114

Au vif du monde _Soutine-monologue

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Un livre de Zéno Bianu et Marc Feld

Citation preview

Page 1: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 2: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 3: Au vif du monde _Soutine-monologue

Au vif du mondeSoutine-monologue

Page 4: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 5: Au vif du monde _Soutine-monologue

ZÉNO BIANU

Au vif du mondeSoutine-monologue

MARC FELD

DUMERCHEZ

Page 6: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 7: Au vif du monde _Soutine-monologue

La peinture est un surgissement – le lieu d’une présence tremblée,le lieu de la rencontre avec les grands morts. Un surgissementvertigineux, inépuisable.

« Le peintre est un aveugle qui voit », disait Bram van Velde.Tout le corps voit – précisément ce que les autres ne voient pas. Les êtreset les choses – en leur centre invisible.

Aujourd’hui, un peintre, Marc Feld, s’attache à faire, à défaireet à refaire le « bœuf écorché ».

Aujourd’hui, un peintre veut encore se re-connaître dans cettehistoire-là. Nous parler à son tour du bœuf écorché comme mystèreabsolu. Du boeuf écorché comme miroir de notre profondeur.

Un peintre veut se comprendre. Jusqu’à s’abandonner à sa proprebéance. Pour faire son véritable autoportrait. Car s’il ne peint pas,il n’est pas lui-même. Tout simplement – et splendidement.

Avec lui, je m’embarque pour un voyage à quatre mains. Unvoyage vers les mondes de Rembrandt, de Goya et de Soutine. Aveclui, je rouvre une piste dans l’histoire de la peinture, des parois deLascaux aux éclats de Pollock.

J’aurais pu faire parler Rembrandt, ou Bacon, ou Goya, ouquelques autres éclaireurs. Car ils sont là, tous. Toujours présents.Mais les voilà qui entrent… Dans un murmure démultiplié. Toutle grand chœur des guerriers de l’émerveillement. Les voilà qui vontparler par la bouche d’un seul…

Je suis devant ces tableaux, je les regarde, je les écoute, je deviensces tableaux – et je ne sais pourquoi, c’est Soutine qui me prend par lamain

Page 8: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 9: Au vif du monde _Soutine-monologue

Je m’appelle Chaïm Chaïm Soutine Je reviens d’Amsterdamoù j’ai vu les Rembrandt Non non je ne suis pas Russe ni

Polonais d’ailleurs Je suis juif – ou plutôt peintre

Page 10: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 11: Au vif du monde _Soutine-monologue

Dans mon atelier oui j’accroche des dindes écorchées auplafond et je les peins Je les peins sans relâche sans répit Jen’arrête pas Je les peins parce qu’elles ont le cou bleu Je les

peins comme des fleurs animales

Page 12: Au vif du monde _Soutine-monologue

Mes plus belles fleurs pourtant ce sont des fleurs de viandemes quartiers de bœuf Ces monceaux ces cascades de

carcasses que j’achète à Vaugirard aux abattoirs Avec desmouches bleues qui comment dire oui justement qui

bombinent autour Voilà ce sont mes puanteurs cruelles Etsûr que ça pue jusqu’au ciel Et peut-être même jusqu’en

enfer Mais pour qu’elle continue de rougeoyer il fauttoujours arroser la barbaque l’arroser de sang frais

préserver son apparence vive préserver le vivant quoiChaïm Chaïm la vie

Page 13: Au vif du monde _Soutine-monologue

Mon enfance ma vie dans les ghettos de Lituanie Je suisoriginaire de Smilovitchi Oui là-bas en Russie blanche dans

la région de Minsk aux confins de la Pologne Un trou unsale trou un terrible trou Mon père un tailleur non même pas

Tout au bas de l’échelle Plus bas encore Un repriseur unravaudeur N’importe quoi Famille pauvre Onze enfants Ledixième sur onze Je rêvais de devenir peintre mais dans ce

milieu c’était impossible Un milieu où l’on a peur du regarddes femmes Où l’on fuit la beauté Rendez-vous compte

Aujourd’hui je ne sais plus rien Je suis un évadé un évasifJ’ai oublié j’ai égaré mon passé Je ne sais même plus madate de naissance Mes souvenirs c'est toujours hier c’est

toujours ce matin c’est la peinture C’est la vraie vie

Page 14: Au vif du monde _Soutine-monologue

Je tourne en rond je ne tiens jamais en place je suis un cielfendu

Page 15: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 16: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 17: Au vif du monde _Soutine-monologue

Je n’ai besoin de rien pour errer J’erre en moi vouscomprenez Entre chair et peinture

