Baas, Désir pur

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    BERNARD BAAS

    Le desir purA propos de Kant avec Sade de Lacan

    (I II sc mb lcra it d iffic ile , impossible merne d'arriver 11quclquc chose de plus aidcnr ; et ccpcndan t une dcrnierefusee vrcnr tracer un sillon plus blanc sur lc b lanc qui luis;,rt de fon~. ~e sera, si VaLlS voulcz, Ie cri suprem e deIrn e mantee a s on p ar ox YS ll 1c .

    BAUDELAIl\E (Lettre a R ic ha rd W a gl le r. )

    DeSir pur est une expression qu' on nc scrait pas surpris de lire dansun dialogue de Platen. A ma connaissance, elle ne s'y trouve pas, dumoins pas sons cette forme littcrale. En revanche, Platon parle du plaisirpur - et c'est a cette occasion qu'il affronte au plus pres la question dudesir - dans le p h i l e b e , l'un des derniers dialogues, consacre a la deter-mination de la place du plaisir dans ce que Platen appclle la vie bonne ,La partie centrale et la plus importante- du P h i l e b e por te ainsi sur le statutethique elu plaisir. Resumons brievernent : Platen distingue entre etat deplaisir, etat de elouleur et etat neutre". Cet etat neutre est aussi appele harmonic , de sorte que la douleur caracterise la dissolution de l'har-monic, et que le plaisir accom.pagne le mouvement qui tend a la reconsti-tution de cctte harmonic. L'erat de I'homme qui n'cprouverait ni douleurni plaisir, qui donc ne connaitrait que l'etat neutrc, l'harmonie, serait telqu'on pourrait dire que sa vie est la plus divine de toutes 3,

    Pourtant, cet hornmc divin, c'cst-a-dire celui dont la vie est absolu-ment bonne - en un mot (pour Platon) : le sage, le philosophe --, nesaurait rester etrallger a tout plaisir, tam il est vrai que, pour les Grecs,on ne saurait separcr Ie Bien et le bonheur. Le sage connait done desplaisirs qui lui sent prop res : lcs plaisirs purs, c'cst-a-dire les plaisirs quine sont precedes d'allcune scAlifrance, daucun manque douloureux. Maiscela ne signifie pas qu'ils nc scraient precedes d'aucun dcsir. Car l'ame duphilosophe desire Ie bien, Ie savoir et la verite. Ce serait donc la Ie desirpur en tant que mouvement de I'ame non accornpagne de cette dou-!eur, de ce manque qui caracterise les autres dcsirs et qui fait les plaisirsImpurs.

    Ornicar 7, r ev il e d u C h amp [ re ud ie n , 11 43, octobre-decembre 1987, p . 5 6- 91 .

    ,i

    Le d e s i r pur - 57 Ajoutons aces plaisirs ceux que procurent les sciences, si nous n'y

    trouvons pas incluses une fringale d' apprendre et, avec cette faim desciences, une douleur originelle. [ ... ] Ces plaisirs de la connaissance ne sontmeles d' aucune douleur et, loin d' a ppartenir a la masse des hommes, ilssont le lot d' u n tout petit nombre [... ], Voila donc separes les plaisirspurs et ceux qu' on pourrait avec quelque raison appe1er impurs. 4

    Ainsi, au plaisir pur correspondrait un desir pur. Platen I' appelleraitplutot le desir vrai , ce que nous devons tout aussi bien entendrecomme desir du vrai ,

    On pourrait s'cn tenir E t ct ne qualifier de purs que les plaisirs de laconnaissance, de sorte qu' eux seuls scraient admissiblcs dans Ie mixte que constitue la vie bonne . Mais Platen conceit bien I'insuffisance decette determination, et c' est pourquoi il va s' employer a fournir unexemple de plaisir pur sensible. Ce sera Ie plaisir qu' on peut - parait-il-eprouver a percevoir du blanc pur de to ute autre couleur". A peine exposecet exernplc singulier, Platon declare resolue la difhculte'' et laisse sansreponse la question de savoir ce Clue s erait le desir vrai ou Ie desir pur dela pure blancheur. Pourtant, la difficulte subsiste, et elle ne peut que sub-sister parce qu'elle vient de ce que Platen essaie de penser Ie pur dansl'ordre empirique. Ce qu' on peut formuler plus naivement : toute ladifficulte vient de ce que Platen n' est pas Kant.

    Car pour Kant - on le sait - le pur (le pur de [a raison pure) etl'empirique sont radicalement heterogenes; c' est merne cette hetero-geneite qui constitue lc pur en tant que tel, c' e st-a-dire: pur de touteexperience . Des lors, parler de desir pur dans le cadre de la philo-sophie kantienne n' est pas seulement une difficulte, mais une impossi-bilite. Selon Kant, en efiet, le dcsir concerne le mouvement du sujet versdes objets empiriques, en tant que ce mouvement se rapporte au bien-etre du sujet dans ses sensations ou dans ses sentiments. Autrement dit :Ie desir releve toujours de I'inclination ou de l'amour de soi. II ne sauraitdone etre pur.

    Pour Kant, il n'y a de purete que de la raison, c' e st-a-dire de la tacultede l'universe! a p ri or i. Determiner cette purete de la raison est l'enjeudeclare de la philosophic transcendantale. Rappelons que Kant appelle transcendantale la question qui porte sur les conditions de possibilitea p ri or i de la raison, soit dans l'ordre de la connaissance, soit dans l' o rdrede I' action. Est donc transcendantale la philosophic de la raison pure dansson usage theorique etlou dans son usage pratique.

    Parler de desir pur revient done a poser - d'une certaine faconcontre Kant, mais c' e st aussi avec Kant (expression dont l'occurrence

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    58 - BERN ARD BAASimposera de rendre compte dans toute sa resonance) - la questiontranscendantale au sujet du desir. De maniere homologue a Kant, quidistingue l'objet connu et la faculte de connaitre (laquelle est a pr io r i) ,il s'agirait de distinguer, dans le desir, entre l'objet du desir et la facultede desirer". Serait a pr io r i la faculte de desirer, de sorte que le desir seraitcertes occasionnc par l'objet - a entendre ici comme objet sensible donnedans l'experience - mais non cause par lui. Forgeons pour l'occasion lemot d' epithumenc 8,analogue pour le desir a ce qu'est le phenornenepour la connaissance. II y aurait donc, avant tout objet de desir, avanttout epithumene, une Iaculte de desircr : voila ce que je designe ici commele desir pur.

    Poser une telle question ferait se conjoindre ce que Kant a rigoureuse-mcnt separe : l'a priori et le desir, Ce serait s' attachcr a une theorie trans-cendantale du dcsir et, en quelque facon, indiquer qu'il y aurait a faireune critique du desir pur , Cc serait donc aussi se faire croiser la philo-sophic transccndantalc ct la psychanal ysc.

    Ce croisement, ou plutot cettc rencontre, Freud a bien failli laconnaitre. A I 'ar ticle L'inconscient de la MhapsycilOlogie, on pcut lireen effet: De rnerne que Kant nous a avertis de nc pas oublier que notreperception a des conditions subjectives et de ne pas la tenir pour iden-t ique avec le per~u inconnaissable, de merne la psychanalyse nous engagea ne pas mettre la perception de conscience a la place du processuspsychique inconscient qui est son objet. 9Mais cette sorte d' optimismetheorique, qui caracterise si souvent Freud, lui fait manquer la pointe decette reference a Kant, qu'il reduit alors a la question de la perception:

    Tout cornrne lc physique, le psychique n' est pas necessairement enrealite tel qu'il nous apparait. Toutefois, nous n' allons pas tar d el' aapprendre avec satisfaction que Ia correction de la perception internen'offre pas une aussi grande difliculte que celle de la perccption externe,que l' o bjet interieur est moins inconnaissable que Ie moride exterieur, 10

    Ce passage ne constitue pas la seulc reference de Freud a Kant. L'occa-sion la plus frequente de cette reference est exactement celle qui nousoccupe ici : Ia question etliique. Freud fait appel a la conceptualite kan-tienne pour caracteriser la conscience morale dans son articulation aucornplexe d'CEdipe et au surmoi :

    Le sunnoi, la conscience morale a l'ceuvre en lui, peut alors semont rer dur, cruel, inexorable a l'egard du moi qu'il a sous sa garde.L'imperatif categorique de Kant est ainsi I'heritier direct du complexed'CEdipe. 11On peut l ire des remarques tout a fai t analogues dans Le moiet le ca , ou Freud parle de l'imperatif categorique a propos de la cruaute

    Le desir pur - 59du .surm~i telle qu' eIle se manifeste dans le sentiment de culpabilite. Jereviendrai plus loin sur ces references de Freud a Kant . Pour !' instant,elles no u s permettent au moins de comprendre que l'articulation de laphilosophic transcendantale et de la question du desir ne peut etre exa-minee que sur le terrain ou Kant les a precisement separees : ceIui de laraison pure pratique, plus precisement au point de ce qu' on nomme laloi morale.C' est exactement ce que vise Lacan, comme il l'indique dans lelivre XI du Seminaire , juste apres avoir evcque la celebre formule deSpinoza (( Le desir est l'essence de 1'homme } : L'experience nousmontre que Kant est plus vrai, et j' ai preuve que sa tlieorie de la cons-cience, comme il ecrit de la raison pratique, ne se soutient que de donnerune specification de la loi morale qui, a l'examiner de pres, n' est riend' autre que l e d es ir a l'e ta t p ur , celui-la meme qui aboutit au sacrifice, aproprement parler, de tout ce qui est l'objet de I'amour dans sa tendressehumaine - je dis bien, non sculement au rejet de l' objet pathologique,mais bien a son sacrifice et a son meurtre. C' est pourquoi j' ai ecrit Kantavec Sade. 12Rcste donc a examiner de pres ce qui se donne ici non sculementcomme conjonction mais me me comme identification de la loi moraleet du desir a l'etat pur . Que Lacan ait tenu a rendre compte, apresCOUp13et en ces termes, de son texte suffit pour I' instant a indiquer ce quevisent le titre et le sous-titre de mon propos: Le desir pur (a propos de Kant avec Sade ) - a propoi , et non sur . Car i1 ne s' agit pas icid' e tudier le detail de ce texte, mais d'y etre assez attentif pour parvenira y determiner Ie rapport de Lacan a Kant, qui est tout aussi bien celuide la psychanalyse a la philosophic, Lacan n'y faisant pas seulementoffice de commentateur de Kant, mais peut-etre aussi de commettant.C' est pourquoi on ne saurait entrer dans l'etude de ce texte sans passerpar le seuil que Lacan lui-memo nous enjoint de tranchir-": la philo-sophic morale de Kant. J ' en rappellerai succinctement les elementsesscntie1s a ce qui nous interesse ici.

