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Thérèse Vergriete / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 1 Bergues cité d’art et d’histoire Thérèse Vergriete Retranscrit par Jean-Marie Muyls Regardez ci-dessous le plan de « Saint-Guinocsberghe dressé par Jacques de Deventer en 1550. Dans la partie « West », on reconnaît le site primitif avec ses trois villes rondes successives (I.II.III) et la ville dans son état définitif (IV). Baudouin dit Bras de-Fer (862-879) devenu gendre de Charles le Chauve, roi de France, avait été doté par lui, en 862, avec le titre de Comte, d'une « Marche de Flandre » qu'il avait à organiser et protéger contre les incursions déjà menaçantes des Vikings et Normands. Lorsque, en 88o, ces Normands eurent effectivement dévasté toute la région de Wormhoudt, Cassel et Bailleul, son fils, Baudouin le Chauve (879- 919), décida d'« édifier et murer », au pied de la colline du Groenberg, un lieu fort auquel il « imposa le nom de Berghes Saint Winoc » parce que, dans l'église dédiée à saint Martin, qu'il avait fait construire en son centre, il avait fait transférer, en 900, les reliques, mises à l'abri au monastère Bénédictin de Sithiu, près de Saint-Orner, de ce saint breton, jadis moine puis abbé du monastère, maintenant détruit, de Wormhoudt. Berghes Saint Winoc n'était alors qu'une ville entourée d'un fossé et d'un mur, développé et fortifié à son unique ouverture (I) en un « château » dominé par une « gaité » et dans les bâtiments duquel résidait le responsable de la défense du lieu et de la protection de la population qui y avait été rassemblée, personnage qui prit tout naturellement le nom de « Châtelain ». Cette première enceinte fortifiée ne résista pas au retour des Normands en 928 et en 942, mais elle fut relevée dès 931, par le châtelain nommé Everard d'après les anciennes chroniques, avant d'être élargie, en 958, par le comte Baudoin III (919-964) qui laissa cependant le « château » à son emplacement primitif (II).

Bergues cité d’art et d’histoire Thérèse Vergriete

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Page 1: Bergues cité d’art et d’histoire Thérèse Vergriete

Thérèse Vergriete / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk. Page 1

Bergues cité d’art et d’histoire Thérèse Vergriete

Retranscrit par Jean-Marie Muyls

Regardez ci-dessous le plan de « Saint-Guinocsberghe dressé par Jacques de Deventer en 1550.

Dans la partie « West », on reconnaît le site primitif avec ses trois villes rondes successives (I.II.III) et la ville dans son état définitif (IV) .

Baudouin dit Bras de-Fer (862-879) devenu gendre de Charles le Chauve, roi de France, avait été doté par lui, en 862, avec le titre de Comte, d'une « Marche de Flandre » qu'il avait à organiser et protéger contre les incursions déjà menaçantes des Vikings et Normands. Lorsque, en 88o, ces Normands eurent effectivement dévasté toute la région de Wormhoudt, Cassel et Bailleul, son fils, Baudouin le Chauve (879-919), décida d'« édifier et murer », au pied de la colline du Groenberg, un lieu fort auquel il « imposa le nom de Berghes Saint Winoc » parce que, dans l'église dédiée à saint Martin, qu'il avait fait construire en son centre, il avait fait transférer, en 900, les reliques, mises à l'abri au monastère Bénédictin de Sithiu, près de Saint-Orner, de ce saint breton, jadis moine puis abbé du monastère, maintenant détruit, de Wormhoudt.

Berghes Saint Winoc n'était alors qu'une ville entourée d'un fossé et d'un mur, développé et fortifié à son unique ouverture (I) en un « château » dominé par une « gaité » et dans les bâtiments duquel résidait le responsable de la défense du lieu et de la protection de la population qui y avait été rassemblée, personnage qui prit tout naturellement le nom de « Châtelain ». Cette première enceinte fortifiée ne résista pas au retour des Normands en 928 et en 942, mais elle fut relevée dès 931, par le châtelain nommé Everard d'après les anciennes chroniques, avant d'être élargie, en 958, par le comte Baudoin III (919-964) qui laissa cependant le « château » à son emplacement primitif (II).

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Le beffroi. Dessins de Jeanne Bessière-Dupuis

Saint-Guinocsberghe, comme on disait (et écrivait) à l'époque, ne doit pas son nom à cette belle et majestueuse abbaye construite vers 1026, mais au fait que l'église, située dans l'enceinte de la ville, abritait les reliques de ce saint breton, ancien abbé du monastère de Wormhout (plan de l'abbaye par J. de la Fontaine, graveur berguois 1732).

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L'arrêt des invasions normandes ne devait pas pour autant permettre à la ville de Berghes Saint Winoc, de jouir longtemps d'une paix qui allait être maintenant troublée par des conflits intérieurs au comté de Flandres, entre les Flamands de langue tudesque et de droit coutumier et les Wallons de langue d'oil et de droit romain. Mais tandis que les dynasties comtales se succèdent au gré de ces conflits auxquels elle ne peut rester étrangère et malgré les incendies (1083, 1123, 1212, 1215) toujours catastrophiques en ces temps, où les habitations sont de torchis et de chaume, plus que de briques et de tuiles, la ville de Berghes Saint Winoc ne changea pas d'aspect extérieur.

Il faut attendre pour cela les conflits qui vont opposer les Comtes de Flandre aux Rois Capétiens de France, à partir de Philippe le Bel (1268-1314), conflits qui vont amener le Comte de Flandre, Guy de Dampierre (1280-1304) et ses successeurs à vouloir fortifier, selon les normes nouvelles du temps, les villes de leur Comté limitrophes avec le Royaume de France. Parmi les places fortes de cette « barrière » Berghes Saint Winoc se trouva bientôt entourée, (III) et bien au-delà de ses premiers remparts, par de hauts murs accolés de buttes de terre pour les renforcer à l'intérieur et servir de plate-forme pour les défenseurs, et interrompus de tours rondes, à la manière des Châteaux forts. Mais ces nouvelles murailles, pour solides qu'elles aient été, n'empêchèrent pas les troupes du Roi de France, Charles VI de prendre la ville d'assaut et d'y faire un beau carnage, le dimanche 8 septembre 1383, sans même épargner le monastère construit vers 1026, par Baudouin IV à la Belle Barbe (964-1036), « en l'honneur de Monsieur Saint Winoc », et devenu en 1067, par la volonté de Baudouin V de Lille (1036-1070), abbaye bénédictine.

De ce premier désastre de 1383, Berghes Saint Winoc ne mourut pas. La ville se releva et ses défenses furent une fois de plus renforcées par Philippe le Hardi, 1erDuc de Bourgogne (1384-1404), et ses successeurs, maintenant maitres du Comté de Flandre. Ils donnèrent à la ville ronde d'hier, la forme d'un « huit » couché d'est en ouest, forme qu'elle a toujours gardée depuis (IV), parce qu'ils englobèrent dans le système de défense de la ville le périmètre de la colline du Groenberg malgré l'opposition opiniâtre des Abbés de Saint Winoc. D'autre part, la cession faite par Philippe le Hardi, le 5 juin 1403, de toutes les terres extérieures aux nouveaux remparts aux villages voisins de Socx, Bierne, Coudekerque, Hoymille, et Quaedypre, entraîna la réduction de la superficie de la ville à la limite de ces remparts et des fossés qui les précédaient.