Page 18: Au vif du monde _Soutine-monologue

Le Bœuf écorché 1655 RembrandtBœuf écorché 1924 Soutine

Trois siècles non deux siècles et demi deux cent soixante-neuf ans très exactement pour repartir de l’origine Pour

revitaliser pour aller fouiller à cœur ouvert À corps ouvertC’est peut-être cela le vrai style De la viande béante Béante

jusqu’à l’infini De la viande béante comme autoportraitabsolu Rembrandt projette toute la lumière sur la viande moi

voyez-vous je la fais rayonner de l’intérieur Rembrandttransforme la viande en Christ Moi j’en fais un cœur qui

pulse Un écorché électrique Mon bœuf n’en finit plus de serépandre Pas la transcendance mais la transfiguration De laviande béante et béatifiée De la viande victime abandonnée

De la viande que j’aplatis que j’étire jusqu’à ce qu’elledevienne la toile elle-même Une peau de pigments Une

seconde peau

Page 19: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 20: Au vif du monde _Soutine-monologue

La Dinde pendue 1925 96 x 72 cmLa Montée de Cagnes 1923-24 60 x 73 cm

Le Lapin écorché 1921-22 75 x 60 cmLes Gorges du loup 1920-21 62 x 86 cm

Morceaux de bœuf et tête de veau 1923 92 x 73 cmVoilà mes titres de noblesse Mes seuls titres Mes vrais titres

Ma boucherie d’amour personnelle Ma jubilation Pasvraiment Ma façon à moi d’entrer dans les entrailles de tout

La violence de l’acte de peindre Regardez On voit bienterriblement bien la trace du pinceau On voit je veux dire

que c’est une question de vision Je dénude le bœuf pour memettre à nu Complètement Me mettre à nu comme jamais

Comme les grands introvertis Quand ils mettenttranquillement leur coeur sur la table Une nature morte

Plutôt mort-vivante La splendeur de mon désordre

Page 21: Au vif du monde _Soutine-monologue

J’ai dit que j’assassinerais un jour mes tableaux Oui j’ai dûdire ça J’en suis bien capable C’est bien possible Je n’ai

jamais été réellement satisfait Normal quand on cherche letourbillon l’intensité la charge de matière l’épaisseur

humaine le tourmenté le tortueux le torturé Tout ce quisanguinole dans le vrai Tout ce qui ouvre l’espace Tout cequi tournoie en fureur inquiète Il faut bien que ça respire

non

Page 22: Au vif du monde _Soutine-monologue

Les voisins Oui c’est vrai il y en avait qui étaient effrayéspar l’odeur des carcasses On a même fait appel aux services

d’hygiène Ils voulaient me confisquer mon modèle Moi biensûr je ne connais que la grande hygiène mentale Celle qui

permet de contrôler les mouvements de ma peinture Il n’y apas de hasard Non vraiment pas le moindre hasard Je

contrôle ma chute Oui oui la couleur a sa vie propre A savie émotionnelle C’est contradictoire Non c’est un paradoxeUn vrai Je travaille sur une viande morte et elle m’élève au

comble des sens Au comble de la vie Elle peut tout dire Ellepeut dire que la lumière saigne que les amants frémissentque l’âme affleure n’importe où Qu’il suffit de voir Qu’il

suffit d’aimer Qu’il suffit de rire

Page 23: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 24: Au vif du monde _Soutine-monologue

D’accord je suis un expressionniste Au sens oùj’expressionne Mais comment dire Avec quelle précisionÉcoutez comme je détache chaque syllabe de la peintureOui chaque syllabe Pour mieux éclabousser Pour mieux

vous emporter Pour mieux tout emporter C’est la couleur enfurie comme chez Vincent La haute note jaune Ou la note

bleue Même le bleu du ciel je le maltraite par amour Quandle cœur n’y est plus la peinture s’arrête

Page 25: Au vif du monde _Soutine-monologue

Le prix à payer Oui je le connais Le prix à payer pour voirJe le connais bien Le prix à payer pour projeter toute

l’énergie dans un seul trait de pinceau Pour transformer lamain en danseur accordé aux rythmes internes La tête enruines Je connais Le sang qui tourne au bleu d’alcool Ce

qu’il faut bien appeler une Passion Mais combien n’ont paspayé pour voir N’ont jamais payé pour voir Voir quoi medirez-vous Mais je ne sais pas moi L’intensité du pigment

par exemple L’intensité Le peintre de l’avenir c’est uncoloriste disait Vincent Quelqu’un qui a le sens de la

fournaise quoi Non je ne m’exalte pas Je ne vais pas memettre à manger la peinture dans mes tubes moi Quoique

Page 26: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 27: Au vif du monde _Soutine-monologue

