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AU COEUR DE L ATLAS

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    .t,DU MEME A,lJTEUR

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    V~yage dans le Sous (i899). Challamel. Paris, t90D (puis).yoyages au Maroc. Itinraires et Profils. Hem'i Barrre. Paris, 1903.Voyages au Maroc (i899-t90t) A. Colin. Paris, t903 .

    .L'ensemble de ces travaux a t couronn par l'Acadmie franaise(Prix Furtado) t903; couronn par l'Acadmie des Sciences (PrixDelalande-Gurineau, t9tO) et honor de la mdaille d'or de laSocit de gographie (prix Ducros-Aubert), 1908; de la mdaille d'orde la Socit de gographie commerciale (mdaille Caill) t903; de lamdaille d'or de la Socit de gographie de Marseille, t903.

    Il a t publi, en mme temps que le prsent volume, une pochette deeJi-l'tes au 1/250.000 donnant les dtails et le profil de/itinraire suivi pal' laMission de Segonzac 1904-t905 sous le titre:

    Itinraires au Maroc, 1904-1905. H. Barl'l'e. Paris, t9iO.

    ~

    1J

  • MISSION DE SEGONZAC

    Notre mission a t organise et subventionne par les socits SUi-vantes:

    Comit du Maroc.Socit de gographie de Paris.Socit de ,qographie commerciale (Paris).Socit de gographie derAfrique du Nord (Alger).Socit normande de gographie (Rouen).

    Association franaise pour l'Avancement des Sciences.Socit gologique de France.Ecole fiAnthropologie de Paris.

    Socit de secours aux hlesss militaires.

    La mission se composait de :M. LE MARQUIS DE SEGONZAC, officier de cavalerie, chef de la mission;

    M. LOUIS l;ENTIL, docteur s sciences, Maitre de Confrences la Sor-bonne (1) ;

    M. R. DE FLOTTE-RoQUEVAIRE, chef du service cartographique duGouvernement gnral de l'Algrie (2) ;

    SI SA'iD BOULlFA, Rptiteur de Kabyle l'Ecole Suprieur des Lettresd'Alger (3);

    SI ABD EL-AzIZ ZENAGUI. Rptiteur d'Arabe l'Ecole des LanguesOrientales.

    Nous tenons il rendre ici un suprme hommage il deux savants prmaturmentenlevs aux tudes marocaines dont le concours nous fut, en maintes circons-tances, infiniment prcieux :

    M. GASTON BUCHET, Charg de mission .du Ministre de l'Instruction publique.Sl ALLAL AED1, Chancelier du consulat de France MORador.

    (i) Les rsultats des observations de M.Louis Gentil ont t publis en plusieursnotes et ouvrages dont on trouvera la liste il la page 77i.

    (1) Les travaux de M. de Flotte-Roquevaire ont t publis sous. le titre : Cinqmois de Triangulation au Maroc. Jourdan. Al~er, i909.

    (3) Les tudes linguistiques de Si SaId Boulifa ont paru sous le titre: TextesBrbres, en dialecte de l'Atlas 'marocain. Ernest Leroux. Paris, i909.

  • Il PRFACE DE M. TIENNEsaharien, reconnaltre le haut bassin de l'oued Draa et pousserjusqu' l'oued Noun.

    Toute la partie capitale de ce voyage a t effectue. L'explo-rateur a reconnu que, conformment la figuration gnraledes montagnes marocaines, le Moyen et le Grand Atlas sontspars par une dpression trs nette, de mme que la trouede l'oued lnaouen spare nettement le Moyen Atlas des montsdu Hif. Les valles opposes de la Mouloua et de l'oued elAbid, tributaire de l'Oum el' Rebia, se continuent sans que leseuil qui s'lve entre elles prsente un srieux obstacle. Ilexiste donc l, entre la plaine de Merakech et l'Algrie un pas-sage qu'une voie commerciale pourrait utiliser plus tard. Enattendant ce jour, sans doute encore loign, un des problmesles plus intressants de l'orographie marocaine se trouversolu.

    Sur tout le reste de sa route le voyageur a runi les observa-tions les plus intressantes. La dangereuse msaventure quil'empcha de pousser jusqu' l'oued Noun, mais sans le dci-der prfrer la route directe de Taroudant au retour par leGlaoui, lui a peut-tre plus appris que tout le reste sur lesmurs berbres. Prisonnier de hobereaux chleuh, vivant moitide pillage et moiti du produit de leurs jardins eultivs par desesclaves, le marquis DE SEGONZAC russit se faire tolrer, puispresque adopter, au point qu'il eut quelque peine viter dedevenir le gendre de son hte gelier. Mais je ne saurais riendire sur ce sjour trange Anzour, dans le manoir des BenTabia, qui puisse avoir, mme de loin, la saveur du rcit.Jamais le sentiment ml que le chrtien, le roumi, inspire auxMarocains des coins reculs du Bled Siba ne s'est plus ingnu-ment manifest. L'infidle est maudit et doublement bon tuerparce que chrtien et tranger suspect aux Berbres, il est unsorcier malfaisant, qu'on se hterait de faire disparaitre si onne pensait pas qu'il est aussi un enchanteur capable de dcou-vrii' les trsors etles sources. Les trsors, pourquoi n'en dcou-vrirait-il pas puisqu'il descend de ces roumis qui en laissrent,cachs de la manire la plus artificieufle, sous toutes les vieillespierres du pays? Et en voyant comment les ben Tabiainvi-

  • IV l'RFAC" DE M. TlENN"sions du Iharquis D" S"GONZAC est, en tous points, digne de lapremire. Outre les renseignements dont je viens de parler, elledonne, avec de petites cartes, de brves indications sur lesgroupes, les centres, les puits, les influences religieuses desrgions traverses. Enfin l'tude gologique de M. LOUIS G"NTILqui couvre aussi bien les itinraires du Maroc septentrional queceux du dernier voyage au Grand Atlas et au Djebel Siroua luidonne une annexe du plus haut prix.

    Lorsque l'on songe aux conditions dans lesquelles a voyagle marquis DE SEGONZAC, on se sent encore plus de respect pourson uvre. DE FOUCAULD parcourut le Bled Siba sous le dgui-sement d'un juif, M. DE S"GONZAC a fait son dernier voyage commesuivant d'un petit chrif qui se fit passer pour parent du fameuxMa el Alnin. C'est sous la constante menace d'une trahisonmotive par les disputes ou le zle des serviteurs engags unpeu au hasard que les lments de cet ouvrage si complet ontt runis. Il fallait une remarquable conscience pour travail-ler dans de telles conditions. Il fallait cette belle crnerie,insouciante en apparence mais applique et srieuse, qui carac-trise les meilleurs des Franais et les rend si incomprhen-sibles pour les peuples qui ne conoivent pas la valeur sansune sorte de gravit pdante. C'est en vrai Franais que M. DESEGONZAC, comme DE FOUCAULD, a donn, autant" qu'il dpendaitde lui, par l'exploration mthodique, les meilleurs titres cetteprtention une situation spciale au Maroc, que notre paysa revendique, qui s'impose peu peu, ou plutt qu'un groupede patriotes clairvoyants a peu peu impose au monde et lamasse imprvoyante des' Franais eux-mmes.

    EUG. ETIENNE,Vice-prsident de la Chambre des dputs

  • VI PRFACE DU GNRAL LYAUTEY

    que l'entre en scne de Moulay Hafid introduisait une nouvelleinconnue dans cette question marocaine dj si confuse et com-plexe. Je me souviens des prcieux renseignements que nousapportait votre documentation sur votre ancien hte de Merakech,de vos angoisses patriotiques et de votre dsir de mettre auservice du pays les relations que vous aviez gardes avec lesgens du Sud. A ce -moment encore, vous n'avez pas pargnvotre peine.

    Disserter sur ce qui aurait pu tre fait ou vit m'entrainc-rait hors de la rserve qui m'est impose et serait d'ailleursoiseux. C'est le pass. Hier est mort et il n'y a d'intressantque demain. Si justifis que soient les regrets que vous laissezdeviner la premire page de votre livre, nous avons le droitet le devoir de rester optimistes. Ce n'est pas en vain que lesang a t rpandu, que tant de bonnes volonts ont t dpen-ses, que tant d'efforts dsintresss ont t prodigus. On nesaurait mconnatre que bien des malentendus ont t dissips,que les points les plus obscurs se sont claircis. Nul ne douteaujourd'hui de notre loyaut remplir nos engagements;l'exprience a prouv que le rle tutlaire et pacificateur assi-gn par l'histoire et la gographie notre pays sur cette terremarocaine, n'est ni exclusif, ni prohibitif, que tous les intrtspeuvent y trouver satisfaction l'abri de la paix que nous yinstaurons et que chacun doit bnficier de la lutte que nous ysoutenons contre l'anarchie et l'arbitraire.

    La Chaouia, les confins algro-marocains sont l pour attcs-ter de la grandeur et de la noblesse de l'uvre que nous rali-sons. Ce sont des portes ouvertes, o il est loisible tous devenir voir et d'entrer.

    Enfin - et ce n'est pas le rsultat le moins apprciable desluttes soutenues en commun - il rgne entre tous les agentsqui forment l'quipe marocaine , Casablanca, Tanger,sur les confins algriens, une cohsion et une entente qui, sousla direction clairvoyante et tenace de notre reprsentant auMaroc, ne sauraient rester striles.

    Certes, il y a encore des malentendus dissiper, des prju-gs dtruire, des inerties vaincre, mais ceux qui sont pied

  • 2 AU CUR DE L'ATLAS

    l'on comprendra, cette moisson de renseignements que nousavions glane pour notre seul pays! ...

    Notre programme d'action dcoulait logiquement de mesprcdents voyags (1) :

    J'avais visit, en 1899, le Sud-Ouest du Maroc (2) (Sous etTazeroualt) ; en 1900, le Nord (Rif et Djebala) ; en 1901, l'Est(Braber). Il me restait, pour boucler mes itinraires, explorer le Sud et le Sud-Est du Maroc. Ce fut le but de nostravaux.

    La rgion que nous nous proposions d'tudier s'tend sur5 degrs en longitude, et ~ degrs en latitude. Elle fut partageen trois secteurs :

    M. de Flotte-Roquevaire fut charg de couvrir d'un rseaude triangulation expdie la zne Mogador-Demnat-Safi,appuye, d'un ct l'Ocan, de l'autre la chaine du Haut-Atlas;

    M. Louis Gentil, au centre, parcourait le Haut-Atlas, ens'efforant d'en pntrer les parties encore inconnues, notam-ment l'extrmit occidentale et le versant mridional;

    Je me rservais l'exploration de l'extrmit orientale duHaut-Atlas, du bassin de l'Oued Dra et de l'Anti-Atlas.MM. Boulifa et Zenagui m'accompagneraient pendant une partiedu voyage pour recueillir sur place les lments ncessaires leurs travaux d'ethnologie et de linguistique.

    *..

    Notre mission prend pied sur le sol marocain le 28 juillet1904..

    La priode de gestation a dur deux ans... Dure singuli-rement brve si l'on songe tous les concours qu'il fallut solli-citer, toutes les rsistances dont il fallut triompher. Durant

    (1\ Voir la carle d'ensemble.(2) Voyages au Maroc, Armand Colin, i903.

  • ctes marocaines, o des ballots de fusils passaient
  • 6 At; Ct:R DE L'ATLAS

    Notre caravane n'a pas grande mine, elle a bonne apparence.Nos mules sont un peu S'Passes; leurs harnachements sonttrop neufs. Ce sont dfauts qu'une semaine de marche corri-gera. Mes hommes ont joyeuses figures; ils portent leursarmes avec une ostentation enfantine. Tout le monde est il pied.Hien ne nous distingue de nos muletiers : Boulifa, Zenagui etmoi portons le costume berbre, ayant pareillement sacrifit'l,chez le barbier musulman, nos cheveux, nos barbes et nosmoustaches. Notre Figaro arabe m'a dt'lclar, avec un sou-rire assez nigmatique: Allah lui-mme ne te reconnatraitpas! )

    La piste que nous suivons est celle de Merrakech, Elle ser-pente travers les champs fertiles des [da Olt Guerd, fractionextrme-ouest de la province de Haha (1). Le sol est rougetre,argileux; par endroits la crote calcaire, qui forme l'ossaturede cette rgion, affleure, tale en dalles ou rompue en pier-railles. L'horizon est court; les collines rondes limitent la vue.La fort d'arganiers, tantt dense, tantt cl.air-seme emplit lesvallons, escalade les pentes. Sous ses beaux arbres chargs defruits paissent de grands troupeaux de chvres, sur qui veillentd'invisibles ptres. Ces troupeaux rentrent le soir dans les coursdes maisons, ou l'enceinte des douars gavs des fruits d'arganbrouts pendant le jour, et, le matin, les femllles et les fillestrient le fumier, en retirent les noyaux d'argan que la digestiona dcortiqus, les cassent entre deux pierres, avec une merv~illeuse vlocit, pour en extraire l'amande dont le hroyag'e don-nera l'huile. Cette huile possde en propre un got pre et fortque les Berbres apprcient. Ils prtendent, et la science necontredit pas leur opinion, que l'huile d'argan jouit d'admira-bles proprits reconstituantes. Dans tout le Sous on fait la cui-sine, on s'claire avec l'huile d'argan. Les matrones ont un pro-ed simple et utile connatre pour ter il cette huile l'aromede l'argan et le g'ot de rance. Elles mettent une galette demin de pain au fond d'ull polon plein d'huile qu'elles font lon-guement bouillir.