    *Dans une note de la Preface de la C ritiq ue d e la ra is on p ra tiq ue, Kant

    repond a I' objection qu' on pourrait lui faire de n' avoir pas commenceson propos par une definition de la facultc de desirer, II ecrit alors: Vivre, c' e st le pouvoir qu' a un etre d' agir suivant les lois de la facultede desirer. La faculte de desirer est le pouvoir qu'il a d'etre, par ses repre-

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    60 - BERNARD BAASsentations, cause de 1a realite des objets de ces representations. Le p1aisirest la representation de Ia concordance de l'objet ou de l' a ction avec le sconditions subjectives de la vie, c' e st-a-dire avec le pouvoir de causalited'une representation relativement a. Ia realite de son objet. 15

    De ce point de vue, la faculte de desirer se rapporte au bien-etre(Wohl) du sujet. Or, seule l'experience sensible pouvant decider du plai-si r, il u'y a la. aucune possibi lite d'une determinat ion a p r io r i. Autant direque la faculte de desirer precede alors de l'imperatif hypothetique, quel' on pellt ainsi resumer: si, par hypothese, le resultat de l'action doitcontribuer au bicn-etre, alors, les moyens mis en ceuvre pourront etredits bons. Se laisse entendre ici la maxime : l a fin justifie les moyens ,c' est-a-dire Ie principe me me de l'immoralite, puisque cette m esttoujours rapportee, d'une faccn ou d'une autre, au bien-etre. Ce bien-etre, ce Wohl, n' est pas seulement le plaisir brut; c' e st aussi bien le senti-ment de sympathie pour autrui, ce que Kant appelle, dans les Fondementsde la m etaphy siq ue des 1I1IrUrS, l' amour pathologique 10 ( a . entendre biensur en un scns non pas clinique mais etymologique), amour pathologiquequi reside dans le penchant de la sensibilitc, et qui releve toujours d'unc compassion amollissan te 17.Autrcmcnt dit, agir en vue du bien-etred'autrui par svnpathie pour autrui, c'est deja. agir en vue de son proprebien-etre a soi, ce qui rend l'action pathalogiquement determinee, et doneetrangere a . la rnoralite. C' est ee que resume la seconde proposition desP o n d e m e n t s de fa r ne ra ph ys iq ue d es m aurs : Une action aceomplie pardevoir tire sa valeur morale non pas du bit qui do i t etre atteint par elle,mais de la maxime d'apres laquelle elle est decidee ; die ne depend doncpas de la rcalite de l'objet de l'action, mais uniquement du principe d u v ou -lair d'apres lequell 'action est produitc sans cgard a . aUCUl1des objets de lafaculte de desircr. 18 C' est pourquoi la rai son pratique ne saurait dependred'aucun objet empirique. Le concept d'un tel objet est le Bien, d as C ute ,a . entendre selon la distinction qui l'oppose au bien-etre, da s Wahl. C' estparce que la raison pratique est aussi raison pure que le concept de Bienne doit pas ctre determine avant la loi morale, mais seulernent apres cetteloi et par elle lU. C'est donc la loi qui fait l'action moralement bonne, etnon la fin empirique que sert ou qu'est supposee servir cette action. Telest le scns de ce que Kant appelle la volonte bonne (et qui est - rappe-lons-le - tout le contraire de ce que no u s en tendons habituellement enfrancais par bonne volontc ) : c'est la volonte qui agit par devoir et seu-lement par devoir!", Son imperatif n' est pas hypothetique mais catego-rique (c'est-a.-dire a p r i o ri ) , ce qui signifle que la raison pure dans son usagepratique, et en tant qu'elle est pure, ne peut que se rapporter a. clle-meme.

    iLe desir pur - 61

    C' est pourquoi la volonte raisonnable est auto nome, et non pas hetero-nome comme rest une volonte soumise a. l'ordre sensible, c' e st-a-dire audesir".

    Pourtant, il faut aussi que cette volonte raisonnable se rapporte a.l'action empirique et realise, dans l'ordre pratique, la synthese de l'apriori et de l' empirique. Tel est l'enjeu de la typique de la raison purepratique: la maxime de l'action, pour etre morale, doit avoir pour type la loi de la nature - non pas quant a. son contenu, mais seu1ementquant a . sa forme, laquelle est precisernent rationnel le. C ' est ce qu' cnoncel 'irnperatif categorique : Agis comme si 1a maxi me de ton actiondevait etre erigee par ta volonte en loi universelle de fa nature. 22

    La rnoralite de l'action ne depend donc nullernenr du principe sub-jectif du desir, lequel releve toujours du pathologique; elle ne dependque de la volonte qui af firme son autonomie en legiferant pour ellc-meme,selonle principe formel de luniversalin; a p ri or i de la loi. Ce principeformcl est la non-contradiction, de sorte qu'une volonte raisonnable nepeut pas vouloir la contradiction: Est absolument bonne la volonte quine peut ctre mauvaise, dont par suite la maxi me, quand elle est convertieen loi universelle, ne peut jamais se contredire cllc-merne. 23

    Ce qu'illustre l'apologue du depositaire, auquel Lacan fait allusion>":en tant que depositaire, je peux certes desirer disposer pour moi-memedu bien qui m' a ete confie ; mais je ne peux pas Ie vouloir, car eriger en10i universelle la maxime d'une telle action signifierait que tout lc mondeest fonde a . nier le depot qui lui est confie, de sorte qu'il n'y aurait plus dedepot et donc plus de depositaire, En resume: je ne peux pas vouloirqu'il n'y ait plus de depositaire au moment meme O U je pretends profiterc le r na q ua li te de depositaire.

    Tel est donc Ie fondement rationnel pur de la moralite. Seule est ditemorale l'action faite par devoir, c' est-a-dire uniquement en rapport a.l'irnperatif categorique, Et Kant insiste sur ce qu'une action peut bienctr~ conforme au devoir sans ctre faite par devoir. Pour qu' elle soitvent.ablement morale, l'ac:ion ne doit etre motivee par rien d'autre quela 10l morale. Il sufht que Je songe a mon bien-etre, a . mon desir, a.mesinclinations, il sufht que ma decision soit mue par le moindre mobile pathologique , pour que mon action ne so it plus morale. Pour agirmoralement, il faut donc que je recuse tout pathos : L' apathie est unecondition indispensable de la vertu. 25 Et c' est bien pourquoi aucunexemple de rnoral ite ne peut etre assurernent presence dans l' experience,car aucune preuve sensible ne saurait ctre donnec de l' apathie du sujet del'action. Toute l'analyse de Kant est ainsi Iondee sur 1'identification du

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    62 - BERNARD BAASsujet a . la loi et sur son apathie , ce que Lacan appelle la rejection radi-cale du pathologique 26.Rejetant tout sentiment, le sujet echappe a .toute logique de l'interet sensible, et peut s'identifier a . la loi, en s'affirmantlegislateur de cette loi a . laquelle il se soumet.

    Hannah Arendt a montre, dans son Rapport sur la banalite du ma1 27 ,ce qu' a rendu possible, sans qu' elle en soit responsable, la philo sophiemorale de Kant. Il a suffi aux ideologues nazis de remplacer la raisonpratique de Kant par la volonte du Fuhrer pour donner cette formu-lation de l 'imperatif categorique dans le H Ie Reich: Agis de telle sorteque Ie FUhrer, s 'il avait connaissance de tes actes, les approuverait. 28Certes, cedevoiement de lapensee de Kant implique un contresens massifMais ilconserve de la pensee kantienne cette idee toute formelle que res-pecter la loi (et donc faire son devoir) signifie non seulernent obeir a . laloi, mais aussiagir comme si l'on etait le legislateur de la loi a . laquelle onobeit 29.C' est a . cette idee qu' en appelerent pour leur defense, dans lesproccs de l'aprcs-gucrre, bien des nazis et notarnment Eichmann: il nes'agissait que de faire son devoir, ce qui impliquait de taire tout senti-ment, to ute pitie - Kant aurait dit : toute compassion amollissante .En un mot: il faut etre apathique , c'est-a-dire s'assujettir a . la loi ens'instituant soi-merne legislateur de cette loi.

    * Apathie est precisement le concept avarice par Sade, notamment

    dans la P hilos ophu: dans le boudoir (texte auquel le Kant avec Sade de Lacan devait servir de preface dans une edition moderne), ou, et demaniere au moins exterieurernent analogue a . Kant, la maxime du libertinsadique prend la loi naturelle pour type de la maximo de son action:

    Dolmance : [...J La destruction etant une des premieres lois de lanature, rien de cc qui detruit ne saurait etre un crime. Comment uneaction qui sert aussi bien la nature pourrait-elle jamais l'outrager? Cettedestruction, dont 1'homme se flatte, n'est d'ailleurs qu'une chimere ; Iemeurtre n' est point une destruction; celui qui le commet ne fait quevarier les formes, s'il rend a . la nature des elements dont la main de cettenature habile se sert aussitot pour recompenser d'autres etres; or, commeles creations ne peuvent etre que des jouissances pour celui qui s'y livre,le meurtrier en prepare donc une a . la nature; illui fournit des materiauxqu' elle emploie sur-le-champ, et l'action que des sots ont eu la folie deblamer ne devient plus qu'un me rite aux yeux de cette agente univer-selle. 30Ce n'e st donc pas pour son propre plaisir sensible qu' agit Ie

    L e des ir pur - 63libertin, mais pour la jouissance de la nature. En ce sens, l'apathie doitetre opposee a . la sensibilite, Le meme Dolmance dit plus loin: Lesplaisirs qui naissent de l'apathie valent bien ceux que la scnsibilite vousdonne. 13Certes, Sade emploie encore ici le terme de plaisir. Mais cettesentence indique sans ambiguite qu' au-dela du plaisir sensible, c'est autrechose que rencontre Ie sujet apathique.

    Tous les commentateurs modernes (M. Heine, Bataille, Klossowski,Blanchot, Barthes) ont fait remarquer la place determinante qu'occupe leconcept d'apathie dans l'ceuvre de Sade. Et c'est aussi en rapprochant letexte de Sade et celui de Kant qu' Adorno et Horkheimer ont construitleur these selon laquelle la formalisation de la raison, jointe a . l'apathie,conduit a . instrumentaliser tout objet empirique, et done a . traiter lesautres comme de simples choses soumises a . la legislation d'une pure Ioi32.Tel serait, selon Horkheimer et Adorno, le sens de ce que la philo sophiea ecrit depuis Kant jusqu'a Nietzsche indus, et que un seul a realisejusque dans les moindres details; l'ceuvre du marquis de Sade montrel'entendement non dirige par un autre, c'est-a-dire le sujet bourgeoislibere de toute tutelle 33.Cela appellerait bien des commentaires, tantsont nornbreux et lourds les presupposes de cette sorte de comprehensiontotalisante de la pensee moderne. Mais, pour ce qui nous occupe ici,disons simplement qu'une telle interpretation meconnait la divisionqu'instaure, dans le sujet lui-memo (et non simplement dans le corpssocial), la soumission consentante et apathique a . la loi.

    A cet egard, la lecture de Sade par Blanchot - dont 1'un des meritesest de suivre les contradictions qui traversent l'ceuvre de Sade - est plusproche de la these de Lacan, dont elle est d'ailleurs strictement contempo-raine'", Blanchot montre que, pour Sade, Ie principe de la negationconstitue en 1'homme Ie principe merne de la puissance, de sorte que leheros sadien suit cette logique de la negation jusqu'a la negation de lanegation. On pourrait presque dire que Blanchot nous propose un Hegel avec Sade , Mais ilmontre ainsi que l'apathie comme negationde la sensibilite conduit, au-dela des plaisirs, au-dela du plaisir, a . ce qu'ilnomme la jouissance souveraine : Tous ces grands libertins qui nevivent que pour le plaisir ne sont grands que parce qu'ils ont annihile eneux toute capacite de plaisir. C'est pourquoi ils seportent a . d' effroyablesanomalies, sinon la mediocrite des voluptes normales leur suffirait. Maisils se sont faits insensibles: ils pretendent jouir de leur insensibilite, decette sensibilite niee, et ils deviennent feroces. La cruaute n' est que lanegation de soi, portee si loin qu' elle se transforme en une explosiondestructrice; l 'insensibilite se fait fremissement de tout l 'etre, dit Sade;, (

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    64 - BERN ARD BAAS" l'am.e passe a une espece d'apathie qui se metamorphose bientot enplaisirs mille fois plus divins que ceux que leur procureraient des fai-blesses ". [ .. . J si, dans cet etat d 'aneant issement OUil (Ie libertin) ri'eprouvepour les pires execs qu'une repugnance sans gOllt, il trouve un derniersurcroit de force pour augmenter cette insensibilite en inventant de nou-veaux execs qui lui rcpugnent davantage, alors il passera de l'aneantisse-ment a la to ute-puissance, de l'endurcissement a la volonte la plus extremeet, " bouleverse de toutes parts", il jouira souverainement de soi au-delade to utes les l imites. 35c'est preciscment ce concept (si toutetois il s' agit d' un concept) dejouissance, en tant que cette jouissance est radicalement distincte du plai-sir, que Lacan epinglc au cccur du Iantasmc sadien.