"Koningwerken"

... Une ville entourée d'un fossé et d'un mur... mais qui niera la poésie reposante dont témoigne

cette photographie extraite des "Notes sur l'Art à Bergues en 1920" par Joseph Dezitter. Cet artiste flamand, né à Bollezeele en 1883 et mort à Malo-les-Bains en 1957, a gravé, dans le bois de plus d'un mobilier, les paysages, les ciels et les habitants de notre Westhoek. Il laisse le souvenir, selon le poète Emmanuel Looten, autre puissante figure de Bergues, aujourd'hui disparu, d'un "honnête homme au sens noble et ancien du terme, qui chérissait son travail presque autant que sa famille même" et dont le "témoignage de pure valeur sera indispensable en sa vérité historique ou artistique à notre Flandre de pure tradition".

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(Koningwerken = travaux du Roi)

A l'abri de ses nouvelles murailles ouvertes par six portes fortifiées et dominées désormais par son beffroi, à la fois haute tour de guet et d'alarme avec sa « banclocke » pour sonner le tocsin, et signe altier de la volonté de vivre d'une bourgeoisie, sûre de sa richesse et de ses libertés, la ville de Berghes Saint Winoc, ville « granz et fière », au dire de Froissart lui-même, n'allait pas jouir longtemps dans la tranquillité, de la grande postérité qu'elle connut sous la dynastie bourguignonne et la dynastie autrichienne qui lui succéda. Le conflit, ouvert par la rivalité de François 1er, Roi de France (1494-1547) et l'Empereur Charles-Quint (1506- 1566), dont dépendait maintenant entre « autres terres », l'ancien comté de Flandre, allait la conduire à un nouveau désastre, pire encore que les précédents ; le 2 juillet 1558.

La vie de Saint-Winoc : le joyau de la bibliothèque de Bergues. Ce manuscrit, de réputation

mondiale, est écrit en petites capitales gothiques, les titres en caractères romains. II appartiendrait, d'après les chercheurs, à la période de la première moitié du XIIe siècle.

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Velin - 164 feuillets - 237 sur 157 mm - Reliure moderne en veau avec Christ rayonnant sur chaque plat - Tranches dorées - Changement de main à partir du folio 136: écriture de la même époque, plus petite.

Nous avons pu en reproduire une page, représentant Saint-Oswald, roi d'Angleterre et martyr... mais en noir et blanc. Allez juger vous-mêmes à la bibliothèque de Bergues de ses enluminures aux couleurs patinées à la pierre d'agathe et nous émerveillant encore huit siècles après le récit du moine Drogon religieux de l'abbaye, mort en 1070.

D'une autre veine, toute aussi puissante et étonnante est le Livre d'Heures réalisé au XVe siècle et comportant un calendrier latin attribué au R.P. Germain, 2e abbé de Saint-Winoc (1027). Très belles miniatures - Encadrements et majuscules polychromes.

Ce jour-là, les troupes du Maréchal de Thermes, envoyées par le duc de Guise, qui venait de reprendre Calais aux Anglais pour le compte du roi de France Henri II, prirent d'assaut, Berghes St Winoc, et ne laissèrent que dix-sept maisons habitables, après avoir tout pillé, saccagé et brûlé.

Les Français partis, les Berguois revinrent et rebâtirent, une fois de plus, leur ville avec « grande diligence et gaillardise », tandis que l'ingénieur Rosseel, détaché à cet effet, par le gouvernement de Bruxelles, entreprenaient de remettre en état les défenses de la ville et les perfectionner encore, en un effort qui s'avéra, d'ailleurs aussi inutile que les précédents, lorsque les Français revinrent avec à leur tète le Duc d'Enghien, en août 1646 et Turenne en 1658.

Lorsque, par le Traité d'Aix-la-Chapelle, le 2 mai 1668, la ville de Bergues devint Française, pour le rester définitivement, elle entra tout naturellement dans le système de défense de la nouvelle frontière du Royaume de France. Vauban fut chargé de la fortifier, selon ses plans, avec l'aide de son « armée de la brouette », conduite par les ingénieurs militaires qu'il avait sous ses ordres. En cinq ans, de 1674 à 1679, Berghes Saint Winoc devint une place forte à qui rien ne manquait pour être imprenable, et si bien défendue, qu'à part le développement de la « couronne d'Hondschoote », il n'a plus été nécessaire dans la suite que d'entretenir ou réparer ce qui avait été construit... et telle que Vauban l'avait dessinée, la ville de Bergues-Saint-Winoc est restée.

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Le rôle stratégique et militaire de la ville de Bergues-Saint-Winoc ne fut pas le seul qu'elle eût à jouer et cela dès l'origine. Le châtelain, chef de guerre lorsque s'imposait, était déjà chargé d'assumer l'administration judiciaire de la ville et du territoire de la « Châtellenie » qu'il avait la mission de défendre. Longtemps fidèles serviteurs du Comte, tel cet Everard, des plus anciennes chroniques, ces châtelains furent vite tentés de profiter des circonstances, quand ils ne les provoquèrent pas, pour obtenir l'inamovibilité dans leurs charges d'abord, et ensuite le droit de les transmettre à leurs héritiers. Mais les Comtes de Flandres entendaient bien rester maîtres chez eux, et pour faire échec aux ambitions croissantes de leurs châtelains ils favorisèrent la bourgeoisie, qui se constituait dans leurs villes, grâce au développement de l'industrie et du commerce en lui accordant moyennant finances, des « chartes de liberté qu'en Flandre Flamande on appela « Keures ».

Côté gauche, en surimpression, double page, rédigée en latin flamand, du registre des mariages de la paroisse Saint-Martin en 1571-1578. Dessous, double page de la traduction réalisée par Mademoiselle Vergriete, Conservateur des Musées et archiviste-bibliothécaire de la ville de Bergues, qui a ainsi trié, répertorié et classé vingt six tonnes d'archives (7000 registres ou liasses) en cinq années de patients efforts.

Avec Jean-Baptiste Leprince (1733-1781), école française, entrons dans cet intérieur flamand de son époque… en passant par le Musée où de nombreux témoins de notre passé nous attendent.

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Pour éviter de courir avec les nouvelles administrations bourgeoises les mêmes risques qu'ils avaient

courus avec leurs châtelains, les Comtes de Flandre imposèrent d'abord le renouvellement de ces chartes par chaque Comte à son entrée en fonction. Cette disposition leur donnait, outre un revenu financier important, la possibilité de modifier les chartes octroyées lorsque la nécessité s'en faisait sentir.

Bergues est désormais française depuis deux ans, et en 1670, Louis XIV accorde à la ville, par lettre-patente, l'établissement d'un marché franc par semaine. Et depuis, chaque lundi matin a lieu le traditionnel marché de Bergues.