    (1) Voit' : Rensei,qnements.

  • 8 AU CUR m: L'ATLAS

    fuyant, au physique comnH' au moral, avec un grand air dedistinction. Sa dmarche trs caractristique, longs pas, enhalanant les paulf's, rvle (Il' suite l'homme du dsert. Ilest trs noir; son visage allong se termine par un lger pin-ceau de harbe frise; ses yeux sont trs heaux, leur regard,omhrag par de g:rands cils recourhs, est timide et dfiant.L'expression la plus frquente de cette agrahle physionomieest un sourire ironiquf'. Il est assez lettr. sans nulle affectation;un peu verbeux; trs poli, sans ohsquiosit. Enfn, l'entreprise'dans laquelle il s'engage ma suite, et certaines aventures deson pass, attestent qu'il n'a pas peur.

    Son cousin, Mouley Abd Allah, est le type du vieux chrifroublard et sournois. Sa tribu d'origine est aussi celle des Ou/adBe-ba, mais il est d'une fraction migre depuis plus d'unsicle dans la plaine de Mel'rakech. Toute sa vie s'est passedans les camps du Maghzen. Il a 60 ans sonns, son visage trsblanc est encadr d'un collier dl' barhe hlanche. Rien en luin'attire l'attention: fgur(' ronde, peu expressive, o s'ouvre unelarge bouche aux lvres trs minces; petits yeux noirs dont leregard dur et fxe n'est tempr par aucun battement des pau-pires ; taille moyenne, ('mbonpoint replet, allure alerte et dci-de; beaucoup d'autorit dans les manires et dans la voix quiest nette et tranchante.

    Mouley el-Hassen devient le chef spirituel de notre caravane;Mouley Abd Allah en sera le chef temporel. Tous deux che-vauchent des mules harnaches de serijas rouges. Derrire euxsuivent trois personnages de moindre importance: Zenagui quijoue le rle de feqih, et deux tolbas dont l'un n'a que quinze ans.Plus loin viennent sept serviteurs poussant ou montant autantde mules. Et enfin je ferme la marche, en compagnie de Bou-lifa, levant l'itinraire, glanant des chantillons de toutes sortespour nos collections, ct prenant, il la drobe, des photogra-phies et des renseignements.

    '16 dcembreUn matin radieux succde la nuit pluvieuse. La bue monte

    calme et lgre et s'vapore dans la IUlllire. L'air est si limpide

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  • 10 AU cUR DE L ATLAS

    sont spares pal' un rseau de valles d'rosion aux parois des-quelles apparaissent les assises rompues de leur ossatUl'c cal-Caire.

    ~ous faisons halte la Zaoua! Hdil, petite agglomration decinq maisons et, d'une vingtaine de huttcs, groupe autour dutombeau d'un pieux marabout local dont la vertu opre encoredes miracles. La zaoua n'a d'ailleurs aucun but enseignant nipolitique, aucune affiliation spciale; elle n'est qu'un lieu deplerinage o, moyennant une obole, on trouve une hospitalitassez misrable que rehaussent d'infinies bndictions.

    Ici, comme chaque tape de notre route. les gens viennentcauser, s'enqurir des nouvelles, nous conter leurs dolances,leur misre, leurs griefs contre le gouvernement, contrp cemaghzen impitoyable, tyrannique, concussionnaire, prvarica-teur. La rancune n'en remonte pas jusqu'au Sultan: il est troploin, trop haut. .. Mais on englobe dans une haine cOIllmune lesqards, leurs khalifas, leurs moghazni, auteurs et excuteurs detoutes les exactions. Partout on se plaint, il n'est maison ni tenteo l'on n'entende des lamentations, des histoires (le spoliationsarbitraires, d'emprisollllements injustes. Ce beau pays. si riche-ment combl par la nature, agonise sous une iniquit sansappel, et qui parait sans remde. Le peuple soun're, se rsig'lH'.se laisse pressurer et torturer, jusqu'au jour o, la mesurc dantcomble et la patience puise, il se lve dans un accs decolre, g'orge ses hourreaux, dtruit leurs forteresses, saccag'eleurs domaines ... Le calme revient ensuite, par lassitude': l'qui-libre naturel des choses se rtablit: un qard pire succdc auqard mauvais: la rpression dpasse la rvolte en horreur; ct de la qaba ruine se dressent les ruines du villagc, lamisre s'aggrave, sans issue, sans espoir...

    Quelle illusion chimrique est celle de nos diplomaties qui sefigurent rorganiser le maghzen, et, par lui, rtablir l'ordre etla prosprit ...

    28 dcembreLa mme plaine inculte s'tale interminablement autour de

    nous, tandis qu'au Sud l'Atlas neigeux semhIe un immense dcorque l'on droulerait lentement.

  • 12,

    At: CrR DE L ATL.lS

    de (louhhas hlanches. Quelques sguias, drivl's dl' la riviilrl',suffisent il transfoI'IlH'r l'pUe rl-\'ion inculte pn un lIIel'Ypillpuxjardin.

    ~ous campons dalls un Of' l'CS abris que le maghzplI ('ntr('-tient SUl' les routes fr(luentes. Nzalai "l-Ihoudi se compospd'une enceinte de. bram'hages pineux dans l'angle de la(lUelles'lve la hutte d'un gardipJ\' Le sol pst tin fumipr, eommp celuide toutes les nzala. Noh'p camp s'y installe, ('t d'une cara-vane d'niers et de chameliers venus hier dl' Mogari"/,, aumilieu d'un enchevtrement de tentes et d'animaux, la lueurdes grands feux de cedra.

    Zenagui et l\loule} el-Hasspn poussent jusqu' J1."I'I'akecliafin d'} prparer notre logement, d'y achetpr trois llps pOUl'renforcer notre convoi, et un cheval anc Ullp splle dl' parade,luxe indispensahle, parait-iL au persollnagl' que noh'l' chl~l'ifva .Jouer.

    30 riCf!//IUI'f'

    Cne tape dl' quah'l' hl'Ul'l'S nous conduit il lllel'l'{//';"ch, tra-vprs une plaine rougeMrl' irrig'ul' par dl' jolies sguias dontles eaux froidps pt limpides courpnt pntrp dps berges couvertpsde joncs et dl' rospaux. Ile loin f'Il loin une chaine dl' monticu-les rgulirempnt pspacs dIloncp la prsence cl 'mIl' cOII(luitpd'l'au souterraine, une (o9!1am. Cps fog'g'aras sOllt constituiJPspar une ligne dl' puits relis entrp l'ux pal' dps tl'al!('ll~creuses mme dans le sol, sans aucun cofi'rage.1lIl juge dutravail gigantesque pt frag'ile, et de l'entretien que reprsenteune foggara de 20 kilomtrps de long'ueur dont les puits,espacs dl' 50 en 50 mtres, attpignpnt au tprminus 15 mtrpsde profoIlllpur. Des gnrations se sont iJpuises il Cl' lal)('uringrat.

    Il suffirait de simplifier cet archaque systme d'irrigation,d'installer des canalisations, des conduites (l'eau, des pompespour apporter cette immense plaine de Merrakech les eaux del'Atlas qui se perdent sans profit dans les couches permahlesdu sol ou s'vaporpnt au brlant soleil d't. Cc sera l'uvre

  • 14,

    AU cUR DE L ATLAS

    jardins en friche que la ronce envahit, des buissons de rosesqui meurent et s'effeuillent sur leurs tiges, des arbres couvertsde fruits qui ne mrissent que pour la joie des abeilles et desOlseaux...

    'i janvipr 1905Nous campons ce soir ct d'un azib d'Abd el-Hamid, qad

    des Rehamna, assassin l'an dernier par son propre neveu. Cf'drame familial me fournit l'occasion de souligner le peu d'im-portance que les Marocains attachent aux liens du sang. Lesparricides, les fratricides, sont crimes si communs qu'il estnaturel de leur chercher, non pas une excuse, mais une explica-tion. Ces meurtres sont des consquences de la polygamie. Lesjalousies des femmes se perptuent dans les haines entre enfantsd'un mme pre et de diffrents lits. Les frres consanguins sontpresque toujours des frres ennemis. Les frres utrins ledeviennent souvent dans les familles puissantes, quand la mortdu chef suscite les comptitions de ses hritiers. Aussi est-il detradition qu'un sultan signale son avnement par le massacre oul'emprisonnement de ses frres et de ses oncles.

    Notre caravane est dfinitivement constitue l'effectif de 14hommes, 11 mules, 3 nes. Avant le dpart, Mouley el-Hassen aruni tous nos serviteurs sous la qoubba, il a (mvert le Coran, etchacun, tour de rle, a prt serment de fidlit et d'obis-sance. Ce fut une crmonie toute simple mais trs mouvante.Dsormais nous sommes complices de la mme entreprise hasar-deuse et passionnante.

    L'tape s'est droule d'abord dans les jardins de Merrakeclt,entre les murs de pis qui morcellent l'infini l'immense pal-meraie. Peu peules palmiers s'espacent, et bientt le paysagereprend, comme l'Ouest de la capitale, son ampleur et samonotonie. Nous nous rapprochons de l'Atlas, qui, par excep-tion, n'a encore que peu de neiges cette anne. Le Djehilet s'ap-platit dans le Nord-Est pour laisser passer l'oued Taaout el-Fouqia,"

    Nos htes, les Rehamna, sont peu fidles au Sultan, Ils nouscontent avec orgueil, pour nous effrayer peut-tre, qu'ils ont

  • 16 AU cUR DI
  • 18 AU CUR DE L Al'LAS

    maisollsparses au milieu des jardins. Les deux gros propri-taires de cette riche rgion sont le .. qald du Glaoui et laEaouia de TagLaoua. La ligne des collines se recourbe vers leNord-Nord-Est, formant un cirque sans issue qu'emplissent lesoliviers de Srarnu. On voit croitre vers le Nord les collines d'En-tila et le Moyen-Atlas, et fuir dans l'Est la triple crte du Baut-Atlas. Existe:-t-il une route qui suive la bissectrice de cet angle '?Nos renseignements le nient mais tout me porte le croire. Ladirection de la valle de.I'oued el-A bid me fait supposer que cetterivire est oppose par son sommet la MLouyadont j'ai explorla valle suprieure en 1901.

    De Tidili nous gagnons Dra. Les olivettes ombreuses boisentles .collines rouges. Les maisons sont cubiques et massives.; leursmurs en. tabia rose sont cribls des trous rguliers des chafau-dages et des caisses mortier; les toits plats sont faits de bran-chages recouverts de terre battue. Tot autre sont les qabasseigneuriales imprieuses et hautaines aux remparts flanqusde 'tours d'angles effiles et crneles. L'une des plus carac-t~il!ltique est celle .du khalifa Jakir. Sur les hauteurs, au Nord, ion v6it la maison du qald bel-Moudden laquelle les Srarna 'sont en train de donner l'assaut. Nous entendons distinctementls ~oups de fusil, et c'est un singulier contraste de voir lesGlaoua labourer et ensemencer paisiblement leurs champs sipi-s de la bataille .

    . Des caravanes d'niers passent sur notre route, portant Me1'f'akech de belles dalles de sel blanc ou un peu ros, prove-nant de hi. mine de Kettab dans les collines triasiques du Dra.Uwpeu plus' loin nous rencontrons une troupe de Derqaouacoifts du turban vert, et portant au cou l'norme chapelet auXgrains d'olivier; ils vont, srieux et sordides, chantant sur leurmode grave: la ila illa Allah! ... Il n'est de Dieu que Dieu!

    De ravin en ravin, toujours montant, nous atteignons les jar-dins de Deffmat; jardins merveilleux o l'on chemine dans dessentiers couverts, travers les oliviers, les caroubiers entrela-cs, sous un enchevtrement de ronces, de lianes, de vignes,o ruissellent mille ruisseaux tapageurs et presss qui courent l'oued Amhacir, au fond du ravin encaiss.

  • CHAPITBE Il

    6 janvierDemnat n'chappe pas la loi commune; comme toutes les

    villes du Maroc elle n'est qu'un anias de dcombres. De sasplendeur passe, de son importance stratgique et commercialeil ne reste que le souvenir, encore s'efface-t-il au point (lue nulparmi nos informateurs n'a pu nous dire qWlI1(l et par qui laville fut fonde ...