L’émanation L’énergie La montée vers le ciel Vous trouvezcela trop métaphysique Eh bien moi je parle de tout celaavec mon chauffeur Je lui récite même du Rimbaud J’ai

essayé d’inventer de nouvelles fleurs de nouveaux astres denouvelles chairs de nouvelles langues J’ai cru acquérir des

pouvoirs surnaturels Une Saison en enfer bien sûr Oui àmon chauffeur de maître Celui qui chasse les badauds quandje peins sur le motif Enfin il ne les chasse pas Mais il gare lagrosse américaine de façon à les mettre à distance Où celaÀ Vence bien sûr C’est là que j’ai peint cet arbre immense

vous savez Ce grand arbre noué en tourments de fièvreVoyez Une sorte de buisson ardent mais déployé Je l’ai

peint en teintes bibliques Absolument bibliques RegardezAu premier rang rubis topaze émeraude Au deuxièmeescarboucle saphir jaspe Au troisième agate hyacinthe

améthyste Et au quatrième chrysolite cornaline et onyx Ouic’est cela Les couleurs des douze pierres qui ornaient lepectoral du grand prêtre de Jérusalem Si je suis croyantNon pas vraiment Pas comme vous le croyez en tout cas

Mais je me laisse enseigner je me laisse traverser par toutesces choses Le sang du sacrifice expiatoire j’en ai tout de

même une petite idée

Page 28: Au vif du monde _Soutine-monologue

Peintre juif Si vous voulez Au sens où la peinture la vie ceserait ce qui s’obstine Ce qui doit toujours passer à traversun supplice Se faufiler à travers des milliers d’ombres Si

c’est être l’organiste d’une tempête arrêtée comme ditArtaud à propos de Vincent Pourquoi pas Tout ce que vousvoulez Tout Je dis bien tout Tant que le monde restera neuf

chaque matin

Page 29: Au vif du monde _Soutine-monologue

Peintre maudit alors Voire fou Disons-le Parce que jegrimpe aux branches des arbres parce que je conserve du

sang frais dans une boîte à biscuits parce que je suis obsédépar la pourriture Allons donc Soyons sérieux pour une fois

Gardez vos larmes Je ne suis qu’un homme traversé unhomme envahi par de noirs accès de lucidité

Page 30: Au vif du monde _Soutine-monologue

Avez-vous vraiment regardé de près la matière de mon bœufécorché Avez-vous déjà vu quelque chose d’aussi incarné

Quelque chose d’aussi dévoilé D’aussi naturellementobscène Avez-vous vraiment vu ce visage tordu qui semble

naître d’un cœur déchiré Qui semble éclore qui sembletransparaître

Page 31: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 32: Au vif du monde _Soutine-monologue

D’où me vient cette prédilection pour l’écartèlement Je nesais pas trop Pas vraiment Pas moyen de faire autrement

Pas moyen de ne pas chambouler de ne pas déformer de nepas supplicier La peinture c’est une rigoureuse dévoration

Une guerre de tranchées Vous dites Non je n’exagère pas Àpeine Un obsessionnel n’exagère jamais Je pends je

suspends des animaux écartelés à des crochets à des crocsde boucher Et je vais droit au cœur du monde

Page 33: Au vif du monde _Soutine-monologue

Tous mes personnages tombent du ciel En fait ils tombent dela peinture Ils tombent des ocres des carmins ils tombentdes vermillons ils croulent ils plient ils ploient sous les

éclaboussures du rouge Ils fléchissent en traînées decrépuscule en giclées de fin d’été en impulsions bleuâtresSens dessus dessous Mes personnages ont une ahurissante

épaisseur humaine une épaisseur de millénaires

Page 34: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 35: Au vif du monde _Soutine-monologue

Oui Chaïm Chaïm Soutine C’est bien cela C’est bien monnom Cosmopolite oui Au sens étymologique Citoyen du

cosmos Haïm Chaïm c’est la vie en hébreu La vie queportent les noms Toujours cherché la vie Oui La vie que portent

les couleurs Ieva la source de vie Ava Naeva le donde la vie Eba le trop-plein de vie Jivan Jivana le vivant lavivante Jagjivan la vie universelle Liv Eve et Vita Effusion

extase Oma Omür Amour La vigueur du vivace La vievolubile L’ardeur du vital La sève du souffle La sève de

Chaïm La sève des hauts vivants des vrais vivants de la vievécue

Page 36: Au vif du monde _Soutine-monologue

Au fil de la peinture quelque chose en moi s’est dénouédécristallisé Les nœuds de la vie étaient toujours là Mais jene les voyais plus je ne voyais que la vie Rien d’autre que la

vie La vie je n’allais plus la perdre de vue

Page 37: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 38: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 39: Au vif du monde _Soutine-monologue

Je vous parlais de mon chauffeur tout à l’heure Oui ouirappelez-vous j’ai connu une certaine gloire au début des

années 20 J’avais un chauffeur Vendu plus de soixantetoiles d’un coup À qui Au docteur Barnes un pharmacien qui

