.

Lafoliedanssavoixdétournemonattention,etj’aperçoisunamideBonkl’agripper.Elle

essaiedes’endéfaireenluidonnantdescoupsdepied,maisletypeestdeuxfoispluslarge

qu’elle.

Alorsquej’ailatêtetournée,McKnightmeflanqueuncrochetdudroitdanslamâchoire.

Merde, ça fait mal ! J’avais pourtant appris, au club de boxe de la Régents, qu’il ne faut

jamaisquitterl’adversairedesyeux.

Ilesttempsdem’yremettre...

JefrappeLandond’undirectetm’assurequ’ilestàterreavantderetournerversAshtyn.

Jeme jette sur le garsqui la retient,maisBonk, furieux, et cinqautres garsmebarrent la

route.

—C’estletypequiaprislesphotos,dit-il.

Illancesonpoingversmoi,maisjesuistroprapidepourluietévitelecoup.

Commejem’apprêteàriposter,sesamismetirentenarrière.J’aibeaumedébattre,ilsme

retiennentetBonkenprofitepourenchaînerlescoups.Jemedébatsenvain: ilssonttrop

nombreux,etBonks’endonneàcœurjoie.Jesenslegoûtdusangdansmabouche.

Commentéviterlescoupsavecquatretypesquivousretiennent?J’aidumalàrespireret

commence à tourner de l’œil, quand Trey et plusieurs gars de Fremont se jettent dans la

bagarre. Ilsme libèrentdes typeset semettentà frapper leurs rivaux.C’est le chaossur le

balcon;lescoupspleuvent,malgrélasécuritéquis’efforced’arrêtertoutça.

Je sonde la foule à la recherche d’Ashtyn... Elle a réussi à se libérer ; je l’extirpe de la

batailleetlaconduisàunealcôve.

—Resteici,luidis-jeavantderetourneraiderTreyetlesautres.

J’auraisdûsavoirqu’ellen’allaitpasm’écouter.Enunclind’œil,lavoilàquiagrippelebras

deBonk,surlepointdefrapperVictor.JetireBonkenarrière,espérantqu’elleprennepeur

etretourneàl’abri.

—Tuvasfinirparm’écouter,oui?

Ellehochelatêteetmerépondleplussimplementdumonde:

—Non.

CHAPITRE22ASHTYN

Jesuisanéantie,souslechoc,furieuseetblessée.Maisjenesuispasunedivaetjen’aipas

besoin que Derek vole à mon secours. Je m’apprête à sauter sur le dos d’un joueur de

Fairfieldquandquelqu’unm’attrapepar-derrièreetmejetteausol.

Avantquejenepuissemerelever,Derekestlàpourmehissersurmespieds.Ilalabouche

ensangetlevisagecouvertdecontusions.

—Merde,Ashtyn!Pourquoitunevaspasteplanquer?Acetinstant,d’énormesvideurs

arriventenmassedansl’escalier.

—Laisse-moitranquille,luidis-jeenlerepoussant.

—Causetoujours!Jevaistesortirdelà.

Ilmejettepar-dessussonépauleetjouedesmusclespourpasseràtraverslafoule.

—Lâche-moi,abruti!Jen’aipasbesoindetonaide.Pasderéponse.Ilmeconduitjusqu’à

lasortieetnemeposeàterrequ’unefoisdevantsavoiture.

—Tumontes,maintenant!

J’ouvrelabouchepourprotester;ilm’arrêted’ungestedelamain.

—Nediscutepas.

Je m’assois dans la voiture en ressassant ce qui vient de se passer, tandis que lui va

rejoindrelesgarçonsquisortentàprésentdelaboîte.Vicestravid’êtrearrivéàtempspour

la baston. Bree fait glisser ses doigts sur le visage tuméfié deDerek et fronce ses sourcils

parfaitementdessinésaveccompassion.

—Tutedonnesbeaucouptropdemal,Bree,dis-jeàvoixbasse.

TreyetMonikas’envontdansleurvoitureetDerekouvrelaportièrearrièrepourcellequi

l’accompagne.

—Merci,lanceBreeenseglissantàl’intérieur.OmonDieu,Ashtyn!Tuterendscompte?

CesmecsdeFairfieldsontpaspossibles.JesuisvraimentdésoléepourDerek.Enfin,tuasvu

combiendetypesluisonttombésdessus?

—Jen’aipascompté.

—Ilsétaientaumoinscinq!

Derekmonteàsontourenvoiture.Ilsetientlescôtesetsedéplacelentement.

—Tuvasréussiràconduire?luidis-je.

—Çaira.

—Tuessûr?Parcequetonvisageressembleàunmorceaudeviandecrue.

—Mouais.

Il sort alors du parking tranquillement, comme si la bagarre n’avait jamais eu lieu. Je

regardeBreepasserlebrasàcôtédel’appuie-têteetluicaresserlesépaules,passantdetemps

àautrelesdoigtssoussoncolsansaucunesubtilité.Soudain,iltournelatêteversmoi,mais

jedétourneleregardenfaisantsemblantdevoirquelquechoseparlafenêtre.

Bientôt,ilsegaredansl’alléedeBreeetraccompagnesacavalièrejusqu’àsaporte.

—Nel’embrassepas,dis-jeàvoixbasse.Tusaignesdelalèvre,c’estsaleetpashygiénique.

Et jeneveuxpasqu’elleteplaise.Jet’ensupplie,ne l’embrassepas.Dis-luiaurevoiret

reviens.Reviens.Toutdesuite,ceseraitgénial.

Jesuisincapablededétournerlesyeux.Breeestuneséductriceexpérimentéequimanque

de subtilité.Elle aun corpsparfait, unvisageparfait, des cheveuxparfaits.C’estunepom-

pomgirlultra-fémininequiritbeaucoup.EllemetsesbrasautourducoudeDerek,qui lui

fait brièvement un câlin. Puis elle éclate de rire et pose la main sur son torse. A-t-elle

vraimentbesoindeletouchertouteslesdeuxsecondes?

Je suis tentée de klaxonner,mais il est tard et je doute que le voisinage apprécie d’être

réveillé au milieu de la nuit. Enfin, Bree finit par rentrer chez elle et Derek revient à la

voiture.

—Tuenasmisdutemps...

Ilseglissederrièrelevolantentressaillantdedouleur.

—Tuplaisantes,j’espère?

Messentimentssontdans lemêmeétatquesonvisageet je suis incapablede répondre.

J’aiconscienced’agirdefaçonimmatureet irrationnelle.Envérité, jeneveuxpasqu’ilsoit

avecBree.Jesuis jalouseetvulnérable.Jedoisgérer latrahisondeLandon, lessentiments

quej’éprouvepourDereketlefaitqu’ilenpincecertainementpourBree.

—Breeestvraimentmignonne...

—Ouais.

—Elleteplaît?

—Elleestcool.

Manifestement,iln’apascomprislesensdemaquestion.

Tandisqu’ilsegaredansnotreallée, j’aienviedeluidirecequejeressens.Leproblème,

c’estquejenesaisabsolumentpasparoùcommencer:matêteestprisedansuntourbillon

d’émotionsquin’aaucunsens.Ilmeriraitprobablementaunezets’enfuiraitencourantsije

luidisaisquejenevoulaispaslevoirsortiravecBree.

J’ouvrelabouche,cherchequelquechosedegentilàdire,maisnetrouvequeça:

—J’auraispum’occuperdeLandontouteseule.

Ilessuiesaboucheensanglantéedureversdelamain.

—Situcontinuesàterépéterça,tuvasfinirparycroire.

Ashtyn,dis-luique tuéprouvesdes sentimentspour lui.DisàDerekque levoir se faire

tabasser te fait peur. Dis-lui que tu as envie de le serrer dans tes bras. Dis-lui que tu as

besoindelui.

Jedescends lentementdevoitureet ignore cesvoixquimedictentquoi faire.Parceque

exprimer une ou toutes ces chosesme rendra vulnérable, je le sais, et ouvrira la voie à de

nouvellesblessures.

J’aipresqueatteintlaportelorsqu’ils’écrie:

—Ashtyn,attends.

Jeluitourneledos,maisj’entendslegraviercraquersousseschaussuresàmesurequ’il

approche.Ilfaitsombre,hormisl’éclatdiscretdelapetitelumièrejaunesurnotreperron.

—Tuesunefille,tusais.Ettunepeuxpasgagnertouslescombatsseule.Tujouespeut-

êtreaufootballaméricain,maistunepeuxpascontrerunjoueurdequatre-vingt-dixkilos.

Il me retourne pour inspecter les vilaines marques rouges laissées sur ma peau par

Landon.

—Nitoncopain.

—Cen’estplusmoncopain.

Landon m’a menti et m’a manipulée. Il part à Fairfield à l’automne. C’est fini. Notre

histoire,c’estdugrandn’importequoi.Jenesaispas...peut-êtrequejepourraisleconvaincre

derestersijeluioffraismaplacedecapitaine.Leniveaudenotredivisionestélevéetnous

avons besoin d’un bon quarterback pour capter l’attention des recruteurs. Jeme frotte les

yeuxetpriepourquequelqu’unmedisequetoutvabiensepasser.Maisriennevient.

Derekexpiredoucementalorsqu’ilprendlamesuredecequ’ilvientd’apprendre.

—Vousavezrompu?Jeluifaissignequeoui.

Nous nous tenons à une dizaine de centimètres l’un de l’autre. Ce serait si facile de

combler cette distance . pourtant, personne ne bouge. J’ai envie de tendre le bras pour

toucherdélicatement sa joue enflée.L’espaced’un instant, je ressens sadouleur commesi

c’était lamienne.Quoi qu’il arrive auplusprofonddemoi, cependant, je doisme rappeler

qu’ilnesepasserarienentrenous.C’estlegenredegarçonquivousaime,puiss’envasans

regarderenarrière.Jenepeuxpas...Ildétruiraitlepeud’espoirquej’aidetrouverquelqu’un

pourquij’aiedevraissentiments.J’aisubisuffisammentdetrahisonsenuneseulesoirée.Et

dansmavie.Pasbesoind’enrajouter.

Derekentredanslamaisonetsedirigeverssachambre.

Jeprépareungantde toilette, fouille l’armoireàpharmacieet trouvede laglacedans le

congélateur.Jeleretrouveassissursonlit,entrainderegardersontéléphone.Illèvelatête

versmoi.

—Situesvenuepasserdubontemps,jenesuispasengrandeforme...

—Ducalme,ducalme.Jesuissimplementvenuedésinfectertesplaies.Maintenant,tula

fermesoujem’envais.

—Bien,m’dame.

Ilsepousseaumilieudumatelaspourmefairedelaplace.

Jem’agenouilleprèsdeluietpassedoucementlegantsursonarcadesourcilièrefendue.

J’aibienconsciencequenoussommessurlemêmelitetquedansunautrecontexte...

Non.Jenedoispasdivaguer,medireetsi...Leschosessontcommeellessont.Ilm’abien

faitcomprendrequesebécoterneseraitqu’unjeupourlui,etjeneveuxpasjoueràcejeu-là

aveclui.

Comment cacher mon béguin pour lui alors que je suis en panique totale ? J’essaie

d’empêchermamaindetrembler,maisleboutdemesdoigtscontinuedefrémirlégèrement.

D’habitude, jenesuisaussinerveusequ’aumoment fatidiqued’unmatch,quand ladéfaite

ou la victoire repose sur mes seules épaules, avant un tir. Alors je me redresse pour

déstresseretmefocalisesurmatâche.

—Pourquoitufaistoutça?

Savoixgravem’électriselesveines.

Si je plongeais mon regard dans ses yeux, est-ce qu’il saurait immédiatement ce que

j’éprouve?Ilmeriraitaunezs’ilpouvaitliredansmespensées.Alorsj’évitequenosregards

nesecroisentetmeconcentresursablessureenrépondant:

—Parcequejeneveuxpasqueças’infecte.Nevarient’imaginer,Cow-boy.Jefaisçapour

moiplusquepourtoi.

Je nettoie le sang sur sa lèvre en faisant attention à ne pas lui fairemal. Jamais je ne

m’occupedesblessuresdesgarçonsdemonéquipe.Lorsquel’und’entrenousseblesseouse

coupe, soit on s’en occupe soi-même, soit un entraîneur s’en charge. Là,maintenant,mon

instinct de femmemepousse à le protéger et à le soigner.Une fois tout le sang enlevé, je

tapotesesblessuresavecdel’antibactérien.L’acteaquelquechosedetrèsintime.

—Tutrembles.

—Non, non, dis-je en passant le produit sur sa peau chaude et douce. Je suis énervée,

fatiguée,soûlée.

Etjem’enveuxd’avoirenviequeDerekmetirecontreluietmeserrecontresontorse.Les

fantasmesnecorrespondentjamaisàlaréalité.

Je repose lespiedsau sol et inspectemon travail. Je suis soudainépuiséeet jeme sens

faible, physiquement et émotionnellement. Si Derek me tendait les bras, je me blottirais

contrelui.S’ilmedemandaitcequejeressens,jeleluidirais.

Ils’allongeenretenantsarespiration,signequ’ilsouffre.

—Merci,Ashtyn.

—Jen’aipasfini.Enlèvetachemise,quejeregardetescôtes.

—Sijemedéshabille,tuvasvouloirfaireplusqueregardermescôtes.

Jefaiscommesijen’avaisrienentendu,c’estdevenumaspécialité.Jepointemonvisage

dudoigt:

—Tuvoismatête,là?J’ail’airimpressionnée?

Ilsouritducoindelaboucheenenlevantsachemiseetcontractesespectoraux.

Jeluibâilleaunez,refusantdemontrerlemoindresigned’admiration.Jebloquesurles

marquesrougesquisontentraindeseformersursonflancetsescôtes.Ellesneguériront

pasenunejournée.

—Tuveuxquej’enlèvemonpantalon,aussi?rigole-t-ilenbattantdessourcils.Peut-être

queçagonfle,là-dessous.

Unrienl’amuse...Jeleregardedroitdanslesyeux,glisseundoigtàsaceinture,etplonge

laglacedanssonpantalon.

—Voilà,dis-jeenmelevant.Çadevraitfairel’affaire.

CHAPITRE23DEREK

—Maisqu’est-cequ’ilt’estarrivé?aboieGuslorsquejelecroiseauréveil,surlechemin

destoilettes.

—Jemesuisbattu.

—Jeneveuxpasd’undélinquant,nid’unfauteurdetroubleschezmoi.Brandi!

Savoixrocailleuseserépercutesurlesmursdelamaison.Brandiarrivedelacuisine,un

grosmuffinàlamain.

—Oui,Papa?

Guslancelesbrasenl’air.

—Tonbeau-filss’estbattu.Regarde-le,toutmutilé,ondiraituneracaille.

Décidément, les Parker aiment employer ce mot... Brandi tressaute en découvrant mon

visage.

—MonDieu!Derek,qu’est-cequ’ils’estpassé?

—Rien.Jemesuisbattu,c’esttout.

—Pourquoi?Etavecqui?Onaappelélapolice?Commentes-turentré?Envoiture?

Elle me bombarde de questions alors que j’ai juste envie de pisser et de prendre une

aspirine.

—Cen’estriendegrave.

—Maisnon, cen’estpasgravepour toi, seplaintGus,puisquec’estmoiquivaisdevoir

aligner l’argent si jamais la personne que tu as tabassée décide de porter plainte et de te

traînerenjustice.

—Metraînerenjustice?

Ceseraitlameilleurealorsquec’estmoiquimesuisfaitbotterlecul.Çaneluiviendrait

pasàl’espritdemedemandersimoi,jeneveuxpasporterplainte.

—Tun’aurasrienàaligner,Gus.

—C’estcequetucrois.

Jecroissurtoutquecethommesecomplaîtdanssonmalheuretneveutpasêtreprisdans

les drames familiaux de la famille Parker. Si jeme sentais concerné, je dirais àGus de se

soucierdavantagedesafamillequed’uneplainteéventuellepourunesimplebagarre.

Dans la salle de bains, je jette un œil dans le miroir. Mince ! Ashtyn avait raison. Je

ressemblevraimentàunmorceaudeviandepasséauhachoir.J’aidusangséchésurlalèvre,

lajouenoiretbleuetlescôtesdouloureuses.

Ashtynestvenuedansmachambrelanuitdernièrepoursoignermesblessures.Ellenese

rendaitabsolumentpascomptequejebrûlaisde joueravecellepouressayerd’oubliermes

souffrances. Rien que d’y penser, j’étais excité. Cette fille exerce un vrai pouvoir surmoi.

Lorsqu’elle me regarde, j’ai l’impression d’être un foutu puceau. Non qu’elle me regarde

souvent – la plupart du temps, elle évite tout contact visuel.Me voir la rendmalade, on

dirait.

Ellen’étaitpasimpressionnée?Jemesuismoquéd’elleetdesoncommentaire,maisen

réalitéj’auraisvouluqu’ellereconnaissemoneffetsurelle.Moiaussi,j’étaistroublé.J’avais

vraimentbesoindecetteglacedansmonboxer.Etlàjemedemandetoutseul:

—Maisqu’est-cequetufous?

Jenesuispascensémemêlerdelaviebordéliquedecettefille.J’aidéjàbienassezàgérer

dansmoncoin. Jusqu’àprésent, çam’avaitplutôt réussidenepas tropm’impliquer,nide

tropm’intéresserauxautres.

Ashtyn Parker est dangereuse. De l’extérieur elle semble dure, elle parle et s’habille

commeun garçon lamoitié du temps.Mais il y a l’autremoitié, samoitié vulnérable, peu

sûred’elle,quiportedesvêtementssexypourquel’onsachequ’ilyabienunefemmesous

cettefaçadeabrupte.Jenelacherchepaspourmieuxlarepousser,jelacherchepourpercer

lemurqu’elleaérigéautourd’elle.

Ce matin, je l’ai vue quitter la maison. Tête baissée, elle sortait Falkor pour une

promenade.Si elle continueà semorfondre, çavam’énerver.Ellebroiedunoirà causede

sonconnarddecopain?Ellem’apourtantditqu’ilsavaientrompu.Jepariequ’ilvareveniret

essayerdelaramenerdanssavie.

—Derek,tueslà?

LavoixdeJulianrésonnederrièrelaporte.

J’ouvreet laisseentrer lepetitpère. Il écarquille lesyeuxet restebouchebéeenvoyant

monvisage;ilrecule,même.

—Cen’estpasaussiterriblequeçaenal’air.N’aiepaspeur.

—Tut’esbattu?

—Ouais.

—Jecroisquetuasperdu.

Çamefaitrigoler.

—Ondiraitbien,hein?

Ilmeleconfirme.

—Tuasl’airméchantavectesblessuressurlevisage.C’estPop’quit’aapprisàtebattre?

—Nan.

—Tum’apprendras?

— Ilne fautpasapprendreà sebattre,bonhomme.Commedit tamaman, il vautmieux

utiliserlesmots.

—Maissiquelqu’unmetape?

—Dis-leàunprofouàtamère.

—Maislesautresdirontquejesuisunebalanceetj’auraipasd’amis.

Ilposelesmainssurseshanches.

—Tuveuxpasquejesoisunebalancesansamis,si?Cegossedevraitdeveniravocat,ila

de vrais talentsdenégociateur. Jem’agenouille et tends lespaumesdevant lui, histoirede

satisfairemacuriosité.

—Allez,montre-moidequoituescapable.Lepetitlèvelespoingsettapedansmamain.

—Alors?

—Pasmal.Essaieencore.

Ilrépètelegesteplusieursfois.Jesensqu’ilgagneenassurancecarsescoupsdeviennent

pluspuissantsetcommencentàcoulertoutseuls.

—JeregardaisducatchàlatéléquandMamann’étaitpasdanslachambre.RandylaRage

afaitundoigtàquelqu’un.

—Ilafaitundoigt?

—Onpeutsavoiràquoi tu joues,Derek?demandesoudainBrandiquiapparaîtderrière

Julian.Tuapprendsàmonfilsàsebattreetàêtrevulgaire?

Euh...

Julianseretourne,toutexcité.

—Maman,Derekmemontraitjustecomment...

—Filedanstachambre,Julian.JedoisparleràDerekseuleàseul.

Le gamin veut protester, mais sa mère le pousse hors de la salle de bains. Lorsqu’il a

disparu,ellerejetteseslongscheveuxenarrière.

—Julianétaittoutcontentquandjeluiaiditquetuallaisvivreavecnous.Ilt’appelleson

grandfrèreetteconsidèrecommesonmodèle.

Ellesoupirelentement,signequejevaisavoirdroitàunerévélationlonguementréfléchie.

Voyons,voyons...

—JepensaisfaireensortequeJulianettoisoyezvraimentfrères.

Dequoielleparle?Elles’attendpeut-êtreàcequ’onfasseungenrederituel,quel’onse

coupeetqu’onfrottenosplaiespourdevenirfrèresdesang?

—Écoute,Brandi, çam’ennuiede te l’apprendre,mais quoi que tu fasses, Julian etmoi

n’avonspaslamêmemère.

—Jesais,répond-elleenpenchantlatêtedecôté.Maisjemedisaisqueceseraitsympasi

je,tusais,sijet’adoptaisofficiellement.

—Jenesuispasorphelin.

—Bien sûr. Jemedisais juste que Julian et toi... Tu comprends, si quelque chose nous

arrivait,àtonpèreetmoi...

J’ai compris. Elle ne souhaite pas vraiment devenir ma mère. Il s’agit de Julian. Il est

tempsdemettreuntermeàsesidéesfolles:

—Brandi,Julianestmonpetitfrère.Pointfinal.

—Bien.Dumomentquenoussommessurlamêmelongueurd’onde.Quantàmasœuret

toi...

Ohnon!Brandidoitêtreplusfutéequejenelepensaisetcen’estpasbon.

—Iln’yarienentrenous.Tasœurm’exaspère.Jenepourraisjamaissortiravecunefille

commeelle,mêmesion...

Soudain,Brandiéclatederire.

—Tuplaisantes,j’espère?

Elletentedereprendresarespiration.Ellesetientleventrecommepourempêcherlebébé

detournoyerviolemmenttandisqu’ellerigole.

—OmonDieu!C’esthilarant!Sansvouloirt’offenser,tun’espasdutoutlegenredema

sœur.Jevoulaisjuste...

Elleéclatederireencoreunefoisetfinitmêmepargrognercommeuncochon.

— Je voulais juste... Attends, tu croyais vraiment que j’imaginais quelque chose entre

Ashtynettoi?

Euh...

—Non.C’estquoi,legenredetasœur?Elles’essuielesyeuxetseretientderire.

—Elleaimelestypessérieux,dévoués,droits.Tun’espasdutoutcommeça.

Non, jene suispas commeça.Et aucune filleneme changera, surtoutpasune fillequi

aimelesgarçonssérieux,dévouésetdroits.Ashtynetmoi,çanefonctionnerajamais.

Quandbienmêmej’avaisenviedemeglissersouslesdrapsavecellehiersoir.

CHAPITRE24ASHTYN

AprèsmontouravecFalkor,cematin,jevaisdanslachambredeDerekpourvoircomment

il va.Breeest là, assiseà côtéde lui sur le lit.Commesi cettevisionne suffisaitpasàme

rendremalade,elleluimetdescookiesdanslabouche,telleunemamanoiseaunourrissant

sonoisillon.

—Salut,Ash,s’exclameBreequandelleremarquemaprésence.Jevenaisjustem’assurer

queDerekallaitsurvivre.Jeluiaipréparédescookiesàlacaroubeetaublébio.Tum’avais

ditqu’ilfaisaitattentionàsanourriture.

—C’estvraiment...mignon.

—Jesais,hein?

Elleluitendunautrecookieetilal’airtoutcontent.

—Tuparsàl’entraînement?Amuse-toibien.

Jelessaluedelamainetquittelamaison,conscientequejen’aiaucundroitd’envouloirà

Breed’avoirprismaplacesurlelitetdevouloiryrester.Letruc,c’estqu’ellesecontentede

cequ’on luidonne.SiDerekdevait subitement se lasserde leur relation, ellene seraitpas

anéantie. Elle en pincerait aussitôt pour quelqu’un d’autre. Mes émotions à moi ne

fonctionnent pas de la même façon et je prends conscience, soudain, que Landon et moi

n’avionsplusrienàfaireensemblebienavantnotreséparation.

Landon... Jedois annoncer lanouvelle aux autres. Jen’ai pashâtede le faire,mais il le

faut.

Aubeaumilieudel’échauffement,jerassembleTrey,JetetVictor.Cesontmesunis,mes

coéquipiers, des garçons que je ne veux jamais décevoir.Mais ilsméritent de connaître la

vérité.

—Qu’est-cequ’ilya,Cap’taine?

Jetbranditunebouteilled’eauetlavidedirectementdanssabouche.

S’ilsavaientsuquem’élirecapitainepousseraitLandonàquitterl’équipe,ilsauraientsans

doute votédifféremment. J’aurais dumal à leurdemander ce qu’ils penseraient si j’offrais

monposteàLandonpourlerameneràFremont.

—VoussavezqueLandonvitàlafrontièredeFairfield,n’est-cepas?

Victormetapedansledos.

—Ash,onsaitqu’ilchanged’école.Quoi?

—Vouslesaviez?

Lestroisconfirmentenmêmetemps.

—Depuisquand?

JetetTreyregardentVictor,quiprendlaparole:

—Monpèreaapprisçaceweek-end.Undesassistantsdel’entraîneurestenaffaireavec

luietilluiaannoncélanouvelle.Dieteraussiestaucourant.Disonsqu’onattendaitqu’ilte

l’annoncepournepasavoiràlefairenous-mêmes.

J’ignoresicelafaitd’euxdebonsoudemauvaisamis.

Aupointoùj’ensuis,jenecroisplusenrien,nienpersonne.

Deretouràlamaison,jetrouvemonpèredevantlatélévisiondusalon.

—Papa,ilfautquejeteparledustagedefootball.Ilbaisseleson.

—Aquelsujet?

—Landonetmoiétionscensésallerlà-basavecsavoiture,maisonachangénosplans.Il

vayallerdesoncôté.Jen’aipersonned’autrepourm’accompagneretjesaisquemavoiture

ne tiendrapas lecoup,alors jemedemandaissi,peut-être, tupouvaism’yconduireoume

prêtertavoiture.

J’espèrequ’ilcompatirasuffisammentpourm’aider.

— Impossible,Ashtyn, je travaille. Trouve un autre ami pour t’emmener ou alors n’y va

pas.

Ilremontelesondelatélévisionenconcluant:

—Cetteformationmecoûteunefortune,jeseraisraviderécupérermonargent.

—J’aienvied’yaller,Papa.J’aibesoind’yaller.

—Alorsdébrouille-toi,dit-il lesmains levées.Tusaisceque j’enpense :courirauTexas

dansl’espoird’êtreremarquéepardesrecruteurs,c’estunepertedetemps.Situcroisquetu

vasêtreremarquéeetquetuvasobtenirunebourse...Ilsnerecrutentjamaislesfilles.

—KatieCalhounaétérecrutée.Etc’estunefille.

—KatieCalhoun va probablement se couper ou se blesser dès sa première saison.C’est

moiquiteledis.

JetéléphoneàMonika,maisellepartenclassed’étéetnepeutpasm’aider.J’appelleBree,

maissonagentvientdeluitrouverunrôledansuncourt-métragedontletournagesedéroule

àChicago.Trey,lui,doittravaillerpourfinancersesétudes.Jetdoitresterchezluipouraider

sonpèreàcausedel’ouvertured’unnouveaurestaurantetlepèredeVicmenacecedernier

deluicouperlesvivress’ilquittelaville,c’estsansespoir.

Quatrejoursplustard,jebatailletoujourspourtrouverunesolutionquandonfrappeàla

portedemachambre.

—C’estDerek,ouvre.Ilal’airsurlesnerfs.

—Qu’est-cequinevapas?

—Toi.

—Quoimoi?

Iljettelesbrasenl’air.

— Ce n’est plus drôle de vivre avec toi. Où est passée la fille qui se moquait de mes

smoothiesetquimetraitaitderacaille?Oùestpassée la fillequibâille lorsque j’enlève le

hautalorsqu’elleestdansmonlit?

—Jen’étaispasdanstonlit.Jesoignaistesblessures.

—Allez, franchement, on installe un truc entre nous et tu brises tout.Qu’est-cequ’il se

passe?

—Tuesénervéparcequ’onnes’engueuleplus?

Je suis complètementperdue.Qu’est-ce qu’il en a à faire que je fasse attention à lui ou

pas?Onsedisputeenpermanence,alorspourquoienfairetouteunehistoire?Ilapasséson

tempsavecBree,cettesemaine,tandisquemoijetraîneenpleinedéprime.

—Tuterendscompte,aumoins,que jepromènetonsatanéchientous les joursetqu’il

dortdansmachambre?Sérieusement,Ashtyn,jepariemacouillegauchequetun’asmême

pasremarquéquejel’avaisrebaptiséDuke.

—Tacouillegauche?Pourquoipas ladroite?Lesmecs,vouspariez toujours lagauche,

jamaisladroite.Onpeutsavoirpourquoi?

—Parcequechezlesgarçons,ladroiteestladominante,alorsparierlagauche,c’estsans

danger.Maintenant,nechangepasdesujetetrépondsàmaquestion.

Je n’ai jamais rien entendu de plus ridicule. J’essaie de me contenir, mais un rire

m’échappe.

—Tucroisvraimentquetacouilledroiteestladominante?Tuplaisantes,j’espère?

Ilrestetrèssérieux.

—Répondsàmaquestion.Jelèvelesmainsenl’air.

—Fiche-moilapaix,Derek.Jen’aipasledroitdedéprimer?

—Acausedequoi?

Detoi.Dufootballaméricain.Detout.Jevoudraisluidirelavéritémaisaulieudeça:

—Cenesontpastesoignons.

— Très bien. Ça fait des jours que Landon et toi avez rompu, dit-il d’une voix agitée et

irritée.Secoue-toiunebonnefoispourtoutes,c’estsoûlantàlafin.

—Etsijemesecouaisquandtuauraslulalettredetagrand-mère?

Avecça,ildevraitmeficherlapaixetpenseràautrechosependantquelquetemps...Derek

faitvolte-faceetdescendl’escalier.

—Tu ne vas pas t’en tirer aussi facilement, dis-je en lui emboîtant le pas. Avecmoi, tu

cherches juste unedistractionpournepas penser à cette lettre.Mais, en réalité, tumeurs

d’enviedelalire,n’est-cepas?

—Absolumentpas.

Jen’aipasdutoutpenséàcettelettreniàmagrand-mère.

—Menteur.Tuaimeslesdéfis?Jet’enoffreun.DerekmanquetrébuchersurFalkoren

allantverssachambre.

—Jet’interdisdeparlerdemagrand-mèreoudecettelettre.Surcecoup-là,Ashtyn,jene

plaisantepas.Tuignorestotalementcedontcettefemmeestcapable.

—Aurais-tupeurd’unevieilledame?

—Jen’aipaspeur.

Ilritpoursauverlesapparences,maisjen’ycroispasuneseuleseconde.

—Tufaissemblant.Elleveutquetuvienneslavoiravantdemourir,Derek.Ilfautquetuy

ailles.Ellesaitqu’elleacommisdeserreurs.

—At’entendre,oncroiraitquetulaconnais.

Il ouvre la boîte de cookies à la caroube préparés par Bree. Il en avale un et grimace,

commes’ilavaitungoûtdeterre.

—Tune sais riende cette vieillepeau.Tu lisune lettre et tu croisque c’estunepauvre

vieillefemmemourantequiméritequ’onluiaccordeunedernièrevolonté.Jel’emmerde!

—Engros, tuesentraindedirequeçaneteposepasdeproblèmed’ignorer ladernière

volontéd’unevieillefemme?Vraiment,Derek,tuessanscœur.

— Tu en veux un ? demande-t-il en me tendant la boîte. Je te préviens, on dirait un

mélangedeboueetdecarton.

—N’essaiepasdechangerdesujet,s’ilteplaît.

Lalettredesagrand-mèrem’afaitpleurer.J’aimeraisqu’unmembredemafamilleveuille

passerdutempsavecmoicommesagrand-mèreveutpasserdutempsaveclui.

Àprésent,noussommesdanslebureauetDereks’efforced’ignorerl’enveloppequitrône

surundescartons.C’estmoiquil’aimiselà,ilfautqu’illisecettelettre.

—Quand je t’aidit que je voulaisque tu redeviennes commeavant, jeneparlaispasde

l’Ashtynquimesoûle.Jeparlaisde l’Ashtynqui sépare sesSkittles,me fourredesglaçons

danslefrocetneregrettepassonabrutidecopain...

—Pourtagouverne,jeneregrettepasLandon.Illèvelesyeuxauciel.

—Continuedetevoilerlaface,Ashtyn.

—Situm’interdisdeparlerdetagrand-mère,jet’interdisdeparlerdeLandon.

Jen’aipasenviedeluidirequeLandonjoueàFairfieldpoursevengerdemescoéquipiers.

—Ok.

—Bien.Maistudoisquandmêmelirecettelettre.Enpartant,jel’entendscrier:

—EtLandonestquandmêmeunabruti!

CHAPITRE25DEREK

Jerefermelaporteetregardel’enveloppe.Hiermatin,j’étaistentédelalire,delabrûleret

neplusjamaisyrepenser.Jen’airienfait.

Non, je l’ai fixéependantuneéternité.SiAshtyninsistepourque je lise la lettre,Falkor,

lui,s’enfiche,ilmeregardeànerienfaire.

—Falkor,attrape!

Jeluijettel’enveloppecommeunFrisbeeetillaregardeatterriràquelquescentimètresde

sespattesétirées.Cedoitêtrelechienleplusinutiledumonde.

Ashtynpensequej’aipeurdelirecettelettre.Maisc’estfaux.

J’avais peur à l’idée de perdremamère. Le jour où ellem’a fait asseoir etm’a annoncé

qu’elleavaituncancer,j’aieupeur.Etj’aieupeurchaquejourquiasuivi.Lorsquesesbilans

sanguinsétaientmauvais,jepensaisquec’étaitlafin.Lorsqu’elletournaitdel’œilouavaitla

nausée à cause de la chimio, je paniquais. Lorsqu’elle perdait ses cheveux et paraissait

vulnérable,jemesentaisimpuissant.

Lorsque je tenais samain frêle à l’hôpital, qu’elle n’était plus que l’ombre d’elle-même,

j’étaisanéanti.

Maisjen’aiabsolumentpaspeurdelirelalettred’uneétrangèrequisetrouvesimplement

êtremagrand-mère.

Alorsfais-le,qu’onenfinisse.

Je ramasse le pli et l’ouvre enm’asseyant surmon lit. La lettre est écrite sur unpapier

cartonnéroseépaisauxinitialesdemagrand-mèreenlettresdorées.Ils’endégageuneodeur

deparfumdefemme.

Pour qu’enfin Ashtyn arrête deme soûler avec ça, et seulement pour cette raison, je la

déplieetcommenceàlire:

MontrèscherDerek,

Jet’écriscettelettrelecœurlourd.J’aivulemédecinetjeréfléchisàprésentauxerreurs

que j’aicommisesdansmavie. Ilyacertaineschosesque jedoisrépareravantdemourir

bientôt.Puisquetuesmonseuletuniquepetit-fils,ilestimpératifquenousnousretrouvions

aprèsmontraitementle20juinprochain.

Je formule ici ma dernière volonté. Il y a certaines choses que tu ignores, que tu dois

savoir,illeFAUT.

Avecmonamourétemel,

ElizabethWorthington(tagrand-mère)

Ashtynavait raison,elleestmourante.Elleneditpasprécisémentquelleestsamaladie.

Est-ceuncancerdupoumon,commemamère,quiavaitchopéçasansavoirjamaisfumé–à

croire que l’hérédité et l’environnement étaient seuls responsables... ? Ou un cancer du

pancréas–condamnationàmortpourtoutpatientdiagnostiqué?Ouunehorriblemaladie

débilitantetroppénibleàévoquer?

Merde,jesuisincapabledepenseràautrechose,maintenant.

N’importequeladoauraitcertainementdéjàembarquédansunavion,à l’heurequ’ilest,

se précipitant aux côtés de sa mamie souffrante. Mais Elizabeth Worthington n’est pas

n’importe quelle grand-mère, elle qui pense faire l’admiration de tous par son seul statut

social.Elledoitserendrecompte,maintenant,qu’ellen’apaslesangbleu,etquelasanténe

s’achètepas.

Jerelislalettredeuxfoisavantdelarangerdanssonenveloppeetdetenterdel’oublier.

J’aimeraisnel’avoirjamaislue.Toutestdelafauted’Ashtyn.Sanselle,jen’auraispasàme

sentircoupable.Jedoism’aérerl’esprit,oujevaiscogitertoutelanuit.

Uneseulepersonneestcapabledemefaireoubliercettelettre.

Ashtynestdevantsonordinateurportable,danssachambre –mursrosesrecouvertsde

fleurspeintes, petit colibri enpeluche sur son lit.Au-dessusdubureau sont accrochésdes

postersdesChicagoBearsetunephotograndformatd’unecertaineKatieCalhounenmaillot

defootballdel’équipeduTexas.

—C’estvraimentunechambredefille.Rienqu’enentrant, j’aimontauxdetestostérone

quidescendenchutelibre.

Elledécollelatêtedesonordinateur.

—Tuplaisantes,j’espère?

—Presque.

