Aux origines de la C.R.S. 14 - Freepolices.mobiles.free.fr/histoire cie/CRS_14_Historique.pdf · Compagnies Républicaines de Sécurité … 9 Les conditions de garde étaient souvent

Aux origines de la C.R.S. 14

Cdt Roderic MARTIN (D.Z.C.R.S. Sud-Ouest) & Cne Pascal GENSOUS (C.R.S. Autoroutière Aquitaine

Edition de février 2011

Direction Zonale des C.R.S. Sud-Ouest

Aux origines de la

C.R.S. 14 …



Edition de février 2011 2

enon, 09 décembre 2010, 11h00. Comme chaque année, nous

sommes sur les rangs afin de célébrer le 66ème

anniversaire de la

création des Compagnies Républicaines de Sécurité. La C.R.S. 14, la

C.R.S. Autoroutière Aquitaine, l’Unité Motocycliste Zonale des

C.R.S. Sud-Ouest, l’Etat-Major de la Direction Zonale, les invités officiels, et

nos anciens sont réunis autour de la place d’armes du site de Cenon.

A leurs côtés, debout, droit, appuyé sur sa canne, un ancien parmi

d’autres. Cet homme, c’est Manuel FERNANDEZ, 85 ans. Il s’approche du

Commandant Roderic MARTIN, de la D.Z. Sud-Ouest et lui tend des documents dont une

lettre de convocation de mars 1945 accompagnée d’un arrêté de nomination.

Manuel FERNANDEZ est l’un des 300 agents ayant composé à l’origine la C.R.S.

181 de Bordeaux, créée le 08 décembre 1944, et qui, fusionnant avec la C.R.S. 205 de

Constantine en 1964, donna naissance à l’actuelle C.R.S. 14 basée à Cenon 1.

Le Commandant MARTIN présente M. FERNANDEZ au Commandant Sylvain

BONGOAT, commandant la C.R.S. 14 et au Capitaine Pascal GENSOUS de la C.R.S.

Autoroutière Aquitaine. Et de suite germe l’idée de contacter ultérieurement Manuel

FERNANDEZ afin de lui poser les questions qui permettraient de mieux comprendre cette

époque troublée ayant donné naissance aux C.R.S.

Ces quelques paragraphes sont le fruit des entretiens que nous avons eus avec

Manuel FERNANDEZ. Ses témoignages sont précieux et nous permettent aujourd’hui, en

2011, de laisser une trace de ce passé quelque peu oublié.

M. FERNANDEZ est précis dans ces informations. Une mémoire exceptionnelle

jusque dans les moindres détails…

De gauche à droite, M. FERNANDEZ, le Cdt Roderic MARTIN (D.Z.C.R.S. Sud-Ouest), le Cne Pierre-

André LHERM (C.R.S. A.A.) et le Cdt Sylvain BONGOAT (C.R.S. 14)

1 Le casernement de la C.R.S. 14 de Bordeaux se trouvait initialement dans le quartier Bacalan de Bordeaux, à quelques centaines de mètres

de l’ancienne base sous-marine germano-italienne construite durant la Seconde Guerre Mondiale.

C




13 janvier 2011. Nous voici enfin chez Manuel FERNANDEZ, à son domicile au

Bouscat, commune limitrophe de Bordeaux. Un homme possédant une mémoire encore

intacte, précise, vive, un homme heureux de nous transmettre cette page d’histoire …

Durant la dure période de l’Occupation, Manuel FERNANDEZ est un jeune homme

parmi d’autres. Vivant dans le Médoc, issu d’une famille portugaise installée au Verdon,

Manuel FERNANDEZ travaille dès son adolescence en pratiquant divers métiers. Ouvrier

dans les champs au Verdon, dans une usine de verre à

Talence, Manuel traverse ainsi la guerre.

Réquisitionné par l’occupant allemand, Manuel

FERNANDEZ se retrouve prisonnier de la poche

médocaine, Bordeaux étant déjà libéré depuis le 28

août 1944. Après accord passé entre l’occupant

allemand et la Préfecture de la Gironde, Manuel

FERNANDEZ traverse la ligne de front à pied, en

compagnie de sa famille. Il se retrouve à Bordeaux

chez une de ses cousines. Fin décembre 1944,

employé aux champs, alors que les alliés se

retrouvent en difficulté sur le front des Ardennes,

Manuel FERNANDEZ découvre dans le journal Sud-

Ouest nouvellement créé, un appel visant à recruter

de futurs agents de police qui seront affectés à la

Compagnie Républicaine de Sécurité n° 181 de

Bordeaux nouvellement créée. Manuel

FERNANDEZ envoie sa candidature et reçoit le 23

mars 1945 un courrier lui notifiant son affectation à la

C.R.S. 181 en qualité de Gardien de la Paix

Auxiliaire. Ainsi s’ouvre à lui une carrière de policier

qui prendra fin en 1977.




La C.R.S. 181 2 nouvellement créée a pris ses

premiers quartiers au Château ARDILOS sur

la commune de Mérignac, quartier PICHEY 3.

Ce château se trouvait sur l’emplacement

actuellement occupé par les maisons situées

122 avenue de l’Yser et 1 rue Georges

Courteline.