D'autre part, et toujours selon la tactique du « diviser pour régner », ils séparèrent l'administration de la ville de celle de la Châtellenie et ses vingt-huit villages, celle-ci logée au Château qui devint ainsi, le « Landhuis et celle de la ville, dans un « Stadhuis » ou Hôtel de Ville, bâtie exprès pour elle. La première de ces chartes de liberté semble avoir été octroyée à Bergues par le Comte Robert II, comme le fait supposer son « renouvellement » par Philippe fils du Comte Thierry d'Alsace, en 1160... Lors du renouvellement de 1240, Thomas de Savoie réorganisa complètement l'organisation judiciaire de la ville et de la châtellenie en raison de la multiplication des conflits de compétence entre les différentes justices traditionnelles, mais il ne toucha pas à l'organisation administrative qui ne sera modifiée que par Guy de Dampierre en 1266, dans un esprit plus centralisateur, afin de permettre à l'autorité comtale de s'exercer d'une façon plus efficace.

Cette charte de 1266, réglementera la vie de la ville et de la châtellenie jusqu'en novembre 1586, date à laquelle Philippe II roi d'Espagne, souverain des Pays-Bas-Belgique, va consommer la centralisation administrative en réunissant en un seul corps, moyennant les ajustements nécessaires, la ville et la châtellenie. Ces dernières dispositions ne subiront que des modifications de détails, après l'annexion de la Flandre à la France, par le Traité d'Aix-la-Chapelle en 1668, et auront force de loi jusqu'en 1789.

Ces variations dans le statut administratif de la ville et de la châtellenie de Bergues-Saint-Winoc,

sont provoquées, par les aléas de la vie politique, mais aussi par l'importance croissante du rôle économique et commercial de la Bourgeoisie fabricante et commerçante. Sans doute les renseignements précis et chiffrables sont rares avant 1558, en raison de la destruction quasi totale des Archives antérieures à cette date, mais rien ne nait de rien et la prospérité postérieure à cette date suppose une prospérité antérieure. De cette prospérité témoignent les 28 villages de la châtellenie, éparpillés sur un territoire agricole étendu par le défrichement de la forêt première, et amélioré par le drainage des sols, ici par les rivières et les ruisseaux régularisés, là, par les canaux et les « watergands » y

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afférant, surveillés avec diligence et sévérité par un « service des eaux » d'abord spontané et peu à peu organisé dans ce qui deviendra l'administration des « Wateringues ». De cette prospérité témoignent aussi, les registres de partages de Biens, dont le plus ancien remonte à 1412, les livres de Comptes de la Ville, en 1500, et le registre de Bourgeoisie qui commence en 1389. Tous ces témoignages attestent et prouvent l'existence d'une activité très ancienne et très variée s'exerçant dans les villages comme en ville, dans les métiers, organisés en corporations, depuis qu'Etienne Boileau (1200-1270) en a codifié les règlements dans son « Livre des Métiers », chacune de ces corporations de métiers, honorant un saint patron dans leurs confréries.

Hélas ! Le vandalisme d'une armée allemande en débâcle a jeté bas ce magnifique beffroi lancé vers le ciel de Flandre au 14' siècle. Mais ce dessin de John Coney école anglaise (1786-1833) nous permet d'imaginer la richesse architecturale de la ville en 1829 : ville bourgeoise, bien assise, mais dont de nombreux édifices attestent la richesse artistique et la pureté du style flamand.

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... De ces témoins du passé, Bergues Saint-Winoc n'a conservé qu'un seul édifice somptueux : le merveilleux Mont de Piété, édifié par Wenceslas Cobergher de 1629 à 1633, et qui, aujourd'hui Musée, abrite les riches collections de la ville ainsi qu'un inattendu musée d'histoire naturelle locale...

Les membres de ces « métiers » transforment les matières textiles ; la laine pour le drap et la sayette, le lin pour la toile grosse ou plus fine et le chanvre pour les cordes ou les voiles de navire, en attendant la venue du coton pour les « indiennes ». Les métaux, le fer et le cuivre aux multiples usages jusqu'à la ferronnerie d'art ou la « dinanderie » de luxe, l'or et l'argent pour l'orfèvrerie maintenue sous un contrôle très sévère par l'autorité centrale quelle qu'elle fût au cours des temps. Le cuir des tanneurs et peaussiers qui fournissent selliers, savetiers, cordonniers et gantiers. Les céréales, meuniers pour la boulangerie de blé, de seigle et d'épeautre et malteurs d'orge pour la brasserie ; les oléagineux de consommation ; meuniers de graines d'oeillet ou de lin ; les corps gras, pour l'éclairage « à la chandelle », la savon ou la « basse » graisse ; la pêche pour le poisson salé ou fumé ; les produits laitiers ; lait caillé ou mis en « fromage », les épices depuis le vinaigre jusqu'aux épices exotiques dont on fit très vite usage, pour relever les viandes et le vin ; l'argile pour la brique et la tuile, la paille de marais ou de céréales pour les toitures de chaume ; la pierre pour le bâtiment ou le grès pour le pavage des rues... et ce ne sont là que les métiers les plus souvent cités dans les archives de ce temps.

A côté de ces métiers qui occupent fabricants et artisans, il faut voir au travail les boutiquiers qui vendent Dieu sait quoi, les tenanciers d'estaminet ou de cabaret, les voituriers et bateliers qui assurent la circulation des personnes et des marchandises, et jusqu'aux « portefaix » du port de la ville sur la Colme et aussi tous les membres des professions « libérales » très organisées et diversifiées, qu'elles soient rattachées à la santé : médecin, apothicaires et « sages-femmes », à la justice : avocats, huissiers, greffiers ou tout simplement « écrivains publics » ou à l'enseignement : maitre d'école ou précepteurs.

A imaginer tout ce monde qui travaille et qui remue, qui se rassemble, qui grouille les jours de « marché » ou de foire, les jours de fête chômée et de « Kermesse », on se prend à regretter qu'il ne se soit pas trouvé de peintre pour fixer sur la toile comme le fit Breughel, pour la campagne, des « instantanés » de la vie intense qui devait animer dans la journée, les rues et les places de Bergues-Saint-Winoc.

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... Mais pour être moins somptueux, d'autres édifices de l'époque n'en sont pas moins attachants, telle cette maison de 1597 située face au pont Saint-Jean, près de la porte de Dunkerque.

Une ville entourée d'un mur a besoin de portes. Celles des fortifications de Bergues ont toutes

un caractère particulier et suivant leur architecture, leur situation ou leur environnement, dégagent chacune un charme propre à retenir le cyclotouriste... ou le piéton du dimanche.

Car, attention ! Sur l'écriteau placé sur le côté droit de la porte de Cassel, il est écrit qu'il est interdit de faire trotter ou galoper les chevaux sur les ponts de la fortifications (sic ! ) sous peine de procès-verbal.