Jemeraclelagorgeetm’appuiecontresacommode.

—Jevenaissimplementtedired’êtreprêteàseptheurescesoir.

—Pourquoi?

—Tuasperduunpari,tut’ensouviens?

—Ouais,enfin, jen’aipasàhonorerceparipuisquetuprétendaisque la lettreétaitune

invitationàrejoindrel’équipeolympiquedetrampolinesynchronisé.Tuasmenti.

— Ça ne change rien. Tu as dit qu’il n’existait pas d’équipe olympique de trampoline

synchroniséetj’aipariélecontraire.C’étaitclairetnet,Ashtyn:tuasperdu.Etc’estlegrand

soir,l’heureestvenuedepayertadette.

CHAPITRE26ASHTYN

Jeresteassisedansmachambreàregarderl’heure.Dix-huitheurestrente.Jen’avaispas

enviedesatisfaireDerekenallantàcerendez-vousquin’enestpasun,maisjeneveuxpas

qu’ilme croie incapabled’honorermapartdumarché. Il s’attendpeut-être à ceque jeme

pomponne,maisilvavitedéchanter.

Jedoisavoirdespochessouslesyeuxetunairaffreux–jen’aipasbeaucoupdormicette

nuit–,c’estparfait.Déterminéeàallerjusqu’aubout,jepiétinejusqu’àlasalledebainspour

prendreunélastiqueetm’attacher les cheveux, et je tombe surDereken trainde se raser,

uneserviettenouéeautourdelataille.

—Tun’avaispasfermélaporte.

Jemecouvrelesyeuxaveclamainpournepasvoirsoncorpsàmoitiénu,tellementbeau

queçaendevientridicule.

—Tumetsvraimentçacesoir,Sucred’orge?UnjoggingetunT-shirt?

—Oui,luidis-je,lamaintoujoursplaquéesurlesyeux.Jel’entendsrincersonrasoir.

—Sexy...

—Jenecherchepasàêtresexy.

—Ashtyn,regarde-moi.

—Pourquoi?

Noussommessiprèsl’undel’autrequejesenscommeunpicotementdansmonventre.

J’essaiedemaintenirunecertainedistance,quoiquejen’enaiepasdutoutenvie.

—Tudevraisremontertaserviette,elleestentraindeglisser.

—Elleneglisserapassitunetirespasdessus.

—Danstesrêves,dis-jeenretirantmamain.Jecroisquetuasunproblèmed’ego.

—D’ego?

Ilpenchelatêtedecôtéetricane.

—Onluidira.

—Derek,dis-jeavecunevoixféminineetdouce,reconnaîtresonproblème,c’estlepremier

pasverslaguérison.

—Jedispasquej’aipasdeproblèmesmaismonego,lui,seportetrèsbien.Jesuiscontent

quetusoisredevenuetoi-même.Tuveuxresterlààmeregardermeraser?Çameva.

—Jen’aipasenviedeteregarder.Jesuisvenuechercherunélastique.

Je passemonbras à côté de lui et en sors undu tiroir. L’odeur de sa peau fraîchement

lavéemêlée à sonparfuméveillemes sens. J’aurais préféréqu’il neprennepasdedouche

commes’ilsepréparaitàunvéritablerendez-vous.Ils’agitjusted’honorerunpari.

—Tumedonnesun indice surcequ’onva faire?Commeça, jepourraimepréparerau

pire...

—Tun’aimespaslessurprises?

J’aiétésurprised’apprendrequemesparentsallaientdivorcer.J’aiétésurpriselorsquema

mèreafaitsesvalisesetnousaquittés.J’aiétésurpriselorsqueBrandis’estvolatiliséeavec

Nick.Alorsjelefixeavectoutlesérieuxdumonde.

—Pas.Du.Tout.

Illèveunsourcilavecunsourireespiègle.

—C’estvraimentdommage.Moi,j’adorelessurprises.

Jefermelaporteetretournedansmachambreenattendantqu’ilsoitpiledix-neufheures

pourdescendreetallerànotrerendez-vousquin’enestpasun.

Dixminutesplustard,donc,jetombesurmasœuretJulianquijouentauxcartesdansle

salon. Derek est probablement dans sa chambre, à chercher le moyen de me torturer. Il

ignorecequejeressenspourluietnedoitpassavoir.Jevaisavoirdumalàluicachermes

sentiments.Pourcommencer,jevaisdevoirsaboternotresoirée.

—Derekm’aapprisquevoussortiez,ditBrandi.C’esttropsympaquevousvousentendiez

bien.Ondiraitquevoustournezunepage.Jesuiscontente.

—Mouais.

—Qu’est-cequetuvasmettre?demandemasœurtoutexcitée.

—Ça,dis-jeenmontrantmonsurvêt.

—Ah...Tuneveuxpasm’emprunterdesfringues?

—Non,ça ira trèsbien.C’estconfortable.Visiblement,unhabitconfortablen’estpasun

habitdigned’unsamedisoir,àsesyeux.

—Essaie quelque chose d’autre.Ne cherche pas forcément le confort, surtout si tu sors

avecungarçon.

—Onneparlepasd’ungarçon,onparledeDerek.

—T’esprête?demande-t-ilalorsenentrantdanslapièce.

Ilporteunjeanetunechemisequejen’avaisjamaisvue.Etunepairedebottesdecow-

boy.Ilestrasédeprèsetsescheveuxsontencoremouillés.Ondiraitqu’ilserendàunvrai

rendez-vous.Jedoisluifairecomprendrequecettesoiréen’arien...d’officiel.

Jejetteunœilàmontéléphone.

—Ok,ilestseptheurescinq.Oùest-cequ’onvaetquandest-cequ’onrentre?

JemetsmesbottinesàfourrurequifontrigolerDereketeffraientmasœur.

—Jet’aiditquec’étaitunesurprise,dit-ilenbrandissantsesclésdevoiture.Onestpartis!

— Je dois être rentrée pour vingt-deuxheures, je précise alors quenous commençons à

rouler.

—Tuesvachementcanondanscesurvêt.

—Merci.Onvaoù?

—Ettescheveux,tuasdûmettreuntempsfouàobtenircerésultat!

C’est sûr qu’il m’a fallu un certain temps pour faire un chignon bordélique avec des

mèchessortantdetouslescôtés.

—Tuasditqu’onallaitoù?

—Jen’airiendit.

Ils’engagealorssurl’autoroute,directionChicago.

—Pourquoiest-cequetujouesaufootballaméricain?demande-t-ilauboutd’unmoment.

Jeconnaisunpaquetde fillesquiaimentcesport,maisellesdeviennentsoitgroupies,soit

pom-pomgirls.Ellesnejouentpas.

—Tunepourraispascomprendre,tuasarrêtédejouer.

—Distoujours.

Jerefused’aborddeluiparler,maisvoyantsonvisagesisérieux,jefinisparcéder.

—Jeregardaistoujourslefootballaméricainavecmonpère.Tuasdût’apercevoirqu’ilest

plutôt...difficileàaborder.Iln’apastoujoursétécommeça.Autrefois,cesportnousliaittous

lesdeux.Ilétaitkickerpourl’équipedeFremont.

—Tuasvoulujouerpourattirersonattention.

—Çan’apasmarché,dis-jeenhaussantlesépaules,maistantpis.J’étaisdouéeetçame

permettait d’échapper à toutes les emmerdes quime tombaient dessus. Tu dois trouver ça

idiot.

—Jenetrouvepasçaidiot,Ashtyn.Pasuneseuleseconde...

Aprèsuninstantdesilence,ilembraie:

—Tonpèrepasseàcôtédebeaucoupdechoses.

C’estlapremièrepersonneàmeledire.Jenerépondspascarjesensleslarmesmonteret

je ne peux plus parler. Je souhaitais quemon pèreme regarde jouer, qu’il soit fier que je

suivesestraces.Maisilnemevoitpas.

DerekfinitpargarersavoituredevantunétablissementappeléleJumpin’Jack.

—Qu’est-cequ’onficheici,Derek?

Nouspénétronsàl’intérieurd’ungigantesquegymnaseremplidetrampolines.Ungarset

unefilleportantlemêmejustaucorpsrougenoussaluentàl’entrée.

—BienvenueauJumpin’Jack!Jem’appelleJacketvoicimapartenaire,Gretchen.Vous

devezêtreDereketAshtyn?

Derekluiserrelamain.

—Ouais.Mercidenousaccueilliràladernièreminute.

—Tout le plaisir est pour nous. Ashtyn ira avecGretchen dans le vestiaire des filles, et

nousdansceluidesgarçons.

J’aivudesvidéosdetrampolinesynchroniséetj’ailaterriblesensationque,cettefois,je

nevaispasêtresimplespectatrice.JetapeDerekdansledos.

—Rassure-moi...Nousn’allonspasfairecequejecroisquenousallonsfaire?

Ilmefaitunclind’œil.

—Mamèredisaittoujoursqu’enétantimprévisible,onnes’ennuiejamais.

Je n’ai pas envie d’être imprévisible. L’imprévu, c’est irréfléchi et dangereux. L’imprévu

mène à l’inconnu. Je croyais Landon prévisible et c’était tout le contraire. Derek, lui, est

imprévisible, je le sais. Je n’ai pas envie de tomber dans sa toile, cela se terminerait

forcémentendésastre.

Contre toute logique, je suisGretchen etme retrouve au vestiaire face à un justaucorps

bleupétantpendudansuncasier.Gretchen,qui tiendraitdansun troude souris tellement

elleestfine,meditavecunfortaccentrusse:

—Habille-toietretrouve-moidanslasalle.

Unefoisseule, jescruteleLycrableuetmedemande:quellehorriblechosej’aipufaire

dansmaviepourmériterça?

CHAPITRE27DEREK

Qu’est-cequej’ail’aircon!Enmedécouvrantdanslemiroirdestoilettes,j’aienviedefaire

marche arrière. Je suis coincé dans un justaucorps moulant, certainement conçu par des

femmesquin’yconnaissentrienentuyauteriemasculine;lecontourdemonsexeestonne

peutplusvoyant.J’aidéjà faitdu trampoline,mais jamaisde trampolinesynchronisé,et je

comprendspourquoi...Moiquicroyaisqu’uncoursparticulieravecdeuxprosseraitmarrant,

décalé...Mevoilàdansdebeauxdraps.

—Onyva,Derek!s’écrieJackdel’autrecôtédelaporte.

Quand j’arrive dans le gymnase, Ashtyn est debout sur le trampoline central dans un

justaucorpsmoulantidentiqueaumienquinelaisseaucuneplaceàl’imagination.

Sonregarddescendlelongdemoncorpsetelleéclatederire.

—OmonDieu...Derek...

—N’enrajoutepas,tuveux?J’aidéjàl’impressiond’êtreàpoil.

Ellecroiselesbrassursapoitrined’ungestebrusqueens’apercevantquejenesuispasle

seulàm’exhiber.

—Prenez-vouslamain,s’exclameGretchen.

—Onnesautepassurdestrampolinesséparés?jem’étonne.

J’aivisionnédesvidéossurInternet.Onestcenséssautersurdeuxtrampolinesdifférents.

— Il faut d’abord que vous trouviez et sentiez le rythme de l’autre, explique notre

professeur.

J’offredoncmesmainsàAshtyn,qui inspireprofondémentavantd’yglisser lessiennes.

Son contact me fait comme une décharge électrique et j’essaie de voir si elle a la même

sensation.Manifestementnon,puisqu’elledétournelesyeux;ellepréféreraitêtren’importe

oùailleursqu’ici.

—Allez-y,sautez!ordonneJack.

Ashtyntentederesterdroitemaispartàlarenverseetjemanqueluitomberdessus.

—Désolé,dis-jeenmarmonnant.

Noussommesbeaucoupplusprèsquejenevoudraisetçameperturbe.Cettesoiréeétait

censéemefaireoubliermagrand-mère.Ondevaits’amuser.Jemeseraismoquéd’elleetdu

fauxrendez-vousdanslequeljel’aipiégée.

Ashtynserelèveetm’offresesmainspourqu’onrefasseunetentative.

—C’estridicule.Tut’enrendscompte,n’est-cepas?

— Essaie de suivre mon rythme, lui dis-je avec un clin d’œil pour tenter de détendre

l’atmosphère.

—Vatefaire...,répond-elleavecungentilsourire.Elleessaiealorsd’enleversesmainsdes

miennes,maisjelestiensfermementetcontinuedesauter.

—Sentezl’énergiedevotrepartenaire,expliqueJack.

Neluttezpascontreelle.Prenez-la,imitez-la,jusqu’ànefaireplusqu’un.

—Laprochainefoisqu’onsort,rappelle-moideprévoirunsoutifdesport,marmonnema

partenaire.

J’essaiedecontenirunsourire.

—Tupensesdéjààlaprochainefois?

—Non.Jedisaisjuste...Oubliecequejevoulaisdireetconcentre-toi.

—Tuesmignonnequandtutemetsàbaliser,Sucred’orge.

—Jenebalisepas.

—Benvoyons!Tuaslespaumesmoiteset...

—Concentrez-vous!hurleGretchen.

Quinzeminutesencoreetnoussommesprêtsànousséparerpourtesterdestrampolines

côteàcôte.Achaquesaut,Ashtynsembledeplusenplusdétendue.Onafinipartrouverle

trucet elle commencemêmeà sourire lorsqu’on sedécale.Nosprofesseursprennent cette

histoire beaucoup trop au sérieux.Gretchen se fâche chaque fois que nous parlons, ce qui

nousfaitrire.

—Lorsquevoussautezensemble,explique-t-elleaprèsqueJacknousamontréquelques

figures, vos corps et vos esprits deviennentune seule etmêmeentité.Commequandvous

faitesl’amour.

Nosregardsse figent.Jem’imaginedans l’intimitéavecAshtyn.Ellemeregarderaitavec

sesyeuxsiexpressifsetseslèvrespleines.J’aborderaisleschosesdoucement,poursavourer

chaqueinstant,puisjelalaisseraischoisirsonrythme.Est-cequ’ellelaisseraitenfintomber

sonarmure?

Mince,jedevraisarrêterdepenseràçaavantquetoutlemondedanslegymnasenesache

les idées dingues quimepassent par la tête. SiAshtyn savait ce que j’ai à l’esprit, elleme

mettraitcertainementuncoupdanslesparties...Jemerépètequejedoisêtrefrustréparce

quejen’aipastouchéunefilledepuisdesmois.Jedoism’enoccuper,maispasavecunefille

commeelle.Elleestfaitepourdesgarçonsquisouhaitents’engager.Moi,jesuisfaitpourdes

fillesquicherchentdubontemps.Onabeauêtresynchrones,ici,enmatièredesentiments

ons’accordecommelefeuetlaglace.

Alafindel’heure,etaprèsunephotonousimmortalisantdansnostenuescolorées,nous

savons sauter et exécuterquelques figures ensemble.Gretchen et Jack sont impressionnés

parnosprogrèsetnousinvitentàrevenirbientôtpourunnouveaucours.

Danslavoiture,Ashtynetmoirestonssilencieuxtandisquejenousconduisaurestaurant.

Jepersisteàessayerdemeconvaincrequejenesuispasattiréparelle.Pasvraiment.

—Cetrampolineétaitvraimentuneidéestupide,s’écrie-t-ellesoudain.

Avecsonjogging,onladiraitprêtepouruneséancedemuscuplutôtquepourundîneren

ville.

—Çat’aplu,avoue.

Ellesetournesursonsiègeetregardeparlafenêtre.

—Jen’avoueriendutout.Maintenant,ramène-moiàlamaisonquejepuissemegoinfrer.

J’aifaim!

—Justement,jet’emmènedîner.

J’entresurleparkingdeWhiteFenceFarm,àRomeoville.

—LeWhiteFenceFarm?

—Ilparaîtqu’ilsserventlemeilleurpouletdumonde,avecduvraipouletdedans.Rienà

voiraveclabouffecongeléequetasœurréchauffetouslessoirs.

—Jeterappellequej’aimebiencettebouffecongelée.

Ilyauneheured’attentepourobtenirnotre table,alorsAshtynsepromènedans lepetit

muséeàl’intérieurdurestaurant.Elleadmireunedesvoituresanciennesderrièreunevitrine

quand,toutàcoup,untypesuantetsoufflant,visiblementenchasse,s’approched’elle.Illui

ditquelquechosed’inaudiblepuisilsouritenentendantsaréponse.

— Qu’est-ce qu’il se passe, ici ? dis-je au type en passant le bras autour des épaules

d’Ashtyn.

Ilcomprendlesignalets’enva.

—Qu’est-cequetufais?Peut-êtrequ’ilétaitsimplementgentil...

—Jenecroispas,non.

Ellesefaufileàtraverslemuséebondéetretourneàlaréception.Ons’assoitenfinenface

d’ungroupedegarçonsauxcouleursdulycéedeRomeovilleetelleresteunmomentmuette,

l’airgêné.

—Tuvasfinirparparler?

Ellenelèvepaslesyeuxdupouletdessinésursonassiette.

—Jen’enaipasenvie.

—Ehben,heureusementquecen’estpasunrendez-vous.Sinon,ceseraitvraimentraté.

Elleouvrelabouchepourprotesterquandlaserveuse,quis’appelleTracie,débarquepour

prendrenotrecommande.

—Nosaccompagnementssontàvolonté,alorsn’hésitezpas,dit-elleavecunsourireavant

de se pencherpournousmurmurer quelque chosede fondamental :Nosbeignets demaïs

sontàsedamner.

—C’est parfait, lui dis-je. Parce quema copine, ici présente, est à se damner, elle aussi.

N’est-cepas,Sucred’orge?

Ashtynsecouelatêteetmedonneuncoupdepiedsouslatable.Tracie,gênée,enprofite

pourpartir.

—Dieu soit loué, ce n’est pas un vrai rendez-vous, enchaîne Ashtyn. Si c’était le cas, je

seraisdéjàdansuntaxipourFremont.

—Sic’étaitunvrairendez-vous,onseraitdéjààl’arrièredelavoituresansnosvêtements.

—Berk!Tuveuxparier?

Jeluifaisungrandsourire,maisellelèvelamain.

—Oubliecequejeviensdedire.

CHAPITRE28ASHTYN

HeureusementquelestypesdeRomeovillenem’ontpasreconnue.Onajouécontreeux

cetteannéeetonlesabattus21à20danslepremiertourdeséliminatoires.Unebagarrea

éclatéentrelesjoueursaprèsmontir,quinousaassurélavictoire.Lapoliceadûintervenir

pourymettreunterme.Derekagitelamaindevantmonvisage.

—Arrêtederegarderlesautresgarçonslorsquetuesavecmoi.

—Jeneregardepaslesautresgarçons.

—Jenesuispasidiot,Ashtyn.Touteslesdeuxsecondes,tujettesunœilverslesjoueurs

defootballassisàlatablederrièremoi.Tuenpincespourlesathlètes,çanefaitaucundoute.

—Cen’estpasça.Cesont...nosrivaux.J’espèrequ’ilsnevontpasmereconnaître.

—Alorsarrêtedelesmateretconcentre-toisurnotrerendez-vous.

—Cen’enestpasun.

—Soisgentilleetfaiscommeci.

—QuediraitBreesielleapprenaitqu’onsortensemble?

Ilsemetàrire.

—Bree?Ellecherchejusteàs’amuser.Riendesérieux.

Jeneveuxpassavoiràquelpointils’estamuséavecelle.Jen’aimepaslesgarçonsquise

considèrent comme un cadeau du ciel fait aux filles et dont le seul but est de caresser un

maximumdepoitrines –engrostoutleportaitdeDerekFitzpatrick.Alorspourquoiest-ce

quejemesensbienaveclui,àessayerdejouerauplusmalin?Ilfaitdesblaguesstupideset

neprendjamaisrienausérieux,surtoutconcernantlesfilles.Franchement,quiauraitl’idée

d’inviterunefillefairedutrampolinesynchronisé?

Laserveuseapportenosbeignetsdemaïsempilésdansunpetitbolblancencéramiqueet

j’engoûteun,quifondavecdouceurdansmabouche.Tracieavaitraison:àsedamner.

Je les avale les uns après les autres tandis que Derek m’observe de ses yeux bleu

électrique.

—Ilfautquetuengoûtesun,luidis-je.Lorsquej’aiterminédedévorerlapremièreration.

Tracieenapporteuneseconde.

—Non,merci.

—Ilssontincroyables,Derek.Vraiment.

—Jevoisça.

Jemepencheau-dessusdelatableetluitendsunbeignet.

—Vas-y.C’estcommeunbonbon.

Ilscrutelebeignet,puismoi.

—Toi,mange.

Puisquec’estpeineperdue,jelefourredansmabouche.

Cela ne servirait à rien de gâcher un si bon beignet pour quelqu’un qui ne saurait pas

l’apprécier.

Tracie apporte la suite. Derek se sert aussitôt un morceau de poulet et pousse un

gémissement:

—Voilà,çac’estdupoulet!

Jem’étonnequ’ilaimeautantlepoulet.Lorsquej’aileventreplein,ilattrapel’ailerestée

dansmon assiette. Çame rappelle Trey etMonika qui partagent toujours leur nourriture.

Landonetmoinepartagionsjamais.

D’accord,jel’avoue,cettesoiréeressemblefinalementbienàunrendez-vous.Quandnous

étionsmaindans lamain, sur le trampoline, j’étais incapablede le regarderdans les yeux.

Mon cœur s’est affolé lorsqu’il a faillime tomber dessus – son corps si près dumien. Et

lorsque nous sautions ensemble, j’ai senti une vraie connexion. Quelque chose

d’authentique.J’aibienconsciencequec’estridicule,etjesuiscertainequ’ilsemarreraitsije

lui en parlais,mais je pouvais sentir lemoment où il allait sauter sans avoir besoin de le

regarder.

A la findudîner, ilnous ramèneà lamaison.Alorsqu’il segaredans l’allée, je fuis son

regardpournepasêtretentéedel’embrasser.

—C’étaitvraiment...unesoiréeintéressante.

Je n’ai pas envie qu’il sache que pour la première fois depuis longtemps, j’ai laisséma

déprimeauplacard.Jesuisextrêmementconfuseetémotive,et jeneveuxrienfairequeje

pourraisregretter.J’ouvrelaportière,maisDerekm’empêchedesortir.

—Attends!Jevoulaistedonnerquelquechose...

Ilétirelebrasverslabanquettearrièreetattrapeunballon.

— Tiens. Il est signé par les Cowboys de Dallas de 1992. Il y a même l’autographe

d’Aikman.

Mesdoigtsparcourentlessignatures.J’aientrelesmainsunvéritablemorceaud’histoire

duTexas.

—Commenttul’astrouvé?

—Ma grand-mère me l’avait envoyé pour mon anniversaire, il y a longtemps, dit-il en

haussantlesépaules.

—Ilestvraimentsuperbe,Derek.Tudevraislegarder.

—J’aienviequ’ilsoitàtoi.

Jeleserrefortdansmesbras.

—Merci,Cow-boy.

Jecomptemedétachertoutdesuite,mais lorsqu’ilmeserreàsontourdanssesbras, je

me surprends à fermer les yeux et àm’oublier dans la chaleur de son étreinte. J’en avais

envie. Je l’attendais.Mon cœur s’emballe et j’ai le souffle coupé par sesmains puissantes

contremondos.

Puisjem’écartelentementetnosregardssecroisent.Sesyeuxétincellentpresquedansla

pénombre.

Ilportealorssonregardsurmeslèvres.

—J’aiterriblementenviedet’embrasser,maintenant.

—D’habitude,tudemandesàlafilleoutulefais?

—D’habitude,jelefais.

Etlasuitesortdemabouchesansquejeréfléchisseauxconséquences:

—Alors,qu’est-cequetuattends?

Ilaunpetitsouriresurpris.Ildoitêtreétonnéquejeneluiaiepasmismonpoingsurla

figure.Samainenveloppemanuqueetsonpoucecaressedélicatementmapeausensible.Je

suisvraimentdanslepétrin,etj’enaitellementenvie!

Je retiens ma respiration et mouille mes lèvres du bout de la langue, impatiente de

connaîtrelasensationdesabouchecontrelamienne.

—Çadevientchaud,là,dit-il,haletant.

— Tu sais qu’on ne devrait pas jouer à ce genre de jeux, je le préviens avec un grand

sourire.

Meslèvrestaquinessontàunsouffledessiennes.

—Jesais.C’estunetrèsmauvaiseidée.

Pourtant,ilnebatpasenretraite.

—Tuasintérêtàêtreaussidouéquetuledis.

—Jesuisdoué,Sucred’orge.

Jereculeuntoutpetitpeu,conscientequejedevraiscourirmeréfugieràl’intérieurdela

maison,mais je n’ai aucune envie de cesser ce jeu. Je connais les garçons comme lui : ils

aimentlesdéfisetjouerauchatetàlasouris.

Etcesoir,c’estmoilasouris.

—Attends.

Jeposeunemaincontreson torse.JesenssesmusclessoussonT-shirtet lebattement

frénétiquedesoncœur.

—Onn’estpeut-êtrepascompatibles,finalement.

—Onvavoirça,murmure-t-il.

Il s’avanceetdéposedespetitsbaisers très lentssurmes lèvres.Jemeretiensdegémir.

Cesbaisers-làmerendentdingue.MauditDerek!

—Qu’est-cequetuendis?

—Euh...

Salangueglisseentremeslèvres.

—Etdeça?

C’estsibon.Jem’abandonnecomplètement,cettefois.Jel’attrapeparlanuqueetl’attire

contremoi.Mes lèvres s’écrasent contre les siennes, et on s’embrassepleinement. Il est si

différent,sibon...Moncorpscommenceàbouillir...

Seslèvresentrouvrentlesmiennesetnoslanguess’entrelacentdansunedansesensuelle.

J’yprendsbeaucouptropdeplaisir.

—Jecroisvraimentqu’onestcompatibles,soupire-t-ilcontremabouche.

—Tucrois?

Jesuishorsd’haleine,tropheureusedecontinuer.

—Ondevraitpeut-êtrepoursuivre, justepourvérifier. Il lève lamainetretire lentement

l’élastiquedemescheveuxquitombentsurmesjoues.

—Dis,pourquoitufermeslesyeux?Jehausselesépaules.

—Ashtyn,regarde-moi.Jeneveuxpasêtreungarçonquelconque.

J’ouvrelespaupières.Seslèvresbrillentdanslafaiblelumièreduperron.

—Tuesuneprincesse,uneguerrière,tulesais?Ilécartedoucementmescheveuxdemon

visage.

—Tuessibelle.

L’instantestintense,ettellementvrai.Onestloindujeu.Mesémotions,déjàmisesàmal,

sontsensdessusdessous;c’estexactementcequ’ilcherche.

—Tuessérieux?

Maquestionn’estpasanodine;s’ilestsérieux,alorslapartieestvraimentterminée.

Ilhésite,puisseredressesursonsiège.

—Tudevraismeconnaîtreàprésent,jenesuisjamaissérieux.

—C’estbiencequimesemblait.

—En fait, ajoute-t-il, j’espérais que tume laisseraisprendreunephotode toi etmoi en

traindenousembrasserpourlapubliersurInternet,histoired’emmerdertonex.Çatedit?

NotrephotosurInternet?J’aimanquédemefairepiégerenluidéballantmessentiments

alorsquetoutçan’estqu’unevasteblague?Uneblagueàmesdépens?

—Notrefauxrendez-vousestofficiellementterminé.

Jelerepousseetmeprécipitehorsdelavoitureenmejurantdenejamaisrejoueràaucun

jeuavecDerekFitzpatrick.

CHAPITRE29DEREK

Voilà,jesuisofficiellementunenfoiré.Jen’avaispasprévud’embrasserAshtyn.C’étaitsi

bon... Et j’ai eu envie de lâcher prise avec elle. Ce qui explique pourquoi j’ai inventé cette

histoiredephotodébile.Jenevoyaispasd’autremoyendelarepoussersuffisammentfort.

Ashtynn’estpasn’importequellefille.C’estlasœurdeBrandietelleneserapprocherait

jamaisd’ungarçon sansattendrederelationssérieuses.Samère l’aabandonnée,sasœur l’a

abandonnée,sonpèrec’esttoutcomme.Elledoitsedirequejesuisunconnard,illefaut,et

peuimportecequisepasseraentrenous,jereparsbientôtetnereviendraipas.

Jeposeleballondevantlaportedesachambre,conscientquec’estunetentativeminable

defairelapaix,maisj’ignorequoidireouquoifaired’autre.

Aumatin,Brandientredansmachambrealorsquejesuisencoreàmoitiéendormi.Elle

porte un short et un T-shirt qui moulent son corps de femme enceinte. Falkor trottine

derrièreelleavecunballonmâchouillédanslagueule.Ils’assoitprèsdemon litet lâchele

balloncrevéetcouvertdebave.Lasignatured’Aikmanestarrachée;ilenmanquemêmeune

partie.

—Ill’amangé,dis-jesouslechoc.

— Je sais, c’était tropmignon ! Ashtyn le lui jetait, ce matin, dans le jardin, pour lui

apprendreàrapporter.

Merde,alors...Ashtynsaitmedired’allermefairefoutresansprononcerunmot.

— J’ai rendez-vous pour une échographie la semaine prochaine, annonce fièrement ma

belle-mère.J’aimeraisquetuviennesavecmoi.

—Non,merci.

—Oh,allez!Commetonpèren’estpaslà,j’aivraimentenviequeJulianettoiveniezavec

moi.

Elleneseditpasuneseulesecondequeçapourraitêtrebizarre,pourmoi,d’assisteràson

échographie.

—Après,jevousemmènerai,genre...

J’entendspresquefonctionnerlemécanismerouilléquiluisertdecerveau.

—Jevousemmènerai,genre,cueillirdespommes.Vousallezadorer!

—Lespommessecueillentenautomne,pasavant.

—Ah,c’estvrai.Onpourrafaireautrechosealors.Untrucsupermarrant.

— On pourrait peut-être juste déjeuner ensemble ? Au moins cela m’évitera de devoir

mangerundesesrepasmaison.Jem’assoissurmonlitenessayantdenepasfixersongros

ventre.

—Çaveutdirequetuviens?

Sonvisagesuppliantmefaitdelapeine.J’imaginequesic’étaitmafemme,j’apprécierais

quequelqu’unl’accompagne.

—Ouais,jeviendrai.

—Merci,Derek!Tuestropchou!

Elletentedes’asseoirauborddulit,perdl’équilibreetmanquedesecasserlafigure,mais

jelarattrapeàtemps.Abandonnantsonidée,ellerestedeboutàcôtédulitetposelesmains

sursonventre.

— Au fait, un petit oiseau m’a dit que tu avais reçu une lettre de ta grand-mère. C’est

sympa.

—Ouais.

Siellesavaitquemagrand-mèrenes’intéressequ’àelle-mêmeetqu’ellel’insulteraitsans

douteàlasecondeoùellelaverrait,jedoutequ’ellelatrouveraitsympa.

—Qu’est-cequ’elleteraconte?

—Qu’ellerejointuncirque,pourjouerunefemmeàbarbe.

—Vraiment?

—Non,pasvraiment...EllevamouriretelleveutquejeluirendevisiteauTexas.

—C’estencoreuneblague?

—Non.Etjevaisyaller.

Après la nuit dernière, j’ai réalisé qu’Ashtyn était ma kryptonite. Je m’en suis trop

approché,ilfautquejeprennemesdistances.

J’entends claquer la porte d’entrée. Ashtyn a dû partir pour l’entraînement, encore

furieuse.Deuxheuresplustard,ellegaresavoituredéglinguéedansl’alléealorsquejesuis

entrainderéparerletoitducabanon,cherchanttoujourscequejepourraisbienluidire.

Elle se traîne à l’intérieur, les cheveux en queue-de-cheval et de l’herbe sur tout le

pantalon.L’entraînement a étédur,manifestement. Jedevrais la laisser tranquille,mais je

n’arrivepasàlachasserdemonesprit.Jelaretrouvedanslesalon,entraindetremperses

piedsdansun seaude glace.Brandi se fait les ongles et Julian regarde la télé à côtéde sa

tante.

—Ashtyn,onpeutdiscuter?

—Non,jesuisoccupéeetj’enaimarredejouer.Tun’asqu’àappelerBree.

—Nemetraitepascommedelamerde.Jen’avaispasprévuquelasoiréed’hiersefinirait

commeça.

Julianmetapotelajambe.

—Derek,tuasditmerde.

—Merden’estpasunvilainmot.

Je regardeAshtyn en attendant qu’elle confirme ; elle hausse les épaules comme si elle

n’avaitpasd’avissurlaquestion.Alorsj’insiste:

—Jeconnaisuntasdemotsquisontbienpiresquecelui-ci.

—Arrête,s’exclameAshtyn,inquisitrice.Tupervertismonneveu.

—Tum’enveuxpourhiersoir?

—Tuastoutfaux.Tunepourraispasavoirplusfaux.

—Attendez,j’airatéunépisode?demandeBrandi.Qu’est-cequis’estpasséhier?

Sasœurmefusilleduregard.

—Rien.Pasvrai,Derek?

—Vrai.

—Vousêtesallésoù?

—Fairedutrampoline,etensuiteàlaWhiteFenceFarm,expliqueAshtyn.

Sasœurreposesonvernisenfronçantlessourcils.

—Pourquoituluienveux,alors?C’étaitplutôtmarrant,non?

—Jen’aipasenvied’enparler,Brandi,d’accord?

ContinuedecroirequeDerekestparfait,commetoutlemonde.

—Personnen’estparfait,luidis-je.Toinonplus,Ashtyn.

—Jen’aijamaisditquej’étaisparfaite.Enréalité,jesuisuneidiote.

—Bienvenueauclub.

Gusdébarquequelquesminutesplustard,jetteunœilauseaudeglacedanslequelsafille

trempesespiedsetmarmonnequelquechoseausujetdel’annulationd’unstagedefootball,

etdesonargentqu’ilaimeraitrécupérer.

—Quelstagedefootball?demandeBrandi.

—Tasœurveutconduire jusqu’auTexas,oùa lieusonstagedefootball.Seule!Cen’est

pasprèsd’arriver.

—Attends,j’aiuneidée!

Ma belle-mère au cerveau ramolli se tourne vers moi et me regarde comme si j’allais

sauverlemonde.Elletapedanslesmains,enfaisanttoutdemêmeattentionànepasgâcher

samanucuretoutefraîche,ets’écrieavecexcitation:

—Derekva rendre visite à sa grand-mèreauTexas, justement. Il peutdéposerAshtynà

sonstage.Illarécupéreraàsonretour.C’estlasolutionidéale!

Tout le monde a les yeux rivés sur moi. Est-ce que Brandi pense réellement que nous

mettretouslesdeuxdansunevoiturevarésoudrelesproblèmesdesasœur?Ellerêve!

—Jenecroispas,non.

—Jenecroispasnonplus,confirmeAshtyn.C’estuneidéepourrie.

Gusconfirme:

—Alorsonestd’accord.Ashtyn,tuneparspas.

CHAPITRE30ASHTYN

Jepasselesdeuxheuressuivantesàappelertoutesmesconnaissanceshorsdemesamis

proches.Envain.Iln’yaaucunesolution.Sauf...SaufDerek.

Jepréféreraisneboirequedes smoothies vertspendantune semaineentièreplutôtque

d’être coincée avec lui sur la route. Je me suis complètement ridiculisée le jour de notre

rendez-vousquin’enétaitpasunetjemesensidiote.Chaquefoisquejerepenseàsesmains

sur mon corps, ou à sa langue glissant sur la mienne, j’ai les genoux qui tremblent et le

ventrequiseserre.Jem’enveuxtellementd’êtretombéedanssonpiège.

Jefermelesyeuxetrespireprofondément,puisj’essaiedetrouverunplanpourmerendre

auTexas sans lui.Pourtant, jedoisme rendreà l’évidence : c’est impossible !Derekest le

seulquipuissem’aider.

Je le retrouve dehors, sur le toit du cabanon, torse nu. Il plante un clou et je ne peux

m’empêcher de repenser à la façon dont jeme suis laissée aller contre son ventre, la nuit

dernière.J’aimeraispouvoireffacercesouvenirdemamémoire,maisrienàfaire.

—Ilfautquejeteparle.

Ilcontinuedetaperaveclemarteau.

—Pourquoi?Tuesprêteàmedirepourquoitum’enveuxautant?

—Jen’aipaslechoix.

Jepousseunsoupiravantdecontinuer:

—Jen’auraispasdût’embrasser.Nitelaisserm’embrasser.C’estuneénormeerreurque

jeregretteraipourl’éternité.Jet’enveuxdem’avoirtentée,commejem’enveuxdetel’avoir

permis.Tum’aseuedansunmomentdefaiblesseetçametuedenepaspouvoirremonterle

tempsettouteffacer.Voilà,c’estdit.

—L’éternité,c’estlong,tusais.

—J’enai toutà faitconscience, je teremercie.J’aibesoinde tonaidepourcevoyageau

Texas;jetiensvraimentàfairecestage.J’aitéléphonéàtoutlemonde.Personnen’estdispo.

—Jesuistondernierrecours,c’estça?

—Ouais.

Ilsautedutoitetmarchejusqu’àmoi.

—C’est toiquiasdécidéque l’onnedevaitpassemêlerdesaffairesde l’autre,non?La

nuitdernière,onaenfreintlarègleettuasvulerésultat.Teconduirehorsdel’Étatetfaire

ducampingensemblenevapasnoussimplifierlavie.

