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Cet ouvrage a été expliqué littéralement, annoté et revu pour la traduion française par J. ibault. Restitution v. 2. : Gérard Gréco © 2009, 2011. Cette création est mise à dio- sition selon le Contrat Paternité-Pas d’Utilisation Commerciale-Partage des Conditions Initiales à l’Identique 2.0 France dionible en ligne http ://crea- tivecommons.org/ licenses/ by-nc-sa/ 2.0/fr/ ou par courrier postal à Crea- tive Commons, 171 Second Street, Suite 300, San Francisco, California 94105, USA. – . rue de Fleurus, 9, à Paris. LES AUTEURS LATINS PAR DEUX TRADUCTIONS FRANÇAISES avec des sommaires et des notes PAR UNE SOCIÉTÉ DE PROFESSEURS CICÉRON PERMIER DISCOURS CONTRE L. CATILINA PARIS -, (près de l’École de médecine) 1863

AUTEURS LATINS

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Page 1: AUTEURS LATINS

Cet ouvrage a été expliqué littéralement, annoté et revu pour latraduion française par J. ibault.

Restitution v. 2. : Gérard Gréco © 2009, 2011. Cette création est mise à dio-sition selon le Contrat Paternité-Pas d’Utilisation Commerciale-Partage desConditions Initiales à l’Identique 2.0 France dionible en ligne http ://crea-tivecommons.org/ licenses/ by-nc-sa/ 2.0/fr/ ou par courrier postal à Crea-tive Commons, 171 Second Street, Suite 300, San Francisco, California 94105,USA.

– . rue de Fleurus, 9, à Paris.

LES

AUTEURS LATINS ’

PAR DEUX TRADUCTIONS FRANÇAISES

avec des sommaires et des notes

PAR UNE SOCIÉTÉ DE PROFESSEURS

CICÉRONPERMIER DISCOURS CONTRE L. CATILINA

PARIS

-, (près de l’École de médecine)

1863

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AVIS

On a réuni par des traits, dans la traduion juxtalinéaire,les mots français qui traduisent un seul mot latin.

On a imprimé en italiques les mots qu’il était nécessaired’ajouter pour rendre intelligible la traduion littérale, et quin’avaient pas leur équivalent dans le latin.

Enfin, les mots placés entre parenthèses, dans le français,doivent être considérés comme une seconde explication, plusintelligible que la version littérale.

ARGUMENT ANALYTIQUEDU PREMIER DISCOURS CONTRE CATILINA.

L. Sergius Catilina, issu d’une famille patricienne, trouva dès sajeunesse la carrière des magistratures naturellement ouverte devantlui. Il y entra comme préteur d’Afrique, et ne se signala dès son dé-but que par des exaions et des violences. Aussi lorsque, de retour àRome, il voulut se mettre sur les rangs pour le consulat, poursuivi parles Africains pour ses concussions, il fut forcé de renoncer à satisfaireson ambition par les voies légales. Une première coniration contreles nouveaux consuls, deux fois avortée, mais deux fois impunie ; desaccusations dont le laissa triompher tantôt la vénalité du juge, tan-tôt celle de l’accusateur, ne firent que l’encourager dans les préparatifsd’un plus vaste et plus effrayant complot. La corruption des mœurspubliques ne lui donna que trop de complices ; l’un d’eux livra bientôtà une femme tous les secrets de la conjuration, aumomentmême où lesuccès semblait certain. Celle-ci s’empressa d’en donner connaissanceà Cicéron. Après avoir fait au sénat un rapport détaillé sur les rensei-gnements qui lui avaient été fournis, et demandé que la convocationdes comices consulaires fût différée de quelques jours, Cicéron inter-pella le lendemain Catilina lui-même, et n’en reçut que l’audacieuseréponse qui donnait ouvertement un chef au parti du peuple contrecelui du sénat. Alors fut rendu le décret par lequel, dans les circons-tances périlleuses, les consuls étaient revêtus d’une autorité diato-riale.

Lorsqu’arriva le jour des comices, Cicéron, instruit cette fois en-core d’un nouveau complot contre sa vie, le déjoua par les précau-tions dont il s’entoura dans le champ de Mars. Catilina, ainsi réduità l’impuissance, résolut de recourir à la guerre ouverte. Mallius, soncomplice, regagna l’Étrurie, où il prit les armes le 27 oobre 690.Le 28, un projet de massacre dans Rome échoua par la vigilance duconsul. Le 1 novembre, une attaque contre Préneste ne réussit pas

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mieux. Enfin, dans la nuit du 6 au 7, Catilina réunit ses compliceschez le sénateur P. Léca, l’un d’eux, et là furent résolus le meurtre deCicéron, l’incendie de Rome, le soulèvement de l’Italie et le départde Catilina pour le camp de Fésules. Au point du jour, les assassinsse présentèrent chez Cicéron, dont la porte resta fermée. Aussitôt leconsul convoqua le sénat dans le temple de Jupiter Stator. Catilina s’yrendit, soit pour rassurer ses complices, soit pour détourner les soup-çons. Lorsqu’il entra, tous les sénateurs s’écartèrent à son approche etlaissèrent vide la partie de l’enceinte où il alla se placer. C’est en cemoment que le consul, s’abandonnant à son indignation, lui adressala harangue connue sous le nom de Première Calilinaire. Catilina ré-pondit par quelques paroles, hypocrites et suppliantes d’abord, puismenaçantes à la fin, rentra furieux dans sa maison et quitta Rome, lanuit même, pour aller rejoindre Mallius et son armée.

I. Tous les desseins de Catilina sont connus ; s’il vit encore, il ne ledoit qu’à l’indulgence du consul.

II. Cicéron n’a pas fait usage des pouvoirs sans bornes dont il estarmé depuis vingt jours, mais sa vigilance suit partout le coupable.

III. Le consul sait tout, a tout prévu, tout annoncé.IV. Il rend compte de la réunion nourne des conjurés chez le

sénateur Léca, des discours qu’on y a tenus, des plans qu’on y a formés.Catilina ne le démentira point.

V. Que Catilina se retire avec ses complices, qu’il cesse de mettreplus longtemps la patrie en danger, qu’il se rende en exil.

VI. Quel charme peut le retenir dans une ville où tous les citoyensle craignent et le méprisent ?

VII. Le sénat lui amanifesté toute sonhorreur. La patrie elle-mêmele conjure de s’éloigner.

VIII. Catilina a demandé une surveillance dont aucun citoyenhonnête n’a voulu se charger ; il demande au sénat un arrêt que lesilence même des sénateurs prononce assez clairement.

IX. Cicéron est prêt à braver tous les dangers pour le salut dela patrie. Poursuivi par la haine s’il exile Catilina, la gloire l’attend,au contraire, si Catilina va rejoindre son armée, comme il paraît s’ydioser.

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X. Qu’il aille donc où l’appelle sa perverse nature ; qu’il poursuiveces desseins auxquels l’ont préparé des travaux si vantés.

XI. Mais la patrie s’oppose à cette indulgence, et reproche auconsul sa faiblesse ; la loi veut que Catilina périsse ; en ne l’exécutantpas, Cicéron encourt la haine de tous les bons citoyens.

XII. Il n’aurait pas hésité à frapper ;mais on refuse encore de croireà cet horrible complot, et la mort de Catilina ne débarrasserait Romeque du seul Catilina, tandis que son départ la délivrera de tous lesconjurés.

XIII. Que tous lesméchants aillent chercher en Étrurie la punitionde leurs forfaits. Que Jupiter sauve Rome et frappe les sacrilèges.

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ORATIO PRIMA

IN L. CATILINAM.

I. Quousque tandem abutere, Catilina, patientia nos-tra ? Quamdiu etiam furor iste tuus nos eludet ? Quemad finem sese effrenata jaabit audacia ? Nihilne te noc-turnum præsidium Palatii¹, nihil urbis vigiliæ², nihil ti-mor populi, nihil concursus bonorum omnium, nihil hicmunitissimus habendi senatus locus³, nihil horum oravultusque⁴ moverunt ? Patere tua consilia non sentis ?Constriam jam omnium horum conscientia teneri con-jurationem tuam non vides ? Quid proxima, quid super-iore noe⁵ egeris, ubi fueris, quos convocaveris, quidconsilii ceperis, quem nostrum ignorare arbitraris ?

I. Jusques à quand abuseras-tu de notre patience, Ca-tilina ? Combien de temps encore serons-nous ainsi lejouet de ta fureur ? Où s’arrêteront les emportements decette audace effrénée ? Ni la garde qui veille la nuit sur lemont Palatin, ni les postes répandus dans la ville, ni l’effroidu peuple, ni le concours de tous les bons citoyens, ni lechoix, pour la réunion du sénat, de ce lieu le plus sûr detous, ni les regards ni le visage de ceux qui t’entourent,rien ne te déconcerte ? Tu ne sens pas que tes projets sontdévoilés ? Tu ne vois pas que ta conjuration reste impuis-sante, dès que nous en avons tous le secret ? Penses-tuqu’un seul de nous ignore ce que tu as fait la nuit der-nière et la nuit précédente, où tu es allé, quels hommes tuas réunis, quelles résolutions tu as prises ?

PREMIER DISCOURS

CONTRE L. CATILINA.

I. Quousque tandemCatilina,abutere nostra patientia ?Quamdiu etiamiste furor tuuseludet nos ?Ad quem finemaudacia effrenatajaabit sese ?Nihilnepræsidium nournumPalatii,nihil vigiliæ urbis,nihil timor populi,nihil concursusomnium bonorum,nihil hic locusmunitissimussenatus habendi,nihil ora vultusquehorummoverunt te ?Non sentis tua consiliapatere ?Non videstuam conjurationemteneri jam constriamconscientiaomnium horum ?Quem nostrumarbitraris ignorarequid egeris noe proxima,quid superiore,ubi fueris,quos convocaveris,quid consilii ceperis ?

I. Jusque à quand enfin,Catilina,abuseras-tu de notre patience ?Combien-de-temps encorecette fureur tiennese jouera-t-elle de nous ?Jusqu’à quelle limitecette audace effrénées’emportera-t-elle ?Est-ce que en rienla garde nournedu mont-Palatin,en rien les postes de la ville,en rien la crainte du peuple,en rien le concoursde tous les bons citoyens,en rien ce lieutrès-fortifié [semblé)choisi pour le sénat devant être tenu (as-en rien l’ae et le visagede ces sénateursn’ont ébranlé toi ?Tu ne sens pas tes projetsêtre-à-découvert ?Tu ne vois pasta conjurationêtre tenue déjà enchaînéepar la connaissancede tous ceux-ci ?Lequel de nouspenses-tu ignorerce que tu as fait la nuit dernière,ce que tu as fait la nuit précédente,où tu as été,quels hommes tu as convoqués,quelle résolution tu as prise ?

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O tempora ! o mores ! Senatus hæc intelligit ; consul vi-det : hic tamen vivit. Vivit ? imo vero etiam in senatumvenit ; fit publici consilii particeps ; notat et designat ocu-lis ad cædem unumquemque nostrum. Nos autem, virifortes, satisfacere reipublicæ videmur, si istius furorem actela vitemus. Ad mortem te, Catilina, duci jussu consulisjampridem oportebat ; in te conferri pestem istam, quamtu in nos omnes jamdiu machinaris.

An vero vir amplissimus, P. Scipio¹, pontifex maximus,T. Gracchum, mediocriter labefaantem statum reipu-blicæ, privatus² interfecit, Catilinam vero, orbem terræcæde atque incendiis vastare cupientem, nos consules per-feremus ?Nam illa nimis antiqua prætereo, quodC. Servi-lius Ahala³ Sp. Melium, novis rebus studentem, manu suaoccidit. Fuit, fuit ista quondam in hac republica virtus, utviri fortes acrioribus suppliciis civem perniciosum, quamacerbissimum

Ô temps ! ômœurs ! Le sénat connaît tous ces complots, le consulles voit ; et Catilina vit encore. Il vit ? que dis-je ? il vient au sénat ; ilprend part aux conseils de la république ; son œil choisit et désignetous ceux d’entre nous qu’il veut immoler. Et nous, hommes pleinsde courage, nous croyons assez faire pour la république, si nouséchappons à sa fureur et à ses poignards. Il y a longtemps, Catilina,que le consul aurait dû t’envoyer à la mort, et faire tomber sur ta têtele coup fatal dont tu menaces les nôtres.

Eh quoi ! un citoyen illustre, le grand pontife P. Scipion, frappade mort, sans être magistrat, T. Gracchus pour une légère atteinteaux institutions de la république ; et nous, consuls, nous laisseronsvivre Catilina, qui aire à désoler l’univers par le meurtre et parl’incendie ? Je ne rappelle pas l’exemple trop ancien de C. ServiliusAhala, tuant de sa propre main Sp. Mélius, qui cherchait à faire unerévolution. C’est qu’il y avait autrefois dans cette république, oui, il yavait des hommes assez courageux pour infliger des châtiments plussévères à un citoyen pernicieux qu’à l’ennemi le plus

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O tempora ! o mores !Senatus intelligit hæc ;consul videt :hic tamen vivit.Vivit ? imo vero etiamvenit in senatum ;fit particepsconsilii publici ;notat et designat oculisunumquemque nostrumad cædem.Nos autem, viri fortes,videmursatisfacere reipublicæ,si vitemus furoremac tela istius.Oportebat jampridem,Catilina,te duci ad mortemjussu consulis ;istam pestem,quam tu machinaris jamdiuin nos omnes,conferri in te.

An vero P. Scipio,vir amplissimus,maximus pontifex,interfecit privatusT. Gracchum,labefaantem mediocriterstatum reipublicæ,nos vero consulesperferemus Catilinam,cupientem vastareorbem terræcæde atque incendiis ?Nam prætereoilla nimis antiqua,quod C. Servilius Ahalaoccidit sua manuSp. Melium,studentem rebus novis.Fuit, fuit quondamin hac republicaista virtus, ut viri fortescoercerentcivem perniciosum

Ô temps ! ô mœurs !Le sénat connaît ces faits ;le consul les voit :cet homme néanmoins vit.II vit ? mais bien plus encoreil vient dans le sénat ;il se fait participantà la délibération publique ;il note et désigne des yeuxchacun de nouspour le meurtre.Quant à nous, hommes courageux,nous nous semblons (nous croyons)faire-assez pour la république,si nous évitons la fureuret les traits de cet homme.Il fallait depuis longtemps,Catilina,toi être conduit à la mortpar l’ordre du consul ;il fallait cette ruine,que tu trames depuis longtempscontre nous tous,être reportée sur toi.

Mais est-ce que tandis que P. Scipion,personnage très-considérable,grand pontife,a tué, quoique simple-particulier,T. Gracchus,qui ébranlait faiblementla constitution de la république,d’autre-part nous consulsnous supporterons Catilina,qui veut ravagerle globe de la terrepar le meurtre et les incendies ?Car je passe-sous-silenceces exemples trop anciens,à savoir que C. Servilius Ahalatua de sa mainSp. Mélius, [changements).qui méditait des choses nouvelles (desElle fut, elle fut autrefoisdans cette républiquecette vertu, que des hommes courageuxréprimaient (punissaient)un citoyen nuisible

Page 6: AUTEURS LATINS

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hostem, coercerent. Habemus senatusconsultum¹ in te,Catilina, vehemens et grave : non deest reipublicæ consi-lium, neque auoritas hujus ordinis ; nos, nos, dico aper-te, consules desumus.

II. Decrevit quondam senatus, ut L. Opimius consul vi-deret, ne quid reublica detrimenti caperet. Nox nullaintercessit : interfeus est propter quasdam seditionumsuiciones C. Gracchus², clarissimo patre, avo, majori-bus ; occisus est cum liberisM. Fulvius³, consularis. Similisenatusconsulto C. Mario et L. Valerio, consulibus, per-missa est reublica. Num unum diem postea L. Saturni-num⁴, tribunum plebis, et C. Servilium, prætorem, morsac reipublicæ pœna remorata est ? At nos vicesimum jamdiem patimur hebescere aciem horum auoritatis. Habe-mus enim hujusmodi senatusconsultum, verumtamen in-clusum in tabulis, tanquam

acharné. Nous sommes armés contre toi, Catilina, d’un sénatus-consulte d’une rigueur terrible ; ni la sagesse ni l’autorité decet ordre ne manquent à la république ; c’est nous, je le disouvertement, c’est nous consuls qui lui manquons.

II. Autrefois un décret du sénat chargea le consul L. Opimiusde veiller à ce que la république ne souffrît aucun dommage.Avant la fin du jour, C. Gracchus, malgré l’illustration de sonpère, de son aïeul et de ses ancêtres, futmis àmort comme soup-çonné de quelques projets séditieux ; le consulaire M. Fulviuspérit avec ses enfants. Un sénatus-consulte semblable remit lesort de la république aux mains des consuls C. Marius et L. Va-lérius : s’écoula t-il un seul jour sans qu’une mort, qui devaitvenger la patrie, atteignîît le tribun du peuple L. Saturninus et lepréteur C. Servilius ? Mais nous, voilà vingt jours que nous lais-sons s’émousser dans nos mains le glaive de l’autorité du sénat.Car nous avons pour nous ce même décret ; mais il est enfermédans nos archives, comme une

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suppliciis acrioribus,quam hostemacerbissimum.Habemus in te, Catilina,senatusconsultumvehemens et grave :non consilium,neque auoritashujus ordinisdeest reipublicæ ;nos, nos, consules,dico aperte,desumus.

