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5/13/2018 Baudelaire - slidepdf.com
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Charles Baudelaire (1821-1867)
Baudelaire vient au monde 1821, avec une hérédité chargée : son demi-frère, Alphonse, et sa mère meurent
hémiplégiques, ce qui peut expliquer la baisse de l’énergie du poète, son impuissance et son spleen. Son père meurt quand il
a 7 ans et sa mère se remarie avec le général Aupick, à l’égard duquel Charles adopte immédiatement une attitude hostile.
Durant ses études au lycée, il remporte de brillants succès scolaires en poésie latine et fréquente les milieux de la bohême
littéraire, rencontre Balzac et Nerval et effraie sa famille en se liant avec des femmes faciles. Pour l’éloigner de Paris, sa
mère le fait partir en juin 1841 pour un long voyage qui le conduira jusqu’à l’île Maurice et l’île Bourbon ; ce voyage est
essentiellement important dans la constitution de l’imaginaire baudelairien. De retour en 1842, il entre en possession de
l’héritage de son père et s’installe définitivement à Paris, où il commence une vie de bohême et fréquente Jeanne Duval. Il
est un esthète et un dandy : il a des préoccupations fondées sur le refus des conventions. Il connaît de réelles difficultés
financières et sa famille l’astreint à une rente modeste. En 1845 il fait paraître quelques sonnets dans l’Artiste et le Salon de
1845 ; l’année suivante, il publie le Salon de 1846 ; en 1847, une petite nouvelle, la Fanfarlo. Le poète se voit désormaiscontraint de vivre de ses productions littéraires et critiques et publie régulièrement des essais critiques, des traductions et des
poèmes. En 1857 paraît le recueil des Fleurs du mal (qui comporte 101 poèmes, dont 48 antérieurement publies des les
revues), qui est immédiatement condamné pour immoralité, ce qui force le poète à payer une amende et à réorganiser son
recueil. Une nouvelle édition a lieu en 1861, enrichie de pièces nouvelles et d’un nouveau cycle, Tableaux parisiens.
Pendant ses séjours à Honfleur, chez sa mère, il publie Les Paradis artificiels (1860) et Richard Wagner dans La Revue
Contemporaine (1861). Aphasique et hémiplégique, il meurt en 1867. L’année suivante paraissent les Curiosités
esthétiques, ses études sur l’Exposition universelle de 1855 et la troisième édition des Fleurs du Mal, qui comporte 152
pièces.
Sur le plan biographique Baudelaire apparaît comme un révolté sur
le plan familial, il tolère mal un comportement de
classe bourgeois, incompatible selon lui avec les
exigences de l’artiste. Le déchirement intérieur
perpétuel est la caractéristique essentielle du
baudelairisme.
Sur le plan littéraire L’expérience toujours désenchantée du réel induit
l’obsession d’un idéal : idéalisation du passé familial, construction
par l’imaginaire de lieux heureux…. Dans Les Fleurs du Mal, la
recherche de cet idéal passe par le renouvellement du langage et des
procédés d’écriture.
Sa participation aux courants esthétiques de son temps et
ses traductions d’Edgar Poe confirment son amour de la nouveauté.
Œuvres principales :
Charles Baudelaire est, pour l’essentiel, le poète d’un seuil recueil, Les Fleurs du Mal , dont les
Petits poèmes en prose, restés inachevés, reprennent les thèmes sous une autre forme.
Le titre Les Fleurs du Mal, construit sur une antithèse évidente, est porteur de la signification du
recueil. On peut donc affirmer que la poésie baudelairienne s’édifie à partir d’un système
d’oppositions. Le mal, c’est la misère infligée au poète ; dans les poèmes noirs du spleen il évoque les
maux et les détresses, les remords et l’angoisse de la mort. Cette poésie nouvelle se nourrit du
blasphème et du péché, de l’infamie, de l’horreur et du macabre. Le poète devient amoureux de Satan
et de sa beauté bizarre. Le mot « mal » suggère le péché, le déchirement intérieur, les tortures de la
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passion. Le mot « fleurs » renvoie aux formes achevées et parfaites des poèmes ; la poésie s’identifie
donc à ces fleurs rares, ecloses sur le terrain de la douleur subie. Le mot « fleurs » suggère la beauté, la
pureté, les régions claires de l’esprit et une idée d’élaboration.
La poésie se joue dans ce passage de la douleur du vécu – le spleen – à la mise en forme, par le
poème, de ce mal. La poésie s’identifie à une alchimie capable de transformer le laid en beau, « la
boue » en « or ». Les Fleurs du Mal peut se lire ainsi comme la conquête d’un beau nouveau, comme
l’édification d’un nouvel art poétique.