Uneminute...Est-cequej’aibienentendu?

—Ducamping?

—J’aimebienmecompliquerlatâche.

Mecompliquerlavie,cen’estpasmonhabitude.

Cependant,jesuisauboutdurouleau,alorsjemensavecungrandsourire:

—J’adorelecamping!

—Jenetecroispas,dit-ilensecouantlatête.

—Écoute,jesuisprêteàreprendrenotrepetitjeu,finalement.Maisonnes’embrassepas,

onnesetouchepas.Songeàtoutletempsquenousauronspournousdisputersurlaroute.

—Aprèslanuitdernière,c’estsansdoutelapireidéequ’onpouvaitavoir.

Ilmemontreleballonmâchouillé.

—Au fait,merci de l’avoir filé au chien. Ce doit être un sacrilège de détruire un ballon

signéparTroyAikman...Net’inquiètepas,jen’enparleraipasàtescoéquipiers.

Ilsedirigeverslamaison.Jelerattrapeetmemetsentraversdesonchemin.

—Désolé,Ashtyn,jepeuxpast’aider,medit-ilenmerepoussantsurlecôté.

Lemomentestvenudetoutdéballer,peuimportedansquelétatj’enressortirai.

—Attends!Derek, lefootballaméricain,c’esttoutemavie.Il fautquej’ailleauTexas.Il

fautquejeprouveaumondeentieretàmoi-mêmequejemérited’yêtrecommen’importe

quelgarçon.Jenetel’aipasdit,maisLandonalâchénotreéquipepourjoueravecnosrivaux.

Jerefusedebaisserlesbras,quandbienmêmetoutsembleperdu.

Jedétourneleregardcarjesensleslarmesmemonterauxyeux.

—Tunecomprendspas.Endehorsdufootball,jen’aiplusrien,dis-jeavecungestevers

Falkorquiaposélatêteàsespieds.Mêmemonchiennem’appartientplus.Jenetedemande

pasgrand-chose.Tuesmondernierespoir.

Jetremble,àdeuxdoigtsdefondreenlarmes.Dereksefrottelanuque,enpleineréflexion.

—Désolé,jenepeuxpas.

—Tuveuxcombien?luidis-je,àbout.

—Combien?

—Ouais,disunchiffre.

—Unmilliondedollars.Benvoyons...

Jecalculecombienj’aipuéconomiserenbaby-sittings,fêtes,anniversaires...

—Jeteproposecentdollarsetonpartagel’essence.

—Seulement?répond-il,impassible.C’estmoinsquelesalaireminimum.

—Tuseraspayécomptant,aumoins.

—Tuoublieslefacteurstress.Cohabiteravectoi,Sucred’orge,cen’estpasunepartiede

plaisir.

—Jerajoutedeuxboîtesdebarresdecéréalespourletrajet.Vendu?

Ilscrutemamainlevéeunbonmomentavantdesecouerlatête.

—Écoute,Ashtyn,jene...

—Allez,Derek ! Jeneplaisantepas. Jen’ai personne sur qui compter.Mon copainm’a

larguée,nousn’avonsplusdequarterback,etmavieestenbordel.Jemenoie,là!Montre-

moiqu’ilresteunpeud’espoir.

Ilsefrotteencorelanuquepuissoupireplusieursfoisenregardantauloin.

—Trèsbien,lâche-t-ilenfin.Vendu!

CHAPITRE31DEREK

Onm’aforcéàvenirenIllinoisetonm’obligeàpartirpourleTexas.Àpartirsurlesroutes

avecunefillequej’aienvied’embrasseretderepousserenmêmetemps.

Commentsefait-ilquejemeretrouvetoujoursdansdesplansgalère?QuandAshtynm’a

racontécequelefootballaméricainetcevoyagesignifiaientpourelle,jen’aipaspudirenon.

A une certaine époque, le foot représentait autant, pour moi. J’ignore ce qu’elle pense

accomplir enparticipantà ce stage,mais je suispersuadéqu’elleuserade tous lesmoyens

pourimpressionnerlesrecruteurs.L’étincellequej’aivuedanssesyeuxnetrompepas.

Quatre jours plus tard, nous chargeons le SUV de mon père. Ashtyn a insisté pour

emporter toute lamalbouffequ’elleapu trouver.Demoncôté, j’aiprisquelquesbarresde

céréalesetdequoicuisiner.

—Qu’est-cequec’estqueça?demande-t-ellequandjesorsdelamaison.

—Unmixer.

—Tuemportesunmixerpourlaroute?

—Oui.

Quelquesbananes,desépinards,etçaferaunpetitdéjeunerdélicieux.Siellecroitqueje

vaismangerdesbonbonsetdesgâteauxmatin,midietsoir,ellesemetledoigtdansl’œil.

NousdisonsaurevoiràBrandi,JulianetGusetnoussommesprêtsàpartir.

Aumomentoùj’ouvrelaportière,Falkorbonditsurlabanquettearrière.

—Tun’espasinvité,toi.

Ilmeregardedesesyeuximplorants.Ashtynessaiedelefairesortirmaisilresteplantélà,

jusqu’àcequejememetteàcrier:

—Sors!

SoudainJulianapparaîtàcôtédemoietmeserrelesjambesdesespetitsbrasd’enfant.

—Tureviens,hein?

—Biensûrquejereviens,luidis-jeenm’agenouillant.Ashtynpasselatêteparlavitre.

—Hé!Julian,tumefaisuncâlin,àmoiaussi?

Ellesortde lavoitureetposeungenouausol.Elle le tirecontreelleet leserre fort.On

diraitqu’elleabsorbetoutl’amourqu’illuioffreencetinstant.Jeneseraijamaiscapablede

luioffrirlamêmechose.

PuisjedémarreetAshtynenlèveseschaussuresetprendsesaises.Trèsvite,nousquittons

lavilleetnecroisonsplusquedesfermes.J’aperçoisunaiglesolitaireplanantau-dessusde

nostêtes.

Elleplongelamaindanssonsacetsortdescrackersetdelacrèmedefromage.

—Tuenveux?

—Nan.

—Çanevapastetuer,Derek.

Elleenprendunetmelemetsouslenez.

—Goûte.

J’ouvrelabouche;lesboutsdesesdoigtseffleurentmeslèvresetreposentpresquedessus

letempsquejelesreferme.Ceseraitpresqueunmomentintime.

Ellemetendunnouveaugâteau.Jesuistentédel’accepter,maisjeneveuxplusqueses

doigtsapprochentdemeslèvres.Sarègle:onnes’embrassepas,onnesetouchepas,estbien

ancréedansmonesprit.

—Çavacommeça.

—Situledis.

Gardermesdistancesestlameilleurechoseàfaire,quoiqu’uneunevaguesensationqueje

nesauraisexpliquermecrielecontraire.

Onnes’embrassepas,onnesetouchepas...

Jetournelatêteetlavoisentraindelécherlefromagerestésurseslèvres;elleneréalise

pasqu’ellemerenddingue.

Soudain,ellecrieenposantlesdeuxmainssurletableaudebord.

—Derek,attention,unécureuil!

Jetourneviolemmentlevolantpourl’éviter;lavoituresedéportedansuncrissementde

pneus.

—Tul’asécrasé?demande-t-elle,paniquée,enregardantdanslerétroviseur.

—Non.

—Surveillelaroute.Tuauraispunoustuer!

En attendant, il faudrait qu’elle arrête deme provoquer. J’attrape le fromage et le jette

derrière.Commeçaplusdedistraction...

Ellesouffleavecénervement.

—Pourquoituasfaitça?

—Pourpouvoirmeconcentrersurlaroute.

Elle secoue la tête, l’airdenepascomprendre.Sielle croitque jevais luiexpliquer,elle

peuttoujoursattendre.Parfois,ilvautmieuxsetaire.Sansautregarniturepoursescrackers,

ellelesrangedanslesacqui,j’ensuissûr,doitconteniruntasd’autrescochonneries.

Jem’arrêtepourfairelepleind’essenceetluipasselevolant.Elleconduitpendantqueje

me repose sur le siègepassager. J’aimerais être ànouveaudans ledortoirde l’internat, en

train deme demander comment je vais passer l’été sans être convoqué dans le bureau de

Crowe.Amonentréeau lycée, j’avaispourtant toutprévu.Jedevaisentrerà l’universitéet

joueraufootballaméricain.

Toutachangéàlamortdemamère.

Je fouille dansmes souvenirs, enfermés dansmon cerveau comme dans un coffre-fort.

J’entendsencoresonrire,danslacuisine,quandelleteignaitsescheveuxenbleu.C’étaitla

couleurpréféréedemonpèreetellevoulaitpenseràluichaquefoisqu’elleseregardaitdans

lemiroirlorsqu’ilétaitenmission.

Etpuisunjour,onluiadiagnostiquéuncancer.

C’était un calvaire chaque fois qu’elle devait aller à sachimio alors que j’étais coincé en

cours.Quandsescheveuxontcommencéàtomber, je l’airetrouvéedanslasalledebainsà

pleurerdevantlemiroir,sabrossepleinedemèchesàlamain.

Finalement, elle a demandé de terminer le travail avec la tondeuse demon père. Après

m’êtreoccupéd’elle,jemesuisrasélatêteaussi,maiscelanel’apasempêchéed’éclateren

sanglots.Sij’avaispucombattrecefléauàsaplace,jel’auraisfait.

Maisonnenégociepasaveclecancer.

Jemesuisoccupédemamèredumieuxquej’aipu,envain.Jen’aipaspulasauveretje

n’étais même pas là lorsqu’elle a rendu l’âme. Je sais qu’elle m’aurait voulu à ses côtés.

J’étaisleseulmembredelafamilledanslesparagesetelleestmorteseuleparcequej’avais

unentraînementdefootballetquejesuisarrivétroptardàl’hôpital.

J’auraisdûêtrelà.J’auraisdû.

Unlongsilences’installepourplusieursheuresdanslavoiture.Nousnousarrêtonspour

manger, puis je reprends le volant en direction d’un camping. Ashtyn, appuyée à la vitre,

admire lesmaisons de campagne qui défilent. Tout à coup, ellememontre un garçon qui

pousseunefillesurunebalançoire.

—C’esttropromantique,soupire-t-elletouthaut.Derek,est-cequetuasdéjàeuunevraie

petiteamie?

—Ouais.

—Qu’est-cequis’estpassé?

Celafaisaitlongtempsquejen’avaispluspenséàStéphanie.Enseconde,onétaitallésàla

soirée du lycée ensemble, et ellem’avait offert sa jarretelle et sa virginité. Elle prétendait

qu’onseraitensemblepourtoujoursetàcetteépoque,j’ycroyais.

—J’aidéménagéenCalifornieetelleestrestéedansleTennessee.Onaessayélarelationà

distancemaisçan’apasduré.

Etpourtoujourss’étaitsoldéparseptmois.

—Quandest-cequetuassuquec’étaitfini?

—Quandjel’aivueentraindecoucheravecmonmeilleurami.

CHAPITRE32ASHTYN

—Ashtyn,onestarrivés.

Jenesuispastoutàfaitconscienteetj’aijusteenviedemerendormir.C’estpeineperdue

puisqueDerekmetapotel’épauleavecinsistance.

—Jesuisréveillée,dis-jefébrilement.

Ilpersisteàmesecouerquand,enfin, jemeredresseetregardedehors.Devantnous,un

grandpanneauannonce:

CAMPINGDUJOYEUXCAMPEUR

OùlaNaturevousnourrit!

Houlà.LaNature.Jedevraispeut-êtreluidirequejenesuispasfandesaraignéesetquele

simplebruitdescriquetsmefoutlecafard.

—Sionoubliait lecampingpourallerà l’hôtel?Entre l’argentquetuasgagnéaujeuet

mesfaibleséconomies,jesuissûrequ’onpourraitselogerdansunendroitdécent.

—L’argentquej’aigagnéaujeu?

—Nefaispasl’innocent.Monikaatrouvéuneliassedebilletsdanstesbottesetdesjetons

depokerdanstavalise.

—Ducoup,jesuisunflambeur?

—Ouais.

—Ecoute,Sucred’orge,faispastadiva,etnejugepaslesgenstropvite.

Ildescenddevoitureetsedirigeversl’accueil.

L’homme à la réception nous salue de toutes ses dents en nous tendant un formulaire

d’inscription.Puisilnousassigneunpetitemplacementaveceaucouranteetélectricité.

PendantqueDerekachèteduboisetdesallumettes,jem’occupedessaucissesetdupain.

Finalement jecraqueetprendsaussidesguimauves.Puisque jesuiscoincée ici,autantme

faireplaisir.

Dehors,Derekestpenchésurlavoitureetjetteunœilauplanducamping.Ilnevoitpas

quedeuxfillesassisesàunetabledepique-niquelefixentcommesiellesallaientledévorer.

—Qu’est-cequetuasprispourledîner?medemande-t-il.

—Situcroisquej’aiachetédessteaksdedindebiooudesgrainesdelin,tuvasavoirune

surprise.

—Tuasprisduvinaigredecidre?

—Pourquoifaire?

—Pourmonrégime.

Jeledétailledehautenbas.

—Tun’aspasbesoinderégime,Derek.Tuasbesoindehotdogs.

Iléclatederire.

—Onn’aqu’àmonterlatenteetallumerunfeu,quejepuissemeremplirdecochonneries.

Miam!

—Tucommencesvraimentàm’énerver.

—C’estlebut,Sucred’orge.

Nouslongeonsunchemindegravierstortueuxjusqu’àl’emplacement431.Ilyaquelques

arbresmaisc’estprincipalementunegrandeprairie.

—Bienvenue chez nous ! s’exclame-t-il.Quelques voisins jouent au football américain ;

unefamilleestentraindecuisinerau-dessusd’unfeuetdesfillesbronzentenBikini.

Dereksautehorsdelavoitureetsortnotretenteducoffre.

Jelislesinstructionssurlecôté.

—C’estunetentetroisplaces.

—Exact.Nousseronsdeuxdansunetentetroisplaces.Onauradel’espacepours’étirer.

Jenesuispasconvaincue:

—Elleal’airpetite.Jenepensepasquemonmatelasgonflableentreralà-dedans.

—Tonmatelasgonflable?

—Ouais,j’aibesoind’êtreàl’aise.

Jesuishabituéeàmetrouverdansdesespacesconfinésavecd’autresgarçons.J’aidormi

dansdesbusavectousmescoéquipierset jemesuisretrouvéesouventdans lesvestiaires

alorsquelaplupartd’entreeuxétaientàmoitiénus.Maislà,c’estdifférent.Jedoispartager

unetenteaveclegarçonquimeplaît,alorsqu’ilnedevraitpas.

Derekétendlatentesurlesol.

—Tuveuxdel’aide?

—Nan,c’estbon.

Jem’assois surune souched’arbre et l’observemonternotre abri commeunpro. Il fait

chaud bien que le soleil soit bas.Derek enlève son haut et essuie la transpiration sur son

visage. IlcoincesonT-shirtdans laceinturedeson jeanet soudain, ses yeuxbleuprofond

rencontrentlesmiensetjemesenstoute-chose.

Jedétournevite leregardenessayantdenepasavoir l’aircoupable.Jeneveuxpasqu’il

sachequej’admiresontorsenuetbronzé.

Notretente,verteavecunebandeviolettesurlecôté,estlapluspetiteducamping.Faceau

refusdeDerekd’installermonmatelasàl’intérieur,jel’yrentremoi-mêmeetlegonfletoute

seule.Iloccupepresquetoutl’espace,mais,aumoins,j’yseraibien.

Derekprépareunfeudansl’emplacementprévuàceteffet,quandundestypesdelatente

voisinejettesonballondansmadirection.Instinctivement,jemeprécipitepourl’attraper.

—Waouh!s’écrieuntypeauxcheveuxblondsetbouclés.Belleréception!

Jerelanceleballondansunetrajectoireparfaite.

—Jolilancer!meditsonami,aucrânetatouésurl’avant-bras.Commenttut’appelles?

—Ashtyn.

—Moi,c’estBen.Tuviensd’où?

—Chicago.

Leblondinetmefaitsignedelesrejoindre.

—Tuveuxjoueravecnous?

Dereksembleprêtà intervenir, commesi j’avaisbesoind’unhérospourmesauverd’un

mauvaispas.Jen’aipasbesoindesonaide.Cesgarçonssontjusteentraindes’amuser.

—Plustard,peut-être.Merci.

Deretourprèsdufeu,jevoisDerekquisecouelatête.

—Quoi?

—Ilst’onteue.

—Commentça?

IlfaitunegrimaceendirectiondeBenetdesesamis.

—Cestypestemataientbienavantqueleballonn’arriveverstoi,Ashtyn.Cen’étaitpasun

accident.

J’ajoutedesbranchesramasséesparterreauboisachetéparDerek.

—Etalors?

Ils’accroupitetallumelepetitboisavecunbriquet.

—Alorsjesuispayépourêtretonchauffeur,pastonbaby-sitter.

—Jen’aipasbesoind’unbaby-sitter.Jen’aibesoindepersonne.

Ilsecouelatêteetreposelestalonsausol.

—Ça,c’estcequetucrois.

CHAPITRE33DEREK

Ashtyn a vraiment mal pris mon histoire de baby-sitter. Maintenant, elle refuse de me

parler.Une foisnoshot-dogsavalés, elle est entrée sous la tente etn’enestplus ressortie.

Est-cequ’ellecontinueraàm’ignorerlorsquej’iraimecoucher?

— On peut s’asseoir avec toi ? demande une voix de fille depuis l’emplacement voisin.

Notrefeuestéteintetonn’aplusdebois.

TroisfillesenT-shirtdesSt.LouisCardinalsetbasdeBikinis’avancentversmoi.Ellesont

toutesdescheveuxlissessuperlongs.L’uned’ellesaunemècheteinteenrose.

—Biensûr.

Les filles se présentent, puis nous nousmettons à discuter. Ashtynne tarde pas à nous

rejoindre,ainsiqueles joueursdefootavecuneglacièrepleinedebières.Enpeudetemps,

l’ambiancetourneàlafête,avecdelamusiqueprovenantd’unvanproche.

Ashtynsemetalorsàdiscuter.Lesgarçonsontlesyeuxrivéssurelletandisqu’elleraconte

unmatchsousunepluiebattante lorsde ladernièresaison.Cettefilleaunpouvoirsur les

mecs...Unpouvoirquin’arienàvoiraveclefaitqu’ellejoueaufootball.C’estjustequ’ellene

balancepassescheveux,nericanepas,nemetpassapoitrineenavantpourattirerl’attention

commelesautresfilles.Elleestsimplement...elle-même.

—Ashtynesttacopine?medemandeunecertaineCarrie.

Jejetteunœilpar-dessuslefeu,verscellequimerendfou,avantdemerépéterquejedois

cesserdelaregarderetdevouloirsavoircequ’ellefait.

—Non,Ashtynn’estpasmacopine.

Jejetteuncoupd’œilautourdemoi,commesij’allaisluidévoilerunsecret.

—Enréalité,elleappartientà la familleroyaledeFregolia,unpetitpaysenEurope.Elle

voulaitfairel’expériencedevivreavecdeslocauxaméricains,etelleesticiincognito.Jesuis

songardeducorps.

—Oh!

Carrieadmiremesbicepsetselècheleslèvres.Puisellesepenchesurmoi.

—Tuasdesyeuxmagnifiques.Tuviensd’où?

JepariemacouillegauchequesijedisaisFregolia,ellemecroirait.

—C’estassezcompliqué.

—Commentça?

—Disonsquejeviensdepartout.

—Quelmystère!

Elleseredresse,toutexcitéeàl’idéed’enapprendreplussurlesendroitsoùj’aivécu.

—Laisse-moideviner,alors.Toncôtésexydoitbientevenirdequelquepart.

—Alabama,Tennessee,Texas.Carriemetouchelebicepsets’écrie:

—OmonDieu!TuviensduTexas?Tuparlesd’unecoïncidence!J’adorelesTexasiens!

CHAPITRE34ASHTYN

Jeparle,jerisàm’encasserlavoixaveclesgarçonsducampingetsoudainjesuisépuisée.

Ilsm’invitentàjoueraustrip-pokeretjerefusepoliment.Pasquestiondejoueràcejeu-là,

encoremoinsavecdesgarsquejeconnaisàpeine.

Derek discute avec une des filles près du feu. Elle ricane, lui touche le bras... Il est

intéressé,c’estsûr;ilnel’apasquittéedelasoirée.

De retour des sanitaires, je passe devant eux e tf ais mine de les ignorer en ouvrant la

tente.

Allongéesurmonmatelas,j’entendsleursricanements.Arg...Pourquoiçamechiffonneà

cepointqueDereks’intéresseàcettefille?Lavérité,c’estquej’aimeraisêtreaveclui.J’en

meursd’envie.Jefermelesyeuxettented’effacersonimagedemonesprit.

Qu’est-ce que je raconte ?Ai-je envie d’un garçon qui tremble à l’idée d’avoir une vraie

relationplutôtqu’uncoupd’unsoir?Jeneveuxpasd’unjoueurinvétérénid’unséducteur.

Commejeleluiaiditavantdîner,jen’aibesoindepersonne.

J’essaie en vain de dormir. Entendre leurs murmures est déjà une épreuve, mais

j’entrevoiségalementleurssilhouettesàtraversleNylon.Leursricanementsmeportentsur

lesystème;ilssonnenttellementfaux.

Jemeretourneetmetsmesécouteurs.LalumièredemoniPodprojetteunlégeréclatdans

latente,et,ducoinde l’œil, j’aperçoisunebestiolequicourtsur latoile :c’estuneénorme

araignée,justeau-dessusdematête!

Jemerecroquevilledansuncoin.

Pitié !Jedéteste leschoses répugnantesquicourentpartoutavec leurscrochetset leurs

pattesetleurshorriblestoilestoutescollantes!

Elleavanceetjememetsàhurler:

—Va-t’en!

Enuneseconde,onouvreleZipdelatenteetDerekpasselatêteàl’intérieur.

—Qu’est-cequ’ilsepasse?

Jeluimontrel’horriblecréature.

—Écrase-la,tue-la!

—Tuesd’uneviolence...Ashtyn,c’estunearaignée,pasunscorpion.

Ill’attrapeetlajettedehors.

—Voilà, elle est partie. Tu es une redoutable joueusede football. Tupeux certainement

gérerunepetitearaignée.

—Lefootballn’arienàvoiraveclapeurdecesbestiolesrépugnantesàhuitpattes,Derek.

Etcelle-làétaiténorme.J’aivusescrochets.

—Ben, voyons,dit-il enhochant la tête.Tu croyaisquoi, qu’il n’y aurait pasd’araignées

dansuncamping?Onestenpleinenature.

—Jenem’attendaispasàentrouverunedansmatente.J’ai lusurInternetqu’iln’était

pas rare de manger une araignée dans son sommeil. Je n’aurais pas pu m’endormir en

imaginantcetrucrampersurmonvisage.

—Bon,elleestpartie, tudevrais t’en tirer.Jesuisétonnéque lasécuritéducampingne

soitpasintervenue.Ilestinterditdefairedubruitaprèsvingt-deuxheures,tusais.

Ilattrapesesaffairesdetoilettedanssonsacetmelance:

—Tonmatelasprendtoutelaplace.Oùest-cequejesuiscensédormir?

Jepointedudoigtl’espacerestant.

—Justelà.

—Tuplaisantes,j’espère?

—Non.

Ilsecouelatête.

—Onenreparleàmonretour.

—Etlafilleàquituparlais?dis-jeenessayantdecachertoutsignedejalousiedansma

voix.Est-cequ’ellet’attenddehors?

—Non,ellenem’attendpas.

—Tuasvusescheveuxroses?Sérieusement,elleestprêteàtoutpourqu’onlaremarque,

çafaitpitié.

—Elleestcanon.

—Hein?Ondiraitquelesbactériesdetessmoothiesauxalguest’ontattaquélecerveau.

Ilseretourneversmoi.

—Tuesjalouse?

—Jenesuispasjalouse.Jesuisjusteinquiètepourtoi.Jesurveilletesarrières.

—Tudevraissurveillerlestiens,Ashtyn.Paslesmiens.

Derekpartselaveretj’ailecœurserréàl’idéequ’ildormesouslatenteavecmoi.Jerefuse

d’admettrequej’aienviequ’ilaitenviedemoi.Etpourtant...J’aimerais l’entendredireque

cettefilleétaitennuyeuse,qu’elleétaitstupide.Bref...qu’ellen’étaitpasmoi.

Asonretour,monmatelasgonflableremuelorsqu’ils’assoitdessus.

—Tun’imaginespasquejevaistelaisserdormirdansmonlit?

—Écoute,Sucred’orge,tunemelaissesaucuneplace,alorsonpartage.Situpréfères,j’ai

uncanifquejeseraisravideplanterdedans.

Jemerassois.

—Tun’oseraispas!

Ilplongelamaindanssonsacetbranditsoncouteau.

—Tuparies?

Malheureusement,Derekn’estpasdugenreàlancerdesmenacesenl’air.

—Trèsbien.Tupeuxdormirdessus,maisfaisbienattentionàresterdetoncôté.Souviens-

toidenotrerègle:onnesetouchepas.

Ilfaitnuitnoire,et,endehorsdenosrespirations,iln’yapasunbruit.Mêmelescriquets

sesonttus.

Jeluitourneledosetjel’entendsretirersonjeanavantdes’allongeràcôtédemoi.Jeme

demande s’il a déjà passé une nuit entière avec une fille. Peut-être avec cette fille du

Tennesseequil’atrompé?

Jerestebiendroitepourquel’onnerisquepasdesetoucheraccidentellementlesjambes,

lesmains, lesbras...Derekapeut-êtreenviedemoiphysiquementparcequec’estunmâle,

maisiln’éprouveaucuneenviedemeserrercontreluietdemerassurer.

C’estdeçaquej’aienviechezungarçon.

C’estdeçaquej’aibesoin.

Soudain,lecalmeabsolum’oppresseetmoncerveaus’emballe.QuandmamèreetBrandi

sontparties,lamaisonestdevenuetropcalmeetdepuis,lesilencen’acessédem’angoisser

enmerappelantleurabsence.

Dereka sesécouteursdans lesoreilles et je tends l’oreillepourentendre samusiqueen

espérant qu’ellem’apaisera un peu. De vieilles chansons des années 50 et 60 remplissent

alors doucement la tente et je me détends en remerciant secrètement Derek de m’avoir

débarrasséede l’araignée etd’être restéprèsdemoi au lieudepartir s’amuser avec l’autre

fille.

—Merci,dis-jedansunmurmure,conscientequ’ilnepeutm’entendre.

C’estsibondesavoirquelui,aumoins,nem’apasabandonnée.

Je rêvede l’Alaska.J’ai froidetneparvienspasàmeréchauffer.Jedonneraisn’importe

quoipourarrêterdetrembler,mais jesuisprisonnièrede laglaceet leventestglacé.Puis,

soudain,jesuislibérée,commeparmagie,etmarchedanslaneige,complètementnue...

Encore endormie, je me tourne pour trouver une position plus confortable, à peine

consciente que je suis de retour dansma tente. La température a chuté et je grelotte.Ma

mainseposesurquelquechosedechaud.Unesorted’île.Jemerapprochedelachaleuret

mepressecontreelle.

—Ashtyn,qu’est-cequetufous?demandeunevoixgraveetmasculine.

Derek. Je ne peux pas ouvrir les yeux,mais je reconnais son timbre unique. Irrésistible

comme...duchocolatchaud.J’aimeraisqu’ilmeprotège,justecesoir.S’ilmequitte,jeserai

denouveauseule.

Jeneveuxplusêtreseule.Pascettenuit.Pasdanscefroid.

—Nemelaissepas,dis-jecontresontorseenfrémissantdemanièreincontrôlée.

—Jenetelaisseraipas.

Sesbrasm’enveloppentetjemesensenfinensécurité,loindesglacesdemonrêve,dela

solitudedemoncœuretdeladouleurdeperdretousceuxquej’aime.

CHAPITRE35DEREK

Jemeréveilleaveclebrasautourd’Ashtyn.Etuneérection.Nousnoustenonscommeun

couplemariéetsescheveuxlongsreposentsurmonvisage.L’odeurfleuriedesonparfumme

rappelleque,malgrésoncôtégarçonmanqué,c’estunefilleàcentpourcent.J’aifaitdemon

mieuxpourresterdemoncôtédumatelas,maisellen’apascessédeserapprocher.Encoreet

encore.Puisellem’aditqu’elleavaitfroidetm’ademandédelaserrercontremoi,cequej’ai

fait.Grossièreerreur.

Jeretirerapidementmonbrasetm’écarted’elle.J’aibesoindemerafraîchir.Elledormait

àmoitiéenmedemandantdelaserrercontremoi;avecunpeudechance,elleauraoublié.

Carrieauxcheveuxrosesesttoutàfaitmontype.Elleafaitlamouequandj’airefuséson

invitationàpasserlanuitsoussatente.J’aidûprétexterquemondevoirdegardeducorps

m’attendait.

Cettefillevoulaitpasserdubontemps.

Ashtyn,elle,veutquelqu’unquinel’abandonnerapas.

Est-cequ’elles’esttournéeversmoisimplementpourquejeluitiennechaud?Ouétait-ce

pour moi ? Peu importe. J’ouvre la tente et entreprends d’allumer un feu. Comment j’ai

atterrilàalorsquejepourraisêtrepeinardenCalifornie?C’estàcausedecettefoutueblague

aveclescochons.Saletésdecochons!

Soudainj’entendsdubruitdanslatenteetAshtynsortlatête.

—Salut,dit-elle.

—Salut.

Jeluimontreuneboîtedegâteauxsurlecapotdelavoituresansleverlesyeuxdufeu.

—Jet’aiprisçapourlepetitdéjeuner.

Elleouvrelaboîte.

—Merci,marmonne-t-elleenseservant.

Jeposelescoudessurlesgenouxetréfléchisàcequejevaisbienpouvoirluidire.Enfin,

j’annonce,stoïque:

—Ondevraitplierbagageetrepartirvite.Onabeaucoupderouteàfaire.

Nouspassonslesvingtminutessuivantesàranger.Ellenem’adressepasunregardtandis

quenousquittonslecampingetnousdirigeonsversnotreprochainedestination.

—Tuveuxqu’onparledelanuitdernière?demande-t-elle.

—Dufaitquetuflirtesaveccesmecsoudufaitquetumedemandesdeteserrerdansmes

bras?

—Jeneflirtaispasaveccesgarçons.Ondiscutaitfootball.

—Ah!c’estvrai.Tun’aimesquelesgarçonsquijouentaufoot.

—Qu’est-cequeçapeuttefaire?

Devantmonmutisme,elleenchaîne:

— Peut-être qu’on devrait commencer par la façon dont la fille aux cheveux roses s’est

rapprochéedetoi?Ellecherchaitjustedubontemps?

—Cequi rend la choseencoremeilleure.Aucuneémotion,aucuneobligation.Pourmoi,

c’estlarelationparfaite.

—Pourmoi, vousêtesabjects,dit-elle en retroussant la lèvrededégoût. Je suisdésolée

pourtafuturefemme.

—Moi,jesuisdésolépourtonfuturmari,quinepourraquetedécevoir,toiettesattentes

démesurées.

—Mesattentesdémesurées?Jen’aipasd’attentedémesurée.

—Vraiment?Alorspourcommencer,net’attendspasàcequejejouelesbouillottestous

lessoirs.

—Trèsbien.

Ashtyn tient à s’entraîner quotidiennement pendant notre périple. Elle est dévouée à sa

passion, je ne peux pas le nier. Elle cherche un parc proche de la route sur son téléphone

commenouslongeonsunterraindefootballàl’arrièred’unlycée.

—Regarde.C’estmieuxqu’unparc,tupourrastirerentredevraispoteaux.

Ellesecouelatête.

—C’estunepropriétéprivée.Ilyaunegrilleetelleestfermée.

—Etalors?

—Tunecomptespasnousfaireentrerpareffraction?

—Pourquoipas?

Ellecontinueàprotesterpendantquejemegaresurleparkingprèsdel’entrée.

— Allez, c’est l’été et il n’y a personne. Fais-moi confiance, ce n’est pas grave. Tout le

mondes’enfout.

Alors que jemarche vers la grille, Ashtyn reste dans la voiture quelques secondes, puis

récupèresonballonetsonsoclesurlabanquettearrièreetmesuit.

—C’estunemauvaiseidée,Derek,insiste-t-elle.Jeneveuxpasfairedechosesillégales.Si

onsefaitprendre...

—Arrêtedetefairedessus,Sucred’orge.Onnerisquerien.

J’inspecteleverrou;lefairesauternemeprendrapaslongtemps.Al’écoleRégents,mon

ami Sam etmoi nous sommes entraînés des semaines à ouvrir des cadenas pour pouvoir

pénétrerdanslacafétériaetpiquerdelanourriturependantlanuit.

—Tuesuneracaille,déclareAshtynenmevoyantforcerlepassage.

Jel’inviteàentrersurleterrain.Racailleoupas,elleadésormaisunlieuoùs’entraîner.

Jem’appuiecontreunpoteauetl’observependantqu’elles’installe.

—Tuveuxque je temontrecommenttenir leballon,histoireque jepuissetirerdansde

vraiesconditionsdejeu?

—Non,çaira.

Ellehausselesépaules,puisshootesanseffortdepuislaligned’unmètre,enpleinmilieu

despoteaux.

—Tupourraisme renvoyer le ballonune fois que j’ai tiré ?Comme ça, je n’aurai pas à

courirentrechaquetir.

—Non.

—Tuesunevraiefeignasse.

Ellepartrécupérersaballeetl’installe,cettefois,surlalignedesquatremètrescinquante.

Pendant plus d’une heure, elle répète les mêmes gestes, et, chaque fois qu’elle tire, le

ballonvoleentrelespoteaux.Jelavoisseconcentreret,enrespirantcalmement,calculerla

distanceàatteindreavantquesonpiednetoucheleballon.

Elleestimpressionnante.

Nous reprenons la routeaprès sonentraînement.Elle s’allonge, les yeuxclos, et seperd

danslamusiquedesesécouteurs,oublianttoutcequil’entoure.

Jeconduisversnotreprochainarrêt,uncampingprivéminusculeprèsd’OklahomaCity,

dont deux des quatre emplacements sont encore libres. Nous nous dépêchons de monter

notretenteavantlatombéedelanuitetnousallonsnouslaver.

Ensuite,commeilfaitencorejour,Ashtynseremetàl’entraînement.Ellecommencepar

s’étirer et je me surprends à la regarder comme si elle présentait la meilleure émission

d’aérobicdumonde.Soudain,ellelèvelesyeux.

—Tumeregardes?

—Non.

—Viensici.

Jem’approcheetellemetendunballon.

—Tuterappellescommentonlance?

Etcomment!Maisjescruteleballoncommesic’étaitlapremièrefoisquej’entenaisun

entrelesmains.

—Pasvraiment.

—Tonpapanet’apasapprisquandtuétaispetit?

—Disonsqu’il était surtout occupé àdéfendre le pays.Cen’est qu’àmoitié vrai. Il était

absent laplupartdutemps,mais ilm’abienapprisà lancerunballondefootball.Jedevais

avoir trois ans la première fois qu’il m’a montré comment faire. A huit ans, je suppliais

constammentmesparentspourqu’ils jouentavecmoi.J’étaisdevenuaccroetpassaismon

tempsàm’entraîner.

Jeluirendssonballon,maisellelerepousse.

—Tuesdroitierougaucher?

—Droitier.

Elleattrapemesdoigts,lesplacesurlaballeetcommenceàm’expliquercommentfaire.

—Laclé,c’estdelelaisserglisserentretesdoigts.Jeteprometsqueçamarchesiturestes

décontracté.

Je fais semblant de ne rien y connaître et résiste à l’envie de sourire à ses explications

beaucouptropdétaillées.

—Situestellementforteaulancer,pourquoiest-cequetun’espasquarterback?

Maremarquelafaitrire.

—JenelancepasaussiloinniavecautantdeprécisionqueLandon...

Ellehausselesépaules.

—Certainsgarçonssontnéspourlancer.Ilsontçadanslesang.

—Jesuissûrqu’ilyauntasdetypesmeilleursquelui.

—Jen’enconnaispas.Sonpèrejouaitauniveauprofessionnel.

AlafaçondontelleparledeLandon,oncroiraitquec’estunsurhomme.Çamedonnerait

presqueenviedeluimontrermontalent.Presque.

Elles’éloigneentrottinant.

—Allez,lance!

Cenem’estpasfaciledefaireunmauvaislancer,maisjeparviensàdonnerlechange.Le

ballongrimpedanslesairs,puisrebonditsurlesolavecunbruitsourd,loindesacible.

—Pathétique,Derek.

—Jesais.J’étaisunjoueurplutôtmoyen.

—Recommence,dit-elleenm’encourageant.Souviens-toidelaisserleballonglisserdetes

doigtsquandtulelances.

Jerecommenceetparviensàl’approcheràdixmètres,maistoujourshorsdesaportée.

—Tuessûrd’êtreaméricain?Onnediraitpasàtafaçondelancer.

— Tout le monde ne peut pas être aussi bon que Landon, le dieu des quarterbacks,

j’imagine.

—Bon,lecoursestterminépouraujourd’hui,dit-elleencoinçantlaballesoussonbras.Et

situesjalouxdeLandon,n’aiepashontedel’admettre.