était devenu milliardaire en inventant un antiseptique Ehbien même à l’apogée de mon succès je continuai de memettre nu devant le miroir Oui de me mettre à nu pourvérifier que mes plaies d’enfance causées par les puces et

les punaises avaient bien disparu Pour vérifier que je n’étaisplus un exténué un famélique qui avait ignoré l’existence du

pain blanc jusqu’à l’âge de quinze ans Allez fairecomprendre cela à votre propre chauffeur Quelqu’un qui

vous vénère parce que vous lui lisez du Sénèque à longueurde jour Oui la lettre VII à Lucilius sur la cruauté des

spectacles de gladiateurs Exactement Là où tout vainqueurest réservé pour une nouvelle boucherie Comme dans la vie

À peu de choses près

Page 40: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 41: Au vif du monde _Soutine-monologue

Céline Vous voulez dire le docteur Destouches Je l’airencontré plusieurs fois Non non il se foutait complètementque je sois juif Il m’a bien soigné J’avais un ulcère affreuxUn ulcère qui brûle qui crache Comme dans ma peinturequoi Il m’a donné un peu de bismuth et des pilules pourcalmer les douleurs Le premier soir où je l’ai vu j’avais du

sang sur la chemise Pas présentable J’étais bien habillé maisje sentais j’empestais la vieille sueur Une sueur très ancienne

vous comprenez la sueur des peintres la sueur de ceshorribles travailleurs Rimbaud Oui encore Encore et

toujours Oui il est toujours là avec moi auprès de moicomme la Torah J’en récite des extraits à mon chauffeurAh je l’ai déjà dit Pour le docteur Destouches j’étais unclient de passage Ton boeuf pue du bec qu’il disait On adiscuté viande guerre femmes ordures lièvres écorchéscadavres de toutes sortes femmes villes rongées par lesulcères pourriture décomposition femmes Après il m’a

emmené au bordel

Page 42: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 43: Au vif du monde _Soutine-monologue

Le premier jour où je suis arrivé à Paris j’ai filé voir Voir detous mes yeux le Bœuf de Rembrandt Bien sûr que c’est unChrist en croix oui je me répète Regardez comme la lumièreéclaire d’en haut la carcasse C’est incontestable Mais avanttout on sent la chair la vie est là insufflée On sent que c’estchaud mordoré l’or et la mort ensemble une sorte de brun-ocre-grège-sanguine Pas d’au-delà pourtant aucun au-delà

La vie splendidement triviale Savez-vous à quoi étaitdestiné ce tableau cet immense tableau à l’origine À orner la

devanture d’une boucherie

Page 44: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 45: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 46: Au vif du monde _Soutine-monologue

Athée alors Pas le moins du monde Moi je veux touchercertaines régions sacrées de l’âme Chacun de mes tableaux

est une radiation une irradiation Une macérationd’Apocalypse Un talisman Oui si vous voulez Non plutôt unsuaire Même un reliquaire Quelque chose se passe là Je me

possède puis me dépossède J’entre en contact J’entre eneffervescence Avec quoi Avec l’impersonnel Avec le jeuuniversel Avec la grande écriture chiffrée Je recueille je

transcris les signatures de Dieu

Page 47: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 48: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 49: Au vif du monde _Soutine-monologue

Les rêves Oui les rêves peuvent saigner Je suis allé voirDestruction création destruction création destruction

création Vous comprenez Il faut guetter Toujours guetterGuetter les lézardes les fissures les brèches Par où la vie

s’en vient par où la vie s’en va Mais attention Attention àl’asphyxie Il faut que l’air continue de circuler Il faut que la

plaie reste ouverte Il faut que ça foisonne Au hasard descoups de foudre Un émerveillement Un émerveillement

indissociable de l’effroi

Page 50: Au vif du monde _Soutine-monologue

Errant Nomade Je veux continuer de me déplacer De ne pastenir en place Continuer d’errer Aller là où on ne m’attend

jamais Aux limites de la perception Traquer l’infini Attraperhapper bouleverser Non non je n’entre dans aucune case Jesuis incapable de représenter le monde correctement Je necherche pas à embellir Je ne cherche pas à plaire Jamais Maperspective est flottante Chavirante Inarrêtable Un précipitéinstable J’ai inventé le tableau nitroglycérine Cela menace à

tout moment d’exploser Où sont les lignes droites Nulle partAvez-vous déjà vu vraiment une seule ligne droite dans

votre vie

Page 51: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 52: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 53: Au vif du monde _Soutine-monologue

