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Rem. 4 " Y a des devinettes déceptives 0/. à déception. rem. 4).Le caractère énigmatique d'un énoncé marque l'existence d'un sens' intentionnel. (V. à symbole, 1, rem. 1). L'énigme a son intonation'. ENJAMBEMENT La phrase enjambe sur le vers' sans qu'on puisse marquer un temps d'arrêt. MAROUZEAU. f;x.: Et le sourd tintement des cloches suspendues Au cou des chevreaux dans les bois LAMARTINE, cité par Marouzeau. (Prononcer avec pauses après cloches et chevreaux' mais en liant suspendues au COu.) Même déf. Martinon, Preminger. Déf. analogue Marier. Rem. 1 L'enjambement est proscrit par les théoriciens du vers' classique. On sait quel tollé provoquèrent. en 1830, les deux premiers vers oHernem. Serait-ce déjâ lui? C'est bien â l'escalier Dérobé. De fait. lorsque 'Ie sens ne permet aucun arrêt à la fm du vers' (PH. MARTINON, Oicttonnetre des runes françaises. p. 34), le rythme', qui fait le vers', est mis en péril. L'enjambement peut se produire à l'hémistiche: 'Ie premier groupe syntaxique déborde sur le second hémistiche" sansqu'il y ait de césure possible (Grammont. p. 43). Rem.2 Le rejet' est un enjambement avec pause' rythmique ou césure' maintenues en dépit du fait que la phrase continue. Ex. en fin de vers: ..... car l'huître tout d'un coup(Prononcer avec pause après coup) Se referme.' (LA FONTAINE, cité par PH MARTINON, Dict. des rimes françaises. p. 35). Ex. à ('hémistiche: 'Tout à l'heure on ira plus loin. bannière au vent' (HUGO, cité par M. GRAMMONT, Essaide psychologie linguistique, p. 128). On n'a qu'une articulation secondaire à l'endroit où devrait prendre place la césure principale. Le rejet isole un syntagme' entre une articulation rythmique et une articulation grammaticale, ce qui a pour effet de le mettre en évidence. Se referme. ainsi placé, exprime la soudaineté: plus loin fait allusion à une fuite. Rem. 3 Le contre-rejet est. comme son nom l'indique. l'inverse du rejet'. La césure principale apparaît avant la fin du premier hémistiche ou du vers. Le syntagme Isolé entre les deux césures (l'une pour le sens, l'autre rythmique) est mis en évidence. En voici un exemple double, contre-rejet à la fois à l'hémistiche et à la fin du vers Ils atteindront le fond de l'Asturie. avant Que la nuit ait couvert la sierra de ses ombres 180

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Rem. 4 " Y a des devinettes déceptives 0/. à déception. rem.4).Le caractère énigmatique d'un énoncé marque l'existenced'un sens' intentionnel. (V. à symbole, 1, rem. 1). L'énigme ason intonation '.

ENJAMBEMENT La phrase enjambe sur le vers' sansqu'on puisse marquer un temps d'arrêt. MAROUZEAU.

f;x.: Et le sourd tintement des cloches suspenduesAu cou des chevreaux dans les bois

LAMARTINE, cité par Marouzeau. (Prononcer avec pausesaprès cloches et chevreaux' mais en liant suspendues au COu.)

Même déf. Martinon, Preminger.

Déf. analogue Marier.

Rem. 1 L'enjambement est proscrit par les théoriciens du vers'classique. On sait quel tollé provoquèrent. en 1830, les deuxpremiers vers oHernem.Serait-ce déjâ lui? C'est bien â l'escalierDérobé.

De fait. lorsque 'Ie sens ne permet aucun arrêt à la fm du vers'(PH. MARTINON, Oicttonnetre des runes françaises. p. 34), lerythme', qui fait le vers', est mis en péril.

L'enjambement peut se produire à l'hémistiche: 'Ie premiergroupe syntaxique déborde sur le second hémistiche" sans qu'ily ait de césure possible (Grammont. p. 43).

Rem.2 Le rejet' est un enjambement avec pause' rythmique oucésure' maintenues en dépit du fait que la phrase continue. Ex.en fin de vers: •..... car l'huître tout d'un coup(Prononcer avecpause après coup) Se referme.' (LA FONTAINE, cité par PHMARTINON, Dict. des rimes françaises. p. 35).

Ex. à ('hémistiche: 'Tout à l'heure on ira plus loin. bannière auvent' (HUGO, cité par M. GRAMMONT, Essai de psychologielinguistique, p. 128). On n'a qu'une articulation secondaire àl'endroit où devrait prendre place la césure principale.

Le rejet isole un syntagme' entre une articulation rythmiqueet une articulation grammaticale, ce qui a pour effet de le mettreen évidence. Se referme. ainsi placé, exprime la soudaineté:plus loin fait allusion à une fuite.

Rem. 3 Le contre-rejet est. comme son nom l'indique. l'inversedu rejet'. La césure principale apparaît avant la fin du premierhémistiche ou du vers. Le syntagme Isolé entre les deux césures(l'une pour le sens, l'autre rythmique) est mis en évidence.

En voici un exemple double, contre-rejet à la fois àl'hémistiche et à la fin du vers

Ils atteindront le fond de l'Asturie. avantQue la nuit ait couvert la sierra de ses ombres

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HU GO, cité par G RAMMONT . Essa i d e psych ologielingu istique, p. 129 ."Le tond" et "event" sont mis en évidence, ce qu i répond auxIntent ions expressives d'Hug o: il s'agit de se mettre en lieu sûret d'échapper à des poursuivants.

Rem. 4 Si on ne marque pas orale ment la fin du vers, il y aenjambement. mais le rythme du vers ne sera plus perçu. Si onfait une pause. le mot est coupé en deux. Ce rejet arti ficiel est unfaux re jet .La césure pour l'o ei l est un enjambeme nt àl'hém istiche qu i transforme en vers romantique l'alexandr inclassique . Ex,: HL'ombre des tOUïS faisait / la nui t dans lescempeqnes " (Hugo. cité par Mar ier).

Rem. 5 L'apparit ion d'une art iculat ion ryth mique au beau mil ieud'u n syntagme transforme l'enjambement en un rej et forcé.C'est ce que Mor ier a appelé rime d'attente. Il apporte cetexemple de Verlaine:

De ça, de là,Pareil à laFeuille morte.

H. MO RIER, le Moment de l'ictus, dans le Vers fr. au 20e s.. p.98 .La rime invit e à une pause Inatt endue après la, ce qui exprimel'hésitati on. l'ebandonnernent,

Rem 6 Aragon notamment a tenté de renouveler la rime (V. cemot rem. 3) en te rminant le vers au milieu du syntagme' voireau mili eu du mot graphique. Ex.:Je vais te dire un grand secretLe temps c 'est toiLe temps est femme Il aBesoin qu'on le courtise .....ARAGON. Elsa, début.

Parler d 'amour, c 'est parler d 'elle et parler d 'elleC'est toute la musique et ce sont les ja rdinsInterdits où Renaud s 'est épris d'Armide et l'Aime sans en rien dire absurde paladinARAGON , le Crève-coeur, p. 7 8. Il appe lle cela la " rimecomplexe" , " faite de plusieurs mots déco mposant ent re eux leson rimé" (ib.)

Ne parlez p lus d 'amour. J'écoute mon coeur battre.....Ne parlez plus d 'amour. Oue fait-elle là-basTr op proche et trop lointa ine ô temps martyriséC'est ce qu'i l appelle "l'enjamb ement moderne ..... où le son larime se déco mpose à cheval sur la fin du vers et le début dusuivant" (lb.• p. 77) .

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ÉNONCIATION Acte d'énoncer. de produire urensemble de signes linguistiques. Chaque énonciationest sèrneltactive (ne se fait qu'une fois). Même siplusieurs énonciations produisent le même énoncétBonjourt). elles ne coïncident pas, étant chacune en sonpropre point "nunégocentrique" (point d'intersectiond'une date, d'un lieu, d'une personne).L'énonciation comporte sept pôles susceptibles del'orienter. Ce sont les pôles du schéma de lacommunication, à savoir le locuteur( 1). le contact(2), ledestinataire(3). la situation(4). le contenu du message ouénoncé(5), la langue uti l isée(6 ) et la forme esthétiquedonnée au message(7).Ces pôles déterminent ce que Jakobson' a appelé lesfonctions linguistiques, auxquelles correspondent destypes de phrases nettement différenciés ou "modalitésde phrases", ainsi que sept genres d'oeuvres.