    *A l'impcratit kanticn - l'imperatif catcgorique -, Lacan fait corres-

    ponclre l'impcratii sadien, en tant qu'il commande (selon une logique queje vais tenter de deployer) la jouissance. La jouissance ct non lc plaisir.Observons que la maximo saclienne est elaborce par Lacan; on ne latrouve pas litteralement forrnulee dans Ie texte de Sade. Voici cettemaxime, cet imperati f sadien : J ' ai le droit de jouir de ton corps,peut me dire quiconque, et ce droit je l'exercerai, sans qu'aucune limitem' arrete dans Ie caprice des exactions que j' ai le gOllt d'y assouvir. 36Notons cl'emblee que le droit dont il est ici question, droit de quiconquea la jouissance de mon corps, n' est pas limite par mon propre droit. Lalogique de ce droit n' est done pas identifiable a celle dite des droits del'homme, droits qui impliquent toujours la reciprocite. Si la maximesadienne, comme le di t Lacan, n' exclut pas la charge de revanche, elleexclut toutefois la reciprocite'". Elle s'oppose clonc directement aux defi-nitions kantiennes du mariage : l'union de deux personnes de sexe diffe-rent pour la possession reciproque ct a vie de leurs proprietes sexuelles ,et du commerce sexuel : un commerce sexuel est l'usage reciproque quefait un etre humain des organes et pouvoirs sexuels d'un autre 38.Et c'estpourquoi on n' accederait a la republique sadienne (celle que decritP ra nc ai s, e nc or e u n e ff or t . .. ) qu'a la condition, justemcnt, de faire l'effortde renoncer it toute logique de la propriete et du commerce en matierede dcsir. Que cc droit it la jouissancc ne soit pas limite par cclui dont lecorps en est l' objet impliq ue alors que l'excrcicc de ce droit ignore toutepitie et toute compassion; autrernent dit: ce droit implique l'apathiecomme sa condition meme. Ce droit est donc tout aussi bien l'affir-

    Le des;r pur - 65mation d'un devoir qui exclut toute autre motivation en dehors de cellequ'implique sa propre injonction. I1 a donc taus. les caracteres ~ue Kantreconnait a l'imperatif categorique: ala fois le reJet du pathologique et lapure forme de la loi. C' est pourquoi Lacan juge qu'il faut reconnalt~ea l'imperatif sadien le caractere d'une regIe recevable comme U111 -verselle : Il faut evidemment lui reconnaitre ce caractere pour lasimple raison que sa seule annonce (son kerygm~) a la vertu d'instaur~rit la fois - et cette rejection radicale du pathologique, de tout egard pnsa un bien, a une passion, voire it une compassion, soit la rejectio1: pa~ ouKant libere lc champ de la loi morale, - et la forme de cette 101 qm estaussi sa seule substance, en tant que la volonte ne s'y oblige qu'a debcuterde sa pratique route raison qui ne soit pas de sa maxime el,le-~1.em:. ~ 9L'imperatif sadien serait ainsi exactement homologue a 11mpe:atlfkantien. Mais arretons-ncus tout de suite a cette difference: la 10glquekantienne de la theorie morale comme theorie de la liberte transcen-dantale concerne le sujet et le sujet sed. En tant qu'etre raisonnable, lesujet kantien est Eauteur de la loi mor~le; en t~l:t qu'Stre libre; ~'.est-~-dire autonome, il est l'executeur de la 101 par quo 1 rl se confronte a l' impe-ratif categorique; et, en tant que douc d' une volonte bonne, il s' assuietiitlui-meme a la loi. Le sujet est donc ala fois auteur de la loi, executeur de laloi ct assujetti a la loi.Or , c'est precisernent la distinction de ces trois roles - si l'on peutdire - que Sade rend manifesto dans son texte : l a regIe ge1~er~le de tO~ltesles scenes decrites par Sade est de mettre en presence la vrctime (qUI estassujettie a la loi), le bourreau (qui execute la loi) et un tiers (qui di~: fais ton devoir , c' est-a-dire qui prescrit la loi). Qu' on permette que Jem' essaie a mon tour au petit jeu - tant prise des commentateurs - surles noms des heros de Sade. Dans la P hilo sop hic d ans le b ou do ir, Mme deSaint-Ange est l'organisatrice de toute l'affaire; c' e st elle qui prescrit laloi. Dolmance en est l'executeur. Et, des la premiere posture (commedit Sade) , il prend pour victime Eugenie. Ce que manifeste la conjonctionde ces initiales est bien 1'eclatement de l'unite du sujet Sade en cettesorte de partition trinitaire : SA-D-E.Mcme si Lacan n' articule pas les choses de cette maniere, c' e st pour-tant a partir de la quc peut se comprendre sa these ~eyinscription de ladivision subjective dans le fantasmc sadien. Cette division se lit dans la bipolaritc 40 dont s'instaurc la loi, c'cst-a-dirc la loi morale, aussi biensous les especes de l'imperatif sadien que de l'imperatif kantien. L'un deces deux poles est le sujet, en tant qu'il est reduit ici a n'etre .quel'agent-executeur de la loi. L' autre pole est - precisernent - celui de

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    66 - BERNARD BAASl'Autre, qui est. tout a l~ fois auteur (source) de la loi et assujetti a la loi.De cette fonct10n de 1Autre dans son rapport a la loi, nous aurons are~arl~r .da~~ un in_stant. Ce qui doi t d'abord ctre precise, c'est que lesUJet, 1C1,s evanouit et se reduit, en tant qu' agent-executeur, agent-tourme1:teur, a c; que L~can appelle l' objet a 41. De cet objet a, je nedorinerai, dans llmmedlat, aucune definition. Retenons-en seulernent-: et Lacan n'en d.eman~e pas plus - sa place dans la structure, sa place~ ag,ent,. sa fonct1~n simplernenr et exclusivement mediatrice pour1execution de la 1 0 1 , bref sa fonction d'agent-executeur..Mais l 'agent, j .ustement, u'est que l 'agent. Il ri'est que le mediateurqUI relie, en les rejetant dans une merne entite, l'auteur de la Ioi et celuiqui est assujetti a la loi, c' est-a-dire - au double sens de ce mot _ Ie

    s ;~e : mC~l1ed~ la loi. D.e ce sujet (c.omme source de la loi), l'agent recoitI 1?JO:1ct1~nd ~ccomphr son devoir, et a ce sujet (comme sujetion a la101), :1 'lIt, subir les ~~ets .de ,ce devoir. Pour ce sujet assujetti, il n'estquestion d aucun plaisir 111 d a~lC~ll1bien-ctre (Wohl): il n'y a que Iadouleur, douleur patente de la victirne dans Ieceremonial sadien douleurde l'hlll~1il.iati~n,rec.o~1I1uea~ Kant COl11l11ec prix dont sepai~ souventla SOUl1llSSl0nla 1014 Pour I agent cxecuteur de la loi, la regIe est donel'a~a.thie, c'est-a-dire la disparition du plaisir. Dans l'irnperarif kantien, leplaisir est (solon les terrnes de Lacan) Ie rival stimulant de la volonte de cclui. qui ,ag.it moralement; dans I'imperarif sadien, il ri'est que le comph~e defaillant de la volonte d'ou lui vient la loi43 En tant qu'ilest apathique, en tant que sa presence se resume a n'etre que l 'instru-ment. de la loi44 , l'agent-exccuteur accomplit un acte rigoureusement etpartaitement moral, au sens merne au Kant definit 1 'action morale.. Quelle est ~lors,cette .volonte qui commande 1'accomplissement apa-

    t~lque de la 1 m ? ,Cest, dl~~acan: la volonre de l'Autre45, en tant qu'eIlen est pas volonte de plaisir rnais volonte de jouissance. Pour ne pasconfondre les perspectives, il faut ici repeter l' imperarif sadien et saisirtout ce qu'implique ~afor~11ulation par Lacan: J' ai Ie droit de jouir de:on corps, peut. "" dl~e ~ulconqu,e [...] Dans cet imperatif le je quienonce son drol: a laJOl:lssan~en_est ~as Ie me qui enonce l'imperatif,~e sortc que ce.t:n_1peratlfsa.dlen In:plrque et manifeste la division subjec-trve cornme dIVISIondu sUJet de 1enonce et du sujet de l'enonciation : [ ... ] la bipolarire .dont ~'il ;staure la Loi morale n' est rien d'autre quecette refente du sujet qUI s opere de toute intervention du signifiant:nornmernenr du sujet de l' enonciation au sujet de l'enonce, La Loimorale n'a p~s d'autre principe. 46 Dans l'imperatif sadien, le me du peut me dire , le me auquel s'impose l 'imperatif, est Ie sujet de

    Le des ir p ur - 67l'enonciation c'est-a-dire a la fois l'auteur et la victime de laloi, ou encore1'Autre. L'imperatif s'impose a ce me ; ainsi Lacan peut-il dire qu'icil'imperatif nous est impose cornme d I'Autre 47. Le je qui dit: j' aile droit , Ie sujet de l'enonce, se reduit a n'etre que l'agent de la loi qu'ilimpose a l'Autre. Cette division, cette refente du sujet est precisement,selon Lacan, ce qu'escamote l 'imperatif kantien ( Agis de telle sorteque... ) , escamotage qui implique celeurre que Ialoi vient d e ] 'Autre 48,alors qu' eIle precede en fait de la division subjective. C' est pourquoiLacan dit de Ia maxi me sadienne qu' eIle est plus honnete"; puisqu' elleindique que l'Autre est le sujet de l'enonciation, alors que la maxi mekantienne, pour masquer la division subjective, sepresente comme ema-nant d'une voix interieure.

    Observons incidernment que Lacan prete ici a Kant une metapliorequi ne se rencontre pas dans son texte mais appartient en propre a larhetorique de Rousseau": Cette confusion n' est pas insignifiante, euegard a ce qui nous interesse dans cette etude, a savoir l'engagement(effectif quoique impense - ou tout au mains non explicite) par Lacandu questionnement transcendantal dans Ia tlieorie du desir, A ne paspercevoir cequ'il doit a Kant (et pas seulement clanscet ecrit, comme 110USle verrons plus loin), Lacan en vient a lui preter un motif qui lui estd'autant plus etranger qu'il ne saurait s'accorder a Ia perspective trans-cendantale, puisqu'il releve de Ia conscience empirique et du sentimentinterieur, voire de l'amour de soi.

    Mais l'essenticl est ici 1'invitation Iacanienne a reconnaitre que Sadeest plus vrai que Kant, en ce qu'il manifesto la division subjective, l'eva-nouissement ou aphanisis du Sl*t51 Pour n' avoir pas a supporter sa divi-sion et la douleur cruelle qu' elle implique, le sujet sadien, mais aussi lesujet sadique, reporte sur l'Autre l'effet cruel de Ia Ioi qu'il invoque chezl'Autre et, s'evanouissant, il se reduit a n'etre que 1'agcnt apathique decette loi, soit objet a.Et c'est pourquoi Lacan dit que la Ph i lo soph ic dan s I e b o ud oi r donneIa verite de Ia C ritiq ue d e la ra is on pratique, L'imperatif kantien, tout

    comme l'imperatif sadien, procede de Ia volonte de l'Autre. Au-dela duplaisir que semble viser le desir, il y a lajouissance qui exige l'evanouisse-ment du plaisir. Au-dela du bien-etre, du Wohl qui semble motivertoute action, il y a le contentement de soi, la Selbstzujriedenheit dontparle Kant (et que Lacan n'cvoque pas - nous y reviendrons), quiimplique de fairc le sacrifice de son Wohl , de son bien-etre. Le desir neserait donc que l'envers de Ia loi morale et Ia loi morale l'envers dudesir53