Ma peinture exige de grands lecteurs Ou plutôt degrands interprètes Alors on peut commencer à voir Et

même on peut tout y voir Après tout pourquoi n’aurais-je pas le droit de peindre les arbres comme des

artichauts des arêtes de poisson ou des serres de trèsanciens rapaces Des troncs morts comme des fourchesou des pinces de crabe Des platanes comme des fusilsou des corps renversés Ou ce grand arbre de Vence endentelles de houille Ou ces peupliers de Civry comme

des sangliers ébouriffés en ascension

Page 54: Au vif du monde _Soutine-monologue

Mes arbres nostalgiques Mes arbres qui s’en vonttoujours vers les bords de la toile pour me laisser faire

le portrait du vent

Page 55: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 56: Au vif du monde _Soutine-monologue

Il y a le rouge toujours le rouge Indéfiniment Je nequitte jamais le rouge et si je l’abandonne un instant lui

il ne me quitte pas Il me serre de près de très prèsRegardez cet escalier rouge de Cagnes Rouge commeune tranchée La carcasse d’un chemin qui saigne Une

colonne vertébrale En voilà de la peinture sismique Huitneuf degrés au moins sur l’échelle de Van Gogh non

Page 57: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 58: Au vif du monde _Soutine-monologue

Et ce visage de nuage qui domine la route montante 1918tiens Et ce jeune homme au petit chapeau 1916 le portraitcraché de Tom Waits non Et cette femme couchée que laterre semble prendre Prendre et aspirer Et ce philosophe

écrabouillé par sa bibliothèque Et cet homme en prière auxmains de flammes Et cette femme rouge de 23-24 éclatante

comme un Goya Oui on peut tout voir dans ma peintureTout Elle se métamorphose sans cesse Voyez mes premiers

personnages en oblique à la fin des années 10 On diraitqu’ils sont allongés debout Comme nous Comme nous tousles vivants Comme nous tous les humains Allongés debout

Page 59: Au vif du monde _Soutine-monologue

Comment je fais Très peu de ciel Juste des maisons enconvulsion Des maisons nomades Des maisons têtes de

lutin qui glissent le long des collines et s’empilent les unessur les autres Là s’il le faut je rajoute un grand arbre

Comme un envol de paons Si tant est que les paons puissentvoler bien sûr

Page 60: Au vif du monde _Soutine-monologue

Les esprits ont pris l’habitude de traîner dans ma peintureIls tourbillonnent ça penche ça vrille c’est la cohue des

totems la danse des atomes Un poisson qui nage dans lesentrailles liquides d’une table Un glaïeul qui saigne Une raiequi s’époumonne Des dindes pendues comme des hommes

plumés

Page 61: Au vif du monde _Soutine-monologue

Pourquoi je ne vais jamais au vernissage de mesexpositions Parce que ma peinture parle pour moi En faitelle me représente Tout ce que j’ai à dire je le dis dans mapeinture Du dedans de ma peinture Mes tableaux sont desautoportraits farouches Portrait de l’artiste en bête égorgée

en petit pâtissier aux grandes oreilles en cathédrale deChartres en folle en chemin montant en garçon d’étage enpeuplier tournoyant Pas de psychologie Jamais De l’éruptif

de l’épidermique Une terrible gourmandise

Page 62: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 63: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 64: Au vif du monde _Soutine-monologue

Le génie de la laideur alors Pourquoi pas Quelque chosecomme une laideur rayonnante Eh oui encore un paradoxe

Rien de grand ne se fait sans coïncidence des contrairesnon Chez moi tout est peint en dansant Un chavirement àquitter la terre Le séisme en peinture Je suis peut-être le

premier qui ait autant tordu la peinture Autant aiguisé l’intensitéEt surtout mon Dieu que tout soit épique jusqu’à la plus

pauvre des natures mortes Que cela soit grandmessieurs Disloqué mais grand

Page 65: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 66: Au vif du monde _Soutine-monologue

D’accord j’ai beaucoup détruit Un bon tiers de mes tableauxPeut-être plus Si ce n’est pas miraculeux à quoi bon

Page 67: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 68: Au vif du monde _Soutine-monologue

Encore le rouge qui me reprend Rouge sang rouge glaïeulrouge bœuf ouvert rouge exalté rouge pétri rouge exaspéré

rouge réséda rouge cramoisi rouge triomphant Un rouge quisourd entre jubilation et souffrance Un rouge toujours en

travail Un rouge-tourment qui s’exprime en serrements enserments en sarments Un rouge noué en déferlante Un rouge

d’étoffe transfigurée

Page 69: Au vif du monde _Soutine-monologue

Qu’est-ce qu’il y a au fond du bœuf écorché Tout au fondRegardez bien Approchez mesdames et messieurs

approchez donc Plus près encore Que trouve-t-on dès quel’on retourne entièrement la peau Que découvre-t-on La nuitde l’ignorance Non La bouche de la foule Non Le règne deslabyrinthes Non Le dragon de la Mort universelle Un peuUn cosmos phosphorescent Presque L’origine du monde