1. Quand l'énonciation est centrée sur le locuteur, letexte a une fonct ion émotive (ou expressive); la phrase ala forme d'une exclamation' (interjection ou phrase plusou moins achevée); l'oeuvre est un monologue'.

2. Avec une énonciation centrée sur le contact entre lesinterlocuteurs, le texte a la fonction "phatique" ou decontact la phrase, la fo.rme de l'appel (V. à apostrophe);l'oeuvre est un dialogue' ou une conversetton qénérele. Loc.N'est-ce-pas? Hein? V. aUSSi à pseudo-langage.

3. Avec une énonciation centrée sur le destinataire, lafonction est dite "conative" ou injonctive; la modalité dephrase est l'injonction' car il s'agit d'obtenir quelquechose de "interlocuteur; l'oeuvre est un discours' ausens étroit du mot (discours su lvi).

4. Si I'énonciation est centrée sur le cadre réel. souventimplicite, de la communication, c'est la fonction desituation, où l'on donne des coordonnées de temps et delieu; la modalité de phrase est la simple notation ' . Lesoeuvres de ce type sont des recueils bibliographiques.des annuaires, index, tables, etc.. où "on se situe, à unpoint de vue donné.

5. Énonciation centrée sur le contenu du message,fonction dénotative ou référentielle 2 modalité:

1 Aux SIX Ionctrons de Jakobson, nous avons JOint la tonctron de SItuation (V. ànotation).

2 Le référent est l'objet du message. souvent rrnphcite. Considéré dans sa réalité. Ilappartient toujours à la fonction de Situation. ce qui n'empêchera pas de parlerencore de fonction référentielle à propos de la fonction de dénotation, si l'on

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l'assertion; genre d 'oeuvre: le récit ' (action située horsdu présent du destinatai re) ou l'explication' . .

6 . Énonciation centrée sur la langue comme ensemblestructuré ou usages e xp re ss ifs . fonct ionmétalinguistique: modal it é: la définition lexicale (où lethème est la vedette auto nymi q ue): genre d 'oeuvre:d ictionna ir es , glossaire. nomenc lature, thesaurus,exercices. grammaires .

7. Énonciat ion centrée sur la forme esthéti q ue: fo nct io npoétique, modalités: tou s t ype s de t ran sfo rmat ionsartistiques: genre d'oeuvre: toute oeuvre littéraire.

Analogue Narration (par opposition au narré; V. à récit).Rem. 1 Outre les "fonctions" des ensembles de signes. le Dict.de ling. énumère divers modes d'approche de la relation auteur/ lecteur établie par les textes.Il y a la position relative des locuteurs (égalité. supériorité.infériorité). le degré d'engagement pris (prévision, intention,promesse), le degr é d'assertion' (prédictions, constats), lamanière dont la propositi on se relie à des atti tudesattendues ouadmises (mettre en garde. informer). la distance pnse par lesujet et la transparence ou possibilité pour le destinataire de lirecomme s'il était l'auteur (ex.: le texte des manuels). lesmodalités d'adhésion (possible, nécessaire). l'appartenance oula non-appartenance à un groupe (connivence, simulation' ou"masquage"). enfin des types d 'arguments' (objection,réfutation'. etc.) On voit qu'il y a là tout un monde de procédéslargement util isés, non seulement en littérature. mais dans la viesociale. pol it ique et en psychologie.

Rem. 2 Il arrive que l'énoncé coïncide avec l'énonciat ion. On aappelé performatifs les verbes susceptibles de réaliser, ensomme, sur le champ, entre les deux pôles personnels de lacommunication . le concept qu 'ils évoquent. Ex.: jB dts, je jure. jepromets... excusez-mot. pardon. etc. Il y a donc un "effet desens". un effet qui s'ajoute au sens et qUI est engendré parl'énonciation. non par l'énoncé . 1/ concerne les êtres visés parles embrayeurs (morphèmes dont le référent dépend ducontexte). La promesse existe du fait que le locuteur. hrc etnunc, a dit: Je promets. C'est l'acte illocutoire. dont la valeurtient au fait que la parole est adressée à telle personne danstelle circonstance. V. à Implication. litote. etc.

Ducrot (Dire et ne pas dire) a mont ré qu 't l y avait quelquechose de Juridique dans l'illocut ion. C'est la coutume du groupesocial qui confère à telle formule son poids d'obl igation pour les

considère que c'est le référent qUI SUSCite son énoncé.

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énonciateurs. Ainsi le serment (cf. Fontanier. p. 442) engagesans retour la sincérité. Le fait de jurer sur quelque chose desacré (la Bible, la tête de sa mère) ou d'ajouter des malédictions'hypothétiques (que je meure si je n'ai pas dit la vérité), ne faitque souligner le caractère définitif de cet engagement.

On distingue l'illocutoire du locutoire (acte simple deproduction d'un énoncé) et du perlocutoire. qui concerne lesintentions non avouées du locuteur, sujettes à conjecture etinterprétation uua. encyclopédique des sciences du langage,p. 428-9). Ex.: "C'est moi que je suis le directeur" dit celui-cipour essayer de faire sourire un visiteur guindé (connivence decollectionneurs de perles) .•Voilà. On peut dire que ça vasuttiser"dit un étranger, pour laisser croire par une faute voulueque ses solécismes' éventuels sont peut-être voulus (cas demasquage de sa non-appartenance au groupe francophone).

Rem. 3 Marques de l'énonciation dans l'énoncé.

Dans les discours', les dialogues' spontanés. voire lessoliloques, l'énonciation est très proche de l'énoncé et tousdeux renvoient à un même univers présent (Pensez-vous que ..Il me semble que...). Les "ernbrayeurs" (Jespersen, Jakobson)établissent les pôles de l'ènonciation.

L'intonation' est la 'principale marque de l'illocutoire et duperlocutoire. Une proposition principale. un adverbe explicitentl'intonation (II est déjà 11 hl. Souvent. c'est de là que lesconnotations tiennent leur excès d'importance: elles définissentdes attitudes du locuteur et peuvent créer des obligations deconvenance (répondre à une question, admettre uneimplication '). Les marques dans l'énoncé du point de vue del'énonciateur ont été étudiées sous le nom de modalisation(Dict.de ling.). Ex.: "Justement. c'est... U introduit une révision depoint de vue, l'affirmation Implicite que le locuteur VOit leschoses de façon plus Justeque son opposant. On trouve donc cetour dans t'entanaclase'.

L'énonciation se révèle aussi quand l'auteur en dit trop peuou trop. Ex.: "j'esseyeis de dédicacer l'exemplaire à M.H.(Mounir Hafez. tians r (MICHAUX. Façons d'endormi.façons d'éveillé, p. 11 0- 1l.

Il suffit que ce dont on parle salt moins Immédiat pour quel'énonciation se distinque de l'énoncé. appartienne à un autreunivers. Dès lors, ou bien elle est effacée, ou bien il ya doubleactualisation. (V. à monologue. rem. 2). Les marques del'énonciation sont alors:- L'emploi d'un temps passé qUI caractérise le récit'.- Les adj. prétendu, soi-disant ou des guillemets qUI mettent encause la pertinence d'un terme. aux yeux du conteur.- La mention de l'auteur ou du public (V. à parabase) Ex,: UAux

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abords d'un vil/age, dont i'ei oublié le nom ..... vivait une veuvequi ne pensait qu'à convoler" (J. FERRON, réi« dans Contes).- La mention du texte comme récit. ou oeuvre littérairequelconque. Ex.: •L 'historiette qui suit indiquera, pour la partieIntelligente de ma clientèle, ce qu'on doit prendre dubeudetsirisme et ce qu'il conviendrait d'en laisser." (A. ALLAIS,Plaisir d'humour, p. 21). Autre ex. à litote, rem. 1.

- La mention du texte comme texte (fonctionmétalinguistique).

Ex.: Bois-Lamothe était la terreur de tous les maris desvoisinaqes. Je dis des voisinages. au pluriel, car le merquis. alorsgrand propriétaire ioncier en même temps que nature frivole etbaladeuse. changeait de voisinage comme de chemise.A. ALLAIS, Plaisir d'humour, p. 142.

Ex, oral: 'un début d'intrectus oui. oui ça se prononce mieuxqu'infarctus' (M. BEAULIEU, Je tourne en rond, m81S c'estautour de toi. p. 18).