— Je ne suis pas jaloux de lui. Avec un peu d’entraînement, je parie que je pourrais le

surpasser.

—Benvoyons,répondAshtynenseretenantderire.

—Qu’est-cequiteplaît,danscesport?

—Jet’expliqueraiunjour.Pourmoi,c’estbienplusqu’unsport.

Elleportelamainàsapoitrine:

—Quandtuaimesquelquechoseautantquej’aimelefootballaméricain,tuleressensau

fonddetoi.Est-cequetuasdéjàaiméquelquechoseaupointqueçateconsume.

—Ilyalongtemps...

—Lefootballaceteffetsurmoi.C’estmapassion,mavie...Monéchappatoire.Quandje

joue,j’oublietoutcequinevapas.Etquandongagne...

Ellebaisselesyeux,commesielleavaithonte.

— Je sais, ça a l’air idiot, mais quand on gagne, je me dis que les miracles peuvent se

produire.

—Desmiracles?

—Jet’aiditqueçaavaitl’airidiot.

—Cen’estpas idiot.Espérer, c’estbienmieuxqued’abandonneretde sedireque lavie

seratoujoursaussinaze.

Nous marchons jusqu’à notre emplacement, où Sylvia, notre voisine, que nous avons

rencontréeauxsanitaires,noussaluedelamain.

—Venezdoncdîneravecnous.Irving,valeurchercherleschaises.

Nousavançonsjusqu’àlapetitetabletandisqu’elledéballelanourriture.

—Nousnevoudrionspasinterromprevotrerepas,ditAshtyn.

Enréalité,ellescrutelepouletaurizavecgourmandise,desétincellespleinlesyeux.

—Merci,m’dame,dis-jeenm’asseyant.

Sylvia se charge de la conversation pendant que nous mangeons. Irv et elle se sont

rencontrésquandilsétaient jeuneset ilsonteuquatreenfants.L’und’euxestmédecin,un

autreavocat,etunautrepharmacien.

—JenesaispascequefoutnotrefilsJerry,s’exclameIrv.

—Neparlepas comme çadevant ces jeunes, Irv, le rabroue sa femmeen lui tapant sur

l’épaule.

Ilmarmonnedesexcusesetseremetàmanger.

Lepouletesttendreetlasaucenousfaitsaliver.Lerizestdélicieux,luiaussi.Celafaisait

uneéternitéquejen’avaispasaussibiendîné.

—Depuisquandsortez-vousensemble?demandeSylvia.

—Nousnesommespasensemble,luidis-je.

—Pourquoipas?

Ashtynlèvelatête.

—Parcequ’iln’aimequelesidiotesquicherchentuncoupd’unsoir.

—Etellen’aimequelesgrosbrasquijouentaufootballaméricain.

Sylvia me dévisage avec des yeux pleins de reproches. Irv, lui, me regarde avec un air

complice.

—Ilnefautpaspasseràcôtédelafilledetesrêves,reprendSylvia.Raconte-lui,Irv.

Sonmariestoccupéavecsanourritureetnesemblepaspressédeparler.

—Irv!

—Quoi?dit-ilenreposantsafourchette.

—Tuasmistonappareilauditif?

Ilfaitunsignedetête,etellerépèteplusfort:

—RaconteàDerekpourquoiilnedoitpaspasseràcôtédelafilledesesrêves!

AlorsIrvingportelamaindeSylviaàseslèvresetl’embrassedoucement.

—Lorsquej’aivuSylviapourlapremièrefois,onm’avaitengagépourpeindresamaison.

Elle était promise à son petit ami,mais j’ai su immédiatement qu’elle était l’élue demon

cœur. Elle n’était pas censée discuter avec le petit personnel ; pourtant, elle me regardait

peindreetvenaitmetenircompagniependantmontravail.

Ils’arrêtepourlaregarderdanslesyeuxavecpassion.

—Alorsquandilafallupeindresachambre,j’aiécritVEUX-TUM’ÉPOUSER?surlemur.

Etilsemetàrire.

—Elleaécritsaréponseàcôté,etjel’aidécouvertelelendemain.

—Etqu’est-cequi s’estpassé ?demandeAshtyn,prisepar l’histoire comme si c’était un

contedefées.

—Évidemment,elleaditouipuisqu’ilssontmariés,luidis-je.

— A vrai dire, Irving n’a jamais vu ce que j’avais écrit, parce quemes parents l’avaient

renvoyé.Ilsrefusaientquej’épouseunpeintreenbâtiment.

—Maisjen’aipasbaissélesbras.Jesuisvenuchezelletouslesjourspourdemandersa

main.

—Mesparentsont f ini par céder, raconteSylvia en lui tapotant lamain.Etnousnous

sommesmariéssixmoisplustard.C’étaitilyasoixanteans.

Ashtyns’enfoncedanssonsiègeensoupirant.

—C’estunehistoiremerveilleuse.Tellementromantique!

—Voilàpourquoiilnefautpaspasseràcôtédelafilledesesrêves,Derek,conclutSylvia

enagitantundoigtdevantmoi.

J’imagineàquoiressembleraitAshtyndanssoixanteans,assiseàtableenfacedemoi.Je

suissûrqu’elleaurait toujourscetéclatdans lesyeuxetces lèvressidésirables.Etelleme

seraitreconnaissanted’êtrerestétoutescesannéesàsescôtésalorsquetoutlemondel’avait

abandonnée.

Seulement,jesuisincapablederemplircerôle.

Etsijemouraisàtrente-cinqans,l’âgeauquelestdécédéemamère?

Acetinstantprécis,enregardantdel’autrecôtédelatablecellequipourraittrèsbienêtre

la filledemesrêves, jesaisque jene l’épouseraipas.Jevais laisserquelqu’und’autreêtre

sonIrving.

J’ailanauséeenreprenantlaparole:

—Ouais,ben,notreAshtynest tyranniqueet intransigeante.Etcommejen’aimepas les

fillestyranniquesetintransigeantes,cen’estpaslafilledemesrêves.

—Derek est aussi le garçon leplus énervantque j’aie jamais rencontré, s’amuseAshtyn

avecunfauxsourire.Alorss’ilpeignaitVEUX-TUM’ÉPOUSERsurmonmur, jedessinerais

uncercleautouretunegrandecroixenpleinmilieu!

CHAPITRE36ASHTYN

PasquestionquejelaisseDerekcroirequesescommentairesmetourmentent.Deretourà

notreemplacement,jeluiannoncequejesuisfatiguéeetveuxallermecoucher.

Cesoir, jenemourraipasde froidpuisque j’ai enfilédeuxpairesdechaussettesetdeux

joggings.Peuimportequejeressembleàunegrosseguimauve:jeneveuxpasêtreobligéede

luidemanderdemeserrerdanssesbras.

Pendant qu’Irving racontait son histoire, j’ai pensé au garçon demes rêves. J’imaginais

Derekmeregardantdepuisl’autrecôtédelatabledanssoixanteans.

MaisDerekn’apasenvied’êtremonpetitami.Ilditqu’ilnepourraitpasêtreavecmoicar

jesuistyranniqueetintransigeante.Maisest-cequejepourraisêtredifférenteàsesyeux?Si

jechangeais,est-cequ’iltomberaitamoureuxdemoi?

Le problème, c’est que, la nuit dernière, j’ai ressenti quelque chose que je n’avais pas

ressentidepuislongtempsQuandilm’aditqu’ilnemequitteraitpas, je l’aicru.Jemesuis

surpriseàvouloirêtrevraimentamoureusedelui.

Enréalité,jecroisquejelesuisdéjà.Oh,jenesaisplusquoitaire.

J’entendslecrissementdesfeuillessoussespiedsalorsqu’ilapprochedelatente.

—Tuessûrequetuneveuxpast’asseoirunpeudehors?demande-t-ild’unevoixgraveen

passantlatêteàl’intérieur.Ilfaitbonautourdufeu.

—Jesuistrèsbienici.Vavoirtonfeuetlaisse-moitranquille.

Jeluiaboiepratiquementdessuspourqu’ils’éloigneetmelaisseseuledansmonmalheur.

Jesuistotalementperdue.

—Qu’est-cequetuasmiscommevêtements?

—Pratiquementtoutcequej’avaisdansmonsac,dis-jeavantdetapotermoncoussinetde

luitournerledos.Jen’auraipasfroidcettenuit,net’inquiètepas.Tupeuxdormirtranquille.

—Jene...

—Tunequoi?

Unlongsilences’installe.

—Oublie,dit-ilenfin.Bonnenuit,Ashtyn.Ademain.

Les larmes me montent aux yeux. Ça ne doit pas se passer comme ça lorsqu’on est

amoureux.Ilaraisondecroirequejesuisautoritaire:j’aimeraispouvoirdéciderdecequ’il

ressentpourmoi.Maisc’estimpossible.Jesaisquecequ’ilyaentrenousvaau-delàdujeu,

maiscommentleluimontrer?J’aimeraistantpouvoirdéciderdemesémotions.

Je ferme lesyeuxetessaiedenepaspleurer.Pourtant, les larmescommencentàcouler

silencieusementlelongdemonvisageettombentsurmoncoussin.

Iln’yariendepirequel’amouràsensunique.

CHAPITRE37DEREK

Jeresteassisseuldevantlefeu.Irvingsejointàmoi,unecannettedebièreàlamain,etje

luiproposelachaisevided’Ashtyn:

—Vousvoulezvousasseoir?Ashtynestalléesecoucherilyaunmomentetjenesuispas

contreunpeudecompagnie.

Ils’installeetavaleunegorgéedebière.

—Ashtynal’aird’êtreunechouettefille,déterminée.

—Elle n’attire que des problèmes. Surtout pourmoi, dis-je en jetant un bâton dans les

flammes. Mon père a épousé sa sœur, alors on se retrouve coincés ensemble, du moins,

temporairement.

—Ilyapirequed’êtrecoincéavecunejoliefillesurlaroute!

—Ellemerenddingue.Irvingricanejoyeusement.

—Lesfillesquienvalentlapeinerendenttoujoursleshommesdingues,Derek.Imagineà

quel point le monde serait ennuyeux si les filles n’étaient pas là. Ma Sylvia a un sacré

caractère,maisonsecomplète.Pourlemeilleuretpourlepire,danslasantécommedansla

maladie...Nousavonstout traverséensemble,etçanousarendusplusforts.

JerepenseàtoutcequiestarrivédepuisquejeconnaisAshtyn.

—Elleaétabliunerègleselonlaquellenousnedevonspas,vousvoyez...

—Est-cequetuapprouvescetterègle?

—Ben...ouais.

Ilhausselesépaules.

—Jecroisquec’estuneerreur.

—Jenesaispas,peut-être.

Etpeut-êtrequec’étaitsurtoutuneexcusepourmetenirloind’elle.

Nouspassonsvingtminutesàregarderlefeu.Irvingaétémilitaire,jeluiracontedoncque

monpèreest enmissionet je luidemandesiSylviaa eudumalà supporter sesabsences.

Apparemment,oui,maisilsgardaientcontactparlettresetquelquesrarescoupsdefil–les

courrielsn’existaientpasàcetteépoque.

Ilterminesabièreetétirelesjambes.

—Allez,jevaismereposer.Bonnenuit.

Puisilfaitunsigneendirectiondenotretente.

—Nelaquittepasdesyeux,oujetepariequ’ungringaletviendratelapiquer.

—Oui,m’sieur.

Ilmelaisseseul,assissurmachaisedevantlefeu.Est-cequejevaisdormiravecAshtyn?

Jepensetellementàellequejenepeuxpasallerm’étendreàcôtéd’ellecommeça...

Jecroiselesbrassurlapoitrineetfermelesyeux.Çavaêtrelanuitlaplusinconfortable

demavie,maisçaira.Aujourd’hui,jeneveuxrienfairequipuissebouleversermavie.

Demain...ehbien,demainestunautrejour.

CHAPITRE38ASHTYN

Jeme réveille au beaumilieu de la nuit, brûlante et couverte de sueur.Derekn’est pas

danslatente.J’enlèvemesjoggings,meschaussettes,etmerendors.Unpeuplustard,jeme

réveilleausondelapluiequibatsurlatoile.Derekn’esttoujourspaslà.J’imaginequ’iladû

aller aux toilettes, mais au bout d’un quart d’heure, toujours aucun signe de lui. Je

commenceàm’inquiétersérieusement.

Ets’ils’étaitfaitattaquerparunours?Ous’ilavaitglissédanslabouesurlechemindes

sanitairesets’étaitcognélatêtecontreunepierre?

J’attrapeune lampetorchedansmonsacetsorssous lapluie.Derekestassisdevant les

restesdesonfeu,lesbrascroiséssurlapoitrine,unecasquettedebase-ballsurlatête.

—Tuesfou?C’estledéluge!

—Jesais.

—Alorspourquoitun’espassouslatente,ausecetauchaud?

—Parcequej’aitropenvied’enfreindrenotrerègle:onnesetouchepas,onnes’embrasse

pas.

Ilbaisselesyeux.

—Jet’aidanslapeau,Ashtyn.

—Tuveuxvraimentenfreindrenotrerègle?

—Ouais,répond-ilenhochantlentementlatête.

—Pourquoi?

—Parcequej’essaiedeterejeteralorsquej’aijusteenviedeteserrercontremoi.Jesais

quetun’aspasbesoind’unhérosmaismince,commej’aimeraisêtreceluiquiteprotège.

Sesmots pénètrent au plus profond demon cœur.Nos yeux vissés l’un à l’autre, jeme

metsàcalifourchonsursesgenoux.

—Moiaussi,j’aienvied’enfreindrenotrerègle.Moncœurbatviolemmentetj’ailatêtequi

tourne.

Ilesttrempéetjelesuisbientôttoutautant.Jen’ainichaud,nifroid...Jesuisseulement

là,aveclui,dansl’obscuritédelanuit.

Lalampetorchegisantparterre,jenevoispasgrandchose.Maisjeressensbeaucoup.Je

sensseshanchespuissantessouslesmiennesetsesgrandesmainsautourdemataille.J’ai

envied’enressentirplus,bienplus.Lecheminjusqu’àcemomentaétéremplidedisputeset

d’incompréhensions,mais,maintenant,noussommesparfaitementsynchrones.

Ilplacesamainsurmanuqueetm’attireà luipourm’embrasser.Lorsquenos lèvresse

rejoignent,jemesenstoutebizarre.Ildéposealorsdepetitsbaiserssurmeslèvresaupoint

demefairegémir...J’ai tellementenviequ’il lâchepriseetcessedevouloirmeprotégerde

lui-même.

J’ouvre la bouche pour un baiser plus intime. Nos lèvres humides et nos langues

s’entremêlent.

J’interrompsnotrebaiseravecunmouvementderecul.

—Jeneveuxpasfairesemblantdenepasavoirenvie,Derek.Pascesoir.

—Moinonplus,admet-il.

Je glisse son haut par-dessus sa tête et caresse ses épaules du bout des doigts, puis je

descendsetsenslerapidebattementdesoncœurcontremapaume.Jeparcourslesmuscles

desonventre,effleuresestétonsetl’entendsgémir.

J’airéussiàbrisersafaçadedemachoetsesvéritablesémotionsserévèlent.

Atraversl’obscurité,jeperçoissonregardsurmoi.Ilenlèvemonmaillotau-dessusdema

tête.Jefermelespaupières,laisselapluiecoulersurmoietjouisdelacaressedesesdoigts

surmapeau.Jemepressecontrelui, incapabledemecontrôler.J’aienviedecontinuer,de

luimontrercequesignifieunlienquidureplusd’unesimplenuit.

—Tuesbelle,tulesais?murmure-t-il.Jedétournelatête.

—Non,cen’estpasvrai.

—Jenepeuxpasimaginerunefilleplusbelle.Mêmesituestyranniqueetintransigeante.

—Tudoisavoirraison.

Nos doigts s’entrelacent, mais il se fige lorsque mon bracelet porte-bonheur frôle son

poignet.Ilcherchealorslefermoir,l’ouvre,etjettelebijouauloin.

—C’étaituncadeaudeLandon.

—Jesais.Jet’enoffriraiunautre.Ilrepassesesdoigtsentrelesmiens.

Nous nous embrassons pendant une éternité. Il lèche la pluie sur mon cou et j’ai

l’impressionquemoncorpsestenfeu.

Je le regarde dans les yeux, sans dire un mot, et il comprend ce que je lui demande :

«Aime-moi.»

—Tuasfroid,dit-il.

—Non,çava.

—Alorspourquoiest-ceque tu trembles?J’enveloppemesbrasautourdesoncouet le

serrefort.

Ilm’enlaceà son tour etmeconduitdans la tente. Il y fait aussi froidquedehors,mais

nousysommesausec.Ilretiresonjeanmouillé,et,trèsvite,noussommestouslesdeuxnus

souslescouvertures,peaucontrepeau.Sesbrasfortsetagilesm’enveloppent.Moncœurse

calmeetjecessedetrembler.

Derekécartemescheveuxmouillésdemonvisageavecdesdoigtsdouxettranquilles.

—Jenepeuxpastepromettretoutcequetusouhaites.

—Promets-moiseulementcesoir,Derek.

CHAPITRE39DEREK

Ashtynn’apaslamoindreidéedel’effetqu’elleasurmoi.Quandjel’aivuedeboutdevant

moi,souslapluie,jepensaisêtreenpleinrêve.Àprésent,elleestallongéeàcôtédemoi,son

corps pressé contre le mien et je suis sans défense. J’ai envie de lui racontermon passé,

comment le football américain était tout, pourmoi aussi, autrefois. J’ai envie de lui faire

l’amour.

J’aimeraisquecettenuitdurepourtoujours.Maisc’estimpossible.

Mince,jevoisbienqueçam’affectetrop.Jedevraispartirencourant,maislelienquinous

unitesttropfort.

Elleparcourtmamâchoire,meslèvres,medévisagecommesij’étaislaréponseàtout.Ce

n’estpaslecasetjenedevraispasfairesemblant.

—Arrêtederéfléchir,medit-elle.

—Jen’yarrivepas.

Ilyatellementdenon-ditsentrenous.

—Jesaisàquelpointtusouffresaufonddetoi.Jelelissurtonvisage,jelevoisdanstes

yeux...

Elleposesamaincontremoncœur.

—Cettenuit,jevoislevraiDerek.Celuiquetuessaiesdecacher.

Elleneconnaîtqu’unepetitepartiede l’histoire,mais jesaisis l’ampleurdesesmots.Je

n’aijamaisressentiçaauparavant,avecaucuneautrefille.

Je l’embrasse à nouveau et la douceur de ses lèvres pleines m’envoie des décharges

électriquesdans tout lecorps.Sa jambeautourdemoi, je trace lecontourdesahanchedu

boutdesdoigts.Elleronronneetsecambre,etjemesensperdrelecontrôle.

—C’esttellementbon,dit-elle,àboutdesouffle,contremapoitrine.

Sesmotsmepénètrentlecœur.

Mais merde, ce n’est pas comme ça que ça devait se passer... Je devais garder mes

émotions pourmoi,me taper des filles qui ne cherchent que du bon temps, pas des filles

désespéréesquitransformenttoutenmomentsessentiels.

Pourtant, Ashtyn ne demande pas d’engagement éternel, ni de rejouer au football

américain. Elle me demande d’être avec elle ce soir, rien de plus. Je n’ai qu’à prendre

simplementcequ’ellemedonne.

J’attrapesonpoignet, l’embrassedoucementetsenssonpoulsàtraverssapeaudouceet

tiède.

Je parcours son corps avec les doigts, puis avec la langue. Son cœur bat à toute vitesse,

comme lemien.Elle gémit etme presse contre elle ardemment, avec frénésie.Désormais,

c’estmoiquigémis,etj’ail’impressionquejevaisexploser.

—Tuesprêt?demande-t-elle.

—Oui!Ettoi?

—Moiaussi.

Pourquoimon corps agit-il comme si cette soirée allait changer le coursdema viepour

toujours ? C’est hallucinant. Pourquoi ne puis-je simplement m’amuser sans penser à

demain?

Lapluiebatcontrelatenteetonentendl’orageéclater,auloin.

—Onvavraimentlefaire,murmure-t-elleensepenchantau-dessusdemoi.

Unelarmetombealorssurmapoitrine.

—Tupleures?Ellenerépondpas.

Jepasselepoucesursajoue.Encoredeslarmes.Mince,ilfauttoutarrêter.

—Çanevapaslefaire,Ashtyn.

Jemeredresseetpasseunemaindansmescheveuxavecénervement.J’aiétéstupidede

penserqu’onpourraitcoucherensembleettoutoublierlelendemain.

—Jepars en janvier, dis-je. Je rentre enCaliforniequandmonpère revient. Jenepeux

pas...jenepeuxpasêtreceluidonttuasbesoin.

Ellerestesilencieuse.

—Disquelquechose,Ashtyn.

— Je n’ai pas envie de parler. Laisse-moi tranquille. Elle se rassoit et cherche des

vêtementssecsdanssonsac.

—Jesuisdésolé...

Maisquelcon!J’aimeraisluidireautrechose,maisquoi?Quejeseraiauprèsd’ellepour

toujours ? Qu’elle pourra toujours compter sur moi ? Ce serait des conneries, des

mensonges.

Ellemetourneledospourserhabiller.

—Dors,Derek.

Jem’allongeensoupirant.

Etquand lesrayonsdusoleilpercentenfinà travers la tente,elledortprofondément,en

metournantencoreledos.

CHAPITRE40ASHTYN

Auréveil,ondiraitqueDerekn’apasfermél’œilde lanuit.Ilsefrotte lespaupières, les

cheveuxenpétard.Jemesensmalàcaused’hiersoir.Jesuispasséepartouteslesémotions,

pour finalement être abattue à l’idée qu’il ne puissemême pas faire semblant dem’aimer

pourunenuit.

—Salut,dit-ildesavoixbriséedumatin.

—Salut.

J’essaiedecontenirmonémotionpournepascraquer.Plutôtquede le laisserparler, je

lèveunemain.

—Nemedemandepassij’aienviedeparlerdelanuitdernière,laréponseestnon.Jene

veuxplusjamaisqu’onenparle,alorsrends-moiserviceetgardepourtoi toutcequetuas

enviededire.

Ilacquiesceetquittelatentesansunmot.

Lanuitdernière, j’aieuenviedeluidirecequejeressentaispourlui.Lesmotsontfailli

m’échapperdehorssous lapluie,puissous la tente.Jemesuismiseàpleurerparceque je

savaisque,sijeluidisaislavérité,ilmefuirait.

Toutcequ’ilvoulait,c’étaitdusexesansconséquence,niengagement,etc’estcequejelui

aiproposé.Ilfautcroirequ’aufonddemoi,jem’attendaisàlevoirsubmergéparl’émotionet

m’avouer son amour indéfectible. Quelle idiote j’ai été ! Finalement, c’est moi qui étais

tellementsubmergéeparl’émotionquejenepouvaisempêchermeslarmesdecouler.

Lanuitdernière,laréalitéadétruitmonrêveidiot,voilàtout.

Jeramènemesgenouxcontremoietmerépètedenepaspleurer,qu’avecletemps,mon

cœurcesserademefairesouffrir.

Je rassemblemes affaires et sorsme laver.C’est difficile de garder la tête haute etmes

émotionsenordre.J’enfilemeslunettesdesoleilpourcamouflerlesdégâts.

Je ne vois Derek nulle part. Quand je sors des douches, il a déjà chargé la voiture et

m’attendderrièrelevolant.

NousneprononçonspasunmotenroulantdevantSylviaet Irvingqui jouentauxcartes

surleurtablepliante.Jelessaluedelamain,ilsmesaluentàleurtour.Avoircecouplequi

s’estbattuetasuresterunipendanttoutescesannées,j’aiungoûtamer.Mesparentsenont

étéincapables,toutcommemasœuretNick...Dereketmoin’avonspastenuunenuit.

Surlaroute,jegardelesyeuxrivéssurlavitre,jusqu’àcequeDerekseglissedanslafile

d’undrive-inetmedemandecequejeveuxpourlepetitdéjeuner.

—Rien,merci.

—Ilfautquetumanges.Jeretiremeslunettes.

—Jen’aipasfaim.

Ilcommandedeuxverresdejusd’orangeetdeuxbagelsauxœufs,puisgarelavoiture.

—Tiens,dit-ilenposantunbagelemballésurmesgenoux,mange.

Jeleluirendsetdescendsdevoiture.

—Ashtyn!

Jem’éloigneenfaisantminedenepasl’entendre.

—Ashtyn!

Ilme rattrape.Mes lunettesde soleilnepeuvent cacher les larmesqui coulent surmon

visage.

—Qu’est-cequetuveuxquejedise?

Ilmebarrelarouteetsepasseunemaindanslescheveux,levisagetendu.

—Jesuisdésoléquetoietmoisoyonsattirésl’unparl’autre.Jesuisdésoléquetuveuilles

quelqu’unquisoitprésentpourtoialorsquetun’aspersonne.Jesuisdésolédenepasavoir

pu poursuivre notre coup d’un soir alors que tu pleurais. Je suis désolé de ne pas être le

garçondonttuasenvie.

—Jem’enfousquetusoisdésolé!

J’aienvied’entendrequejereprésentequelquechoseàtesyeux.Maislesmotsrefusentde

sortir.Jesuisunelâche,quicrainssaréactionsijeluidiscequejeressensréellement.

—Etjeneveuxpasd’unstupidebagelenguisedeconsolation.

—Lebageln’étaitpasuncadeaudeconsolation,Ashtyn!C’étaitunpetit-déj,j’essayaisde

fairecommesitoutétaitnormalentrenous.

—Normal?Rienn’estnormaldansmavie,Derek.Maissituveuxquejefassesemblant,

trèsbien.Pourça,jesuistrèsforte.

Alorsjeposelesdeuxmainssurmoncœur.

—Mercibeaucouppour le bagel, dis-je d’une voix faussement douce. Je vais lemanger

toutdesuite,commeça,tuaurasl’impressionquetoutestnormal.

Jefaisdemi-touretretourneàlavoiture.Jen’ainullepartoùaller;autantmerésigner,je

suiscoincéeavecDerekjusqu’ànotrearrivéeauTexas.

Onmangedansunsilencetendu.Monbagelterminé,jeluimontrel’emballagevide.

—Satisfait?

—Absolumentpas.

J’ai besoin de m’entraîner. Il me conduit à un terrain proche. Je m’étire, tape dans le

ballon,pendantqueDerekresteappuyécontrelavoiture,occupéàécriresursontéléphone.

Ilneproposepasdem’aider.Ilgardelesyeuxrivéssursonstupideportablejusqu’àcequeje

luidisequejesuisprêteàrepartir.

Jeconduisunpeupendantqu’ilserepose.Puisnouséchangeonsnosplaces,jeposelatête

contrelavitreetjem’endors.

—Ashtyn,onestarrivés,m’annonceDerekdesavoixgrave.

J’ouvre les paupières, encore dans le brouillard. Il me secoue doucement. Je remarque

qu’ilmeregardedesesmagnifiquesyeuxbleus.Cen’estpasjustequ’ilaitdesyeuxpareils,ils

embrouillentlesfilles...ilsm’embrouillent,moi.

Derek avance la voiture jusqu’à l’entrée d’Elite. Mon cœur s’emballe. Nous y sommes,

voilà;toutcequej’attendaisestici.Desrecruteurssontlàpourrepérerlesmeilleursjoueurs

et en informer les universités pour lesquelles ils travaillent. D’un seul coup d’œil, je

remarquequejesuislaseulefille.

Unefouledeparentsetdejeunesoccupeunegrandepelouse.Certainsfontlaqueuepour

l’accueil,d’autresrientetjouentcommes’ilsseconnaissaientdepuisdesannées.

Derekmetunecasquettedebase-balletdeslunettesdesoleil.Ondiraitunestardecinéma

quiveutresterincognito.

Ilm’aideàrécupérermesbagages.

—Tuvastedébrouiller?

—Çaira,dis-jesansleregarder.

—Écoute,j’attendraisbienquetusoisinstalléemais...Iljetteunœilverslesjoueursqui

traînentetbaissedavantagesacasquette.

—Jevaisfilerchezmagrand-mèreetvoircequiluiarrive.

—Trèsbien.

Jeluiprendsmessacsdesmains.

—Onsevoitdansunesemaine,alors.

—Ilfautcroire,soupire-t-il.

Ilaévitédemetoucherdepuislanuitdanslatente,jel’aibienremarqué.Onnesedispute

pascommed’habitude.On...cœxiste,voilà.Ilm’adresseunpetitsourire.

—Aplus,Derek.

—Aplus.

Jecommenceàpartirmaisilmeretientparl’épaule.

—Amuse-toibien.Déchiretoutetmontre-leurcequetuvaux.Tupeuxlefaire,tulesais.

—Merci.

—Écoute,Ashtyn,jenesaispasquoidire.Hiersoir...

Jen’aipasenviedel’entendredireencoreunefoisqu’ilestdésolé:

—C’estbon,file.

Ilacquiesced’unsignedetête,puismonteenvoiture.

J’aienviedel’appeler,deluidirequ’ilfauttoutarrangerentrenousmaisjenebougepas.

Jenepeuxpas.Jeluiaidemandédem’aimerpourunenuit,iln’apaspu.

Jeregarde lavoitures’éloigneretdisparaîtreaucroisement.Queçameplaiseounon, je

suisseuledésormais.

Jeredresselesépaulesetmeplaceàlafindelaqueueversl’accueil.Jesurprendsquelques

regardsde joueursetdecertainsparents.Jepratiqueunsportdegarçonset,bienquemon

équipe se soit habituée à une présence féminine, certains pensent encore qu’une fille ne

devraitpas jouerau football américain. Ilsnous croient trop fragiles. Jen’aiqu’àgarder la

têtehauteetmontrerquejemérited’êtreiciautantquelesautres.

LesparolesdeDerekrésonnentdansmatête:«Tupeuxlefaire.»

Deux garçons devantmoi se donnent des coups de coude et font signe à leurs amis de

regarderlapauvrefilleseuledanslafile.L’und’euxsetourneversmoietmedit:

—Hé,tut’esperdue:lestagedepom-pomgirls,c’estauboutdelarue!

Sesamiséclatentderire.

Jeremontel’ansedemonsac.

—Jesuisaubonendroit.Tuessûrquecen’estpastoiquit’estrompé?

—Oh,j’ensuissûr,chérie.

Jesuissurlepointdeluibalancerunephrasebiensentielorsquel’hommeaubureaudes

inscriptionss’écrie:

—Suivant!Tonnom?Jemeraclelagorge.

—AshtynParker.

L’hommemesondedehautenbas.

—Alorsc’esttoi,lafille.

—Ondiraitbien.

Cethommeestunvraigénie...Ilmetendunsacàdostoutneuf,unebouteilled’eauetun

classeur,letoutestampillédulogoEliteFootball.

—Tuaslàtonemploidutempspourlasemaineetlaclédetachambre.Lesmaillotsvous

seront distribués demain, avant l’entraînement. Fais bien attention à toujours porter

l’étiquetteavectonnom.

Etilm’encolleunemaladroitementsurleT-shirt,sousmoncoucar,detouteévidence,il

estmalàl’aiseàl’idéedelaplacersurmapoitrine,commepourlesautresjoueurs.

—Lacafétériaestaurez-de-chausséedubâtimentdesdortoirs,àcôtédubar.

—D’accord.

Alorsquejem’éloigne,undesentraîneursm’interpelle:

—BienvenueàElite,Ashtyn!Jesuis lecoachBennett,c’estavecmoiquetutravailleras

toutelasemaine.

Jeluiserrelamain.

—Jesuisravied’êtrelà,coach.Mercipourcetteopportunité.

—Aucasoùtul’ignores,tueslaseulefilleàavoirintégréleprogramme.Commeiln’ya

pasdesalled’eauréservéeauxfemmes,lesdouchesserontferméesaurestedesjoueursde

cinqheuresàcinqheuresquarante-cinq lematinetdeseptheuresàseptheuresquarante-

cinqlesoir,histoirequetuaiesunpeud’intimité.

—Compris.

—Unedernièrechose:onnetolèreaucuneformedeharcèlementsexuel,quelqu’ilsoit.Si

jamaison t’ennuieàunmomentouàunautre, viensnousen informer,moioun’importe

quelmembredupersonnel.Celaétant, j’espèreque tuas lesreinssolides, lesgarçonssont

commeilssont.

Après cette charmante discussion, jeme dirige vers le dortoir et trouvema chambre au

bout du couloir. Tous les joueurs ont un coloc, saufmoi. Je posemes affaires par terre et

m’assoisauborddulit.Ilyaunepetitearmoire,unefenêtre,unlitsimpleetunbureau.C’est

basiquemaisc’estpropreetsansaraignées.EtsansDerek...Jem’étaishabituéeàlevoirdans

lesparages,àentendresavoix.Mêmemaintenant,ilmemanque.

Jenemetspaslongtempsàm’installer.Uneautrequemoiseraitsûrementrestéecachée

danssachambrejusqu’àdemain,débutofficielduprogramme.Aulieudecela,jevaisaubar

rencontrer les garçons avec lesquels je vais jouer pendant toute la semaine. J’aperçois

Landon assis avec deux types sur un canapé. Je ne ressens rien, sinon le désir de leur

prouver,àluietàtouslesautres,quej’enaidansleventre.

Ilesthorsdequestionquejelelaissem’intimider.Jesuiscapitaine,etjesuisaussilàpour

représentermescoéquipiers.Jenesuispasseule.Jemepostedevantlui:

—Salut,Landon.

Il lève les yeux, m’adresse un « salut » moqueur et reprend sa conversation sans me

présenterauxautres.Visiblement, ilne souhaitepasque jem’asseyeà côtéde lui, alors je

m’installesurunfauteuilàl’autreboutdusalon.J’essaied’entamerlaconversationavecles

garçons autour demoi. Ils me répondent brièvement avant de s’éloigner comme si j’étais

contagieuse.

Enretournantversmachambre,j’entendslaconversationd’ungroupequialaissésaporte

ouverte.Sic’étaitmescoéquipiers, jeseraisaveceuxàcetteheure-ci.Jesuisuneétrangère

enterrainhostile.Maispourquoifairematimide?Resterseulenem’apporterariendebon

surleterraindemain.

Jeredressemesépaulesetm’apprêteàentrerdanslachambrepourmeprésenter,quand

j’entendsundesgarçons:

—Vousavezvucettenanadanslaqueue,cematin?Unautresemetàricaner.

—Ilyaunmec,McKnight,quim’aditqu’elleavaitintégréleprogrammepourqu’ilsaient

unquotadefilles.Ellesefaitdesillusionssielles’imaginequ’elleasaplaceici.

—Elleapasintérêtàêtredansmonéquipe,déclareuntroisième.

Lesautresapprouventet,soudain,jenesuisplusd’humeuràmefairedesamis.

Jemeprécipitedansmachambreetmejettesurlelit.Normalement,jeseraisprêteàles

défier,àleurmontrerqu’ilsnemefontpaspeur.Pourl’instant,jenemesenspascapablede

prouverquoiquecesoitetjesuistotalementabattue.

Pourlapremièrefoisdepuisqu’onm’aéluecapitaine,jenemesenspasdignedecerôle.

CHAPITRE41DEREK

Aprèsm’êtreannoncéàl’Interphone,jelèvelatêteverslagrilleautomatiquequis’ouvre

lentement.Certainsseraient impressionnéspar lapropriétégigantesquedemagrand-mère,

maisjetrouveridiculed’affichersonargentousonstatutsocialdelasorte.

Jeme gare dans l’allée circulaire et observe les grands piliers qui encadrent l’immense

ported’entrée.Je transpiremais lesoleildumatinn’yestpourrien.Rencontrermagrand-

mèresursonpropreterrain,c’estcommesebattrecontreuneéquipeinconnue.Onnepeut

passepréparerefficacementpourlematchetonrestenerveuxjusqu’àlafin.

Unhommeencostumenoir,l’airgrave,m’attendàl’entrée.

—Vousêtesdesservicessecrets?luidis-jepourdétendrel’atmosphère.

Ilneritpas.

—Suivez-moi.

Onme conduit à l’intérieur. Avec ses hauts plafonds et ses larges couloirs, l’endroitme

rappellelesmaisonsdestarsquel’onvoitàlatélévision.Lesescalierssontenmétalverni,les

meublescertainementhorsdeprix.L’hommeencostumes’arrêteàl’entréed’unepiècequi

surplombe la piscinedans le jardin en contrebas.Elle est décoréedemeubles blancs et de

coussinsviolets.Uneambianceféminineetclinquante.Est-cequ’Ashtynaimeraitcetendroit

ouest-cequ’ellepréféreraitsesvieuxmeublesusés?

Cematin,j’avaisenviederesteravecellejusqu’àcequ’elles’installedansledortoir.C’était

avantd’apercevoirdestypesquirisquaientdemereconnaître.J’auraisaiméluiracontermon

passé,maisàquoibon?C’étaitplusfaciledenerienexpliqueretdepartir.

J’observelagrandepiscinedujardinparlafenêtre.J’auraisaiméqu’Ashtynsoitavecmoi.

Soudain,j’entendsquelqu’unentrer.Jemeretourne,etreconnaisimmédiatementmagrand-

mère. Elle est en tenue d’un blanc éclatant, les cheveux gonflés, avec un maquillage

extravagant. Je m’étonne qu’elle soit bronzée ; elle semble tout droit rentrée de vacances

plutôtquedel’hôpital.