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    68 - BERNARD BAASIl faut ici marquer un tem.ps et prendre la rnesure de l'enjeu de cette

    conclusion de Lacan, a. l aq uelle s' arretent Ie plus souvent les lecteurs de Kant avec Sade , car elle recouvre preci sernent l' interpretation freu-dienne de la loi morale: l'imperatif categorique comme imperatif sur-mo ique. Que l'on se reporte aux textes de Freud plus haut cites, et plusparticulierement a . l 'essai intitule Le moi et Ie eta : Freud y decrit etexpliq ue le contentement que le sujer eprouve, dans l ' experience morale, a.se sournettre a. l 'irnperatif du surrnoi, qui pourtant le fait souffrir. Et ilpoursuit par cette rel11arque etorinante : On peut aller plus loin ethasarder l'hypothese qu'a. l'etat normal le sentiment de culpabilite doitrester en grande partie inconscient, ce qu' on appelle les scrupules deconscience se rattachant intimement au complexe d ' C E d i p e , qui faitparti e de 1'inconscicnt. S'il se trouvai t quelqu'un pour erncttre ce paradoxeque I'hornme normal n' e st pas seulement plus immoral qu'il le croit,mais aussi plus moral qu'il ne s'en do ute, la psychanalyse, dont lesdonnees servent de base a la premiere partie de cette proposition, n'auraitaUCU11eobjection a. e levcr contre la seconde. A quoi est ajoutee cettenote: Cctte proposition n'est d'ail leurs paradoxale qu'en apparence; elleenonce seulement qu' aussi bien dans le bien que dans Ie mal, l'hommepeut beaucoup plus qu'il ne croit, autrement dit qu'il depasse ce que sonmo i sait a ce sujet grace a ses perceptions conscientes. 54 Ce qui peut aussibien se formuler ainsi : il faut choisir entre le desir et [a loi, m e me si lechoix est, dans les deux cas, celui du perdant. Car, s'il poursuit son desir,son bien-etre, son W o h l , Ie sujet est coupable d' avoir failli, au regard dela loi. Si, en revanche, il opte pour la loi, ilne lui rcste plus qu'a faire ledeuil de son dcsir. Situation d' apparence tragiq ue, et qui semble justifierque Lacan en appelle a. la figure d'A ntigone (no us reviendrons plus loinsur cette reference). Or, c' est precisernent juste apres avoir evoque Anti-gone que Lacan avance cette affi rmat ion: Le desir, ce qui s'appelle ledesir suffit a faire que la vie n' ait pas de sens a faire un lache. Et quand laloi est vraiment la, Ie desir ne tient pas, mais c'est pour la raison que l a l o iet le desir reJoule sont tine seule et m eme chose, c' est meme ce que Freud adecouvert. Nous marquons le point a la mi-ternps, professeur. 65

    Eh bien, puisqu'il faut - semble-t-il - le prendre ainsi, passons alaseconde mi-ternps, Je ne sais qui y marquera des points, ni merne s'il seraencore question d'en marguer. Car il se pourrait bien que les joueurs enviennent a faire se confondre les couleurs sous lesquelles ils s' avancent ...Mais, soyons sport ifs; et jouons cette seconde mi-ternps.

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    L e d e s i r p u r - 69J 'en donnerai le coup d' envoi par cette rel11arque: Kant avec

    Sade est traverse par IDle difference qui ne se laisse saisir que danssa typographie; loi est ecrit tantot avec un 1 minuscule, tan totavec un L majuscule. n ne peut s'agir d'un simple hasard. Quellessont donc ces deux lois ou, tout au moins, ces deux occurrences dela loi ?Dans le passage qui precede immediaternent la derniere citation, Lacanevoque l'apologue kant ien du gibet56 : till individu, dit en substance Kant,prefererait renoncer a son desir luxurieux, plutot que de le realiser auprix d'etre pendu au gibetfi7 Certes, il est patent que bien des heros deSaele trouveraient dans cette menace de la potence un motif supplemen-taire a l'accompl issement du desir , c' e st -a-dire a l'accompl issement deleur devoir d' a gents-executeurs et apathiques, C' est pourquoi Lacanprecise: Car le gibet n' est pas la Loi , avec un L majuscule. LaLei - ajoute-t-il- est autre chose, cornme on le sait elepuis Antigone 68.Quelle autre chose? et pourquoi Antigone? Nous y reviendrons.Pour l'instant, observons que si [e gibet n'est pas la Loi, c'est donc qu'il11'est que la loi. Or, c' est aussi avec une minuscule que Lacan ecrit loi lorsqu'il dit, quelques lignes plus loin, que la loi et le desir refoule sontune seule et merne chose , Qu' est-ce que cette loi ? Nous l'avons cornprisil y a un instant: c'est l'imperatit surmo ique, la loi surrnoique, dont lalogigue est strictement freudienne. Selon cette logique freudienne, lesurmoi est - si l'on peut dire - la concretion, en tout cas l'effet ducomplexe d'CEelipe. Or, de ce complexe el'CEdipe, on sait - au moinsdepuis Lacan - qu'il est un my the. C'est lT1C111.ee mythe de Freud(d'autres diraient : son syrnptome). La substance de ce my the freudienconsiste a. poser la mere cornme experience de satisfaction originaire.Mais, s'il s'agit d'un mythe, la question est alors - au-dela du my the -de savoir d' O U s' origine le desir. Telle est la question que Lacan entenel nejamais oublier. Elle porte au-dela du surmoi, au-dela de la loi (sur-moique}; elle est la reprise lacanienne de la question freudienne de l' au-dela elu principe de plaisir.

    Cette question, que Lacan presente comme la question ethiq~le parexcellence, traverse et anime tout le livre VII de son Seminaire, I' Ethicued e la p s y c ha l ' l a ly se , qui n' est anterieur que de deux ans a. la redactionde Kant avec Sade , dent il constitue - on pourrait aisernent le mon-trer - la preparation". Toute la recherche de Lacan, dans ce Seminaire,tourne autour de ce qu'il appelle la Chose ( d a s D i n g ), concept (maisen ce cas, plus encore que dans tout autre, on ne sait si l' on peut verita-blement parler de concept ) qu'il reprend a Freud, plus precisernent au

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    freud de 1'Esquisse 60, et qu'il entend infiechir dans un sens plus ou moinsheideggerien. Au-dela du desir en tant que desir articule a un objetdesire (soit a ce que j'appelle ici un epithumene}, il y a la Chose, da sDing. Precisons : en tant qu' objet perdu, d as D in g renvoie au conceptfreudien d' experience de sat isfact ion , a entendre bien sur commeexperience originaire. Mais, justement, c' e st cctte originaritc qui fait iciprobleme. Pour Freud, il y a bien experience originaire, dont les tracesmnesiques constituent une sorte d'image dissoute de l'objet satisfaisant,telle qu' elle determine l' elaboration du desir du sujet, et l'engage aretrouver ce qui a ete perdu, selon une logique de l'identite (identite deperceptions etlou identite de pensces). Il s'agit donc d'une originariteempirique, d' un vecu, comme on dit. Et I' on sait comment la traditionkleiniennc s' est engagee dans cettc voic de l' explication de l' activitedesirante du sujet, faisant de tous les mecanismes psychiques les moyeusplus ou mains directs, plus ou mains dctourucs, de retrouver 1'0bjet qui,a l'origine, ctait scul susceptible d' apaiser l'ctat de dctrcsse, la I-li!jlosig-keit : le corps de la mere. Voila Ia clef des songes et la clef du mystere.ElIe ouvre, nous assure-t-on, to utes les portes du labyrinthe de l'in-conscient. Parcourez en tous sens le dcdale des representations, les nceudsassociatifs, les fantasmes et les reveries, vous y retrouverez toujours Iecorps de la mere. Voila, selon cette tradition, ce qui donnerait sens a cette chose perdue , voila ce qui donnerait corps a d as D i ng .

    Ainsi d as D i ng serait le sens - peut-erre me me la verite - originaire,dont 1 a perte irremediable commanderait alars dans l'inconscient les jeuxde signifiants, produisant fantasmes et syrnptomes et, plus particuliere-ment, sous la forme etrange de cctte libido descxualisee dont parlentFreud et Melanie Klein, Ia sublimation comme tentative de reconstituercette image mnesique brisee, dissoutc, decornposee, du corps de la mere.n y a la nne anthropologie dc la detresse, de la dereliction, qui sc soutientde la 1ble qui, ici cornmc aillcurs, la constitue : celie de la perte originaired'un bien prccicux, d'ulle originc designee, plus encore: lguree, imagee.Lacan nc s'y trompe pas, qui parle a cc propos d'un my the kleinien 61- rnais il appartient aussi a Freud.

    La Ionction de ce my the en tant que lcurrc est d' e viter ce qui devraitau contraire nous interpcler: comment se fait-il que quclque chosed' aussi precieux que cette experience originaire, quelque chose d' aussiirremplayable que cette sorte de souverain bien, dont on certifie la realiteempirique initiale, puisse etre ainsi oblitere, jusqu'a ce que la perte enaffecte non seulement le vecu, mais 1'image merne ? Plus simplement:qu' est-ce qui, dans Ie sujet, rend possible la perte dont precede le desir ?

    Le dhir pur - 71Voila tres precisement Ia question que doit poser une theorie transcen-dantale du desir. Et c' e st celle que pose Lacan.

    Ou plutot qu'il ne pose pas, mais a laquelle, pourtant, il repond.Lacan emploie ce mot: l a Chose , d as D i ng , precisement parce que da sDing n' est pas dicible, encore moins figurable, parce que donner uncontenu a cette Chose, c' est deja entrer dans Ie jeu des signifiants, c' estdeja la confondre avec l'objet desire, la reduire a un epithumene. Or, laChose est au-dela du jeu signifiant par quoi se trame Ia fonction desirantedu sujet, mf.me si - ou plutot parce qu' elle en est la condition depossibilite. Elle est, dit Lacan, le hors-signifie 62. Voila ce qui fait de IaChose est au-dela du jeu signifiant par quoi se trame Ia fonction desi-rante du sujet, meme si - ou plutot parce qu' elle en est la condition desuggere a Lacan de dire que: La Chose, si clle n' etait pas foncier~mentvoilee, nous ne serions pas avec elle dans ce mode de rapport qm nousoblige - comme tout le psychisme y est oblige - a . la cerner, voire alacontourner, pour la concevoir. 63

    II s'agit en effet de contourner et non de devoiler, car comment devoi lerce qui releve de la categoric du manque, ou plutot constitue le manquecornrne categoric? Nous employons ici a dcssein le terme kantien de categoric , mais non pour completer la table kantienne des conceptspurs de l'entendernent - d' autant moins qu' on verrait mal a quel juge--ment de l' e ntendement faire correspondre la categoric du manque ausens ou on l'accepte ici. Cependant, cette categoric sc rapporte bien a unjugement, mais qui ne releve pas de l' e ntendernent. II releve de Ia facultede desirer, il est tout simplement le jugement du sujet desirant lorsqu'ildit : Cet objet est desi rable. Et, dans le eliscours de Lacan, rneme s'ils'interdit une telIe formulation - mais, justemcnt, cette reserve est ensoi un problerne sur lequel nous aurons a revenir -, il s'agit bien dedeterminer les condit ions de possibil ite a pr io r i de cejugement, autrementdit d' elaborcr une logique transcendantale du desir.

    La Chose, da s Ding, tellc que Lacan la nornmc, n' est pas le significoriginaire qui constituerait le continuum de toutes les derives signi-f iantes. Ce proces de derive, ces mecanisrnes de substitution ne concernentque le dcsir entendu cornme dcsir d'un objet desire, comme desir epi-thurnenal. Or, das D ing est au-dela du desir epithumenal, c' e st-a-direaussi au-dela de la loi surmoique. Avec d as D in g, il n' est question que dececi : la perte est anterieure a ce qui est perdu. S'il y a elu desir, et si Iedesir emprunte tous les detours du proces substitutif de la metonymicsignifian te, ce n' est pas en vertu de la perte de quelque origine que ce soit,mais justement parce que la perte est elle-meme l'o rigine. Dans Ie paradis

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    perdu (qu'il s'agisse de la mere ou de tout ce qu 'on voudra), le paradisreleve du my the, seulle perdu releve du reel. Il est meme le reel ausens O U l'entend Lacan, c'est-a-dire non pas le monde exterieur de 1aphenornenologie, mais le non-monde, l' immonde 64.Il n'y a riend'anterieur a . d as D in g en tant que 1aperte meme, sauf a . se leurrer desapparences du fantasme ou du my the.