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Une telle activité économique et l'enrichissement qu'elle provoque, ne pouvait que favoriser l'activité

culturelle et artistique de la ville, et jusque dans les villages de la châtellenie. La source première de ce développement est à chercher dans les monastères dont l'implantation est assurée par le pouvoir civil et de riches particuliers. Il serait étonnant que le souci de la culture religieuse et même profane n'ait pas existé chez les Bénédictins de l'Abbaye de Saint-Winoc, où chez les Dominicains établis dans la ville dès 1240 ou même chez les Filles de Saint-Victor installées par Marguerite de Constantinople en 1248. Les manuscrits, enluminés ou non, et bientôt les livres imprimés, les peintures qui ont survécu aux grandes destructions de la ville sont là pour témoigner d'une activité intellectuelle et artistique certaine, bien antérieure à 1558.

Comme tout est relatif n'est-ce-pas ? Et combien les humains auraient à tempérer leurs ardeurs (ou leurs écrits) du moment, sous peine de voir les "fureurs" d'aujourd'hui servir demain de prétextes aux bals populaires et à la pompe officielle !

La Porte de Bierne

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Porte et rue du Quai

Les plus anciens registres des comptes de la ville, en parchemin, attestent : l'existence d'une écolatrie » et d'une autre école confiée aux Clercs de la Vie Commune et aussi d'une école des indigents l' « armeschoole » dont les Maîtres sont rétribués par le Magistrat. Après 1558, les mêmes comptes de la ville et les archives montrent le Magistrat s'appliquant à rétablir les établissements d'enseignement. Une « haute école » est ouverte au Marché au fil et l'école des indigents rebâtie sur son ancien emplacement, tous les maîtres retrouvent leurs émoluments versés par le Magistrat. En 1600, les Jésuites ouvrent une « école latine », en attendant que leur Collège puisse commencer une histoire mouvementée, longtemps contrecarrée à son origine par un Magistrat peu favorable à son établissement et à la présence des Jésuites dans la ville, tandis qu'il encourageait de ses deniers, les initiatives des pasteurs de Saint-Martin et de Saint-Pierre en faveur de l'instruction des enfants pauvres de leur paroisse, et ne s'opposait pas à la fondation, conforme aux décisions du Concile de Trente (I545–1563), des séminaires, comme le Séminaire de Cupere, pour l'éducation des enfants et des jeunes gens destinés au clergé séculier.

Porte de Cassel

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Tous ces établissements s'adressaient à une clientèle masculine. L'instruction des filles était-elle totalement négligée ? Avant 1558, rien n'est certain, mais la vocation des Filles de Saint-Victor et une certaine « école d'Yserin », dont seul le nom et la destination sont connus, semble attester que l'éducation des filles comme du peuple n'était pas ignorée. Après 1558, pour avoir des certitudes, il faut attendre l'arrivée des Annonciades, en 1643, qui éduqueront aux bonnes manières et au « bel esprit » les filles de la bourgeoisie et l'indication du paiement par le Magistrat à une demoiselle Catherine Lenier des 143 livres prévues pour la fondation de demoiselle Jacquotte Walleux, en faveur de l'instruction des fillettes pauvres.

Le souci de l'enseignement supérieur n'était pas absent non plus. Certains bourgeois enrichis dans les affaires, les « ledichgarders » comme on les appelle, tout en ne négligeant pas de faire fructifier leurs capitaux disponibles, mettent à la disposition du Magistrat des sommes notées dans les livres de comptes de la ville dont les revenus devaient subvenir aux frais d'études à l'université de Louvain et plus tard de Douai, des jeunes gens de la ville ou de la châtellenie. D'autres en faisaient autant, par legs testamentaires en précisant qu'il fallait d'abord choisir dans leurs parents.

Cette activité de l'esprit se manifeste enfin, à Bergues Saint-Winoc, chez les hommes d'âge mur, qui se rassemblent dès 1516 en une « Confrérie de Rhétorique » reconnue officiellement par Charles-Quint et qui deviendra au XVIIIC siècle la « Chambre de Rhétorique avant de devenir, en 1789, la « Société patriotique et littéraire ». Quel que soit devenu le nom de l'institution, les bourgeois cultivés s'y sont rencontrés pour mettre en communication leurs propres connaissances acquises, pour écouter les rapports faits par des étrangers de passage car on voyageait beaucoup et loin, à cette époque, ou pour travailler ensemble à la réponse que l'un d'entre eux enverra à la question, mise au concours par l'académie de Paris, pour le Prix de l'année.

Parallèlement à ce développement de la culture intellectuelle, celui de la recherche artistique a toujours été présent à Bergues-Saint-Winoc. Cette recherche se traduit dans l'architecture des édifices communaux, bâtis et rebâtis à mesure des destructions de la ville. De ces témoins du passé, Bergues-Saint-Winoc a perdu son Abbaye en 1791, son premier Hôtel de Ville en 1558, son Beffroi en 1944, n'a gardé mis à part des édifices mineurs, les vieilles maisons du pont Saint-Jean, et la citerne royale, que le merveilleux Mont-de-Piété, édifié par Wenceslas Cobergher de 1629 à 1633. Cette recherche se traduit aussi par un véritable mécénat. Ce mécénat est exercé d'abord par les responsables des monastères tant d'hommes que de femmes, qui sont à l'affût, comme les collectionneurs les plus éveillés d'aujourd'hui, des tableaux pieux ou profanes, signés des peintres anciens des plus en renom ou qui attirent les plus grands peintres du temps comme fut attiré et retenu P.P. Rubens lui-même par l'abbé de Saint-Winoc.

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Ce mécénat était exercé aussi par les responsables des Confréries de métiers, qui rivalisent entre

eux, pour avoir la chapelle du Patron, la mieux et la plus richement décorée. Les particuliers eux-mêmes ne restent pas étrangers au goût de la belle ou de la jolie chose pour le plaisir des yeux ou l'honneur de la possession, qu'il s'agisse d'un portrait de famille signé d'un peintre connu, d'un beau bijou, d'un chandelier, d'une vaisselle d'argent ou de vermeil qui porte les poinçons de l'orfèvre le plus réputé, ou d'un de ces bibelots de qualité, qui n'ont une âme que pour celui qui les a découverts.

Thérèse Vergriete Membre des Commissions Historiques du Nord et du Pas-de-Calais,

Conservateur des Musées, Archiviste et Bibliothécaire de la Ville de Bergues.

Les documents et cartes postales qui illustrent ce texte sont dus à l'obligeance de Mlle Thérèse Vergriete et de M. Hugues Leys.

De Pierre Drobecq (1892-1944). Musée de Bergues, cette reproduction du Moulin de Cappelle-la-Grande dont on ne trouve pas

trace même chez les plus érudits en la matière.

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... Avec un ciel si gris... qu'il annonce la bourrasque, le bélandrier doit aspirer au port. Il y arrive dans ce port de Bergues, dont la porte du quai s'ouvre vers la lumière de la ville, vers le repos et la chaleur des hommes... et des estaminets.

Oeuvre puissante, grave, envoûtante de flamande poésie dûe au graveur sur cuivre Paul-Adrien Bourroux qui nous débarque ainsi aux rivages de l'ancienne rivale de Dunkerque, sortie des eaux bien avant elle et qui fût même un temps le siège de l'amirauté. Regardons encore, laissons-nous imprégner de cette tendre et brutale évocation... Ecoutons encore un peu : voici que déjà, nous pouvons entendre craquer le plat pays qui est le nôtre.