II. Senatusdecrevit quondam,ut L. Opimius consulvideret ne reublicacaperet quid detrimenti.Nulla nox intercessit :C. Gracchus,patre clarissimo,avo, majoribus,interfeus estpropterquasdam. suicionesseditionum ;M. Fulvius, consularis,occisus est cum liberis.Reublica permissa estsenatusconsulto similiC. Mario et L. Valerio,consulibus.Num morsac pœna reipublicæremorata est posteaunum diemL. Saturninum,tribunum plebis,et C. Servilium, prætorem ?At nos patimurjam vicesimum diemaciem auoritatishorumhebescere.Habemus enimsenatusconsultumhujusmodi,

par des supplices plus rigoureux,que l’ennemile plus cruel.Nous avons contre toi, Catilina,un sénatus-consulteénergique et sévère :ce n’est pas la sagesse,ni l’autoritéde cet ordre (du sénat)qui manque à la république ;c’est nous, nous, consuls,je le dis ouvertement,qui lui manquons.

II. Le sénatdécréta autrefois,que L. Opimius consulprît-garde que la républiquene prît (ne reçût) quelque dommage.Pas-une nuit ne s’écoula-dans-l’intervalle :C. Gracchus,issu d’un père très-illustre,d’un aïeul, d’ancêtres très-illustres,fut mis-à-mortà causede certains soupçonsde séditions ;M. Fulvius, consulaire,fut tué avec ses enfants.La république fut confiéepar un sénatus-consulte semblableà C. Marius et à L. Valérius,consuls.Est-ce que la mortet le châtiment de (infligé par) la républiqueattendit ensuitependant un-seul jourL. Saturninus,tribun du peuple,et C. Servilius, préteur ?Mais nous, nous souffronsdéjà pour le vingtième jourle tranchant (le glaive) de l’autoritéde ceux-ci (des sénateurs)s’émousser dans nos mains.Nous avons en effetun sénatus-consultede-cette sorte,

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gladium in vagina reconditum : quo ex senatusconsultoconfestim interfeum te esse, Catilina, convenit. Vivis, etvivis non ad deponendam, sed ad confirmandam auda-ciam. Cupio, patres conscripti, me esse clementem ; cupioin tantis reipublicæ periculis me non dissolutum videri ;sed jam me ipse inertiæ nequitiæque condemno.

Castra sunt in Italia contra rempublicam, in Etruriæfaucibus¹ collocata ; crescit in dies singulos hostium nu-merus : eorum autem imperatorem castrorum, ducemquehostium, intra mœnia atque adeo in senatu videmus, in-testinam aliquam quotidie perniciem reipublicæ molien-tem. Si te jam, Catilina, comprehendi, si te interfici jus-sero, credo, erit verendum mihi, ne non hoc potius omnesboni serius a me, quam quisquam crudelius faum essedicat. Verum ego hoc, quod jampridem faum esse opor-tuit, certa de causa² nondum

épée dans son fourreau ; ce décret demande, Catilina, quetu meures à l’instant. Tu vis ; et tu vis non pas pour abjurer,mais pour affermir ton audace. Je voudrais, pères conscrits,memontrer clément ; je voudrais aussi, quand la républiqueest dans un si grand danger, ne pas laisser voir de faiblesse ;mais je condamnemoi-même àprésentma coupable inertie.

Il y a en Italie, dans les gorges de l’Étrurie, un camp armécontre la république ; le nombre des ennemis s’accroît dejour en jour ; le général de cette armée, le chef des rebellesest dans nos murs, et nous le voyons même dans le sénat,préparant chaque jour quelque nouveau malheur au seinde la patrie. Si dans ce moment, Catilina, je te faisais sai-sir et mettre à mort, j’aurais à craindre, je crois, que tous lesbons citoyens ne m’accusassent de l’avoir fait trop tard, plu-tôt que d’avoir été trop cruel. Mais ce que j’aurais dû fairedepuis longtemps, de sérieux motifs m’engagent à le différer

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verumtameninclusum in tabulis,tanquam gladiumreconditum in vagina :ex quo senatusconsultoconvenit, Catilina,te interfeum esseconfestim.Vivis, et vivisnon ad audaciamdeponendam,sed ad confirmandam.Cupio, patres conscripti,me esse clementem ;cupiome non videri dissolutumin periculis tantisreipublicæ ; sed jam ipsecondemno meinertiæ nequitiæque.

Castra sunt in Italiacontra rempublicam,collocatain faucibus Etruriæ ;numerus hostiumcrescit in singulos dies :videmus autemimperatoremeorum castrorum,ducemque hostium,.intra mœniaatque adeo in senatu,molientem quotidiealiquam perniciemintestinamreipublicæ.Si jussero jam, Catilina,te comprehendi,si te interfici,erit verendum mihi, credo,ne non omnes bonihoc faum esse a me serius,potius quamquisquam dicatfaum esse crudelius.Verum ego adducorde causa certa

mais toutefoisenfermé dans les archives,comme un glaivecaché dans son fourreau :d’après lequel sénatus-consulteil est-de-droit, Catilina,toi être (que tu sois) mis-à-mortà l’instant.Tu vis, et tu visnon pour ton audacedevant être déposée,mais pour ton audace devant être affermie.Je désire (je voudrais), pères conscrits,moi être clément ;je désiremoi ne pas paraître relâché (faible)dans des périls si grandsde la république ; mais déjà moi-mêmej’accuse moid’inertie et de lâcheté.

Un camp existe en Italiecontre la république,établidans les gorges de l’Étrurie ;le nombre des ennemiscroît à chaque jour :mais nous voyonsle généralde ce camp,et le chef des ennemis,dans nos murset même dans le sénat,machinant chaque-jourquelque calamitédomestiquepour la république.Si j’ordonnais maintenant, Catilina,toi être saisi,si j’ordonnais toi être mis-à-mort,il sera (serait) à craindre à moi, je crois,que tous les bons citoyens ne disentcela être fait par moi trop tard,plutôt quequi-que-ce-soit disecela être fait trop cruellement.Mais je suis amenépar un motif sérieux

Page 8: AUTEURS LATINS

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adducor ut faciam. Tum denique interficiam te, quum jamnemo tam improbus, tam perditus, tam tui similis inveniripoterit, qui id non jure faum esse fateatur. Quamdiuquisquam erit, qui te defendere audeat, vives, et vives ita,ut nunc vivis, multis meis et firmis præsidiis obsessus, necommovere te contra rempublicam possis. Multorum teetiam oculi et aures non sentientem, sicut adhuc fecerunt,eculabuntur atque custodient.

III. Etenim quid est, Catilina, quod jam amplius exs-pees, si neque nox tenebris obscurare cœtus nefarios,nec privata domus parietibus continere voces conjuratio-nis tuæ potest ? si illustrantur, si erumpunt omnia ? Mutajam istam mentem, mihi crede ; obliviscere cædis atqueincendiorum. Teneris undique ; luce sunt clariora nobistua consilia omnia : quæ etiam mecum licet recognoscas.

encore. Tu périras, Catilina, lorsqu’on ne pourra plus trou-ver unhommeassezméchant, assez pervers, assez semblableà toi pour ne pas convenir que ton supplice fût mérité. Aussilongtemps qu’il en restera un seul qui ose te défendre, tu vi-vras, mais tu vivras comme tu vis maintenant, entouré parmoi d’une garde nombreuse et sûre, afin que tu ne puissesrien entreprendre contre la république. Partout des yeux etdes oreilles continueront, sans que tu le saches, à te sur-veiller, à t’épier.

III. Que peux-tu donc, Catilina, eérer encore, si les té-nèbres de la nuit n’ont pas caché à nos yeux tes assembléescriminelles, si lesmurs d’unemaison n’ont pas étouffé la voixde ta conjuration ? si tout est mis au jour, si tout éclate ? Re-nonce à tes desseins, crois-moi ; ne songe plus au meurtre età l’incendie. Tu es enveloppé de toutes parts ; tous les pro-jets sont pour nous plus clairs que le jour ; tu peux même lesrappeler avec moi à ton souvenir.

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ut faciam nondumhoc quod oportuitfaum esse jampridem.Interficiam te deniquetum quum jam nemotam improbus,tam perditus,tam similis tuipoterit inveniri,qui non fateaturid faum esse jure.Quamdiu quisquam erit,qui audeat defendere te,vives, et vives ita,ut vivis nunc,obsessus meis præsidiismultis et firmis,ne possis commovere tecontra rempublicam.Oculi et auresmultorumeculabuntur etiamatque custodientte non sentientem,sicut fecerunt adhuc.

III. Etenim quid est,Catilina,quod exeesjam amplius,si neque noxpotest obscurare tenebriscœtus nefarios,nec domus privatacontinere parietibusvocestuæ conjurationis ?si omnia illustrantur,si erumpunt ?Muta jamistam mentem,crede mihi ; obliviscerecædis atque incendiorum.Teneris undique ;omnia tua consiliasunt nobis clariora luce :quæ licet etiamrecognoscas mecum.

à ce que je ne fasse pas encorece qu’il eût fallu (ce qui eût dû)être fait depuis longtemps.Je mettrai-à-mort toi enfinalors que désormais aucun-hommesi méchant,si pervers,si semblable à toine pourra être trouvé,qui n’avoue pascela être fait à-bon-droit.Tant que quelqu’un sera,qui ose défendre toi,tu vivras, et tu vivras ainsi,comme tu vis maintenant,assiégé (entouré) de mes gardesnombreuses et fortes,afin que tu ne puisses remuer-toicontre la république.Les yeux et les oreillesde beaucoup de gensépieront aussiet garderonttoi ne t’en apercevant pas,comme ils ont fait jusqu’à présent.

III. En effet qu’y a-t-il,Catilina,que tu attendesmaintenant de plus,si ni la nuitne peut cacher dans ses ténèbrestes assemblées criminelles,ni une maison particulièrene peut renfermer dans ses mursles voixde ta conjuration (de tes conjurés) ?si tout est éclairé,si tout éclate ?Change (quitte) dès-à-présentcette intention (tes desseins),crois-moi ; oublie (laisse de côté)le meurtre et les incendies.Tu es tenu de-toutes-parts ;tous tes projetssont pour nous plus clairs que la lumière :eux qu’il est-permis mêmeque tu repasses avec moi.

Page 9: AUTEURS LATINS

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Meministineme ante diem kalendas novembres¹ di-cere in senatu, fore in armis certo die, qui dies futurus es-set ante diem ² kalendas novembres, C. Mallium, auda-ciæ satellitem atque administrum tuæ ? Num me fefellit,Catilina, non modo res tanta, tam atrox, tam incredibi-lis, verum, id quod multo magis est admirandum, dies ?Dixi ego idem in senatu, cædem te optimatum contu-lisse in ante diem kalendas novembres, tum quum multiprincipes civitatis Roma, non tam sui conservandi quamtuorum consiliorum reprimendorum causa, profugerunt.Num inficiari potes, te illo ipso die meis præsidiis, meadiligentia circumclusum, commovere te contra rempubli-cam non potuisse, quum tu, discessu ceterorum, nostratamen, qui remansissemus, cæde contentum te esse dice-bas ?

Quid ? quum tu te Præneste³ kalendis ipsis novembri-bus occupaturum nourno impetu esse confideres, sen-sistine

Te souvient-il que, le douzième jour avant les calendes de no-vembre, je dis dans le sénat qu’à jour fixe, dans six jours, Malliusprendrait les armes,Mallius, le satellite et leministre de ton audace ?Me suis-je trompé, Catilina, non-seulement sur un fait si important,si criminel, si incroyable, mais, ce qui est plus étonnant, me suis-jetrompé sur le jour ? J’annonçai de plus au sénat que tu avais fixéle massacre des principaux citoyens au cinquième jour avant lesmêmes calendes, jour où plusieurs d’entre eux sortirent de Rome,moins pour sauver leur vie que pour faire échouer tes complots.Peux-tu nier que ce jour même, environné de gardes placés par mavigilance, il te fut impossible de rien tenter contre la république, etque tu dis, pour te consoler du départ des autres, que, puisque j’étaisresté, ma mort te suffisait ?

Eh quoi ! lorsque, le 1 novembre, tu comptais t’emparer dePréneste à la faveur de la nuit, ne t’es-tu pas aperçu que cette

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Meministineme dicere in senatu,duodecimum diemante kalendas novembres,C. Mallium, satellitematque administrumtuæ audaciæ,fore in armisdie certo,qui dies futurus essetsextum diemante kalendas novembres ?Num, Catilina,non modo res tanta,tam atrox, tam incredibilis,verum, id quod estmulto magis admirandum,diesfefellit me ?Ego idem dixi in senatu,te contulissecædem optimatumin quintum diemante kalendas novembres,tum quum multiprincipes civitatisprofugerunt Roma,non tam causasui conservandi,quam tuorum consiliorumreprimendorum.Num potes inficiari,te circumclusum,illo die ipso,meis præsidiis,mea diligentia,non potuisse commovere tecontra rempublicam,quum tu dicebas,discessu ceterorum,te esse contentum tamencæde nostra,qui remansissemus ?

Quid ?quum tu confidereste occupaturum essePræneste impetu nourno,

Te souviens-tumoi dire (avoir dit) dans le sénat,le douzième jouravant les calendes de-novembre,que G. Mallius, le satelliteet le ministrede ton audace,devoir être (serait) sous les armesà un jour fixe,lequel jour devait êtrele sixième jouravant les calendes de-novembre ?Est-ce que, Catilina,non-seulement un fait si grand,si horrible, si incroyable,mais, ce qui estbeaucoup plus étonnant,est-ce que le jour de l’exécutiona trompé moi ?Moi le même (encore) j’ai dit dans le sénat,toi avoir reportéle meurtre des grandsau cinquième jouravant les calendes de-novembre,alors que beaucoupdes principaux de la villes’enfuirent de Rome,non tant pour le motifd’eux-mêmes devant être sauvés,que de tes projetsdevant être réprimés.Est-ce que tu peux nier,toi enveloppé,ce jour-là même,par mes gardes,par ma vigilance,n’avoir pu remuer toicontre la république,lorsque tu disais,après le départ des autres,toi être content néanmoinsdu meurtre de-nous (de moi),qui étions restés (étais resté) ?

Quoi ?lorsque tu avais-confiancetoi devoir surprendrePréneste par une attaque nourne,

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illam coloniam meo jussu, meis præsidiis, custodiis vigi-liisque esse munitam ? Nihil agis, nihil moliris, nihil cogi-tas, quod ego non modo non audiam, sed etiam non vi-deam planeque sentiam.

IV. Recognosce tandem mecum noem illam superio-rem : jam intelliges multo me vigilare acrius ad salutem,quam te ad perniciem reipublicæ. Dico te priore noevenisse inter falcarios¹, non agam obscure, in M. Læcædomum ; convenisse eodem complures ejusdem amen-tiæ scelerisque socios. Num negare audes ? quid taces ?convincam, si negas. Video enim esse in senatu quosdam²,qui tecum una fuerunt.O dii immortales ! ubinam gentium sumus ? quam rem-publicam habemus ? in qua urbe vivimus ? Hic, hic sunt,nostro in numero, patres conscripti, in hoc orbis terræsanissimo gravissimoque consilio, qui de meo nostrum-que omnium

colonie se trouvait sous la proteion de postes et de gardes quemes ordres y avaient placés ? Il n’est pas une de tes aions, pas unde tes projets, pas une de tes pensées, non-seulement dont on nem’instruise, mais encore que je ne voie, que je ne connaisse à fond.

IV. Rappelle enfin avecmoi l’avant-dernière nuit à tamémoire ;tu comprendras alors que je veille avec plus d’ardeur pour le salutde la république que toi pour sa perte. Je dis que l’avant-dernièrenuit tu te rendis au quartier des fourbisseurs (je ne cacherai rien),dans la maison de M. Léca, où se réunirent en grand nombre lescomplices de ta criminelle fureur. Oses-tu le nier ? Tu te tais ! Je teconvaincrai, si tu le nies. Car je vois ici dans le sénat quelques-unsde ceux qui se trouvaient avec toi.

Ô dieux immortels ! Où sommes-nous ? quelle république estla nôtre ? dans quelle ville vivons-nous ? Ici, ici même, au milieude nous, pères conscrits, dans ce conseil le plus auguste et le plusimposant de l’univers, il y a des hommes qui conirent ma perte,

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kalendis ipsisnovembribus,sensistine illam coloniammunitam esse meo jussu,meis præsidiis, custodiisvigiliisque ?Agis nihil,moliris nihil,cogitas nihil,quod ego non modonon audiam,sed etiam non videamsentiamque plane.

IV. Recognoscetandem mecumillam noem superiorem :intelliges jam me vigilaremulto acriusad salutem reipublicæ,quam te ad perniciem.Dico te venissenoe prioreinter falcarios,non agamobscure,in domum M. Læcæ ;complures sociosejusdem amentiæscelerisqueconvenisse eodem.Num audes negare ?quid taces ?convincam, si negas.Video enim quosdam,qui fuerunt una tecum,esse in senatu.

O dii immortales !ubinam gentium sumus ?quam rempublicamhabemus ?in qua urbe vivimus ?Hic, hic sunt,in nostro numero,patres conscripti,in hoc consiliosanissimo gravissimoqueorbis terræ,

aux calendes mêmesde-novembre ;n’as-tu pas compris cette colonieavoir été fortifiée par mon ordre,par mes postes, mes gardeset mes sentinelles ?Tu ne fais rien,tu ne projettes rien,tu ne penses rien,que moi non-seulementje n’apprenne,mais encore que je ne voieet ne connaisse entièrement.

IV. Repasseenfin avec moicette nuit précédente :tu comprendras alors moi veillerbeaucoup plus ardemmentpour le salut de la république,que toi pour sa perte.Je dis toi être venula nuit précédenteau milieu des ouvriers-qui-font-les-faux,je ne traiterai pas ce pointd’une-façon-obscure,dans la maison de M. Léca ;je dis de nombreux complicesde la même démenceet du même crimes’être rassemblés là-même.Est-ce que tu oses nier ?pourquoi te tais-tu ?je te convaincrai, si tu nies.Car je vois quelques-uns,qui furent ensemble avec toi,être dans le sénat.