    C'est pourquoi l' objet du desir, l'objet desire, est toujours objetretrouve, Toutefois cet objet , en tant qu' epithumene, n'ajamais ete prea-lablement perdu: L' objet est de sa nature un objet retrouve. Qu' il a it eteperdu en est Iaconsequence, mais apres coup. 65A cet objet desire - plusexactement, au desir de cet objet - est art iculce la loi, surrnoique. La Loi,elle, est du cote de 1aChose, en tant que Ia Chose est 1aperte merne, lel11.anquefondamenta1 et originaire, pur manque qui constitue [e sujet e11ta~1tql~edivise. Et c'est pourquoi le gibet 11'est pas 1aLoi ,il 11'est que la101,qlll menace de 1apunition et qui, au fond, s'adresse encore au bien-etre, au Wohl , au pathos du sujet : Car le gibet n'est pas 1aLoi, ni ne peutetre ici par sUevoiture. Il n'y a de fourgon que de la police, laquelle peutbien etre l'E tat, comme on le dit, du cote de Hegel. Mais la Loi est autrechose, comme on le sait depuis Antigone. 66

    C'est en effet ce que Hegel ne sait pas, lui qui ne voit dans 1at ragediede Sophocle que le conflit entre la moralize familiale et le droit de 1ait '67 D de manii , 1 1 d 11 e. u reste, et e mamere genera e, e rapport e Hege a Kant esttoujours celui d'une transgression, d'un depassement par quoi Hegelpretend donner contenu et consistance a . ce qui n' e tait que formel dansla pensee kantiennc'", et notamment depassement des impasses de la moralite subjective dans 1a rnoralite objective , c'est-a-dire la consti-tution de l'Etat60. A cet egard, il est remarquable que le travail de Lacanait etc en quelq ue sorte regressif, puisqu' apres la reference initiale etmassi,:,e a . Hegel, dont 1a problematique de 1a reconnaissance lui per-rnettait de donner contcnu et consistance au desir, i1 a prefere la refe-rence kantienne, qui 1'appelait a . penser le desir dans 1a perspectiveformelle - a p ri or i, c'est-a-dire comme question transcendantale. Lalogique de cette regression imp1iquait d'abandonner Ia consistance dudesir pour reconnaitre, avant tout contenu empirique, la pure formede la Loi.

    Car il n'y a pas de consistance du cote de 130Chose, du cote de la Loi.La Chose ne concerne 1aLoi du desir qu' en tant qu' elle est 1'instance dontprecede la faculte de desircr, lorsque cctte faculte se donne un objet dedesir. Autrement dit, la Chose est le point d 'articulation de la Loi parceque, d'un point de vue structural, elle occupe la place exacte de ce que

    Le des ir pur - 73Kant appelle l' inconditionne absolu , terrne que n 'aurait pas renieLacan?". Expliquons cette remarque tres simplement, par une sorte deparallele homologique.Dans l'ordre de 1a connaissance, telle que l'analyse la Critiq ue de farai s on pur e, l'entendement applique aux phenomenes 1a categoric de lacausalite ; des lors, on peut concevoir les phenomenes dans une seriecausale O U chacun d' eux, en tant que cause d'un eflet, est la conditionmeme de cet effet. C' est pourquoi Kant parle de la serie des conditions .Mais si l'on rcrnonte cette serie des conditions, on risque fort de nejamaispouvoir s'arreter. C' est pourquoi, explique Kant, au-dessus de l'entende-ment qui fournit le concept p'. lr de la causalite, il y a la raison, qui apportea cet entendement l'idee de l 'inconditionne absolu (qui sera, en l'occasion,Dieu comme cause premiere et cause de soi) . En cela consiste la fonctionregulatrice, et seulernent regulatrice, de cette idee de l'inconditionne.

    incondi tionne absolu(Dieu)I

    faculre de connaitre= en te ndemen t pur(a p r io r i)

    Dans l'ordre du desir, tel que 1'analyse Lacan, la faculte de desirers 'applique aux objets du desir . C'est a . propos de ces objets du desir, deces epithumenes, que joue la derive substitutive ou chaine metonyrniquedu desir. Si ron remonte cette chaine - ce qui s'appelle, dans la termi-nologie clinique de la psychanalyse, la regression -, on risque fort den'arrivcr nulle part (sauf a . construire le my t he du corps de la mere ouautre cri primal). C'est pourquoi, explique Lacan (du moins selon lalecture qui me semble s' imposer), au-dessus de la faculte de desirer, quifait de 1 'objet sensible un objet desire (qui se rapporte a . l'cpithumene},il y a 1a Chose, c' est-a-dire le pur manque, qui n' e st le substitut ou lametonymic de rien d'autre avant lui, linconditionne.

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    inconditionne absolq(Chose)

    ILa conjonction de ces deux diagrammes - qui manifeste de maniere

    pate~,te ~et te renc~ntrc des ~iscou~s phi losophiquc et psychanalyt iqueque J aval,s an~oncee - autonse trois remarques, qui sont decisives pourla comprehension, non seulcment de la theorie lacanienne du desir maisaussi - ct surtout - dc la correlat ion, af firmce par Lacan, entre la ques-tion du desir et la problematique ethique (c'est-a-dire la question de laLoi).

    1. Toute la critique kantienne de la metaphvsique, dans la Dialectiquetranscendantale, consiste a etablir l'illegitimite de toute pretention del:~ntend~l:nent, a ,connaltre l'inconditionne. Kant dit en substance quel' incondi tionne n est pas connaissable, mais seulement pensable. La facultede conn~ltre pro.cede de l'idee de l'inconditionne absolu, de sorte qu' ellene saurait constituer cette idee en objet de connaissance. La fonctionregulatrice - et seulement regulatrice - de 1'idee de l'inconditionne estde .dirigery ent~ndement vers un certain but , O U convergent en un pointles hgnes directrices de toutes ses regles, et qui, bien qu'il ne soit qu'uneidee ( focu s imaginar ius j, c' e st-a-dire un point d' ou les concepts de l' e n ten-dement ne partent pas reellemenr, puisqu'il est place tout a . fai t en dehorsdes lil11jte~ ~e I 'experience possible , sert cependant a . leur donner la pluswan~e ~l1lte avec, la plus grande extension 71.Kant ajoute que ce foyerrmagmaire des regles de [a connaissance peut donner l' illusion d'etrelui-rneme un objet. Mais cette illusion ne doit pas nous tromper: l'in-conditionne n' e st pas un objet que l'on puisse connaitre; il est seulementune idee que l' on peut penser. C' est pourquoi l'usage regulateur est seulIegitime, a . l' e xclusion de I' usage constituti]. La regulation exclut laconstitution.

    Le des ir pur - 75

    inconditionne absolu(Dieu)

    faculte de connaitre=entcndement pur

    ( a p r io r i)

    De maniere parfaitement homologue, Lacan dit de la Chose qu' elleest articulee dans le desir, mais qu' elle n'y est pas articulable '" . Le paradoxen' est ici qu' apparent; il signifie que, si le desir est supporte par la Chose,ilne porte pas sur la Chose. Le desir, dont la fonction est de porter surdes 'objets sensibles, des epithumenes en tant qu' objets figurables (ycompris dans le reve et dans le fantasme), n' a pas vocation, n' est pas fondea prendre la Chose pour objet, parce que la Chose est hors-signifie .La Chose - pourrait-on dire - est le f oc u s imag in a ri us du desir, de sortequ'il ne saurait etre question de constituer la Chose en epithumene. Trans-gresser cet interdit, renverser l' ordre de la Loi dont precede le desir,ne peut se faire qu' en elaborant un my the (1 ' equivalent de l'illusion dont parle Kant a propos de la subreption transcendantale 7 3 ) , qui vientdonner une figure necessairement illusoire a cette Chose st rictementinfigurable.

    (Lo i ) jinconditionne absolu

    (Chose)

    faculte de desirer( a p r io r i)

    De toute facon, le my the ne manque jamais de se reveler pour ce qu'ilest. A cet egard, Sade apporte leur verite aux tenants de ce my the du corps de la mere . Car la mere de la jeune Eugenic est vouee, au termede cette sorte de seance sado-pedagogique qui s' est deroulee dans leboudoir, au pire supplice : Ia couture de son sexe. Or la victime, dans la

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    76 - BERNARD BAASst ructure du fantasme sadien, etant l'Autre, la couture faite sur cet Autreest donc l'aveu que cet Autre doit etre et demeurer non barre. L'A utre,comme figure de l'acces a la jouissance, est aussi, dans cette figurationmeme, figure de 1'inaccessibi lite essentielle de cette jouissance. Lacan nes'y trompe pas, qui ecrit, en conclusion de son texte :

    Dolrnancc, Sade l'a-t-il vu, clot l' a ffaire par un N oli ta ng er e matrem ,V ... ee et cousue, la mere reste interdite. Notre verdict est conhrme surla soumission de Sade a la Loi. 74 Cette fois, Lacan ecrit bien: la Loi celle qui interdit de faire de la Chose un objet du desir. La Loi interdit leleurre qu'instituerait le my the.

    2. Ma deuxieme remarque necessite l'adjoncrion d'un nouveau dia-gramme aux deux precedents. II concerne, cette fois, la structure kan-tienne de la raison dans son usage pratique. La volonre libre et autonornese rapporte a l'action empirique, en exigeant que la maxime de cetteaction soit universalisable. Or, cornme nous 1'avons vu, cette universali-sa~iol~, en tant qu' elle est la condition me me de la moralite, suppose larejection de tout clement pathologique . C' est pourquoi, dans laD i.a lec tiq ue d e fa r ais on p ur e p ra tiq ue, Kant dira que le sujet, en tant qu'ilaglt moralement, peut - non pas doit mais peut - postulcr l'immortalite~~ son ame .et l'~xistence de Dieu, de sorte que le bonheur (impossibleici-bas du fait me me du desir) serait donne a son ame qui, existant eter-nellement, pourrait alors parvenir a la perfection morale a laq uelle ellene p~ut parve:1ir dans l'existence sensible". Tels sont les postulats dela raison pratique, Mais, en toute logique, Kant insiste sur ce que la

    inconditionnc ~bsoltl(Dicu - imrnortnlire de l'func)

    volonte librc autonome( a p r io r i)

    action empiriquc

    l~berte de.l.a volonte est liee au caractere hypothetique des postulats. Car,Sl nous faisions des postula ts de la raison pratique une connaissance certaine

    Le disir pur - 77pour la raison theorique, il ne serait plus du tout question pour nous d' a girpar devoir (selon l'exigence d'autonomie), rnais seulernent par crainteou par esperance, ce qui est le propre d' une volonte heteronome, c' est-a-dire soumise au pathologique 76. C' est pourquoi Kant dit (avec uneinsistance qui lui a valu quelques ennuis) que la foi ne saurait en aucuncas preceder la moralite pour lui servir de mobile, sous peine de devoirconsiderer la religion comme relevant elle-meme du mal radical?".