Etonnante en vérité cette ville de Bergues-Saint-Winoc qui, surgie d'un lointain passé, a toujours

trouvé en elle-même, malgré tant et tant de malheurs, la force et le courage de renaître pour goûter à nouveau des jours paisibles dans la joie de vivre de son travail et de la prospérité qu'il apporte.

Mais qu'allait-elle devenir avec les événements de 1789 et la Révolution qu'ils ont amenée dans les

structures administratives et économiques, sans compter celle des esprits.

L'aspect extérieur de la ville fortifiée n'a pas changé et les Archives modernes de la ville permettent de suivre comment furent entretenues, sous les différents régimes politiques que la France a connus depuis 1789, les fortifications et les bâtiments militaires de la « place » de Bergues par les administrations compétentes.

Les premières atteintes à l'intégrité du système défensif de la ville ne furent portées, en effet, que par l'installation de la ligne de chemin de fer Hazebrouck-Dunkerque et la construction de la gare, au delà de la porte de Bierne, à l'Ouest de la ville entre 18 5 2 et 1855.

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Bergues : Evocation automnale de Jeanne Bessière-Dupuis

Le maire et le conseil municipal, qui avaient donné leur accord par la décision du 5 septembre 1848 à la Compagnie des chemins de fer du Nord, pensèrent à cette occasion obtenir du ministère de la Guerre le déclassement des zones militaires et pouvoir ainsi faire craquer le carcan de murailles qui empêchait l'extension de la ville, en attendant de se faire restituer, par le ministère de l'Intérieur, les portions de territoires aliénés le 5 juin 1403 par le duc de Bourgogne, Philippe-le-Hardi, aux villages devenus maintenant communes voisines. Mais la complexité des répercussions d'une telle demande autant que l'opposition de certaines municipalités, de certaines personnalités politiques influentes et de certains milieux d'affaires hostiles au développement économique de la ville firent tant et si bien que les aléas de la vie politique aidant, les négociations étaient restées sans résultat lorsque la guerre de 1914-1918 vint les interrompre.

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Au graveur berguois Jacobus de la Fontaine, nous devons encore ce plan cavalier sur cuivre, précieuse et exacte situation de la ville en 1635 et dont l'original, sur parchemin, se trouve

au Musée de Bergues, tel qu'il fut repris par Sanderus en 1732 dans le tome 3 de son célèbre "Flandria Illustrata".

Dès la fin des hostilités, la ville de Bergues va demander la réouverture des dossiers restés en instance afin que des industries et des locaux commerciaux puissent s'établir aux abords de la Haute-Colme et, qu'éventuellement, soient autorisées des percées dans les fortifications de façon à permettre un accès plus facile à la gare et l'établissement de nouvelles voies de garage et de raccordement. Ce ne fut qu'en 1931 qu'elle obtiendra... que les poudrières de la « place » de Bergues soient désaffectées. Mais les conditions qui lui furent présentées pour le « classement » des remparts et le site de la ville comme « site urbain » furent telles que le maire et le conseil municipal furent obligés de répondre que « la ville ne saurait accepter aucune décision qui fermerait à tout jamais, aux générations futures, toute perspective de développement légitime », et les choses en restèrent là jusqu'à la guerre de 1939-1945.

La guerre terminée, la ville de Bergues, défigurée dans ses ruines et atrocement meurtrie dans sa population, obtint enfin, le 29 janvier 19 51, le déclassement définitif de ses fortifications au titre militaire à condition cependant de servir à l'administration des Domaines sous l'autorité de laquelle, elles passaient par le fait, la somme de 5 700 000 F à couvrir par un emprunt à 5 t% remboursable en 1 o ans et à souscrire par les habitants de la ville et des villages du canton.

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Evocation d'un passé récent où la célèbre tour, encore intacte, couvrait de son ombre les petites maisonnettes de "Sint Pietersloven"...

Le cheminement de la Colme au travers la plaine flamande avec les moulins à vent en arrière-plan, tandis que passent

sur la route les tonneaux de purin des maraîchers.

Malgré ces charges financières et celles qui allaient s'ensuivre, le maire (M. Henri Billiaert, conseiller général du Nord) et le conseil municipal de l'époque n'hésitèrent pas à accepter ces sévères conditions et commencèrent sans tarder à utiliser au mieux les terrains concédés pour reloger, dans l'immédiat, les habitants sinistrés et préparer l'avenir de la ville.

Et c'est ainsi, qu'aujourd'hui, ont pu être aménagés une zone industrielle et un terrain omni-sports au-delà de la porte de Cassel, un terrain de camping trois étoiles avec trois courts de tennis et une piscine municipale, entre la porte d'Hondschoote et la Porte de Dunkerque, tandis que, entre la porte d'Hondschoote et la porte de Cassel, à la place des baraquements d'hier, ont été construites des maisons d'habitation modernes et confortables dans le respect le plus complet du site.

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La péniche (on disait alors la bélandre) venant de Belgique ou du port d'Hondschoote, entrera dans Bergues par l'écluse de la porte d'Hondschoote pour ressortir peut-être au pont-levis et gagner Watten ou Calais.

Pour aider les touristes et permettre aux vacanciers du terrain de camping de mieux connaître la ville, l'Office touristique, Syndicat d'initiative a fléché, à leur intention des itinéraires, tandis que les fortifications sont remises en état progressivement par les groupes de jeunes d'« Etudes et Chantiers » sous l'égide du ministère de la Jeunesse et des Sports...

"D'argent à un lion contourné de sable, lampassé de

gueules, parti aussi d'argent à une fasce de sable et un franc quartier d'or, bordé de gueules et chargé d'un lion morné de sable..." Ainsi se lisent les "nouvelles" armoiries de Bergues,

rétablies par arrêt royal de Louis XVIII du 15 Novembre 1815.

Et l'on se prend à rêver de voir un jour ces vieux remparts de Bergues, si pleins d'histoire et de

souvenirs, transformés et accessibles comme un magnifique jardin... un rêve, mais il est des rêves qui se réalisent quand on y pense toujours...

Quatre vues qui nous redisent l'importance de l'eau dans notre Westhoek et l'activité de Bergues, port et carrefour fluvial... qui eût même, jadis, des prétentions maritimes...

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L'écluse de la Jardinière doit son nom au temps où, venant des rives de la Colme, les jardiniers (ou maraîchers) de Hoymille débouchaient chaque lundi sous la voûte, apportant leurs pleines barques de légumes pour le marché de Bergues.

La Colme, qui traverse paisiblement la ville, reflète toute l'activité du transport fluvial et hippomobile du gros bourg dans le quartier de la porte St. Georges,

fief des arbalétriers dont l'une des trois sociétés pratiquait là le tir à l'horizontale.

La mutation administrative de la ville de Bergues fut plus facile et plus rapide. Elle devint à la fois chef-lieu de district, chef-lieu de canton et commune dans le cadre du département du Nord par la loi des 14 et 22 décembre 1789.