    Au temps de Mouley el-Hassen elle tait encore riche et puissante. Telle la vit de Foucauld en 188i. La crise de folie fratricide et de vandalisme qui bouleversa ~e ~lar'oc la mort du vieuXSultan svit Demnat comme partout ailleurs. Les tribus serurent l'assaut de la forteresse du (lard el-Hadj .Jilalied-Demnati. Le malheureux tait en prire; un coup de baron-nette le cloua contre terre dans sa pieuse pr'osternation. Ensuiteon dtruisit sa maison. Les Srahw pillrent les souqs, massa- jcrrent les juifs, torturrent les riches pour leur arracher lesecret de leurs cachettes et de leurs silos. On jeta bas des mai j

    1sons, des pans du rempart, et jusqu' des mosques. Puis l'ordre !se rtablit, tout naturellement, par lassitude. On se reprit euhtiver les champs, irriguer les jardins. Quand la prosprit futrevenue, un nouveau qard prit possession de la qaba ; il segarda discrtement de toute allusion au pass; on laissa dol'mir en paix les coupaLles et les morts. Seuls les juifs tirrentUlle morale pratique de cette lel;on. Ils construisirent un mellahsolide, ceint d'un rempart spcial o ne s'ouvre qu'une seuleporte.

  • 22

    t~moigne de son attachement et de sa foi en faisant remettre Mouley cl-Hassen une poigne d'argent. Il nous donne ensuiteun guide qui nous accompagnera jusqu' l'extrme limite deson gouvernement, et nous recommande de camper toujoursprs des habitations car, dans la montagne, en cette saison, laneige pourrait nous surprendre et nous bloquer,

    Nous sommes partis il onze heures, faisant mille cIOchets, augrt'~ des sentiers capricieux qui desservent les jardins de Demnat, ,traversant sur le territoire d'Ou/tana (1) les fractions d'Ail Ol/a-oudanous puis de liettioua, dont une partie est aux A il Mach-ten, et l'autre aux Art Blal.

    Notre itinraire coupe les premires pentes du Moyen-Atlasperpendiculairement leur direction gnrale. Les ravins y sontcreux, les artes en sont vives. De grosses roches mergent des ,argiles rouges ou blancs. Les champs escaladent les pentes. Lesmaisons fortifies, les tirremt, nombreuses d'abord, vont s'es- j

    1paant de plus en plus, et, bientt, le sentier que nous suivons, .il mi-pente des ravins rocheux, se perd dans les collines boisesde arrars, de chnes, de lentisques et de taquiout.

    Notre tape s'achve la Zaouia Ail Mhamed. Il nous fautfranchir pour l'atteindre l'oued Taaout Fouqania qui, en cepoint, au sortir des montagnes, est dj une belle rivire torren-tueuse, de 30 mtres de large, sur 1 mtre de profondeur. Soneau limpid~ et glaciale roule sur un lit de cailloux, entre des jberges boises et escarpes, le long desquelles les maisons se!pressent, et qui les champs cultivs font un cadre continu!mais troit car l'encaissement de l'oued rend l'irrigation diffi-.cile. ~

    La Zaouia est tenue par des serviteurs des Oulad ben Nacer. iElle a trois sicles d'existence. Mhamed, l'anctre ponyme, n'enjfut pas le fondateur. Elle fut cre par son pre, et g're, pen-;dant la minorit de l\lhamed, fils posthume du fondateur, par samre. Elle est grande et peuple. La famille du santon comptedix feux; ses serviteurs et clients en comptent une vingtaine.

    . Vue de larive gauche, elle prsente un entassement assez dcora-

    (1) Voit: Renseignements.

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  • 24

    Nous quit' om; la Zaouia en escaladant un ravin perpendicu-1tlire il l'oued Taaout. La monte est raide, le sentier troit; lllldl' nos mulets s'abat et roule dans le ravin. Il faut le dbter,remonter la hte et sa charge, puis recharger. Cps oprations sesont faites sans autre accident qu'un poignet foul et quelquescontusions, mais ellps m'inl;jpireIft quelque apprhension ausujet des aptitudes montagnardes de notre caravane.

    Notre ravin nom; amne enfin au hord d'un plateau d'o l'ondcouvre le Haut-Atlas.,depuis la falaise rocheuse qui couronnela montagne des Ai'! Bou Ouli (les gens aux brebis) et la brched col de Demnat j~qu'aux deux gants, le Djebel Anremer etle Djebel Bou OuMoul qui encadrent le col de Glaoui.

    Le plateau o nous venons d'atteindre est horM du ct de laplaine de Merrakech par le bourrelet des hauteurs d'EI/tiia(en herhre : Intiien) , collines arrondies, leves de 200 QUO mtres au-dessus du niveau du plateau, couvertes de mai-sons de pierres rouges, solides mais inlgantes, et dont larohustesse fait regretter la grce fragile des tirremts de piSll.

    Ce plateau, qui de loin semblait uni, est extrmement acci-dentl~. Il est d'ahord assez aride et dsert, puis il se couvre de 1moissons hlondes ct de heaux vergers d'un vert profond, dontles tons alternent harmonieusement avec le rouge Yolent dusol.

    Nous faisons halte auprs de la Zaouia Bou Antar sur le ter-ritoire de Glfettioua (1). Ce titre de Zaouia est hien platoniquecar la maison n'a gure d'importance et le maghzen a si peu deconsidration pour elle qu'il la dtruisit deux fois en dix anneset qu'il lui fait payer l'impt. Mais les habitants professent unculte trs fervent pour les trois agourram, les trois marahouts,sous le patronage de (lui la Zaouia est place; Sidi S'id ou AbdAllah, Sidi'Ali ou Mhamd, ct Sidi S'id ou Mhamd. A chaque ins-tant l'l'viennent dans leurs discours les mots: Tout est Dieuet il nos ChNlrfa descendants de son Prophte.

    Bou Antar se singularise par trois coutumes traditionnelles,..

    dont l'omission entrainerait les pires catastrophes : L'usage

    (f) Voir : Ren.~eif1nements.

  • 26 AU CUR DE L ATLA~

    ses eaux est la cam;e des discordes llui divisent constamment ccsdeux tribus.

    L 'extrl'mitl~ orientale de la plaine d'Entifa est tI's unie,assez peupll'e et bien cultive. Les sommets des collines sontcouverts de ch(mes (hellout), et les terres en friche de pal-miers-nains auxquels on m?t le feu lluand on veut lahourer.Lahourage hien immffisant o le soc de fer, guid pal' deshommes insouciants, et mme parfois pal' des enfants, corche peine le sol; o l'attelage; toujours disparate, nes, mules,chevaux, hufs, vaches, et lluelqllefois esela ves uu fe .lImes,contoume les moindres touffes, s'arrte il la plus petite rsis-tance, et trace, d'une allure indolente, son imperceptible etcapricieux sillon. Derrire vient le semeur pl11'cimonieux, dontle geste triqu mesure la terre la semence mll~e d'ivraie ...Et pourtant la moisson sera belle, les l~pis clairs-sems sel'onthauts jusqu' frler le genou des cavaliers, dit le proverbe, etsi lourds qu'un moissonneur coupera dans sa jOUl'ne de quoiremplir sa huche pour l'anne entire!

    Un autre la heur, plus rude celui-h, qui exigc de la forc:e, ctdemeure l'apanage de l'homme, est l'Magage d('s jujubiersdont les hranches formeront les haies des maisons et des douars.L'abattage se fait il raide d'une sorte de faucille emnHlllchi'cau hout d'un long bton, et d'une 'hachette fel' troit. Un !transporte ces broussailles sur de grosses fourches, on lesentasse sur des animaux, et quelquefois sur le dos des homllu's.Rien n'est plus singulier que la vue de ces immenses huissonsmarchants dans lesquels le pOl'teUI',

  • i

  • 28 Al CUI\ DE L'.\TLAS

    allras un fils, a dit le Cht"rif, si tu avales cha(IUe soit', une heureapr('.s Il' l('ver de la lune, Ull(' pilull' dune anlUlette. Tu lenommeras ~la-I-Allin et. .. tu nous donneras une brebis! ))

    11 jrllleiPl'Les Ai Me~sal, nos htes, sont ('n g'uel'rl' avet' leurs voisins

    du ct de l'Est, les AU MltamJ et l('s Al lalt: et, selonl'usage invariable, ils nous font de leurs ennemis un portraitterrifiant, pour nous dtourner de passel' sur leur territoire. Siaccoutums que nous soyions il ces pl'ocds, nous suivons sage-ment leur conseil qui pourtant HOUS {'eal'te de noh'e direetioll i

    ,

    gnrale, et nous entrane vel's le .\'Ol'd-~Ol'(l-Est, elleZ l('s .\t .hou Zid.

    Les chefs d.e la Zaouia d'Art Iidde/nous aeeompagnent, il:;nous font traverser la fort de dInes d'I(ekluien o les arhressont plus denses et plus beaux que (lans la fort dA(l'aOllll.Les brigands n'y sont ni moins nombreux ni moins hardis. Tun'as rien craindre d'eux - nous dit en souriant notr(' Fuidc -puisqu'ils te font

  • 30

    Pendant (lue nous proc{~dons il notre dmnagement unevive fusillade clate dans le fond du ravin, 1.500 mtres denous. Les At Alta et les At hou Zid se hattent pour une ques-tion d'eau. Et toute la soire les coups de feu crpitent, tantttrainants, tantt en rafl'ale, pour ne cesser qu'avec le jour. Onnous apprend que cette querelle dure depuis une semaine, queles At bou Zid ont eu cinq hommes tus ('e soir.

    Il n'y a pas de raison pour (lue la bataille cesse, ct, naturel-lement, les routes sont coupes.

    Le ciel se. couvre de gros nuages menaants. La guerre et la:neige ... graves obstacles!

    12 janvierCe n'est pas chose facile que de cheminer dans I;Atlas. Les

    habitants ignorent les routes, ou, s'ils les connaissent, refusentde s'y aventurer; le pays est puis d difficile; on se bat pal'-,out. Les tribus de cette rgion sont groupes en deux partis, endeux leI/s, de force peu prs gale. La moindre querelle sepropage comme une trane de poudre. Ds qu'un coup de fenveille les chos sonores de la montagne chacun saisit son fusil, 1jette sa cartouchire ou sa poudrire en sautoir', et court la lrescousse ou l'assaut.

    Nous, qui voulons passer du territo1'e des At hOIl Zid surcelui des AU Alta, nous ne pouvons trouver, aucun prix, un,zettat qui consente nous faire franchir la fruntire de poudre.

    On nous assure pourtant qu'une fraction voisine du ~olHI el-Jema entretient encore quelques relations avec les A ft A Ita, etnous partons pour y chercher un guide.

    Rude tape, encore que trs courte. On descend d'abord, pardes ravins difficiles, dans la valle de l'oued el-Abid. Ce ne sont lautour de nous qu pentes escarpes, que falaises abruptes, quegorges au fond desquelles se tordent de capricieux ruisseaux :1l'oued Assemdil, plus loin l'oued Ahanal, encaiss, rapide et,clair, larg'e de 30 mtres, qui se jette devant nous dans l'ouedel-Abid, plus large et coulant plus sagement sur son lit devase. La cuvette, au fond de laquelle les deux rivires cou-

  • 32 Ali COEUR ilE L ATLAS

    La soire d'hier' avait {)U~ ilHIuitante. Pel'solllw Il'Mait ,'cnUnous visiter, il avait fallu faire il notre hte l'af1"I'ont d'acheterde l'ol'ge pour parfail'e la ration de nos animaux. Quant nouson nous avait apport seulement un peu de heurre rance fondUet YlleltIues pains. ~os chleuhs avaient en tte d'autI'es soucis(lue celui de nous hberger; la guerre les absorhait.

    Ce matin ils nous delarrent tout net que nous n'irions pasplus loin, qu'il faudrait rehrousser chemin, Sans faire d'inutiles.ohjections nous abattons nos tentes, nous btons nos mules et, dela faon la plus tranquille du monde, nous continuons notre l'outevers l'Est. Interpellations, elameurs, discussion. Les hommeS:accourent, on nous arrte : - Etes-vous fous"? Pensez-voUs queles Al Alla vont vous laisser pntrer ainsi sur leur territoire '? P- L'accueil des Al Alla ne saurait tre pire que le vtre ; quela responsabilit en retombe sur vous et vos enfants ! ...

    De tous les reproches que l'on peut faire un Berbl'e celUId'inhospitalit est le plus grave. ~os htes, pl'ofondment hunU~;lis, sentent si bien la justesse de nos griefs que toutes leUrs]objections tombent. Ils se runissent en cercle, accroupis, ~'1crosse terl'e le fusil vertical, et palabrent un court instant, pUi&!quatre hommes se lvent, paulent et tirent ensemble. Cette:salve est un signal d'appel. De toutes les tirremts, de toutes letmaisons,de derrire chaque rocher,chaque bouquet d'arbres, de&guerriers surgissent, accourent, tous semblables, en longs bur~ jnous blancs ou noirs, fusil en main, cal'touchire en sautoi:JTout ce monde nous fait escorte. On se l'emet en route, pl'demment, militairement. Lne avant-garde nous claire aU loiu, jprogressant par bonds, d'obstade en obstacle; deux flancs-g.I~:des battent l'estrade, cl porte de fusil, et nous gagnons ainsi la!frontire redoute. On s'arrte, on concerte le mode d'opra~;tion. Devant nous s'tale la large yalle de l'oued el-Ahit' quenous surplombons du haut de sa berg'e droite. Gn gl'OS tertre,rocheux fait saillie dans la plaine, un kilomtre de noUS, e~l'on aperoit au-del une tirremt tt'apue, d'aspect paisible, que'couronne un panache de fUlne. C'est le premier bourg des AilAtta; une garnison l'occupe et surveille la valle pal' deSpatrouilles et des sentinelles, conuue ferait une grand-garde.