    Admettre l'existence de Dieu n' est pas un devoir , dit Kant?", Lespostulats de la raison pratique ne constituent pas la condition prealablea la moralite. S'il est necessaire de croire en Dieu et en 1'immortalite del'ame (necessite subjective et non objective) pour qu' apparaisse I' espoirde participer un jour au bonheur dans la mesure O U nous aurons eu soinde n'en etre pas indignes 70, il n'est toutefois pas necessaire d'y croirepour agir moralement, ni meme pour eprouver la satisfaction quiaccompagne 1'accomplissement d'une action morale. En effet, Kantetablit la realite de cette satisfaction avant qu'il ne soit question despostulats de la raison pratique. Cette satisfaction ne releve pas du bien-etre. EUe ne precede ni de l' espoir d'une recompense, ni de la crainted'un chfitiment. EUe n'est done pas pathologique mais, dit Kant,seulement satisfaction negative : Ne dispose-t-on pas toutefoisd'un terme designant non une jouissance, cornme le mot bonheur, maispourtant une satisfaction attachee a l' e xistence, un analogue du bonheurqui do i t necessairement accompagner la conscience de la vertu ? Mais si!Ce terrne c' e st le contentement de soi-meme (Selbstzl,ifriedenheit) qui, ausens propre, ne signifie jamais qu' une satisfaction negative attachee al'existence, par laquelle on a conscience de n' avoir besoin de rien. [ ... J Decette maniere, c' e st-a-dire indirectcment, la libcrte elle-mcme devientcapable d' une jouissance qui ne peut s' appeler bonheur parce qu' elle 11edepend pas de 1'intervention positive d'un sentiment, ni beatitude, sil'on veut parler avec precision, parce qu' e lle n'implique pas une entiereindependance a l'egard des inclinations et des besoins, mais qui neanmoinsressemble a la beatitude, en tant du moins que la determination de lavolonte peut s' affranchir de leur influence et ainsi est analogue, au moinsd 'apres son origine, a . ce sentiment de suffisance en soi-rneme qu' on nepeut attr ibuer qu'a l ':Etre supreme. 80 Cette SelbstzuJriedenheit se rapportedonc a la Loi. Mais contrairement a ce que laisse a penser Lacan (dans lafoulee de Freud), ilne peut pas s' agir ici de la loi surrnoique qui regit ledesir du sujet par le sentiment de culpabilit e, autrernent dit par la menaced'une punition. Car la loi morale, chez Kant, dit: Fais ton devoir! ,et non pas: Fais ton devoir, sinon tu seras puni. Ce serait d' autant plus

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    78 ~ BERNARD BAASco~tradictoire q:le la 1.ois'adr~sserait alors au sujet en tant que patho-Ioglq~e , par ou la 101ne serait plus morale, mais serait seulement la loihegehennAede 1,ap~ni,tion, la l?i du gibet. La 10i morale de Kant ne peutdonc pas etre redu~t~ a cette 101;e~~eest; quoi que Lacan snggere, la Loi.

    C est p~urq~01 je, pr~pose d mscnre dans mon diagramme I' indicede cette sa~lsfactl~nnega~1Ve,de ce contentement de soi, par la lettre S(Selbs~z~ifrledenhelt), au lieu exact O U est signifiee la Loi en tant qu' ellel?te~dlt de transformer les postulats de la raison pratique en mobile de1 action.

    I inconditionne absolu IlDieu - immortal it e de l' iime)s{~postulats)volonte libre autonorne

    ( a p r io r i)

    Et l'on ~_ourr~italors demander aux psychanalystes s'il ne serait pasopportun d 1l1scn~el~ lettre ], comme indice de la jouissance _ nonp~s, .certes, .de la jouissance que vise Ie sujet sadien dans son fantasme(jouissance illusoire d'une satisfaction positive), mais de cettejouissance~oute p~rticuliere, dont Lac~n n~us assure que quelque chose peut ene:re. attemt dans la ~ure - d inscnre, donc, cet indice ] de la jouissanceatnsi entendue, au lieu exact O U est signifiee la Loi, en tant qu' elle interditl'acces du desir a . la Chose.

    inconditionne absolu(Chose)

    (Loi) j J {~)faculte de desirer

    (a pr iori )

    A q~i se demander~it ce qu'il convient d'inscrire, dans Ie diagrammede la ral~onpure theonque, comme equivalent de cette sorte de beneficede la LOl,~n ,rappellera ~eque Kant d~tdu rapport legitime de l'entende-ment aux Idees de la raison comme Idees de I'incondirionn- absolu: la

    Le des ir p ur - 79regulation, a . la condition de ne pas s'inverser en constitution de connais-sances, apporte a . la faculte de connaitre .l'unite systematique dont elle abesoin et qui, sans eel a, lui ferait defaut. On peut done completer parl 'indice U de l'unite systematique le diagramme de la raison theorique.

    inconditionne absolu(Dieu)

    (regulation)

    faculte de connaitre= entcndement pur( a p r io r i)

    3. Dans chacune des trois structures ainsi exposees (raison theorique,raison pratique, desir pur), est clairement maniiestee Ia distinction entre,d' une part, une faculte a p ri or i (soit, respectivement: l'entendement, lavolonte, la faculte de desirer) et, d 'autre part, les elements empiriques,c'est-a-dire a pos ter ior i , auxquels s'applique cette taculte (soit, respective-ment : le plienomene, l'action empirique, l'epitliumene). Or, a chaquefois (dans la connaissance, dans 1'action morale et dans Ie desir), il s 'agitde realiser l 'unite de l'element a pr io r i et de l'element empirique, c'est-a-dire de realiser l'unite de deux elements par nature heterogenes, A quellecondition une telle unite, apparemment impossible et pourtant necessaire,est-elle realisable? Comment quelque chose d'a p ri or i peut-il s'associer,s'unir a . quelque chose d'empirique? Comment ramener a l'unite ce quin'est pas de meme nature? C' est 111.e que Kant appelle le probleme de 1asynthese, probleme que manifeste, dans chacun des trois diagrammesproposes, la place pour 1'instant laissee vide entre la faculte a p ri or i etl'element a pos ter ior i auquel cette faculte se rapporte.

    On sait que, dans l'ordre de la connaissance (soit, pour Ie cas de laraison pure, dans son usage theorique), Kant resout ce probleme de lasynthese par la theorie du schematisme. Sans en reprendre ici tout ledetail, rappelons simplement que le scheme, en tant qu'il est, non pas1'image, mais la representation d'un precede general de l 'imaginationproductrice, est d' un cote homo gene a la categoric que foumit l 'entende-ment pur, de 1'autre hornogene a laphenornenalite sensible: Cette repre-sentation interrnediaire doit etre pure, et pourtant ilfaut qu' elle soit d'uncote intellectuelle et de l'autre sensible. Tel est le scheme transcendantal. 81

    Dans la C rit iq ue d e la r ai so n p ra ti qu e, Kant rencontre egalement ce

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    80 - BERNARD BAAS

    problerne de la synthese : comment une action necessairernenr empiriquepourrait-elle proceder en me me temps de la volonte autonome, c' est-a-dire de la liberte transcendantale du sujet? Ici - comme cela a ete rappeleplus haut - Kant resout le problerne de la synthese par la typique dujugement pratique pur: la maximo de l'action empirique, pour etremorale, doit pouvoir soutenir l' epreuve de Ia forme d' une loi univer-selle 82 dont la loi naturelle en general est le type.

    On peut done completer les deux diagrammes (de la raison theoriqueet de la raison pratique) en inscrivant respectivement le scheme et letype a la place O U doit e tre realisee la synthese,

    facultc de connaitrc=entcndemenr pur

    ( a pr io r i)voloute librc autonomc

    ( a pr io r i)

    synthesc transcendantalescheme uni versalisariontype

    act ion cmpiriq ue

    Revenons maintenant a Ia logique transcendantale du desir, telle quenous essayons de la suivre dahs le discours de Lacan. La merne questionde la synthese s'y laisse lire: que! sera l'element mediateur permettantd' efiecruer la syntheso entre la faculte a priori de desi rer et l'objet du desi r ?Pour paraphraser Kant, je dirai que, d'un cote, il faut que cet elementmediateur soit hornogene a la faculte de desirer a priori, en tant gue cettefaculte pro cede de l'inconditionne de la Chose; de l'autre cote;' il fautqu'il soit homo gene a l'objet qui se presente dans la sensibilite, soit a ceque j' ai appele ici l'epithumene. Plus precisernenr, cet element mediateura pour fonction de rendre desirable l'objet sensible, de sorte que, en sonabsence, l'objet ne serait pas desi rable, et le dcsir serait sans objet (structureexactemcnt equivalence a celIe que suggerc Kant: intuition aveugle _pensce vide83). En tant qu'il articule le dcsir a un objet pour faire de cetobjet un epithumene, cet element mcdiateur peut etre dit cause dudesir . II faut donc distinguer I'objet desire et I' objet cause du desir ;ce dernier, toujours qualifie en ce s terrnes par Lacan, ri'est autre quel'objet a.

    L' objet a occupe ainsi, dans la structure du desir, la place homologuea celIe du scheme dans la structure de la connaissance. Pas plus que le

    Le desir pur - 81scheme n' est dans l'objet de la connaissance mais constitue (c' e st-a-direcause) cette connaissance, I 'objet a n'appartient pas a l'objet desire (epi-thumene) mais constitue (( cause ) le desir de cet objet. Et l'on pourraitici evoquer tout ce que la clinique psychanalytique lacanienne apportea l'appui de cette these: l'objet a y est toujours designe cornme objetsepare, de tache, que ce soit a propos du sein, des feces, de la voix ou duregard: [ .. . J c' e st entre le sein et la mere que passe le plan de separationqui fait du sein l'objet perdu en cause dans [e desir. 84

    Mais, s'il u'est pas reductible a I'objet desire, I'objet a n'est pas nonplus identifiable au sujct du desir. II est seulement articule au sujet dudesir, mais en tant que ce sujet est divise. Cette division vient au sujet dece que son desir ne pro cede de rien de consistant, mais seulement du purmanque de la Chose. C'est le manque de la Chose qui le barre, $ (sujetbarre du desir), tel qu'i l s' arti cule (est articulo) a l'objet a dans le fantasme :$ 0 a85 : Si l' o n nous a Iu jusqu'ici, on sait que le desir plus exactementsesupporte d'un fantasme dont un pied au moins est dans l'Autre, etjustement celui qui compte, meme et surtout s'il vient a boiter. 86

    Car le pied boiteux, c'est-a-dire cedipien, du desir n'est pas mu sim-plement par 1'objet empirique desi re, mais d'abord et fondamentalementpar la faculte a pr ior i de desirer, en tant qu'elle precede du manque absolude la Chose. C' est dans le fantasme que Ie sujet divise rencontre a soninsu la cause de son desir, so it l'objet a. C' est pourquoi Lacan poursuit :L'objet (c'est-a-dire ici l 'objet a ), nous I 'avons montre dans l 'experiencefreudienne, l'objet du desir la O U il se propose nu, n' est que la scorie d'unfantasme O U le sujet ne revient pas de sa syncope. 87

    Le fantasme rend possible la syntliese de la faculte a priori de desireret de l'objet empi rique, synthese operee par l'objet a dans son articulationau sujet barre du desir. C' est exactement le merne dispositif que celuidont precede la synthese transcendantale dans la theorie kantienne de laconnaissance. En eflet, le scheme opere la synthese transcendantale parl in termcdiaire d'une determination a priori du temps, laquel le est homo-gene et a Ia categoric et au phenornene'", Or le temps, comme forme dusens interne, c'est-a-di re de I'intuit ion de no us-memes 8U, constitue - sil'on peut dire - Ia seule realite permancnte du sujet a travers la diversitede ses representations. Mais il ne s'agit Ia que d'une realite empirique,de sorte que le sujet ne peut se connaitre [ui-merne autrement quecomme phenornene : Mais tou tes ces questions d' ordre transcendantalqui depassent la nature ne pourront jamais etre resolues, quand bienmeme la nature tout entiere no us serait devoilee, puisqu'il ne nons estpas donne d' o bserver notre propre esprit avec une autre intuition que

    IIl,Il[

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    BERNARD BAAS

    celle de notre propre sens intime. En effet, [. ..j nous ne nous connaissonsnons-memes que par Ie sens intime, c'est-a-dire comme phenomenes. 90

    Nous pouvons bien poser la necessite d'un sujet transcendantal, nouspouvons meme le penser comme substance (c'est-a-dire l'ame, le purje-pense), mais nous ne pouvons pas pretendre le connaitre, puisque l'ideed'un substrat de toutes les representations n'est precisement qu'une i d e e ,en tant que telle inconnaissable. Le sujet dans sa purete de sujet (soitcomme sujet transcendantal) ne saurait seprendre lui-memo comme objetde connaissance. Voila. ce qu' on serait fonde a designer comme la refente kantienne du sujet de la connaissance. C 'est a. ce sujet, sujetdivise, syncope, que s'articule le scheme dans la synthese transcendantale.