Le premier maire élu de la commune fut Louis Claeys van der Hulst qui avait déjà été échevin et bourgmestre de la ville sous l'ancien régime... Mais, si la majorité du conseil municipal était constitué par des hommes marqués, comme lui, par l'esprit d'hier, les membres du conseil général et son président, comme les officiers de justice du district et ceux du conseil cantonal dont les administrations résidaient en ville, partageaient les idées nouvelles. Aussi, malgré la prompte exécution des décrets de l'Assemblée

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Nationale, ayant rapport aux biens du clergé tant régulier que séculier, les nouveaux administrateurs de la ville ne tardèrent pas longtemps à être accusés de tiédeur révolutionnaire par les membres du Club des Jacobins de Bergues, affilié à celui de Paris, particulièrement virulent contre un magistrat à qui ils reprochèrent, pour justifier leur campagne et exciter les esprits d'avoir laissé partir à Dunkerque le tribunal de Première instance et les services de police correctionnelle. Bientôt dénoncés par le corps électoral du district, le maire et les officiers municipaux se virent suspendus de leurs fonctions et, sur ordre du procureur de la ville, après le ro août 1792, remplacés provisoirement par des officiers municipaux désignés et légalement confirmés les 18 et 19 novembre 1792, tous Jacobins de bon aloi, comme le nouveau maire, François Bouchette. Avocat à Bergues avant 1789, il avait été élu membre de la Constituante ce qui le rendait inéligible à la Législative. Il était donc revenu à Bergues dont il devint le maire, mais pour bien peu de temps, car le 15 avril 1795, il était arrêté et le corps municipal dissous. Les Jacobins (1) d'hier étaient déjà dépassés par les Montagnards (2) qui, à Bergues comme ailleurs, s'en donnèrent à coeur joie. Bergues, qui n'était déjà plus Bergues-Saint-Winoc bien sûr, devint, dans l'enthousiasme, Bergues-sur-Colme, le septidi 27 brumaire de l'An II, non sans avoir risqué de devenir Montagne-sur-Colme. A Bergues-sur-Colme, comme ailleurs, le nom des rues fleurant trop le despotisme et la superstition fût changé, et pour aider l'abolition de toute trace d'obscurantisme d'un temps désormais révolu, les fêtes patriotiques se multiplièrent.

(1) Pendant la Révolution on appelait Jacobins les membres d'un club fameux parce qu'il tenait ses séances dans un

ancien couvent de dominicains appelés jacobins, parce que ce couvent était situe rue St-Jacques a Paris. Les plus célèbres furent La Fayette et Mirabeau.

(2) Sous la Convention se disait des membres de l'assemblée qui siégeaient sur la montagne, c'est-a-dire sur les gradins les plus élevés de la salle. Les principaux chefs furent : Danton, Marat, Robespierre, Saint-Just.

Le Pont Tournant fut de tout temps fréquenté par les pêcheurs à la ligne, et notamment le

lundi après-midi après le marché. On dit que la proximité de l'usine à petits pois favorisait la venue du poisson...

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"Au boeuf gras" ici, "Au porc gras" en face, les enseignes ont toujours une histoire ou une justification. Ici nous sommes sur la plus célèbre place de Bergues, du point de vue économique : la place aux bestiaux, avec l'hôpital-hospice St Jean au fond, mais aussi à droite, l'éphémère sous-préfecture de Bergues, avant que Napoléon, fâché, ne l'eût transférée à Dunkerque.

A droite, faut-il voir dans les chariots les bidons de lait ou les produits fermiers, l'allusion à la Californie... A moins que le patron n'ait manifesté là sa nostalgie de lointains voyages...

Cet enthousiasme, porté à son comble par la décision du Premier consul, du 1 er nivose de l'An VII (22 décembre 1799) de faire revenir, dans la ville de Bergues-sur-Colme, une Institution de justice et de police, allait faire brusquement place à la consternation. Reçu trop froidement à son gré par la population lors de son premier passage dans la ville, tandis que Dunkerque, plus habile, l'avait reçu avec un enthousiasme délirant, Bonaparte décide, sans préavis, le 3 thermidor de l'An XII (22 juillet 1803) le

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transfert global et définitif à Dunkerque, de l'ensemble de l'administration, de ce qui était devenu entre-temps un arrondissement.

Du même coup, tout le personnel qui y était affecté émigra à Dunkerque et Bergues, qui n'était plus qu'une commune, chef-lieu de son canton, se trouva ainsi ramené aux simples réalités quotidiennes d'une petite ville de province, comme il en est tant d'autres en France et sa population réelle, libérée des cc étrangers », retrouva vite une mesure dont elle ne s'est plus départie qu'en de rares occasions. De l'une d'entre-elles, en 1839, M. de Lamartine s'est longtemps souvenu...

La vie économique de la ville fut, comme partout en France, modifiée dans ses formes juridiques par la loi d'Allarde du 17 mars 1791, qui supprimait les métiers à jurandes (3), et par la loi Le Chapelier du 14 juin 1791 qui substituait à l'économie corporative une économie libérale fondée sur la seule loi de l'offre et de la demande, mais elle resta bien vivante. S'il est difficile de suivre dans le détail les conséquences pratiques de ces lois, il est certain, les archives en font foi, que les artisans et commerçants de Bergues ont continué à travailler et à vendre malgré les aléas d'une vie politique instable et tourmentée et une dégradation progressive de la valeur de la monnaie. Avec le Consulat et l'Empire, l'économie de la ville reprit son essor en puissance, d'une force longtemps contenue. (3) Corps des jures ou syndics des anciennes corporations.

Malterie Joseph Bernard, située le long des remparts et Brasserie coopérative St. Winoc du Faubourg

de Cassel, autres rappels d'une vie économique autrefois active et dont on n'a plus guère idée aujourd'hui.

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Dans une atmosphère plus feutrée qu'hier, parce que les cloches se sont tues, sauf celles du beffroi et de l'église-Saint-Martin, on recommence à percevoir les bruits familiers d'antan, et tout ce brouhaha indistinct qui trahit la présence d'une population au travail, et dont les pas, lents ou pressés, résonnent sur le pavé des rues. A côté des artisans si nombreux et si diversifiés en ces temps où tout se fait encore à la main, à côté des commerçants qui ont rouvert leur boutique, les fabriques anciennes de bijoux d'or et d'argent ont repris le travail et se font les fournisseurs d'une clientèle de plus en plus large dans les villages du canton comme dans la ville où la population, non seulement retrouve son chiffre d'hier, mais augmente en même temps que la prospérité revenue lui permet de transformer et améliorer son train de vie.