Oui

Page 70: Au vif du monde _Soutine-monologue

Le démon de la peinture Il m’a saisi très jeuneIncompréhensiblement Ce démon qui court dans le sang quicourt dans les nerfs Fatalement Rien à faire À sept ans déjàje troquais des couteaux de cuisine contre des crayons de

couleur Je noircissais les murs je les charbonnais de visageslancinants Non non le rabbin n’appréciait pas Mes frères

non plus d’ailleurs Un juif ça ne peint pas qu’ils disaient Tune feras aucune image qui ressemble à ce qui est dans les

cieux là-haut ou sur la terre ici-bas

Page 71: Au vif du monde _Soutine-monologue

Mes modèles préférés mes inspirateurs ceux que j’aime ceuxque je privilégie sont toujours des gens de petite condition

Servantes domestiques etc. De petite condition socialej’entends Car leur condition humaine me bouleverse Leur

substance leur épaisseur de vie leur incarnation viscérale del’espèce Tout cela m’offre une fraternité essentielle J’aimeles gens oui De Kooning le dira plus tard Soutine c’est les

tableaux qu’il tord pas les gens

Page 72: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 73: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 74: Au vif du monde _Soutine-monologue

Souvent je me récite du Pouchkine En russe et même enfrançais Ciel brumeux la tempête Tournoie en flocons blancs

Hurle comme une bête Gémit comme un enfant Lamusique toujours la musique La musique L’obsession Bachet son obsession rythmique L’esprit de la fugue Avez-vous

déjà écouté Wanda Landowska dans la fantaisie en utmineur Cette folle rigueur cette rigueur sinueuse Je ne la

retrouve que dans les combats de boxe

Page 75: Au vif du monde _Soutine-monologue

Des prières Oui j’en connais quelques-unes Des psaumes àma manière Un jour un jour oui j’ai vu jaillir l’eau vive à

l’orient de la peinture J’ai vu la peinture comme un templeun lieu de prière De méditation Mais une méditation vivante

écorchée griffée caressée Frères adorons le corps très saintde la peinture le corps de Rembrandt le corps de Goya le

corps de Van Gogh Buvons à sa source immortelle Le corpstrès saint de tous ceux qui se sont livrés pour notre salut

Pour surmonter la nuit Le corps très saint de tous ceux quiont cherché un corps à la démesure du monde Le corps trèssaint de ceux qui ont aimé le monde jusqu’à mourir d’un

trop-de-vie

Page 76: Au vif du monde _Soutine-monologue

Il faut regarder mon Retour de l’école après l’orage Il fautbien le regarder Avec le corps tout entier Le regarder

comme une écriture d’intensité Ça ne ressemble plus à rienDeux enfants deux taches de charbon poignantes avancentdans un chemin de sables mouvants au milieu de champsliquides Deux enfants se donnent la main sous un ciel degrumeaux bleus-noirs Sous le tumulte suspendu du vent

Voilà C’est peut-être cela l’animisme

Page 77: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 78: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 79: Au vif du monde _Soutine-monologue

Au fond je peins sous la dictée du cœur Unélectrocardiogramme C’est pourquoi mes portraits ne sont

pas ressemblants mais vraisemblants Ou peut-êtreinvraisemblants allez voir Allez savoir

Page 80: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 81: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 82: Au vif du monde _Soutine-monologue

Dès que j’ai terminé je retourne le tableau contre le mur Ilfaut qu’il prenne Il faut qu’il infuse tout seul À l’abri des

regards

Page 83: Au vif du monde _Soutine-monologue

Je songe souvent à Gerda ma belle rousse Un vrai Soutinedisait Henry Miller en parlant d’elle Pour Soutine vivreavec un Soutine en chair et en os quoi de plus naturel

Page 84: Au vif du monde _Soutine-monologue

C’est vrai Vous avez raison Je suis peu expansif presquetaiseux Je fais attention aux mots Terriblement attentionChaque être humain savez-vous reçoit à sa naissance un

nombre de mots déterminé Et quand ce trésor est épuisé ilmeurt Je suis avare de mots L’expansion je la garde pour la

peinture Il faut savoir ce que l’on veut

Page 85: Au vif du monde _Soutine-monologue

J’oublie tous les rendez-vous Je n’ai jamais de montre maisj’ai le temps J’ai le tempo

Page 86: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 87: Au vif du monde _Soutine-monologue

Ma méthode À l’emporte-pièce mais d’une rigueur abyssalePas de dessin préparatoire Jamais tout en attaque directe

Avec au moins vingt ou trente pinceaux Je les jette au fur età mesure derrière mon épaule comme des verres de vodka

vides

Page 88: Au vif du monde _Soutine-monologue

Pourquoi je peins sur des tableaux déjà peints La méthodetoujours J’achète de vieilles croûtes à Clignancourt et je

peins par-dessus Cela a plus d’épaisseur vous voyez Comme un premier enduit C’est toujours un bonheur de

peindre sur une toile déjà peinte

Page 89: Au vif du monde _Soutine-monologue

Parfois c’est vrai je rachète de vieux Soutine à mesmarchands Ou je les échange contre comment dire de jeunes