Ô dieux immortels !où des nations (en quel lieu) sommes-nous ?quelle républiqueavons-nous ?dans quelle ville vivons-nous ?Ici, ici se trouvent,dans notre nombre,frères conscrits,dans cette assembléela plus sainte et la plus imposantedu globe de la terre,

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interitu, qui de hujus urbis atque adeo orbis terrarum exi-tio cogitent. Hosce ego video consul, et de republica sen-tentiam rogo ! et, quos ferro trucidari oportebat, eos non-dum voce vulnero ! Fuisti igitur apud Læcam illa noe,Catilina ; distribuisti partes Italiæ¹ ; statuisti quo quemqueproficisci placeret ; delegisti, quosRomærelinqueres, quostecum educeres ; descripsisti urbis partes ad incendia² ;confirmasti te ipsum jam esse exiturum ; dixisti paululumtibi esse etiam tum moræ, quod ego viverem. Reperti suntduo equites romani³, qui te ista cura liberarent, et sese illaipsa noe paulo ante lucem me in meo leulo interfeu-ros pollicerentur.

Hæc ego omnia, vixdum etiam cœtu vestro dimisso,comperi⁴ : domum meam majoribus præsidiis muniviatque firmavi ; exclusi eos, quos tu mane ad me salutatummiseras, quum illi ipsi venissent, quos ego jam multis acsummis viris ad me id temporis venturos esse prædixe-ram.

celle de nous tous, la ruine de Rome, celle du monde entier. Moi, consul,je les vois, et je prends leur avis sur les intérêts de l’État ! J’aurais dû lesfaire tomber sous le fer, et ma voixmême les épargne encore ! Tu as doncété chez Læca cette nuit-là, Catilina ; tu as fait à tes complices le partagede l’Italie ; tu as assigné les lieux où chacun devait se rendre ; tu as choisiceux que tu laisserais à Rome, ceux que tu emmènerais avec toi ; tu asdésigné les quartiers de la ville où l’on devait allumer l’incendie ; tu asdonné l’assurance que tu allais partir bientôt ; tu as dit que si tu tardaisquelques moments encore, c’était parce que je vivais. Il s’est trouvé deuxchevaliers romains pour te délivrer de cette inquiétude, et te promettreque, cette nuit-làmême, un peu avant le jour, ils viendraientme tuer dansmon lit.

À peine étiez-vous séparés, que j’ai tout connu. J’ai fait protéger etdéfendre ma maison par une garde plus nombreuse, et j’en ai fermél’entrée à ceux que tu avais envoyés le matin pour me saluer ; c’étaientceux-là mêmes que j’avais nommés d’avance à plusieurs citoyens de laplus haute distinion et dont j’avais annoncé la visite pour ce moment.

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qui cogitentde meo interitunostrumque omnium,qui de exitio hujus urbisatque adeo orbis terrarum.Ego consul video hosce,et rogo sententiamde republica !et vulnero nondum voceeos, quos oportebattrucidari ferro !Fuisti igitur apud Læcam,illa noe, Catilina ;distribuisti partes Italiæ ;statuisti quo placeretquemque proficisci ;delegistiquos relinqueres Romæ,quos educeres tecum ;descripsisti partes urbisad incendia ;confirmasti te ipsumexiturum esse jam ;dixisti paululum moræesse etiam tibi tum,quod ego viverem.Duo equites romanireperti suntqui liberarent te ista cura,et pollicerentursese interfeuros mein meo leuloilla noe ipsa ante lucem.

Ego comperi omnia hæc,vestro cœtuvixdum etiam dimisso :munivi atque firmavimeam domumpræsidiis majoribus ;exclusi eos,quos tu miseras manead me salutatum,quum illi ipsi venissent,quos jam ego prædixeramviris multis ac summisventuros esse ad meid temporis.

des hommes qui méditentsur ma mortet sur celle de nous tous,qui méditent sur la ruine de cette villeet même sur celle du globe de la terre.Moi, consul, je vois ces hommes-ci,et je demande leur avistouchant la république !et je ne blesse pas encore par la voixceux qu’il fallait (qui eussent dû)être massacrés par le fer !Tu as donc été chez Léca,cette nuit-là, Catilina ;tu as distribué les parties de l’Italie ;tu as fixé où il te plaisaitchacun partir ;tu as choisiceux que tu laisserais à Rome,ceux que tu emmènerais avec toi ;tu as désigné les portions de la villepour les incendies ;tu as assuré toi-mêmedevoir partir aussitôt ;tu as dit un peu de délaiêtre encore à toi alors,parce que je vivais.Deux chevaliers romainsfurent trouvés [de ce souci,qui délivreraient (voulaient délivrer) toiet promettraient (promettaient)eux devoir tuer moidans mon litcette nuit-là même avant le jour.

Moi j’appris tous ces projets,votre assembléeétant à peine encore renvoyée :je fortifiai et j’assuraima maisonpar des postes plus nombreux ;j’empêchai-d’entrer ceux (les hommes)que tu avais envoyé le matinvers moi me saluer,lorsque ceux-là même étaient venus,que déjà j’avais dit-d’avanceà des personnages nombreux et éminentsdevoir venir vers moià ce point du temps (à ce moment).

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V. Quæ quum ita sint, Catilina, perge, quo cœpisti ;egredere aliquando ex urbe ; patent portæ ; proficiscere.Nimium diu te imperatorem tua illa Malliana castra de-siderant. Educ tecum etiam omnes tuos ; si minus, quamplurimos ; purga urbem : magno me metu liberabis, dum-modo inter me atque te murus intersit. Nobiscum versarijam diutius non potes ; non feram, non patiar, non sinam.

Magna diis immortalibus habenda est gratia, atque huicipsi Jovi Statori, antiquissimo custodi hujus urbis, quodhanc tam tetram, tam horribilem tamque infestam reipu-blicæ pestem toties jam effugimus. Non est sæpius in unohomine summa salus periclitanda reipublicæ. Quamdiumihi, consuli designato, Catilina, insidiatus es, non pu-blico me præsidio, sed privata diligentia defendi. Quumproximis comitiis consularibus¹ me consulem in campo²,et competitores tuos³ interficere

V. Ainsi donc, Catilina, poursuis tes desseins ; sors enfin deRome ; les portes sont ouvertes, pars : il y a trop longtemps que lecamp de Mallius, que ton armée attend son général. Emmène avectoi tous tes complices, ou du moins le plus grand nombre ; que laville en soit purgée ; tu me délivreras de grandes alarmes, dès qu’unmur me séparera de toi. Tu ne peux demeurer plus longtemps avecnous ; je ne veux pas le souffrir, je ne le tolérerai, je ne le permettraipas.

Grâces soient à jamais rendues aux dieux immortels, et surtoutau maître de ce temple, à Jupiter Stator, le plus antique proteeurde cette ville, pour nous avoir fait échapper tant de fois à ce fléau sicruel, si effrayant, si funeste pour la république. Il ne faut pas qu’unseul homme mette une fois encore la patrie entière en danger. Aussisouvent, Catilina, que tum’as tendu des pièges, lorsque j’étais consuldésigné, je me suis défendu par ma propre vigilance, sans invoquerle secours public. Lorsque, aux derniers comices consulaires, tu asvoulu m’assassiner dans le champ de Mars et tes compétiteurs avecmoi, j’ai trompé tes efforts criminels avec l’aide

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V. Quæ quum sint ita,Catilina,perge,quo cœpisti ;egredere aliquando ex urbe ;portæ patent ; proficiscere.Illa castra Malliana tuadesiderant nimium diute imperatorem.Educ etiam tecumomnes tuos ; si minus,quam plurimos ;purga urbem :liberabis me metu magno,dummodo murus intersitinter me atque te.Non potes jamversari diutius nobiscum ;non feram,non patiar, non sinam.

Magna gratia est habendadiis immortalibus,atque huic Jovi Statori ipsi,custodi antiquissimohujus urbis,quod effugimus jam totieshanc pestem tam tetram,tam horribilemtamque infestamreipublicæ.Salus summa reipublicænon est periclitandasæpiusin uno homine.Quamdiu insidiatus es,Catilina,mihi consuli designato,defendi menon præsidio publico,sed diligentia privata.Quum,comitiis consularibusproximis,voluistiinterficere in campome consulem,et tuos competitores,

V. Puisque ces faits sont ainsi,Catilina,poursuis (va sans t’arrêter)où tu as commencé d’aller ;sors enfin de la ville ;les portes sont ouvertes ; pars.Ce camp de-Mallius qui est tiendésire depuis trop longtempstoi son général.Emmène aussi avec toitous les tiens ; sinon,le plus grand nombre possible ;purge la ville :tu délivreras moi d’une crainte grande,pourvu qu’un mur soit-au-milieuentre moi et toi.Tu ne peux désormaist’agiter (vivre) plus longtemps avec nous ;je ne le supporterai pas,je ne le souffrirai pas, je ne le permettrai pas.

Une grande grâce est à-rendreaux dieux immortels,et à ce Jupiter Stator lui-même,gardien le plus anciende cette ville,de ce que nous avons évité déjà tant de foisce fléau si affreux,si horribleet si funesteà la république.Le salut suprême de la républiquen’est pas devant péricliterplus souvent (une seule fois de plus)en (par) un-seul homme.Tant que tu as tendu-des pièges,Catilina,à moi consul désigné,j’ai défendu moinon par le secours public,mais par ma vigilance particulière.Lorsque,dans les comices consulairesles derniers,tu as voulutuer dans le champ de Marsmoi consul,et tes compétiteurs,

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voluisti, compressi tuos nefarios conatus amicorum præ-sidio¹ et copiis, nullo tumultu publice concitato ; denique,quotiescumque me petisti, per me tibi obstiti, quanquamvidebam perniciem meam cum magna calamitate reipu-blicæ esse conjunam. Nunc jam aperte rempublicamuniversam petis ; templa deorum immortalium, tea ur-bis, vitam omnium civium, Italiam denique totam ad exi-tium et vastitatem vocas.

Quare, quoniam id, quod primum atque hujus impe-rii disciplinæque majorum proprium est, facere nondumaudeo, faciam id, quod est ad severitatem lenius, ad com-munem salutem utilius. Nam, si te interfici jussero, reside-bit in republica reliqua conjuratorum manus. Sin tu, quodte jamdudum hortor, exieris, exhaurietur ex urbe tuorumcomitum magna et perniciosa sentina reipublicæ.

Quid est, Catilina ? Num dubitas id, me imperante, fa-

de mes nombreux amis, sans que la tranquillité publique en aitété troublée : toutes les fois enfin que tes coups m’ont menacé,c’estparmoi-mêmeque jem’en suis garanti, quoiqu’il fût évidentà mes yeux que ma perte entraînerait de grands malheurs pourl’État. Aujourd’hui c’est la république elle-même que tumenacesouvertement ; c’est la mort de tous les citoyens que tu veux ; c’estsur les temples des dieux, sur les maisons de Rome, en un motl’Italie entière que tu appelles la ruine et la dévastation.

Aussi, puisque je n’ose pas prendre encore le premier parti,celui que réclamaient et mon autorité de consul et les exemplesde nos ancêtres, j’en prendrai un autre moins rigoureux et plusutile au salut de tous. En effet, si j’ordonne tamort, tes complicesépargnés resteront au sein de la république. Mais si tu pars,comme je t’y exhorte depuis longtemps, Rome verra s’écoulerhors de ses murs cette lie de conjurés, cette troupe immonde sidangereuse pour l’État.

Eh quoi, Catilina, tu hésites à faire pour m’obéir ce que tu

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compressituos conatus nefariospræsidio et copiisamicorum,nullo tumultuconcitato publice ;denique, quotiescumquepetisti me,obstiti tibi per me,quanquam videbammeam perniciemconjunam essecum magna calamitatereipublicæ.Nunc jam petisaperterempublicam universam ;vocas ad exitiumet vastitatemtempladeorum immortalium,tea urbis,vitam omnium civium,denique Italiam totam.

Quare, quoniam,audeo nondum facereid quod est primumatque propriumhujus imperiidisciplinæque majorum,faciam id, quod est leniusad severitatem,utiliusad salutem communem.Nam, si jusserote interfici,manus reliquaconjuratorumresidebit in republica.Sin tu exieris,quod hortor te jamdudum,sentina tuorum comitummagnaet perniciosa reipublicæexhaurietur ex urbe.

Quid est, Catilina ?Num dubitas facere,

j’ai réprimétes efforts criminelspar le secours et par les forcesde mes amis,aucun tumulten’étant soulevé dans-le-public ;enfin, toutes les fois quetu as attaqué moi,j’ai résisté à toi par moi-même,quoique je vissema perteêtre liéeavec une grande calamitéde (pour) la république.Maintenant déjà tu attaquesouvertementla république entière ;tu appelles à la destruionet à la dévastationles templesdes dieux immortels,les maisons de la ville,la vie de tous les citoyens,enfin l’Italie tout entière.

C’est pourquoi, puisqueje n’ose pas encore fairece qui est le parti le premieret le parti propre (convenable)à cette autorité mienne (au consulat)et à la tradition de nos ancêtres,je ferai ce qui est plus douxau-point-de-vue-de la sévérité,et plus utileau-point-de-vue du salut commun.Car, si j’ordonnetoi être mis-à-mort,la troupe restantedes conjurésdemeurera dans la république.Mais si tu es sorti (si tu sors),à quoi j’exhorte toi depuis longtemps,la lie de tes compagnonsgrande (nombreuse)et pernicieuse à la républiquesera tirée-hors de la ville.

Qu’y a-t-il, Catilina ?Est-ce que tu hésites à faire,

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cere, quod jam tua onte faciebas ? Exire ex urbe jubetconsul hostem. Interrogas me, num in exsilium¹ ? Nonjubeo ; sed, si me consulis, suadeo.

VI. Quid est enim, Catilina, quod te jam in hac urbedeleare possit, in qua nemo est, extra istam conjuratio-nem perditorum hominum, qui te non metuat, nemo, quinon oderit ? Quæ nota domesticæ turpitudinis non inustavitæ tuæ est ? quod privatarum rerum dedecus non hæretinfamiæ ? quæ libido ab oculis, quod facinus a manibusunquam tuis, quod flagitium a toto corpore abfuit ? cui tuadolescentulo², quem corruptelarum illecebris irretisses,non aut ad audaciam ferrum, aut ad libidinem facem præ-tulisti ?

Quid vero ? nuper quum morte superioris uxoris³ no-vis, nuptiis domum vacuefecisses, nonne etiam alio in-credibili scelere⁴ hoc scelus cumulasti ? quod ego præter-mitto, et facile patior sileri, ne in hac civitate tanti facinorisimmanitas aut

faisais déjà de toi-même ? Le consul veut qu’un ennemi sorte de la ville.Tu me demandes si c’est pour aller en exil ? je ne l’ordonne pas, mais, si tume consultes, je t’y engage.

VI. Quel charme, Catilina, peut désormais avoir pour toi le séjour d’uneville dans laquelle, à l’exception de ces hommes perdus entrés dans taconjuration, il n’est personne qui ne te craigne, personne qui ne te haïsse ?Est-il un opprobre domestique qui n’ait laissé à ton front sa flétrissure ?Est-il un genre d’infamie dont la honte ne s’attache à ta vie privée ? Quelleimpureté, quel forfait, quelle turpitude n’ont pas souillé tes yeux, tesmains,toute ta personne ? Quel est l’adolescent, enchaîné par tes séduions cor-ruptrices, dont tu n’aies armé le bras pour le crime, ou servi les débauches ?

Mais quoi ! lorsque dernièrement, par le meurtre d’une première épou-se, tu eus fait place dans ta maison à un nouvel hymen, n’as-tu pas mis lecomble à ce crime par un incroyable forfait ? Je m’abstiens d’en parler, et jeconsens aisément à ce qu’on le taise, afin qu’on ne sache pas qu’un attentataussi monstrueux a été commis dans Rome, ou qu’il y est resté impuni. Jene dis rien de la ruine complète

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me imperante,id quod faciebas jamtua onte ?Consul jubet hostemexire ex urbe.Interrogas me,num in exsilium ?Non jubeo ; sed,si consulis me, suadeo.

VI. Quid est enim,Catilina,quod possit jamdeleare te in hac urbe,in qua nemo est,extra istam conjurationemhominum perditorum,qui non metuat te,nemo, qui non oderit ?Quæ notaturpitudinis domesticænon inusta est tuæ vitæ ?quod dedecusrerum privatarumnon hæret infamiæ ?quæ libidoabfuit unquam ab oculis,quod facinusa tuis manibus,quod flagitiuma corpore toto ?cui adolescentulo,quem irretissesillecebris corruptelarum,tu non prætulistiaut ferrum ad audaciam,aut facem ad libidinem ?

Quid vero ? nuperquum vacuefecisses domumnovis nuptiismorte superioris uxoris,nonne cumulasti etiamhoc scelusalio scelere incredibili ?quod ego prætermitto,et patior facile sileri,ne immanitastanti facinoris

moi l’ordonnant,ce que tu faisais déjà (allais faire)de ton gré ?Le consul ordonne l’ennemisortir de la ville.Tu interroges moi,si c’est pour l’exil ?Je ne te l’ordonne pas ; mais,si tu me consultes, je te le conseille.

VI. Qu’y a-t-il, en effet,Catilina,qui puisse désormaischarmer toi dans cette ville,dans laquelle personne n’existe,hors de cette conjurationd’hommes perdus,qui ne redoute toi,personne, qui ne te haïsse ?Quelle marquede honte domestiquen’a pas été imprimée à ta vie ?quel opprobred’aions particulièresn’est pas attaché à ton infamie ?quelle impuretéa été-étrangère jamais à tes yeux,quel forfait a été étrangerà tes mains,quelle souillure a été étrangèreà ton corps tout-entier ?à quel adolescent,que tu avais enlacépar les charmes des dépravations,toi n’as-tu pas présentéou le fer pour l’audace (le crime),ou le flambeau pour la débauche ?