Ellesetientlatêtehaute,commeunereinedevantsessujets.

—Tunesaluespastagrand-mère?

—Bonjour,Grand-mère.

Jerestedemarbre.Jenemasquepasmonressentimentmais,aumoins,jenereculepas

lorsqu’elles’avanceetmimeunfauxbaiserdansl’air.

Ellemetientàboutdebras.J’ail’impressiond’êtreunebêted’élevagequel’onévalueetje

suispresquesurprisqu’ellenem’ouvrepaslabouchepourinspectermadentition.

—Tuasbesoind’unenouvellecoupe.Etdenouveauxvêtements.Ondiraitunmendiant,

aveccejeantrouéetceT-shirtquejen’utiliseraismêmepascommetorchon.

—Heureusementpourtoi,c’estmoiquilesporte.

Ellepousseunpetit«hmmph !».Une femme, en tenuededomestique, entre avecdes

petits sandwichsetdu thé surunplateauenargent.Lorsqu’elle repart,magrand-mèreme

désigneundescanapésenosier.

—Assieds-toietprendsquelquechose.Jerestedebout.

—Écoute,jenevaisrient’apprendre,maistuneressemblespasvraimentàquelqu’unsur

sonlitdemort.Tum’asditquetuétaismourante.

Elles’assoitaubordd’unfauteuiletverseduthédansunetassetrèschic.

—Jet’enprie.Jen’aipasexactementditquej’étaismourante.

—Tuasditquetuconsultaisunmédecin.Tuasuncancer?

—Non,assieds-toi.Lethévaêtrefroid.

—Diabète?

—Nonplus.Lessandwichssontfaitsavecunfromagefrançais.Goûtes-enun.

—Parkinson?MaladiedeCharcot?AVC?

Elleagitelamaincommepourchassertouteslesaffectionsquejeviensdeciter.

—Situveuxtoutsavoir,jemereposais.

—Tutereposais?Tum’asditquetuvoyaisunmédecin.Tuasécritquemevoirétait ta

dernièrevolonté!

—Nousavonstousunedernièrevolonté,Derek.Nousqui,chaquejour,nousrapprochons

delamort.Maintenant,assieds-toi,avantquematensionnegrimpe.

—Tuasdesproblèmesdetension?

—Tuvasm’endonnerunsitucontinues.Commejenebougepas,ellesoupireungrand

coup.

—Bon,j’aisubiunepetiteintervention.J’étaisenconvalescencedansunspaenArizona,

jusqu’au20.

Uneintervention?Jesuistombédansunpiège,onm’amanipulépourmefairevenirici.

Quelcrétinjesuis!

—C’étaitdelachirurgieesthétique,n’est-cepas...

—Appelonsçaplutôt...unerévision?Tudevraisdéjàconnaîtrecetermepuisquetonpère

aimetraficotersesvoituresplutôtquedelesameneràunprofessionnel.

—Sic’estuneinsulte,c’estraté.

Magrand-mèrelèvelesyeux,sanslemoindresignedehonte.

—Cequejeveuxdire,c’estqu’ilestéprouvantdesevoirvieillir.Tuesmonpetit-filsetla

seule famillequimereste.Jesuisveuvedepuisdixans,et tamèrenousaquittés.Tues le

dernierdesWorthington.

—JenesuispasunWorthington.JesuisunFitzpatrick.

—Ouietc’estbienmalheureux.

ElleesttellementhabituéeàseprendrepourlareineduTexasqu’ellenedoitpasserendre

comptedesonarrogance.

—Jenecroispasquemonpèreseraitd’accordavectoi.Elleseraclelagorgecommesielle

avaitquelquechosedecoincé.

—Commentseportececherserviteurdel’armée?

—IlestdanslaNavy.

—Peuimporte.

—Jesuissûrqu’il t’envoiesessincèressalutations,mais ilestdansunsous-marinpour

lescinqprochainsmois.

—Ilaabandonnésanouvellefemmesipeudetempsaprèslemariage?Queldommage!

ajoute-t-elle d’une voix lasse. Derek, assieds-toi. Tu me stresses. C’est déjà bien assez

compliquéqueturefusesd’encaisserleschèquesdetonfondsdepensionetquejedoiveme

résoudreàt’envoyerdessommesenespèces.

—Jen’aijamaisdemandéd’argent.

Mesgrands-parentsenavaientdécidéainsiàmanaissance.Jecroisquec’étaitleurfaçon

de m’attirer au Texas dans l’espoir de me voir un jour travailler pour les industries

Worthington.

—Aufait,lamaisonderetraiteSunnysideteremerciepourtagénéreusedonation.

Ellesoupireànouveau.

—J’ai reçu lacartederemerciements.Jesuisdéjà labienfaitricedenombreusesœuvres

caritatives. C’est ton argent, Derek. Je ne veux pas que tu vives comme un nécessiteux.

Maintenant,assieds-toietmange.

— Je n’ai pas faim. Écoute, Mamie, dans ta lettre tu écris que tu as quelque chose

d’importantàmedire.Pourquoitunecracheraispaslemorceau,qu’onenfinisse?Pourêtre

honnête,tonpetitjeupourunirlafamille,çanemarchepas.

—Tuveuxsavoirlavérité?Jesouhaitequetuviennesvivreavecmoi.

Elleneclignepasdesyeux,nesouritpas.Jecroisqu’elleestsérieuse.Ellen’estpeut-être

pasmaladeàencrever,maiselleaclairementpétéunplomb.

—Oublieça,tumefaisperdremontemps.

—Jedisposed’unesemainepourtefairechangerd’avis.Demanièretrèsposée,elleprend

unegorgéedethépuisreposesatassesurlatable.

—Tupeuxbienm’accorderunesemaine,Derek,n’est-cepas?

—Donne-moiuneseulebonneraisondenepasrepartird’icitoutdesuite.

—C’estcequetamèreauraitvoulu.

CHAPITRE42ASHTYN

Premierjourd’entraînement.Nousallonsêtrerépartisenéquipespourlesmêlées.Jeme

réveilleàcinqheuresausonduréveiletmedirigeverslesdouches.Ilyaunegrandeaffiche

surlaportedelasalled’eau:

5H00-5H45OUVERTAUXFEMMESUNIQUEMENT

Quelqu’uns’estamuséàbarrerAUXFEMMESetaécritÀLAPUTEDEFREMONTà la

place.Lesmotsblessentbiencommeilfaut.

Jem’attardesousl’eauchaude.J’aienviederentrerchezmoi.Peut-êtrequeLandonavait

raison, que l’onm’a acceptée à Elite parce que je suis une fille et qu’on avait besoin d’un

certainquota.

Qu’est-cequejefaislà?

Je sors de la salle de bains et arrache l’affiche. Jene vais pas cédermaintenant à cause

d’unpanneaudébile quime traitede«putedeFremont». Jeperdraismadignité si jene

pouvais pas encaisserunemauvaise blague.Cinq garçons fontdéjà la queue, une serviette

autourdelataille.Landonestlà,ilricanequandjepassedevantluietditquelquechoseau

typeàcôté.

Deretourdansmachambre,jejetteunœilàmonportableetdécouvrecinqtextos.

Jet:Trouve-nousunnouveauquarterbackpourFremont,mêmesi tudoiscoucheravec

lui!Unpetitsacrificepourl’équipe.Jedéconne(quoique).

Vic:Faispasdelamerde!Jedéconne(quoique).

Trey:N’écoutepasJetetVie.(Monikam’aditdet’écrireça.Elleestassiseàcôtédemoi.)

Monika:Bonnechance!Pleindebisous!

Bree:Vsêtesarrivés?Envoiedesphotos!

Ilsme rappellent que j’ai unemission à accomplir,maintenant que Landon s’est révélé

être un salaud et a laissé tomber notre équipe. Si je peux inciter les recruteurs à venir à

Fremontmevoirjouer,touslesautresaurontleurchanced’êtrevus.Jenepeuxpasbaisser

lesbrasetfairedemi-tour.

Montéléphonesonnejusteavantquejeneparteàl’entraînement.C’estDerek,mieuxvaut

ignorersonappel.J’aitellementdechosesàluidire...Maispasmaintenant;cettesemaine,je

doismeconcentrersurlefootball,etriend’autre.

Sur leterrain, l’entraîneurprincipaldonneuncoupdesifflet.Pendantqueles joueursse

rassemblent,ilnoussermonnesurleharcèlementsexuel.Riendemieuxpourquelesautres

merejettentencoreplus...Touslesyeuxsontrivéssurmoietjevoudraisjustedisparaître.Je

n’entendsmême pas le petit discours d’encouragement qui précède réchauffement, encore

trop absorbée par les regards. L’entraînement est fermé au public, les parents et les

recruteursnepeuventpasyassisteraujourd’hui.Aucungarçonnes’approchedemoi,aucun

nem’adresselaparole.

L’entraîneur de tir, le coach Bennett, fait travailler longuement la technique puis, dans

l’après-midi,nousfaittirerverslalignedebut.Ilaugmenteladistanced’unmètreàchaque

tirréussi.Jesuislameilleuredugroupejusqu’aumomentoùlecoachBennettordonneaux

quarterbacksdenoustenirlesballonsetderecréerlesconditionsdejeu.

Landon doit me tenir le ballon. Il avance vers moi avec un sourire arrogant. Je

demanderaisbienàl’entraîneurdechangerdeporteur,maispersonnen’aimeunjoueurqui

seplaint.Etpuis,qu’est-cequejeluidirais?QueLandonestmonexetquejeneveuxpas

êtresympaaveclui?Ilmeriraitaunezetm’enverraitpromener.

Lefootballaméricainn’estpasunsportpourlesfaibles,quecesoitsurleplanphysiqueou

mental.

Je peux le faire. Je regarde les autres tireurs qui passent les premiers. Ils se donnent à

fond, comme desmachines entraînées spécialement qui savent exactement quoi faire et à

quel moment. Je remarque quelques types dont j’avais déjà entendu parler mais que je

n’avaisjamaisrencontrés,desmini-célébritésaugrandtalentetàl’egosurdimensionné.

BennettnousappelleLandonetmoi.Jemeprépare,tenteuntirparfait,bienaumilieudes

poteaux,maisLandonfaitoscillerauderniermomentleballonquiroulesurlesol,commeje

l’aifrappéàlapointeetnonenpleincentre.Ill’afaitsisubtilementquepersonnenes’enest

renducompteàpartmoi.

—TufaistaputeavecDerek?marmonneLandonalorsquejememetsenpositionpour

unnouvelessai.

Jepréfèrel’ignoreretjemeconcentre.Cettefois, il lâcheleballonàladernièreseconde,

ducoupjeleratecomplètementetatterrissurlesfesses.Landonfaitminedes’inquiéter:

—Oh,non!Çavaaller?

Ilmetend lamainpourm’aideràmerelevermais jedonneuncoupdedanset luihurle

dessus:

—Tienscefoutuballon,quejepuissetaperdedans!Iltournesespoingsfermésdevantses

yeux.

—Ouin,ouin!Tuestristeparcequetoiettonéquipe,vousnevalezriensansmoi?

—McKnight,surlebanc.Hansen,remplaceMcKnightauballon!crieBennett.

CharlieHansentrottinesurleterrainetlesdeuxquarterbackssetapentdanslamainense

croisant.

Jeme remets en position et Hansen s’agenouille. A la dernière seconde, il fait pencher

légèrement leballonet je ratemon tir.C’estunéchecabsolu. J’entends lesmoqueriesdes

garçonsrestéssurlatouche.

Audîner,jem’assoisseuleàunetable.Jesuisfatiguéeetabattue.

Lesdeux jourssuivantsnesontque larépétitiondupremier.Onm’intègreàuneéquipe

mais aucun joueur nem’adresse la parole. Je tire parfaitement quand le ballon est sur un

soclemaislorsquecesontlesgarçonsquiletiennent,jesuistotalementdémunie.Landona

réussisoncoup.

Mercrediaprèsl’entraînementdusoir,l’entraîneurprincipal,lecoachSmart,meconvoque

dans son bureau, dans le bâtiment principal. J’entre toujours en tenue et trouve le coach

BennettdeboutàcôtéducoachSmart,messtatistiquesdujouràlamain.

—Qu’est-ce qu’il se passe, Parker ? demande le coach Smart. On t’a fait venir ici parce

qu’on avait vu ton potentiel. Peu de joueuses continuent au-delà du lycée, mais nous

pensionsquetuavaiscequ’ilfallaitpourêtrel’exceptionàlarègle.

Ilmemontremesstatistiques.

—Tesperformancesnousdéçoivent,etlemotestfaible.

—Mesperformancesmedéçoiventégalement.Lesgarçonsmemettentdesbâtonsdansles

roues.

Aucunecompassion,aucunecompréhension.L’entraîneurveutseulementquesonjoueur

donnelemeilleurdelui-même.

—Tudoistrouverlemoyendejouersanstenucomptedeshistoiresqu’ilpeutyavoirentre

vous.Ilyauratoujoursdesgarsquichercherontlesennuis.Chacundoits’éleverau-dessus

de ça et trouverune solutionpourque tout fonctionne.Onva fairedesparties amicales le

restede la semaine,puis il yaungrandmatchvendredi soir.Enprésencedesparents,des

recruteurs,desmédias...lesgradinsserontpleins.Situveuxrentrercheztoietabandonner,

Parker,tun’asqu’àledire.

—Jeneveuxpasrentrerchezmoi.

—Est-cequetuesvenueicipouruneraisonparticulière?

—Oui,monsieur.

Jel’avaissimplementoubliée.

— Très bien. Voilà la situation, poursuit-il en se penchant en avant. Si tu veux jouer

vendredi sans te ridiculiserni ridiculiser le programme, tu as deux jours pour arranger les

chosesetpersuaderlesgarçonsdet’accepter.

Jedéglutismaissensunnœuddansmagorge.

—Oui,monsieur.

Je quitte son bureau en me disant que ce n’est pas important de savoir comment et

pourquoijesuisvenueici:jesuislà,etjedoismontrerdequoijesuiscapable,aujourd’hui

plus que jamais.Tu peux le faire. Jeme répète lesmots de Derek encore et encore, dans

l’espoirdefinirparycroire.

Avantdesortirdubâtiment,jem’arrêtepourregarderlesphotosdesjoueursaccrochéesau

mur, ceux qui ont intégré le programme Elite et ont construit de vraies carrières en ligue

nationale.Ilyamêmeunmurdédiéauxmeilleurs.

Soudain,jebloquesurunedesphotos.Non,cen’estpaspossible.Sousleclichésetrouve

unepetiteplaquedoréesurlaquellesontgravéslesmotsDEREKFITZPATRICK«LEFITZ»

-MVP[I]

.Surlaphoto,unjoueurestentraindesauterpourmarqueruntouchdown.

MVP chez Elite ? Ce ne peut pas être le Derek Fitzpatrick que je connais, incapable de

lancerunballoncorrectementmêmesisavieendépendait.LemêmeDerekFitzpatrickqui

me fait fondre chaque fois que je suis avec lui. Le Derek Fitzpatrick à qui j’ai failli faire

l’amoursousunetente.

Jem’approche. Il n’y apasd’erreur : c’est bienDerek. Ses yeux, son regard intense... ce

souriredeposeur.Sestraitsmesontsifamiliers,aujourd’hui.

Nousnousconnaissonsdepuisplusieurssemaines.J’aidormiavec lui.Jemesuiséprise

delui...ettoutcetemps,ils’estcachésousuntissudemensonges.

Je revois Derek m’écouter parler alors que je stressais parce que Landon nous avait

abandonnés et qu’on se retrouvait sans quarterback au niveau. Il savait que je ferais

n’importe quoi pour trouver un joueur digne de ce nom pour Fremont. Et pourtant, il n’a

jamaislaisséentendrequ’ilétaitunquarterbackaguerri,etmêmeunMVP.

LecoachBennettmerejoint.Jepointeledoigtverslaphoto.

—Ilétaitvraimentbon?

—Fitz?C’étaitlemeilleurquarterbackquej’aiejamaisvu.Certainssontnéspourjouerau

footballaméricain.Fitzenfaitpartie.Iléblouissaittoutlemondeparsontalentetsacapacité

àlirelejeudeladéfense.

—Qu’est-cequ’ilestdevenu?L’entraîneurhausselesépaules.

—Ila cesséde joueretn’est jamais réapparu.Çanousa choqués, c’estpeudire.Onn’a

jamaisretrouvéquelqu’unavecunteltalentdepuis.

—EtLandonMcKnight?

—McKnight,çava.

— C’est un des meilleurs joueurs de son Etat et il n’a pratiquement jamais perdu, l’an

dernier.

—Lebut,c’estdenejamaisperdre.Compris?Jeluifaisunsignedetête.

—Avecsuffisammentd’entraînementetdepratique,McKnights’ensortira.

IltapotealorslaphotodeDerek.

— Dès le début du lycée, Derek Fitzpatrick a mené son équipe jusqu’au championnat

d’État.

Sesmotsflottentdansl’air.Derekestalléauniveaud’État.Waouh!Quelleimpressionça

doitfairedejoueràceniveau?Lui,illesait.

Deretourdansmachambre, jesorsmonportableetcherche«DerekFitzpatrickfootball

américain ». Le premier résultat est un article de presse sur un jeune prodige du football

américainquiaattirél’attentiond’établissementsdepremièredivisiondèsl’âgedequatorze

ans.Aumilieudulycée,ilavaitdéjàtroisoffresdeboursecomplèteàl’université.Unautre

articles’intitule«DerekFitzpatrick,quarterbackdegénie».Alafinsetrouveunephotodu

petitprodige.

Jevaisd’articleenarticle,tousplusélogieuxlesunsquelesautres.C’estdifficiledecroire

quelapersonnequioccupemespenséesaunpassésecretqu’ilnem’ajamaisdévoilé.Est-ce

quel’idéedejouerpourFremontàmescôtésluiatraversél’esprit,cesdernièressemaines?

SatrahisonmeblesseencoreplusquecelledeLandon.Etpourtant,jesuissortieavecce

dernier, même si je sais à présent qu’il ne m’a jamais vraiment aimée.Moi, j’essayais de

comblerunmanquedansmavie,unvideque je traîneavecmoi. Il s’est fichudemoi et a

complotéavecBonkdeFairfield.

Enréalité,Dereks’estencoreplusmoquédemoi.Tupeuxlefaire,qu’ildisait.Est-cequ’il

lepensaitvraiment,ouétait-ceuneautredesesblagues?

Nous nous étionsmis d’accord de ne pas nousmêler de la vie de l’autremais tant pis.

J’appelleuntaxipourqu’onviennemechercher.AFremont,lecoachDieterdittoujoursque

nousdevonsjouerdanslesrègles,proprement.

Jenesuispasd’accord.Ilesttempsdesesalir.

CHAPITRE43DEREK

JescrutelecostumecoûteuxqueHarold,lemajordome,aétendusurmonlit.Jesuissûr

quema grand-mère lui a demandé de l’y déposer dans l’espoir de faire demoi le petit-fils

qu’ellevoudrait. Je suisarrivé ici il ya trois jourset j’aihâted’aller chercherAshtynetde

rentrerenIllinois.Jelaissetomberlecostumeetretrouvelavieilledanssonimmensesalleà

manger.

Ellelèvelesyeuxversmoietfroncelessourcils.

—Derek,faisplaisiràtagrand-mèreetmetsautrechosequeceshaillonsquiteserventde

vêtements.Haroldnet’apasapportélecostumequejet’aiacheté?

—Si,ill’afaitmaisjeneleporteraipas.

Jeprendsunmorceaudepaindugrandbuffetmaisellemetapelamain.

—Attendslesinvités.

—Lesinvités?Quelsinvités?

J’aisoudainunmauvaispressentiment.

Elle semble bien trop fière d’elle. Ce faux sourire qu’elle essaie de cacher est le signe

qu’ellemanigancequelquechose.

—J’aiorganiséunepetitesoiréeavecquelquesjeunesdelaville,c’esttout.Jeconnaisde

nombreusesjeunesfillescélibataires,poursuit-elleenmetenantlevisageaveclesmains,qui

proviennentdelignéesirréprochables,Derek.

—Deslignées?Tucomptesm’accoupleravecunejument?Franchement,çafaitvieuxjeu,

mêmepourtoi.

—Aurais-tudéjàunebonneamie?

—Situparlesd’unepetiteamie,laréponseestnon.Jen’encherchepas,detoutemanière.

—Foutaise,ilfautqu’ontetrouvequelqu’un.C’estaussisimplequecela.

Ellemarcheavecdéterminationjusqu’àl’autreboutdelapièce.

—Tuesgrand,séduisant,etilsetrouvequetueslepetit-filsdefeuKennethWorthington.

Il est temps que tu acceptes le fait que tu es l’héritier des industriesWorthington, le plus

granddistributeurdetextiledumonde.Tuesunexcellentparti,moncherpetit-fils.

—Çamefaitunebellejambe.

— A ton attitude, on comprend que tu n’as pas encore rencontré de fille digne de tes

attentions.Maiscelachangeraquandtucroiseraslajeunefillequ’iltefaut.

J’attrapeunmorceaudepaindubuffetetmordsdedans.

— Merci pour l’offre, dis-je la bouche pleine, mais je n’ai pas besoin qu’on joue les

entremetteurspourmoi.

Salèvresupérieureseretroussededégoût.

— Je croyais que tu fréquentais une école privée. On ne t’y apprend pas les bonnes

manièreslesplusélémentaires?

J’ouvrelabouchepourrépondremaisellem’arrêted’unemain:

— Ne parle pas la bouche pleine. Simplement... monte à l’étage, enfile ton costume et

redescendslorsquetuserasconvenablementhabillé.Lesinvitésvontarriversouspeu.

Voyant que je n’ai pas lamoindre envie deme déguiser pour sa fête, ellem’adresse un

sourirehypocrite.

—S’ilteplaît,Derek,fais-moiplaisir,justeletempsd’unesoirée.

—Situosesdirequemamèreauraitvouluquejemettececostume,jetejurequejepars

etque jenereviendrai jamais.Nefaispassemblantdesavoirquoiquecesoitdemamère,

c’esttoiquiasdisparudesavie.

—Jelaconnaisplusquetunelepenses,Derek.

Jesecouelatête,prêtàl’envoyerbalader,lorsqu’ellemefaitsignedelasuivrehorsdela

pièce.

—Viensavecmoi,ilfautquejetemontrequelquechose.

Mon instinctme dit deme comporter commeun enfoiré et de partir, juste pour qu’elle

comprenne.Maisunevoixdansmatêtemepressederesteretdesuivrelavieille.

Elle me conduit dans une grande bibliothèque contenant suffisamment de livres pour

ouvrirunepetite librairie.Elle ferme laporteet faitglisseruneétagèrederrière laquellese

cacheuncoffre-fort.Desesdoigtsagiles,ellel’ouvredélicatementetentireuneenveloppe.

Elleensortunelettrequ’ellemetend.

Jejetteunœilàlafeuilleetreconnaisinstantanémentl’écrituredemamère.Lalettredate

dedeuxsemainesavantsamort.Elleétaitalorsaffaiblieetsavaitqu’ellen’enavaitpluspour

trèslongtemps.Jeluiavaisdemandésielleavaitpeur...J’avaisétéincapabledeterminerma

phraseàhautevoix.«Demourir?»avait-ellepoursuivi.Jeluiavaisditouietelleavaitpris

mamaindanslessiennesendisant:«Non.Jen’auraiplusmalàcemoment-là.»Quelques

jours plus tard, elle ne parlait plus et restait allongée dans son lit toute la journée, en

attendantlamort.

Magrand-mèresetientdevantmoi,têtebaissée,letempsquejeliselesmotsdemamère.

Maman,

Jemesouviensquandj’étaispetitefille,jeparlaispeuparcequej’étaistimide.Maistoi,tu

disaisauxautresmèresque j’étais trop intelligentepourparler.J’aidécouvertque tuavais

payéundes jugesduconcoursdebeauté auquel j’avais participé au collège pourme faire

gagner. Je ne t’ai jamais dit que je savais que lemanager du BurgerHut avait refusé de

m’engagerpourl’étéavantmaterminaleparceque tusouhaitaisque je fasseunstageavec

PapaauprèsdesindustriesWorthington.

Pendant longtemps j’aipenséque tu faisais toutcelapourcontrôlerma vie.Maintenant

quejesuismèreàmontour,jecomprendsquetucherchaisàmecréeruneexistenceparfaite

parcequetum’aimais.

Soisrassurée,j’aieuunevieparfaite.StevenFitzpatrickestmonvéritableamour.Derek

estmonpetitchampiondefootballetunfilsincroyable:ilestdrôleetbeaucommesonpère,

déterminéetsauvagecommesamère.Ilestparfait.

Jenetedemandequ’unechose,Maman:prendssoindemonfilslorsqueStevenn’enaura

pas lesmoyens.Faisattentionà lui,car jeneseraibientôtplus làpourm’en occupermoi-

même.

Avectoutmonamour,

Katherine

Jereplielalettreetretiensmeslarmesenlarendantàmagrand-mère.

—Jevaismechanger.

Iln’ya rienàajouter.Jecomprendspourquoi je suis làetpourquoielle souhaiteque je

reste.

Une demi-heure plus tard, je descends l’escalier dans le costume qu’elle m’a offert. Je

laisse la cravate à l’étage et déboutonne les deux boutons du haut de ma chemise pour

prouverquel’esprit«sauvage»demamèrevittoujoursàtraversmoietquecelanerisque

pasdechanger.

L’entrée est pleine à craquer de jeunes filles en robe claire et à la chevelure soignée.

Sachantcommentmagrand-mèreopère,ellem’adéjàchoisiuneépouseappropriéeetadéjà

faitrédigerlecontratprénuptial,prêtàsigner.

Heureusementpourmoi,ilyaaussidesgarçonsparmilesinvitésetjenesuispasleseul

mâleexposé.

Ashtynsemarreraitàunesoiréepareille,oùl’ongagneenpopularitégrâceàl’argentetau

statut plutôt que par l’alcool que l’on ingère avant de vomir. Je parie que personne ici n’a

jamaisfaitdejeuxavecdesshots.

—Derek!hurlemagrand-mèrequiseprécipiteàtraverslamassedegens.Tuasoubliéta

cravate.

—Non,jenel’aipasoubliée.

Elleportelamainàmoncoletreboutonnelesdeuxboutonsdemachemise.

—Ilest indispensabled’avoirunecravatequandtue saunévénementofficiel.Onva te

prendrepourlejardinier.

— C’est peut-être un événement officiel pour tous les autres mais pour moi, c’est un

spectacled’animaux.Tuveuxquejefassesemblantd’êtrecommeeux,voilàlerésultat.

—Tunepourraispasfaireunpeumieuxsemblant?CassandraFordhametsamèrenete

quittentpasdesyeuxdepuisquetuasdescendul’escalier.

Jemedéboutonneànouveauetdéfaisuntroisièmeboutonjustepourlaforme.

—Quic’est,CassandraFordham?

—Laplusbelle filleduTexas.Ellegagne tous lesconcoursdebeauté,elleaungrainde

peauincroyableetjouedupiano.

Graindepeau?Concoursdebeauté?Çanevautrienfaceàunefillequin’apaspeurdese

salirsurunterrain.

—Ellejoueaufootballaméricain?

—Au football ? rigolema grand-mère.Derek, les jeunes filles ne jouent pas au football

américain,ellesregardent.Et,oui,jesuiscertainequeCassandraFordhamappréciecesport.

C’estuneTexanepuresouche.Nousavonscesportdanslesang.Elleestjusteici.

Elle fait de son mieux pour me montrer discrètement une fille en robe jaune, épaules

dénudées.

Magrand-mèremeprendlebrasetmeguidejusqu’àCassandraFordham.Jevoisbienque

tous les regards sont sur nous. Cassandra a été désignée d’office la plus belle fille dans la

pièce.Commejesuisl’invitéd’honneur,jedoisêtreprioritaire,j’imagine.

— Madame Fordham, Cassandra, laissez-moi vous présenter mon petit-fils, Derek

Fitzpatrick,annoncemagrand-mèred’unevoixassurée.

Cassandra est digne d’unmannequin. Elle a un petit nezmignon et des yeux bleus qui

s’illuminentlorsqu’ellesourit.Elleesquisseungenrederévérence.

—Alors,Derek,leTexasteplaît?

—Tuveuxlavérité?

Magrand-mèremedonneuncoupdecoudediscretetpousseungrandéclatderire.

—Derekm’atenucompagnietoutelasemaine.Vousdevriezlevoirjouerautennis.Nousy

jouonstouslesaprès-midi,aprèsledéjeuner.Ilaunvraidon.

Jen’aipasmislespiedssurunecourdetennisdepuismonarrivéeici.

—J’yjouemoiaussi,ditCassandrad’unevoixdouceetféminine.Peut-êtrequ’onpourrait

jouerensemble,unjour.

Magrand-mèremesecoueànouveau.

—Biensûr.N’est-cepas,Derek?

—Oui.

Après un peu de conversation de circonstance, ma grand-mère demande l’avis de Mrs

Fordham sur la nouvelleœuvre d’art qui orne son salon etme laisse avec Cassandra. J’ai

l’impressiond’avoirremontéletemps.Toutlemondediscuteetmangeausond’unquartetà

cordes.Cassandrameprendparlebrasetmeprésenteauxautresinvitésdelasoirée.

J’aiunpetitmomentderépit lorsqu’elles’excusepouralleraux toilettes.J’entredans la

salleàmangeretattrapequelquechose.Dèsque je trouveuneplaceà table,ungroupede

filless’installeprèsdemoi.Jenevaispasmentir :ellessontcanon.LeTexasoffre lesplus

jolies filles que j’aie jamais vues, et j’ai vécu dans bien des endroits différents. Je me

demandeuncourtinstantcommentellesfontpourresteraussimincesaveccettenourriture

richeetgrasse.Puisjeremarquequeleursassiettessonttoujourspleinescarellesnemettent

absolumentriendanslabouche.C’estunscandale,selonmoi.

Ashtynseserviraitunemontagnedenourritureetengloutirait toutsanssesoucierdece

quelesgarçonspenseraient.Jel’appelletouslesjours,maisellenerépondpas.Cematin,je

luiaienvoyéuntextopourluidiredem’appeler.Rien.

Aprèsavoirmangéetdiscutéavecdeuxgarçonsde football américain, leur seul sujetde

conversation, je vois revenir Cassandra. Elle débite des statistiques de football américain

commeunrobot,àcroirequ’onl’aéduquéepourparlerdecesportsansvraimentl’apprécier.

Jem’échappe etm’assois sur un des fauteuils, dans l’espoir d’être seul. La lettre dema

mèrechange tout.Quand j’ai lu sesmots, c’était commesi ellemeparlaitdepuis l’au-delà.

Ellem’a appelé son « petit champion du football ». Ça a rouvert une plaie que je croyais

referméedepuislongtemps.

Matranquillitéestdecourtedurée,puisquedesmainsdefemmemecouvrentlesyeuxet

lavoixaiguëdeCassandramurmureàmonoreille:

—Devinequic’est?

CHAPITRE44ASHTYN

EnarrivantdevantlemanoirWorthington,prêteàaffronterDerek,jeréalisesoudainque

j’aurais dûme changer. Jeporte un short de sport etmonmaillot d’entraînement, couvert

d’herbeetdeterreaprèslaséanced’aujourd’hui.

Jesonneàlaporte.Unhommegrand,levisagegrave,m’ouvre.

—Puis-jevousaider,mademoiselle?

Jejetteunœilàl’intérieur.Lafouledegensenrobesetencostumesmemontrebienque

je ne suis pas correctement habillée. Mais ce n’est pas important. Je suis en mission et

personnenepourram’arrêter.

—J’aibesoindevoirDerekFitzpatrick.

—Etquidois-jeannoncer?

—Ashtyn.

Voyantqueçaneluisuffitpas,jecomplète:

—AshtynParker.

Unefemmeplusâgée,auxcheveuxblondséclatantsetuneparuredediamantsautourdu

cou,seprésenteàlaporteaucôtédumonsieur.Elleporteunerobesurmesurebleupâleet

unevesteassortie.Monregardplongedanssesyeuxsaphiret j’ai subitementunéclair.Ce

sontlesyeuxdeDerek...cettedameestsagrand-mère.

Saufqu’ellen’apasdutoutl’airmourante.

A vrai dire, elle paraît en meilleure forme que la plupart des gens que je connais. Elle

scrutemonmaillotetsepinceleslèvrescommesiellevenaitdecroquerdansuncitron.

—Quiêtes-vous?demande-t-elled’untonhautain.

—AshtynParker.

J’auraisdûamenermonétiquetted’Elite.Ellepenche la têtedecôtéet se concentre sur

mesjambesnues.

—MademoiselleParker,trèschère,voussavezquevousportezdesvêtementsdegarçon?

Hum...Commentexpliqueràunefemmeimpeccablementhabilléequej’arrivedirectement

del’entraînement?

— Je joue au football américain. J’ai eu entraînement toute la journée et n’ai pas eu le

tempsdemechangeravantdevenir.Dereketmoi sommesvenusensembleenvoiture,de

l’Illinoisjusqu’ici.

Faceàsonmanqued’enthousiasme,j’ajoute:

—Sonpèreestmariéàmasœur.

Celapourraitpeut-êtrel’intéresserdavantage.Visiblementpas.

—Monpetit-fils est actuellement occupé,mademoiselle Parker. S’il n’y a pas d’urgence,

veuillezreveniruneautrefois.

Elletentedem’intimider.Çafonctionne,mais jetiensbon.Il fautquejesachepourquoi

Derekm’amenti.

—Je suisdésolée.Saufvotre respect, il fautque je levoie toutde suiteet il esthorsde

questionquejem’enaille.C’estuneurgence.

Lagrand-mèredeDerekm’ouvreenfinlaporteetmefaitsigned’entrer.

—Suivez-moi.

Elle donne alors l’ordre au monsieur de trouver son petit-fils et de l’escorter dans la

bibliothèque.Ellemeconduitàtraverslafouledejeunesinvités.L’endroitestmonumental,

ondiraitunmusée.Certainesfillesnemequittentpasdesyeuxetchuchotententrecopines.

Jem’arrêtenetenapercevantDerekencompagnied’une fille,à traversunedes fenêtres

quidonnentsurlejardinimmense.Ellealesbrasautourdeluietj’ail’impressionqu’onme

passe lecœurà larâpeà fromage.Ilnes’estpasécouléunesemainedepuis l’épisodede la

tente.Savoirqu’ilpourraitsirapidementsetrouveruneautrefillemerendmalade.

Je ferme les yeux et prie pour qu’elle disparaisse. Je devrais savoir depuis le tempsque

mesvœuxneseréalisentjamais.J’ouvrelesyeuxet,évidemment,elleesttoujourslà.

—MademoiselleParker,machère,nefixezpaslesgens.C’estimpoli.

La grand-mère de Derek me prend par le bras et me conduit jusqu’à une grande

bibliothèque.

—Jen’avaispasl’intentiondeperturbervotrefête,luidis-je.

J’essaiedemeconvaincrequeDerekpeutbienêtreavecuneautrefille.Jen’aiaucundroit

sur lui. Je suis làpourm’expliquer avec lui, paspourqu’il tombeamoureuxdemoi. Jene

peuxpascontrôlerlebéguinquej’aipourluietc’estmonproblème.Jeregardesagrand-mère

enespérantqu’ellenemepercepasàjour.

—Cedoitêtredifficiled’accueillirautantdemondedansvotreétat.

—Monétat?

—Voussavez,avecvotremaladie,toutça.

—Machère,jenesuispasmalade.

—Vousnel’êtespas?

—Non.

Lavieilledames’assoitsurunpetitcanapéaumilieudelapièce,leschevillescroisées.Elle

posedélicatementlesmainssursesgenoux.

—Asseyez-vous,mademoiselleParker.

Jem’assoisavecmaladresseen faced’elle.Dois-jecroiser leschevilles?Jesuisdansun

autremonde.Lafemmegardeunairautoritaireetsupérieur.Ellem’observedesesyeuxvifs,

comme si elle sondait lemoindre demesmouvements. Je croisemes chaussures de sport

maisjedoisavoirl’airidiote.

—Quellesrelationsentretenez-vousavecmonpetit-fils?

—Je,euh,nesuispassûredecequevousvoulezdire.Ellesepencheenavant.

—Jeprésume,mademoiselleParker,quelaraison«urgente»quivousamèneicisignifie

queDereketvousêtesproches.

—Cen’estpastoutàfaitça.Laplupartdutemps,Derekchercheàm’énerveretjel’ignore.

Endehorsdeça,onsedispute,celaarriveassezsouvent.C’estunjoueur,unmanipulateur,et

il a un ego énorme. Il a aussi cette habitude agaçante de passer lamain dans ses cheveux

quandilesténervé.Etilm’apratiquementvolémonchien.Voussaviezqu’ilétaitobsédépar

les smoothies ? Il refuse de manger des Skittles ou d’avaler quoi que ce soit avec des

conservateurs,mêmesic’estunequestiondevieoudemort.Cen’estpasnormal.Iln’estpas

normal.

—Hum,c’estintéressant.

Jem’emportetellementquejepoursuismatirade:

—Etilm’amenti.Voussaviezqu’iljouaitaufootballaméricain?

Lagrand-mèredeDerekacquiesce.

—Jesuisaucourant,eneffet.

—Aucourantdequoi?demandeDerekquientredanslapièce.