Le marché traditionnel du lundi retrouve, comme d'instinct, ses emplacements d'hier où se vendent

les bestiaux et les chevaux, le beurre et les œufs, le fromage, les pommes de terre et les fruits de saison, où se traitent d'une tape dans la main les contrats entre les marchands de bestiaux, de céréales ou de lin, et les fermiers des environs. Les places de la ville sont envahies à nouveau ce jour-là, par les étals où sont offerts, étoffes, ustensiles en tous genres et toutes les marchandises, même les plus imprévues, tandis que, dominant le bruit sourd de la foule en marche, les bonimenteurs à la verve et au bagout intarissables vantent leurs drogues ou tisanes miracles devant les badauds intéressés ou amusés. Les gens de la campagne sont venus à pied ou en voiture et ils animent d'une brusque et courte fièvre les estaminets qui ont presque tous une écurie.

Cette foule, toute bruyante des éclats de voix de la langue flamande dont elle use encore couramment, se fait plus nombreuse, plus sonore et plus endimanchée aux grands jours de la Foire des Rameaux et de la Ducasse avec leurs attractions multiples et leurs concours de pinsons, de tir à l'arc, flèche dressée ou couchée, en attendant le cortège du Reuze, type du citadin au temps des électeurs de Lamartine.

Cette activité économique de la ville de Bergues et de son canton va s'intensifier encore avec le développement des moyens de communication. Les routes et les chemins que le service des Ponts et Chaussées entretient et améliore progressivement, resteront longtemps le moyen de circulation le plus utilisé : circulation des personnes par le service des diligences, circulation des marchandises par les

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services des « messagers » ou des « rouliers » qui ont retrouvé, avec leur activité, leur point d'attache dans l'estaminet-auberge, au nom évocateur des « Dix-sept Provinces » au pied du beffroi.

Ici, le marché aux fromages, dont on confiera la pesée aux peseurs-jurés, après en avoir estimé l'état de fermeté sous le regard attentif des fermières qui en gardent jalousement la recette...

Seules les marchandises trop lourdes ou en vrac utilisent les voies d'eau où circulent maintenant, grâce à la création d'écluses « à grand gabarit » des bélandres chargées ou déchargées au « port » qui a retrouvé, lui aussi, son activité. La mise en service du réseau de la Compagnie des chemins de fer du Nord et de la gare de Bergues en 1855, sur la ligne Dunkerque-Hazebrouck, et la création de lignes secondaires, dites des chemins de fer économiques vers Hondschoote et Bollezeele, va permettre l'implantation dans la ville de maisons de commerce de gros et de demi-gros, s'intéressant, en particulier, aux « fers en tous genres », aux grains — grosse et petite graine — aux denrées alimentaires et à la conserverie, aux vins et spiritueux anciens comme le genièvre et le rhum, et nouveaux comme l'absinthe qui fut un temps à la mode mais bien vite remplacée par des apéritifs moins dangereux tel cet « amer Deleghere » qui eut son temps de gloire et a récemment disparu.

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... tandis que là, la vénérable corporation des porteurs de beurre, avant 1914, se livre à la pesée des mottes et établit les certificats qui feront foi.

La citerne militaire... ou citerne du Roi recevait autrefois les eaux de pluie de sa grande toiture. II fallait bien se prémunir contre la rigueur des sièges... Cette toiture fut détruite par incendie lors des bombardements de 1940. Notez le pignon élancé de la Chapelle des Soeurs-Noires.

Les sources d'énergie nouvelles (déjà !), le gaz de houille d'abord, l'essence de pétrole et le moteur à explosion et l'électricité qui vont se substituer à la vapeur, et dont l'usage va se développer successivement, vont avoir leur répercussion sur l'économie berguoise, et non seulement sur l'économie générale de la ville, mais sur les conditions de vie et de travail des habitants, qu'ils travaillent en ville ou chez eux mais aussi à l'extérieur.

L'hôtel de la Tête d'Or où Lamartine, qui fut député de Bergues, écrivit en 1831 sa "Réponse à Némesis".

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Une usine à gaz est construite à Bergues, dès 1862 et à partir d'elle, l'éclairage de la ville fut assuré par les réverbères, allumés tous les soirs, au gré des saisons, par l'homme à la silhouette allongée de sa longue hampe allumée (et resté légendaire) tandis que l'éclairage intérieur des maisons par le « gaz de ville » fut rendu possible par la lampe à manchon incombustible inventée par le chimiste autrichien Karl Auer von Welsbach (1858-1928).

Ce mode d'éclairage bouleversa les conditions du travail, jusqu'alors assurées par le rythme des saisons ou la lampe à pétrole et déjà heureusement améliorées, mais non sans luttes, par la loi, quand l'électricité vint se substituer, dès 1925 au gaz de houille, assurant des moyens d'éclairement bien meilleurs sans compter les multiples améliorations apportées dans la vie et le travail ainsi que le développement de toute un branche d'activités, en liaison avec elle.

Vous qui passez maintenant à côté de notre ville, par les routes nouvelles qui ont été tracées pour éviter au trafic lourd d'être gêné et retardé par une traversée difficile, faites donc le crochet nécessaire pour y entrer. Les plus anciens d'entre vous, qui ont connu notre ville avant la guerre 1939-1945, trouveront sans doute une ville quasi nouvelle mais dont M. Gelis, père et fils, architectes l'un et l'autre des monuments historiques, ont su panser les plaies, guérir les blessures, relever le beffroi et l'église et la tour de Saint-Martin, avec l'art et la réussite des meilleurs maitres de la chirurgie esthétique, en matière de reconstruction. Mais vous retrouverez bien vite, et les plus jeunes trouveront, en flânant au hasard des rues, des canaux et des ponts, en montant aussi jusqu'au Groenberg les témoins authentiques ou restitués d'un passé qui fut si souvent tragique mais d'un courage tranquille et obstiné.

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La Prévôté Saint-Donat, située rue du Sud est l'une des plus anciennes maisons de Bergues. Autrefois siège de la juridiction dépendant de l'évêché de Bruges, c'est une jolie construction de l'époque Renaissance flamande aux pignons à pas de moineaux, fenêtres à meneaux et petits carreaux, cintres à tympans pleins en retrait de l'arc, porte à imposte et grande lucarne surmontée d'un petit pignon orné de la fleur de lys en fer forgé. A l'intérieur, on pouvait encore voir, voici quelque temps, le crochet qui servait aux pendaisons

La justice révolutionnaire sévissait aussi à Bergues sur Colme et le 8 Septembre 1793, l'Abbé Joseph Dezetter, ci-devant prêtre et curé de la paroisse de Crochte y était condamné à mort et exécuté pour émigration et retour au pays dans les fourgons de l'ennemi.

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Impasse des Sept Baraques, où, jusqu'en 1914, on entendait encore le clac-clac des métiers à

tisser à domicile. Dur labeur des pauvres qui n'avaient pour toute compagnie de leurs longues journées que celle de leurs pinsons... eux aussi en cage.

Ruelle des Remparts qui donnait sur la rue du quai et autrefois des plus animées comme en témoigne ce cliché.