Rem.4 L'énoncé peut aussi (sansperdre l'énonciation qui lui estcorrélative) engendrer un autre énoncé par rapport auquel ilJoue le rôle d'énonciation. On a alors trois niveauxd'actualisation. C'est le cas pour le récit au 28 degré, parexemple (V. à récit. rem. 4).

Rem. 5 Quand l'énoncé et l'énonciation s'actualisent sur deuxplans distincts, on peut par maladresse plus ou moinsvolontaire, ironie". élégance outrée, affecter de les confondre.Ainsi Ferron se faisant contredire par un de ses personnages (laBarba de Fr. Hertel. p. 105) ou passant du sens figuré au sem,propre. ce qui donne à son Intrigue des rebondissementsinettendus (le lapin de 1'Amélenchier, appelé M. Northrop,devient un personnage qUI, tout en grignotant la carotte,discourt sur la marine anglaise et caricature l'humour de cettenation). Autre Jeu sur l'énonciation. V. à prétérition, rem. 1.

Rem. 6 Pour d'autres ressources de "énonciation, V. àepocetypse. rem. 1; à esstse. 5; deux-points: excuse, rem. 1;nominetisetion. rem. 1: parenthèse. rem 4; personnification.rem. 1; prophétie. rem 1: prosopopée. rem. 2 et 3; rappel, rem.2.

ÉNUMÉFtl:tTlON Passer en revue toutes les manières.toutes les ci rconstances, toutes les parties... LITTRÉ.

Ex.: Alors circulèrent dans la ville les premières brochurescontenant des conseils sur la manière de se protéger lemieux possible contre la bombe atomique.Premièrement: il fallait se jeter à plat ventre par terre.Deuxièmement: se cacher le visage. Troisiémement:

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éviter les éclats de verre...G. ROY. Alexandre Cnenevert. p. 288.

Autre mot Liste.

DM. analogues Lamy (cf. Le Hir. p. 135). Lausberg. Robert.

Rem. 1 L'énumérat ion constitue un mode de définition' propreaux ensembles. ce qUI la distingue de l'accumulat ion (V. ce motrem. 2). Aussi est-elle souvent précédée d'un terme englobant.Elle peut alors être mtroduite par deux-points. savoir. à savoir(F. BRUNOT. la Pensée et la langu e. p. 83).

Rem. 2 L'énu mé ration est un mode d 'am p l if icati on'particulièrement bien venu car il passe de "abstrait au concret.du général au particul ier. Jakobson y voit un étalement duparadigme. ce qui ne relève pas de la fonction poét ique. Ellesert donc surtout â montrer, assez brièvement.

Rem. 3 Quand elle vise l'exhaust ivité , l'énumération est uninventa ire (Ba rry. t. 1. p. 76. parle de "dénombrement") .

Ex.: ..... divers instruments ..... Pièges à anguilles. casiers àhomards. cannes à pêche, hachette. balance ramame, meule.cesse-mottes. botteleuse. chancelière, échelle pla inte. râteau à10 dents, des socques. une fourche à foin, trident, une serpe. unpot de peinture. un pmceeu. une serfouette et caetera .JOYCE, Ulysse. p. 633-4.Part ielle. elle rej oi nt l'exemp le' . On peut aussi Indi querseu lement les limites extrêmes de l'énum érat ion , ce quiimpliqu e le reste. Ex.: "Femmes. momes, vieillerds. tout étaitdescendu ' (La Fontaine); les hommes et les enfants a fort iori.

Rem, 4 Quand les parties sont rapportées respectiveme nt âd'aut res éléments - ce qUIs'opère par une disjonct ion ' - on aune énuméranon distr ibutive ou d istr ibution (Bary, cité par LeHir, p. 128: Littré . Lausberg).

Ex.: Peut-être les Cbepdeteme penseient-its à cela et chacun à samanière; le père avec l'optimisme invtncible d 'un homme quisesalt fort et se croit sage; la mère avec un regret résigné; et lesautres, les jeunes. d 'une façon plus vague et sans amertume...L. HÉMON. Mana Chspdeteine. p. 40 . V. aussi â s érie tion et âapposition, rem. 2.

Rem. 5 L' énu m érat ion superfétatoire relève du baroquisme '.

Ex.: (l.'arnb tnon actuelle de Bloom) Ce n 'éta it ni d 'hériter pardro it de primogén iture ou par partage égal ou par p rivilège audernier-né. ni de posséder à perpétu ité un vaste domainecomprenant un nombre respectable d 'acres, de verges et deperches (etc.)JOYCE. Ulysse, p. 6 3 2.

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La fausse énumération relève du soulignement". Ex.: "Troisraisons pour lesquelles la cigarette XXX est la meilleure: songoût son goût son goût. ' Les éléments sont parfois mis engradation (V. ce mot. rem. 2).Pour l'énumération chaotique, V. à accumulation rem. 3 et àverbiçéretion. rem. 3 l.'Onent a une tradition d'énumérationsnon systématiques.

Ex.: Il y a sept façons de s 'enrtchrr par le commerce: la tromperresur la marchandise. la vente en commtsston. le commerce enassociation, la vente au client fidèle. la falsification des prix.l'usage des faux poids et mesures. le commerce à l'étranger.R. DAUMAL, Bharata. p. 163

Borges la dénude:

"Les animaux se divisent en: a) appartenant à l'empereur. b)embaumés. c) epprivoïsés. d) cochons de lait. e) sirènes. f)fabuleux. g) chiens en liberté" (Otras inquisiciones. cité enpréface à Fictions, p. 13).

Rem.6 Les POints énumérés peuvent être numérotés sans pourautant constituer des paragraphes', à moins qu'on n'aille à laligne (auquel cas le segment débute par la majuscule).

Rem. 7 Autres ernplors de I'énurnérenon. V. à gradation rem. 2;homéotéleute. rem. 3; célébretion. rem. 1; récapitulation rem.2; synonymie, rem. 3: télescopage, rem. 2.

ÉPANADIPLOSE Lorsque. de deux propositionscorrélatives, l'une commence et l'autre finit par le mêmemot. DU MARSAIS (t, 4, p. 139). cité par LITTRÉ.

Ex.: La mère est enfin prête; très élégante. la mère.R. QUENEAU. le Chiendent, p. 38.

Même déf. Scaliger (IV, 30). Lausberg, Mener.

Autres noms Épanastrophe (Littré, Lausberg, Mener). Inclusion'(selon Marouzeau). épanalepse' (selon Moner, comme sens 2).

Rem. 1 Les èpanac rploses ont un effet de soulignement", voirede ressassement'. Ex.: • L'enfance sait ce qu'elle veut. Elle veutsortir de l'enisnce." (J. COCTEAU, dans le Nouveau dict. decitations fr" na 14 530); •L 'homme peut guérir de tout non del'homme." (G. BERNANOS. Nous autres Français, p. 158).Mais certaines semblent dues au hasard. Ex.: • Un âne Immobilesur un terre-plein pareil à une statue d'âne." (G. CESBRON,Journal sans date, p. 166).

ÉPANALEPSE Répéter un ou plusieurs mots, ou mêmeun membre de phrase tout entier. LITTRÉ.

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Ex.: L'ombre d'elle-même! l'ombre d'elle-même! lamalheureuse a vieilli de cent ans! de cent anslCOLETTE, Chéri.

Autre ex.: GÉRONTE - Que diable allait-il faire dans cettegalère? (réplique qui revrent jusqu'à sept fois, avec un effet decomique très sûr).MOLIÈRE. les Fourberies de Scapin. Il, 11, cité par Morier.Ce qui distingue ïépenetepse des autres types de répétition',c'est qu'elle porte sur un fragment de texte autonome qUI est liéà l'assertion' RéduIt. le segment répété contiendra l'essentielde l'assertion, c'est-à-dire le posé. Ex.: ...de cent ans! cent!

Même dM, Lausberg. Morier. Preminger.

Autres déf. 1 MOrler et Preminger ajoutent un deuxième sens:"reprendre en fin de vers ou de phrase le mot qUI se trouvait audébut". Cette déf lnilion est celle de l'épanadlplose' ou de1ï ne! usion"

2 Marouzeau: reprise d'un terme ou d'une expression soit audébut. soit à la fin de groupes successifs. SOit à ta fin de l'un et audébut du su.vant. (je l'al vu, de mes yeux vu, vu comme je vousVOIS). Cette définition réunit l'anaphore '. lèprphore ' etl'anadiplose ...