Mais quoi ? naguèrelorsque tu avais rendu-vide ta maisonpour de nouvelles nocespar la mort de ta première épouse,n’as-tu pas comblé encorece crimepar un autre crime incroyable ?lequel moi je passe-sous-silence,et je souffre aisément être tu,de peur que l’énormitéd’un si grand forfait

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exstitisse, aut non vindicata esse videatur. Prætermittoruinas fortunarum tuarum, quas omnes impendere tibiproximis idibus¹ senties : ad illa venio, quæ non ad pri-vatam ignominiam vitiorum tuorum, non ad domesti-cam tuam difficultatem ac turpitudinem, sed ad summamreipublicæ atque ad omnium nostrum vitam salutemquepertinent.

Potestne tibi hæc lux, Catilina, aut hujus cæli iritusesse jucundus, quum scias horum esse neminem, qui nes-ciat, te pridie kalendas januarias, Lepido et Tullo consu-libus², stetisse in comitio cum telo ? manum, consulumet principum civitatis interficiendorum causa, paravisse ?sceleri ac furori tuo non mentem aliquam, aut timoremtuum, sed fortunam populi romani obstitisse ? Ac jam illaomitto.Neque enim sunt aut obscura, aut non multa postcommissa³. Quoties tu me designatum, quoties consuleminterficere conatus es ! quot ego

de ta fortune, dont tu es menacé pour les ides prochaines ; jene m’occupe pas de l’ignominie dont tes désordres personnelste couvrent, ni des embarras domestiques qui t’avilissent, je nem’attache qu’aux faits qui intéressent la république tout entière,le salut et la vie de tous les citoyens.

Peux-tu jouir avec bonheur, Catilina, de la lumière qui nouséclaire ou de l’air que nous reirons, lorsque tu sais qu’il n’estaucun de nous qui ignore que la veille des calendes de janvier, sousle consulat de Lépidus et de Tullus, tu te présentas dans les comicesarmé d’un poignard ? que tu avais aposté une troupe de scélératspour assassiner les consuls et les principaux citoyens ? que ce nefut ni le repentir ni la crainte quimirent obstacle à ta fureur,mais lafortune du peuple romain ?Mais je passe sur ces crimes. Ils ne sontpas ignorés, et beaucoup d’autres les ont suivis. Combien de foislorsque j’étais consul désigné, combien de fois depuis que j’exercele consulat, n’as-tu pas voulu m’arracher la vie ! Combien de fois

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videatur aut exstitissein hac civitate,aut non vindicata esse.Prætermitto ruinastuarum fortunarum,quas senties omnesimpendere tibiidibus proximis :venio ad illa, quæ pertinentnonad ignominiam privatamtuorum vitiorum,non ad tuam difficultatemac turpitudinemdomesticam,sed ad summamreipublicæatque ad vitam salutemquenostrum omnium.

Hæc lux, Catilina,potestne tibi,aut iritus hujus cæliesse jucundus,quum sciasneminem horum esse,qui nesciat te stetissecum telo in comitio,pridie kalendas januarias,Lepido et Tullo consulibus ?paravisse manumcausa consulumet principum civitatisinterficiendorum ?non aliquam mentem,aut timorem tuum,sed fortunam populi romaniobstitisse tuo sceleriac furori ?Ac omitto jam illa.Neque enim suntaut obscura,aut non commissa multapost.Quoties tu conatus esinterficere medesignatum,quoties

ne paraisse ou avoir existédans cette ville,ou n’avoir pas été punie.Je laisse-de-côté les désastresde tes biens,que tu reconnaîtras tousêtre-imminents pour toiaux ides prochaines :j’arrive à ces faits, qui ont-rapportnon pasà l’ignominie privéede tes vices,non pas à ton embarraset à ta hontedomestique,mais à l’ensemblede la républiqueet à la vie et au salutde nous tous.

Cette lumière, Catilina,peut-elle être agréable à toi,ou la reiration (l’air) de ce cielt’être agréable,lorsque tu saisaucun de ceux-ci n’être,qui ne-sache toi t’être tenuavec une arme dans le comice,la veille des calendes de-janvier,Lépidus et Tullus étant consuls ?toi avoir préparé une troupeen vue des consulset des premiers de la villedevant être tués ?et non pas quelque réflexion,ou quelque crainte tienne,mais la fortune du peuple romainavoir mis-obstacle à ton crimeet à la fureur ?Mais j’omets déjà, ces aes.Et en effet ils ne sont pasou ignorés, [ souvent)ou non commis nombreux (non répétésensuite.Combien de fois t’es-tu efforcéde tuer moiconsul désigné,combien-de-fois t’es-tu efforcé de tuer

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tuas petitiones¹ ita conjeas, ut vitari non posse videren-tur, parva quadam declinatione, et, ut aiunt, corpore ef-fugi ! Nihil agis, nihil assequeris, nihil moliris, quod mihilatere valeat in tempore : neque tamen conari ac velle de-sistis. Quoties jam tibi extorta est sica ista de manibus ?quoties vero excidit casu aliquo, et elapsa est ? Tamen eacarere diutius non potes :quæ quidem quibus abs te ini-tiata sacris² ac devota sit, nescio, quod eam necesse putasconsulis in corpore defigere.

VII. Nunc vero, quæ tua est ista vita ? Sic enim jam te-cum loquar, non ut odio permotus esse videar, quo debeo,sed ut misericordia, quæ tibi nulla debetur. Venisti pauloante in senatum. Quis te ex hac tanta frequentia, tot extuis amicis ac necessariis, salutavit ? Si hoc post hominummemoriam

ne me suis-je pas dérobé par un léger détour, et, comme onle dit, par un mouvement du corps, à tes attaques si biendirigées qu’elles paraissaient inévitables ! Il n’est aucun detes aes, aucun de tes succès, aucune de tes intrigues quin’arrivent à temps à ma connaissance, et cependant rien nedécourage tes efforts ni ne change ta volonté. Combiende foisce poignard a-t-il été arraché de tes mains ? Combien de foisencore le hasard l’en a-t-il fait tomber ou échapper malgrétoi ? Tunepeuxnéanmoins t’empêcher de le ressaisir aussitôt.J’ignore sur quels autels tes vœux l’ont consacré, pour que tute croies obligé de le plonger dans le sein d’un consul.

VII. Mais maintenant quelle vie est la tienne ? Car je vaiste parler non plus avec la haine que tu mérites, mais avec lapitié dont tu n’es pas digne. Tu viens d’entrer dans le sénat :eh bien ! dans cette assemblée si nombreuse, où tu as tantd’amis et de proches, quel est celui qui t’a salué ? Si personnejusqu’ici n’a subi cet affront,

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consulem !quot petitiones tuasconjeas ita,ut viderenturnon posse vitari,ego effugiquadam declinatione parva,et, ut aiunt, corpore !Agis nihil,assequeris nihil,moliris nihil,quod valeat latere mihiin tempore :neque desistis tamenconari ac velle.Quoties ista sicaextorta est jam tibide manibus ?quoties veroexcidit aliquo casu,et elapsa est ?Tamen non potescarere diutius ea :quæ quidem nescioquibus sacrisinitiata ac devota sit abs te,quod putasesse necesse defigere eamin corpore consulis.

VII. Nunc veroquæ est ista vita tua ?Loquar enim jam tecumsic, ut videar permotus essenon odio,quo debeo,sed utmisericordia,quæ debetur nulla tibi.Venisti paulo antein senatum.Quisex hac frequentia tanta,ex tot amicis tuisac necessariis,salutavit te ?Si hoc contigit neminipost memoriam hominum,

moi consul nommé !combien d’attaques tienneslancées de telle sorte,qu’elles paraissaientne pas pouvoir être évitées,moi j’ai éludéespar un détour faible,et, comme on dit, avec le corps !Tu ne fais rien,tu ne parviens-à rien,tu ne machines rien,qui puisse être-caché à moidans le moment :et tu ne cesses pas néanmoinsde t’efforcer et de vouloir.Combien de fois ce poignarda-t-il été arraché déjà à toides mains ?combien de fois aussien est-il tombé par quelque hasard,et a-t-il échappé ?Cependant tu ne peuxmanquer (te passer) plus longtemps de lui :lequel, en vérité, je ne saisà quels mystèresil a été consacré et voué par toi,puisque tu pensesêtre nécessaire d’enfoncer luidans le corps d’un consul.

VII. Mais maintenantquelle est cette vie tienne ?Car je parlerai à présent avec toide façon, que je paraisse être animénon de la haine,dont je dois être animé,mais que je paraisse être animéde la pitié,qui est due nulle (n’est pas due) à toi.Tu es venu peu auparavant (tout à l’heure)dans le sénat.Quide ce concours si grand,de tant d’amis à-toiet de proches,a salué toi ?Si cela n’est arrivé à personnedepuis le souvenir des hommes,

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contigit nemini, vocis exeas contumeliam, quum sisgravissimo judicio taciturnitatis oppressus ? Quid quodadventu tuo ista subsellia vacuefaa sunt ? quod omnesconsulares, qui tibi persæpe ad cædem constituti fuerunt,simul atque assedisti, partem istam subselliorum nudamatque inanem reliquerunt ?

Quo tandem animo hoc tibi ferendum putas ? Servimehercle mei si me isto pao metuerent, ut te metuuntomnes cives tui, domum meam relinquendam putarem :tu tibi urbem non arbitraris ? Et, si me meis civibus inju-ria sueum tam graviter atque offensum viderem, ca-rere me adeu civium, quam infestis oculis omniumconici, mallem : tu, quum conscientia scelerum tuorumagnoscas odium omnium justum, et jam tibi diu debitum,dubitas, quorum mentes sensusque vulneras, eorum ad-eum præsentiamque vitare ? Si te parentes timerentatque odissent tui, neque eos ulla ratione placare

peux-tu attendre que la voix du sénat prononce le honteux arrêt quet’inflige si énergiquement son silence ? Pourquoi à ton arrivée cessièges sont-ils restés vides ? Pourquoi tous ces consulaires, dont tu assi souvent résolu lamort, ont-ils, aussitôt que tu t’es assis, abandonnéet laissé désert ce côté de l’enceinte ?

Comment as-tu le courage de supporter cet opprobre ? Certes,si mes esclaves me redoutaient comme tous tes concitoyens te re-doutent, je me croirais obligé d’abandonner ma maison : et toi, tune crois pas devoir quitter la ville ? Si je me voyais, même injuste-ment, l’objet de tant de soupçons et de tant de haines de la part demes concitoyens, j’aimerais mieux me bannir de leur présence, quede ne rencontrer partout que des regards irrités : et toi, quand taconscience coupable te force à reconnaître que cette haine univer-selle estméritée, qu’elle t’est due depuis longtemps, tu hésites à éviterl’ae et la rencontre de ceux dont tu blesses tous les sentiments ?Si tu voyais ceux qui t’ont donné le jour te redouter et te haïr, sansqu’il te fût

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exeas contumeliamvocis,quum oppressus sisjudicio gravissimotaciturnitatis ?Quidquod ista subselliavacuefaa sunttuo adventu ?quod omnes consulares,qui constituti fueruntpersæpe tibi ad cædem,reliqueruntistam partem subselliorumnudam atque inanem,simul atque assedisti ?

Quo animo tandemputashoc ferendum tibi ?Mehercle si mei servimetuerent me isto pao,ut omnes tui civesmetuunt te,putarem meam domumrelinquendam :tu non arbitraris urbemtibi ?Et, si viderem metam graviter sueumatque offensum injuriameis civibus,mallem me carereadeu civium,quam conicioculis infestis omnium :tu, quum agnoscasconscientiatuorum scelerum,odium omnium justum,et debitum tibi jamdiu,dubitas vitare adeumpræsentiamque eorum,quorum vulneras mentessensusque ?Si tui parentestimerent atque odissent te,neque posses placare eos

tu attends l’affrontde la parole,quand tu as été accablépar l’arrêt le plus sévèredu silence ?Que direde ce que ces siègessont devenus-videsà ton arrivée ?de ce que tous les consulaires,qui ont été marquéstrès-souvent par toi pour le meurtre,ont laissécette portion des siègesnue et vide,en même temps que tu t’es assis ?

De quel erit enfinpenses-tucela devoir être souffert par toi ?Par-Hercule si mes esclavesredoutaient moi de cette manière,comme tous tes concitoyensredoutent toi,je penserais ma maisondevoir être abandonnée par moi :toi tu ne penses pas la villedevoir être abandonnée par toi ?Et, si je voyais moisi gravement sueet odieux même à tortà mes concitoyens,j’aimerais mieux moi être privéde l’ae des citoyens,que d’être regardépar les yeux ennemis de tous :toi, puisque tu reconnaispar la consciencede tes crimesla haine de tous juste,et due à toi depuis longtemps,tu hésites à éviter l’aeet la présence de ceuxdont tu blesses les eritset les sentiments ?Si tes parentscraignaient et haïssaient toi,et que tu ne pusses apaiser eux

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posses, ut opinor, ab eorum oculis aliquo concederes :nunc te patria, quæ communis est omnium nostrum pa-rens, odit acmetuit, et jamdiu te nihil judicat, nisi de parri-cidio suo cogitare. Hujus tu neque auoritatem verebere,neque judicium sequere, neque vim pertimesces ?

Quæ tecum, Catilina, sic agit, et quodam modo tacitaloquitur : « Nullum aliquot jam annis facinus exstitit, nisiper te, nullum flagitium sine te ; tibi uni multorum ci-vium neces¹, tibi vexatio direptioque sociorum² impunitafuit ac libera ; tu non solum ad negligendas leges et quæs-tiones, verum etiam ad evertendas perfringendasque³ va-luisti. Superiora illa, quanquam ferenda non fuerunt, ta-men, ut potui, tuli nunc vero me totam esse in metu prop-ter te unum ; quidquid increpuerit, Catilinam timeri ; nul-lum videri contra me consilium iniri posse, quod a tuoscelere abhorreat, non est ferendum. Quamobrem dis-cede, atque hunc mihi timorem eripe : si est

possible de les ramener, tu chercherais, je pense, une retraite loind’eux : eh bien ! la patrie, notre mère commune à tous, te hait, teredoute ; elle n’attend, de toi depuis longtemps que des complotsparricides. Ne montreras-tu ni ree pour son autorité, ni sou-mission à son jugement, ni crainte de sa puissance ?

Elle s’adresse à toi, Catilina ; elle semble te tenir ce langage : «De-puis quelques années il ne s’est pas commis un seul forfait dont tune sois l’auteur ; pas un scandale auquel tu n’aies pris part ; toi seultu as pu massacrer impunément des citoyens, tyranniser et pillerdes alliés ; tu as eu le pouvoir non-seulement de mépriser les lois etles tribunaux, mais de les renverser et de les détruire. Quoique cesattentats fussent intolérables, je les ai cependant soufferts commej’ai pu : mais être réduite par toi à de continuelles alarmes ; aumoindre bruit, trembler devantCatilina ; penser que je ne peux êtrel’objet d’aucun complot qui ne se rattache à ta coniration, voilàce que je ne saurais supporter. Retire-toi donc, et délivre-moi de

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ulla ratione,concederes, ut opinor,aliquo ab oculis eorum :nunc patria,quæ est parens communisnostrum omnium,odit ac metuit te,et judicat jamdiute cogitare nihil,nisi de suo parricidio.Tu neque verebereauoritatem hujus,neque sequere judicium,neque pertimesces vim ?

Quæ agit sic tecum,Catilina, et tacitaloquitur quodam modo :« Nullum facinus exstititjam aliquot annis,nisi per te,nullum flagitium sine te ;neces civium multorum,vexatiodireptioque sociorumfuit impunita ac liberatibi uni ; tu valuistinon solum ad legeset quæstiones negligendas,verum etiamad evertendasperfringendasque.Tuli tamen, ut potui,illa superiora, [ renda :quanquam non fuerunt fe-nunc veronon est ferendumme totam esse in metupropter te unum ;quidquid increpuerit,Catilinam timeri ;nullum consiliumvideri posse iniricontra me,quod abhorreata tuo scelere.Quamobrem discede,atque eripe mihi

par aucun moyen,tu te retirerais, comme je pense,quelque part loin des yeux d’eux :maintenant la patrie,qui est la mère communede nous tous,hait et redoute toi,et juge depuis longtempstoi ne songer à rien, [cide envers elle).si ce n’est à son parricide (à devenir parri-Toi, ni tu ne reeerasl’autorité d’elle,ni tu ne suivras son jugement,ni tu ne redouteras sa puissance ?