    Dans l 'ordre de la connaissance et dans l'ordre du desir, l 'unite neces-saire de l' a p ri or i et de l'empirique est realisee par l'articulation du sujetdivise a. l'objet transcendantal, ici scheme de la synthese, la. objet a dufantasme.

    inconditionne absolu(Chose)

    faculte de dcsirer(a pr ior i )

    I epithumen~ IKant disait: Si toute notre connaissance commence avec l'expe-

    rience, il n'en resulte pas qu' elle derive toute d e l'experience. 91Demaniere homologue, nous pouvons dire maintenant: s' il n'y a certespas de desir sans objet desire, il 11'en resulte pas que [e desir derive del'objet desire. Ce qui rend possible ce desir, ce qui permet a. l a facultede desirer de s'exercer, ce qui done cause veritablernent le desir, c'estl'objet a, a entendre strictement comme objet transcendantal. L'objet aest le scheme du desir,

    11en est le scheme plutot que le type. Car on doit ici remarquer

    Le d e s i r pur - 83qu' avec l'objet a, Lacan resout peut-etre ce qui faisait le probleme dujugement prati~ue pur. Je r~nvoie ici au, deuxien;e p~ra~raphe .d~_la Typique du Jugement pratIque pur , ou Kant etabht Ilmposs.lblhted'un scheme de la loi pour la volonte libre et, partant, la necessite du type de cette loi92. Or, cette necessite de la typique vient de ce queKant ne conceit pas d'autre liberte que celle de la volonte transcendantale,a l'exclusion du desir toujours empiriquement determine. A partir dumoment ou, comme le suggere a mon sens la lecture de Lacan, estconcue une faculte de desirer a p ri or i, alors il est possible de penser lamediation (par laquelle le desir a pr ior i s'applique a l'objet sensible) selonun precede non seulement analogue mais meme homologue a celui duschematisme.Constatons simplement, pour confirmer cette homologie du schemeet de l'objet a, que Lacan declare insaisissable 93l'objet a comme causedu desir, tres exactement comme Kant fait du scheme, en tant que trans-cendantal, ce qui, tout en etant necessairement engage dans le rapportdu sujet connaissant a. l'experience, n'est pourtant pas presentable danscette experience. L'objet a n' est pas presentable, il n'est pas ~gurabl~,si ce n'est dans le fantasme, et notamment dans le fantasme sadien (maisjustement ils'agit du fantasme, et non de l'experience), O U il est 1'agen:-executeur de la Loi, Ie bourreau insensible et apathique, autrement dit(com.me on 1'a vu), Ie sujet s'evanouissant a n'etre plus que 1'agent.

    TABLEAU RECAPITULATIP

    KANT, .C r it iq u e d e 1 a r a is o n p u r e t M o ri q ucKANT,C r it iq u e d e 1 a r a is o n p u r e p r at iq u e LACAN( c ri t iq ue du de s ir p l lr )

    inconditionne absolu(Dieu - immor ta li tc de l 'f unc)inconditionne absolu

    (Chose)inconditionnc absolu(Dieu)

    (Loi) I J} (l~;postulats) I s } ~ ).faculte de desircr

    (regulation) t uJvolonte Iibrc autonomefacultc de connaitre

    =cntcndemcnt pur( a p r i or i ) ( a p r io r i )" p r i or i )

    universalisationsynthesc tranccndantalescheme type I epithumene Iphonomene I action empirique

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    84 - BERNARD BAAS

    L'objet a est Ie scheme du desir. On pourrait merne renverser IaformuIe: le scheme est l'objet a de la connaissance. Un tel renversementsignifierait que tout, dans le sujet, est a.rapporter au desir comme procesd'universalisation. Qu'il s'agisse de la connaissance phenornenale (desirde savoir), de la volonte autonome (desir de bien faire) ou du desirepithumenal (desir d'objet), le mouvement pro cede toujours d'unefaculte a prior i , elle-rnerne reglee par la Loi de l 'inconditionne absolu, etqui ne peut s'appliquer a.l 'experience que par l 'interrnediaire d'un objettranscendantal (scheme, type, objet a ). On pourrait aller jusqu'a dire(mais cela exigerait assurerrient un examen plus approfondi) qu'il n'y apas d'autre taculte a pr io r i que la 'lculte de desirer, C' est pour ne l'avoirpas reconnu que Kant aurait etc force de separer raison thcorique etraison pratique. La thcorie transcendantale du desir realiserait ainsi1'unite de la critique auteur de 1'objet a.

    C'est l?tune remarque qu'on ne peut soutenir qu'a titre de suggestionde recherche. Elle est ici insuffisamment argumentee. Mais elle auto riseau moins l 'hypothcse (lue cette designation cnigmatique d'objet a scraitvenue a.Lacan de sa rencontre avec Kant: objet a. . . pr ior i. La chute dupriori, qui ne laisse que le a, ne serait pas inexplicable. Car, comme on leconceit peut-etre maintenant, Lacan a bien faill i ecrire sa C rit iq ue d u d es irpur. Mais il ne l'a pas fait, comme si (et selon la logique merne claboreepar Lacan) dans ce croisement, dans cette intersection, dans ce recouvre-rnent partiel du discours psychanalytique et du discours philosophique,quelque chose devait choir: Kant lui-merne, Ie philosophique commetel, cornme questionnement transcendantal. II est tout de rnerne rernar-quable que nulle part Lacan n' emploie ces expressions: questionnementtranscendantal , faculte a priori de desirer , alors que sa recherche enprecede intimement. Ou plutot, selon le mot de Lacan lui-memo : exti-mement ; de sorte que l'on pourrait dire, en Iorcant a.peine les choses,que Kant est l'objet a du discours de Lacan. Car dans toute cette logiquedu desir, ce que nous lisons est, certes, le travail inestimable de Lacan 94;mais a. toutes les etapes et, cornme dirait encore Lacan, dans les inter-valles de son discours, on peut pointer le questionnement transcend antal.Lacan, certes ; mais aussi, la.: Kant.Je ne le dis pas seulement en guise de boutade. Car il me sembleque quelqu'un pourrait ecrire un Lacan avec Kant .II resterait, en eifet, encore beaucoup a. dire, et notamment du cote

    de l' esthetique. C' est dans Ie Seminaire sur l'E th iq ue d e la p sy ch an aly se

    Le desir pur - 85que Lacan aborde la question du beau et de la sublimation. De Ia subli-mation, concept 0 combien confus dans l'ceuvre de Freud, Lacan donnecette definition en forme de superbe Witz: La sublimation eleve l'objeta.la dignite de la Chose. 95

    Entendons: a. la Ding-ite, a. Ia choseite de la Chose, c'est-a-dire a .l 'inconditionne (cet inconditionne dont Kant dit qu' en le postulant nouspouvons esperer nous rendre dignes du bonheur). Qu'on sereporte a . montableau recapitulatif et l'on comprendra aisement le sens de cette defi-nition: la sublimation presente dans le sensible 1'indice de ce qui estabsolument irnpresentable, absolument hors figuration, c 'est-a-dire IaChose. C'est le Dieu sans figure , cornme le dit Lacan'" - a mettre enparallcle avec Ia conception kantienne du sublime comme presentationde cela-meme qu'il y a de l'impresentable, c' est-a-dire justement lesidees de la raison. Dans les deux cas, Ia sublimation - Ie sublime -indique la presence sensible de l'inconditionne, c'est-a-dire de l'absolu-ment impresentable.

    Mais ce qui est beau, ce qui est simplement beau et non sublime, aprecisement pour eifet de nous preserver, de 1'insoutenable presence del'impresentable. Dans le Seminaire sur l'Eth ique d e f a p sy ch an al ys e, evo-quant la liaison de l'ethique et de l'esthetique (liaison precedemmentetablie par Kant dans la C ritiq ue d e la J a cu lte d e ju ger) , Lacan parle de labeaute de l'objet desire comme de ce qui maintient le sujet desirant a.distance de la Chose: La vraie barriere qui arrete le sujet devant lechamp innornmable du desir radical [. .. J , c'est a. proprement parler lephenornene esthetique pour autant qu'il est identifiable a.l'experience dubeau - le beau dans son rayonnement eclatant, ce beau dont on ditqu'il est Ia splendeur du vrai. C' est evidemment parce que Ie vrai n' estpas bien joli a.voir que le beau en est, sinon la splendeur, tout au moins lacouverture. 97 Autrernent dit, Ia beaute nous rnaintient du cote de laloi, c'est-a-dire du desir articule a . l'objet desire (epithumene). A l'appuide sademonstration, Lacan evoque alors la beaute d'Antigone, ainsi qu'ilIe rappelle dans Kant avec Sade : [ .. . ] ce que nous avons demontre,dans la tragedie, de la fonction de la beaute : barriere extreme a interdirel'acces a . une horreur fondamentale. Qu' on songe a . l'Antigone de Sophoeleet au moment O U y eclate l'"Epo; & 'v ( xa ,e ; [ Laxa v. 98 II est probable queLacan confond ici l'Antigone de la tragedie de Sophoc1e, c'est-a-direAntigone fille d'CEdipe, avec une autre Antigone, sceur de Priam, dontla 16gende a justement pour enjeu sa grande beaute, Mais c' est sansgrande importance, puisqu' en eflet, dans la tragedie de Sophoele, Anti-gone est, pour une part, controntee a . la loi, en l'occasion figuree par

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    86 - BERNARD BAASCreon, la loi du gibet; la loi qui prononce et la culpabilite et le chati-ment; bref, la loi surmoi:que. Mais, en meprisant l'autorite de Creon,en ne cedant pas sur son desir 99, c' e st a l'autre Loi, a Ia Loi de la Choseque tend le desir d' Antigone, a cette Loi dont l'injonction Ia fait consentira son destin: vivante parmi Ies morts et morte parmi les vivants .

    Dans la tragedie de Sophocle, au troisierne St~simol1, juste apres quetombe la sentence de Creon, le chceur invoque Eros. C' est d' ailleurs lepassage auquel ~acan ,it allusion dans l'extrait cite plus haut. Le chantdu ~hceur loue E~o s , Ie ~esir, comme le seducteur victorieux de quiconquesubit son pouvoir. Mats quelques vers plus loin apparait Ie terrne hime-ro s100, que les t raducteurs rendent habituellement par desir . Or desir en grec, se dit epithumia (c' est le mot dont use Platen). Dans Ie textede Sophocle, himeros n' est pas Ie desir qui anime le sujet desirant, maisil desi~ne ce qui ernanc, en s' en detachanr, des yeux et des paupieresde la jeune IIe desiree. Ce que [cs traducteurs rendent par: [e desirnc des regards de la vierge promise 101, on l'attrait qui rayonne desyeux de la jeunc cpousee 102,OU encore (dans la version de Holderlintraduite par Lacoue-Labarthe) : la toute-puissante priere aux paupiere,de I'epousec 103.Ccs nuances de traduction suffisent a -tire comprendreque himeros, dont Ie chceur sophocleen dit alors qu'il est au nombre desgrandes lois qui regnent sur le monde et qui president a toute alliance(nous pourrions dire ici: a toute synthese), himeros est Ie regard dejade t ache de l'objet desire, et qui vient causer le desir du sujet desirant,Hlmeros , c' e st [e regard comme objet a.