Rem. 1 L'épanalepse. quand elle ne porte que sur un mot.rejoint la réduplication' Selon Lausberg (§ 616). laréduplication devient épanalepse dès qu'un mot sépare lesdeux termes identiq ues. Ex.: "Creiçner. Seigneur. craignez ..... ".ce qui est corroboré par le fait que dans un tel cas le motéquivaut à un syntagme qUI contient le posé.

Rem. 2 Guand t'épanalepse est inutile. c'est une battoloqie". Ex.:"Mais ils ne sont pas là où je SUIS quand j'alles yeux fermés. Làoù le SUIS quand j'al tes yeux fermés, i! n y a personne, il n y aque moi." (R. DUCHARME. l'Avalée des avalés, p. 8-9).

Rem.3 La reprise au début d'un chapitre ou d'un poème. du titrede ce chapitre ou de ce poème. constitue également uneépanalepse. Beaucoup de poèmes ont pour titre leur incipit. Ex.:"Emportez-mal dans une caravelle" (H. MICHAUX. Emportez­moi. dans l'Espace du dedans. p. 74).

Rem. 4 L'épanalepse peut Jouer, entre les ensembles étendus(paragraphes. chapitres. etc.). un rôle de liaison analogue à celuide l'anadrplose" entre les phrases et les alinéas

Ex.: SI le beau temps continue, dit la mère Cttepdeleine. lesbleuets 1 seront mûrs pour la fête de sainte Anne.

1 Myrtilles du Québec.

1BB

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Le beau temps continua et dès les premiers jou rs de juil/et.les bleuets mûrirent...L HÉM ON, Maria Chepdeleine. p. 67-8. V. aussi à r éemorçeç e.rem. 1.Rem. 5 L'épanalepse peut se produ ire à intervalles plus oumoins réguli ers, comme un refrain ' .

Ex.: (Dominique sort d'une longue contemplation de son corpsathlét ique). Toute peine était bannie. La pensée d'Alba n luirevint. Elle sut que cette pensée devait être plutô t tr iste, maisn 'en sentit pas la tristesse... Toute peine éta it bannie. Lessentim ents, les pensées. les paroles étaient des ombres sanschair. Ce bien comblait au po int d 'en être un peu oppressant.Elle était débordée par son corps. To ute peine était bannie.MONTHERLANT, Romans. p. 4 5.

Rem.6 La demi- épsnelepse. en introduisant des variatio ns'dansles répétit ions' , peut rejoindre l'anaphore' . l'épiphare' et lasymploque ' .

Ex.: Je SUIS allé au marché aux fleursEt j 'ai acheté des fleursPour toimon amourJe SUIS allé au marché à la ferrailleEt j'ai acheté des chaînesPour toimon amourJ . PRÉVERT, Paroles. p. 41 .

ÉPANORTHOSE Rev enir sur ce q u 'o n d it. o u pou r lerenfo rcer, o u pour l' adouci r. ou même pou r le ré tracte rtout à fa it . FONTAN 1ER, p . 408 .

Ex.: C'est en effet la première fo is dans l'histoire dumonde que to ut un m onde vit et p rospère. pere îtprospérer contre to ute cultu re.Ou 'on m'entende bien. J e ne dis pa s q ue c 'est pourtoujours. Cette race en a vu bien d 'autres. Ma is enfinc 'est p our le temps p rés ent.PÉGUY, Notre j eunesse.

Même déf, Thibault . Lamy. Litt ré, Ourllet.

Syn. Expolition (Marier). rétroact ion (Fontanle r).

Rem. 1 L' épanorthose est une parastase agrémentée de l' unedes marques de t'autocorrect ion ' . l.'autocorrection est moinsétoffée:Fontanier oppose l'épanorthose. figure de pensée. à lacorrect ion, figure de style.

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Rem. 2 La rétractation n'est qu'une des formes possibles del'épanorthose. Ex.: •Je soufflerais volontiers dessus (une vitre)mais el/e est trop tom. Ce IJ'est pas vrai. Peu Importe, monsouffle ne la terrnrettpas.' (BECKETT, Malone meurt p. 39).Le procédé peut s'étendre aux drrnenstons d'une oeuvre. danslaquelle on fait son autocritique: c'est la palinodie. Ex.:Errata,de R. Oueneau. (L'auteur revient sur sa théone de la promotionImminente de la langue parlée.)

Solennelle, soulignée en prenant à témoin qqch. de sacré, larétractation est une abjuration.

Rem.3 Le procédé peut. lUI aUSSI, être de pure forme. Il ya despseudo-rétractations agressives. Ex.: "Je ne m'en SUIS Jamaislaissé conter sur votre intelligence. et, pourtant, cette petitesaloperie montre quelque finesse" (B. FRANK, le Dettuet desMohicans. p. 38).

Rem. 4 Il n'est pas rare qu'un poème SOit contenu comme engerme dans son vers rrunal que les suivants explrcrtent. Ex.:Emportez-mot dans une caravelle de Michaux. On aurait là unesorte d'épanorthose ou de réqressron'. d'où l'importance desincipit (la chute' est le phénomène Inverse).

ÉPELLATION Nommer successivement chacune deslettres qut composent un mot. ROBERT.

Ex.: C'est de la part de M. Boris. Il ne peut pas venir.- M. Maurice? dit la voix.- Non, pas Maurice: Boris. B comme Bernard, 0 commeOctave.SARTRE, l'Âge de raison.

Rem. 1 L'épellation rapide est un moyen de communiquersecrètement malgré la présence d'un tiers: c'est un brouillagesonore.

Rem. 2 Lems a su en tirer un type d'équrvoque' qUI est l'Inversede l'allographe alphabétique (V. à ettoçrepnie. rem. 3). Il fait lamétanalyse' de la chaîne obtenue par épellation et obtient denouveaux mots, qu'il arrive à douer d'un sens vaguementpertinent au terme mrtral. Ex.: "Lueur: aile eue. oeufs eus, etr"(cité par ÉLUARD, Dictionnaire abrégé du surréalisme. à lueur).

Rem. 3 L'èpellatron peut se doubler de la syllabisation 1 , qUIconsiste à "épeler en décomposant par syllabe" (Littré). C'estune manière de souligner. Ex.: "et pUIS n 1 ni {"7/ M (JOYCE.Ulysse. p. 120).

La dictée comporte en outre des Indications diverses.

1 Proche de la svttebetion qUI consiste à décomposer (éventuellement par écnt, V. àCf/lit d'union) un mot en syllabes.

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Ex.: une épître en fantine . datée, dub li n petit dé. teneur.Petitp ère. grand p é. virgu le. Comment grand c é. allez-vouspoint d 'interroga tion Je grand Ji. vais très bien. point alinéasuivant (etc.)JOYCE. Ulysse. p. 64 0.

ÉPENTHÈSE A dd it io n. ins e rt io n d ' une le tt re . o u mêmed 'une sy lla be au m il ieu d 'un mot. LITTRÉ.

Ex. courant: lorseque.

Même déf. Marouzeau. Oui l let. Lausberg (9 4 8 3).

DM. analogues 'A pparition à t'int érieur d 'un mot d 'un ph onèmenon étymologique ' . Ex.: chanvre. venant de cannabis (Robert).' Son parasite ' iDict. de Img.). ' phonème out surgit pour desraisons de mécanique art iculatoire" (Mor ier).

Analo gues Parem ptose (add it io n d ' une lett re. non d 'unesyllabe), selon Littré et Lausberg; dip lasiasme (redoublementd'un e lett re - rettu lit pou r retulit - selon Le Clerc. p. 272).

Ram, 1 Terme de t'ancienn e gramma ire. qui correspond à unprocédé actuel. Ex.: "M erdre" (JARRY. Ubu roh. "Pro êmes" (Fr.PONGE), " Urlvsse" (R. DUCHARME. l 'Avalée des avalés, p.265).

Pons (p. 1 0) ap pell e saupoudrage de s épenthès esmult ipli ées. Il pense que Swif t a con fec t ionné ainsi ses"Houyhnhnms". (à partir de hom(me) pr ononcé par deschevaux, naturell ement) . VOici un saupoudrage de Joyce: 'Moneppripfftaphe. Soit éptrite " (Ulysse, p. 2 4 5 ; pour: Mon épitaphesoit écrite ).

Le procéd é est co nnu d es psychia t res so us le nomd'em bololal ie ou embolophasie. ' Immixtion de lettres dans lecorps des mots ou de mots dans le corps des phrases'(Marchais).