Ce recueil est construit selon une démarche claire, constitutive en elle-même d’un sens précis : les
critiques ont montré que la succession des poèmes, regroupés en sections, n’y est pas anarchique.
Le recueil, parfaitement organisé, est formé de six sections de longueur inégale :
1. La première section – Spleen et idéal – est la plus riche et la plus importante partie du recueil, car
elle est fondée sur l’opposition essentielle entre la vie misérable du poète et l’Art ou l’Amour. Le poète
apparaît sous les traits contradictoires d’un être exceptionnel et d’un être maudit. ( Bénédiction,
L’Albatros) Il définit le Beau qu’il se propose d’atteindre ( Elevation), la manière de l’atteindre
(Correspondances), les guides nécessaires à cette recherche ( Les Phares) mais aussi les douleurs de la
création ( L’Ennemi). Il évoque un paradis splendide, mais perdu, qui l’oblige à la quête douloureuse de
l’infini ( Le Guignon, La Vie antérieure, L’Homme et la mer, Châtiment de l’orgueil, la Beauté ) et à
l’examen des formes diverses de la Beauté parnassienne ou nouvelle ( La Géante, L’Idéal, Le Masque, Hymne à la Beauté ).
Le spleen est une forme désespérée du mal du siècle mis en contact avec le monde moderne
contradictoire ; dans le cas de Baudelaire, il s’agit plutôt d’un état pathologique. Chez lui, la détresse de
l’âme et le sentiment de la solitude morale sont associés à celui de la souffrance et de l’exil.
Dans cette première section apparaissent les images des inspiratrices de Baudelaire – Jeanne Duval,
« la Venus noire », qui représente la sensualité, et Apollonie Sabatier, la »Venus blanche », symbole de
la beauté classique, représentante de l’adoration mystique.
2. Dans les Tableaux parisiens, le poète expose ses théories nouvelles de composition et réalise des
tableaux grinçants et neufs des misères et des séductions de la vie moderne (Paysage, le Cygne, Les
Sept vieillards, A une passante). Par cette section où il se laisse pénétrer par l’atmosphère quotidienne,
il peut être considéré comme le premier poète du Paris moderne.
3. Le cycle Le Vin chante les dépaysements heureux mais éphémères et monotones des paradis
artificiels et des raffinements de la débauche.
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4. La section Les Fleurs du Mal continue la recherche du poète de l’apaisement dans la perversion,
pour s’échapper au spleen qui le ronge sans cesse. La débauche lui offre une évasion dans le temps et
dans l’espace, réalisée par les sens, par la rêverie et par les excitants de toute sorte.
5. Dans la section Révolte, les prières a Satan n’empêchent pas de projeter dans l’ultime voyage vers
la mort le souhait jamais assouvi de l’artiste : étreindre la Beauté.
6. La dernière partie du recueil – La Mort - enregistre les désillusions du poète dans son parcours
vers la beauté : « Les plus riches cités, les plus grands paysages/Jamais ne contenaient l’attrait mystérieux /De ceux que
le hasard fait avec les nuages. » ( Le Voyage)
La mort est alors seule capable de réconcilier l’artiste et sa vision idéale : « O Mort, vieux capitaine, il est
temps ! Levons l’ancre ! /Ce pays nous ennuie, o Mort ! Appareillons ! /Si le ciel et la mer sont noirs comme de l’encre,
/Nos cœurs que tu connais sont remplis de rayons ! » ( Le Voyage)Les thèmes des Fleurs du Mal
L’opposition beauté idéale / spleen – La réalité décevante et l’angoisse du temps qui passe
livrent le poète aux tourments du spleen. Le poète est en proie à l’angoisse du temps, destructeur de
l’idéal. (Le Balcon) Le monde est hostile : désordre, hiver, nuit, pluie, dénuement, ville, rue etc. : « La
rue assourdissante autour de moi hurlait… » ( A une passante) / « Pluviôse, irrite contre la ville entière… » (Spleen, LXXV).
Le poète este dépossédé de l’inspiration, objet de mépris et de haine de la part des autres. En butte à la
malédiction, il est en exil sur terre : « tous ceux qu’il veut aimer l’observent avec crainte » ( Bénédiction). Le
monde impose l’image obsédante de la prison et la hantise du caveau : « Quand le ciel bas et lourd pèse
comme un couvercle », « Quand la terre est changée en un cachot humide » (Spleen, LXXV )
D’autre part, le poète est avide de conquérir une beauté idéale. Il communie facilement avec les
secrets du monde, sa situation est privilégiée : « Heureux celui (…) / -Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
/ Le langage des fleurs et des choses muettes ! » ( Elevation).