    Mais Antigone, gure apathiq ue par excellence (cela n' est nulle-ment paradoxal : que l'on songe a tout ce qui oppose le caractere d'Ismenea celui d' Antigone! Et que l'on compare le couple sophocleen des deuxsceurs, l' une tri stement affectee, I'autre tragiquement volontai re, a celuido~~ ~ade donne la version de son cru: Justine ct Juliette !), Antigone,prectseme.nt parce que plus rien ne pourrait l'affecter pathologiquementpo~r la falre re:renir sur sa decision tragi que, ne se soucie plus de preter lamomdre attentron au chant du cheeur, ni aux plaintes du coryphee, Elleest deja au-deb de cette loi par quoi Ie desir vient a naitre dans le monde,C'est a l'autre Loi qu'elle se destine, au desir sans objet, au desir hors-monde qui la voue a l'immonde. A vouloir, contre la Loi mais aussisolon la Loi, s' approprier son desi r, a vouloir s' approprier l'orizine mernede son desir, a vouloir s'approprier Ie Meme dont procede son desir etqui reste pourtant interdit a ce desir, Antigone se condamne a n'etre plusque sujet petrifie, rocher froid d' O U s' ecoulenr, telles des sources, seslarmes, ultime gure de l'himeros maintenant elm et separe. ANTI-

    Le desir p ur - 87GONE. - On 111.'a conte jadis la deplorable fin de l'etrangere phrygienue,de la fille de Tantale qui, sur le sommet du Sipyle, a brusquement sentisur eIle, aussi tenace que le lierre, le roc monter et l'asservir, si bien quemain tenant, fondant sous l' eau du del, a ce que l'on rapporte, elle se voitcouverte d'une neige eternelle, et ce sont des rochers qu'inondent desor-mais les larrnes de ses yeux. Voila bien celle a qui le destin qui m' abatme fait ressembler le plus. 10'1

    Curieuse comparaison, puisque Antigone sait deja qu' elle estcondamnee a etre ernmuree vivante. Mais il est vrai qu' en face de laChose qui va surgir, et en 1'absence de tout objet desire, il n'est plusbesoin de se soucier d' aucune adequation. IIne reste plus qu'a gurerl'objet ioncierement manquant du desir, ou plutot a figurer le manquememe de l'objet, c' e st-a-dire aussi le Merrie comme manque: ilne resteplus qu'a gurer la Chose. Et Antigone choisit (choisit-elle?) cette gurede la neige, de cette neige dont la blancheur peut certes imager l'absencede to ute culpabilite ; mais cette image est encore symbole inspire par laloi qui, ici, n' e st plus de misc. Car la neige, la neige eternelle a quoiaspire le desir sans objet d' Antigone, c' est cette neige dont la blancheurest la blancheur meme du Iinceul. Or, c' e st aussi la blancheur que designeMme de Saint-Ange, des le premier dialogue de la P hilo so phic da ns leboudoir, blancheur d'Eugenie future objet desire mais pour 1'instantabsente, manquante : Son teint est d'une blancheur eblouissante ... sesyeux d' u n noir d' ebene et d' une ardeur !... Oh! mon ami, il n' est paspossible de tenir aces yeux-la, 105Mais quand Eugenie sera, seancetenante, instituee objet desire, il ne sera plus question de sa blancheur.Elle ne sera plus figure de l'insoutenable mais posture manipulee.

    Certes, le rapprochcment de ces deux textes, celui de Sophocle etcelui de Sade, peut surprendre. Mais sa pointe apparaitra peut-etre si l'onsonge au curieux exemple de Platon: le desir pur du plaisir pur de lapure blancheur. Qu' est-ce que cette pure blancheur, cette blancheur- comme le dit Platon - au plus haut point blanche? C' est le blanc surle que! rien n' apparait, aucun trait, aucun attrait, aucune figure. C' est lablancheur a proprement parler sublime (sub-limes) juste en-dessous de lalimite au-dela de laquelle plus rien n' est figurable. La blancheur sublimeest la guration de ce qu'il y a de 1'ingurable; et Ie desir pur est le desirde cette blancheur sublime.

    Le desir pur, c' e st le desir blanc.

    IIlIl[

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    NOTES

    1. PI/~ l ' l lebe,de 3 rb a 55C. Nous suivons la traduction de A. Dies ed, Belles-Lettres2. utl.,3Ib-33c. , ..3. t u , 3 3 b .4 . I bi d., yza-c,5. Ibid., 53a-b.6 . J ~ id ., 53 r , : Que nous ~aut-ij d'autrc? Car nous n'aurons certes pas bcsoin de beau-COIU!? . cxcrnp es de cette sorte pour notre discussion au sujet du plaisir: c'est assez dece UJ-Cl. _ '7 . Kant el l1p ,loic lui -r ne rne cet tc expres sion ' la faculte de dcsir ( .drons dar' instant) . 1 Co 1" .' IICI no us y rcvicn-j '115 u,n ins ant; n1aIS a nna Ite cthique de I'cntreprise critique lui fait rcserver a Iseu e vo ,on te ra isonnab le la capaci te d 'unc determina tion a pr ior i . a. 8. ~ est, ~e/~rme dont use Plato.n (Phi /ebe, 35d); Ie dcsi r: epit/Hiltlia, se ra orte a"unobjet, dleSll~. cj /: , t lmmOuIl lCHon, gue JC contracte, pour simplifier, en epithu~Kcne '(aulIsquc ( U)CU C e mo~s quc certams ne rateront pas). ..9. Metapsycholog'c, t rad. Lap lanche e t Pontal is Ca ll imard Idees p 7410. Ib id . " , . .

    L 111. 1LeiluroFbIcl11c econcmiquc du masochisme , N ev ro se P s yc ho se e t P e r ve r si on tradap anc re, ) p. 295. " .12. Le Se l ll i lw i re , l ivre XI, cd. du Seui l, p . 247 (c 'e st nous qui soul ignons)13. La citation precedence est cxtraitc de la seance du 24 juin 1964 I . ( j , "d Kant avec Sadc est datec de scptembrc 1962 Cf J Lac E' t S ; 'Ia rcc aCtl;Jl1 eDoren t te i }(S x .. ' an, cn s, eUI, p. 765 a 790

    t tic ad;aln;lO e lCI: , a quO! nous ajoutons - pour plus de precision - une numero~a Ion a 1I1ea.14. KS, p . 768 , 4.15 . C ritiq ue d e. la ; a is o n p r at iq u e (note dorenavant : C.R.Ptql le) , Preface (note I'du I?), trad. Gibelin, ~d. Vrin, p. 20-21. Cf. aussi : A nth ro polo gie d 'u n o int de PH -matique, prel11lCre par tie, l ivre I II , De la faculte de desirer t rad M F~l1cault e'de vpr~gp 109' I e desir est l' t det . . d ,.., , . nn,(. f . , J . au 0 "ermll1atl~ll1 u pouvoir d'un sujet par la representation d'una rt u tu r, qUI scra it 1 effet de ce pouvO!r. 16. F on dem en ts d e la M eta ph ys iq l/ e d es / ' I I

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    90 - BERNARD BAAS6 3. I bi d. , p. 142 (c'est nous qui soulignons).64. Cf. A. Juranville: L a ca n e t l a P h il os o ph ie , PUF, p. 39.65. Le Siminaire, livre VII, p. 143.66. KS, p. 782, 3.67. Cf. Hegel, P h en om in ol og ie d e l 'e sp ri t, t rad. Hyppol ite , ed, Aubier, tome II, p. 30 sq .Cf. aussi Estlu! tique , La poesie , IIIC, ed. Aubier, p. 406-407.68. Cf. notarnrnent Phenotnenologie , tome I, p. 343 sq . (< < La raison lcgislatrice ) , etp. 348 sq . ( La raison examinant les lois ).69. Cf. P rin ci pe s d e la p hi lo so ph ic d u d ro it , notamrnent 135. ,70. Lacan emploie d'ailleurs cette expression dans La signification du phallus , Ecrits ,p. 685 sq .7r. Cf. C rit iq ue d e la r a is o n p t lr e (note dorenavant : C.R.PI/re) , Appendice 11la dialec-t ique t ranscendanralc : de l 'usage regulateur des idees de la rai son pure , trad. Barni,ed , Garnier-Flammarion, p. 50S.72. KS, p. 774, r.73. Cf . C.R.Pure , Dialectique transcendantale , livre I, chap. 3, 2' section: Del'ideal transccndantal (prototypon transcendantal) , p. 463 sq .74. KS, p. 790, 7.75. Cf. C.R.Ptque, premiere 1''' livre II, chap. 2, p. 136 sq .76. Ibid. , p. 143.77. Cf. la R elig io n d an s les lim itcs d e la s im ple ra is on .78. C.R.Ptqlle , p. 139-140.79. Ibid. , p. 143 (c'cst nous qui soulignous).80. Ibid., p. 132 ct 133.81. C.R.Pure , Analytique des principes , chap. I, Du schernatisme des conceptspurs de I'cntcndement , p. 188.82. C.R.Plqlle , premiere partie, l ivre I, chap. 2, Typique elujugcment pratique pur ",p. 8383. Cf. C.R.Pure , Introduction de la logique transcendantale , p. IIO: Sans lasensib ili te , nul objet ne nous serai t donne; sans l'cutcndement, nul ne serait pense, Despensees sans matiere sont vides; des intuitions sans concepts sont aveugles. Aussi est-il toutaussi necessaire de rendrc sensibles Ies concepts (c'est-a-dire d'y joindre I'objet donne dansl'intuition), que de rendre intelligibles les intuitions (c'est-a-dire de les sournet tr e 11desconcepts). Ces deux facultes ou capacites nc sauraient non plus echanger leurs fonctions.L'cntendemcnt nc peut avoir I 'intuition de rien, ni les scns rien penser. La connaissance nepeut resultcr que de leur union. 84. Position ele l'inconscient , Ecrits , p. 848.85. Cf. KS, p. 774, 5 it 7. - Cf aussi, dans la Rcrnarque sur Ie rapport de DanielLagache , ]!icrits, p. 656: Bien loin donc qu'il fai lle que le Moi-sujct s'efforce a reculcr lcMol-objet pour se le faire transcendent, Ie vra i, sinon le bon sujer , lc sujet du dcsir, aussibiendans l'cclairage du fantasme que dans son glte hors d 'cscient , n 'est aut re que la Chose, quide lui-memo est lc plus prochain tout en lui echappanr lc plus. 86. KS, p. 780, 7.87. lbid. , 8. Cf. aussi Ics remarques sur la division du sujet dans son rapport a l'agalmacomme objet a, Subversion du sujet et dialectique du desir , Ecrits , p. 825.88. Cf. C.R.Pure , Du schcmatisrne des concepts purs de l'cntendement , p. I8S.89. C.R.PI.lre, Esthctique transcendantale , 2' section, 6 B, p. 91.90 . C .R. P ll re , Remarque sur l 'amphibolie des concepts de la rcflcxion , p. 291.91. C.R.PI.lre , Introduction, p. 57.92. Cf. C.R.Ptque, p. 82.93 . KS, p. 780, 10.94. Travail inestimable, en effet. Mais aussi souvent inestime, Et d'abord par nombrede ccux qui s'en reclament lc p lus ouvcr tcrnent . Pourtant , on pourrai t d ire de la theorielacanienne du dcsir cxactement la meme chose que ce que dit Kant a propos de la typique:elle nous preserve, OU tout au moins devrait nous preserver du mysticisme et de I'empirismc(cf. C.R.Ptque, Typique du jugement pratique pur , p. 83-84). Car la psychanalyse aaussi ses mystiques et scsempiristes. Lacan y fait office de comble , puisqu'on ne l'evoquc,on ne l 'invoque que pour cornbler Ievide theorique d'un discours qui secomplalt soit dansle mythe de I'origine, soit dans l 'expericncc de la clinique. C'est , en effet , un comble!95. Le S tm t na i re , livre VII, p. 133.

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    96. KS, p. 773, 1. . 11)97. Le Seminaire, l iv re VII , p . 256 (cf. aussi p. 342 34598 . KS, p. 775-776. . ,. It' e99. Cf. Ie S eminai re , livre VII, p. 370. - Cf., ; 1 I r ce pomt precI~, e commen aird'A Zaloszyc: Enfer du dcsir , Lettre m e n s u e l l e de I ECF, nO44, p. II a I3 Je p~end prtinvite et incite a reali ser cett e etude, que j'ai presentee, dans le cadre de son seminai re , e

    5 juin 1986.100. Sophocle, Antigone, vers 798. .ror. Traduction P. Mazon, Gallimard, Folio , p.121.102. Traduction R. Pignarre, eel .Garnier-Flammanon, p. 88., .103. Hi.ilderlin, U'An t lgone de S ophocl e, t rad, Ph. Lacoue-Labarthe, cd. Ch. Bourgeois,P95104. Vers 823 118)2, trad. Mazon, op . cit., p. 122-123105. Sade, op . cit., p. 47