Rem. 2 Le phénomène est natu rel quand il s'agit de souteni r uneconsonne, par un e épenthétique. Ex. " Mons ieur Malb rouk estmort' . où l'on prononce / more/.

Rem . 3 L'épent hèse est un rn èta p la sme ' . V . auss i àeuphémisme. rem. 2.

ÉPIGRAMME (fém.) Poè me " t rès br ef q ue termine unepointe" satiriq ue. BÉNAC.

Ex.: L 'autre jour au fond d 'un va llonUn serpent p iqua Jean Fréron.Que p ensez-vous qu 'il arri va?Ce fut le serp ent qui cre va.VOLTAIRE.

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Analogues Blason (V. à célébration), pasquin, pasquinade(Robert).

Rem. 1 Guillaume Colletet (Traltté de l'épigramme, section 8)donne le madrigal comme un équivalent espagnol ou italien del'épigramme. Le madrigal se termine par une pointe"ingénieuse et Il est surtout destiné à divertir.

Rem. 2 Du XV" au Xlxe siècle. l'èpiqrarnrne s'est élevée d'abordau rang de genre littéraire. pUIS est tombée en désuétude. Elleavait une fonction: cnuqusr habilement les gens en place. Or lacritique est devenue. avec la démocratisation. plus théorique. etelle est descendue d8S salons à la place publique. Si l'on sesouvient qu'épigramme veut simplement dire inscription. onpourra considérer que la forme actuelle du genre, ce sont lesinscriptions, comme genre littéraire, genre qui futparticulièrement à l'honneur durant la "contestation" de 1968.Celles-ci ne sont plus de simples graffiti. comme on en trouvesur les bancs d'écoliers ou dans les torlettes publiques, mais desformules proches du slogan' et dont l'incidence est politique.Ex.: Dépensez. Ne pensez pas (contre la société deconsommation).

Rem. 3 V. aussi à négation, rem. 7: jeux littéraires, n. 1;sarcasme, rem. 3.

ÉPIGRAPHE Citation" placée en exergue au débutd'une oeuvre ou d'un chapitre pour en indiquer l'esprit.BÉNAC.

Ex.: Votre oeuvre peut-elle faire vis-à-vis à la pleinecampagne et au bord de la mer? WAL T WHITMAN (Textemis avant le Serpent d'étoiles de Giono).

Rem. 1 L'intention générale de l'écrivain s'en trouve éclairée. G.Perec, par exemple. a placé le texte de son roman les Chosesentre deux épigraphes qui le transforment en une sorte detémoignage véridique.

Rem. 2 V. aussi à imitation, et à effacement lexicel. rem. 2.

ÉPIPHANIE Quelque chose de rée! est perçu parl'auteur comme significatif et transcrit tel quel dans sanudité. Ex.: le mot qui révèle un caractère, les "Perlesrécoltées dans la Grande et Bonne Presse" (Cahier 1 duCollège de pstephvsique. p.43).

Rem. 1 Le terme est dû à Joyce. qui y consacra un carnet (publiépar O. A. Silvermann, Univ. of Buffalo. 1956).

Ex. (cité par J.-J. MAYOUX, Joyce, p. 71): LA JEUNE FEMME(d'une voix lsnquide. discrète). - ah oui... j'éteis... à la...cha..,pelle... LE JEUNE HOMME (indistinct). - je... (toujours

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indistinct). LA JEUNE FEMME (doucement) - Oh... mets VOUS

ëtes.: très vi...lainL'épiphanie est naïve ou féroce. sinon les deux. comme dans lecas du personnage de Marle-Chantal. prototype de la snob.

Rem, 2 V. à faute, rem. 4.

ÉPIPHONÈME Exclamation' sentencieuse par laquelleon termine un récit'. LITTRÉ'

Ex.: De Dieppe. on m'a permis de revenir à la Vallée­eux-loups. où je continue ma narration ..... j 'écris commeles derniers Romeins. au bru.t de t'invesion des Barbares

la nutt. tandis Que le roulement du canon lointeinexpire dans mes bOIS. je retourne ..... à la paix de mesplus jeunes souverurs. Que le passé d'un homme est étroitet court à côté du vaste présent des peuples et de leuravenir immense!CHATEAUBRIAND, Mémoires d'outre-tombe, 1re partie, 2, 7,

Ex, cont.: Lequel des deux intlueit sur l'autre? La modernelycéenne fabriquait-elle ainsi un aïeul ou était-ce l'aïeul quifabriquait une moderne lycéenne? La question était plutôt vaineet sans grand sens. Mets comme il est étrange de voir desunivers entiers se cristelliser entre les mollets de deuxpersonnes différentes'GOMBROWICZ, Ferdvdutke. p. 149.

Même dêf, Bary. Lamy (Cité dans Le Hir. p. 135), Le Hir. Girard(p. 299), QUillet. Wlilem (p. 34). Lausberg (§ 879), Robert.

Autres déf. 1 Fontaoier (p. 386 et sv) trouve la définitionclassique trop restreinte et dit: "une réflexion vIVeet courte .....à toccesion d'un récit ..... mais qui s'en détache absolument parsa généralité ..... et le précède. l'accompagne, ou le SUIt. "

On aura donc un épi phonème "imtiettt. termtnettt ouinterjectif", Il se distinguerait de la parenthèse ordinaire par sontour Vif ou sentencieux, avec un changement de ton impliquantune généralisation' et une "leçon". Ex. les moralités des fables;ou: "N'avoir pas parlé du rhtnocéros... Au moins. pour excusepassable, aurais-je dû mentionner avec promptitude (et je ne l'alpas rent) cette omISSIOn." (LAUTRÉAMONT, les Chants deMeldoror. § 36).

2 Marouzeau: "énoncé qu'on ajoute pour tourntr l'explicationd'un énoncé anténeur (je ne lui al rien dit, tant il étaitpréoccupé)".C'est plutôt une èpiphrese. rationalisée.

1 Il donne. comme presque tous les auteurs. "exemple du v. 33 de l'Énéide. chant 1;Tentee malis eret romanam condere gentem.

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Rem. 1 l.'éprphonème est une demi-parabase'. Cependant. SI la"réflexion vive et courte" ne se détache pas "absolument ..... parsa généralité", SI elle appartient au personnage, on n'a plus dedemi-parabase; on se rapproche alors de I'épiphrase' Ex.:"Demain lundi, Je confesserai les VieUX et les vieilles. Ce n 'estrien. Mardi, les enfants. J'aurai bientôt tsu.: (A.DAUDET, leCuré de Cucugnan). Ce sont des demt-optphonémes.

ÉPIPHORE Placer le même mot ou groupe à la fin dedeux ou plusieurs membres de phrase ou phrases.

Ex.: Les courtes plaisanteries sont les meilleures.Monsieur. La Justice aura le dernier mot Monsieur.BERNANOS. 0 romanesques. p 829

Même déf. Littré. Lausberg.

Autres noms Épistrophe (Littré, Lausberg, Morier. Premrnger);antistrophe (Littré, Quillet); conversion (Fontanier. p. 330); LeClerc. p. 267, Quillet: mais selon Fabrr (1 2, p. 161), laconversion cons-stan à reprendre trois fOIS la même phrase àIntervalles réguliers, tandis que selon Girard (p. 281) laconversion consiste en des répétitions faites symétriquement.comme: "II m'a fait trop de bien pour en dire du mal, il m'a faittrop de mal pour en dire du bien' (V à enttméteboteï.

Rem. 1 Nous avons préféré éptphore à éptsttophe parce que ceterme se compare mieux à celui d'anaphore' V. à épanalepse.rem.6.

Rem. 2 l.'êprphore appartient au style périodique' (V. à période)mais on la rencontre aUSSi en poésie.

Ex.: MUSique de l'eauAttirance de l'eauTrahison de l'eauEnchantement de l'eauANNE HÉBERT, l'Eau dans les Songes en équilibre.

ÉPIPHRASE Partie de phrase qUI paraît ajoutéespécialement en vue d'indiquer les sentiments del'auteur ou du personnage.

Ex.: Demain lundi. je confesserai les vieux et les vieilles.Ce n'est rien. Mardi. les enfants. J'aurai bientôt fait, (Etc.)A. DAUDET. le Curé de Cucugnan.

Autre ex.: Monde mort sans eau. sans air... En voilà deseffusions.