Elle plaide ainsi avec toi,Catilina, et quoique muettete dit en quelque sorte :« Aucun forfait n’a existédéjà depuis quelques années,sinon par toi,aucun désordre sans toi ;les meurtres de citoyens nombreux,la persécutionet le pillage des alliésa été impuni et librepour toi seul ; tu as eu-la-puissancenon-seulement pour les loiset les poursuites devant être méprisées,mais encorepour elles devant être détruiteset devant être anéanties.J’ai supporté cependant, comme j’ai pu,ces excès précédents,bien qu’ils n’aient pas été à-supportermais maintenant [(tolérables) :il n’est pas tolérablemoi tout-entière être dans la crainteà cause de toi seul ;quoique ce soit qui ait fait-du-bruit,Catilina être redouté ;aucun dessein (complot)ne paraître pouvoir être formécontre moi,qui répugneà ton crime (à ta scélératesse).C’est pourquoi éloigne-toiet ôte-moi

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verus, ne opprimar ; sin falsus, ut tandem aliquando ti-mere desinam. »

VIII. Hæc si tecum, ut dixi, patria loquatur, nonne im-petrare debeat, etiam si vim adhibere non possit ? Quidquod tu te ipse in custodiam dedisti¹ ? Quid quod, vi-tandæ suicionis causa, apud M. Lepidum² te habitarevelle dixisti ? a quo non receptus, etiam ad me venire au-sus es, atque, ut domi meæ te asservarem, rogasti. Quuma me quoque id reonsum tulisses, me nullo modo posseiisdem parietibus tuto esse tecum, qui magno in periculoessem, quod iisdem mœnibus contineremur, ad Q. Me-tellum³ prætorem venisti. A quo repudiatus, ad sodalemtuum, virum optimum, M. Marcellum⁴ demigrasti, quemtu videlicet et ad custodiendum te diligentissimum, et adsuicandum sagacissimum, et ad vindicandum fortissi-mum fore putasti. Sed quam longe videtur a

ma terreur : si elle est fondée, pour que je ne succombe pas ;si elle est chimérique, pour que j’en sois enfin affranchie. »

VIII. Si la patrie te parlait ainsi, ne devrait-elle pas êtreobéie, quand bienmême elle ne pourrait l’exiger par la force ?Et d’ailleurs, n’as-tu pas offert toi-même de te constituer pri-sonnier ? N’as-tu pas déclaré que, pour écarter les soupçons,tu voulais habiter la maison de M. Lépidus ? Repoussé parlui, tu as osé venir chez moi, tu m’as prié de t’y garder. Jet’ai répondu aussi que je ne pouvais, vivre en sûreté dans lamêmemaison que toi, puisque c’était déjà pourmoi un granddanger de me trouver dans la même ville ; tu t’es rendu alorschez le préteur Q. Métellus. Sur son refus, tu as cherché unasile auprès de ton ami, l’excellent citoyen M. Marcellus ; tueérais sans doute trouver en lui la plus grande vigilance àte surveiller, la plus habile pénétration à deviner tes desseins,et la plus ferme énergie à les réprimer.Mais est-il bien loin de

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hunc timorem :si est verus,ne opprimar ;sin falsus,ut desinamtandem aliquandotimere. »

VIII. Si patria,ut dixi,loquatur hæc tecum,nonne debeat impetrare,etiam si non possitadhibere vim ?Quid quod tu ipsededisti te in custodiam ?Quid quod,causa suicionis vitandæ,dixisti te velle habitareapud M. Lepidum ?a quo non receptus,ausus es etiamvenire ad me,atque rogasti,ut asservarem te meæ domi.Quum tulisses a me quoqueid reonsum,me posse nullo modoesse tuto tecumiisdem parietibus,qui essemin periculo magno,quod contineremuriisdem mœnibus,venisti ad Q. Metellumprætorem.A quo repudiatus,demigrastiad tuum sodalem,virum optimum,M. Marcellum,quem tu videlicet putastifore et diligentissimumad custodiendum te,et sagacissimumad suicandum,et fortissimumad vindicandum.

cette crainte :si elle est vraie (fondée),afin que je ne sois pas écrasée ;mais-si elle est fausse,afin que je cesseenfin un jourde craindre. »

VIII. Si la patrie,comme j’ai dit,disait ces paroles avec (à) toi,ne devrait-elle pas obtenir ton départ,même si elle ne pouvaitemployer (appliquer) la force ?Que dire de ce que toi-mêmetu t’es donné (t’es mis) en surveillance ?Que dire de ce que,en vue du soupçon devant être évité,tu as dit toi vouloir habiterchez M. Lépidus ?par qui n’ayant pas été reçu,tu as osé mêmevenir auprès de moi,et tu m’as demandé,que je gardasse toi dans ma maison.Quand tu eus remporté de moi aussicette réponse,moi ne pouvoir en aucune façonêtre en sûreté avec toidans les mêmes murs de maison,moi qui étaisdans un danger grand,parce que nous étions renfermésdans les mêmes murs de ville (la même ville),tu es venu chez Q. Mételluspréteur.Par lequel repoussé,tu t’es retiréchez ton ami,homme très-honnête,M. Marcellus,que toi, sans doute, tu as pensédevoir être et très-vigilantpour garder toi,et très-pénétrantpour te soupçonner,et très-énergiquepour te punir.

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carcere atque a vinculis abesse debere, qui se ipse jamdignum custodia judicarit ?

Quæ quum ita sint, Catilina, dubitas, si hic emori æqueanimo non potes, abire in aliquas terras, et vitam istam,multis suppliciis justis debitisque ereptam, fugæ solitudi-nique mandare ? « Refer, inquis, ad senatum : » id enimpostulas, et, si hic ordo placere sibi decreverit te ire in exsi-lium, obtemperaturum to esse dicis. Non referam id, quodabhorret a meis moribus, et tamen faciam ut intelligas,quid hi de te sentiant. Egredere ex urbe, Catilina ; liberarempublicam metu ; in exsilium, si hanc vocem exeas,proficiscere. Quid est, Catilina ? Ecquid attendis, ecquidanimadvertis horum silentium ? Patiuntur, tacent. Quidexeas auoritatem loquentium, quorum voluntatemtacitorum pericis ?

At si hoc idem huic adolescenti optimo, P. Sextio¹, sifortissimo

mériter la prison et les fers, celui qui de lui-même se juge in-digne de la liberté ?

Puisqu’il en est ainsi, Catilina, puisque tu ne peux attendre iciune mort paisible, hésiterais-tu à te retirer dans quelque autrepays, et à cacher dans l’exil et dans la solitude une vie arrachéeplus d’une fois à des supplices bien justes et bien mérités ? « Faiston rapport au sénat, » dis-tu ; car c’est là ce que tu demandes, ets’il plaît à cette assemblée de décréter ton exil, tu promets d’obéir.Je ne ferai pas une proposition qui répugne à mon caraère ;et cependant je saurai te faire comprendre le sentiment dessénateurs. Sors de Rome, Catilina, délivre la république de sescraintes ; pars pour l’exil, si c’est le mot que tu attends. Eh bien !Catilina, remarques-tu le silence de tes juges ? Ils ne réclamentpas, ils se taisent. Pourquoi attendre que leur voix prononce tasentence, lorsque, sans parler, ils te la font clairement connaître ?

Si je tenais le même langage au jeune et vertueux P. Sextius,

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Sed quam videturdebere abesse longea carcere atque a vinculis,qui ipse judicarit se jamdignum custodia ?

Quæ quum sint ita,Catilina, dubitas,si non potes emori hicanimo æquo,abirein aliquas terras,et mandare fugæsolitudiniqueistam vitamereptam suppliciis multisjustis debitisque ?« Refer, inquis,ad senatum : »postulas enim id,et, si hic ordodecreverit placere sibite ire in exsilium,diciste obtemperaturum esse.Non referamid quod abhorreta meis moribus,et tamen faciamut intelligasquid hi sentiant de te.Egredere ex urbe, Catilina ;libera rempublicam metu ;proficiscere in exsilium,si exeas hanc vocem.Quid est, Catilina ?Ecquid attendis,ecquid animadvertissilentium horum ?Patiuntur, tacent.Quid exeasauoritatem loquentium,quorum tacitorumpericis voluntatem ?

At si dixissem hoc idemhuic adolescenti optimo,P. Sextio,si viro fortissimo,

Mais combien semble-t-ildevoir être loinde mériter la prison et les chaînes,celui qui lui-même a jugé soi déjàdigne de surveillance ?

Puisque ces faits sont ainsi,Catilina, tu hésites,si tu ne peux mourir iciavec un cœur tranquille (en paix),à t’en allerdans quelques terres éloignées,et à confier à la fuite (l’exil)et à la solitudecette viearrachée à des supplices nombreuxjustes et mérités ?« Fais-un-rapport, dis-tu,au sénat : »car tu demandes cela,et, si cet ordre (le sénat)décrète plaire à lui (qu’il lui plaît)toi aller (que tu ailles) en exil,tu distoi devoir obéir.Je ne mettrai-pas-en-rapportce qui répugneà mon caraère,et cependant je ferai en sorteque tu comprennesce que ceux-ci pensent sur toi.Sors de la ville, Catilina ;délivre la république de sa crainte ;pars pour l’exil,si tu attends ce mot.Qu’y a-t-il, Catilina ?Est-ce que tu observes,est-ce que tu remarquesle silence de ceux-ci (des sénateurs) ?Ils souffrent mes paroles, ils se taisent.Pourquoi attends-tul’autorité d’eux parlant (de leurs paroles),eux desquels gardant-le-silencetu pénètres la volonté ?Mais si j’avais dit cela mêmeà ce jeune homme excellent,P. Sextius,si je l’avais dit à cet homme très-courageux,

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viro,M.Marcello¹, dixissem, jammihi consuli, hoc ipso intemplo, jure optimo senatus vim etmanus intulisset. De teautem, Catilina, quum quiescunt, probant ; quum patiun-tur, decernunt ; quum tacent, clamant. Neque hi solum,quorum tibi auoritas est videlicet cara, vita vilissima, sedetiam illi equites romani, honestissimi atque optimi viri,ceterique fortissimi cives, qui circumstant senatum, quo-rum tu et frequentiam videre, et studia pericere, et vocespaulo ante exaudire potuisti. Quorum ego vix abs te jam-diu manus ac tela contineo, eosdem facile adducam, ut tehæc, quæ jampridem vastare studes, relinquentem, usquead portas prosequantur².

IX. Quanquam quid loquor ? te ut ulla res frangat ? tuut unquam te corrigas ? tu ut ullam fugam meditere ? tuut ullum exsilium cogites ? Utinam tibi istam mentem diiimmortales duint³ ! Tametsi video, si, mea voce perterri-tus, ire in

ou à l’illustreM.Marcellus, déjà, malgrémon titre de consul, et dansce temple même, le sénat, justement irrité, aurait sévi contre moi.Mais lorsque c’est à toi, Catilina, que je parle ainsi, s’ils ne s’émeuventpas, c’est qu’ils m’approuvent ; leur calme est un jugement ; leur si-lence, un éclatant arrêt. Ainsi pensent non-seulement ces sénateurs,dont tu reees sans doute beaucoup l’autorité, et dont tu comptesla vie pour si peu de chose, mais encore ces honorables et vertueuxchevaliers romains, et tous ces généreux citoyens qui environnent lesénat, dont, tout à l’heure, tu as pu voir l’affluence, reconnaître lessentiments et entendre les murmures. Depuis longtemps j’ai peineà te défendre de leurs coups ; mais, si tu quittes cette ville dont tumédites depuis si longtemps la ruine, j’obtiendrai facilement d’euxqu’ils t’accompagnent jusqu’aux portes.

IX. Mais, que dis-je ? eérer que rien t’ébranle ? que jamais turenonces au crime ? que tu conçoives l’idée de fuir ? que tu songesà t’exiler ? Puissent les dieux immortels t’en inirer la résolution !Cependant je n’ignore pas, si mes paroles t’effrayent et te décident

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M. Marcello,senatusintulisset jam vimet manus mihi consuli,in hoc templo ipso,jure optimo.Quum autemquiescunt de te,Catilina, probant ;quum patiuntur,decernunt ;quum tacent, clamant.Neque solum hi,quorum auoritasest videlicet cara tibi,vita vilissima,sed etiamilli equites romani,viri honestissimiatque optimi,ceterique cives fortissimi,qui circumstant senatum,quorum tu potuistipaulo anteet videre frequentiam,et pericere studia,et exaudire voces.Adducam facile eosdem,quorum ego jamdiucontineo vix abs temanus ac tela,ut prosequanturusque ad portaste relinquentem hæc,quæ studes jampridemvastare.

IX. Quanquamquid loquor ?ut ulla res frangat te ?ut tu corrigas te unquam ?ut tu meditereullam fugam ?ut tu cogitesullam exsilium ?Utinam dii immortalesduint tibi istam mentem !Tametsi video,

M. Marcellus,le sénataurait porté déjà la violenceet les mains sur moi consul,dans ce temple même,avec le droit le meilleur.Quand au contraireils restent-en-paix à propos de toi,Catilina, ils approuvent ;quand ils souffrent mon langage,ils prononcent ;quand ils se taisent, ils crient.Et non-seulement ceux-ci,dont l’autoritéest sans doute chère à toi,mais la vie de-très-peu-de-prix,mais encoreces chevaliers romains,les hommes les plus honnêteset les meilleurs,et les autres citoyens très-courageuxqui entourent le sénat,dont tu as pupeu auparavant (tout à l’heure)et voir l’affluence,et pénétrer les sentiments,et entendre les paroles.J’amènerai facilement ces mêmes hommes,dont moi depuis longtempsj’écarte avec peine de toiles mains et les armes,à ce qu’ils accompagnentjusqu’aux portestoi abandonnant ces lieux,que tu médites depuis-longtempsde ravager.

IX. Au reste,que dis-je ?que quelque chose brise (fléchisse) toi ?que tu te corriges jamais ?que tu méditesquelque fuite ?que tu songesà quelque exil ?Ah ! que les dieux immortelsdonnent à toi cette intention !Et-cependant je vois,

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exsilium animum induxeris, quanta tempestas invidiænobis, si minus in præsens tempus, recenti memoria sce-lerum tuorum, at in posteritatem impendeat. Sed est mihitanti¹, dummodo ista privata sit calamitas, et a reipu-blicæ periculis sejungatur. Sed tu ut vitiis tuis commo-veare, ut legum pœnas pertimescas, ut temporibus reipu-blicæ concedas, non est postulandum. Neque enim is es,Catilina, ut te aut pudor a turpitudine, aut metus a per-iculo, aut ratio a furore revocarit.

Quamobrem, ut sæpe jam dixi, proficiscere ; ac, si mihiinimico, ut prædicas, tuo conflare vis invidiam, reapergein exsilium : vix feram sermones hominum, si id feceris ;vixmolem istius invidiæ, si in exsilium ieris jussu consulis,sustinebo. Sin autem servire meæ laudi et gloriæ mavis,egredere cum importuna sceleratorummanu ; confer te adMallium ; concita perditos cives ; secerne te a bonis ; infer

à l’exil, de quels orages la haine va menacer ma tête, si ce n’estaujourd’hui que le souvenir de tes crimes est encore récent, dumoins dans l’avenir. Eh bien ! j’y consens, pourvu que ce malheurn’atteigne que moi et préserve la république de tout danger. Maisque tu te révoltes toimême contre tes propres vices, que tu craignesla vengeance des lois, que tu fasses un sacrifice à la patrie, il nefaut pas le demander. Ce n’est pas toi, Catilina, que la honte peutdétourner de l’infamie, ou la crainte éloigner du danger, ou laraison calmer dans ta fureur.

Pars donc, je te le répète encore ; et, si je suis ton ennemi, commetu le proclames, si tu veux à ce titre soulever la haine contremoi, vadroit en exil : j’aurai peine à soutenir les clameurs de l’envie, si tuprends ce parti ; j’aurai peine à supporter l’odieux de ton bannisse-ment, si c’est l’ordre du consul qui le prononce. Si tu aimes mieux,au contraire, servirma réputation etma gloire, sors avec cette dan-gereuse troupe de scélérats ; rends-toi près de Mallius ; soulève lesmauvais citoyens ; sépare-toi des bons ; fais la guerre à ta patrie ;

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si, perterritus mea voce,induxeris animumire in exsilium,quanta tempestas invidia ;impendeat nobis,si minus in tempus præsens,memoria tuorum scelerumrecenti,at in posteritatem.Sed est mihi tanti,dummodo ista calamitassit privata,et sejungatura periculis reipublicæ.Sed non est postulandumut tu commovearetuis vitiis,ut pertimescaspœnas legum,ut concedastemporibus reipublicæ.Neque enim es is, Catilina,ut aut pudor revocarit tea turpitudine,aut metus a periculo,aut ratio a furore.

Quamobrem, proficiscere,ut dixi jam sæpe ;ac si vis conflare invidiammihi tuo inimico,ut prædicas,perge rea in exsilium :feram vixsermones hominum,si feceris id ;sustinebo vix molemistius invidiæ,si ieris in exsiliumjussu consulis.Sin autem mavis serviremeæ laudi et gloriæ,egrederecum manu importunasceleratorum ;confer te ad Mallium ;concita cives perditos ;secerne te a bonis ;

si, effrayé par ma voix,tu te mets-dans l’eritd’aller en exil,quelle tempête de haineest suendue sur nous (sur moi),sinon pour le temps présent,le souvenir de tes crimesétant récent,du moins pour la suite.Mais cela est pour moi de si grand prix,pourvu que ce malheursoit particulier à moi,et soit séparé (n’entraîne pas)de périls de (pour) la république.Mais il n’est pas à-demanderque tu sois émude tes vices,que tu redoutesles châtiments des lois,que tu cèdesaux circonstances de la république.Tu n’es pas en effet tel, Catilina,que ou la honte ramène toide l’infamie,ou la crainte du danger,ou la raison de la fureur.

C’est pourquoi, pars,comme je l’ai dit déjà souvent ;et si tu veux gonfler la hainecontre moi qui suis ton ennemi,comme tu le publies,va droit en exil :je supporterai à peineles discours (les clameurs) des hommes,si tu fais cela ;je soutiendrai à peine le fardeaude cette haine,si tu vas en exilpar l’ordre du consul.Si, au contraire, tu préfères servirma louange et ma gloire,sorsavec la troupe criminelledes scélérats ;tranorte-toi auprès de Mallius ;soulève les citoyens perdus ;sépare-toi des bons ;

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patriæ bellum ; exsulta impio latrocinio¹, ut a me nonejeus ad alienos, sed invitatus ad tuos isse videaris.