Jen’avaispasremarquéplustôtmaisilporteuncostume,commes’ilallaitàunmariage,

ouàunenterrement.Ilreculed’unpasens’apercevantquejesuisdanslapièce.

—Ashtyn!Qu’est-cequetufaislà?

Cesderniers jours, celam’amanquédenepas voir son visage chaquematin.Quand les

garçonsmerendaientlavieimpossible,jerepensaisàsesparoles:Tupeuxlefaire.Maisj’ai

prisunegifleenpleinefigureendécouvrantlemurdesmeilleursjoueurs...

Jen’arrivepasàréfléchir.J’aimeraisluiparlerdelafille,maislasimpleidéequ’ilsoitavec

uneautremeretourneleventre,etlesmotsrefusentdesortir.Alorsjemeconcentresurla

raisonquim’aamenéeici.

—Tuesunputaindeprodige!Derekpâlit.

—Commenttuassu?

Jem’avanceetluienfoncemondoigtdanslapoitrine.

—TaphotoestaffichéesurlemurdesMVP,chezElite.Quelmenteur!Etjen’arrivepasà

croirequetuvoiesuneautrefille,aprèscequ’ils’estpasséentrenous.

—Hum ! fait sa grand-mère en se raclant la gorge bruyamment. Mademoiselle Parker,

visiblement,vousenavezsurlecœuretsouhaitezvidervotresac.Jenesuispassûrequece

soit le moment ou l’endroit appropriés pour avoir cette conversation. Derek, pourquoi ne

l’invites-tupasàrevenirdemainpourdiscuterfootballetautre?

—Onpeutparlermaintenant,dit-il.

—Oui,maintenant.Jemefichedesavoircequetufaisoupasavecd’autresfilles,Derek.

Laseuleraisonpourlaquellejesuisvenueici,c’estquejeveuxsavoirpourquoitum’asmenti

surlefootball.

— Je n’ai pasmenti, Ashtyn, répond-il sans lamoindre trace de culpabilité. Écoute, j’ai

omisquelquesdétails.

J’éclatederire.

—Omisquelquesdétails?Commec’estbeau.Tum’asmenti,purementetsimplement.Tu

m’asassuréêtreunjoueurmoyen.Moyen,moncul!

Jereprendsmonsouffleettented’arrêterdetrembler.

—J’ailuquetuavaisététitulairedèstonentréeaulycéeetquetuavaismenétonéquipe

dansdeuxchampionnatsd’Etat.Tusaiscequejedonneraispourquemonéquipearriveàce

niveau?Jedonneraisn’importequoi!

—Jenejoueplus.Etquoiquetupenses,jenesuissortiavecpersonned’autredepuisque

nousavonsétéensemble.

Sagrand-mères’interpose.

—Puis-jevousrappelerqu’ilyaunefêtede l’autrecôtédecetteporte?Unefêteenton

honneur,Derek.

— Une fête que je ne t’ai jamais demandée, tu te souviens ? réplique-t-il avant de se

tournerversmoi.Tuveuxqu’onparledemensonges,bien,onvatoutmettresurletapis!Tu

n’espas innocentenonplus : tum’asditqu’uncoupd’unsoir, ça teconvenait.Onest très

loindelavéritéettulesais.

Moncœurs’arrête.Jenepeuxpasleregarder,niluirépondre,carjeseraistentéed’avouer.

—Jeneveuxpasqu’onparledetoietmoi.Jeveuxqu’onparledefootball.Tunepeuxpas

arrêter alors que tu es excellent. Non, certaines personnes sont excellentes. Toi, tu es...

qu’est-ce que j’ai lu ? Ah oui, exceptionnel ! Et ce n’est pas tout... un article disait qu’on

n’avait jamais vu un jeune quarterback comme Fitzpatrick, capable de lire le jeu de ses

adversairesetd’adaptersastratégiependantlematchcommeunpro.

Lecommentairelefaitrigoler.

—Onaunpeuexagéré.Tuessûreque tuesvenueparlerde football?J’ai l’impression

que tu es venue ici parce que je te manquais. Pourquoi tu n’as jamais répondu à mes

messages?

—Nechangepasdesujet.J’ailuaumoinscinqarticlesenligne.Ilsdisentpresquetousla

mêmechose.TuétaisMVPchezElite.Les joueurs, là-bas,sont lesmeilleursdesmeilleurs,

desgarsqui intégrerontcertainement la liguenationaleaprès la fac.Joueavecmoi,Derek.

Unedernièresaison.

—Jeretourneàlafête.

Derekouvrelesportesmaisfaitdemi-touravantdepartir,lamaintendue.

—Tuviensavecmoi,Sucred’orge?

—Jenesuispashabilléepourunefête,dis-jeenbaissantlesyeuxversmonmaillot.Ettu

n’aspasréponduàmaquestion.

—J’airépondu.Tuviensoupas?

Finalement,ilquittelapiècesansmoi,melaissantseuleavecsagrand-mère.

—Ehbien,voilàquiétait...divertissant,c’estlemoinsquel’onpuissedire.

—Jesuisdésoléedevousavoirdérangée.Jevaisappeleruntaxietpartird’ici...

—Non,vousdevriezrester.

—Jevousdemandepardon?

—J’aidécidéquevousdeviezresterpourlanuit,répète-t-elle.Venezàlafêteetvoyonsce

quelanuitnousapportera.

— Je ne suis pas tout à fait prête pour une soirée et je vous ai suffisamment dérangée

commeça,jelevoisbien.

—C’estdommagequecenesoitpasunesoiréedéguisée.

Elleattrapealorslemaillottachéd’herbeentrelepouceetl’index.

—Votremèrenevousapasapprisàregarderdanslemiroiravantdesortir?

—Mamèreestpartiequandj’avaisdixans.Ellenem’apasapprisgrand-chose.

—Etvotrepère?

—Disonsqu’ilvitdanssonmonde.

—Jevois.Ehbien,vousallezdevoirvousfaireà l’idéequevousnerentrerezpasàvotre

stagedefootballcesoir.JedemanderaiàHarolddevousyreconduiredemainàl’aube.

Ellesedirigealorsverslaporteetseraclelagorge.

—Prenezunedoucheetpréparez-vouscommeilsedoit.Unevoisinepossèdeuneboutique

enville.Ellevousprêteraquelquechosededécent.

Lavieilledamemeconduitàl’étage,versunechambreavecsalledebainsprivative.Jen’ai

aucune envie de me montrer à cette fête mais mon avis semble peu lui importer. Je ne

souhaitequ’unechose:convaincreDerekdejouerpourFremont,maiscen’estpasgagné.

Aprèsunedoucherapide, j’appelle lecoachBennettpourleprévenirquejenereviendrai

quedemainmatinpourl’entraînement.Jeraccrocheetdécouvreunerobedesoiréeblanche,

courte,sansbretelles,étenduesurlelit.Commentlagrand-mèredeDereka-t-ellefaitpour

l’obtenir si vite ? Sur le sol se trouve également une paire d’escarpins rouges. La tenue

complèteestéléganteetdoitcoûtercher.Jem’approcheetvoisquel’étiquetteestrestéesur

larobe.Jeretournelemorceaudecarton.Larobevautseptcentsdollars!Jepariequec’est

cequevautlecontenuentierdemonarmoire,etjen’aipasuneseulepaired’escarpins.Jene

pourraijamaisporterunerobeaussichèrenidestalonsaussihauts.

Jetoucheletissusoyeuxdelarobe.Jelaissetombermaserviette,ouvreleZipetenfilela

robe. J’ai l’impression d’être une princesse, portant une des nombreuses robes de mon

armoireimmense,remplied’habitsdegrandcouturier.

Jeme regarde dans lemiroir etme reconnais à peine. La robe soulignemes courbes et

rehausse mes seins, offrant un décolleté généreux. Je me sens sexy et, j’ose le dire,

puissante.

Derekm’aaccuséed’êtrelàparcequ’ilmemanquait.Enréalité,j’aibeaucouptroppenséà

lui. J’aimerais que son image s’efface. Chaque fois que j’ai besoin d’encouragements, je

repense à ses mots. Chaque fois que je me sens seule, je repense à nos baisers et à son

sourire.Quarterbackdegénie.

Derekpourrait sauvernotreéquipe. Iladitqu’ilne jouaitplus,désormais.Est-cequ’il a

déjàsongéà retournersur le terrain?Si j’avais lepouvoirde le faire tomberamoureuxde

moi,est-cequ’ilchangeraitd’avisetrejoindrait l’équipedeFremont?Jem’observedans le

miroiretenfilelesescarpins.

Iln’yaqu’uneseulefaçondelesavoir.

CHAPITRE45DEREK

Magrand-mèrenefaitsubitementplusattentionàmoi.J’aiessayédeluifairesignetrois

foisdepuisque j’aiquitté labibliothèque.Jesaisqu’Ashtynn’estpaspartiepuisque jen’ai

pasquittélaported’entréedesyeuxdelasoirée.

Jefinisparretrouvermagrand-mèrealorsqu’elleserendausalon.

—Oùest-elle?

Elleposeunemainsursapoitrine.

— Tum’as fait peur. Ne surprends pas une vieille dame commemoi. Tu aurais pume

provoquerunecrisecardiaque.

—Toncœurvabien.OùestAshtyn?

—Tuveuxdirecettepauvrefillehabilléecommeungarçon?

—Mouais.

—Cellequetuappellesmonpetitsucre?

—Sucred’orge.

—C’estcela.

Elleretireunepelucheimaginairedemavesteetreboutonnemachemise.

—Onlitentoicommedansunlivreouvert,Derek.Tuescommetamèreàtonâge.

—Situcroiscequejecroisquetucrois,tutetrompes.

—Alorstuteficherasd’apprendrequej’aiinvitéSucred’orgeàpasserlanuitici.

Je ne veux pas qu’Ashtyn approche dema grand-mère. Elle a quelque chose derrière la

tête. Cette femme calcule et élabore tout ce qu’elle fait. Elle ne cherche pas à semontrer

gentilleavecAshtynenl’invitantàrester.Jelevoisdanssesyeux,elleveutluisoutirerdes

informations, des informations sur nous. C’est aussi dangereux que de donner des

renseignementssecretsàl’ennemi.

—Jelareconduiraiàsondortoir,luidis-je.

—Foutaise,répond-elleenagitantlamain.Ilseraitdemauvaisgoûtdefairedormircette

pauvrefilledansundortoirauxinstallationsdouteusesquandnousavonstoutelaplacedu

mondeici.

L’enfer!Inutiled’argumenter,jevaisperdrelabataille.

—Oùest-elle?

—Dansunedes chambres d’ami.Et il se peut que je lui aie fait apporter une robe à se

mettre. Elle ne peut certainement pas venir à une de mes soirées vêtue d’un maillot de

footballsaleetd’unshort.Dieuduciel!

Oh,non!Est-cequ’ellevientbiendedire:«Dieuduciel»?Cheznous,cettephraseest

unearmeredoutable,quipeutservird’insulteoudegentillesseselonletonetl’intentionde

lapersonne.

—Netemêlepasdemesaffaires,Mémé.

—Etdequellesaffairesest-ilquestion,Derek?Commejenerépondspas,ellemetapotela

poitrined’ungestecondescendant.

— Ne t’avise plus de m’appeler Mémé. Comporte-toi en gentleman, digne d’un

Worthington.

—JesuisunFitzpatrick.Ellelèveunsourciletrepart.

—Dieuduciel.

Jelèvelatête,enmedemandantsimamèreestpliéeendeuxousiellemauditlejouroù

elleaécritlalettreàmagrand-mère.

Jediscuteavecungroupedegarçonstoutensondantlapièce;est-cequ’Ashtyncomptese

montrer?Après tout,ellepourraitbiens’êtreenfermée là-haut, refusantdedescendre.Cet

univers n’est absolument pas le sien, avec des filles surmaquillées, surhabillées, et des

garçonssouriantdansleursbeauxcostumes.Sic’étaituncombatdecatchdanslaboue,elle

seraitsansdoutelapremièreàsauterdansl’arène.

Unéclatblancdansl’escaliercaptemonattentionetsoudain,jebloque.Waouh!

Ashtyn apparaît dans une petite robe blanche qui embrasse ses courbes et des talons

aiguillesrougesquimettentenvaleurseslonguesjambes.Jesuisclouésurplaceetnepeux

pasdétournerleregard.Ellecapteégalementl’attentiondemagrand-mèrequihochelatête

ensigned’approbation.

—Quiestcettefille?demandeungarçon.

—Jamaisvue,répondunautre.

Untroisième,prénomméOwen,sifflediscrètement.

—Oh!lala!elleestcanon.Elleestpourmoi!

Tantque je seraidans lesparages,Ashtynne sera àpersonne.Sanshésiter, jem’avance

verselle.Sondécolleté fascinetous lesgarçonsprésents,etseschaussuressexyalimentent

sansaucundouteleursfantasmes.

—Comment tu t’es fringuée ? je lui glisse à l’oreilled’unevoixplus agressiveque jene

l’auraisvoulu.

—Alors,çateplaît?

Elle fait un tour sur elle-même, nous offrant, à moi et à tous les garçons qui la fixent

toujours, une vue à trois cent soixante degrés. Ellemanque de trébucher sur ses talons et

s’agrippeàmonépaulepourgarderl’équilibre.

—Tagrand-mèremel’aprêtée.Leschaussuresaussi.C’estpasgénial,franchement?

—Jetepréféraisenmaillotdefoot.

—Pourquoi?

—Parcequeçatecorrespondplus.

— Peut-être que ça aussi, ça me correspond, rétorque-t-elle avant de se diriger vers le

buffet.J’aifaim.Tulesais,fairedesmanœuvrestoutelajournée,c’estduboulot.

—Oui,jesuisaucourant.Tun’aspasenviederetournerdanstondortoir?

—Onveutsedébarrasserdemoi?

Elleattrapenonchalammentunepâtisseriesurl’undesplateauxetcroquededans.

—Non,j’essaied’empêchertouscesmecsdetetomberdessus.

—Pourquoituferaisça?

Elleprendunesecondebouchée.Puisuneautre,etencoreuneautre.Ellelècheleglaçage

restésurseslèvres.Siellechercheàmerendredingue,ellesedébrouilletrèsbien.

—Parcequeje...tiensàtoi.

—Oh,jet’enprie!J’aidéjàentenducesmotsdanslabouchedemamère,demasœur,de

monpère,etmêmedeLandon.Ilsnesignifientrien.Pourmoi,ilssignifientquelquechose.

—Tucroisquejemefousdetoi?

—Oui, je t’aivuavec la filleenrobe jaune, toutà l’heure.Elleaussi, tu luiasditquetu

tenaisàelle?

Elle est tellement déterminée qu’elle mâche sa pâtisserie comme si c’était la dernière

qu’elle allait jamaismanger de sa vie.Une fois qu’elle a fini, elle se frotte lesmains pour

enleverlesmiettes.

—Jecroisquejevaismeposteraupieddel’escalieretrencontrerdefuturspetitscopains

potentiels.Cesgarçonsontl’airtrèssoignésethonnêtes.

Ellenecherchequ’àmeblesser.

—Netelaissepasavoirparlescostumes.

—Commetum’aseueausujetdufootball?

Avantquejenepuisseluidirequejenesuispaslaréponseàsesprières,quejeneserai

paslenouveauquarterbackdeFremont,Ashtynrejettelesépaulesenarrière.Est-cequ’elle

serendcomptequeçanefaitqueressortirdavantagesapoitrine?Lesgensautourvonten

avoirpourleurargent.Ellemetourneledosetsedirigeverslesgarçonsquicontinuentdela

regarderavecintérêt.Jelasuis.Pasparcequ’elleabesoinquejelaprotège...

Jelasuisparcequejesensqu’ellevafairequelquechosedeparticulièrementstupide.

CHAPITRE46ASHTYN

Ungroupedegarçonsestrassemblédansuncoindelapièce.Ilsontlesyeuxrivéssurmoi

etjefaisdemonmieuxpourlesrejoindreenmarchantcommeunmannequin.D’ordinaire,je

nesuispasnerveuseencompagniedegarçons,alorspourquoiest-cequejemesenstroublée

toutàcoup?Jeressenscommeunpicotementlelongdelanuque.Jepréfèrel’ignorer,bien

queçamerendefolle.

Jeposeunemainsurlahancheetsouris.

— Coucou, les garçons. Je m’appelle Ashtyn. Deux d’entre eux froncent les sourcils et

s’éloignent sans tarder. Un troisième plonge les mains dans les poches et fait un pas en

arrière.

—Moi,c’estOren,dit-ilnerveusement.

Sesyeuxjonglentdegaucheàdroite,commes’ilcherchaituneissuepours’échapper.

—Moi, c’est, euh,Regan, lanceunquatrième.Reganesthypnotiséparmapoitrinequ’il

fixelesyeuxécarquillés.J’aienviedeluidire:«Tuesgentil,monvisageestplushaut!»

Orenfaitunsigneàquelqu’unàl’autreboutdelapièceetbafouille:

—Macopineestlà-bas.Jeferaismieuxd’allerlarejoindre.

Regan,lui,sortsubitementuntéléphonedesapoche.

—J’aiunappel,désolé.

Pourtant,jen’aientendunisonnerienivibreur.

Jeresteseule,medemandantcommentj’airéussiàfairefuirquatregarçonsenseulement

troissecondes,quandDereks’approchedemoi.

—Ondéclareforfait?

Jesuissexydansuneminirobeextraordinaire,avecdestalonshauts,etaucungarçonne

veutmeparler.SaufDerek.J’essaiedelerendrejaloux.Maiscommentfairealorsquequatre

garçonsontprisleursjambesàleurcoucommesij’étaiscontagieuse?SiseulementJetétait

là.Çaneluiposeraitpasdeproblèmedefairesemblantdeflirteravecmoietilseraitravide

fairecroireauxautresquejesuisunexcellentparti.OualorsVictor,quisetiendraitprêtde

moicommeungardeducorpsets’assureraitquepersonnenes’enailleencourant.

JemeretourneversDerek.

—Tuesvenuremuerlecouteaudanslaplaie?jegrogneengrattantrageusementmoncou

pourfairedisparaîtreladémangeaison.

—Houlà,Ashtyn!

—Quoi?

Ilalesyeuxrivéssurmapoitrine.

—Cow-boy,matêteestplushaut.Arrêtedematermesseins.

—Jenematepastesseins,sedéfend-ilenpointantundoigtsurmapoitrine.Tudoisfaire

unesortederéactionallergique.

J’examine mes bras. Ils sont chauds et en y regardant de plus près, je vois qu’ils sont

rougesetgonflés.Oh,non!

—Maisc’estvrai!

Laseule façonque je connaissede flirteravecDerek, c’estde lui rentrerdedansetde le

battreàsonproprejeu.Seulement,c’estpratiquementimpossiblelorsqu’onfaituneénorme

réactioncutanée.

J’inspectemesbras,ilsgrattent,ilsrougissent.Etmoncou...ondiraitquej’aiunecentaine

depetitespiqûresdemoustique.Lagorgecommencevraimentàmegratter.Unbruitindigne

d’unedemoisellesortdemaboucheàmesurequej’essaied’apaiserladouleur.

Derekal’airpaniqué.

—Sérieusement,tuarrivesàrespirer,ouj’appellelesurgencestoutdesuite?

—Bien sûrque j’arriveà respirer. Jenevaispasmourir,Derek. Ilme fautduBenadryl,

aprèsçaira.

Jem’appuiecontrelemuretmefrottelesépaulesdessus.

Derek me prend vite par la main et me tire jusqu’à sa grand-mère mais je trébuche

plusieursfois.Jen’aipasl’habitudedemarcheravecdestalonshauts.

—TuasduBenadryl?luidemande-t-il.Jecroisqu’elleestallergiqueàuningrédientdans

lapâtisseriequ’elleamangée.

—Allergiqueàlapâtisserie?

Jemegrattelesbraspouressayerd’arrêterlesdémangeaisons.

—Jesuisallergiqueaucolorantviolet.

—LetraiteurainscritunWsurlescookiesenviolet.C’estlacouleurdelanoblesse.

—Delanoblesse?s’exclameDerekensecouantlatête.Maisonn’enfaitpaspartie!

— Exactement. C’est pourquoi je lui ai demandé de changer cela en jaune à la dernière

minute.Ducoup,onamisunglaçagejaunepar-dessuslevioletpourlecacher.

Sagrand-mèreafficheunvisageinquietetindiqueviteàDerekoùtrouverlemédicament.

Etilmetireàtraverslafouletandisquej’essaiedenepasm’arracherlapeauducou.

Jetrébucheencore.

—Derek,ralentis.Jenepeuxpasmarcherviteavecdestalons.

Je couine de surprise lorsqu’il me soulève, un bras sousmes genoux et l’autre qui me

soutient le dos. Normalement je lui hurlerais de me reposer par terre mais je suis trop

angoisséeetmalàl’aisepourmemontrerforte.Jepassemesbrasautourdesoncouetme

serrecontrelui.Soudain,jesuisenveloppéeparsonparfumquejerespireprofondément.

—Tuasuneodeurd’homme,dis-jedanslecreuxdesoncou.

—Pastoi.Tuasunparfumdefleur.

—Ce doit être le savon que ta grand-mère amis dans la douche. Il était rose, avec des

petitsmorceauxdefleurdedans.J’avaisl’impressiondemelaveravecunbouquetderoses.

J’ignore comment il fait pour me porter tout en haut de l’escalier sans trébucher ni

s’arrêter.A-t-ilconsciencequetoutlemondenousregarde?Sic’estlecas,apparemmentça

neledérangepas.

Nousarrivonsdansl’immensechambreprincipale,dontilouvrelaported’uncoupdepied.

L’endroitestgigantesque,avecunpetitsalonàcôtédelachambreet,plusloin,unesallede

bains.Derekmereposedans la salledebainset fouille l’armoireàpharmaciede sagrand-

mère.

—Arrêtedetegratter,ordonne-t-ilenattrapantmamain.

IltrouveenfinlaboîtedeBenadryletmetenddeuxcomprimés.

—Tiens.

Jelesavaleavecunpeud’eaudurobinetetDerekcroiselesbras.

—Sitonétatnes’améliorepasd’iciunedemi-heure,jet’emmèneàl’hôpital.

—Çaira.

—C’estcequetum’asditl’autresoirsouslatente,ettuvoisoùnousensommes.Arrête

detegratter,Ashtyn.Tuvastefairedesmarquessurtoutlecorps.

Jefaisdemonmieuxpouroublierlesdémangeaisonsmaisc’estcommeignorerlegarçon

quiestenfacedemoi...c’estpratiquementimpossible.

J’ailesoufflecourtquandilprendmesmainsetmelestientderrièreledos.

—Arrête!Tuvasfinirparsaigner.

Il garde malgré tout une petite distance entre nous, pourquoi ? Est-ce que tous ses

sentimentssesontévaporésàlasecondeoùilm’adéposéeàElite?

J’ailesidéesembrouilléesetcetteallergien’aidepas.JesuiscenséeenvouloiràDerekde

m’avoirmenti sur sonpasséet, enmême temps, je comptebien le faire craquerpourmoi,

pourqu’ilseremetteàjoueraufootballaméricain.Jemetsdecôtémesvéritablessentiments

pourlemomentcarsijelesaffronte,jevaism’écrouler.

Je saisqueDerekm’appréciemais àquelpoint ? Il cherchedésespérémentà garder ses

distances. Ilneveutpasnonplusadmettreque cequi s’estpasséentrenousallait au-delà

d’unsimpleflirtetpourraitdonnerquelquechosedegrand,jelesais.

Jemedébatsmaisilnelâchepasprise.

—Çagratteencore.

Ilbaisseleregardversmoncouetmapoitrine.

—Soispatiente,letempsqueleBenadrylfassesoneffet.

—Jenesuispasquelqu’undepatient.

— Je sais, dit-il en me lâchant les mains. Tiens, laisse-moi t’aider. Tu as déjà fait

suffisamment de dégâts... tu as des traces sur tout le cou. On va croire que quelqu’un t’a

agressée.

—Laseulefaçondesoulagerunedémangeaison,c’estdegratter.

—Tuneréussirasqu’àirritertapeau.Situmeprometsderestertranquille, jeveuxbien

t’aider.

—Qu’est-cequetuveuxfaire?

—Gardelesbraslelongducorpsetfais-moiconfiance.Laconfiance.Encorecevilainmot.

—Fermelesyeux,m’ordonne-t-il.

—Non.

Jesoutienssonregardmaiscommeladémangeaisonempire,jefinisparcéderetattends

patiemmentsonremèdemiracle.

Jerespirebrusquementalorsqu’iltracesurmoncoudescercleslentsetréguliersdubout

desdoigts;mapeauchatouilleplusqu’ellenegrattefinalement.Jerenverselatêteenarrière

etgardelesyeuxclos,c’estunevraieréussite.

—Turessemblesàunchatcommeça,dit-ilàvoixbasse.

Ilparcourtmamâchoire,lecontourdemoncou,mapoitrine...passantdélicatementdans

lecreuxdemesseins,avantderemonter.Sesdoigtssontunecaresse.J’ensuistoutétourdie,

j’ailatêtequitourne.Alorsjem’accrocheàlui.

Le toucher sensuel de ses doigts provoque des petites décharges électriques dans mes

veines.

—Hum...

Sesdoigtss’aventurentsurmesépaulesavantderecommenceraudébut.

—Tuenprofitesbeaucouptrop,Sucred’orge.

—Tuasraisonalorscontinue,Cow-boy.Iléclated’unriregrave,chaleureux.

—Bien,m’dame!

Auboutd’unmoment, je sens ladouceurde sesdoigts remplacéepar ladouceurde ses

lèvreschaudes.Sonsouffleapaisemapeauàmesurequelesdémangeaisonss’estompent.

JesensunfeuliquidemeparcouriretjepresseDerekcontremoi.

—Qu’est-cequevousfaites,touslesdeux?résonnelavoixdesagrand-mèreàlaporte.

Je redresse la tête et perds l’équilibre mais il me rattrape solidement dans ses bras.

Comment va-t-on lui expliquer ? Cette dame n’est pas aveugle. Impossible de cacher les

lèvresdeDereksurmoncouetmonenviedelesentirplusprès.

—Jeluidonnaisuncoupdemain,lance-t-il.

—Hum, fait sa grand-mère, visiblement peu convaincue. Elle plisse les yeux et agite le

doigtànotreintention.

—Jenesuispasnéedeladernièrepluie.Jesaisquevousfaitesdesgalipettesensemble.

Viens,Derek.Un certain nombre d’invités s’apprêtent à partir. Tu es l’invité d’honneur, tu

doislessaluer.TufinirasdedonneruncoupdemainàAshtynplustard.

Derekinspectelesmarquessurmesbrasetmapoitrinepours’assurerqu’elless’envont.

—Tuveuxm’accompagnerenbasou tuattends ici?Lesdémangeaisonssesont toutde

même estompées. Je tressaille en me voyant dans le miroir. Ma peau est encore toute

gonflée.Cettenuitnes’estpasdérouléecommejel’espérais.J’étaisprêteàmesalir,maisje

n’imaginaispascelacommeça.

—Peut-êtrequejedevraissimplementretourneraudortoir.

—Non,turestesicicesoir.JetereconduiraichezElitedemainmatin.D’accord?

Je vais donc à la chambre que l’on m’a attribuée, tandis que Derek et sa grand-mère

passent l’heure suivante à dire au revoir aux invités. Mon maillot et mon short ont été

nettoyésetétendussurmonlit.Jerangelarobepuisenfilemonmaillotetmeglissesousla

couette.J’ail’impressiondedormirsurunmatelasenguimauvetellementilestconfortable.

Jem’enfoncedanscecoconetallumelatélévision.Lagrand-mèredeDerekestlapremièreà

frapperà laporte.Elleentredans lapièce, toujoursaussi élégante,mêmeaprèsunesoirée

passéeàdistraireunepetitecentained’invités.Pasunseulcheveunedépasse.

Jedoisavoirunemineaffreuse.

—Mercidem’avoirlaisséeempruntercetterobe.Elleestmagnifique.

—Nemeremerciepas.Ettupeuxlagarder.

—Jenepeuxpas.

—Biensûrquesi.Paslapeinederésisteràunevieillefemmebornéecommemoi,tune

gagneraspas.Commentvonttesdémangeaisons?

Ellesepencheenavantpourinspectermoncou.

—Bienmieux,jecrois.

Raviedevoirquemaréactionauglaçagevioletdisparaît,elles’assoitsurunechaiseàcôté

du lit. Elle pose lesmains sur ses genoux etme fixe de ses yeux si semblables à ceux de

Derek.

—Alors... jesaisqu’ilyaquelquechoseentremonpetit-filset toi.Pourrais-tum’endire

plus?

J’éteinslatélévisionetluiaccordetoutemonattention.

—Hum...àvraidire,jenesaispas.Peut-êtrefaudrait-ildemanderàDerek.

—C’estdéjàfait.

—Etqu’est-cequ’iladit?

—Monpetit-filsnesemontrepastrèscoopératiflorsqu’ils’agitdemefairepartdesavie,

Dieuduciel.

—Parcequetut’enserviraiscontremoi,répliqueDerekenentrant.

Il ne porte plus son costume,mais un jogging et un T-shirt. Il ressemble davantage au

Derekquejeconnais.Ilavanceaupieddulitetfaitungesteversmoncou.

—Çava?

—Mieux,dis-jeenlevantlatêtepourluimontrer,iln’yaplusquequelquesrougeurs.

—Bien.

Jemeperdsbeaucouptropfacilementdanssonregard;sesyeuxendisenttellementplus

quelesmots.

— Je dois aller parler au personnel etm’assurer que toute la nourriture a été emballée,

déclare sa grand-mère en se levantpourquitter lapièce.Laissez laporte ouverte.Une fois

qu’elleestpartie,Dereksoulèvelacouette.

—Décale-toi unpeu, que jem’asseye à côtéde toi. Jem’exécute.Çame fait dubiende

l’avoirauprèsdemoiàcet instant,maisnousavonsbeauêtreprochesphysiquement,dans

nosespritsnoussommesàdeskilomètresl’undel’autre.

Jerallumelatéléetessaiededétendrel’atmosphère:

—Ilfautquej’achèteunetélépourmachambre.C’estgénial,cetruc.

Nousnedisonsplusrienpendantunmoment.Nousregardonsunfilmmaisjenefaispas

attentionàl’action,tropconcentréesurDerekàcôtédemoi.

— Je n’ai rien fait avec la fille que tu as vue ce soir, dit-il enfin. Elle voulait que je

l’emmèneàl’étagemaisjenel’aipasfait.

—Pourquoi?

Pendantun longmoment, ilnerépondpas.Mais il finitparprendre la télécommandeet

coupelesondelatélé.Ilsepasseunemaindanslescheveux,jeretiensmarespiration.Ilse

tournealorsversmoi,sesyeuxtranspercentlesmiens,etilditfinalement:

—Pourtoi.

CHAPITRE47DEREK

La règle numéro un du football américain, c’est de ne pas révéler ses intentions à

l’adversaire.Etjeviensdedévoilerlesmiennes.Cen’estpasparcequ’ellenequitteplusmes

penséesquejesuisceluiquiarrangeratoutdanssavie.

—Jen’aipasenviedetefairedemal.

—Tousceuxquimesontchersmefontdumal,dit-elle.J’ail’habitude.

—Jenecomptaispasajoutermonnomàlaliste.

— Parce que tu n’as pas envie de t’attacher à quelqu’un qui pourrait avoir de vrais

sentimentspourtoi?

Ellem’adresseunpetitsourirefragile.

—Ecoute,ilm’estarrivédesmerdesdanslaviedontjen’arrivepasàmedébarrasser...du

moins,pasencore.

—J’enaiconnuaussi,Derek.Jepasseleplusclairdemontempsàencaisser.Jemebats

enpermanence,pourtout.Ettoi,tunetebatsjamaispourrien.Ondiraitquetucherchesàte

punirdequelquechose.

—Tuasraison.

Cette fille indépendante, qui joue au football et a la peau plus dure que la plupart des

garçonsque je connais,medonne enviede révélerdes chosesque jen’ai jamaispartagées

avecpersonneauparavant.Jeprendsuneprofondeinspirationetdéballecequejegardeau

fonddemoidepuissilongtemps:

— Le jour où ma mère est morte, après les cours, j’ai reçu l’appel d’une infirmière de

l’hôpital.Ellem’aditquemamèrem’avaitréclamétoutelajournée.

La tête en arrière, je tressaille ; la douleur est encore tellement forte, putain ! Je ferais

n’importequoipourremonterletempsetreprendrecettejournéeàzéro.

—Jesuisalléd’abordàl’entraînement.Ashtyn,j’aifaitpasserlefootballavantmamère...

je le faisais passer avant tout. Quand je suis enfin arrivé à l’hôpital, elle nous avait déjà

quittés.Deuxjoursplustard,onl’aenterrée.Jel’aiabandonnée.Jen’auraijamaisdeseconde

chance,jenepourraijamaismeracheterauprèsd’elle.Alorsj’aijurédeneplusjamaisjouer

aufootballaprèssamort.

—Cen’estpasdetafautesielleestmorte,Derek.Ashtynposeunemainsurmonbras,ses

doigtsfinsmeréchauffentetmeréconfortent.Depuislamortdemamère,jem’étaisditque,

si je ne m’attachais à rien ni à personne, je n’aurais plus à rien ressentir du tout. Ça

fonctionnait.Jusqu’àcequejerencontreAshtynParker.

—Toutirabien,unjour,m’assure-t-elle.

Elle s’enfoncedavantagesous lacouetteetpose la tête surundesénormescoussins,en

regardantdemoncôté.Elletendlamainetattrapelamienne.

—Tuesfatiguée.Tuveuxquejeparte?

—Non.

Ellefermelesyeux,maisnelâchepasmamain.

—Justepour info,murmure-t-elleens’endormantpeuàpeu, j’aivraimentétémauvaise

austagecettesemaine.Landonaconvainculesautresgarçonsdememettredesbâtonsdans

lesroues.Maisjerepensaistoujoursàcequetum’asdit.

—Qu’est-cequejet’aidit?

—Tupeuxlefaire.

Assisdans lesgradins, j’observeAshtynsur le terrainpendant lematchdevendredi.Elle

ne sedoutepasque je suis là et j’essaiedeme fairediscretpourqu’aucundesgarsneme

reconnaisse.Jeportedes lunettesnoiresetunecasquettedebase-ball,noyédans lamasse

desparentsetdesrecruteurs.

Elles’étiresurlatouche,onlavoittrèsconcentrée.Danslepremierquartdumatch,ellea

raté deux tirs. J’ai observé de près ceux qui lui tenaient le ballon. Ils l’ont fait pencher au

momentoù elle approchait, du coup elle l’a frappé sousunanglebizarre.Plusd’unparent

dans les gradins s’estmoquéd’elle tandis que les autres se sont plaints qu’il ne fallait pas

laisserjouerlesfilles.

Pluslesgarçonssabotentsonjeu,plusj’aienviededéboulersurleterrainpourqu’Ashtyn

puisse enfin prouver à tout lemonde qu’ellemérite d’être là.Mais ce n’est pas ce qu’elle

voudrait.Elleveutmenercecombattouteseule.

J’appuiemescoudes surmesgenoux,absorbépar lematch.Lesgars sedonnentà fond,

chacunessaiedesefaireremarquerpar lesrecruteurspostéssur lescôtés.McKnightest le

quarterbackdel’équiped’Ashtyn.C’estunjoueurtalentueux, jecomprendspourquoielle le

voulaitdanssonéquipe.Maisilalagrossetêteetnarguelesadversairesdèsqu’ilmarque,au

lieuderesterconcentré.

—Derek!Derek!résonneunevoixstridentedanslesgradins.

Oh,non!C’estpasvrai!

Ma grand-mère est en train de se faire remarquer par tout lemonde, avec son tailleur-

pantalonmauve et son ombrelle assortie, en agitant lamain commeune folle pour attirer

monattention.Jefaisminedel’ignorer,enespérantqu’elles’enaillesijeneluirépondspas.

Onpeuttoujoursrêver.Toutlemondelaregarde,danslesgradinsetsurleterrain.

—Quic’est,ça?demandequelqu’un.

—ElizabethWorthington,répondungars.LapropriétairedesindustriesWorthington,une

femme très influente. Son petit-fils s’est entraîné ici jusqu’à la mort de sa mère. Un

quarterback.

—Oh,c’esttroptriste.

Génial.Jesuis l’objetdescomméragesdesparents.Jemecrispe lorsquemagrand-mère

approcheenhurlant:

—Hou!Hou!Derek!

Tous les spectateurs, recruteurs compris, nous regardent bêtement et font des messes

basses.J’auraistoutaussibienpuveniriciavecuneenseignelumineuseDerekFitzpatrick.

Magrand-mèreneserendabsolumentpascompteduremue-ménagequ’elleestentrain

decauseralorsqu’elles’assoitàcôtédemoi.

— Je te prie dem’expliquer pourquoi j’ai dû apprendre de la bouche de Harold que tu

partaiscematin.

—Parcequejenevoulaispasquetuviennesicipourtedonnerenspectacle.

— Foutaise, rétorque-t-elle en étirant son cou pour sonder le terrain. Je ne vois pas

Ashtyndepuiscepoulailler.Oùest-elle?

—Surlatouche,àcôtédufiletlà-bas.Jetejure,situluifaiscoucou,tusors.