  • 34

    lit de l'oued. Nous le descendons il pic, tI'Uvers les clHuupsrouges et fertiles sur qui ondule dj le gazon verdoyant desmoissons nouvelles. Le sol de cette valle est profondmentrod par les eaux. Les dalles calcaires rompues jonchent leSpentes escarpes pal' o le plateau se l'accorde la rivire.

    L'oued el-Abid franchi, nous remontons la berge adversepar un sentier tortueux, (lui se recourbe en lacets; IlOSmulets trbuchent et heurteJ,lt leurs ch,;rges aux asprits def!parois, et nous nous levons ainsi jusqu' la crte de la premirechaine de collines qui encadre la valle, sur le territoire des A"Mazir. Quelle n'est pas notre surprise, en atteignant le sommet,de voir que cette crte est aigu et tranchante comme l'arted'un toit et que le ravin nouveau que nous dominons cacheun village o toute une arme se trouve l'Ussemble... Ce vil~lage se nomme Tilarioul, et ces guerriers sont les At Iah (1)qui tiennent un conseil de guerre et discutent le plan de l'as-saut qu'on livrera demain au qar des AU bou Zid o nous avonScamp la nuit dernire. Tout le temps que dure notre descentedifficile parmi les schistes et les pierres roulantes pas mi geste,pas un mot de cette foule, immobile et muette, ne trahit l'iIn~pression que lui produit notre venue, ni l'accueil qu'elle noUi!rserve. Il faut connatre i'aspeet farouche et nigmatique de ceSChleuhs, leur abord glacial, voir le dcor tragique que forIllecette cuvette sans issue, avoir t rebattu des lgendes terrible.qui vantent et exagrent la frocit sans merci de ces tribus pa~lardes, pour comprendre l'angoisse et l'incertitude d'une tellEarrive ...

    Notre zettat nous devance de quelques pas. Il va s'accroupJau milieu du groupe principal et, pendant que nous faisonfhalte, que nous commenons lentement dnouer les cordaiqui btent nos mules, il explique. voix haute qui nous sonune8et o nous allons. Un des Au Iah se lve alors, et vient baisaile genou de notre chrif. Ce geste rompt le charme; l'arm'entire tient honorer le descendant du Prophte, les feIDIIle1mmes et les enfants accourent nous, et, pendant un quarf

    (t) Voir: Renseignements.

  • 36 AU CUR liE L',\TLAS

    ~cteurs de cette scne. Ce n'est pas chose facile que d'oprersous le regard de quatre (~ents paires d'yeux indiscrets etdMiants. La photog-raphie pratiquc dans ces conditions devientune prestidigitation hasardeuse. Pour ne pas attirer l'attentionj'ai d arrimer mon appareil dans un des larges tril'rs de lamule du chrif que je promne en main autour du camp...

    La collecte acheve, on en a vers le produit dans l'escar-celle de Mouley cl-Hasse Il , qui a l'cit une solennelle Fatiha. laquelle les Chleuhs se sont associs debout, les mains ten-dues et jointes pour figurer' le COl'an ouvert sa pl'emil'e soU-rate. Ils accompagnent d'un murmure confus l'intercession duchrif, et acclament les vux qu'il formule d'un Amin! sonore.

    Aprs quoi les AU lalt se sont groups par village autour deleurs cheikhs, ont escalad la crte d'o nous sommes descen-dus hier, et s'en sont alls la bataille. Leurs cris aigus rpon-.dent aux adieux et aux youlements des femmes qui, juches surles tel'rasses, assistent ce dpart. Des coups de feu clatentdans tous les sens, ct, comme nous nous merveillons dece tapag'e rvlateur, on nous explique qu'il faut bien essayer sapoudre et dgorger la lumire de son fusil ...

    Une demi heure plus tard nous nous mettions en route lon-geant les contreforts du Djebel Abbadin. Ce cheminement paral-lle l'axe de la montagne nous oblige franchir tous les ravinSqui en descendent. La route est donc pnible, elle se droule.au milieu d'une fort de chnes bellouts et de chnes zens ollnous ne rencontrons aucun tre vivant. De temps autres nolt!deux zettats s'arrtent, l'oreille contre terre, pour couter si,l'on se bat, ou bien ils escaladent une roche de la falaise etscrutent attentivement l'immense panorama que nous dominons'iOn n'y voit que les fumes des signaux qui montent droites danS'la lumineuse et sereine splendeur de ce beau jour d'hiver.

    L'oued el-Abid, dont nous remontons la valle en l'accompa-gnant de loin, coule au fond d'une vritable gorge; un seIl-tier muletier en suit le fond.

    A la hauteur du Djebel Tagllendart on nous signale uneancienne mine de fer, jadis exploite, ainsi que l'attestent quel-ques scories. L'ordinaire lgende nous est aussitt conte: leS

    , ,

  • ,;

  • 38 AU CUR DE L'AnAS

    qui nous interroge avec tant d'indiscrtion, et qui accueille notreversion avec tel air d'incrdulit que Mouley el-llassen ne parlede rien moins que de retourner Demnat ...

    Nos serviteurs se querellent, ceux que j'ai engags refusentd'obir Mouley abd Allah qui fait fonction de chef d'escorte;et, comme ils accompagnent leur refus de protestations de .dvouement ma personne, je ,me trouve dans une situation:dlicate. Les gens que mes cheurfa ont amens avec eux ont si 'peur qu'ils parlent de dserter ...

    Tous ces petits dissentiments, qui n'excdent pas l'habitueltracas d'un voyage au Maroc, empruntent il. l'inscurit de cette',rgion,l'hostilit des habitants, une exceptionnelle gravit. Nous .sommes la merci de nos hommes : une rplique insolente peutcompromettre notre prestige, rvler notre identit; une rpres-sion svre peut provoquer une trahison. Il faut une patience,'une douceur mritoires. Nous ne parvenons tre servis qu'enaccomplissant nous mmes la moiti de la besogne. NouSaurions besoin de nous arrter un jour ou deux, de reposernos mules, de rparer notre matriel que la montagne use, noSchouaris et nos belleras que les roches rduisent l'tat dedentelle; mais s'arrter en pleine montagne, en janvier, chezles Ait Iah ou les A l Soukhman, serait une imprudence folle .. et nous continuerons marcher vers l'Est tant que la neige nenou arrtera pas.

    15 janvierLa pluie nous a rveills ce matin. Une pluie fine qui crpi-

    tait lugubrement sur la toile de nos tentes. Le ciel tait bas, leS,sommets environnants couverts de neige, j'ai cru un instantque l'hiver, si tardif cette anne, allait commencer, et que laZaouia d'Ahanal serait le terme de notre explora'ion, et notre,point d'hivernage. AUSSI sommes-nous partis tt pour l'atteindre,avant que le sentier fut impraticable. Le jour s'est lev; un jourtriste mais peu menaant. Les nuages qui nous enveloppaient'se sont parpills dans le vent du Sud, et le soleil a dissipmenaces et soucis ...

    La route cst courte mais rude. Elle longe mi-pente la berge

  • 40 ,AU CUR DE L ATLAS

    nous dcourager la goutte d'eau perce le marhre! oUhien: il n'est rsistance que la tenacit ne lasse! ou encore: les chiens aboient, la caravane passe!

    Sid H'sien (1), chrif d'Ahanal, est un petit homme trapu qui,par hien des cts, m'a rappel son cousin loign{' Mouley Ahmed,chrif d'Ouezzan. Quand il parle, son il gauche se ferme UJI peu,le coin de la bouche remonte, et cette contraction lui donne unair de malignit juvnile. Il sait mal l'arahe vulgaire mais litcouramment et comprend assez facilement l'arabe littraire, lalangue liturgique, dans laquelle il a fait des tudes assez com-pltes. Ses notions gnrales sont superficielles mais tendues.Hier soir, sous la tente, on a longuement caus. La conversa-tion a roul tout d'abord sur les affaires intrieures du pays.Tout voyageur qui passe doit narrer ses htes les nouvellesqu'il arecueillies sur sa route. De fil en aiguille la causerie s'es~largie; on en est venu parler des tribus qui habitent le restedu monde, et qui sont la France, l'Angleterre, l'Espagne, laTurquie, etc ... on les a jauges d'une trs tonnante manire:la Turquie vaut 50 ans; la France 30; l'Angleterre 20; lemonde islamique 100. Il faut, parait-il, entendre par ces coeffi-cients qu'un voyageur mont sur une mule, ou un piton mar-,:chant bien, emploierait 50, 30, 20 ans parcourir les territoires~de ces lointaines tribus.

    On a parl beaucoup de la France; de l'occupation d'A n Charqui a vivement frapp les gens de l'Est; de Bou Amama dont oDcolporte avec admiration la rponse l'ultimatum des Franais :

    - Si vous voulez la paix je serai avec vous, si vous voulezla guerre je serai contre vous.

    Aprs cette longue digression l'on est revenu nos projets.Notre rsolution tranquille, taye de bonnes formules orthodo-xes vantant la vigilance providentielle, et l'exhibition de quel-ques-unes de nos armes tir rapide dconcertent un peu noShtes. On a remis au lendemain les dcisions dfinitives, en con-venant queJlous ferions sjour pour reposer btes et gens etgoter loisir l'hospitalit de la Zaouia.

    (i) Hossen.

  • 42 AU CUR LIE J:ATLAS

    - VOUS n'aurez pas d'autr~ guid~ que moi ~ ))De la gorge d'Olfi/i!fen, o sc cache la Zaouia d'Allal/al, noUS

    SOllllIles revenus li la valle de l'olfPd el-A hid que nous conti-nuons longer en cheminant Il mi-cte de sa rive gauche. Lchrif d'Ahanal s'est fait escorter par une demi-douzainf' deserviteurs mines patibulaires. Un seul d'entre eux sait l'Arabe,mais il se drobe Il toute conversation, et refuse de nous fournirle moindre renseignement sur son pays. L'intrt de notre routeest mdiocre d'ailleurs; l'tape se droule au milieu d'une fortde chnes, de arrars et de petits cdres. J'ai su depuis quenous avions vit{~ les hahitations, qui, tout naturellement, hor-dent la rivire, pour prendre trav~rs la montagne o l'on nerencontre (fue quelques douars de bergers et des brigands.

    Enfin, aprs quatre heures de montes roides et de descentesabruptes, nous atteignons les tirremts des At Boulman (1) quioccupent le fond d'une cuvette profonde d'aspect assez dsol.Notre venue, annonce par un courrier du chrif, a attir unecentaine de curieux qui nous attendent assis en deux cercles, lefusil au poing, pendant que les femmes, indiscrtes et effron-tes, peuplent les terrasses ct dominent du vacarme de leurcaquetage la rumeur des hommes.

    17 janvierLes A t Boulman ont ft llotre prsence par un heidouz qui

    s'est prolong trs avant dans la nuit. Les danses et le, chantsd'ici sont identiques ceux des Brabe!' du Moyen-Atlas . .flommeset femmes, forms en cercle, paules contre paules, rythmentleur chanson aux battements d'un grand tobbal. Le chanteurrcite ou improvise: le chur rpte une sorte de refrain. Tous ~les excutants se balancent sur place, d'avant en arrire, d'une J.fa(:on fort lascive; les femmes surtout mettent dans leur mimi-que une impudeur provoquante. De grands feux, que les specta-teurs entretiennent, clairent cette fte. Quand la provision debois est puiSe les chants se.taisent, le public se disperse, et leschanteurs s'en vont par deux... .

    (1) Voir: Ren,eignements.

  • AU CIIll DE I,'ATI,AS

    Lps enfants sont il peine vMlls. Les gal'(:ons sont nlls sous lekheidouz cru, les filles n'ont qu 'un(' chemise df' coton soUSleurs lwndiras de lainf' franges de floches multicolores.

    !'Ious SOlllllles r{~veills ce matin par une hruyant(' discussion.~os htes se querellent pour une question d'intrN ; ils sou-mettent leur litig'e au chrif d'Ahanal avec un luxe Monnantd'imprcations, de gestps, de menaces. Les hahitants des tirremtsvoisines suivent la discussion du haut de leurs terrasses. On sehlf' d'une tirremt l'autre, avec les interjedions prolongesfamilirf's aux l\lontag'nards pt aux Saharif'ns : l~h ! ~Iouhaou Millloun, euh ! Eh ! Mouha fils de Mimoun ~

    Vers fI heures apparat enfin la classique /wril'a, potage il lasellloule dans lequel nagent des petits carrs d(' viande de moU-ton. Le djeuner est servi il 11 heures seulement. Il se COlll-pose, invariahlement, d'un keskous surlllont d'une moiti{~ demouton. Nos htes assistent il notre repas mais n'y prmlllentpas part. Ils sont trop nomhreux, 1I0US dit-on, et ln coutumen'autorise l'hte il s'asseoir il la tahie de ses convives ([ue lors-qu'il est seul les recevoir.