La femme – est la médiatrice privilégiée de cette quête de l’idéal toujours redéfini (Parfum
exotique, La Chevelure), mais elle est perverse (Tu mettrais…) et oblige à l’examen d’une nouvelle
source d’inspiration, celle du macabre (Une charogne) et abandonne le poète aux douleurs d’une
relation amoureuse conflictuelle ( Duellum). La femme est tantôt la sainte, la femme pure, le guide
lumineux du poète : « Ange plein de bonheur, de joie et de lumière » ( Réversibilité ), tantôt la femme
monstrueuse, le vampire, la félinité cruelle : « Toi qui, comme un coup de couteau,/ Dans mon cœur plaintif est
entrée » ( Le Vampire).
La mort – ce thème revêt, lui aussi, deux aspects distincts : sur le plan humain, elle apparaît
sous la forme d’une expérience existentielle ; sur le plan esthétique, elle est liée à une réflexion
théorique sur l’Art et la Poésie. Cette réflexion associe le morbide à la poésie.
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Le thème de la mort comme expérience existentielle veut exprimer l’échéance inéluctable de la
disparition. L’obsession et la hantise de la mort entraînent avec elles le cortège des angoisses, des
terreurs et des cauchemars et exploitent à fond les registres du macabre et de l’horreur. (Chant
d’automne, de Spleen et Idéal). La mort peut générer aussi du bonheur, après les diverses tentatives
pour dépasser et sublimer la désolation du réel.
La mort comme symbole du renouveau poétique – le poète est le seul capable de ressusciter, par
le privilège de sa mémoire lumineuse, les formes menacées par le temps ou définitivement disparues :
« Noir assassin de la Vie et de l’Art/ tu ne tueras jamais dans ma mémoire/ Celle qui fut mon plaisir et ma gloire ! » ( Un
Fantôme). La mort devient ainsi un symbole ; elle est l’étape nécessaire qui rend visible la
décomposition des formes anciennes et prépare la résurrection de la poésie dans l’éclosion d’une fleur
poétique plus belle et plus rare, nouvellement germée sur les structures d’autrefois.Conclusion : Ce recueil propose deux types de poésies opposés, mais complémentaires : une poésie
du bonheur et une poésie du spleen, chacune allant de pair avec une représentation du monde, de la vie,
et un style d’écriture particulier.
Les formes d’écriture : En lisant Les Fleurs du Mal, on est frappé par un paradoxe : il existe une
esthétique poétique nouvelle, mais la forme reste traditionnelle. Baudelaire utilise l’alexandrin, le
sonnet ou le quatrain à rimes plates. Il est ainsi inscrit dans une tradition qui associe poésie et
versification. Les poèmes ont des refrains harmonieux, aux rythmes mélodieux, le poète propose des
réseaux cohérents d’images ( La Vie antérieure, Parfum exotique). Une figure de style, l’oxymore,
synthétise bien l’alliance des contraires dans l’univers baudelairien : « O fangeuse grandeur ! Sublime
ignominie ! » (Poème XXV ).
Le poème en prose baudelairien
Les poèmes en prose ( Le Spleen de Paris, posth.1869) sont une tentative de sortir de l’esthétique
du vers. Parmi les promoteurs de ce genre littéraire, on compte les poètes romantiques et symbolistes
du XIXe siècle, à savoir Maurice de Guérin, Aloysius Bertrand (Gaspard de la nuit ), Rimbaud
( Illuminations), Lautréamont etc.Le poème en prose est un bloc textuel en prose, c’est une forme mixte, paradoxale, qui hérite du
poème la rigueur et la contrainte et de la prose la liberté et le naturel. Il est description, dialogue, récit,
poésie et méditation a la fois. La prose poétique est très rythmée et se caractérise par l’effacement de la
linéarité narrative au profit des effets suggestifs, allégoriques. Les images poétiques occupent une place
privilégiée et les termes et les idées sont repris et alternés. La prose poétique s’affranchit des
contraintes métriques, mais le rythme musical est assuré par des procèdes d’ecriture comme l’anaphore.
L’originalité du « miracle baudelairien »
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Charles Baudelaire bat en brèche le moi romantique. C’est un romantique tardif, qui n’a pas la
force d’expansion et d’enthousiasme que les promoteurs du courant ont eue ; il est donc trop lucide
pour identifier son moi à l’univers et doit observer l’existence d’un monde hostile autour de lui. Son
moi se trouve dans la situation d’un assiégé prêt à céder à la pression extérieure. Le moi poétique de
Baudelaire s’éloigne de la réalité empirique et allie la confession à l’artifice (comme allait le faire chez
nous Bacovia). Le poète crée un répertoire d’images correspondant à son âme torturée.