Quanquam quid ego te invitem, a quo jam sciam essepræmissos, qui tibi ad forum Aurelium² præstolarenturarmati ? cui sciam paam et constitutam esse cum Mal-lio diem ? a quo etiam aquilam illam argenteam³, quamtibi ac tuis omnibus perniciosam esse confido et funes-tam futuram, cui domi tuæ sacrarium scelerum tuorumconstitutum fuit, sciam esse præmissam ?Tu ut illa diutiuscarere possis⁴, quam venerari, ad cædem proficiscens, so-lebas ? a cujus altaribus sæpe istam impiam dexteram adnecem civium transtulisti ?

X. Ibis tandem aliquando, quo te jampridem tua ista cu-piditas effrenata ac furiosa rapiebat. Neque enim tibi hæcres affert dolorem, sed quamdam incredibilem volupta-tem. Ad hanc te amentiam natura peperit, voluntas exer-cuit, fortuna

sois fier de mener des brigands à ce combat sacrilège : on ne dirapas alors que je t’ai rejeté dans une terre étrangère, mais que je t’aiinvité à aller rejoindre tes amis.

Mais qu’est-il besoin de t’y inviter, quand je sais que tu as déjàfait partir en avant des hommes armés pour t’attendre au forumd’Aurélius ? que tu as pris jour avec Mallius ? que tu as encore en-voyé devant toi cette aigle d’argent, qui te sera fatale, j’en suis sûr,ainsi qu’à tous les tiens ; cette aigle à laquelle tu as consacré dansta maison un sanuaire de crimes ? Comment resterais-tu séparéplus longtemps de cet objet de ton culte, auquel tu adressais tou-jours tes vœux en partant pour un assassinat, dont tu as souventquitté l’autel pour aller plonger ton bras dans le sang des citoyens ?

X. Tu iras donc enfin où t’appelait depuis longtemps ta fureur,ton désir effréné. Car ce départ, bien loin de t’affliger, te cause je nesais quelle inexprimable joie. C’est pour de semblables fureurs quela nature t’a fait naître, que les travaux t’ont formé, que la fortune

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infer bellum patriæ ;exsultalatrocinio impio,ut videarisnon ejeus a meisse ad alienos,sed invitatusad tuos.

Quanquamquid ego invitem te,a quo sciampræmissos esse jam,qui armatipræstolarentur tibiad forum Aurelium ?cui sciam diem paam esseet constitutam cum Mallio ?a quo sciam etiamillam aquilam argenteam,quam confidofuturam esse perniciosamet funestam tibiac omnibus tuis,cui sacrariumtuorum scelerumconstitutum fuit tuæ domi,præmissam esse ?Tu ut possis carerediutius illa,quam solebas venerariproficiscens ad cædem ?ab altaribus cujustranstulisti sæpeistam dexteram impiamad necem civium ?

X. Ibis tandemaliquando,quo ista cupiditas tuaeffrenata ac furiosarapiebat te jampridem.Neque enim hæc resaffert tibi dolorem,sed quamdam voluptatemincredibilem.Natura peperit tead hanc amentiam,voluntas exercuit,

apporte la guerre à ta patrie ;donne-toi-carrièrepar un brigandage impie,afin que tu paraissesnon pas chassé par moiêtre allé vers des étrangers,mais seulement invité par moiêtre allé auprès des tiens.

Au restepourquoi y inviterais-je toi,toi par qui je saisavoir été envoyés-en-avant déjàdes hommes, qui, armés,attendissent (doivent attendre) toiprès du forum d’-Aurélius ?toi à qui je sais un jour avoir été convenuet fixé avec Mallius ?par qui je sais encorecette aigle d’-argent,laquelle j’ai-confiancedevoir être pernicieuseet funeste à toiet à tous les tiens,cette aigle pour laquelle un sanuairede tes crimesfut établi par toi dans ta maison,avoir été envoyée-d’avance ?Toi ! que tu puisses manquer (être éloigné]plus longtemps d’elle,que tu avais-coutume d’adoreren partant pour le meurtre ?des autels de laquelletu as fait-passer souventcette main impieau meurtre des citoyens ?

X. Tu iras enfinun jour,où ce désir tieneffréné et furieuxentraînait toi depuis-longtemps.Et en effet, cette chose (ce départ)n’apporte pas à toi de la douleur,mais un certain plaisirincroyable.La nature a enfanté toipour cette démence,ta volonté t’a exercé,

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servavit. Nunquam tu non modo otium, sed ne bellumquidem, nisi nefarium, concupisti. Naus es ex perditisatque ab omni non modo fortuna, verum etiam e de-reliis, conflatam improborum manum. Hic tu qua læti-tia perfruere ! quibus gaudiis exsultabis ! quanta in volup-tate bacchabere, quum in tanto numero tuorumneque au-dies virum bonum quemquam, neque videbis ! Ad hujusvitæ studium meditati illi sunt, qui feruntur, labores tui :jacere humi, non modo ad obsidendum stuprum, verumetiamad facinus obeundum ; vigilare, non solum insidian-tem somno maritorum, verum etiam bonis otiosorum¹.Habes, ubi ostentes illam præclaram tuam patientiam fa-mis, frigoris, inopiæ rerum omnium, quibus te brevi tem-pore confeum esse senties.

Tantum profeci tum, quum te a consulatu repuli², utexsul potius tentare, quam consul vexare rempublicamposses,

t’a réservé. Jamais tu n’as aimé le repos ; que dis-je ! la guerremême ne t’a plu qu’autant qu’elle était criminelle. Tu as trouvéune armée composée d’hommes perdus et dénués non seulementde toute fortune, mais de toute eérance. Quelle satisfaion tuvas goûter au milieu d’eux ! quels tranorts d’allégresse ! quelleivresse de plaisir, lorsque, dans cette foule innombrable des tiens,tu n’entendras, tu ne verras aucun homme de bien ! C’est commepréparation à ce genre de vie, que tu as enduré ces fatigues donton veut te faire gloire : coucher sur la dure, non seulement pourattenter à l’honneur des familles, mais pour trouver l’occasion ducrime ; veiller pour tendre à la fois des pièges et au sommeil desmaris, et à la sécurité des riches. Voici l’occasion de signaler cecourage fameux à supporter la faim, le froid, le manque absolude toutes choses, dont tu vas bientôt te sentir accablé.

J’ai gagné dumoins, en te faisant repousser du consulat, que larépublique fût attaquée par un banni, mais non pas déchirée par

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fortuna servavit.Tu concupisti nunquamnon modo otium,sed ne bellum quidem,nisi nefarium.Naus es manumimproborum,conflatam ex perditisatque dereliisnon modo ab omni fortuna,verum etiam e.Qua lætitiatu perfruere hic !quibus gaudiis exsultabis !in quanta voluptatebacchabere, quumin numero tanto tuorumneque audiesneque videbisquemquam virum bonum !Illi labores tui,qui feruntur,meditati suntad studium hujus vitæ :jacere humi, non modoad obsidendum stuprum,verum etiamad obeundum facinus ;vigilare,non solum insidiantemsomno maritorum,verum etiam bonisotiosorum.Habes ubi ostentesillam patientiam tuampræclaramfamis, frigoris,inopiæ omnium rerum,quibus sentiestempore brevite confeum esse.

Profeci tantum,tum quum repuli tea consulatu,ut posses exsultentare rempublicam,potius quam consul

la fortune t’a réservé pour cette démence.Tu n’as désiré jamais.non-seulement le repos,mais pas même la guerresi-ce-n’est une guerre criminelle.Tu as trouvé une troupede méchants,composée d’hommes-perduset dénuésnon-seulement de toute fortune,mais encore de toute eérance.De quelle allégressetu jouiras là !de quelles joies tu seras-tranorté !dans quelle voluptétu t’agiteras, lorsquedans le nombre si grand des tiensni tu n’entendrasni tu ne verrasaucun homme de-bien !Ces travaux tiens,qui sont vantés par tes complices,ont été méditéspour l’étude de cette vie :coucher à terre, non-seulementpour épier l’adultère,mais encorepour entreprendre le crime ;veiller,non-seulement dressant-des-piègesau sommeil des maris,mais encore aux biensde citoyens vivant-en-paix.Tu as où tu fasses (tu pourras faire)-valoircette patience tienneremarquablede la faim, du froid,du manque de toutes choses,par lesquels tu sentirasdans un temps courttoi être accablé.

J’ai gagné autant (ceci du moins)alors que j’ai repoussé toidu consulat,que tu pusses étant exiléattaquer la république,plutôt que étant consul

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atque ut id, quod esset a te scelerate susceptum, latroci-nium potius quam bellum nominaretur.

XI. Nunc, ut a me, patres conscripti, quamdam propejustam patriæ querimoniam detester ac deprecer, perci-pite, quæso, diligenter, quæ dicam, et ea penitus animisvestris mentibusque mandate. Etenim si mecum patria,quæ mihi vita mea multo est carior, si cuna Italia, si om-nis reublica loquatur : « M. Tulli, quid agis ? Tune eum,quem esse hostem comperisti, quem ducem belli futurumvides, quem exeari imperatorem in castris hostiumsentis, auorem sceleris, principem conjurationis, evoca-torem servorum et civium perditorum, exire patieris, utabs te non emissus ex urbe, sed immissus in urbem essevideatur ? Non hunc in vincula duci, non ad mortem rapi,non summo supplicio maari imperabis ?

« Quid tandem impedit te ? Mosne majorum ? At per-

un consul, et que ton entreprise criminelle prît le nom d’uneincursion de brigands plutôt que d’une guerre.

XI. Maintenant, pères conscrits, pour prévenir et détournerun reproche que la patrie pourrait m’adresser avec une sorte dejustice, donnez, je vous prie, toute votre attention à ce que je vaisdire, et gardez-le fidèlement dans votre souvenir. Si la patrie, eneffet, qui m’est beaucoup plus chère que la vie, si toute l’Italie, sila république entière m’adressait ces paroles : « M. Tullius, quefais-tu ? Cet hommeque tu as reconnu pourmon ennemi, que tusais être prêt à diriger la guerre, celui que les ennemis attendentdans leur camp pour les commander, l’auteur de cette criminelletentative, le chef de la conjuration, l’instigateur des esclaves etdes mauvais citoyens, tu le laisseras partir, pour qu’on dise qu’aulieu de l’expulser de Rome, tu l’as déchaîné contre elle ? Ne leferas-tu pas charger de fers, traîner à la mort, livrer au derniersupplice ?

« Qui peut donc te retenir ? Les usages de nos ancêtres ? Mais

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vexare, atque ut id,quod susceptum esset a tescelerate,nominaretur latrociniumpotius quam bellum.

XI. Nunc,patres conscripti,ut detesterac deprecer a mequamdam querimoniamprope justampatriæ,percipite diligenter,quæso, quæ dicam,et mandate penitus eavestris animis mentibusque.Etenim, si patria,quæ est multo carior mihimea vita,si cuna Italia,si omnis reublicaloquatur mecum :« M. Tulli, quid agis ?Tune patieriseum quem comperistiesse hostem,quem videsfuturum ducem belli,quem sentis exeariimperatoremin castris hostium,auorem sceleris,principem conjurationis,evocatorem servorumet civium perditorum,exire,ut videaturnon emissus esse ex urbeabs te,sed immissus in urbem ?Non imperabishunc duci in vincula,non rapiad mortem, nonmaari summo supplicio ?

« Quid tandemimpedit te ?

la tourmenter, et que cette lutte,qui serait entreprise par toicriminellement,fût nommée brigandageplutôt que guerre.

XI. Maintenant,pères conscrits,pour que je détourneet écarte de moiune certaine plaintepresque justede la patrie,recueillez soigneusementje vous prie, les paroles que je diraiet confiez profondément ellesà vos erits et à vos cœurs.En effet, si la patrie,qui est beaucoup plus chère à moique ma vie,si toute l’Italie,si toute la républiquedisait avec moi (me disait) :« M. Tullius, que fais-tu ?Est-ce que tu souffrirascelui que tu as reconnuêtre un ennemi,que tu voisdevoir être le chef de la guerre,que tu comprends être attenducomme généraldans le camp des ennemis,l’auteur du crime,le premier (le chef) de la conjuration,l’instigateur des esclaveset des citoyens perdus,est-ce que tu souffriras lui sortir de Rome,pour qu’il paraissenon pas être mis-hors de la villepar toi,mais lancé contre la ville ?Tu n’ordonneras pascet homme être conduit dans les fers,tu n’ordonneras pas lui être traînéà la mort, tu n’ordonneras pas luiêtre immolé par le dernier supplice ?« Quel motif enfinempêche (arrête) toi ?

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sæpe etiam privati in hac republica perniciosos civesmor-te multarunt. An leges¹, quæ de civium romanorum sup-plicio rogatæ sunt ? At nunquam in hac urbe ii, qui a re-publica defecerunt, civium jura tenuerunt. An invidiamposteritatis times ? Præclaram vero populo romano refersgratiam, qui te, hominem per te cognitum², nulla com-mendatione majorum, tam mature³ ad summum impe-rium per omnes honorum gradus extulit, si, propter invi-diam aut alicujus periculi metum, salutem civium tuorumnegligis. Sed, si quis est invidiæ metus, num est vehemen-tius severitatis ac fortitudinis invidia, quam inertiæ ac ne-quitiæ, pertimescenda ? An, quum bello vastabitur Italia,vexabuntur urbes, tea ardebunt, tum te non existimasinvidiæ incendio conflagraturum ? »

souvent, dans cette république, même de simples particu-liers ont frappé demort des citoyens dangereux. Les lois quiont été portées sur le supplice des citoyens romains ? Maisjamais, dans cette ville, ceux qui se sont révoltés contre la ré-publique n’ont conservé leurs droits de citoyens. Redoutes-tu la haine de la postérité ? Tu témoignes alors une noble re-connaissance au peuple romain, qui, ne te connaissant quepar toi-même, et sans que tu fusses recommandé par le nomde tes aïeux, t’a si promptement élevé par toutes les chargesjusqu’à la magistrature suprême, si la pensée de quelquehaine ou la crainte de quelque danger te fait sacrifier le sa-lut de tes concitoyens. Mais si c’est la haine que tu redoutes,est-elle donc plus effrayante quand on l’a soulevée par sa vi-gueur et son courage que lorsqu’elle poursuit une coupablefaiblesse ? Quand la guerre ravagera l’Italie, quand les villesseront saccagées, les maisons livrées aux flammes, penses-tu donc échapper alors aux feux de la haine allumée contretoi ? »

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Mosne majorum ?At persæpein hac republicaetiam privatimultarunt mortecives perniciosos.An leges, quæ rogatæ suntde suppliciocivium romanorum ?At in hac urbeii qui defecerunta republicatenuerunt nunquamjura civium.An times invidiamposteritatis ?Refers verogratiam præclarampopulo romano,qui extulit tam matureper omnes gradushonorumad imperium summumte, hominem cognitumper te,nulla commendationemajorum,si negligissalutem tuorum civium,propter invidiamaut metumalicujus periculi.

« Sed si quis metusinvidiæest,num invidia severitatisac fortitudinisest pertimescendavehementius quaminertiæ ac nequitiæ ?An, quum Italiavastabitur bello,urbes vexabuntur,tea ardebunt,non existimaste conflagraturum tumincendio invidiæ ? »

Est-ce la coutume de nos ancêtres ?Mais très-souventdans cette républiquemême des particuliersont puni de mortdes citoyens dangereux.Sont-ce les lois qui ont été portéestouchant le supplicedes citoyens romains ?Mais dans cette villeceux qui se sont séparésde la républiquen’ont conservé jamaisles droits de citoyens.Est-ce que tu crains la hainede la postérité ?Tu rends, en vérité,une grâce éclatanteau peuple romain,qui a élevé si promptementpar tous les degrésdes honneursà l’autorité suprêmetoi, homme connupar toi-même,sans aucune recommandationd’ancêtres,si tu négligesle salut de tes concitoyens,à cause de la haineou de la craintede quelque danger.

« Mais si quelque craintede haineexiste (est en toi),est-ce que la haine de (à cause de) la sévéritéet du courageest à-craindreplus vivement que la hainede (à cause de) l’inertie et de la lâcheté ?Est-ce que, quand l’Italiesera ravagée par la guerre,quand les villes seront-saccagées,quand les maisons brûleront,tu ne penses pastoi devoir être embrasé alorspar l’incendie de la haine ? »

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XII. His ego sanissimis reipublicæ vocibus, et eo-rum hominum, qui idem sentiunt, mentibus pauca re-ondebo. Ego, si hoc optimum fau judicarem, patresconscripti, Catilinam morte multari, unius usuram horægladiatori isti ad vivendumnon dedissem. Etenim, si sum-mi viri et clarissimi cives Saturnini et Gracchorum etFlacci et superiorum complurium sanguine non modo senon contaminarunt, sed etiam honestarunt, certemihi ve-rendumnon erat, ne quid, hoc parricida civium interfeo,invidiæ mihi in posteritatem redundaret. Quod si ea mihimaxime impenderet, tamen hoc animo semper fui, ut in-vidiam virtute partam, gloriam, non invidiam putarem.

Quanquamnonnulli sunt in hoc ordine, qui aut ea, quæimminent, non videant, aut ea, quæ vident, dissimulent,qui em Catilinæ mollibus sententiis aluerunt, conjura-tionemque

XII. À ces paroles sacrées de la patrie, et à ceux dont lesentiment les approuve, je réponds en peu de mots : Oui,si j’avais jugé, pères conscrits, que mettre à mort Catilinafût le meilleur parti à prendre, je n’aurais pas laissé ce vilgladiateur vivre une heure de plus. Car si autrefois de grandshommes, d’illustres citoyens, bien loin de ternir leur gloire, sesont honorés par le meurtre de Saturninus, des Gracques, deFlaccus et de plusieurs autres, certes je ne devais pas craindreque le supplice de l’assassin impie de ses concitoyens attirâtsur ma tête le ressentiment de la postérité. Et quand je seraiscertain de ne pas l’éviter, j’ai toujours pensé qu’une disgrâceméritée par le courage estmoins uneflétrissure qu’une gloire.