    Ici l'hospitalitt~ nous est ofl'erte par la trihu; le Mtail enest rgl par les coutumes locales; le cheikh en rpartit lacharge entre ceux des habitants que dsigne If' rle des imposi-tions. Chacun d'eux apporte son plat, ('n fait les honneurs d,quand matres et serviteurs sont repus, s'il en reste qlwlquechose il l'achve en compagnie de ses amis.

    Le repas termin on ahat les tentes, on forme les eilarg'es,on hte les mules. Toutes ces op{'rations sc font avec l'indoleneela plus noblf' ; le temps ne compt ... pas; se hter serait 1111 grll,'emanquement aux uSllges : Dieu a donn au cheval quatrejllmbes et la vitesse; il l'holllme il a dOllll{~ deux jamlles pt lamajest.

    Nous nous sommes mis en route, vers midi, dllns la direc-tion de l'Est, sans but prcis, vitant seulement la valle del'oued el-A bid et ses dangereux riverains. La fort de chnes estpeu dense. Avec ses dessous de bois de calcaire gris, rouge oUbrun, de micas, d'argiles violaces ou safran{'es, l'Ile prolongece paysage tourment o nous vivons depuis quelques jours.

  • Ali CUR DE L ATLAS

    pendant que l'autre coule ven; l'Ouest et por'te ses caUX l'Atlantique.

    Nous voici donc, enfin, en vue de ce hut

  • i8 AL; CUR OK L'ATLAS

    ~ob'e tape se prolonge dans la nuit et nous arrivons A(erdaau clair de lune, au milieu des chants, des coups de feu, descris de joie. Cet accueil nous montre de quel prestige jouit notreguide si aimable et si dvou, le chl'if d'Ahan~al.

    20 janvierAfr'/'da (ou l'fI/err/a) est un villag'e: ses ha hitants portent le

    nom d'AU ou A(erd. On n'y H>it ni tirremts, ni appareil guer-rier. Les maisons meuhlent l'hi'micye1e de collines, en tapissentle fond, ell pscaladent les parois, s'y superposent, sans ordre,sa ns, prcautions dfensives. Ce sont des maisonnettes basses, toit plat, construites en dalles calcaires ou en pis, se confon-dant presque avec le sol dont elles mergent peu. Presque tou-:tes sont prcdes d'un anvent, support( par des poutrelles dehois, ce qui leur donne un air de lgret gracieuse.

    l'n march s'y tient le mardi (et-~. Nous y faisons sjouret nos htes ne nous cachent pas que notre caravane de 23 hoIIl-mes et 14 animaux constitue pour leur pauvret une trs lourdecharge. Mais vraiment nous ne pouvons pas continuer notreroute sans un jour de repos: nos hellera n'ont plus de semel-les, nos mules plus de fers, nos chouaris plus de fonds; noUSsommes dans un tat de salet lamentable ... Aferda est traD- ~quille, bien abrit, elle possde un savetier, un forgeron, son'ruisseau est propice notre lessive, nous y sjournerons donc, ~quittes rendre lgre autant que nous le pourrons, et rmU- ~nrer largement l'hospitalit dont nous sollicitons la prolonga-tion.

    Un des notables est venu nous inviter prendre une collationchez lui. Sa maison est campe en espalier, mi-cte, adosseli. la colline, expose au soleil; c'est l'une des mieux situes,.~l'une des mieux construites d'A(erda. Ses murailles sont robus-~tes, paisses de plus d'un mtre, faites de larges dalles cimentes:avec de l'argile, sans fentres ni meurtrires. Une cour int-rieure prcde le seuil, encadre de hangards qui servent d'cu-.rie et d'table. Les animaux sout aux champs; les mules et leSvaches labourent, caron laboure encore en cette saison avan-

  • 50 AU co..:rn OE L ATL,\S

    les 11I'llllil'as et le!o\ kheidouz d.. lailll' pt

  • AU CUR UE L ATLAS

    vane. La l'olle1usion il til'er de I:ette exp{~l'iellee pst 1111 1 Ill'peut y avoir ell ce pays '1llC deux sortes d'pseo1'tcs pOlir Ullp

    exp{~dition du gellrc de la Il!1trc : ulle eSCIH'te dc sel'yitclll'S l'pli-gieux, diseiples du ch{~rif et tout sa d{~Yotioll, il qui kur chcfspirituel dOlllle la hastonnade pom' tout salail'c - j'ai pli appr-ciel' la doeilit et l'attachcmcllt d'une tellp escorte pcndallt levoyag'l~ IIIIC j'ai fait, l'Il 1900, aycc le ~:hrif d'Ouezzan : 011 bicnun pcrsolllH'1 Mrangcr au pays, dpays, ct par conslluentfidHe pal' diseiplinc ct pal' nccssit{" sinon pal' dvouemeut, telIlue sl'l'ait, par' excmple, Ull ddachcllIent de til'ailleurs ou despahis alg'riclls ou sOllllanais.

    'il jauvie/'.\ous jouissons d'U11 hiyel' exceptiOlllwllelllent doux, ct sallS

    neige. La crMulit publique attrihue le mritc dc cette fayeuraux vertus dc notre chrif 'lui passe pour un grand thaullla-turge. On citp dj d'tonnants llIirae1cs notre actif: l'autresemainc une fraction dcs A 1'1 Soul.1mwII ayait, parait-il, rsoludc nous attiHlucr petulant la nuit, pOUl' piller nos bag;ag'es ctnous l~g'orgel'. La nuit Mait radicuse, '1111 splelldidc elair de lune{~e1airait la fOl't. Quand les pillards youlm'pllt sc lllettl'c cIlL'oute pour commcth'c leur fOl'fa it, d '{~pa isses t{'lI I>rcs les PUn~lopprcnt, rendant lcur marche impossihle. 1lm' tL'ois fois ils teIl-trent de repl'endre l'ex{~cILtion de leur projet. et, chtlliue fois,l'ohscurit les arrta. Cc matin trois d'entre eux sont ycnus seprosterner aux picds du chl'rif, avouant publi

  • .. ~

    .) 1 AI; Ct:R m: L'ATLAS

    l que fut lIIassacr(~ traih'l'usplIIpnt, pn 1894, Mouley Srour, lepro!,rl' ondl' de :\Ioulpy Ahd el-.\ziz, deux fois sacr puis([ulMait l'amhassndelll' du Sultan et l'hte du ch('rif.

    Nous faisons halte trois kilollltres de la zaouia pourl'nvoyer notr

  • :jli

    ({IIi l'al'ad"('isp I('s J)(,l'qaolla. dOllt il

  • 58 AU Cllt:I:R DE ,,'ATLAS

    il t Iltand. Chemin fa isa lit il 1I0llS l'pIlSpi,!.i'IW Sil l' la topog'l'a phiept l'histoil'n (le ('ps \'i'g'iolls qu'il eOllllilit adlllil'ablpmcnt.

    ~ous psealiulolls (l'abord [p col (lc Til'7'allimin fl'ilnchissantainsi le sCllil 'lui Si'[lill'e lc bassin atiallti([ue (lu hassin nH'~dilt'\'I'allicn. C'nst lit (Ille pi'I'it ~[olliny SI'OUl', L'ascension est faeile,la ronte atteint en UIW IH'lIl'c ln sommet du col (l'oil la \"lIe estsplendide. A l'Ouest Lltlas-central foi'me un cahos (lui sembleinextrica ble, infl'anchissahle, s'tendant de la crte du Djebelbau Gemrnez aux collilles du Moyen-Atlas,

    Au Sud le Haut-Atla, [Iode (leux normes montag'nes : leDjehel Mqrollr, an pied dm[ue! passe le cal rLlhanal; le

    i Djehel J!aas!.:er, qni domine le col d'b'il par o l'on va d'Ar-t" bala au Tlwdra.

    Au Nord les montagnes du Moyen-cltlas portent les noms destrihus f[ui les hahitent. Le chi~rif Amhaouch les numre avecvoluhilit, ce sont de l'Ouest l'Est: A! 5/7'i, A,! IllOudi, AtOuirra, A! I/wq, A! Ic1tcheqqel'e'l, Beni lt!gllilri,. par del cestrihus et ces montag'lIcs, on descend dans les plaines du Tadlact des Zaan.

    Mais nous sommes las de ces horizons montagneux dont cha-que tape, depuis deux senl'lines, nous a foumi l'occasion d'ad-mirer la svre majest, ct c'est "ers r Est que vont nos curio-sits, vers l'immense plaine de la Mlollya qui commence noSpieds, encadr[~e entre le Moyen et le IJaut-Atlas, et qui va,s'Margissant it rinfni, comnll' un golfe.

    Je revois avec motion, se haussilnt par dessns lcs montshriss{~s de cdres des Beni Mqllild, le Djehel Haan, puis, plusau Sud, gig'antesque et COIH'ert de neig'e, le Ari Aach, le g,;an tde l'Atlas, (lue j'ai ascensionn(' en 1901.

    Mes itin['raires se ferment d['sormais, enveloppant le Maroc(l'mlC fa

  • 60

    pt lp lpndpmain, il l'auhp naissantl', au hruit dps lieidvuz, aUson dn tobbal, lIoS spl'yitpurs Mail'Ilt l'ncore attahll's il dyorerd'{'normps IIuartiprs dl' moutoll l'n huyant du lait aigre il lahouc!l(' dps out.,ps ...

    U janvipl'Les A l iHssa chez l[ui Sill Ali a refus de campel' hier soir

    sont VPIIUS ce matin, en supplia nts, gorger des moutons devantla tentp du chrif, et Il' prier (l'acceptf'r l'hospitalit de leursdouars. Lf'ur ahstention d'hif'r fut toute fortuite f't naturelle: onavait omis d'avertir les l[eux tiers de la fraction. Sid Ali cde leurs instances, et nous levons notre camp pour revenir le plan-ter millf' mtres plus l'Ouest. Pendant cc court trajet lesA 'il Al'ssa nous donnent une fMe {'quf'stre, un lah el-kllid danslequel une trentaine de cavalif'rs, arms du ~[artini-Hf'Ill'Y ou duRemington, galopent, {'voluent, autour d'nne poigne de pii~tons arm{'s de ~'r[l]l(ls fusils marocains.

    J'ai, par ailleurs (1), longuement dcrit ces jeux guerriers.Cpux des A! Assa ne nous apprennent rien de nOUVf'an. J'ai puconstater seull'ment que les cavaliers de la valle de la Mlou.'Jamritent encore leur hon renom.

    Quand la fte fut termin{'e Sil! .Ali en rt~llllit autour dl' lui tousles acteurs, ct, de sa voix claironnante, s'i'cria :

    - (( Fahrilluez de la poudrp. l'ntraillPz vos chpvaux, la .t]uPJ'l'esainte pst proclw !

    '2S Jalwiel'~ous nous rveillons sous la neige. La valle de la l~Uollya

    est Manche comme un steppe, f't du coup notre prcieuxcompagnon Sid Ali nous ahandonne pour rentrer chez lui.Avant de nous quitter il nous fait donner une mule par sps vas-saux les At Aissa, puis il nous remet aux mains des A! Ihandqu'il a fait convoquer par un courrier, ct qui nous conduirontchez les AU YaMa.

    Nous 1I0US diri~'eons droit sur 1'pntre du col de Tounfit trll-

    (t) J"()!ln.'IP.~ nll Jfnrnr.18!l!)-H}01. \. Colin.

  • CIIAPITHE 11.I

    DE L'OlJED ~ILOUY.\ A I:OUED DRA

    26 janvierCe matin, ell ({uittant AzcrzollJ', nous I\ldtons le cap fl'anche-

    I1lf'nt au Sud. Avec cette orientation nouvelle commellce la deu-xime partie de notre voyage, qui consiste traverser le Hall/-Atlas et gag'ner l'ollerl Drll en tudiallt les bassins sahariens del'oued Ziz, de l'oued Reris, dl' l'olleq Thodra-Ferkla ct le DjebelSarro.

    Le froid est ,-if, nos thermomtres maI'(lupnt - 9, mais le cielest d'une admi['ahll' puret. Les AU J~tand 1I0US font attendrejusqu' onze !Il'ures Il' djpuner ({u'ils til'nnl'nt il nous ofIrir,puis ils pr{'cipitent notre (l{'pal't pt nous font travl'['sl'r, aussivite que nos mules le peuvellt faire, la plaine dl' la Mlouya. Laraison de cette hte est que notre itillraire doit {~l'orncr le terri-toire des Beni Mguiid, avec lesquels ils SOllt CH guerre. Ln fort

    part~ de cavaliers battant l'estrade a t signal dans la direc-tion que nous devons suivre.

    Le col de Tounfit ouvre devallt nous ulle c1Jancrure troiteentre les deux normes massifs du DjelJel Maasker et du DjelJelAaclti. L'Atlas est splendide; la lIeige a gliss sur ses pentesrapides dessinant des artes vives ct des faces plalles (l'une mer-veilleuse rgularit (lui en font un titanique entassement dedidres ct de tridres. La Mlouya, au gu o nous la traversons,n'est qu'un gros ruisseau clair, assez l'apide, demi gel. Ellen'a nulle part encore plus de 5 mtres de largeur ct de 50 centi-mtres de profondeur.