Soutine Les vieux Soutine je les lacère le soir-même je lesexécute quoi

Page 90: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 91: Au vif du monde _Soutine-monologue

Je songe toujours à ces figures dessinées sur les parois descavernes entourées par une sorte de halo Avec des lignesrayonnantes jaillissant du corps J’accueille la puissance

accumulée par des milliers d’années de peinture Jem’emplis Je ne laisse rien au hasard Je ne me sens séparé derien Je veux entrer dans le cœur du monde Je peins jusqu’à

ce que les êtres et les choses apparaissent sous un angleentièrement nouveau Éclairés par une incandescence interne

Éclairés par leur nuit lumineuse

Page 92: Au vif du monde _Soutine-monologue

Dans un tableau réussi il y a comme une persistance sonoreUne sorte de teneur vibratoire Les grands tableaux comment dire

cela s’écoute

Page 93: Au vif du monde _Soutine-monologue

Un agenouillement absolu un cri sans voix une danseimmobile voilà ma peinture voilà ma vie

Page 94: Au vif du monde _Soutine-monologue

Je vais vers les royaumes de l’été Tout est vivant tout estparlant La peinture Un bonheur débordant

Page 95: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 96: Au vif du monde _Soutine-monologue

J’ai un long voyage à faire Un dangereux voyage Dilaterle cadre du tableau jusqu’aux confins de l’univers Je dois

voyager sur une route inconnue Accomplir à chaquetournant une étape de mon évolution Qui pour aller dans ce

pays Qui pour en explorer les profondeurs Je dois merencontrer dans mon propre sanctuaire Trouver cette

lumière qui tourne perpétuellement autour d’elle-même J’aiun long voyage à faire

Page 97: Au vif du monde _Soutine-monologue

Juif errant Non non je ne suis pas le juif errant mais lepeintre errant Je m’appelle Soutine je vous l’ai dit Chaïm

Soutine mais je me suis appelé Rembrandt Goya Van Goghet je m’appellerai un jour Bacon Pollock De Kooning

Page 98: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 99: Au vif du monde _Soutine-monologue

Je me tiens là avant le langage Dans une espèce de douceursauvage Je me tiens là avant que les mots ne surgissent Loin

de toute image connue Je me laisse envahir Je me laisseéblouir J’accueille toutes les résonances Méthodiquement Je

reprends l’histoire de ce qui saigne dans la peinture DeLascaux au Christ d’Holbein Dans les heures obscures Aumilieu d’un monde immense et sombre Je reprends sans

relâche le monologue de l’écorché Pour éclairer la fin de maroute Au-delà des frontières fragiles en quête de gibiers

insaisissables

Page 100: Au vif du monde _Soutine-monologue

Je m’enflamme pour mieux m’éclairer Je me laissedévaster En quête d’évidences inapprivoisées Rien horsdu ravissement rien Retrouver la transparence Changerla fonction de mes yeux Je tombe en moi Je tombe versmoi Vers mon centre de gravité Plus je me rapprochedu fond plus je me rapproche des choses Plus j’écoute

résonner les psaumes Mes yeux devancent les veillespour méditer sur ta promesse Le souffle le sang la

respiration Les voyelles du désir Je m’ouvre au visaged’autrui

Page 101: Au vif du monde _Soutine-monologue

La peinture Voici le lieu du monde où l’on peut tout devenirOù tout est louange Où l’on aime en acte Où l’on envahit lesêtres et les choses Où on les apaise Où on les interroge dansune nuit sans limites La peinture Pour donner plus que cequi se perd Pour peindre avec les éruptions du soleil Pourperdre tous les mots de passe Pour ne jamais se déshabiter

Pour être tout à la fois Pour rencontrer le visiteur qui jamaisne vient

Page 102: Au vif du monde _Soutine-monologue

Je replonge dans mon bœuf écorché C’est mon palais Lepalais des intestins Le miroir de l’univers Des entrailles qui

deviennent des paysages J’avance je m’enfonce dans lelabyrinthe Dans les circonvolutions de la nature J’y vois

mes crises vitales mes nœuds de croissance Les tournants dema vie Tous les enroulements du monde C’est le même

sentier le sentier en spirale Je suis mon fil conducteur monfil d’Ariane Cela demande maîtrise et abandon C’est mon rite

de passage C’est par-là que je renais vous comprenezC’est par ce chemin tortueux que je hisse mon existence