Comme précurseur des symbolistes, Baudelaire proclame la nécessité de suggérer au lieu de
décrire ou de raconter. La nature est pour lui un réseau d’appels et de signes que le poète doit découvrir
et traduire. Son œuvre se plie à tous les systèmes d’interprétation. Avec lui, la poésie française évolue
vers l’exploitation de la puissance intérieure du langage et vers l’exploration de l’infini, du rêve.
Pour Baudelaire, le rôle du poète est de pénétrer dans « la forêt des symboles », dans ce
monde d’accès difficile aux hommes communs, pour déchiffrer ses mystères et permettre ainsi au moi
d’échapper à ses limites. La conception baudelairienne de la poésie explique l’évolution ultérieure de la
poésie française vers l’exploitation de la puissance intérieure du langage.
Trois idées nouvelles permettent de fonder la modernité de Baudelaire :
o Le Beau est toujours bizarre, il ne va pas de soi, il peut évoluer et se transformer ;
o L’homme est inscrit dans la contradiction et le paradoxe ; il est orienté à la fois vers
Dieu et vers Satan ;o La poésie a le pouvoir d’assurer l’unité d’un monde en perpétuelle rupture, dont
l’artiste perçoit les transformations.
Groupement de textes à observer et à analyser
Correspondances
La Nature est un temple où de vivants piliersLaissent parfois sortir de confuses paroles;L'homme y passe à travers des forêts de symbolesQui l'observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondentDans une ténébreuse et profonde unité,Vaste comme la nuit et comme la clarté,Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
II est des parfums frais comme des chairs d'enfants,Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,— Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l'expansion des choses infinies,Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
L'Albatros
Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipagePrennent des albatros, vastes oiseaux des mers,Qui suivent, indolents compagnons de voyage,Le navire glissant sur les gouffres amers.
À peine les ont-ils déposés sur les planches,Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,Laissent piteusement leurs grandes ailes blanchesComme des avirons traîner à côté d'eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid!L'un agace son bec avec un brûle-gueule,L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait!
Le Poète est semblable au prince des nuéesQui hante la tempête et se rit de l'archer;Exilé sur le sol au milieu des huées,
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Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.
Recueillement
Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.Tu réclamais le Soir; il descend; le voici:Une atmosphère obscure enveloppe la ville,Aux uns portant la paix, aux autres le souci.
Pendant que des mortels la multitude vile,Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,Va cueillir des remords dans la fête servile,Ma Douleur, donne-moi la main; viens par ici,
Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années,Sur les balcons du ciel, en robes surannées;Surgir du fond des eaux le Regret souriant;
Le soleil moribond s'endormir sous une arche,Et, comme un long linceul traînant à l'Orient,Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.
Spleen
Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercleSur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,Et que de l 'horizon embrassant tout le cercleIl nous verse un jour noir plus triste que les nuits;
Quand la terre est changée en un cachot humide,Où l'Espérance, comme une chauve-souris,S'en va battant les murs de son aile timideEt se cognant la tête à des plafonds pourris ;
Quand la pluie étalant ses immenses traînéesD'une vaste prison imite les barreaux,Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,Des cloches tout à coup sautent avec furieEt lancent vers le ciel un affreux hurlement,Ainsi que des esprits errants et sans patrieQui se mettent à geindre opiniâtrement.
- Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir,Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.
À une passante
La rue assourdissante autour de moi hurlait.Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,Une femme passa, d'une main fastueuseSoulevant, balançant le feston et l'ourlet;
Agile et noble, avec sa jambe de statue.Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan,La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un éclair... puis la nuit! — Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,Ne te verrai-je plus que dans l'éternité?
Ailleurs, bien loin d'ici! trop tard! jamais peut-être!Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais!
Enivrez-vous
Il faut être toujours ivre. Tout est là: c'est l'unique question.Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du Temps qui brise vosépaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sanstrêve. Mais de quoi? De vin, de poésie, ou de vertu, à votreguise. Mais enivrez-vous. Et si quelquefois, sur les marchesd'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, dans la solitude mornede votre chambre, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuéeou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, àl'oiseau, à l'horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, àtout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle,demandez quelle heure il est; et le vent, la vague, l'étoile,
l'oiseau, l'horloge, vous répondront: „Il est l'heure des'enivrer! Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps,enivrez-vous; enivrez-vous sans cesse! De vin, de poésie ou devertu, à votre guise”.
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d’écriture. Analysez tout ce qui constitue une nouveauté avec le dépassement des codes spécifiques du
genre littéraire.