Ellegardesesmainsàleurplace.

—Trèsbien,trèsbien,nesoispassisusceptible.

—Pourquoicesoudainintérêtpourlefootball?Tun’esjamaisvenuemevoir lorsqueje

m’entraînaischezElite.

Ellesetournesursonsiègemaisgardelesyeuxsurleterrain.

—Ça,c’estcequetucrois.

—Jenet’yaijamaisvue.

Ellem’adressecettefoisunsouriremalin.

—Peut-êtrequejenesouhaitaispasêtrevue.

Puiselleseraclelagorgeetreportesonattentionsurlejeu.

—J’aicommisdeserreurspar lepasséque jenecomptepasrépéter.Tu feraisbiend’en

faireautant.

Deserreurs,j’enaidéjàfaitassez.

Après lapartie,nous sommescernésparune foulede recruteursquimebombardentde

questions.Moiquivoulais rester incognito... Je leur répèteque jen’aiaucune intentionde

rejoueraufootball,maiscertainsmetendentleurcarteetmedisentdelesappeler,sijamais

jechanged’avis.

Ma grand-mère annonce qu’elle va attendre Ashtyn à la sortie des vestiaires quand

soudain, j’aperçois McKnight qui marche vers le dortoir. Je vais à sa rencontre dans les

partiescommunes,prêtàluirentrerdedansàproposdesoncomportement.

—Putain!s’écrieJustinWade,unarrière.

Justinetmoiétionscolocatairespendantmatroisièmeannéeici.

—«LeFitz»enpersonne.Hé!Fitz,qu’est-cequetudeviens?

UnautrejoueurnomméDevonmetapedansledos.

—Eh,mongars,j’arrivepasàcroirequetusoisrevenu.Jetecroyaispartipourjouerdans

laNFL,moi.Quandj’aiapprisquetuavaisarrêté,j’étaischoqué!

—Monéquipes’estfaitavoirpendantlematch,enchaîneJustin.Onauraitbieneubesoin

detoi...

—Jenesuispaslàpourjouer.

—Attendsuneseconde,intervientLandon.C’esttoi,DerekFitzpatrick?

—Leseuletl’unique,mec,s’amuseJustin.

—Unelégendelocale,ajouteDevon.C’estdeluiquejeteparlais,l’autresoir.

—C’estpasvrai,j’ycroispas!

Landonsecouelatête,sedemandantsûrementcommentjepeuxêtreletypesurlesphotos

dumurdesMVPd’Elite.

—Qu’est-cequetufaislà?

—JegardeunœilsurAshtyn.

—Pourquoi,tuveuxlagarderpourtoi?Tuasenviedetelataperdepuislejouroùtul’as

rencontrée.

J’aialorsunpetitrirequirésonnedanstoutelapièce.

—Tusaisrien,McKnight.

—Jesaistout,mechuchote-t-ilàl’oreille.SijeluidisquejejoueraipourFremont,jepeux

larécupérerd’unclaquementdedoigts.

Jelepousse.

Ilmepousseàsontouretmebalanceuncoupdepoing.

Sentantmonsangbouillir, jefaispleuvoir lescoups.Luinemanquepasuneoccasionde

répliquer;onyvatouslesdeuxsansaucuneretenue.

Ungroupedemecstentedenousséparer,maisjerésisteetlesdégagevitefait.

Soudain,j’entendsAshtyncrier:

—Derek!

Jemetourne,découvresonvisagehorrifié,etmeprendsunepêcheenpleinemâchoire.Ça

faitmal!McKnightaquandmêmeunsacrécrochetdudroit.

Comme si la situationn’était pas déjà assez grave, les entraîneurs débarquent. Le coach

Smart,l’entraîneurenchef,responsableduprogrammeElite,s’interpose.

—Qu’est-cequisepasseici?

McKnightessuielesangaucoindesabouchedureversdelamain.

—Rien,coach.

—Onnediraitpas.Derek,qu’est-cequetufouslà?Tuesvenuchercherdesembrouillesà

mesjoueurs?

Sesjoueurs.J’enfaisaispartie,autrefois.

—Pardon,coach.

Il aboie des ordres à l’un de ses assistants pour qu’ils s’occupent de McKnight puis

m’attrapeparlecoletmetiredansuncouloirvide.Jemedisqu’ilvamedégagerdelàmais

au lieu de cela, ilme regarde droit dans les yeux comme il le faisait lorsque j’étais sur le

terrain.

—Tuétaisunmodèlepourlesautres,Derek...

Ilm’attrapelementon,quimefaitmal,pourexaminermesblessures.

—Qu’est-cequit’estarrivé?Jehausselesépaules.

—Oùesttonpère?

—Quelquepartaumilieudel’océan.

—J’aientendudireque tu t’étais faitvirerd’unétablissementenCalifornie.Tupréfères

t’attirerdesennuisplutôtquedejouersurunterrain?

Ashtyn apparaît à la porte, elle me scrute avec colère. Ma grand-mère et son ombrelle

dépassentderrièreelle.

—Tu saisque tudevrais continuer à jouer,n’est-cepas ?Tun’aspaspuoublier tout le

travailquetuasfourni.

—Jen’aipasoublié,coach.Jenejoueplus.Pointfinal.

—Tunepeuxpasmettreunpointfinalàquelquechosequin’ajamaiscommencé.

—Cetteconversationestterminée,coach.

JesuisvenuicimebattrepourAshtyn,paspourmoi.

—Pasencore.Tusaisque j’aiunepolitiquede tolérancezéroconcernant laviolence.Tu

peuxtebattresurtonpropreterrain,quandçat’arrange,maispaschezmoi.

—Jem’envais.

—Neparspas,s’exclamealorsMcKnight.Deboutdanslecouloir,entourédesaclique, il

lèveunemaindevantlui.

—Désolé,mec.Sansrancune.

Jesecouelatête,dépité,etluipassedevant.J’ouvrelaporteetsuissurlepointdepartir

quandj’entendslavoixdeMcKnight:

—Cen’estpasgrave,Derek.Onsaittousquetuaspeurdenepasêtredignedetonstatut

delégende.

—Monpetit-filsn’apaspeur,intervientmagrand-mèrequibranditsonombrelledanssa

direction.

Jefermelesyeux.Lorsquejelesouvreànouveau,jevoislecoachSmart.JevoisMcKnight

etsatribu,magrand-mère,etenfinAshtyn.Toussedemandentcequejevaisfaire.

Finalement,jefaiscequej’aitoujoursfaitdepuislamortdemamère.

Jem’envaissansunregardenarrière.

CHAPITRE48ASHTYN

Je ne peux pas le laisser partir comme ça.Mon père prend la fuite chaque fois que les

choses se compliquent. Je ne laisserai pasDerek s’en tirer aussi facilement : jeme plante

devantsavoitureetluibloquelepassage.

Ilabaissesavitreetcrie:

—Qu’est-cequetufous?

—Sorsdecettevoiture!

Ildescend,monsangnefaitqu’untouretjefondssurluiàgrandesenjambées.

—Tuastoutgâché!

Etjeluiplantemespoingsdanslapoitrine.

—Arrêtedecrier,dit-ilenregardantlesautresautourdenous.

—Non, je n’arrêterai pas de crier, j’en ai ras le bol ! Tu sais que jeme casse le cul ici,

Derek.Jemebatspourqu’onmetraitecommelesautres.Jemebatspourprouveràtoutle

mondequejeméritemaplace.

Je sens l’émotion monter et je me fous que tout le monde à cent mètres à la ronde

m’entende:

—JemebatsdepuislasecondeoùjesuisarrivéechezElite.Mets-toibiençadanslecrâne,

jen’aipasbesoinquetutebattespourmoi.Çamerendfaibleauxyeuxdesautres,c’esttout.

J’aibesoindemebattreseule,sinonçanesertàrien.Maismerde,Derek,quandest-cequetu

vasfinirpartebattrepourtoi?

—Çan’arriverapas.

J’avalelenœudquicoincedansmagorge.

—Mamèreestpartiequand j’avaisdixans.Ellen’enavait rienà foutredemoiet jevis

chaquejourenpensantàça.Tuasdelachance,toi,tusaisquetamèret’aimait.

—Delachance?fait-ilavecunrirebrefetcynique.Aumoinstamèreestenvie,elle,ettu

peuxluiparler.Tusaiscequejeferaispourreparleràmamère,neserait-cequ’uneminute?

Uneseulepetiteminute!Jemecouperaislebraspouruneminuteavecelle.

Ilesttempsdeluiposercertainesquestions,qu’ilcracheenfincequ’ilasurlecœur:

—Tudisquetuneveuxt’attacheràrienmais c’estcomplètementfaux.Qu’est-cequetu

attendsdelavie!Quelssonttesbuts?

—Jen’enaipas.

—Toutlemondeaunbut.

Ildétournelatêteparcequ’ilsaitque,s’ilmeregarde,jeleperceraiàjour.Desplaiesqui

devraientmaintenantêtreguériessontencoregrandesouvertes,àcausede lamontagnede

culpabilité qu’il se trimballe depuis lamort de samère. Il continue de se punir pour une

décisionqu’ilapriseilyatrèslongtemps.

Je sais qu’il veut se battre pour quelque chose... au fond de lui, il a un désir intense à

assouvir.Çalerongedel’intérieur,denepasécoutersesinstinctsetderesterlefantômede

celuiqu’ilpourraitêtre.

S’engager dans l’armée après le lycée, c’est lemoyen qu’il a trouvé pour entretenir son

espritdecompétition...ils’estbattupourmoiaudortoirmaismonconflitavecLandonn’est

pas son combat, c’est le mien. Quand Landon a traité Derek de lâche, la bataille ne me

concernaitplusetDerekafui.

Ilcroisealorslesbrassursapoitrine.

—Bougedelà,quejepuissem’enaller.

— Ecoute-moi, dis-je d’une voix plus douce, il nous arrive toutes sortes d’emmerdes,

Derek.Laviecontinue,qu’onleveuilleounon.Lesgensmeurent,qu’onleveuilleounon.Ne

t’inventepasd’excuse, commequoi tuasarrêté le football américainpour tamère.Elle t’a

donnélavie.Tucroisqu’elleaimeraitvoirtonespritmouriraveclesien?

—Nemêlepasmamèreàtoutça.

—Pourquoipas?Baisserlesbras,çanelaramènerapas.Tudisquetun’aspasdebut?

C’estdesconneries!Ilfautquetutedonneslesmoyensd’avancer,sansteretenir.Quandtu

teserasdécidé,dis-le-moi,parcequejeparieraismacouillegauchequetuasunbutmaisque

tunetel’avouespastoi-même.

Lecoindesaboucheserelèvelégèrement.

—Tun’aspasdecouillegauche,Ashtyn.

— Ouais, eh bien, tu agis comme si toi non plus tu n’en avais pas. Il faut que tu te

pardonnes.

Aprèsunlongsilence,ilditenfin:

—Jenepeuxpas.

Ilregardepar-dessusmonépauleetjefaisvolte-face.Sagrand-mèresetientàl’autrebout

du parking, faisant mine de ne pas écouter notre conversation. Quand je me retourne à

nouveau,Derekalamaindanslescheveux.

—Magrand-mèresouhaitequejeviennevivreavecelle.J’aidécidéquec’étaitsansdoute

lameilleurechoseàfairepournousdeux,sijerestaisauTexasetfinissaislelycéeici.Jevais

t’acheterunbilletd’avionpourChicagodimanche.

Unegrandetristessem’envahitlapoitrine.

—C’estvraimentcequetuveux?

—Oui,répond-il,stoïque,indifférent.C’estcequejeveux.

CHAPITRE49DEREK

Jeroulesansbut lerestede la journée, tâchantdemefaireà l’idéeque jevaisresterau

Texasetemménagerchezmagrand-mère.Quandjerentrefinalementchezelle,jelatrouve

assise,àm’attendre,surunpetitbancdansl’entrée.

—Oùétais-tu?

—Dehors.

Ellehochelatêtelentement.

—J’aidiscutéavecAshtynaprèstondépart.Elleestplutôtcontrariée.

—Ouais,ben,elles’enremettra.

—Jecroisquetun’espasraisonnable,fait-elleensoupirantlourdement.Ellem’aditque

tuemménageaisavecmoi?

—Ah,ouais.J’aioubliédetedire,j’emménage.Bravo,tuaseucequetuvoulais.

Jecommenceàmonterl’escalier.

—Jeneveuxquetonbonheur,Derek.C’estcequej’aitoujoursvoulu.

Ellehésiteavantdepoursuivre:

—C’estcequetamèrevoulait.

—Qu’est-cequetuensais?Ellen’estpluslàpourqu’onluiposelaquestion,n’est-cepas?

Ondemandeàmonpèrecequ’ilenpense?Ah,ouais,ilestpaslànonplus!

— Eh bien, peu importe qui est présent, tu dois rentrer à Chicago pour récupérer tes

affairessitudoisvenirhabiteravecmoi.

—Appelledesdéménageurs!

—Foutaise,dit-ellebiendroite,sonnoblenezenl’air.Toutestdéjàarrangépourquelejet

del’entreprisenousemmèneàChicago.

Jem’immobilise.

—Nous?Quiça,«nous»?

—Toi,Ashtyn...etmoi.Non,non!

—Désolédeteledire,Mémé,maisçavapassepassercommeça.

—Oh!quesi.J’aidonnémesinstructionsettoutestarrangé.HaroldirachercherAshtyn

dimanchechezEliteetnouslaretrouveronsàl’aéroport.

Lesbrascroisés,ellemelanceunregardsévèreetdéfiant.

—Çavasepassercommeça!

CHAPITRE50ASHTYN

Jesuisassisedevant lescoachsBennettetSmart,dimanchematin,pourmonévaluation

finale.Jemeretiensdemerongerlesonglesalorsqu’ilspassentenrevuemesstatistiqueset

performances de la semaine. Ils sont également censés me communiquer les avis des

recruteursprésentsauxmatchsamicaux.

—Celaaétéunplaisirdet’avoirenstagecettesemaine,commence lecoachBennett.Le

coachSmartetmoi-mêmesommesimpressionnéspartadéterminationettonénergie.

Maispasparmesprestations.Smartacquiescedesoncôté.

—Tueslapremièrefilleacceptéedansnotreprogramme,Ashtyn.Noussavionsqu’ilallait

yavoirdesobstacles,maistulesasaffrontéscommeilsedoit.Celademandeducourageet

j’admireçachezmesjoueurs.

LecoachSmartprendletempsdememontrermesstatistiques;j’entressaille.

—Tesrésultatsdelasemainenesontpasterribles,Ashtyn.Lesretoursdesrecruteurset

des entraîneurs ne correspondent probablement pas à ce que tu espérais mais le coach

Bennettt’aobtenuunentretienavecl’entraîneurdeNorthwesternlasemaineprochaine.Cela

negarantitrienmais,aumoins,quelqu’unaacceptédeterencontrer.

Je devrais être excitée et heureuse à la simple idée de pouvoir parler avec l’entraîneur

d’unedesdixmeilleures équipesdupays. Jene comprendspas cequine vapas chezmoi.

C’est comme si, depuis la secondeoùDerekm’a annoncéqu’il déménageait auTexas, tout

s’était...éteint.

— Peu importe ce que ça donnera, nous tous, chez Elite, sommes certains que tu

parviendrasàaccomplircequetuveux.

LecoachBennettmesouritchaleureusementetmetendlamain.

—Sois certaine que nous suivrons les statistiques de ton équipe cette saison et nous te

souhaitonslemeilleur.

Jeleurserrelamainàtouslesdeux.

—Mercibeaucouppourcetteopportunité.

Je rassemble ensuite mes affaires au dortoir et attends que la limousine vienne me

chercher. J’ai en effet revu un appel la nuit dernière : Mrs Worthington affrète le jet de

l’entreprise.

Je m’assois dans le petit avion à côté de Derek. Sa grand-mère a insisté pour nous

accompagner. Elle dit qu’elle souhaite aider son petit-fils avec les cartons. Il paraît qu’il a

protestémaiselles’enfiche.

Difficiled’ignorerlaprésencedeDerek.Quandnousarrivonsàlamaison,Juliancourtvers

luiavecungrandsourireetmasœurapportedescookiessurlesquelsestécrit«Bienvenue»

avec du glaçage jaune. Je ne peux pas en manger. Ils me rappellent trop la nuit dans la

maisondelagrand-mèredeDerek,quandcedernieraenfinvidésonsac.

—Jem’appelleBrandi.VousdevezêtreLiz!s’exclameBrandi.

MrsWorthingtonsecrispeenentendantmasœurl’appelerLizplutôtqu’ElizabethouMrs

WorthingtonmaisBrandineremarquerien.

—C’estsuperquevoussoyezvenuenousrendreunepetitevisite.Derek,c’estpasgénial

d’avoirtamamieàlamaison?

—Pasvraiment,non.

MrsWorthingtonletapeavecsonsacàmain.

—Mon petit-fils pèche par sonmanque demanières en société,mais je compte bien y

remédier.

—OùestPapa?jedemandepourchangerdesujet.

—Ilregardelatélé.Jefileleretrouver.

—Papa,onestrentrés!

Ilfaitunsignedetête,commesijerentraisdescourses.

—Lagrand-mèredeDerekestlàaussi.

Jel’incitealorsàseleveretàvenirlasaluer.Ilselève,discuteavecMrsWorthingtonun

courtinstantpuisretournes’asseoirdevantlatélévision.

—Iln’estpastrèssociable,murmure-t-elleeninspectantlerestedelamaison.

—Disonsquemonpèreestintroverti.

—Hum.

MrsWorthington prend une bouchée d’un des cookies faits par Brandi, qu’elle recrache

dansuneserviette.

—Machère,essayez-vousdenousempoisonneroujustedenouscasserlesdents?

Brandiéclatederire.

—J’avoue,jenesuispasunegrandecuisinière.

— Ça ne fait pas de doute, dit Elizabeth en lui caressant la joue. On va vous donner

quelquescoursdecuisine,machère.Avantquevousnetuiezmonpetit-fils.

Brandi rit, pensant sans doute que Mrs Worthington plaisante. Je crains qu’elle ne

plaisanteabsolumentpas,maisilvautpeut-êtremieuxquemasœurnesacherien.

Un aboiement grave résonnedans lamaison et Falkor se jette surmoi etme couvre de

baisersmouillés.

—EtvoiciFalkor.

—Pouah!Ashtyn,machérie,s’ilteplaît...quecetanimalcessedetelécherpartout.C’est

sipeuhygiénique.

Dereks’agenouilleetFalkorm’abandonnesansyréfléchiràdeuxfois.Monchienroulesur

ledosetDerekluifrotteleventreetluiraconteàquelpointilluiamanqué.

UnefoisMrsWorthingtoninstalléedansmachambre,nousretrouvonslesautresdansla

cuisineetDerekannoncelanouvelleàmasœuretàJulian:ildéménageauTexas.

Lesouriredemasœurdisparaît.

—Maistuesmonfrère!s’écrieJulian.JeneveuxpasquetuaillesauTexas.Parspas!

Brandial’airsouslechoc,ellealeregardvitreux.

—Julian,jesuissûrequeDerekabeaucoupréfléchiavantdeprendresadécision,dit-elle

d’unevoixtristeetmonotone.Ildoitfairecequ’iljugeêtrelemieux.

—Désolé,bonhomme.

IltendlamainversJulianmaismonneveul’éviteetcourtàl’étage.Avecuneminetriste,

Derekmontederrièrelui.

—Jevaisdécevoirmonmari,murmureBrandi.Jedéçoistoutlemonde.

Ellesembletotalementabattue.

—Cen’estpasvrai,jeprotesteenlaprenantdansmesbraspourlaréconforter.Tuesune

mère extra avec Julian, Brandi. Tu as dû te débrouiller seule et c’est devenu un enfant

intelligentetsensible.

Ellehausse les épaules et essuie les larmesqui coulent sur sonvisagepâle en formede

cœur.

—Tum’asdéjà fait comprendreque j’étaisune sœurpourrie.De toute évidence, je suis

aussiunehorriblebelle-mère.J’auraisdûresterenCalifornie.

—Non.

Jelaserrefortdansmesbrastandisquedeslarmescoulentsurmesjoues.Quandelleme

serreàsontour,jesanglotepourdebon.Derekemporteraunepartiedemoiavecluilorsqu’il

partira,etjenepensepaspouvoirsupporterlapeinetouteseule.Jesuisfatiguée,triste,jene

veuxplusêtreforte.

—J’aibesoinde toi,Brandi.J’aibesoindemagrandesœuret je suis très, trèsheureuse

quetusoislà.

—Çava,toi?demande-t-elleenmetenantàboutdebras,surprisequejepleureavecelle.

—Non.

Elleessuieleslarmesdemesjouesetmeregardeaveccompassion.

—C’estunehistoireentreDerekettoi,c’estça?J’acquiesce,incapabledeparler.

Elletientalorsmonvisagedanssesmains.

—Jesuislàpourtoi,petitesœur.Jesuisdésolée,j’ail’impressionquetoutestdemafaute.

— Qu’est-ce que c’est que ces larmes ? s’exclameMrsWorthington en nous rejoignant

danslacuisine.Jevousjure,j’ail’impressiond’êtredansunfunérariumtellementonpleure,

parici.Vousneconnaissezpasleremèdeuniversel?

—Lequel?demandeBrandi.

Jesèchemeslarmesetattendslaréponse.

—Uneséanceauspa.

Elleprendalorssontéléphoneetcomposeunnuméro:

—Harold,utilisezcetruc-là,Google,ettrouvez-moiunsparespectableàFremont,Illinois.

Prenezunrendez-vouspourtroispersonnespourunmassageetunsoinduvisagecesoir.

Elleraccrochepuisrappelleunesecondeaprès:

— J’ai bien réfléchi, prenez un rendez-vous pour quatre. Le père d’Ashtyn est plus

grincheuxquemoi,ilabesoind’aide.

— Liz, je ne crois pas que mon père nous suivra au spa, rétorque Brandi une fois la

conversationterminée.

—Ohquesi!répondlagrand-mèresanslamoindrehésitation.Personneneditnonàune

Worthington.Etsivousm’appelezLizencoreunefois,jevousarrachecesrajoutscriardsde

latête.

CHAPITRE51DEREK

Ashtynm’aditque j’avaisbesoind’unbut.J’enaienfin trouvéun,mêmesicen’estpas

tantunbutqu’unemission.J’aidécidédenettoyerlecabanonavantmondépart.Ilétaitsale

etlaisséàl’abandonavantquej’arriveici,maisjeluiairedonnévie.Jel’aidéjàrepeintetj’ai

réparédesplanchescasséesdutoitetdesmurs.Cematin,j’aidécidéderangerl’intérieur.Je

l’aientièrementvidé,puisjesuisalléàlaquincaillerieacheterdenouvellesétagèressolides

etdu contreplaquépour remplacer le vieuxplancher. J’aimême recouvert le vieuxplande

travailpourqu’onpuisseleréutiliser.

J’ai aperçu Ashtyn partir de la maison ce matin avec Victor, venu la chercher pour

l’entraînement.Elle nemeparle pas. Juliannonplus. Je lui ai dit que je lui rendrai visite

régulièrement,mais ils’enfiche.Ilm’ademandéde le laissertranquilleetdepuis, ilneme

regardeplus.Çafaitdeuxjours.

Jereculeetadmirel’avancéeduprojet.

—Pasmal,pouruneseulejournéedetravail.

Falkor, haletant, remue vigoureusement la queue à côté de moi. Il semble tout à fait

d’accord.

—DouxJésus,quefabriques-tudonc,Derek?criemagrand-mèredepuisleperron.

—J’arrangelecabanon.

—Engageplutôtquelqu’unpourfaireça.

—Pourquoiengagerquelqu’unalorsquejepeuxlefairemoi-même?

Ellepointesurmoiundoigtautoritaire.

— Parce que cela contribue à l’économie. Si tu engages quelqu’un, la personne a plus

d’argentpouracheter.C’estlabase,Derek.

Je reconnais volontiers la créativité de ma grand-mère. Elle croit véritablement aux

sottisesquisortentdesabouche.

—Ben,labase,pourmoi,c’estdelefairemoi-même.

—Bon,soupire-t-elle,alors...lave-toiensuite,pournepasavoirl’aird’unclochard.

Jericanealorsqu’elles’éloigne.Pourêtrehonnête,magrand-mèreestassezmarranteet

de tempsentemps,elle faitdeschosesquimerappellentmamère :sa façondedormirau

bord du lit, la manière dont elle se couvre la bouche quand elle rit. D’un autre côté,

lorsqu’ellesecomportecommeunebourge,ellepeutêtretrèsagaçanteetmefairehonte.Si

elleal’intentiondefairedemoisonclone,pendantlesneufmoisoùl’onvavivreensemble,

moij’ail’intentiondeladébarrasserdesoncôtésnob.C’estsûr,cen’estpasgagné.

Enfindejournée,magrand-mèreannoncequ’elle invitetoute lafamilleàdînerenville.

ElleadûréserverauPumpRoom,unendroitappréciédescélébritésàChicago.Aucoursdes

deuxderniersjours,Gusaapprisqu’ilvalaitmieuxobéirauxordresdemagrand-mèrequede

luirésister.Jecroisqu’ilavaitbesoindequelqu’uncommeelledepuisledébut,unefollequi

lefasseinteragiraveclafamilleplutôtquedelafuir.J’yseraisallévolontiersmaispourêtre

honnête,avoirAshtynenfacedemoitoutelasoiréeetsavoirquejelaquittedansquelques

joursnes’annonçaitpastrèsagréable.

Jesuisenfinparvenuàrangertoutlecabanonquandjem’aperçoissoudainqu’ilfaitnuit

dehors.Jeprendsunelampetorchedanslamaisonetinstallelesétagères,puisj’accrocheles

outilssurlemur.

—Arrêtezouj’appellelapolice!criederrièremoiunevoixdefillequejeconnaisbien.

Ashtynsetientdansl’encadrementdelaporte,avecsafameusefourcheenguised’arme.Il

faitsombremaislefaibleéclatdelalampesereflètesurlemétaldanssesmains.

Jeluifaisunpetitsourireetapprochedelafourchejusqu’àl’avoiràdeuxcentimètresde

montorse.

—Tun’aspasvraimentenviedemeplanter.

—Tuasraison,admet-elleenbaissantsonarme.

Jeluiôtelafourchedesmainsetlajettedecôté,aussiloinquepossibledemonpied.

—Qu’est-cequetuficheslà?Jecroyaisquetuétaisenvilleaveclesautres.

—J’aidécidéderester.

Sontonestséducteur,pasmoyendes’ytromper.

Elle avance.A la faible lumière, je remarquequ’elleporte sonmaillotdehockey, et rien

d’autre.Mesyeuxseposentsursoncorpsàmoitiécouvert,incapablesdes’endécoller.

Jedéglutis,bruyamment.Ilfaitsombreetlapiledelalampefaiblitrapidement.Quandj’ai

rencontréAshtyn, jenemedoutaispasdecequ’elleallaitdevenirpourmoi.Quandelleest

dans lesparages, j’aienviede larepousseret,enmêmetemps,de l’attireràmoi.Elleparle

commeunmecmaisalecorpsd’unange.Ellesaitquejem’envaismaiselleestlàavecmoi,

maintenant...

—Pourquoies-turestéeàlamaisoncesoir?

Lalampescintilleavantdes’éteindrecomplètement.Alorsellememurmureàl’oreille:

—Pourtoi.

CHAPITRE52ASHTYN

Jesuisrestéeassisesurmonlitpendantuneheureavantdetrouverlecouraged’allerau

cabanon,cesoir.Dereks’enva,jelesais,maisj’aienviequ’ilserappellelasensationd’être

avecquelqu’unqui l’aime inconditionnellement.J’essaiedemeconvaincrequ’il fautque je

soisheureusepuisquenousavonscettedernièrenuitensemble.Jamais jen’aurais imaginé

m’attacherautantàquelqu’un,surtoutensipeudetemps.Etpourtant...

Jen’ai jamais cru au coupde foudre, jusqu’àma rencontre avecDerek.Çame consume

entièrement,c’estdélicieux,merveilleuxetexcitant.Enmêmetemps,çamerendnerveuse,

émotive,etjedoutedemoi.L’amourexiste.Jesaisqu’ilexisteparcequejesuispleinement,

follement,désespérémentamoureuse.

Jepasselesbrasautourdesoncouetsenssesmainssurmataille.Ilm’attireàlui.Nous

nous embrassons et j’ouvre la bouche pour un baiser encore plus intime. Nos langues

s’entremêlent.

—Sil’oncommence,jenevaispasvouloirm’arrêter,dit-ild’unevoixrauque,profonde.

—Moinonplus.

Sansunmotdeplus,jefermelesyeuxpendantquesesdoigtss’accrochentàmonmaillot

puis lentement, subtilement, il fait glisser le vêtement surma peau sensible et le jette de

côté.

Il faitnoir.Onnepeutrienvoirmais jepeuxentendresarespirationetsentir letoucher

lentetsensueldesesmainssurmapeau.

Jepassemesdoigtssursesbicepsetparcoursleslignesdesesabdosetdesespectoraux

parfaitementdessinés.

—Jet’aimenti,j’avoueenbaissantlamainjusqu’àsaceinture.

—Hum...surquoi?

—Jet’aiditquejen’étaispastroublée,niimpressionnéepartoncorps.

Jel’embrassedanslecouetsonparfummusquéd’hommeenvahitmessens.Jeglissemes

lèvresplusbas,sursontorse,sesabdos,plusbas.

—J’aimenti.

Il jette latêteenarrièreetsamainpassedansmescheveuxpendantqueje luimontreà

quelpointj’appréciesoncorps.Ausonsaccadédesarespiration,jecomprendsqu’ilaimeça.

Beaucoup.

—Amoi-même,reprend-ilauboutd’unmoment,d’unevoixtendue.

Jepousseunpetitcridesurprisequandilmesoulèveetmereposesurlenouveauplande

travaildevantlui.

Ilm’embrassefougueusementetjemecolleàlui.J’aienviedeplus,enviedelui,envieque

cettenuit dure toujours.Nos corps sont couverts de sueur et noushaletons tous les deux,

nousnousbattonspourqueceladureplus longtemps,mais jesensquenoussommestous

lesdeuxsur lepointdecéder.Mesmainss’égarentsursoncorpsmagnifique tandisque je

goûtesaboucheetluilamienne.

Jem’allongesurledosetilrecouvremoncorpsaveclesien,avecdouceur,avecpassion.Je

senssonsoufflechaudsurmapeauglissante,toutmoncorpsestenalerte.

—Tun’aspasidéedel’effetqueçamefait.

—Ohsi,répond-ildesavoixrauqueenretirantlerestedesesvêtements.

Jel’entendsalorsdéchirerunemballagedepréservatifetmoncorpssefige.

—Tul’assortidetonportefeuille?

—Ouais.

—Jecroyaisquetunegardaispasdepréservatifdanstonportefeuille.

Ilricane,etjepeuximaginersonsourireespiègle.

—Dansuncompartimentsecret.

Puisjememetsauborddel’établietdeboutentremesjambes,ilenfilelepréservatif.Je

poselesmainssursontorse.

—Derek?

—Ouais?

Savoixs’étirealorsqu’ilseretient.Jesuiscontentequ’ilfassenoiretqu’ilnepuissepas

voirmonvisageàcetinstantprécis,rouge,troublé,nerveux.

—Jenesaispascequejesuisentraindefaire.

Ilmeprendlamainpourmemontrersondegréd’excitation.

—Ondiraitquesi.

—Nonmais,jeveuxdire,j’aifaitdeschosesavant...maispas...

—Quoi?Jenesavaispas!

Ilexpireungrandcoup,puisposesonfrontcontrelemien.

—Onn’estpasobligésdecontinuer,Ashtyn.Tapremièrefoisnedevraitpassefairedans

uncabanon.

—J’enaienvie,dis-jeenprenantsonvisageentremesmains.Jet’aime,Cow-boy.Etc’est

l’endroitparfait... l’endroitoùl’ons’estrencontrés.Riennepourraitêtremieuxqu’avectoi,

ici,maintenant.

Alors,nousfaisonsl’amour.Derekesttrèsdoux.

—Çava?Jenevoudraispastefairemal.

Jesuistellementsubmergéeparl’émotionquej’aidumalàréalisercequisepasse.C’est

commesij’étaisenpleinrêveetjen’avaispasenviedemeréveiller.Alorsdansunmurmure,

jeluiréponds:

—Net’inquiètepaspourmoi.

—Jem’inquiètetoujourspourtoi,Ashtyn.Jesaisquetuescapabledetedébrouillerseule

mais...

Ilpassesesmainssousmesfesses,m’incitantàserrermesjambesautourdesataillealors

qu’ilmesoulèvedel’établi.

—Maisparfois,c’estaussibiendelaisserquelqu’uns’occuperdetoi,Sucred’orge.

JefermelesyeuxetlaisseDerekprendreledessus.I l araison.Onnem’ajamaisautant

aiméeetprotégéedemavie. Il est sidouxetpatient, il saitexactementquoi faireet jeme

mets à crier subitement son nom et lui le mien. Je sais que ce rêve ne durera pas

éternellementmaisunepartiedemoivoudraittoujoursl’avoirdansmavie.

—Tuasprisunepartiedemoi,murmure-t-ilenmeserrantfortaprès.

—Bien.Etjenetelarendraijamais.

CHAPITRE53DEREK

Avant, je savais ce que je voulais et je fonçais pour l’obtenir. Quand j’étais plus jeune,

c’étaitlefootballaméricain.Jefaisaiscequ’ilfallaitpourêtrelemeilleur.

Le lendemain de la soirée passée avec Ashtyn dans le cabanon, je suis dans l’avion de

retourpourleTexas.Magrand-mèreestassiseenfacedemoiavecunvisageinexpressif.Je

saisqu’elles’estrapprochéedeBrandi,JulianetAshtyn.Jel’aimêmevuenourrirFalkoren

secret, sous la table, pensant que personne ne la verrait. A l’atterrissage, nous retrouvons

Harold.

—Avez-vouspasséunagréableséjour?demande-t-il.Magrand-mèreetmoiéchangeons

unregard.

—Le temps àChicago est affreusement chaud et humide, répond-elle d’un ton hautain.

MaisFremont estuneville charmante. Jeme suis faite auxhabitants, semble-t-il.N’est-ce

pas,Derek?

—Toutàfait.

Je rentre dans la maison de ma grand-mère et, soudain, rien ne va. L’endroit est trop

grand,tropvide.Lanuitvenue,jescrutelesmursblancsimmaculés;cen’estpasiciquej’ai

envied’être.

Avantleleverdusoleil,jedescendsl’escalieretm’étonnedetrouvermagrand-mèreassise

danslabibliothèquetouteseule.Elletientlalettredemamèreàlamain.

—Tunedorspas?

Ellesecouelatêteetreposelalettre.

—Cen’estpasfauted’avoiressayé.Ettoi,Derek?

—Moinonplus,dis-jeenm’asseyantàcôtéd’elle.Mamantemanque?

—Oui,beaucoup.

—Moiaussi.

Je regarde ma grand-mère et, pour la première fois depuis la mort de ma mère, je

comprends ce que je veux. Je veux être là pour Julian et Brandi, la famille que j’ignorais

vouloir.Jeveuxêtreprochedemagrand-mère,mêmesiellealedondemerendredingue.Je

veuxmontreràAshtyncequ’estunamourinconditionnel...parcequec’estlaseulefilleavec

laquellej’aienvied’êtreetjeneveuxplusjamaisqu’ellesesenteseule.

Jeveuxmebattrepourelle,etfoncer.

Çafaitlongtempsquejen’aipasprisd’initiative,maisjesenstoutemonénergierevenir.

Jesuisexcité,lesangcouledansmesveinesalorsquejeréfléchisàcequejedoisfaire.Cene

serapasfacile,loindelà.Maisjesuisprêtàreleverledéfi.

—Mémé?

—Oui,Derek?Net’ai-jepasdéjàditquejedétestequandtum’appellescommeça?

—C’estaffectueux,c’est lesignequejet’aime, je luirétorquetandisqu’ellem’envoieun

petitcoupdecoudedanslescôtes.JeveuxrentreràChicago,etj’aienviequetuviennesavec

moi.

—Jesuistexane,Derek.

—Moiaussi.Maispeut-êtrequ’onpourraitêtredesTexansquis’aventurentailleurs?

Elleyréfléchituneminute,etfinalementacquiesce.

—Oui.Oui,jepensequenouspouvonsfaireunessai.JevaisdemanderàHarolddenous

trouver unemaison décente qui ne soit pas trop loin de chez Brandi et Ashtyn. Bien sûr,

Haroldetlepersonneldevrontdéménageravecnous...etjedevrairevenirrégulièrementafin

de superviser le travail des industries Worthington. Tu sais que tu es l’héritier de notre

entreprise,n’est-cepas?

—Tumelerappellessanscesse.

—Bien.

Ilnes’agitplusseulementderéparermeserreurspassées.Ils’agitd’apporterunsensàma

vie,quelquechosequimanquaitjusqu’àprésent.Ashtynsavaitqu’aufonddemoi,jevoulais

encoremebattre...etellem’aaidéàcomprendrequej’avaisdesobjectifsetdesrêves,comme

elle.