C’est ici que je vois la nature accomplir ses rotations Par cevortex ascendant En accédant au centre À l’axe de tout Et

tout à coup le cosmos respire

Page 103: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 104: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 105: Au vif du monde _Soutine-monologue

ÉTAT FRANÇAIS

MINISTÈREDE L’INTÉRIEURDirection générale de la Police nationale

Paris, le 13 août 1942

CONFIDENTIEL

LE PRÉFETDÉLÉGUÉ au MINISTÈRE de L’INTÉRIEUR

À Monsieur le COMMISSAIRE GÉNÉRAL auxQuestions Juives

J’ai l’honneur de vous accuser réception devotre lettre du 4 août demandant à mes services delancer un avis de recherche concernant SOUTINEChaïm, artiste-peintre demeurant à Paris, 28 avenueSeurat et recensé par vos services sous le numéro35702.

J’avais déjà eu connaissance par les autoritésallemandes de votre démarche, et, en accord avecelles, j’ai pris toutes les dispositions nécessairespour retrouver dans les plus brefs délais la ditepersonne.

Ordre a également été donné pour se saisir detous objets appartenant à la personne recherchée,notamment peintures, dessins et autres productionsgraphiques, afin de les remettre à Monsieurl’Obersturmfürher, 51bis avenue Foch.

Signature illisible

Page 106: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 107: Au vif du monde _Soutine-monologue

Au vif du monde

a fait l’objet, le 13 mars 2010,d’une « lecture-spectacle »

à l’Espace Jean Legendre, scène conventionnée de Compiègne, et d’une exposition, dans la même ville,

du 13 mars au 30 avril 2010à l’Espace Saint-Pierre des Minimes.

Cet ouvrage a été publié, dans ses deux éditions,avec le concours du Centre national du Livre,

de la Direction régionale des affaires culturelles de Picardie, Ministère de la Culture et de la Communication,

et du Conseil régional de Picardie.

Tous nos remerciements pour leur soutien à Marie-Christiane de La Conté, Philippe Bera,

Éric Rouchaud, Delphine Jeannot,Claude Gewerc, Alain Reuter, Cécile Hautière,

Jean-Jacques Nguyen, Chantal Messagier, Sylvain Thirolle,Jean-Jacques Franchin, Patrick Vernet, Éric Petitpoisson,

Odile Boissard, Pierre Agator et Alain Mouchère.

Page 108: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 109: Au vif du monde _Soutine-monologue

Outre les sept cents exemplaires de l’édition couranteil a été tiré de cet ouvrage soixante-quinze exemplaires sous couvertures Arches

peintes par Marc Feld et manuscrites par Zéno Bianu.Chaque couverture est une œuvre unique.

Ces exemplaires sont enrichis d’une gravure originalede l’artiste, répartis comme suit :

vingt-cinq exemplaires numérotés de 1 à 25 accompagnés d’une gravure à nuance noire

vingt-cinq exemplaires numérotés de 26 à 50 accompagnés d’une gravure à nuance bleue

vingt-cinq exemplaires numérotés de 51 à 75 accompagnés d’une gravure à nuance verte.

Tous ces exemplaires sont accompagnés d’un DVD de Jean-Jacques Nguyen.Ils sont signés au colophon par l’auteur et l’artiste.

L’ensemble constitue l’édition originale de

AU VIF DU MONDE

de Zéno Bianuet Marc Feld.

La suite des trois gravures intitulées Au vif du monde a fait l’objet d’un tirage à partde vingt-cinq exemplaires par couleur, chacune numérotée de I à XXV.

Page 110: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 111: Au vif du monde _Soutine-monologue

Au vif du monde

de Zéno Bianu a été composé en Garamond

et achevé d’imprimer pour le compte des éditions Dumerchezle 23 avril 2010

sur les presses de l’imprimerie Stipa à Montreuil.

Les gravures du tirage de tête ont été réalisées par Marc Feld dans l’Atelier du Prussien à Saint-Amand-les-Eaux

et tirées par Patrick Vernet.

Les trente-sept œuvres présentées dans cet ouvrage sont tirées d’un ensemble de soixantepeintures de Marc Feld, sur toile et sur papier, constitué de sept séries

fondées sur le motif récurrent du Bœuf écorché :Bœuf écorché, tentative d’autoportrait ; La chair et l’esprit ; Nerfs et nervures ;

Viande ; Blessure ; Écorchure ; Chaïm, entre terre et ciel.

© Bernard Dumerchez, 2010

Dépôt légal, avril 2010ISBN 978-2-84791-156-5

ISSN 1152-1651Imprimé en France

Page 112: Au vif du monde _Soutine-monologue

Éditions Dumerchez

A.D.N.2, rue du Château

B.P. 7021660332 Liancourt Cedex

Page 113: Au vif du monde _Soutine-monologue
Page 114: Au vif du monde _Soutine-monologue