Mais il est dans cette assemblée des hommes qui ne voientpas, ou qui feignent de ne pas voir le danger qui nous me-nace ; ils ont nourri les eérances de Catilina par lamollessede leurs conseils,

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XII. Ego reondebopaucahis vocibus sanissimisreipublicæet mentibus hominumqui sentiunt idem.Ego, patres conscripti,si judicarem hocoptimum fau,Catilinam multari morte,non dedissemisti gladiatoriusuram unius horæad vivendum.Etenim si viri summiet cives clarissimi,non modonon contaminarunt sesanguine Saturniniet Gracchorum et Flacciet complurium superiorum,sed etiam honestarunt,non erat verendum mihicertene, hoc parricida civiuminterfeo,quid invidiæredundaret mihiin posteritatem.Quod si eaimpenderet mihi maxime,tamen fui semperhoc animo,ut putarem invidiampartam virtutenon invidiam,sed gloriam.

Quanquam nonnullisunt in hoc ordine,qui aut non videantquæ imminent,aut dissimulentea quæ vident,qui alueruntem Catilinæsententiis mollibus,corroboraveruntque

XII. Moi je répondraipeu-de motsà ces paroles très-sacréesde la république,et aux pensées des hommesqui sentent de même.Moi, pères conscrits,si je jugeais celaêtre le meilleur à faire,à savoir Catilina être puni de mort,je n’aurais pas donnéà ce gladiateurla jouissance d’une-seule heurepour vivre.En effet si des hommes éminentset des citoyens très-illustres,non-seulementn’ont pas souillé euxpar le sang de Saturninuset des Gracques et de Flaccuset de plusieurs plus anciens,mais encore se sont honorés,il n’était pas à-craindre à moicertainementque, ce parricide des citoyensétant tué,quelque chose de (quelque) haineretombât sur moidans la postérité.Que si cette hainemenaçait moi le plus,cependant j’ai été toujoursde ce caraère,que je regardais la haineacquise par la vertunon comme de la haine,mais comme de la gloire.

Toutefois quelques-unsse trouvent dans cet ordre (dans le sénat),qui ou ne voient pasles maux qui menacent,ou feignent-de-ne-pas-voirceux qu’ils voient,qui ont nourril’eoir de Catilinapar des avis faibles,et ont fortifié

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nascentem non credendo corroboraverunt ; quorum auc-toritatem secuti multi, non solum improbi, verum etiamimperiti, si in hunc animadvertissem, crudeliter et regiefaum esse dicerent. Nunc intelligo, si iste, quo inten-dit, in Malliana castra pervenerit, neminem tam stultumfore, qui non videat conjurationem esse faam, neminemtam improbum, qui non fateatur. Hoc autem uno inter-feo, intelligo hanc reipublicæ pestem paulier reprimi,non in perpetuum comprimi posse. Quod si se ejecerit,secumque suos eduxerit, et eodem ceteros undique collec-tos naufragos¹ aggregaverit, exstinguetur atque delebiturnon modo hæc tam adulta reipublicæ pestis, verum etiamstirps ac semen malorum omnium.

XIII. Etenim jamdiu, patres conscripti, in his periculisconjurationis insidiisque versamur ; sed, nescio quo pao,omnium scelerum ac veteris furoris et audaciæ maturitasin

et donné des forces à la conjuration naissante en refusant d’y croire.Forts de leur autorité, bien des gens, je ne dis pas seulement mé-chants, mais encore mal informés, si j’avais sévi contre lui, m’accu-seraient de cruauté et de tyrannie. Je sais que si Catilina exécute sonprojet, s’il se rend au camp de Mallius, il n’y aura plus un hommeassez aveugle pour ne pas voir qu’il existe une conjuration, ou assezpervers pour ne pas en convenir. D’un autre côté, si Catilina seuleût péri, je veux bien que sa mort eût arrêté le mal pour un mo-ment, mais elle ne l’aurait pas étouffé pour toujours. Si au contraireil se bannit lui-même, s’il emmène tous ses complices, s’il appelleautour de lui tous ceux qui ont vu le naufrage de leur fortune, non-seulement alors ce fléau, dont les progrès sont si menaçants pour larépublique, sera détruit à jamais, mais nous aurons extirpé la racine,étouffé le germe de tous nos maux.

XIII. Depuis longtemps, pères conscrits, nous vivons entourés desdangers et des pièges de la conjuration ; mais je ne sais par quellefatalité tous ces crimes, longuement médités par la fureur et par

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conjurationem nascentemnon credendo ;quorumsecuti auoritatemmulti, non solum improbi,verum etiam imperiti,si animadvertissemin hunc,dicerent faum essecrudeliter et regie.Nunc intelligo,si iste perveneritin castra Malliana,quo intendit,neminem fore tam stultum,qui non videatconjurationem faam esse,neminem tam improbum,qui non fateatur.Hoc autem uno interfeo,intelligo hanc pestemreipublicæposse reprimi paulier,non comprimiin perpetuum.Quod si ejecerit se,eduxeritque suos secum,et aggregaverit eodemceteros naufragoscolleos undique,non modo hæc pestisreipublicæ,tam adulta,verum etiam stirpsac semenomnium malorumexstingueturatque delebitur.

XIII. Etenim jamdiu,patres conscripti,versamur in his periculiset insidiis conjurationis ;sed, nescioquo pao,maturitasomnium scelerumac furoris veteris

la conjuration naissanteen n’y croyant pas ;desquelsayant suivi l’autoritébeaucoup, non-seulement de méchants,mais encore d’inexpérimentés,si j’avais sévicontre cet homme,diraient cela avoir été faitcruellement et en-roi (tyranniquement).Maintenant je sais,si cet homme parvientau camp de-Malliusoù il se dirige,personne ne devoir être si insensé,qui ne voie (que de ne pas voir)une conjuration avoir été faite,personne si méchant,qui ne l’avoue (que de ne pas l’avouer).Mais celui-là seul tué,je sais ce fléaude la républiquepouvoir être arrêté quelque-tempsnon être étouffépour toujours.Que si il a expulsé lui-même,et a emmené les siens avec lui,et a rassemblé là-mêmeles autres naufragésrecueillis de toutes parts,non-seulement cette pestede la république,si grandie déjà,mais encore la racineet la semencede tous les mauxsera anéantieet sera détruits.

XIII. En effet depuis longtemps,pères conscrits,nous vivons dans ces dangerset ces embûches de la conjuration ;mais, je ne saispar quelle manière (comment),la maturitéde tous les crimeset de la fureur ancienne

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nostri consulatus tempus erupit. Quod si ex tanto latroci-nio iste unus tolletur, videbimur fortasse ad breve quod-dam tempus cura et metu esse relevati ; periculum autemresidebit, et erit inclusumpenitus in venis atque in visceri-bus reipublicæ. Ut sæpe homines ægri morbo gravi, quumæstu febrique jaantur, si aquam gelidam biberint, primorelevari videntur, deinde multo gravius vehementiusqueaffliantur, sic hic morbus, qui est in republica, relevatusistius pœna, vehementius, vivis reliquis, ingravescet.

Quare, patres conscripti, secedant improbi ; secernantse a bonis ; unum in locum congregentur ; muro denique,id quod sæpe jam dixi, secernantur a nobis ; desinant in-sidiari domi suæ consuli, circumstare tribunal prætorisurbani¹, obsidere cum gladiis curiam, malleolos² et facesad inflammandamurbem comparare ; sit denique inscrip-tum in fronte

l’audace, se sont trouvés prêts à faire explosion sousmon consu-lat. Si de tous ces brigands le chef seul était enlevé, nous serionspeut-être délivrés pour quelque temps de nos inquiétudes et denos craintes ; mais le péril continuerait d’exister tout entier, en-fermé au cœur même de la république. Le malade que dévoreune fièvre brûlante paraît un moment soulagé, quand il a bu del’eau glacée ; mais bientôt le mal redouble et achève de l’abattre :ainsi la maladie qui travaille la république, calmée par le châ-timent de Catilina, s’aggravera de nouveau si ses complices luisurvivent.

Que les méchants se retirent donc, pères conscrits, qu’ils seséparent des bons ; qu’ils se rassemblent dans un même lieu ;qu’ils mettent, comme je l’ai dit souvent, un mur entre eux etnous ; qu’ils cessent de tendre des embûches au consul danssa propre maison, d’entourer le tribunal du préteur de la ville,d’assiéger le sénat les armes à la main, d’amasser des torchespour mettre nos maisons

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et audaciæerupit in tempusnostri consulatus.Quod si iste unustolleturex latrocinio tanto,videbimur fortasserelevati essecura et metuad quoddam tempus breve ;periculum autem residebit,et inclusum erit penitusin venis atque in visceribusreipublicæ.Ut sæpe hominesægri morbo graviquum jaanturæstu febrique,si biberint aquam gelidam,primo videntur relevari,deinde afflianturmulto graviusvehementiusque,sic hic morbus,qui est in republica,relevatus pœnaistius,ingravescet vehementius,reliquis vivis.

Quare,patres conscripti,improbi secedant ;secernant se a bonis ;congregenturin unum locum ;secernantur deniquea nobis muro,id quod dixi jam sæpe ;desinant insidiariconsuli suæ domi,circumstare tribunalprætoris urbani,obsidere curiamcum gladiis,compararemalleolos et facesad urbem inflammandam ;

et de l’ancienne audacea éclaté dans le tempsde notre (mon) consulat.Que si celui-là seulsera (était) enlevéd’une troupe-de-brigands si grande,nous paraîtrons peut-êtreêtre délivrésde souci et de craintepour un certain temps court ;mais le danger subsistera,et sera renfermé profondémentdans les veines et les entraillesde la république.De-même que souvent les hommesmalades d’une maladie grave,lorsqu’ils sont agitéspar la chaleur et par la fièvre,s’ils ont bu de l’eau glacée,d’abord paraissent être soulagés,ensuite sont abattusbeaucoup plus gravementet plus violemment,de même cette maladie,qui est dans la république,soulagée par le châtimentde cet homme,s’aggravera plus violemment,les autres étant vivants.

C’est pourquoi,pères conscrits,que les méchants s’éloignent ;qu’ils se séparent des bons ;qu’ils se réunissentdans un seul lieu ;qu’ils soient séparés enfinde nous par un mur,ce que j’ai dit déjà souvent ;qu’ils cessent de tendre-des-embûchesau consul dans sa maison,d’environner le tribunaldu préteur de-la-ville,d’assiéger le sénatavec des glaives,d’amasserdes brûlots et des torchespour la ville devant être embrasée.

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uniuscujusque, quid de republica sentiat. Polliceor hoc vo-bis, patres conscripti, tantam in nobis consulibus fore di-ligentiam, tantam in vobis auoritatem, tantam in equiti-bus romanis virtutem, tantam in omnibus bonis consen-sionem, ut Catilinæ profeione omnia patefaa, illus-trata, oppressa, vindicata esse videatis.Hisce ominibus, Catilina, cum summa reipublicæ saluteet cum tua peste ac pernicie, cumque eorum exitio, qui setecum omni scelere parricidioque junxerunt, proficisceread impium bellum ac nefarium. Tum tu, Jupiter, qui iis-dem, quibus hæc urbs, auiciis a Romulo es constitutus¹,quem Statorem² hujus urbis atque imperii vere nomina-mus, hunc et hujus socios a tuis aris ceterisque templis,a teis urbis ac mœnibus, a vita fortunisque civium om-nium arcebis ; et

en flammes ; enfin que chacun porte écrits sur son front lessentiments qui l’animent à l’égard de la république. Je vouspromets, pères conscrits, qu’il y aura tant de vigilance dansles consuls, tant d’autorité dans le sénat, tant de couragechez les chevaliers romains et d’accord entre tous les bonscitoyens, qu’après le départ de Catilina vous verrez tous sesprojets découverts, mis au grand jour, étouffés et punis.

Que ces présages t’accompagnent, Catilina ; va pour lesalut de la république, pour ton malheur et ta ruine, pourla perte de ceux que le crime et le parricide unissent à toi,va commencer cette guerre impie et sacrilège. Et toi, Jupiter,toi, dont le temple fut fondé par Romulus sous les mêmesauices que la ville elle-même ; toi, que nous nommonsà juste titre le conservateur de Rome et de l’empire ; tuprotégeras contre les coups de ce furieux et de ses complicestes autels, les temples des autres dieux, les maisons et lesmurs de la ville, la vie et la fortune de tous les citoyens ; et ces

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inscriptum sit deniquein fronte uniuscujusque,quid sentiat de republica.Polliceor hoc vobis,patres conscripti,tantam diligentiamfore in nobis consulibus,tantam auoritatemin vobis,tantam virtutemin equitibus romanis,tantam consensionemin omnibus bonis,ut videatis omniapatefaa esse,illustrata, oppressa,vindicataprofeione Catilinæ.

Proficiscere, Catilina,hisce ominibus,ad bellum impiumac nefarium,cum salute summareipublicæ,et cum tua pesteac pernicie,et cum exitioeorum qui junxerunt setecumomni scelereparricidioque.Tum tu, Jupiter,qui constitutus esa Romuloiisdem auiciisquibushæc urbs,quem nominamus vereStatorem hujus urbisatque imperii,arcebis huncet socios hujusa tuis arisceterisque templis,a teis ac mœnibus urbis,a vita fortunisqueomnium civium ;

qu’il soit écrit enfinsur le front de chacun,ce qu’il pense de (pour) la république.Je promets ceci à vous,pères conscrits,une si grande vigilancedevoir être en nous consuls,une si grande autoritéen vous,un si grand couragedans les chevaliers romains,un si grand accorddans tous les bons citoyens,que vous voyiez tous les complotsêtre découverts,mis-au-jour, comprimés,punispar le départ de Catilina.

Pars, Catilina,sous ces auices,pour une guerre impieet criminelle,avec (pour) le salut completde la république,et avec (pour) ta perteet ta ruine,et avec (pour) la destruionde ceux qui ont uni euxavec toipar tout crimeet par le parricide.Alors toi, Jupiter,qui as été établi (dont le temple a été fondé)par Romulussous les mêmes auicessous lesquels a été établiecette ville,que nous nommons avec véritésoutien de cette villeet de cet empire,tu écarteras cet hommeet les complices de luide tes autelset des autres temples,des maisons et des murs de la ville,de la vie et des biensde tous les citoyens ;

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omnes inimicos bonorum, hostes patriæ, latrones Italiæ,scelerum fœdere inter se ac nefaria societate conjunos,æternis suppliciis vivos mortuosque maabis.

hommes hostiles à tous les gens de hien, ces ennemis de la patrie, cesdévastateurs de l’Italie, unis entre eux par le lien des crimes et par unpae sacrilège, tu les livreras et pendant leur vie et après leur mort àdes supplices qui ne cesseront jamais.

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et maabissuppliciis æternis,vivos mortuosque,omnes inimicos bonorum,hostes patriæ,latrones Italiæ,conjunos inter sefœdere scelerumac societate nefaria.

et tu gratifieras (frapperas)de supplices éternels,vivants et morts,tous les ennemis des bons citoyensles ennemis de la patrie,les brigands de l’Italie,unis entre euxpar le pae des crimeset par une alliance sacrilège.

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NOTESDU PREMIER DISCOURS CONTRE CATILINA.

Page 4 : 1. Palatii. Le mont Palatin, situé à peu prés au centre dessept collines sur lesquelles la ville s’était successivement étendue, lesdominait toutes. Ce lieu, premier berceau de Rome, offrait donc dansles temps de trouble la position la plus favorable pour établir despostes de surveillance et résister aux tentatives populaires. C’était enmême temps le plus beau, le plus salubre quartier de la ville, celui queles plus riches citoyens aimèrent toujours à habiter, et où demeuraientCicéron et Catilina lui-même. Oave et Tibère s’y établirent plustard, et achetèrent alors la plupart des habitations particulières pouragrandir leurs somptueux palais.

— 2. Urbis vigiliæ. À la nouvelle donnée par L. Sænius, queMalliusavait pris les armes en Étrurie, le sénat avait ordonné, entre autresmesures de précaution et de défense, que des postes seraient établisdans tous les quartiers de la ville et placés sous la main des magistratsinférieurs (Sall., Cat., ).

— 3. Munitissimus locus. Entre les différents édifices dont le consulavait le choix pour tenir les assemblées du sénat, et qui, pour laplupart, étaient des temples (les autres étaient des curies), Cicéronavait préféré, dans cette circonstance critique, celui de Jupiter Sta-tor, comme étant le plus à l’abri d’un coup de main par sa situation àl’extrémité d’une des grandes voies (la voie neuve), et au pied du montPalatin.

— 4. Ora vultusque. L’entrée de Catilina dans le sénat avait étéaccueillie par les signes de répulsion et demépris de tous les sénateurs.

— 5. Superiore noe. Venant après le mot proxima, qui désigne lanuit qui avait précédé immédiatement la séance, superiore s’applique àcelle d’auparavant, c’est-à-dire celle où s’était tenue chez Léca l’assem-blée dans laquelle avait été résolue la mort de Cicéron (Voy. chap. ).

Page 6 : 1. P. Scipio. Scipion Nasica, fils de Scipion le Censeur etpetit-fils de celui qui avait été déclaré le plus honnête homme de larépublique (optimus), et avait été chargé à ce titre de recevoir la mèredes dieux arrivant de Pessinonte. Il avait tué de sa main, au milieu duforum, le tribun Tib. Gracchus, qui, par des harangues séditieuses,

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cherchait à soulever le peuple contre le sénat ; et cependant Grac-chus était beaucoupmoins coupable que Catilina, puisqu’il n’attaquaitqu’un des ordres de l’État.

— 2. Privatus. La dignité de grand pontife n’étant pas une magis-trature, ne donnait pas un caraère public à celui qui en était revêtu.