S. BECKETT. Metone meurt, p. 44.

Autre déf. Fontanier. p. 399, parle d'addition ..... d'idéesaccessoires; Littré et Morier reprennent ces termes, Cette

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déf ini t ion rapprocherait l'épiphrase de l'hyperbate ' , de lapropo sition incidente' (dont parle aussi Fontanier, p. 318), etc.Elle est moins précise.

Rem. 1 L'épip hrase est une demi-parabase' . Elle prendvolo ntie rs la forme d'une parenthèse ou d'une propositi onincidente (Cf. CHEVALIER, Grammaire, § 3 ), voi re d'uneincidente dans une parenthèse: " II n 'est sculpteur. en vérité, qUIne fasse penser à la mort (quoique nombre de sculpteurs, tantpis pou r eux , n 'y aient po int pensé du tout)." (A. PIEYRE DEMANDIARGUES, dans le Nou veau Dict. de ci tations tr..15 836).Moyennant l' inton ati on app ropriée, la parenth èse peut necontenir qu'un e rédup lication' , Ex.: •L'expression que prit leviseç e de M. Octave en voyant de la fumée (de cigarett e) danssachambre (sa chambrel...), et de la cendre sur son tapis (sontep is!.. .), fu t digne du th éâtre." (MO NTHERLANT. lesCélibataires. p. 861).

Rem, 2 L'épiphrase n'est pas loin de l'ép iphonème' . Morierobserve qu 'elle apporte souvent une restriction. V. ex. àallusion. rem. 2.Rem. 3 La poés ie gre cque aj out e au group e str ophe etantistrophe deux vers lyriques inégaux, qu i constituent l'épode.Celle-ci. parfo is satir ique, n 'est pas sans rapport avecl'épi phrase.

Rem. 4 Le moderne nota bene signale une remarque en dehorsdu déroulement du texte . Il est orienté vers la compréhensiondu lecteur. Il se place parfois en marge ou en bas de page.Abrév iation: N. B.

ÉPITHÉTISME Emplo i d'épithètes rhéto riques avanttout, utiles à l'expressiv ité ma is inutiles au sens.

Ex.: Vous me donnâtes (mathématiq ues) la p rudenceopin iâtre q u 'o n d éch iffre à cha que p as dans vosméth odes admirables de l'analyse, de la synthèse et de lad éduction. Je m 'en ser vis p our déro uter les rusespernicieuses de mon ennemi m ortel...LAUTRÉAMONT, les Chants de Meldoror. 24 .

Même déf. Littré , Les grammairiens d'autrefois opposaientépithète à adjectif plutôt qu'à attribut; ils désignaient ainsi laqualité rhétorique et non la fonct ion (Cf. encore dans PH.MARTINON. Dictionnaire des rimes françaises. p, 53 ). Ce n'estpas l'accumulat ion des adject ifs (comme semble le penserLausberg, pour qui le style épithétique est un style rempli

1 Ou incise.

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d'épithètes) mais leur emploi comme ornement sans plus, quevise Littré. L'accumulation d'adjectifs est une autre figure, c'estl'accumulation' plutôt que ïépitbétisme.

Autre déf, Fontaruer distingue épithète (p. 324) et épithétisme(p. 354·7). L'épithète est. pour lUI comme pour Littré, unadjectif 'qui ne sert qu'à l'agrément ou à lénerqie du discours"et qu'on pourrait supprimer sans changer le sens: l'épithétisrne.l'emploi de compléments prépositionnels qUI jouent le mêmerôle. Ex.: 'un héros aux larges épaules. à la vaste poitrine. auxmembres robustes. aux yeux francs. aux cheveux roux (etc). '(JOYCE, Ulysse. p. 284). C'est une parodie' de l'épithète ditehomérique.

Rem, 1 l.'épithétisrne sert le sublime (V. à grandiloquence. rem.1). En revanche, suivant Le Clerc, il est le plus souvent undéfaut. 'Toutes les fois qu'elle (l'épithète) ne sert pas àcsrectériser le substantif ou à le moditier ..... proscrivez-lacomme un pléonasme." Il donne cet exemple: '(Crevier) s'estmoqué avec retson de Chepelein qin loue les doigts inégauxde la belle Agnès. 'Pour le rôle de cheville de l'épithète dans la période', V. àphrase. 5.

Rem.2 L'ancienne distinction, d'ordre rhétorique. entre adjectifet épithète, a reparu dans la terminologie critique sous uneautre forme Lausberg (§ 680,1) oppose épithètescaractéristiques et épithètes oiseuses. Marouzeau distingueépithète de nature (un ciel Immense) et épithète decirconstance (un Joli visage). Les épithètes de nature sont cellesqui conviennent indépendamment des circonstances. Ex.: 'Lesdoux zéphirs conservetent en ce lieu une délicteuse treîcheur"(FÉNELON. Télémaque): 'La mer. la vaste mer' (BAUDELAIRE,Moeste et errabunda). L'épithète de nature tend à faire voirl'objet. à "peindre". C'est pour remédier à sa banalité possibleque les Goncourt préconisent que le rôle soit tenu par un motrare.

Le syntagme' qualifiant est lUI auss: 'de nature' ou 'decirconstance". qu'il se rapporte à un nom ou à un verbe. C'est lecas de l'épithète homérique (Achille au pied léger). Ex. récent:'Un tram remontant passa à grand fracas sur sa tête. wagonaprès wagon' (JOYCE, Ulysse. p. 75)

Rem.3 L'épithétisme diminue ce que Morier appelle la densitéd'un texte, c'est-à-dire la 'proportion des concepts .....relativement au nombre de mots'. 'La conCISIOn recherche uneforte densité conceptuelle par le moyen de J'ellipse, deJ'allusion ..... La prolixité au contraire préfère lepléonasme et la pétiphtsse".

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ÉPITROCHASME Accumulation ' de mots courts etexpressifs. Elle est fréq uen te dans l' in ve ct iv e : "Treît rellâcher C'est une fig ure de rythme' . MaRIER.

Ex. (donné par Morier): "et son esp ri t. strict droit, bref, sec etlourd, ne subissait au cune a l téra t ion dans la soirée. H

(V IGNY, Stetlo. cnap. 17 ).

Autro dêf.: "Ouend les questions se pressent. s'accumulent"(CHA IGNET. p . 5 05 .) C'est ram en er l ' èprt rochasrne ausynathroïsme. Le Larousse du XXe siècle propose un compromisent re les deux déf .: "acc umuler des Idées forte s sous une form eco ncise".

Rem, 1 Cette figure n'est pas signalée par Fontanler, Litt ré,Marouzeau. Lausberg.

Rem. 2 On reconn aît dans le mot ép it rochasme le trochée. quiest une mesure rythmique ' rapide, fo rmée d'une syllabe longueSUivie d'u ne brève. - brève que l'on peut d'ailleurs supprimer(trochée cata lectiq ue). Il faut pr endre garde que le versmonosyllabique (Cf. Lausbe rg. leXique ) ne s' Iden t ifi e pasnécessairement à l'épitrochasrne. par co nséquent. Ex.: "Le journ 'est pas plus pur que le fond de mon coeur" (Racine)."faut que l'on ait des trochées. c'est-à-dire une sér ie de syllabeslongu es, suscept ibles de recevoir un accent.Dans l'exemp le suivant . de L. Hémon, on peut accentuer laclausule comme SUIt: .,," gagnant quelques arpents chaq ue fOISau printemps et à l'automne. année par année.

à travërs /toute'/un e"longuelvIe /tërne#ét /durë.Maria Chapdelaine. chap. 13. En accentua nt amsi. c'est commesi Maria t ituba it dans son effort.

ÉQUIVOQUE Pa r une m o d if icat ion , g ra p h iq ue ouautre , o n int ro d uit , dan s une phrase qu i avai t déjà unse ns complet, un deux ième se ns, d istin ct et complet lu iau ssi (ou presq ue).

Ex.: (Un cancre r écite l'Art poétique de Boileau devant un maîtreà la complexion plu tôt ron de lette) - C'est en vain qu 'auParnasse un téméraire auteur / Pense de l'art (il semble arrêté)Pense de l'art... Hila rité . La classe a compris "panse de lard "....