Construit entre 1850 et 1854 sur l’ancien

domaine de Campagnac, le château Ardilos tirait

son nom du hameau voisin, en bordure de la route

du Temple, entre Pichey et le Bourg 4.

En ce jour du 03 avril

1945, 300 personnes furent

convoquées afin de constituer la

C.R.S. 181 5 placées sous les ordres

du Lieutenant GOMILA. Les deux-

tiers du contingent étaient constitués

d’agents ayant servi dans les

Groupes Mobiles de Réserve 6. Le

tiers restant était composé de civils nouvellement incorporés, de

prisonniers de guerre ou bien de déportés 7.

Durant trois mois, les 300 hommes suivirent un stage quasi-

militaire au château Ardilos. Hormis les permanences, chacun rentrait

le soir à la maison, en tenue, en prenant le tramway gratuitement.

Cette tenue avait été reprise aux G.M.R., et

dénuée de tout symbole rappelant le régime de l’Etat

Français. Elles étaient distribuées par le magasinier

qui les jetaient par les fenêtres, chacun devant les

essayer et trouver sa taille 8.

Les agents de la C.R.S 181 attendirent une

année avant d’être armés du fusil Lebel.

Les samedis étaient souvent consacrés à des

marchent de 15 km, les hommes défilant au pas à

2 L’insigne de la C.R.S. 181 a été créé par un policier du nom de DUCHAMPS

3 Le Groupement de la 18

ème région militaire était installé cours du chapeau rouge à Bordeaux, sous les ordres du

Colonel VIGNES. 4 Six propriétaires se sont succédés jusqu’en 1960, date de la démolition du château. Parmi ces propriétaires,

citons M. Henri RANIER (1832-1917), négociant, et maire de Mérignac de 1881 à 1917 et conseiller général du

canton de Pessac de 1898 à 1904. A la date de l’installation de la C.R.S. 181, la S.C.I. de la Place Puy-Paulin en

était propriétaire (Archives municipales de Mérignac). 5 A l’origine, deux C.R.S. devaient être créées à partir de ces 300 fonctionnaires.

6 Le G.M.R. Guyenne basé à Bordeaux, était installé avenue d’Eysines, à côté du Parc Bordelais, face au lycée

TIVOLI. 7 Cette cohabitation forcée entre anciens membres des G.M.R. et nouvelles recrues donnaient lieu souvent à des

bagarres qui éclataient lors de la prise des repas au mess. De plus, la C.R.S. 181 recevait régulièrement la visite

de Gendarmes qui procédaient à des enquêtes de moralité ou bien à des investigations relatives à des actes de

collaboration. 8 Les numéros de compagnie étaient affichés sur les cols des uniformes.




chaque traversée de village ou de hameau.

A partir de juillet 1945, les premières missions de la C.R.S. 181 se déclinaient ainsi :

Surveillance du port de Bordeaux bloqués par une centaine de navires coulés

par l’occupant allemand et la présence de mines 9 ;

Garde de plus de 1700 collaborateurs à la prison du Fort du Hâ ;

Surveillance de prisonniers allemands dans le camp de

rétention de Mérignac, proche du château Ardilos ;

Surveillance de l’acheminement de la monnaie à Bordeaux.

Le premier déplacement de la compagnie sous la forme d’un

détachement s’effectua à Saint-Jean de Luz en juillet 1945 10

. Durant 17

jours, les effectifs de la C.R.S. 181 assurèrent la visite privée de l’ancien

premier Ministre britannique Winston CHURCHILL. Cantonnés dans un

hôtel tenu par un couple de pêcheurs de thon, les effectifs connurent des

repas exclusivement composés de thon, midi et soir, durant ces 17 jours. La

question cruciale de l’alimentation après-guerre était en partie plus facile à

gérer au sein des compagnies, même si notre témoin relate la fréquence subie des hachis

Parmentier composés de viande souvent avariée… Néanmoins, le foyer-bar était le moyen

d’obtenir non seulement brosses à dent, dentifrice, savon, shampooing, mais aussi divers

denrées qui transformaient ce foyer-bar en véritable épicerie ambulante.

1947 marque les premiers

engagements de la C.R.S. 181 dans le

maintien de l’Ordre sous les ordres du

Commandant Maurice BIDOU. Les

manifestations des 15.000 ouvriers de

l’industrie navale à Nantes étaient souvent

synonymes d’engagements violents avec jets

de bouteilles d’acide tant redoutées par les

agents de la C.R.S. 181 11

, commençant ainsi

à écrire les premières lettres de noblesse des

Compagnies Républicaines de Sécurité …

9 Les conditions de garde étaient souvent rudes avec des nuits entières sans relève.

10 En avril 1945, la C.R.S. 181 a failli être engagée sur Strasbourg, suite à la crainte de voir surgir quelques

divisions 11

Afin d’éviter la destruction des lacets de chaussures, les agents doublaient ce derniers avec du fil de fer.




M. FERNANDEZ en compagnie du Cne Pascal GENSOUS, sur les traces du premier

casernement de la C.R.S. 181, Château Ardilos à Mérignac.

Le Château Ardilos au début du XX

ème siècle.

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