Vous êtes sur la grand-place... levez les yeux... tendez l'oreille pour écouter la musique aigrelette du carillon de 50 cloches qui égrène les notes d'une vieille chanson flamande... c'est le nouveau beffroi, symbole des libertés communales. Il en remplace un autre, vieux de plus de cinq cents ans et qui était un merveilleux témoin du goût, de l'audace et de l'opulence des Bourgeois de Bergues et de la chatellenie (4), en ce XIVe siècle où il a été bâti. Tel qu'il est, depuis 1961, plus modeste et moins architecturé, il témoigne de la volonté de revivre d'une ville qu'on ne tue pas, même quand elle n'est plus qu'un tas de ruines. Retournez-vous, vous apercevrez l'hôtel de ville, reconstruit en 1872, avec des matériaux de son prédécesseur du XVe siècle. Venez faire connaissance avec sa bibliothèque ancienne de l'Abbaye de Saint-Winoc, et son dépôt d'archives qui commence au XIVe siècle, l'une et l'autre connus des spécialistes du monde entier en raison des trésors qu'ils contiennent ; la bibliothèque avec ses manuscrits, ses incunables (5), ses livres rares ou rarissimes qui ne représentent cependant que le dixième du fonds recensé lors de la confiscation des biens du clergé (I5 février 1790), le reste ayant été détruit ou dispersé. Les archives aux parchemins scellés, les anciens registres de paroisse, de partages de biens, des comptes de la ville, plus de 7000 registres ou liasses... cette foule de « vieux papiers » si appréciés des connaisseurs, seuls documents qui permettent aux historiens de reconstituer, avec exactitude, la vie des temps passés, sous toutes ses formes, aux étudiants de préparer leur maîtrise et aux généalogistes de percer les mystères de la vie de leurs ancêtres...

Arrêtez-vous un instant à la bibliothèque municipale de prêt, ou chacun peut trouver à satisfaire son goût pour la lecture, parmi les 8250 volumes mis à la disposition des abonnés des jeunes aux plus âgés. En passant par le Salon doré, levez les yeux vers les tableaux dont plusieurs sont signés de la main des plus grands peintres des siècles passés.

Dirigez vos pas à présent vers l'Eglise Saint-Martin dont la tour fut reconstruite elle aussi après avoir subi le même sort que le beffroi en 1945 tandis que l'église elle-même, dont le gros œuvre datait du XVIe siècle, avait été incendiée dès 1940.

(4) Seigneurie et juridiction d'un seigneur châtelain. Par exemple, le Westhoek comprenait les territoires des quatre

châtellenies (actuellement françaises) de Bergues, Bourbourg, Bailleul et Cassel auxquelles s'ajoutait celle de Furnes.

(5) Ouvrage imprimé dans les premières années qui suivirent l'imprimerie (1436) et antérieur à l'année 1500.

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La gare de Bergues ayant été bombardée en 1914, les bureaux en furent installés dans un wagon qui,à chaque alerte, était emmené à la campagne.

C'est en Juin 1940, lors de l'invasion allemande, que le célèbre beffroi du 14' siècle sera décapité par incendie...Sans doute n'était-ce pas suffisante insulte au patrimoine flamand car les nouveaux vandales le jetteront bas lors de leur retraite de 1944 au moyen d'un odieux minage à

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retardement. Le même procédé dans une maison voisine fera 42 victimes, dont la rue du 16 Septembre 1944 perpétue le souvenir.

Faites le tour extérieur de cette nouvelle église, vous retrouverez les ogives élancées des fenêtres de l'ancien chœur principal et celles de l'ancien chœur de la nef latérale droite, vous admirerez le pignon classé et reconstitué à la brique, près du bras droit de l'ancien transept et le petit portail Renaissance qui y est accolé ; il est resté intact et a gardé son millésime intérieur de r 595. Mais entrez dans l'église et choisissez un après-midi ensoleillé, vers 17 heures, et vous serez saisi par la lumière qui, filtrée par des vitraux merveilleusement colorés et s'insinuant à travers les colonnes, dont quelques-unes sont encore les anciennes restées en place, va faire chanter les briques jaune sable des murs et si vous avez la chance d'être là quand l'organiste joue de son instrument qui, s'il n'est plus hélas le Cavaillé-Coll de 1752 de l'ancienne église, est tout de même magnifique, n'hésitez pas et prenez le temps de jouir de cet instant... tout simplement. Il y a tant de choses à voir pour le plaisir des yeux et de l'esprit : à deux pas de l'église, le Musée vous attend.

Il a été placé là, depuis 1956, dans l'ancien Mont-de-Piété, bâti pour abriter les gages apportés par ceux qui voulaient emprunter de l'argent à un taux plus modéré que celui des professionnels usuriers qui prêtaient à 20 et 38 % . Vous admirerez l'allure de ce bâtiment construit de 1629 à 1633, sur les plans de Wenceslas Cobergher, ingénieur, humaniste, économiste, qui fut « l'inventeur » de ces Monts de Piété, et assécha les Moëres — petites et grandes — assurant leur fertilité. Vous admirerez son pignon extérieur de style baroque, millésimé de 1630, ses murs épais, ses fenêtres aux arcs surbaissés et la toiture d'ardoises aux multiples ouvertures.

Entrez maintenant, vous serez enchanté par cette succession de salles admirablement voûtées et plus encore par toutes ces toiles de Maîtres de ce temps où les Grands étaient si grands que les Petits devenaient Grands. Sauvés de la galerie de tableaux de l'ancienne abbaye de Saint-Winoc, après la Révolution, ils se nomment, Breughel, Rubens, Van Dyck, Jordaens, Ribera, Georges de la Tour et de tous ces noms que vous découvrirez au fur et à mesure de votre émerveillement.

Temporairement sont exposés des dessins de la collection de P.A. Verlinde (1801-1877), ils sont r 430 en totalité à l'encre, au crayon, à la gouache, à la sanguine de toutes les écoles de peinture. Originaire de Bergues, le professeur Pierre-Antoine Verlinde devint directeur de l'académie d'Anvers, il rassembla ses dessins et légua sa collection, en bonne et due forme, à sa ville natale.

N'ignorez pas non plus les 103 aquarelles, signées du peintre Pierre Drobecq, et données au Musée de Bergues par Madame José Belle, elles représentent des moulins de Flandre, Artois, Picardie et de Seine-Maritime et constituent une documentation recherchée en ces temps où les guerres ont abîmé ou détruit tant de choses... Dans la collection de « Notes sur l'Art à Bergues de 1920 » de Joseph Dezitter, récemment offerte au Musée, on découvre une foule de détails d'architecture que l'artiste-artisan a su voir et regarder avec son âme et son talent.

Mais il y a encore un étage à ce Musée... Sous les combles aménagés, vous trouverez une curieuse collection d'oiseaux naturalisés, dans une présentation originale et agréable, et 3 200 papillons, les uns et les autres de « toutes les couleurs » qui émerveillent les touristes courageux de tous âges et surtout les enfants.

Que de choses il y a à découvrir dans cette petite ville de Bergues-Saint-Winoc me direz-vous : il faudrait des jours et des jours ! Prenez votre temps et revenez, vous ne le regretterez jamais...

Thérèse Vergriete,

Membre des Commissions Historiques du Nord et du Pas-de-Calais Conservateur des Musées

Archiviste et Bibliothécaire de la Ville de Bergues.

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Dessin de Jeanne Bessière-Dupuis