Magrand-mèreestplusqueraviedem’aideràallerdel’avant.Quelquescoupsdefilàdes

universités et à des entraîneurs pour lesquels j’ai déjà joué, quelques pistons que seul un

héritier des industriesWorthington peut se permettre. Je prends un vol pour Chicago au

momentoùAshtynpassesonentretienavecl’universitéNorthwestern.Jesaisqu’ellenesera

pasàl’entraînement.Dèsquej’atterris,jefileaulycéeFremont.

J’avance sur le terrain et suis enveloppé par l’odeur familière de l’herbe fraîchement

coupée.L’entraîneurestenpleineconversationavecsesassistants.Jetrottinejusqu’àeux.

—CoachDieter!

L’entraîneurseretourneetmejetteunregarddesesyeuxbleusperçants.

—Oui?

Jedéglutis.Soudain,jemesensnerveux.Commentpuis-jestresserautantenm’adressant

simplementàl’entraîneurdel’équiped’unepetiteville?Probablementparcequelemoment

décisifestenfinarrivé.

—JesuisnouveauàFremont.Jecommenceraiiciàl’automneet...

—Fiston,j’aipastoutelajournée,vadroitaubut.

—Jeveuxjouer,commequarterback.Ilsemetàrire.

—Écoutez,jesaisquevousavezperduMcKnightetquesonremplaçantn’estpasvraiment

àlahauteur.

Jenepeuxpasmepermettredemontrerlamoindrefaille,seulementmonassuranceetma

détermination:

—JeseraimeilleurqueleMcKnightdesgrandsjours.LecoachDieterlèveunsourcil:

—Salepetitprétentieux!Commenttut’appelles?

— Derek, dis-je, la main tendue. Derek Fitzpatrick. L’entraîneurme serre la main. Une

prisevirile,forte,dugenreàtesterlaforcedel’autre.

—Oùest-cequetuasjoué?

— D’abord en Alabama, puis au lycée Sierra en Californie. Arrivé notamment en

championnatd’État...

—Tuentresenquelleclasse?

—Terminale.

Ilappellealorsundesesassistants.

— Derek Fitzpatrick, je te présente le coach Heilmann, il coordonne la défense. Coach

Heilmann,Derekiciprésentpensequ’ilferaunmeilleurquarterbackqueMcKnight.

L’entraîneurdeladéfensericaneunpeupuishausselesépaules.

—Etpourquoipas?Qu’ilessaie,Bill.Aupointoùonenest.

Puisilnouslaisse.

Dietertapotesonporte-blocavecsonstylo.

—Cequipourraitm’énerver,c’estqu’unpetitvantardégocentriquemefasseperdremon

temps.Suis-moi,ordonne-t-ilsansmelaisserletempsdeluiparlerdemesstatistiques.Onva

temettreentenueetvoircequetuasdansleventre.

Jelesuisdanslesvestiairesoùlerestedel’équipeseprépare.Ilmefaitsigned’attendre

hors de la pièce des équipements le temps qu’il attrape des épaulettes et un casque. Je

m’assoissurunbancetobservemesfuturscoéquipiers.

J’aperçois Victor. Dès qu’il me voit, il bondit enme regardant droit dans les yeux avec

haine.

—Dégage,Fitzpatrick.Tucroisque tupeux fairedumalàAshtynpuis changerd’aviset

revenir pour l’utiliser encore une fois ? Tu te goures, mec. Je ne te fais pas confiance,

personnedansl’équipenetefaitconfiance,alorsretourned’oùtuviens.

—Jen’irainullepart.

—Ahouais?Situveuxt’enprendreàAshtyn,tudevrasd’abordpasserparchacund’entre

nous.

—Pasdesouci.

Peuimporte,jeneferaipasmarchearrière.Ilmebouscule.Jelebousculeàmontour.On

estsurlepointd’yallerfrancoquandDieterdonneuncoupdesifflet.Toutlemondes’arrête

et soudain les vestiaires deviennent complètement silencieux. Tous les yeux sont rivés sur

moi.Évidemment,siVictormeconsidèrecomme l’ennemi, ilsmeconsidèrent touscomme

l’ennemi.

—Toutlemondesurleterrain!hurleDieter.Leschosesnevontpasêtrefaciles.

Jetfaittombermoncasquedubanc.

—Net’attendspasàcequel’undenoustelèchelespompesparcequet’escenséêtreun

prodige.OnatousvuAshtynpleurerpendantdesjoursaprèstondépart.C’étaitflippant,elle

n’ajamaisétédanscetétat.Sit’asenviedemourir,t’esaubonendroit.

J’enfilematenueetcourssurleterrain.Victors’avancesansattendreversDieter.

—Coach, on veut queButter soit notre quarterback. L’entraîneur ne lèvemême pas les

yeuxdesafeuille.

—Moi,jeneveuxqu’unechose:quevousgagniezcettesaison!Crois-enmonexpérience,

rien ne vaut un bon coup dans la fourmilière pour renforcer une équipe. Un nouveau

quarterbackpourraitpeut-êtrevousdonnerlarage.

Victors’énerveetsesdoigtssecrispentsurlagrilleenmétaldesoncasque.

—Coach...

—Salazar,arrêtedepleurnicher.Maintenant,bougetesfessesetvat’échauffer!Toiaussi,

Fitzpatrick.

Victorsetourneversl’autreboutduterrainoùlerestedel’équipesautesurplace.Quand

jeluipassedevant,Dieterm’attrapeparlecoude.

—Ilnevapasterendrelaviefacile.

—Jen’aipasl’habitudequ’onmerendeleschosesfaciles.

Jeferaismieuxdemeconcentrersurlejeu,etpassurlafillequiaenvahimespenséeset

mavie.

Pendant l’entraînement, onm’ordonne de suivre le quarterback actuel, Brandon Butter.

Aprèsunpremiertour,Dieterlefaitvenirentoucheetmedemanded’imitercequ’ilvientde

faire. Je fais une passe classique à TreyMatthews, qui lâche le ballon à la seconde où ses

mainsentrentaucontactducuir.

—Qu’est-cequetufous?dis-jeàTreyquandillelâchelasecondefois.C’estunepassede

base.

Ilcommenceàs’éloigner.

—Pourunprodige,t’espasdoué,marmonne-t-il.

—Jet’emmerde.Jesuisdoué.

Jetnonplusnem’aidepas. Il s’efforcede récupérer lesballonsdeButter à chaque fois,

même lorsque les trajectoires sontmauvaises,mais il courtpratiquementdans ladirection

opposéedemeslancersdèsqueleballondécolledemamain.

Lesjoueurssurlaligned’attaquelaissentuntroubéantpourqueVictorpuissemefoncer

dessus.Ilnes’enprivejamais.

—Mec,t’esvraimentnul!lanceVictorquandonseremetenposition.

Ilricane,raviqu’onm’empêchedemontrerdequoijesuiscapable.

—Jeneseraispassinulsitescoéquipiersfaisaientleurboulot.

Alors que j’ai le ballon dans les mains, je cherche Jet du regard mais je me fais

immédiatementplaquerparVictor.Personnesurlaligned’attaquen’estlàpourmecouvrir.

—Ça,c’étaitpourAshtyn,déclare-t-ilenmejetantausol.

Il tendalors lamainpourm’aideràmerelevermais jene l’acceptepas.Plusénervéque

jamais,jemelèveetlepousseungrandcoup.Avecsacarrure,jenedevraispasêtresurpris

quesespiedsrestentvissésausol.

—Tumecherches?

Jets’interpose.Ilm’attrapeparlemaillotetmeprévientdemetenirloindeVie.Troptard,

lemalestfait.

—Montre-moicequetuasdansleventre,Salazar.Jemeprépareetcontrôlemoncentre

degravité alorsqu’il essaiedemeprojeter au sol.Ha !Cegrosbalaisepensaitpouvoirme

mettre par terre sans effort, mais je suis borné, l’adrénaline court dans mon corps, et je

refusedeperdre.Furieux,ilretiresoncasqueetcollesonvisagecontrelemien.Dieterdonne

un coup de sifflet. Je crois qu’il s’époumone depuis qu’on m’est rentré dedans, mais je

l’ignore,commetouslesautresd’ailleurs.

— Tu ne peux pas débarquer ici, claquer des doigts et croire qu’on va te servir, lance

Salazar.

J’enlèvemoiaussimoncasque.

—J’aijouéavecdescollégiensmeilleursquevous.

IlsejettesurmoisouslenouveaucoupdesiffletdeDieter.Cen’estpasfaciledesebattre

entenue.Onrouleausolenessayantchacundeprendreledessus.

—Arrêtezça!hurleDieter.

Lesautresnoustirentpournousséparer.

—Fitzpatrick,surlebanc!

C’estquoicebordel?C’estmoiquisors?Merde!

—Coach,vousrigolez.Cen’étaitpasma...

Ilpointeledoigtverslebancsansmelaisserfinir.

—Quejen’aiepasàmerépéter.

Cetteéquipe...cesconnards...brisenttoutesmeschances.Jem’assois,bouillantderage;

lesautressoutiennentButteràdeuxcentspourcentalorsqu’ilestnaze.

—Fitzpatrick,amènetesfessesparici!criesoudainDieterdel’autrecôtéduterrain.Les

autres,faitesuntourdeterrainavantdepartir.

Jeramassemoncasqueetmarchejusqu’àlui.Jenepeuxpasrestercalme.

—Jenesuispasvenupourêtresurlatouche.

—Ecoute,Derek,malgrécequis’estpassésurleterrain,jenepeuxpasnierquetuasdes

capacités.

—Sil’équipemesoutenait...

—Oublieça,dit-ilenenlevantsacasquette.J’auraisbeaum’égosilleràleurdire,pourune

raison ou une autre, mes gars ne te font pas confiance. Ils prendraient des coups pour

protégerButter.Ilfautquetugagnesleurrespectetleurfidélité.Quandtuyserasparvenu,

onauraunebonnechancedevictoirecetteannée.Toutdépenddetoi.Tuesprêtàreleverle

défi?

—Oui,coach.

—Bien.Alorsmaintenant,onlimitelesdégâtsetvousréglezlesproblèmesquevousavez

endehorsduterrain.Puistureviensicipourl’entraînement,lundimatin.

Surleparking,Salazarestsurlepointdegrimpersursamoto.Ilsecrispeenm’apercevant.

—J’essaiederécupérerAshtyn.

—Bonnechance,répond-ilenhochantlatête.Tutefaisdesillusions.

—Ecoute,Salazar...

Ilesttempsdetoutdéballer,jen’auraipeut-êtrepasdesecondechance.

—Jel’aime,dis-jeenouvrantgrandslesbras.D’aprèstoi,pourquoijefaistoutça?C’est

pourelle,pournous,pourmoi.Jesaispas,tuaspeut-êtreraison,jesuisleplusgrosenfoiré

delaplanète.Maistusaismieuxquequiconquecequ’elleressentpourmoi.Mêmesijen’ai

qu’unechanceminusculedelarécupérer...ilfautquejetentelecoup.Jenet’enveuxpasde

vouloirme casser la gueule.Mais, Salazar, elle veut gagner avec son équipe. J’ai envie de

l’aider.Toi,aide-moi.

Ilbaisselatêteetsoupire.

— Tu lui as fait mal, Fitzpatrick. Elle pleurait dans mes bras comme un bébé. Elle est

commeunesœurpourmoietjenetelaisseraipasluifairedemalànouveau.

—Jen’enaipasl’intention.Çametuedetedemanderça,maisj’aibesoindetonaide.

—Qu’est-cequejepeuxfaire?

—J’aibesoindesvidéosdetouslesmatchsdisputésparFremontcesdernièresannées.

—Detouslesmatchs?

Victor fronce les sourcils comme il l’a fait la première fois que l’on s’est vus, comme si

j’étaisunennemidansl’équipeadverse.

—Est-cequejepeuxtefaireconfiance?Jelefixealorsdroitdanslesyeux.

—Non.Maisj’aimeraisvraimentquetulefasses.

CHAPITRE54ASHTYN

Je prends une profonde inspiration en m’asseyant en face des entraîneurs de

Northwestern.C’estunegrandeuniversitéduMidwest,avecl’undesmeilleursprogrammes

defootballaméricain.L’endroitestunique,surlesbordsdulacMichigan.Commej’aimerais

queDereksoitlàpourmedire:«Tupeuxlefaire»...

Derek.J’aibeaum’employeràenfouirsonsouveniraufonddemamémoire,jen’yarrive

pas. Il faitpartiedemoi,qu’il ressente lamêmechoseounon.Quand je ferme lesyeuxet

repenseàsafaçondemetoucherdélicatementlevisage,depassersamaindansmescheveux

oujustedemeprendredanssesbrasparcequ’ilsaitquej’enaibesoin, jemesenssereine,

commejenel’avaisplusétédepuisledépartdemamère.

J’aienvied’allerauTexasetdeluidireàquelpointjeveuxqu’ilmechoisisse.Maissijele

faisais, je ne le laisserais pas choisir sa propre voie. Je refuse de le forcer oude l’inciter à

resteràmescôtés.Detouteévidence,iln’estpasprêtàs’engager,dumoinsavecmoi.Jene

souhaite que son bonheur. S’il est heureux sans moi là-bas, je dois trouver le moyen de

l’accepter.

Dequiest-cequejememoque?Jenel’accepteraijamaisetilmemanqueterriblement!

C’estmonmeilleurami,celuiquim’aapprisquejevalaislapeined’êtreaimée.Ilaréussià

mefairecomprendrequec’étaitmamèrequiperdaitdesmomentsprécieux.

Pourlapremièrefoisdemavie,j’ycroisvraiment.

—Sinoussommesimpressionnésparvosperformancesdel’annéedernièreetavonsreçu

une impressionnante lettre de recommandation des coachs Bennett et Dieter, nous ne

sommespasdisposésàvousoffrirunequelconqueaideoubourse,m’expliqueunentraîneur.

Nousavonsbeaucoupde candidaturesdekickers,Ashtyn.Vousnous intéressezmais,pour

être honnête, il y a un certain nombre de joueurs plus expérimentés, et nous devons être

réalistes. Toutefois, nous vous remercions pour votre temps et l’intérêt que vous portez à

Northwestern. C’est une école de qualité et nous aimerions vous compter parmi nos

étudiants.

Je hoche la tête, les remercie dem’avoir consacré du temps, et voilà que l’entretien est

terminé.Çan’aduréquequelquesminutes.Dansl’ascenseur,uneprofondetristesseenvahit

mapoitrinequandjeréalisequ’uneportevientdesefermer.

Ilsnemetrouventpassuffisammentbonne.

Quand l’ascenseur s’ouvre à nouveau, j’entends la voix autoritaire d’une vieille dame

acariâtrequejeconnaisbien:

—Jevousdisquejen’aipasbesoinderendez-vousavecl’entraîneur!J’aibesoindelevoir

immédiatement.

Lagrand-mèredeDerekbranditsonombrellecommeuneépéedevantlevisageduportier.

Ellesembleprêteàledécouperenmorceauxsiellen’obtientpasgaindecause.

—Madame,j’ail’ordredenelaisserpersonneprendrel’ascenseursansrendez-vous.

— Sacripant, vous n’avez aucun respect pour l’autorité, aboie Elizabeth Worthington,

furieuseetincontrôlable.Maintenantlaissez-moipasser,quejevoiemon...

Elleabaissesonombrelleetseraclelagorgedèsqu’ellemevoit.

—Bonjour,Ashtyn.

C’estextrêmementréconfortantdeseretrouverdanslamêmepiècequecettevieilledame,

mêmesielleestentraindemenacerquelqu’un.

—MadameWorthington,qu’est-cequevousfaiteslà?

—Cemauditportierm’amisedanstousmesétats.Ellesoupireet fouilledanssonsacà

mainpenduàsonavant-bras,pourensortirunmouchoiravecdesinitiales.Elleépongealors

unesueurinvisibledesonfront.

Elleévitemaquestion,maisiln’yapasmoyenquejelalaisses’entirercommeça:

—JecroyaisquevousétiezretournéeauTexas.Qu’est-cequevousfaiteslà?

Elleremetsonmouchoirdanssonsacetentireunpropre.

—Voilà,machère,uneexcellentequestion.

Elleseracleunenouvellefoislagorgeavantdepoursuivre:

—Jevaisêtrehonnête,Ashtyn,j’aiapprisquetuétaisicietjesuisrevenuepourêtreàtes

côtés.Mavoiturenousattenddehorspourteraccompagnercheztoi.

Pourmoi?

Elleestvenuepourmoi?

Personnenerevientjamaispourmoi.Onpart,commemasœur,mamère,Landon...même

Derek, la personne qui comptait le plus. Mais cette vieille dame à l’humeur terrible est

revenuepourmoi.

—Nemeregardepasdecettefaçon.

—Merci,dis-jed’unevoixtremblante.

MrsWorthingtonm’attireverselle.Elledéplie sonmouchoirpropreet semetàessuyer

meslarmes.

—Tavieestsensdessusdessouset...Disonsquelàtuvasdanslemur,tuasbesoind’aide.

Jesuislaseuleenmesuredefairedetoiunedemoiselledignedecenom.

J’arrête samain tremblantealorsqu’elle essuie lesnouvelles larmesqui coulentdemes

yeux.

—Moiaussi,jevousaime.

Soudainsesyeuxdeviennenthumidesàleurtour,maisellesereprend.

—Cessedepleurer,c’estbientôtmoiquivaisêtresensdessusdessous,etçanemeplaît

pas.

—Jesuisdésoléedevousavoirtraitéedesnob.

—Tunem’aspastraitéedesnob.

—Jel’aipensé.

Ellesepinceleslèvresettapesonombrellesurlesolcommeunecanne.

—Ehbien...envérité,jesuispeut-êtresnob,oui.Maintenant,rentronsàlamaison.

Une limousine l’attenddehors... nous attend. Jem’assois en faced’elle et remarque son

sourire,lesouriremalindeDerek.

Le soir venu, Brandi etMrsWorthington sortent dîner ensemble tandis que je surveille

Julian. Je lemets au lit et vais dansma chambre pour téléphoner à Victor. J’ai besoin de

parler de l’entretien à Northwestern. Julian entre alors dans son petit pyjama avec des

personnagesdedessinsanimés.

—Jen’arrivepasàdormir,dit-iltimidementprèsdemonlit.

Jeraccrocheetregardemonneveu.

—Tuveuxdormirdansmonlit?Ilmefaitouidelatête.

Jesoulèvelacouetteetilgrimpededans.Ilpasseunbrasautourdemoitoutensuçantson

poucedel’autremain.

—Jet’aime,Julian.

Etjel’embrassesurlesommetducrâne.Ilsortsonpoucedesaboucheetmeregardeavec

desyeuxadorables.

—Jet’aimeaussi,TatieAshtyn.

CHAPITRE55DEREK

Jen’ai jamais stressé avant unmatch. J’étais calme et je parvenais à repousser tous les

doutesquejepouvaisavoir.J’arrivaisàmeconcentrerpleinementsurlejeu.J’étaistoujours

sûretcertaindegagner,etçasevérifiaitàchaquefois.

Jen’aijamaiscrupossibledeperdre.Maisàcetinstantprécis,alorsquejemarcheversla

maisonetaperçoislecabanonàl’arrière,jemedisqueleschancessontcontremoi.L’attente

mefaittranspirer.Etsijefinissaisparperdre?J’aibeaumerépéterd’ycroire,jedoute.

Toutestprêtsaufunechose.

Jesonneàlaportemaispersonnenerépond,ducoupjemepermetsd’entrer.Gus,assis

sur son grand siège en cuir, regarde la télévision. Je m’assois sur le canapé, prends la

télécommandeetéteins.

Gussetourned’uncoupversmoi.

—Qu’est-cequetufiches?JecroyaisquetuavaisdéménagéauTexascheztagrand-mère,

lacheftaine.

—Ilfautquejevousparle,Gus.C’estimportant.

Jereposelatélécommandesurlatable.Ilseredressesursonfauteuiletgardelesmains

surleventre.Puisilregardesamontre.

—Qu’est-cequetuveux,Derek?Tuastroisminuteschrono.

Longtemps, je me suis fichu de ce que les gens pensaient. Maintenant, tout a son

importance. Même si Ashtyn n’a pas besoin de l’approbation de son père, il le faut.

Probablementplusqu’ellenesouhaitel’admettre.

Jem’essuielefrontetprendsuneprofondeinspiration.J’airépétécequej’allaisdiremais

j’aioubliémondiscours.Jeregardelepèred’Ashtyn,toujourssombre,etmeraclelagorge.

—Monsieur,j’aidessentimentspourAshtyn.Illèveunsourcil.

—Depuisquand?

—Depuisunmomentdéjà.Ilmejetteunregardglacial.

—Ettuveuxmonconsentement?

—Oui,monsieur.Nonpasquej’enaiebesoin,maiscelameferaitplaisir,oui.

Ilmesondedehautenbasets’enfoncedanssonfauteuilensoupirant.

—Jen’aipasfaitcequ’ilfallaitavecelle.Sisamèreétaitlà,Brandineseraitpaspartieet

Ashtyn n’aurait pas joué au football. Je me suis dit que, si je n’en parlais pas trop, elle

décideraitd’arrêter.Jemesuistrompé.

—Vousaveztoujourslapossibilitédevousrachetez,Gus.Elleabesoindevous.C’estune

filleforteetindépendantequisebatpoursesconvictions,maisceseracarrémentplussimple

pour elle si vous êtes là pour l’encourager. Si vous la regardiez, vous verriez que c’est une

grandejoueuse.Jel’aime,monsieur,plusquetout.Etjeseraiàsescôtés,avecousansvous.

Gushoche la tête. Je crois qu’il vient demedonner son avalmais je ne suis pas sûr. Il

faudras’encontenter.

JeretournechezVictorpourmechanger.L’heureestarrivée.C’estlequatrièmeetdernier

quartdujeu...lematchdemavie.

CHAPITRE56ASHTYN

Jen’ai jamaisvuquelqu’unmangeraussi lentementqueMrsWorthington.Ellea insisté

pourqu’ondéjeuneaurestaurantdegrilladeenfaceduMilleniumPark.Cettefemmeprend

unebouchéedesonburgeretmâchejusqu’àcequesanourritureseliquéfiecomplètement

avant de prendre une nouvelle bouchée. Elle regarde samontre toutes les deux secondes,

comme si elle se chronométrait. J’ai juste enviede rentrer à lamaison, fermer les yeux et

imaginerleretourdeDerek.C’estinutile,jesais.

— Bon, j’ai décidé de louer une maison dans ta drôle de petite ville, annonce Mrs

Worthingtonavantdeprendreuneautrebouchée.

Hein,commentça?

—VousvousinstallezàFremont?

— Je t’ai dit que tu avais besoin de moi. Tu fais désormais partie de ma famille. Et,

contrairementà ceque tout lemondepense, jeprends soindema famille.Ne te vexepas,

maistasœurestfofolleettonpèreauraitbesoinqu’onlesecoueunebonnefoispourtoutes.

Situveuxmonavis,leTexasdoitvousvenirenaide.

Cettevieilledamevientvivreavecnous,pourgarderunœilsurnous,ets’assurerquetout

vabien.Lasimpleidéememetlalarmeàl’œil.

—EtDerekalors?

Ellelèvesesyeuxbleusetvifsauciel,àlaDerek.

—Monpetit-filsestunélectronlibre.Jen’arrivepasà lesuivre.Unjour ildéménageau

Texas, le lendemain il rentre enCalifornie.Pour autant que je sache, il pourrait tout aussi

bienfiniràChicago.

J’évite de répliquer que cela n’arrivera pas. Çame fait affreusementmal de l’admettre,

maisDerekaprisladécisiondepartiretilnereviendrapas.J’esquisseunpetitsourire.

Ellevérifieànouveausamontre.

—Jedoisutiliserlescommodités,jereviens.

Elleemportesonombrelleaccrochéeaudossierdesachaise.

—Vousavezbesoind’aide?luidis-je,enmedemandantpourquoielleauraitbesoind’une

ombrelleauxtoilettes.

Ellel’agitedansmadirection.

— Je suis peut-être vieille mais je n’ai certainement pas besoin d’une escorte pour me

rendreaupetitcoin.

J’aidéjàapprisquecelaneservaitàrienderésisteràMrsWorthington.Ellesedirigevers

les toilettes, et je reviens àmon burger. J’ai commandé celui préparé avec une viande de

vachenourrieàl’herbefraîche.Derekseraitfier.Ilneserendpascomptedel’influencequ’il

aeuesurmavie.Toutcequejedisoufaismerappelleunsouvenirdutempspasséensemble.

Est-ce que la douleur qui rongemon cœur s’en ira un jour ou aurai-je a jamais une plaie

béante?

Avec le temps, ça iramieux,mais je me suis faite à l’idée que je sentirai toujours une

douleurqueseulDerekpeutapaiser.

Soudain,unefemmeauxcheveuxlongsetbrunsquejeneconnaispass’assoitenfacede

moi,devantleburgerdeMrsWorthington.Jesuispriseaudépourvu.Jem’apprêteàluidire

quelaplaceestoccupéelorsque,toutàcoup,j’aiunflash.

Non.Cen’estpaspossible!Çanepeutpasêtre...

—KatieCalhoun?jehurle.

Ellesesertunefritedansl’assiettedeMrsWorthington.

— Alors comme ça Northwestern n’a pas voulu t’offrir de bourse ? C’est vraiment

dommage.

Jerestebouchebée.Jeseraisincapabledeparlermêmesij’essayais.

—Écoute,Ashtyn,est-cequejepeuxêtrehonnêteavectoi?

J’acquiescelentement,toujourssouslechoc.

— Ne baisse pas les bras, poursuit-elle en agitant une seconde frite sous mon nez. Tu

n’imaginespas lenombredegensquipensaientquej’abandonnerais.Mais jene l’ai jamais

fait :même lorsque je n’avais pas le soutien absolu demes coéquipiers, je n’ai pas laissé

tomber.

Alorsellesepencheetmurmure:

—Jepensequetuesplusfortequetunelecrois.Derekestdemonavis.

Derek ?Petit à petit, je commence à comprendrequ’il a quelque chose à voir avec cette

histoire.

—C’estluiquiatoutorganisé,n’est-cepas?Elleacquiescepuistournesachaise.

—Regardel’écran,dit-elleenpointantverslatéléquidiffuselesmeilleursmomentsdela

chaînesportiveESPN.

Katiefaitunsignedetêteauserveur,commeuncodeentreeux,etjen’aipaslamoindre

idéedelasuitedesévénements.Là,l’écrandevientnoir,etsoudain«Lesmeilleursmoments

d’AshtynParker»apparaissentbrièvementsurlatélé.

Lesmeilleursmoments?Déjàquejen’aipaseudegrandmoment...

Leslarmesmemontentauxyeuxetmoncœurseserreàmesurequedéfilentdesimages

de moi jouant en première année au lycée. Puis l’année suivante... Je regarde chaque

séquenceoù je réussisdes tirs lesunsaprès lesautres, souvent suivisdesacclamationsde

monéquipe.

C’estDerek qui a fait tout ça. Il a pris le tempsde visionner chaquematch et a pris les

extraitslesplusmémorables.Ilamêmechoisiunebande-son.

Quand l’écran redevient noir, je me dis que c’est fini. Apparaît alors « UNE FILLE

DÉVOUÉE», et des imagesdemoi en traindem’entraînerpendantnotre voyage jusqu’au

Texas.Jemeplaquelamaincontrelabouche.Dereknejouaitpasàdesjeuxsursonportable,

iln’envoyaitpasdetextospendantquejem’entraînais.Ilmefilmaitavecsontéléphonealors

quejeluicriaisdessuslaplupartdutemps.

Enfin,unephraseconclutlavidéo:«ASHTYNPARKER,KICKER».

Toutlemondem’applaudit.Derekatoutorganisé.Commenta-t-iltrouvéKatieCalhoun?

Commentl’a-t-ilfaitvenirici?Pourquoi?

—Tuasdutalent,Ashtyn,jesuisimpressionnée.

Je lui pose quelques questions, ellem’adresse un derniermot d’encouragement puis se

lève.

—TusaisoùestalléeMrsWorthington?luidis-je.

—Elleestaubar.

Katiesaluelavieilledame,quiluirépondavecsonombrelle.

Alorsquejejubileencore,Katieposeuneenveloppesurlatableetlaglisseversmoi.

— Bonne chance, Ashtyn, tu as tout mon soutien. Et elle s’en va. Personne dans le

restaurant ne l’a reconnue alors qu’elle est une des rares femmes à avoir joué au football

américaindanslecercleuniversitaire.C’estunepionnière,unelégende.

Mesdoigtsplanentjusqu’àl’enveloppe.Jereconnaisl’écrituredeDerek:«Aprèsavoirlu

cemessage,traverselarueversleBean.»

LeBeanestunegrandesculptureenmétalargentédansleMilleniumPark.Jejetteunœil

versMrsWorthingtonquibranditnotreadditionetm’inviteàsortir.

Jerangelalettredansmapocheetmeprécipitehorsdurestaurant.Jen’aiqu’uneenvie:

courirjusqu’àDereketleprendredansmesbras.Ildoitêtrelà,auBean.J’aitoutlemaldu

monde à ne pas courir dans la rue bondée. J’attends au feu comme tout lemonde sur le

trottoir,lecouétiré.

Jenelevoispas.

Jefoncedel’autrecôtédelaruequandlefeupasseauvert,cherchantdésespérémentun

signedugarçonquiatrouvéunbut...j’espèreêtrecebut.

J’ai dit à Derek de se battre pour ce qu’il désire, de foncer, et il l’a fait. La vérité me

submerge.Jelecroyaispartialorsque,depuisledébut,ils’arrangeaitpourmeprouveràquel

pointiltientàmoi.

Lorsquej’arriveenfinauBean,jedécouvremasœur,

Julian,Falkor,etmonpère.JuliantientuneboîtedeSkittlesdanslesmains,qu’ilmetend.

—Derekm’aditdetedonnerça.Ouvre-la.J’ouvrelaboîteetregardesoncontenu.Pasun

seulbonbonviolet.

Brandimemontrealorsunarbreauloin.

—Onestcenséstedired’attendresousl’arbrelà-bas.

—Attendrequoi?

Monpèrehausselesépaules.

—OùestDerek?

J’aibesoindelevoir,deluiparler,deluidirequejesuisprêteàmebattrepourlui,pour

nous.Ensemble,onpeutyarriver.Sij’attendspluslongtemps,jevaisexploser.

Maisnimasœur,nimonneveu,nimonpèrenemedonnentd’indice,alors jesuis leurs

instructions.Quandj’arrivesousl’arbre,jedécouvredesSkittlesvioletsarrangéspourformer

ungroscœur.

—Hé,Ashtyn!éclatelavoixdeDerekàtraversleparc.Lèvelatête!

Ilapparaîttoutauboutduparc,dansununiformedefootballaméricaindulycéeFremont,

aveclecasqueetlesépaulettes.Etiltientdanslesmainsunballon.

Avecuneprécisiond’expert, il envoie laballequivoledroitdansmesmains,paréesà la

réceptionner,maisjesuistropnerveuseetlalaissetomber.

Ilretiresoncasque.

—Tul’asratée,sourit-il.

Il trottine et s’arrête devant moi ; j’ai le souffle coupé face à ses yeux brillants, et ses

superbestraits.

—Jesais.

—C’étaitunlancerparfait.

Ilajetéleballondepuisl’autrecôtéduparc,pratiquementdel’autrecôtédelarueetau-

dessusdedizainesdegens.Etilaatteintsacibledanslemille.

—Pourquoitunel’aspasrattrapé,Sucred’orge?

—Parcequejesuisnerveuseetj’ailecœurquibatterriblement.

Lecoindesaboucheremontelégèrement.

Jecontemple le joueurde footballaméricaindevantmoi.Pourtant, ilne joueplus.Peut-

êtreparlepassémaisc’étaitavantlamortdesamère.Jenevaispaslepousseràrevenirsur

leterrain.Ilm’aditquesadécisionétaitirrévocablealors...

—Pourquoiest-cequetuportescemaillotettoutcetéquipement,Derek?Qu’est-ceque

tufaislà?

— J’ai rejoint l’équipe, explique-t-il avec un haussement d’épaules. Je me suis dit que

c’était le seulmoyen de passer du temps avecma copine. Elle est kicker pour l’équipe de

Fremont,tusais.Etelleestsacrementdouée.

Jeportelamainàsonvisage.

— Merci pour la compilation des meilleurs moments. Et pour avoir contacté Katie

Calhoun.Jenesaispascommenttuasfait.

—Disonsquetescoéquipiersaimentbeaucoupleurcapitaine.

Ilmeprendlamain.

—Etlalettre?

—Lalettre?dis-jeenlasortantdemapoche.Jenel’aipasencoreouverte.

RetrouverDerekétaitplusimportant.

Ilm’inviteàlalire.Jedéchirel’enveloppeetensorsunpapier.Unefoisquej’aitoutlu,je

comprendssoudaintoutcequ’ilafaitcettesemaine.

Jebaisselafeuilleetlèvelesyeuxverslui.

—Tum’astrouvéuneplacedansuneécoledepremièredivision.

—Non,tuastrouvéuneplacedansuneécoledepremièredivision.Jen’aifaitqu’envoyer

tesmeilleursmoments.Etpasséquelquescoupsdefil.

—Tuasfaitçapourmoi?

—AshtynParker,jeferaisn’importequoipourtoi.Ilprendmonvisagedanssesmainset

s’avanceplusprès.

—Jet’aime.

—Tusaiscequeçasignifie,pasvrai?

—Quoidonc?

— Que tu dois te battre pour la première place. Actuellement, Brandon Butter a une

longueurd’avance.Jenepeuxpassortiraveclequarterbackremplaçant.J’aiuneréputationà

défendre,tucomprends.

—Tun’aspasconfianceenmoi?

—Oh, jenedoutepasque tuyarriveras.Après tout,Cow-boy, tuas fait l’impossible, tu

m’asfaittomberamoureusedetoi.

—L’impossible,tiens?Ilsemetàrire.

—D’aprèsmessouvenirs,tuascraquélapremièrefoisquetuasposétonregardsurmoi

danslecabanon.

—Turéécris l’histoire,Derek.Jecroismerappelerque jet’aiplantéunefourchedans le

piedlapremièrefoisquej’aiposémonregardsurtoi.

—MaisparcequetuétaisstupéfaiteparlecharmeetlabeautéduFitz.

—Çava,leschevilles?Jetrouvaisque tu ressemblaisàuneracaille.Etsituparlesencore

detoi àlatroisièmepersonneousitutefaisappelerleFitz,jeteplaque.

Jelesondedehautenbas.

—Mêmesitueslemecleplussexydelaplanètedanscettetenue,etsinousétionsàla

maison,je...je...

—Tuquoi?dit-ilensepenchantpourqueseslèvrestouchentlesmiennes.

Jepassemesbrasautourdesoncouetl’embrasse.

—LeFitzestderetour!déclare-t-il,fierdelui.

—Ouais,bentuluidirasquesapetiteamieveutqu’ilgagnecettesaison.

Ilmefaitundesesirrésistiblessouriresetmedit:

—Iladéjàgagné.

MerciàEmilyEastonainsiqu’à toute l’équipedeWalkerBooks forYoungReaderspour

avoirbravélestempêteslorsquej’aireprisl’écrituredecelivreàdenombreusesreprises.Je

tienségalementàexprimermagratitudeenversmonagent,KristinNelson,quim’avraiment

tenue par la main lorsque j’avais besoin de ses encouragements et d’un soutien

inconditionnel. Je suis probablement responsable de quelques cheveux blancs... j’en suis

désolée!

Karen Harris et Ruth Kaufman ne sont pas seulement des amies extraordinaires mais

également d’excellentes critiques. Sans vous deux,Derek et Ashtyn ne seraient sans doute

pastombésamoureux.Sincèrement,jenetrouvepaslesmotspourexprimeràquelpointje

suis reconnaissante de votre amitié et de votre aide sans borne. Vous êtes toutes deux si

généreusesetdespersonnesincroyablesquiresterontlesamiesd’unevie.

Mon assistante,Melissa Jolly, m’a aidée à trouver de nouvelles idées, m’a raisonnée, a

critiquémontravailquandj’enavaisbesoin.Merciunmilliondefoisdepréservermasanté

mentaledepuisquatreans.

Jen’oubliepasRobAdelman,quicontinuedememontrerquelavie,cen’estpasceque

noussavons,quinousconnaissons,niàquoinousressemblons.C’estcomments’amuseren

famille et avec les gensqu’onaime leplus...Rob, jen’aipasbesoinde tedireque tu es le

summumdugénialcartumeleprouvestouslesjours.Jet’aime.

Mafamillemériteunegrandedédicace!MerciàMoshe,Samantha(quiestallergiqueau

colorant violet, comme Ashtyn), Brett et Frances, vous êtes fous mais je ne voudrais pas

montersurcegrandhuitdelaviesansvous.

Enfin,jesouhaiteremerciertousmesfans,lesprofesseursetlesbibliothécairesquinous

soutiennent,meslivresetmoi,vousêteslaraisonpourlaquellejecontinued’écrire!Jene

seraispas làoù j’ensuisaujourd’hui sivousn’enparliezpasàvosamis,vosélèvesouvos

collègues.

Commetoujours,vouspouvezmeretrouversurFacebooketTwitter–àtrèsvite!

REMERCIEMENTS

[i]MostValuablePlayer,titredumeilleurjoueur,autrefoisexclusifaumilieuprofessionnel

maisrécemmentétenduaucercleamateur.(NdT.)