  • 64 AIJ CC1t:LII ilE L ATLAS

    LIISi"Clll'i t{~ dp ce eallll)()ment ('st ~'l'a IIdc. Cett(' al-;'~'loml'ra-tiOIl de tous les tI'f>upeaux (L'ulle h'illll ('st faite pOUl' tellterles pillal'ds. l: Il l'ezzou helll'eux pOlll'l'ait clIlpver d 'tlll coup demaill des milliers de moutolls et dl' ('hi~\'(,s, des ('elltailll's demulm;, d'II('s, de chevaux. Je retrouvl' ('(' soir, paI'mi Cl'S tribuSpastorales, !l's impressions y(')cues dalls les l-;1'alHls douars desBeraber, au milieu des fOl'ts dps lIeni Mguild. Le calme decette soirl'p splplHlide est troubl(, pal' la rentrl~e des tI'oupeauxinllomhl'ahlf's souleva lit UII nuage de poussire. PaI'mi les cla-meurs des ))(l';.;'crs, les femmes s'f'mpressellt il tI'ail'e les chvreSet les In'ehis. Ensuite c'est le retour des mules: puis celui deschameaux dont la marche est plus lente, la cOII(luite plus diffi-cile ; enfin pal'aisselit les cavaliers, tMe-nue, If' )IUI'nous tombantil la cheville, le fusil en travers de l'arI,'OIl, resserrant patien1-ment le cercle immense de leur retraite concentrillue. Les grandsfeux s'allument, emplissent le camp de clal'ts soudaines, ctde senteurs aromatiques. La nuit vient, la l'umeur du camps'apaise, les douars s'endorment. C'est l'heUl'e o, sous 1I0treouttlll hermtiquement close, commence la veille lahorieuse ;Zenag'ui transcrit ses Ilotes, ct fait ses ohs('l'\,ltions mh~orologi(lues: Boulifa surveille la chaudir(' de SOli hypsomtI'e, dassenos rcoltes gologi(IUes ('t botani(IUes, pendallt (lue je hraquelunette et sextant yers les l'toiles, (IUf' je mets au net mes itill-l'aires, et (lue j'cris le journal de notre l'oute ...

    Il faut avoir ,-cu cette vie nomade pour Cil comprendre lecharme, pour savoir (luelles compensations aux misres quoti-diennes on peut trouver dans la splendeur du dcor o l'onlutte, dans la o'randeur du hut (lue l'on poursuit...

    'i7 janvierl\"ous tions partis cc matin pour faire une lougue tape.

    A peine~tiOns-nous engags dans le col de Tounfit que forcenous fut.de nous arrter. La bourgade de Tounfit, capitale deS

    l '

    At Ya4ja,; devait nous vendre de l'orge et nous fournir uneescorte. :mJ.e s'y refuse pour aujourd'hui, rclamant l'honneur

  • Q6 AU CU':UII DE L'ATLASI~t.'.!.lppIlllant Il,tapp dl' dpllliIill ... Enfill j'ai l'C(:Udl' ('1' 111(\1111' IJl'aoui unI' dt"l'!m'atioll 1'av(' : quatt'p dl' Sl'S ('Olllpa-triotf's, hahitallts dl' TlS11 ('0111111(' lui, l't qui vivaif'lIt avc(' lui;i lilogador, Ollt l'I'(:U la ('onfidpII('p (h- nos pl'ojds. Cps hOllllllCScOJl1Iaissl'nt notrp intf'ntioll dl' rpH'lIil' pal' Jp lHlssill (If' l'ouedDm. Ils ont d (luittel' Moyador pour l'l'toUl'nf'r c\H'Z pux trspeu de joUJ's aprs notre dt"part ; ,II0US ('OUI'otIS ('hallcl' de lestroUH'r SUI' notrc chemin.

    - (.JudIe attitudl' auraient-ils en cas de J'encontre"?- Mauvaisl', l't'pond sans hi'siter AllIlled, ils nous pilleront,

    ct te tUf'ront !Ceci modifie mon progralllmf'. Bien f'ntf'lHlu nons viteronS

    Tisinl et toute la rgion {lui horde le {'ours moyell de 1'our'd Dra.:'\ous allons revenir jusqu' l'olf{'d Dai/s, c'est--(lire jusqu'l'oued Dra supt~rieur, en longeant les pentes Sud de l'Atlascomme nous en avons long les pentf's 1\ord. En atteignantle Dads je disloquerai ma caravane (lui, dt"cidt'Illent, l'st troplourde pour ces rgio amTes ct dm dnlCnts sont tropin-concilia

    Boulifa agnescheurfa, ~fouley AbdAllah; il unne lents ct indiscrets; il.emportera la ie de notre voyage, noSdocuments de t te esp, (lue j'ai h . de mettre en lieu sr ;enfin, et surtout, il l'ter, e nos nouv lIes tous ceux, parentset 3.mis, dont nous devll IS 'affectueu f' angoisse. Depuis notredpart il nous a (>fil imposs Ile de f ,ire pal'wnir u eUlettre, et nous n'avons l'e('u aucune 1 ouvelle du monde ext-rieur. L'isolement est la l:an(;On des lellf's l'motions l' cette '~vie intense qui ahsorhe l'esprit et fatig' e le corps, mai. aisse leJ..~cur anxieux et vide... 1

    ~

    A peine avions-nous arrach les premiers piquets de nos ten-tes (lU 'une dlgation des notahles dl' Tounfit est venue noUSpriel' de surseoir. Le cheikh du villag'(' est abscnt; la plupartdes cavaliers sont au march du sHllledi ; })erSOIllle ne peut nous

  • 68 AU CUH HE L ATLAS

    l'ignore, toujolll's t'st-il que l'apparition de nos armes, hMi-vement exhibes hors de leurs Muis, a d ajouter heaucoup depoids sa glosc, car les jeunes m(~cr('ants sc sont prcipit(s,repentants et confus, pour haiser les mains de ces passants qu'ilsprMendaient piller,

    La fin de Il,tape est monotone. Nous sommes domins de par-tout. De trs hea ux dlnes vtent les parois des montagnes d'unefrondaison sombre. Les cdrps hoisent les r(~gions suprieu-l'cS; ils paraissent malades, leurs troncs desschs encomhrentles ravins, hrissent les sommets, couchs comme des paves,ou ciress(~s comme des gihets.

    Tag0wlit , notre gite, est situe dans UIl(' valll~e

  • iO AU COEUR nE ':ATLAS

    avec peine; les parois SI' rejoignent JUSqU'il se toucher, ctles eutasSCUll'nts de roehps MlOu1(~es dessineut des vot

  • 72 AU CltTH m: L ATLAS

    dpllx fa laisps. Il.'ux Yillag'C's Sp SOllt ('OIlSII'lIils Il' IOllg' dl' Cf'gave, ct l'II utilisent les caux : l'ahl'ijjaf, f't. dl'uX kiloml-tresplus has, Taribanf o nous campons.

    .'11 janvier

    Nuit agite. Nous avons Mt~ l't~veilUsen sursaut par des coupsde feu ... Nos hOlllllles de garde SI' sont crus attaqut~s, ils ont vudes gens s'approcher de nos tentes et ont simuitan{'ment crit~ ettir. J'eussl' dout{ de cette histoire si, nnC' hC'url' pIns tard, unegrle de pil'rres lI'avait t't{~ lance contre lIOS tentes. Il a doncfallu faire des rondes ct se tf'nir sur la dMensivf'. Cet incidentfcheux m'est une preuve nouvelle dl' l'absence de sang-froid denos hommes . .Je n'ai pas plus de confiauce f'nleur courage qu'enleur dvouemellt. Puissions-nous n'avoir pas il les prouver ...

    La matil\('l' s'est ressentie df' cet incident. On 1I0US a traitsnon pas en hotes mais en ennemis. Ce u'est plus un droit de pas-sage que l'on exige de nous, c'est une raIH:on. Il a fallu payer5 pesetas par hte ! Les A! Hadiddou rpondent nos rcrimina-tions que les A! hdeg coupent les routes, et qu'il nous faut aumoins 30 hommf's d'escorte pour pouvoir tenter le passage. Lacomposition de cette escorte montre assez la fausset'" de leurprtexte: on nons fait accompagner par des enfants porteursd'un arsenal de dt'risoires fusils hors d'usage ou de btons. L'onse met en route, pourtant, avec un luxe puril de dmonstrationset de clameurs gUf'rrires, qui attestent une hien pitre estime dela hravoure des Au lzdeg ou une bien haute opinion de notrenavet. Par honheur les At Izdeg sont OCCUPl'S ailleurs, et l'ex-hibition de nos arnlf'S contient notre escorte dans son l'ole. Laroute se dt'roule sans incidents. La brche de l'aqqa Ouane(res,entrevue hier, Ol! nous franchissons la troisime chaine, est unede ces belles gorges de l'Atlas que nous avons plusieurs foisdcrites. Le lit du torrent y sert de chemin, les lauriers-rosel'encombrent, deux murailles rocheuses de 300 il 400 mtresde hauteur l'encadrf'nt et l'enserrent. Puis ce couloir gant s'pa-nouit en nlle large valle Ol! l'oued se partage en cinq ou sixrnissf'anx qni "ont, diminuant dl' lar~rPur et d'allnre, jnsqu'

  • 74 AU cUR DE L'ATLAS

    101' lvrier

    npaI't il dix !lcllI'CS. ~otI'c pcrsonnel a hte de (l(ltaier; notrehte ne peut nous donIlcr (lue sa hndiction ; jamais mise enroutc IIC fut si IH'cste, si simple. Deux zettats, rpcruts il gran(lpcine, nous gutderont, pOUl' le pI'ix de 15 pesetas chacun.

    L'oued Taria, dont nous suivons le lit, coule au fond d'unv(witahlp ca/ion dont les parois abruptes, hautes de 100 300mtres, l'lont formes de dalles empilps horizontalement. Lefond n'a pas plus de 200 mtres de large. La rivire y serpenteparmi de petits champs encadr(~s de digues. Les lauriers-rose etles tamaris, les peupliers, les noyers, les ahricotiers, et mme, unpeu plus has que la zaouia, les palmiers, font de ce couloir unlong et dlici~ux verger. Les villng'es sont curieusement accro-chs mi-falaise, SUI' les marches gantes que, par endroits,forment les assises calcaires, d la route quitte parfois le fondde la valle pour grimper en corniche.

    La zaouia de Sidi Mohammed ou foussel est compose de cinqq~~our : deux sont habits pal' des cheurfa des Oulad Aml'r,trois par des llilfatin. Nous dfilons devant eux, puis nous passons au pied d'autres villages appartenant aux At Mai'ad.

    Les parois de la falaise portent aussi des traces de ruines;on nous montre mme une sorte (le route en corniche qui est

    d(~signe sous le nom de T"tq elt-Vrara (Houte des Chrtiens). Ahauteur des ruines de Tazer! la valle se rtrcit en gorges sau-vages nommes Aqqa n'Ouaouna n'lm!er.

    Le sultan Mouley el-Hassen traversa ces r('gions, il soumit lesAu Meri'ad, et d(lmolit il coups de canons quelques villag'esr(~calcitrants. Cette campagne a laiss de profonds souvenirsdans la llltlmoil'e

  • 76 .\1: crn DE I:ATL.\~

    1I0tre point dp d{'pal't, qlle 1I0fl'p ~'lIidl', ('II\'pr~ (lui nous 1I0UScOllfondiolls pn rpmprciempnts, 1I0US fit conllH'eIl

  • 78 ,AU CUH DE L ATLAS

    .5 (lJJ'el'

    Nous avons sjoUI'n(' hil'l', Il fallait divisl'r notr'e mat('riel,cal' je COUPI'. demain, ma cal'aVanl' l'n deux: llll(' moiti(~ l'l'ntre ilMerl'akeclt, l'auh'e m'al'colllpag:nl' dans l'exploration du hassinde l'oued Dra. Boulifa, dont Ips tra vaux de linguistique herhrcs'accomlllodpnt mal de cette vic nOlllade, IH'l'IHlra le l'Ollllllande-ment de la fI'actioll 'lui renh'e, il elllllli~nera :\loulpy Ahd Allah,cc vieux g'u(wrier, actif ct vor;H~e, dont l'excessive nerg'ie ct lehel appMit ont cu le dOll d'exasp(~"er tout le monde. SOIl heau-fils l'aceompag'ne, ct jP n'ai pas dl' ,'eg'l'pts de perdre cet inutilect fragile phhe, aWluel il fallait des soins dl' sultane. Je di'bar-que encOl'e lIH'S deux Braoua, ll's fortps ttes de mon personnel,(lui, di~l'id('llll'nt, ont II' couteau trop prompt ct le verhe tropinsolellf. A C('S dpllx-lit jP eOllfie les autres aH'C dps recomman-dations confidentiplles pt flatteuses; aux autrps je confie ceux-ciavec les mmes fornH's cOldidentielles ct ('ourtoises. Je Illedbarrasse, par cette mme ol'casion, de tout cc (lui est encom-brant, inutile, fatig'u : cantines, munitions, armes, tpntes, ani-maux, Enfin je remets il Boulifa cc (lUI' nous tlvons de plus pl'-l'ieux : les documents, colll'dions, photographies, itinl'aires,observations astronomiques ct mtorolog'iyues, de la premirepartie de notre voyage.