Autres ex.: "- Veux-tu .,," que nous eddnionruons nos âges? ­Est- ce qu e tu as vu le s oign ons dans add itIOn ni o ns?"(DU CHARME, le Nez qUI vaque. p. 85 ). "Pauvre Mille Mt/les!tout dépaysagé. tou t désorients lisé. tout désütustonmsmts é!"(lb .) "Décochons. décochons. décochons - des traits - etdétrui. et dé trui - d étrutsons l'ennemi - C'est pour seu. c 'estpour seu. - c 'est pour sau-ver la patri -el" (JARRY, cité par leDictionna ire abrégé du surréalisme, à Porc).

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Syn, double sens.

Analogue Calembour (V. ce mot autre déf)

Ant, Univoque.

Rem. 1 L'équivoque est une embiguHé de grande extension. Elleva de l'alloqrephe. significatif ou non. à la syllepse ' de sens, oùla phrase n'a pas besoin de recevoir une rnod.fication pourèvcquei le second sens. Elle peut venir d'une liaison. Ex,: Il suteimet / il sut t'aimer Elle peut venir d'une césure (V. l'ex. cité àce mot rem. 3). ou encore d'un pronom (V il apposition, rem.4 ).

Rem, 2 L'à-peu-près' est une équivoque ne portant que sur unmot. La contrepèterie'. une écuivoq.ic par antirnètathèsa' Lekakemphaton'. parfois par brouitleqe (V. ce mot rem. 1), uneéquivoque parasita rre. V. aussi à dissociation, rem 9

Rem. 3 Le distique holotime est une équivoque sonore (mais pasrythmique), que sa double graphie décode Ex. cité par Moner,p.350Dans ces meubles laqués, rideeux et dsis moroses,Danse, aime, bleu tsqusis, ns d'oser des mots roses.Si le phénomène ne se produit qu'en fin de vers. on a une rimeéquivoque. Cf. Littré. Robert. avec l'exernp!e: Je viens de faireun vers alexandrin / Ou'en penses-tu. mon cher Alexandre,hem?L'holor irne n'est pas réservé au vers. On ,'appelle ailleurshomophonie. Ex,: LE CONFÉRENCIER. - Meis voyonsmamtenant comment Id question doit être posée. UNE VOIX ­à tête reposée!

Rem, 4 L'équivoque rétrograde ou rime' encheînée consista.pour les rhétoriqueurs. a reprendre au début du vers le mot (ouune partie du mot) de la fin du vers précédent en lui donnant unautre sens. (Morier) V. aussi à épellation. rem. 2 et métenetyse.rem. 2.

Rem, 5 Dans la vie courante. une équivoque .nconsc.ente estpartois un lapsus' révélateur

Rem.6 V. aussi à ennommotion. rem. 3. à sens. 9: à phébus. rem.4.

E~GOTERIEArgument' trop mince. par lequel on tentede se donner raison à tout prix.

Ex.: PÈRE uau - Quant aux baraques (les pavillons de"Exposition universelle). /e n'y ai point pénétré: /e n'alaucune envie de contempler aucune des curiositésqu'on les disait recéler. parce que j'entends par"curiosité" un ob/et que /e découvre tout seul, en mes

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explorations individuelles chez les peuplades barbares,je veux qu 'on me le laisse découvrir tout seul! Tandis quele plus bel objet d'art se banalise dès qu 'il est mis à laportée de plusieurs.JARRY. 0. c.. t. 1. p. 586.

Même déf. Robert.

Syn. Ergotage. arguti e. rat iocina tion (au sens actuel") ,byzantin isme (ergoterie abstraite) . coupage de cheveux enquatre.

Rem. 1 L'ergoterie se décèle à son intonation' .

ÉROSION Répétit ion' dan s laq ue lle. à chaque reprise.une partie du te xte d isparaît .

Ex. (avis communiqué aux clients d'un ordinateur): Les fichiersdont la date d 'expira tion sera dépassée depuis dix joursseront élimin és ... élim in ... élim ... éli... é... ...

Ex. litt.: "Nous nous détériorions . Tériorions. Riorons.". (DUCHARME. le Nez qu i voque).

Rem. 1 J . Dubois (t . 2. p. 26) donne une règle de non­achèvement selon laquelle , quand le syntagme initial ne changepas de sens. il peut remplacer la phrase entière . (C'est l'emploi"absolu 1.Ex.: Il abandonne le combat / Il abandonne.Mais il s'agit là d'une règle linguistique. En rhétorique. lesérosions successives semblent destinées à souligner. à faireécho. ou même à faire apparaître de nouveaux sens. Ex.: •auxétapes de ces longs voyages que nous faisions séparément je lesais maintenant nous ét ions vraiment ensemble, nous étionsvraiment. nous étions. nous.' (ÉLUARD. Poèmes. p. 127).

Rem. 2 On tro uve chez Joyce un procédé Inverse . qu 'onappellera naturellement alluvion , "les p iqueurs pilant pilantdu, pilant du poivre" (Ulysse, p. 230), Ex. publicitaire: Dubo.Dubon. Dubonnet.

ESCALIER On rep rod ui t p lusie urs fo is un lien desubord ina t io n syntaxiqu e. Le cas le pl us sim p le est celuide la relat ive dont un substan t if est détermi né par unenouvelle re lat ive. et ain si de su it e.

Ex,: M on beeu-trè re ava it. du côté p atern el. un cousing ermain dont un oncle ma ternel avait un beeu-pé re d ontle g ran d-p ère p atern el avai t ép ousé en secondes noces

1 Pour Littré. la rauocmanon est l' usage de la raison (sans conno tancn p éjoranve). LeClerc, lUI. ressirmre à la subjection el au dialogue' intérieur.

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une jeune indigène dont le frère avait rencontré, dans unde ses voyages, une fille dont il s'était épris et aveclaquelle il eut un fils qui se maria avec une pharmacienneintrépide qui n'était autre que la nièce d'un quartier­mettre inconnu de la Marine Britannique et dont le pèreadoptif (etc. etc. etc.)IONESCO, la Cantatrice chauve. p. 51

Autre nom Enchâssement' (J. DUBOIS, Grammaire structuraledu tr.. t. 3, p. 14-5).

Rem. 1 De soi, la figure peut continuer indéfiniment mais il fautbien qu'elle s'arrête, à moins d'un retour au point de départ, qUI

permet d'Imaginer une boucle'.

Rem, 2 Il Ya de petits escaliers, purement formels.

Ex.: la main gauche met la fourchette dans la main droite, qUIpique le morceau de viande. qUIs'approche de la bouche, qui semet à mastiquer evec des mouvements de contraction etd'extension qui se répercutent dans tout le visageROBBE-GRILLET, la Jetousie. p. 111.

Rem, 3 Quand le lien survant entame la nature du précédent(exception à une exception, est-ce retour à la règle?) on a unescalier plutôt branlant. C'est le cas dans les phrases à multiplemais.

Ex.: J'aurais pu naturellement me faire un bâton. avec unebranche, et continuer à avancer, malgré la piuie. la neige, lagrêle, appuyé là-dessuset le parapluie ouvert au-dessusde moi.Mais je n'en fis rien. je ne sais pourquot. M8Is quand il tombaitde la pluie, et les autres choses qUI nous tombent du Ciel,quetquetois j'avançais toujours. appuyé sur le parapluie, mefaisant tremper. mais le plus souvent, je m'immobilissis. ouvraisle parapluie au-dessus de mal et ettendeis que cela tinisse.S. BECKETT, Molloy. p. 228.

Rem. 4 Escalier d'intrigue (Intrigue en escalier): le récrt bifurquesur un épisode secondaire, abandonnant au fur et à mesure lesdiverses intrigues amorcées Ex.: le film de Bunuel le Fant6mede la liberté.

ESPRIT Être spirituel. faire de l'esprit, c'est provoquerl'esprit d'autrui en exerçant, en exposant le sien. Et pourcela, on sort de l'habituel. du vrai, des structures 1 ou dumoins du souhaitable, on refuse qqch.. et c'est unemanière de le reconnaître Implicitement.

1 Celles du rée! ou celles du langage.

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Nous èlassonsces procédés en huit catégories mais celles-cine sontçu ère exclusives l'une de l'autre.

Le mot d 'esprit ou concetti" est plutôt un raisonnement" . Salog ique , gratu ite ou même fau sse (V. à sophisme etparalogisme) introduit du jeu entre l'i ntelligence et son objet.

Le non-sens' , forme obscure du précédent remplace leraisonnernent'par les sentiments.

La simulation' induit en erreur et la pseudo-simulation' a soneffet comique car personne n'est dupe.