— 3. C. Servilius Ahala. Il avait été choisi pour général de la cavale-rie par l’illustre diateur Cincinnatus, et envoyé par lui pour sommerSp. Mélius de comparaître à son tribunal. Celui-ci, accusé par le sénatd’airer à la tyrannie, pour avoir fait dans un temps de disette desdistributions gratuites de grain au peuple, dont cette générosité l’avaitrendu l’idole, refusa d’obéir à l’ordre de Cincinnatus. Servilius Ahalale tua, et sa conduite fut approuvée par le diateur.

Page 8 : 1. Senatusconsultum. Le premier soin de Cicéron alarméavait été de provoquer de la part du sénat le décret dont la formulesolennelle : Danto operam consules, ne ...mettait entre les mains desconsuls une véritable diature temporaire (Sall., Cat., ).

— 2. C. Gracchus. Les Gracques avaient pour père SemproniusGracchus, censeur, deux fois honoré du consulat et du triomphe, etpour aïeul le premier Scipion l’Africain. C. Gracchus fut tué dans unsoulèvement, par le parti de la noblesse, dont le consul Opimius étaitle chef.

— 3. M. Fulvius. Consul et triumvir, ami des Gracques, il secondaleurs tentatives, fit exécuter la loi agraire, et voulut faire donner ledroit de bourgeoisie à tous les peuples d’Italie. Il succomba dans lamême circonstance et en même temps que C. Gracchus. Opimius eutla barbarie d’immoler aussi ses deux fils, dont l’un était encore enfant(Voy. Sall., Jugurtha, ).

— 4. L. Saturninum. Il avait été questeur et deux fois tribun dupeuple. En cette dernière qualité, il avait favorisé puissamment leséleions de Marius à son quatrième et à son sixième consulat. Jalouxde se faire proroger dans le tribunat, il n’avait pas craint de se l’assurerpar le meurtre de son compétiteur. Encouragé par ce premier succès,il fit tuer ensuite Memmius, qui diutait le consulat à Servilius Glau-cia, associé ou plutôt complice de Saturninus. Mais, au bruit de cetattentat, les sénateurs coururent aux armes, et Marius, quoique favo-risant en secret les desseins de Saturninus et de Glaucia, fut obligé demarcher contre eux, les vainquit et les fit mettre à mort.

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Page 10 : 1. In Etruriæ faucibus. C’était à Fésules que Mallius avaitréuni une armée composée, en grande partie, des vétérans de Sylla.

— 2. Certa de causa. Ce motif est celui qu’il explique aussitôt aprèset sur lequel il revient encore à la fin du discours. (Voy. ch. et .)

Page 14 : l. Ante diem kalendas novembres. Les calendes étaientles premiers jours de chaque mois. Leur nom venait du mot calare,appeler, annoncer, parce que anciennement, et lorsque les computsdes temps étaient soigneusement dérobés au public, à l’apparition dela nouvelle lune qui fixait les calendes, un petit pontife annonçait aupeuple, convoqué pour cet objet devant la curie Calabra, sur le montCapitolin, l’intervalle qui devait s’écouler des calendes aux nones, enrépétant calo autant de fois que cet intervalle contenait de jours.

En effet, les nones, la seconde division du mois, étaient mobiles,c’est à-dire qu’elles revenaient tantôt le cinquième, tantôt le septièmejour, mais constamment neuf jours avant les ides, ce qui leur avait faitdonner leur nom.

Enfin, les ides, la troisième division, variaient aussi du treizièmeau quinzième jour du mois, mais de manière à la partager en deuxintervalles égaux. Leur dénomination leur venait du vieuxmot iduare,partager.

Maintenant, si l’on veut se rendre compte des différentes datescitées dans les Catilinaires, il faut savoir que l’on comptait isolémentles jours de chaque fraion du mois, et que la numération s’en faisaiten rétrogradant ; ainsi, par exemple, si l’on se trouve dans un moisoù les nones tombent le cinquième jour, le jour qui suit les calendes,c’est-à-dire le deuxième jour, s’appelle le quatrième avant les nones,etc., et le quatrième se nomme la veille des nones, pridie nonas. Il enétait demême pour les deux autres fraions ; ainsi le dernier jour d’unmois s’appelait la veille des calendes du mois suivant, pridie kalendas ;et les autres jours, en remontant jusqu’aux ides, se désignaient par lenombre de ceux qui les séparaient des calendes prochaines. Donc, ledouzième jour avant les calendes de novembre, correondait, d’aprèsnotre manière de compter, au 20 oobre.

— 2. Diem . Ce jour répondait au 26 oobre.— 3. Præneste. Ville du Latium, non loin de Rome, et dont Catilina

voulait s’emparer, à cause de sa proximitémême, qui en faisait unposteavantageux pour l’exécution de ses desseins.

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Page 16 : 1. Inter falcarios. Ce mot ne désigne pas des hommesarmés de faux comme l’ont cru quelques interprètes, mais bien desouvriers qui fabriquent des faux et des armes, des fourbisseurs. Romeétait divisée en quatorze grandes régions, dont chacune renfermaitplusieurs quartiers. Chaque région avait un numéro d’ordre, et unnom emprunté soit à quelque monument, soit à la localité principalede sa circonscription, soit même à sa situation topographique ; parexemple, les régions de la porte Capène, du mont Cœlius, du Forum,du Cirque Maxime, etc.

Les quartiers, au nombre de près de deux cents, n’avaient pointde numéro d’ordre, mais seulement un nom pris d’un magistrat oud’un monument, et souvent du genre d’individus ou d’artisans quil’habitaient. Inter falcarios ne signifie donc autre chose que in falca-riorum vico. C’est parce que la maison de Léca se trouvait dans cequartier éloigné que Catilina l’avait choisie, comme offrant un asileplus sûr.

— 2. Quosdam. Salluste (Cat., ch. ) nomme onze sénateursattachés aux projets de Catilina.

Page 18 : 1. Distribuisti partes Italiæ. D’après Salluste, Catilina avaitenvoyé Mallius en Étrurie, Septimius dans le Picénum, et C. Juliusdans l’Apulie, etc.

— 2. Ad incendia. Statinius et Gabinius étaient chargés de faireincendier à la fois douze quartiers désignés (Sall., Cat., ch. ).

— 3. Duo equites romani. Suivant Salluste, ces deux chevaliers senommaient C. Cornélius et L. Varguntéius.

— 4. Comperi. Au moyen des révélations de Fulvie, dans l’erit delaquelle Q. Curius, l’un des conjurés, avait fait naître des soupçons pard’extravagantes promesses (Sall., Cat., ch. ).

Page 20 : 1. Comitiis consularibus. Les comices tenus par Cicéron,et dans lesquels son influence avait fait désigner pour consuls Silanuset Muréna.

— 2. In campo. C’était dans le champ de Mars que se tenaient lescomices pour les éleions des magistrats.

On distinguait trois sortes de comices : les comices par curies, lescomices par centuries et les comices par tribus.

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L’institution des premiers remontait à Romulus, qui avait par-tagé tout le peuple en trois tribus, composées chacune de dix curies.Servius Tullius établit à son tour les comices par centuries : c’est lenom qu’il avait donné aux 193 nouvelles divisions dans lesquelles ilavait partagé le peuple. L’ordre équestre en formait dix-huit ; les centsoixante-quinze autres se composaient du reste du peuple, et étaientdistinguées en cinq classes qui prenaient rang suivant leur plus oumoins de richesse, et qui étaient toutes inégales entre elles quant aunombre de centuries qu’elles renfermaient. La première, par exemple,et la plus riche, en comptait quatre-vingts, et la cinquième, celle desprolétaires et des capitecensi, n’en avait que trente. Dans cette nouvellecombinaison, les votes se comptaient, non plus par tête, comme dansles comices par curies, mais par centurie ; et comme ils se recueillaientsuivant l’ordre numérique, il en résultait que les centuries des richesformaient toujours une majorité suffisante avant qu’on les eût épui-sées toutes, et que les affaires étaient décidées sans que les dernièrescenturies fussent seulement appelées à donner leurs suffrages, surtoutla dernière de toutes, qui renfermait à elle seule plus de citoyens quetoutes les autres ensemble.

Après l’établissement des comices par tribus, les cent quatre-vingt-treize centuries de Servilius se trouvèrent réduites à quatre-vingt-deux, et les cinq classes à deux, celle des chevaliers et celle dessimples citoyens. L’ordre équestre se composa de douze centuries etles soixante-dix autres furent réparties également dans les trente-cinqtribus. Pour garantir l’indépendance des comices par tribus, il fut ré-glé qu’à chaque réunion le sort déciderait laquelle des centuries don-nerait son suffrage la première. Celle-ci prenait le nom de centurieprérogative, parce qu’elle exerçait sur les autres une influence moralesi puissante que son vote devenait ordinairement celui de la majorité(Voy. pro Murena, ch. ). La composition et les attributions destrois sortes de comices étaient différentes. Les seuls habitants de Romeavaient voix dans les comices par curies, où l’on élisait les magistratsinférieurs seulement. Dans les deux autres, où il s’agissait de l’éleiondes consuls et des premiers magistrats, les habitants des colonies etdes villes municipales avaient le droit de suffrage.

— 3. Competitores tuos. Silanus et Muréna.

Page 22 : 1. Amicorum præsidio. Le consul, pour rendre évidente

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aux yeux de tous la grandeur du danger qu’il courait dans cette cir-constance, revêtit une cuirasse apparente, et se fit accompagner parses amis (Voy. pro Murena, ch. ).

Page 24 : 1. Num in exsilium ? Tout accusé, quelle que fût la peineà laquelle il s’était exposé, même la mort, pouvait l’éviter en s’exilantlui-même (Voy. pro Cœcina, ch. ).

— 2. Cui tu adolescentulo. Salluste, que l’on a cru pouvoir accuserd’une sympathie secrète pour Catilina, trace néanmoins un tableaubien plus énergique et bien plus complet de ses désordres (Voy. Sall.,Catil., ch. et ).

— 3. Superioris uxoris. Aurélia Orestilla, dans laquelle, dit Salluste,il n’y avait à louer que la beauté, avait iniré à Catilina une si follepassion, que celui-ci fut soupçonné d’avoir fait mourir sa femme pourépouser cette courtisane. Il est vrai que ce crime ne fut jamais prouvé.

— 4. Alio... scelere. On regarda du moins comme certain le crimepar lequel il écarta l’obstacle que formait encore à ses projets l’existenced’un fils déjà grand (Sall., Cat., ch. ). Cicéron fait peut-être allusionde préférence à un autre crime dont il accusa formellement Catilinadans une autre circonstance (. T ), en disant qu’ilavait épousé sa propre fille.

Page 26 : 1. Idibus. Les ides étaient le treizième ou le quinzièmejour de chaque mois. C’était l’époque à laquelle les débiteurs payaientà leurs créanciers l’intérêt des sommes empruntées. Aussi Catilina,écrasé de dettes, avait-il fixé l’exécution de ses projets au jour quiprécédait immédiatement cette époque fatale.

— 2. Lepido et Tullo consulibus. Salluste parle (Catil., ch. )de cette conjuration du dernier jour de décembre 687, à laquelleon dit que César et Crassas prirent part, et qui ne manqua que parl’incertitude de César, qui, ne voyant pas paraître Crassus au momentconvenu, ne donna pas le signal.

— 3. Non multa post commissa. Cicéron aurait pu citer en effetbeaucoup d’antres crimes connus de tout le monde ; et c’est proba-blement ce qu’il a voulu dire. On trouve néanmoins dans plusieurséditions : Non multo post ; et alors l’orateur ferait allusion seulementà une seconde tentative faite par Catilina, le 5 février suivant, dans lemême but que celle qui avait échoué la veille des calendes de janvier ;

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cette tentative serait devenue inutile à son tour, mais par un motifcontraire, par la trop grande précipitation de Catilina à donner le si-gnal.

Page 28 : 1. Tuas petitiones. Métaphore empruntée aux luttes desgladiateurs. L’expression suivante, corpore effugi, se rapporte aussi àleur pratique habituelle d’esquiver les coups par un brusque mouve-ment du corps.

— 2. Quibus initiata sacris. On consacrait les couteaux destinésaux sacrifices. L’orateur suppose que Catilina avait voué le sien àl’immolation des consuls, puisqu’il voulait le tremper dans son sang,après avoir essayé déjà d’en percer Cotta et Torquatus.

Page 32 : 1.Civiumneces. À la faveur des troubles du temps de Sylla,Catilina avait pu tuer impunément plusieurs citoyens.

— 2. Direptie sociorum. Catilina, pendant sa préture en Afrique,avait exercé tant de dilapidations, qu’à son retour à Rome il fut accuséde concussion, circonstance qui l’empêcha de se mettre sur les rangspour le consulat.

— 3. Ad... perfringendasque. Catilina avait échappé à cette accusa-tion de concussion en achetant son accusateur lui-même, P. Clodius.Il avait su se soustraire également à plusieurs autres poursuites crimi-nelles.

Page 34 : 1. Te ipse in custodiam dedisti. Accusé par Cicéron, citédevant les tribunaux par L. Paullus, Catilina, voulant payer d’audacejusqu’au bout, feignit de se livrer lui-même à la justice, et de se consti-tuer prisonnier volontaire. On confiait alors les accusés de quelquedistinion à la garde d’un magistrat dans sa propre maison et sous sareonsabilité.

—2.M.Lepidum. Non pasMarcusLépidus, le Collègue deCicéron,mais Manius Lépidus, qui avait été consul avec Volcatius Tullus.

— 3. Q. Metellum. Q. Metellus Céler, qui fut plus tard consul avecL. Afranius.

— 4. M. Marcellum. Ce Marcellus, auquel Cicéron applique parironie l’épithète de virum optimum, ne doit pas être confondu aveccelui dont il est question plus loin.

Page 36 : 1. P. Sextio. Alors questeur du consul Antoine.

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Page 38 : 1. M. Marcello. C’est ici le M. Marcellus pour le rappelduquel Cicéron prononça dix-sept ans plus tard le beau discoursconnu sous le titre de pro Marcello. Descendant du Marcellus qui,le premier, vainquit Annibal, et se rendit maître de Syracuse, aussidistingué par ses talents et son courage que par sa naissance, il s’étaitmontré pendant son consulat assez ami de la liberté de sa patrie pourse déclarer hautement contre César et s’opposer énergiquement dansle sénat à ses prétentions ambitieuses. Après la journée de Pharsale,il crut devoir s’exiler volontairement à Mitylène, et il s’y retira avecla résolution d’y passer le reste de ses jours et de se consoler avecles lettres et la philosophie. Quelques années après, sa constance futébranlée par les instances de son frère et de Cicéron ; il consentit à cequ’on fît des démarches pour obtenir son rappel, et César se rendit àl’intercession du sénat.

— 2. Ad portas prosequantur. Allusion ironique à l’usage d’aprèslequel les citoyens illustres ou les magistrats élevés qui partaient pourun voyage étaient accompagnés jusqu’aux portes de la ville par uncortège de clients et d’amis.

— 3. Duint. forme ancienne pour dent.

Page 40 : 1. Est mihi tanti. Cela vaut cela pour moi, j’y consens à ceprix.

Page 42 : 1. Impio latrocinio. Le mot brigandage, qui offre la tra-duion littérale de latrocinio, ne rend pas toute l’étendue du sens dece dernier, latronum bello.

— 2. Forum Aurelium. On appelait fora les villes, bourgs ou villagesoù se tenaient lesmarchés appelésNundinæ. Le forum d’Aurélius étaitsur la voie Aurélia, conduisant de Rome en Étrurie.

— 3. Aquilam illam argenteam. Si l’on en croit Salluste, cette aigleétait celle qui avait servi à Marius dans la guerre des Cimbres. C’est àcôté d’elle que Catilina se fit tuer à la bataille de Pistoie.

— 4. Tu ut... possis. Expression elliptique pour qui fieri potest ut tupossis.

Page 44 : 1. Otiosorum. Ce mot offre un sens plus naturel quecelui d’occisorum, qu’il faut expliquer par une circonstance à laquellel’orateur a déjà fait allusion plus haut (Voy. la note 1 de la page 32).

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— 2. Te a consulatu repuli. Les efforts et la vigilance de Cicéronavaient fait échouer la candidature de Catilina au consulat et triom-pher celle de Muréna (Voy. Sall., Cat., ch. ).

Page 48 :1. Leges... de civium romanorum supplicio. Les lois Porciaet Sempronia, qui établissaient en faveur des citoyens romains desgaranties contre les supplices, et particulièrement contre la peine demort, qui ne pouvait être prononcée que par le peuple.

— 2. Per te cognitum. On sait que Cicéron était d’une naissanceobscure ; il s’applique ici à lui-même ce qu’il dit ailleurs deQ. Pompée :Qui summos honores, homo per se cognitus, sine ulla commendationemajorum, est adeptus (Brutus, ch. ).

— 3. Tam mature. Cicéron avait parcouru tous les degrés des hon-neurs dans une seule et même année ; distinion dont il avait fournile premier exemple.

Page 52 : 1. Colleos naufragos. Ceux qui avaient vu le naufrage deleur fortune.

Page 54 : 1. Prætoris urbani. C’était L. Valérius Flaccus, que Catilinaet ses complices, tous chargés de dettes comme lui, voulaient empê-cher de porter contre eux un jugement en faveur de leurs créanciers.

— 2. Malleolos. Sorte de pièce d’artifice, à laquelle la flèche quiservait à la lancer avait fait donner le nomde l’outil dont elle présentaitla forme (marteau).

Page 56 : 1. Qui... es constitutus équivaut à cujus templum est consti-tutum.

— 2. Statorem. Cemot n’est plus ici le surnom seulement de Jupiter,mais bien la qualification même qui s’y rattache et qui le motive.Stator, celui qui maintient debout, qui conserve.