    J'prouve, il ces prparatifs, l'inquitude anxieuse du mois-sonneur, dont un proverbe herbl'e dit qu'il song'e sans cesse combien il y a loin du champ au silo, (le la g'erbe au pain:

    (JUlint nous, dchus de notl'e splendeur, nous quittons lesrles magnifiques que nous avons tenus jusqu'ici. Le fils ducheikh Ma I-Arllin redevient un illfime chi'rif dl'i,; Oulad be(:-baa; Zenagui n'est plus qu'un modeste f('yih, je tombe au rangdl' simple muletier... ~ous sommes dsormais de pauvres eOlll-mert;ants, marchands sans marchandises, courant 1('8 marchsCIl qute de commandes, jouant par surcroit les emplois demdecins, de charlatans, de cheurfa, Il yant notre arc deuxcordes rUile pour ls g'ens intres8s, l'fluh.'p pow' les crdules.

    Toute la soire, toute la nuit, et ce matin ds avant l'aube, les

  • Al; CUELH ilE L ATLAS

    hyponitp pt assez Ipttl"\ Si pl-Hahih Ill'il (lilial', l'ilt"l'if desOulad he(:-(,;haa. li 1I0US a dOIlIl'" JpChH'p du 1,,'pIllit'1' dlilpih'ed'un I-j'l'alld ouvrage auquel il "OIlS,lt'l't' son talplI!. C't'st unehiog'l'aphif' df' Sidi BIla. Le d{dlUt t'st UII fatras df' hallalit{,s POlU-peusf's; puis vient un pallt'~gYl'i'luP ,"llOlIt,'>, 'lU

  • 82 ,W CljH m; L'ATLASvel's lcs palmcs, la plaine piPl'l'PIISP df' [[(u!f'b (lui Juit sous lesoleil dc midi.

    Chacun dos (Il':OUl' de Klwrhet couticnt plus dc t.500 habi-tants. Le march d'Asril' qui est tout voisin est encomJH'demonde.

    Le l(}IU' d'Asrir passo pOUl' avoil' M construit pur les gens dumaghzen; unfonl'tionnlliI'e et (luelquel'l lIlol-;'haznis y tilll'el gar-nison. L'enceinte de la hourg'ade cst divise en deux parties'dont rune est aux juifs, l'auh'e aux I.Jara~iIl. On compte600 juifs et un millier de JYl~'a!in. Lf'S JsrllMites y vivent danSune scurit(~ relative, IL la c.ondition de sc placer sous la tutellede deux maUres : un JJel''fuli (Al:! Jferrad) pour l'extrieur,Ull l,Ja~~ani pOUl' la vic int{>rieure dans le q(:ar.

    Le march(~ sc tient dans le fluartiel' juif, SUI' la place du mellah.Une foule de 2.500 IL 3.000 personnes y cl'cule. On y vend des~bougies, du sucre, du th, du heurre, de l'inItIe, des (Jalles, desgrains, de la viande, Il df's prix sensihlenH'nt sup('l'icurs ceuXdes IlHu'chs dc la cMc. Lcs hpstiaux, au contraire, sc vendent

    , vil pl'ix, l'herhf' devient l'are, la famine d('sole les montagnes.Ull buf vaut 30 pesetas, un moutou 10.

    On IlOUS montre dans son choppc le tajer Yahia, un vieilisralite barLe blandw, (lui passe pour le plus l'iche person-nage df~ la r('gion. Plus loin une femut(' juive surveille un~ta.lde tahacet de kif. Cette d(~rogation Il la rgle qui interdit a~l'l'mIlleS de tcnil' hOlltique est une to1('rance int(~resst'~e. Le maride cf1tfe fnunc Il'est enfui laissant un passif considrahle. Lescrt"anciers ohtinI'f1I que l'ahandonne continut son commerce;elle paye ainlli les tlf1ttCIol tic son mari, et lve ses enfants.

    L\; hnaziren surveillent jalousement leurs protgs juifset prlventun droit sur leurB oprations commerciales. Le juifse soustrait de sou mieux Il (et impt. L'un d'eux, ayant nousfournil' tle l'OI'ge, pl'end noh'e commllnde, nous prie de l'atten-dre un instant, et s'en va chercher le gI'Uin dans sa maison. J}revient les mains vides:

    - Je vous prie d'attendre encore un moment, mon amazir estchez moi, il m"est impossible de sortir aucune marchandisedeyant lui ...

  • AU cUR )JE L'ATLAS

    ~ous SOllllW'S parvellus aux palmeraies de l'oued TllOdra:dl~sormais la route de 1I0S compas'uons est sI'e. ~ous faisons uneCOUl'te haItp pt, h'i~s "mus, malST ue chacun se roidisse de sonmipux pOUl' eac1)('I' sm; sentimeuts, nous nous sl'parons, allant,les lins l'llups!. les autres au Sud, VPI'S les monta~nes bleuesdu ai'/'o.

    Ppndallt lougtemps ellcore nous 'poU\'ons suivre des yeux laminuscule pscorte de Boulifa fuyant dans la plaine. l'II de meseayaliers dclare (l'uu air sentencieux : La fortune ne se

    dl~douhle pas. Dieu seul sait avec qui elle cheminera!... (1).:\ous aIJordous le Djehel ai'l'o perpendiculairenwnt il sa

    dirediou g'(~nh'ale. l)'allord uous fl'Huchissous trois lits d'ouedssans vgtation, saus verdure, (lue l'onuomme Iris ou hien Aqqasuivant qu'ils ont ou n'ont pas d'eau. On escalade ensuite unseuil constitui~par des couches de calcaires noirs plongeant versle Nord. En arrire s'ou\Te une troue cncadre entre deuxehaincs dc collines oi! s'lycnt (luelques q

  • AU r.ot:un nI': L'ATI.AS

    n'Jat, l'aiguillp dl' .Tat, auh'c ~oupeUI' dc routl' (~galenwntdl-hl'c; dans l'OlH'st, (jllatI'c massifs remal'lfllahles pol'tpnt lesnoms de TOI/ri JI' Telrount, Olll Il'TrlrouII!, Taa n' T"ll'ount,"'l'di n'Telrount, Il' cmur, le foil', la t.te, l'intl'stin, dl' la cha-llIelle, parce qu'un pprsOTlIlage mythique, dont on n'a pu medire le nom, ayant tu6 sa chamAlle en mangea quelque mor-ceau en chacun de ces endroits.

    Vers 5 heures 30 nous faisons halte dans un site solitaire(lu'on nomme Tiguelna, au pied d'une grosse tour carrf' souslaquelle repose une sainte, Romla Alssa. Personne n'est l pournous en conter l'histoire, etc'est un m(llancolique spectacle quecette minuscule oasis, IH'e du caprice d'une petite source, et dessoins de quelques hergers, fmiche, propre, soigneusement cul-tive, perdue, et commc oublie, clans cette plaine arirle.

    8 lvrier

    Partis avant 10 heures du matin nous arrivons l'tape 7 heures du soir, la uuit close, aprs neuf heures de marchesans halte ct sans grand intrt.

    Tout d'abord nous travcrsons les collines d'Achic!l qui limi-tpnt la plaine (Ltmmar. Le eol est troit, encombr de tamaris;un ruis'leau y sourd ct disparait aussitt, absorb par la terreassoifl'e; une grotte Iri Rial, bante dans la berge orientale,l'enferme un trsor que nous avons commis l'indiscrtion, sacri-lge, mais vaine, de chercher. Des traces de foyers rcentsattestent que les passants ont coutume de faire tape en ce lieupropice qui leur offre un abri contre le vent, un peu d'ombre,de la fraicheur ct de l'eau.

    Ces collines cl'Achich sont des assises calcaires qui plongentd'une vingtaine de degrs vcrs le Sucl. Vues de cette face ellesmontent en pente douce; vues du Nord cc sont des falaisesdresses pic sur la plaine.

    Au del s'tend le vaste cirque de el-Haaa (el-H'aaY'Ia)que ferment les collines de Serf'dra et (l'Izergan. L'oued el-Haaa, qui couIc au pied de ces collines, vient de l'Est, il sort

  • If's masons s('('('oulf'lIt, lf's !If'aux jardins l'lallt
  • 90 AU CllH 1lI': J:ATLAS

    ruelle obscure ne s'est pas op{'rt'~ sans peine; ct nous avonsrepris, il ttons, toujours huttant et trt"huchant, la nocturnepromenade il tI'avers les ll"al'tier's silf'lIeieux ct l'lIin{s. LesmUt'S fr'anchis nolis nous sommes tI'OIlVS dans la plainf', sans;.;'ite ...

    Nos zettats nous ont offert alors d'aller' camper dans un([(;ar voisin, il (!l-llfguerba. Nous nous y sommes J'CIHius, ctnOlis avons pIanU' nos tentf'S sur une f'splanade dure, il c

  • CHAPITHE IV

    D L'OUED DRAA LA ZAOUIA DE SID! ~IOHAM~IED OU IAQOUR

    12 fvrier

    Cdant aux instartces des ~aciria nous sommes revenus Tamgrout. Deux kilomtres seulement sparent el-Mguerha de laville saer{~e. A l'Est le (1

  • .H Ctt:IJH liE L ATL,\S

    s'en resscntit, ct le budget d(' la zaouia, grev par les lourdescharges de l'hospitaliU' et de la gu('rre, devint insuffbmnt. Ilfallut contracter des dettes. Les .Hl Alla, (lui avaient M, tour tour, alli{~s des deux prMendants, avancrent (IUclqu'argent puisen rclamrent le remhoursemcnt ; et, cOUlme on tardait acquit-ter leur' crance, ils attaqurent Tamgl'oul et en pillrent unquartier.

    Sid el-Habibi se retira le premier; il enmena ses femmes, sesserviteurs et partit pour le Sous o il fonda, ou seulement res-taura la zaouia d'Adouar.

    Quant Sid el-Hanafi, rest seul pour faire face aux exigencesdes cranciers de la zaouia et aux charges de l'hospitalit, ilpartit en voyage, et, depuis deux ans, il circule dans le Sudmarocain, qUtant pour remplir son trsor vide, et s'efforantde rchauffer par sa prsence la charit et le zle attidis de sesfidles.

    Ces dissentiments ont fait le jeu des autres familles chrifien-nes qui se sOllt taill une clientle parmi les Naciria. Les plushabiles et les plus heureux ont {>t les cheurfa dc Tameslohequi out su s'attacher la tribu des Al Alta.

    Mouley el-Hadj Abd Allah heu Hossein, le chef de cette mai-son, est reprsent par un de ses neveux, Sid bou Azza oUDriss, qui habite Tazzarin. La ziara des A! Alla est rgle parun code dont on nom; a numr les articles: on paye au ch-rif un metqal par enfant qui nait, par cheval qu'on achte; unmouton par troupeau de t 00 ttes; un trentime des rcoltes decrales; un huitime de la rcolte de henn, etc ...

    J'ai rencontr Sid el-Hanafi Mogador; il tait accompagnd'une trentaine de Draoua. On nous a cont que ce chrifse faisait amener cha(IUe tape une femme du pays, l'pou-Sllit, et la rpudiait en levant sou camp. l\"otre informateurajoutait que l'Qn recherchait comme une bndiction et unefaveur insigne l'honneut' de fournir l'pouse phmre...Comme nous manifestions quelque tonnement voir glorifieroct impudent abus de l'institution la plus sacre, le moqaddemrpondit: Celui dans les veines de qui coule une goutte dusang du Prophte-se doit au monde 1. ..

  • 96

    Le IJI:ouriell est done ohlii-!-"" de recollllaitre la suzerainet'" duBerhl'i Id d'acho1el' sa pl'oteetion. Ce man'hl'" 'lui se nomme ladebiha, If' sacl'iti('e, l'm'ce 'lu'a utI'dois le Pl'otl'i-!-'(' illllllola it une\'ictillle dc\'ar1t. la tellte ou la maisoll de son protedeUl', con-siste "II pl'('It'~\'IIHmts dont le taux est variahle mais repr('sente(~n moyenll(~ deux elwri-!-'es dlOlIlIl((, pOUl' 1'01';.:'1', ~m onzimepOUl' les dattes.

    A cc prix le Draoui achte une scurit complte; non seule-ment sa rcolt(, sel'a g(Il'd(~e, mais mme elle lui sera remhour-

    s(~e au cas o PlIe viendrait il tre pilll'e. Le Berhri se dsint-resse d'ailleUl's compltemcnt des afl'ail'I's int('ripurcs Ile seSdients, Que les llraoua se hatte'nt, se pillent, c'est leur droit.11 n'interviendra ({lIC si on rappelle, et cn ce l'as il faut payerson concours, ou si quc1'lu 'agre'ssion t'otrang:re, venant d'uneautre trihu berhre, met les biens de SOli client en priL

    Les Braher ont, dans le'urs agglomrations, des Braoua hara-tin ou qebala. Cc sont des csclaYl~s avec toute la di'chance,toute la misrc (lUe' cette servitude' comporte. On les tue, on lesvend, on les change; leur valeur marchande est variable.11 arrive' parfois ([ue' ces haratin forment un groupement,('ditient ou prennent un (JI:ar, ct y vivellt lihremPllt en payantunc dehiha aux Brahcr.

    La deuxinll' caste est celle des cheuda ct des marahouts'lue les [maziren nomment: agollram, Les cheurfa sont de bran-ches diverses; ils pullulent dans le bassin de l'oued Dra. 11 enest sans doute beaucoup d'apocryphes, mais les Draoua sontcrdules et enclins aux superstitions. 11 n'est pas de centre quilI'ait sa qoublm et son saint, mort ou vif: cal' L'antropolatrie,'pvPi deux formes: le culte du saint dHunt. et le culte du saintvivant. Le plus souvent les deux cultes sont cxploits par lamme famille: la haraka tant h('l'i~ditairl'. le d f'seendant hrite,en mlllQ temps les \'crtus de son ascendant, sa zaouia et sontombeau, 11 les exploite de son mieux, mais la concurrence esttelle que beaucoup de trs pieux et trs vcrtueux personnages ensont rduits lamendicit. Ceux-l sont nos comlllensaux ordi-naires et nos plus prcieux informateurs. IlH s'abattent SOUSnotre qouhba ds qu'elle est plante, y mangent nos mounaS,

  • .\t Ct:H ilE I:ATLAS

    font, pill' places, un taillis toull'u; pal' clHlroits aussi s'talentdes flaques d'eau saurnh'e, hord("es de toutres de joncs,autour desl(uf'lles le salph'l' affleure. Les si'guias sont malenh'etenuf's. Elles ne repri~sf'ntent nulle part un canal hordsfrancs. Partout elles out l'aspect de ruissf'aux dl' 2 mtres delarg'l'ur au plus. L'cau eu l'st trouhlf' l't tide. Tantt elle sta-gne, tantt l'Ill' coule lente l't hotu'usl', tantt elle court hruyante,cumeuse. Elle passe sous mille ponccaux, pal' cent aqueducS;di!lparait sous les murs de c1tur

  • 10ll

    l'OUI' intt"ripul'P pal' Ulll' portl' et Ulll' fl'ntI'(~ g'l'ilUp. La piileeest sOllllll'l' l't l'I'(,ul'illie,

    Le eatafalqllp, dl'apt' d'Pione l'ouge, Splllhll' 1111 t'. n'11lH' lit debois, portant unI' houle il c1HHIIH' coin. Le saint Il'epospaul'l'ntI'p, Sl'S succl'ssl'urs sont aux ang'les; Il' lllonumpnt funhl'crPllfpl'llle (l'latOl'ZI' el'l'l'ueils.

    Cc sont ceux de :1) Sidi Ahd :\lla h hen cl-Hossell el-Uehhh, prl'WI'SeUI' des

    l\aciria:2) Sidi l\Ihamllled ben Xaccr, le premier des Xaciria ;3) Sidi Ahmed ben :\"acer, surnomm el-Khalifa, son fils ;4) Sidi Ahllled on Brahilll pl-;\w:

  • 1/)2

    La zaouia nOlis fait dire ([u'dll' est (lans l'impossihilit detI'Ouver dl' l'org'l' poUl' lIoUI'l'ir IIOS mull's. La diseUI' Cl'oit ; 011dounl' de la IUZel'll1' aux hNl's dl' Tamyroul. L'orgl' vaut l'Il ccmOlllellt 25 pes

  • ...

  • 10t

    hlwil'sl'f' par' )lla('f'I' df' toufl'f'I' ('l''''PUf'I', ayf'C df' ~'I'ol' collif'rl' dehoules de \'erre ou d'amhre pendul' au cou, et des grandsanneaux d'al'/,.;'pnt aux ]H'al' et aux orpillpl',

    Aprs leI' petitel' filles vinrent leI' yieillpl' fellllll Pl' , lIrapcsdans leurl' pagnel' de KllOllllt hleu, lamentahlel', geignaroes,dolentes, Elles entrrent effrontment SOUl' nol' tentes, l''accrou-pirent sans fal;on l'UI' nos tapis, et se Ilirent nous conter leurspitoyahles histoirel', et nous prooiguer leurs yux, Puis, lassesde noul' voir imlllobiles et comme insensihles la vue deleurs mil'!'rps, aux rcits de leurs maux, elles s'en furent toutes,sauf une, lIotre yoisille, qui, trouvant sa responsahilitt~engagiepar ce voisinage, l''institua notre gardienne, en nous recom-mandant dl' JlP pas nous effaroucher des indiscrtions des hara-tines...

    Et de fait l'Iles le furent, indiscr!ps ! La premire qui pntrasous ma tellte poussa un cri d'tonnement. Etonnement par-faitement jou, car j'entendais depuis un instant le complotd'une demi-douzaine de commres que mon olltaq intriguait.Derrire cpttp audacieuse les autres entrrent, effrontes,minaudires. Deux minutes plus tard j'avais, autour de moi, uncercle d'une douzaine de jeunes personnes, gure farouches nirserves, qui se mirent en devoir de passer de mes bagages ctde moi-mme une inspection dtailll'e,

    Et c'taient dps petits cris d'tonnement, des soupirs d'admi-ration, des pouffements de rire, un caquetage de perruches, deshardiesses de guenons ...

    Les femmes de qualit se reconnaissaient des autres larichesse oe le'urs vtements et oe leurs parures: toffes hlan-ches trans~entes,gazes et mousselines, gros bijoux d'argent,colliers normes, turhans de soie verte ou diadme oe cauris etde perles de couleur.

    Toutes, riches ou pauvres, s'enveloppent dans une piced'toffe voyarrte qui entourp la croupe ct se noue sur le ventre.Cette sorte de ceinture avantage la gracilit des jeunes maisdsoblige l'opulence des matrones. Rien n'est comique commela dmarclH' d'une grosse ngrel'se bien sangle dans un pagneclair.

  • 106 Ali Cot:UR m: L'ATLAS

    e leur rctom'. CP fut un saun' qui pput, une houseulndp, unegalopade nfl'r{mt'le par lcs rues. En Ull clin d'il noh'c l'OUI' fut

    yid{~c, il n'y rl'sta plus (IUl' la yieill(~ yoisin!' ([ui, gnignant!' ctplpUl'arde, Yint m!'ndim'le pl'ix de sa faction.

    ~Ies compagnons m'ont l'ont{~ quc la pril'e fut un hpau sprc-tacle ; six il sept ('ents homlllPs y assistaicnt, pt la khotha del'imam fut fOl't (~difiante.

    J'ai dans l'id{~e, pourtant, que nous Ile fmes pns les seulsmalHluants, ct (lUI' l'institution dc la IH'il'c ex/ra mul'os dt Nl'esouffJ{~e Sidi Mhall1med ))('n \.lcrr pal' sps frmmes ...

    16 fvrier

    L'htesilc mystt'lricuse de la zaouia nous fnit prier de demeu-l'l'l'encore pour, selon l'expression de son aima!>lr M~sir, savourrr aujourd'hui la fte d'hiel', sanctifier demain le saintjour du yendl'r(li, ct, le jour suivant, (lui l'st le samrdi, nssisterau march(' de Tamgl'ollt ...

    l'os houllnes ne demanderaient pail mieux, mais j'ai hllte dequitter cettr Capoue noire: la saison avance, la famine appro-che. Il est d{~cid{~ ([ue nous ehercherons un itiIl{~raire qui longeles pentes mt'lri(lionales de l'An/i-Atla,. D'aprs des renseigne-mentil trs impr{~('is nous devons trouyer la haute valle del'oupd NOlllt il R tapes d'ici: elle nous eonduirait Guulimillen 2 ou 3 tapes. Notre premier point de (lireetion sera la za-ouia de Sirli Mrri, dont l'existencp m'pst connue depuis bienlongtemps: un ngre qui m'accompagnait, et m'abandonna dansle Sous, en 1899, tait originaire de cette zaouia.

    \OU8 nous mettons en routp vers 10 heures; un seul Attaouinous acc'ompagn~. Il monte un joli cheval peu favorable ln-tervirw; ds qn 'on approchp df' son maUre il hennit ct rue.Pour entrer en matirf's j'ai fait compliment Mouha, c'est lenom de notre zpttat, de sa mouture et de sa bonne mine; il m'arpondu sentencieusement: le cavalier des A! Alta se recon-nait il son cheval et il ses armes!

    Nous remontons d'abord l'ouerl Dra jusqu' AmzroZl. CedMil dl' q(:our, de palmerairs ct dl' qoubhus est infiniment

  • 108

    I(lIpt dl' talllal'is situl' ail pipd dl' la falaisl' (le Toudma. Lp lipuSP 110111 Il te ROlls el-Tft, il s'y trouve un hon puits autourduquel campl'nt l'II CI' 1II0mpllt dl's douars dl's Sjout pt des.1 l .lIowin, aux(llll'is nous allolls dl'lIIandl'r l'hospitalit". Noussommes acclll'illis commp (lps nmis, on nous offrl' l'ahri dpskheimas, la moitil~ dl's provisiolls de toutl' pspcp, on noUSapportl' du lait aig-re, de l'cau fraiche et, pendant toute la nuit,nos hMps sc relayent pour g'ilr(!er nos tentes. Cettl' sollicitude('st un peu accahlant(', ('t la chanson de 1I0S v('ill('urs n'('st gurepropice au sommeil, mais, si sceptiqup soit-on sur les senti-ments de ces noma(ll's, et si blns" (lU'on puissl' trl' sur les for-mes de Ipur politesse, on nI' pl'ut pas sans humiliation compa-l'Pl' l'hospitalit dl' Cl'S hnrharl's il cclII' o('s civiliss.

    17 fvrier

    Dpnrt avant 7 hpurl's 30 du matin; nrrivlll' il l'l'tapP li5 heurl's 30 du soir; trois quarts d 'hpur(' dl' hn1tl'oo.

    Eilp est intprminahll', cette Feija, dans son cadrp (1(' collinestoujours parl'il ; avpc sa (1I'solante aridit. Il fnudrait Il

  • 110

    l'if l'plIl('I'cip, dclinp l'invitation, d."I'L,,'p qu'il \"('ut alteindl'e cCsoil'la zaouia rlp Sirli Mt!'i, qUi' la ['()utt~ l'st 1'111'01'1' lOIlFue. Leton rlps hal'atin devipnt lIloins ohs"'(Juipux; ils d(~darellt qu'ilsveuknt nous delllander justice d'un altf'ntat dout ils fment vic-timf's ; ils pxigcnt PI'('s(lue, mainknant, I{Up nOlis 1l0US arrtionschpz pux, tout pn nous accahlant dl' forlllulps dl' bimlvpllup, etnous assUI'ant dl' leur dfrence pt 'dl' Ipur loyauti'.

    Cq)('ndant Ipur nomhrp croit sans ccssp ; ils sont maintpnantune soixantaillp, p(~l'oraut, cl'iallt, forlllant autoul' de chacun denous dps groupes havards. Tout coup notre zeltat pousse uncri, jelte son cheval de ct ('\ dgainp son fusil: nous sonllueStrahis!

    En un clin Il'il Mouley Pl-llasspn et Zpnagui sont dt,sal'mS,dix mains s'ahaltpIlt SUI' mon fusil, pt, ('ommp .il' rsiste, on metire has dl' ma mulp,

    Nulle dfpnsc n'pst possihle, nous somllH'S huit contrc tout unqar; et d'ailleurs on contillue nous l'rodig'upr dps protpsta-tions de resped, on 1I0US assUl'p Il(' vouloir ripn qup de juste ctde raisonnahle. Lnp phrasp l'l'vient salis CPSSP, ('uig'matique etiIHiuitante: :'

  • 11 :!

    chacun voud('ait ulle pad dc butill provi(lentiei dont meiraentama le pillagc ... L; ne vieille femme 1l0US ti('e (l'afl'airc en noUSapprenant ({UC le cheikh du ({l,'aI' de JJharouq est un honlInejuste et tlCOUti', Elle nous conseille (raller lui delwlllder aidect hospitalitil.

    Nous voici dOliC descendant la ntlle de Zguid, longeautd'abord, puis traversant sa nHlg'nifi({ue palmeraie dont lafertilittl nous laisse bien illsensibles, pour vcnir campel' sur unepetite esplanade, hors de l'enceinte de JUharouq.

    Le cheikh ('st introuvable. PersolllH' lU' 1l0US ,(([l'esse IIi UIIsouhait de biell\'(~llue, ni mmc UlH' parolI"~ On ('d'use de noUS['ieu vendre, Nos mules sont il jeull, nous aussi. \ous soullnessans dMl'llse, il la me['ci de ({ui voudra nous piller...

    19 fvrier

    ~ous avons pass une triste nuit. Personne n'a dormi. Unclair (le lune admirah1e t~clairait notre lamentable campementau pied du q(:ar pittoresque des Ou/ad Hella/.

    L'ne noce bruyante battait son plein dans une bourgade voi-sine; on entendait le toblHll rythmant le heidou