Le persiflage', raillerie ou moquer ie, consiste à se payer latête de quelq u'un ou à le ridiculiser pour rire.

Le jeû de mots" surexploite la langue par les divers sensauxquels prêtent les segments sonores, modifiés ou non.

L'i ronie' et la pointe' créent des défis à la sagacité du lecteu·.L'humour' souligne les limites et les faiblesses de l'esprit et

rend au réel sa suprématie.Le burlesque' est un comique vulgaire et excessif.

Rem, 1 L'esprit a souvent pour but de faire rire et s'appelle alorsfacét ie, plaisanterie, drôlerie. Mais le rire peut avoir desfonct ions très diverses et jai llir indépendamment de tou -eplaisanter ie:- Montrer qu'on a vu l'erreur , l'astuce, l'absurdité, le jeu demots voire la simple allusion'.- Se défendre d'une attaque voilée sans riposter. C'est le casdevant l'ironie ' mais aussi devant le persiflage et même l'injure.la menace... qui sont alors pri ses en tant que simu lat ionstaqu ines, 'pour rire'.- Refoulement. Les cont radict ions libèrent le moi, qui n'en estpas responsable. 'L e rire fait abandonner les positions de topde contrainte' (MI CHAUX, Connaissance par les gouffres, p.24).- Sat isfact ion , plaisir de constater que d'autres pensentcomme nous, qu'un e idée ou qu'une expression est juste. que letrait (d'esprit ou de plume) a réussi à fixer un type.- Surprise.- Manifestation de soi en société (V. à jeux littéraires). Etc.

Rem. 2 Pour l'esprit gaulois, V. à gauloiserie. Autres ex. d'esprit:V. à lipoqremme. rem. 1; mé tenetyse. rem. 2.

ÉTIREMENT Allon gement démesuré d 'un phonème envue de rend re plus sensible l'objet ou le mouvement.Ex.: "Mé ééét éééoooorooootoooç ie " (TZARA). 'Jazz jazzjazzzzz ' (R. DUGUAY. Ruts, p 19).

Rem. 1 La figure est essentiellement sonore et connaît destranscript ions diverses. Elle s'accompagne de mélodies etd'inflexions impossibles à écrire et que le comédien retrouve ou

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recrée selon son génie. 'On flo--tte/ On cha--vire w

(CLAUDEL Théâtre, t. 1. p. 775). "vous êtes devenuri. che!" tib.. p. 791),N. Sarraute tente d'aller Jusqu'à la mimologie'. "Elle le disait enricanant. avec son accent gouape. cet accent mordant etmièvre... çaa.. té... cli-i-ché... " (Portrait d'un inconnu. p. 48). V.aussi à pereçoçe. rem. 2.

Rem, 2 Certains étirements sont des soulignements". Ex.:"Docteur. c'est etrôôôce. un vre) martyre". (A. SARRAZIN.l'Astragale. p. 55).Il arrive que la voyelle étirée salt redoublée. Ex.: "Fouous-moi lapaix" (JOYCE.Ulysse, p. 121). C'est ce qu'on appelle au théâtrele hoquet lyrique,

Rem, 3 le chant grégorien est souvent un récitatif sur une mêmenote (plain-chant) SUIVI d'une mélodie placée sur la dernièresyllabe accentuée. On appelle chant mélismetique celui "danslequel plusieurs notes sont chantées sur la même syllabe" (P.GUÉRIN. ïuct. des dictionnaires), les troubadours avaient unsigne graphique conventionel (méltsme) indiquant la mélodie àchanter sur telle ou telle syllabe de leurs chansons. Cf. TH.GÉRalD, la Musique au Moyen Âge. Ex.actuel: "Glanerai toutvibrato de tes pau pau pau pau pau pau peupières" (R.DUGUAY, Ruts.p. 21). (II faudrait ici entendre l'auteur chanterses poèmes.) "0 ma Molly d'lrten-en-de!" (JOYCE, Ulysse, p.257).

Rem. 4 Une variété de "étirement est le trémolo. Ex.:"Mouououtiririr" (R. DUCHARME, le Nez qUI voque. p. 116)."Nous rihihihirions un peu de rahahahage ah" (R. DUGUAY, leStéréo, dans Culture vivante, nO 12, p. 32).

ÉTYMOLOGIE l'étymologie au sens strict (diteétymologie savante) consiste à revenir à l'origine (ouétymon) d'un mot pour en commenter ou en modifier lesens.

Ex.: HL 'objectivité, c'est-à-dire la .parfaite conformité àl'objet. n'existe pas" (H. BEUVE-MERY),

Autre ex.; le titre du recueil de poèmes de Valéry. Charmes.choisi notamment parce que charme Vient du latin carmina,"poème". De même. le v, 135 du Cimetière marin parle de"mille et mille Idoles de soleil". Il s'agit de décrire lemiroitement de la mer et idole est donc pns au sens de sonétymon grec. eidôlon. "image", reflets du soleil sur les ondes.

En ce sens, relativement rare. l'étymologie se confond avecl'archaïsme' de sens. Mais elle peut aussi être utilisée commeargument'. Ex.; "L 'uvconscient. t'urstiotmel. t'uistsruené. qUI

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sont - et leurs noms le proclament - des privations ou desnégations des formes volontaires et soutenues de l'actionmentale...• (VALÉRY, 0, t 1, p. 1241 j,C'est la preuve par le langage, preuve formelle s'il en est...Platon, Aristote même l'ont considérée comme légitime etdurant des siècles. la philosophie pensa pouvoir tirer l'essencedes choses de la composition ou des sonorités des mots (Cf. lesEtymologiae d'Isidore de Séville et au XVIIe siècle encore, lesrapprochements du francais avec l'hébreu).

Avatar récent d'une ts l!e méthode. les variantes graphiquesdes existentraüstes. À l'exerr-ple de Heidegger, ils glissent dansles mots usés des pensées inédites Ex.: "Nous sommes ainsitoujours amenés à une conception du sujet comme ek-stase età un rapport de transcendance sctive entre le sujet et lemonde." (MERLEAU-PONTY. Pbénornénotooie de laperceotton. p. 49 1) ~Un Simple trart d'union s'!ff!t parfois: "pro-jeter". "à-venir". "ex­sistence " (lb, p. 473. 470, 485); déjà Claudel: "co­naissance"

Dans un n'Ince traité to Preuve par l'étymologie, Paulhantente de saper la confiance naïve du lecteur dans ce type depreuve, proche. dit-il. du calembour Certes, il s'agit presquetoujours d'étymologies non scientifiques. 'vulgaires".d'attractions paronymiques comme celle qui a fini par donnerà souffreteux le sens de "habituellement souffrant" alors quel'étymologie ne le rattache nullement au lexème souffrir. Etl'application de la méthode sans discernement aboutit à desabsurdités humoristiques. Ex.: "le pays appelé Germanie, ainsinommé parce que les habitants de ce pays sont tous cousinsgermains" (JARRY, Ubu rot. p. 179).

Mais ce type de pseudo-preuve n'est-elle pas expressive, nese grave-t-elle pas dans la mémoire, quand Valéry écrit parexemple "L 'enthrope ne peut faire qu'anthropomorphisme"(0,1. 2, p. 212). Et ne vaut-il pas mieux créer des néoloqisrnes'qUi paraissent entrer dans les structures antérieures du lexique 1,

comme UJ transhumance auquel Saint-John Perse donne lesens de "ce qUI est au-delà de la mesure humaine", plutôt qued'en forger de to utes pièces?

En rhétorique, l'étymologie est presque toujours fausse et.même SI elle prend la forme d'un argument", qui ne prouve rien,elle dit beaucoup.

Les enfants le savent, qUI explorent le lexique au moyend' étymolog ies rhétoriq ues irréfuta bles. Ex.: "Si c 'était la

1 A. Henry les a baptisés néologismes récurrents. Cf. P GUiraud. Langage etversification d'après l'oeuvre de P Valéry, p. 181 et sv

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blanchisseuse qui avait fait ta chemise, elle ne serait pas bleue.elle serait blanche." Et même les noms propres. Ex.: "Jeanned'Arc s'appelait ainsi parce qu'elle tirait beaucoup de flèches"(J EAN-CHARLES, Hardi! les cancres. p. 28). Ainsi découvrent-ilsà la fois le monde et le langage. c'est-à-dire les modalités de leur(in)adéquation. Dans Biffures et Fourbts. M. Leiris reconstituecet univers enfantin (encore latent chez l'adulte) où l'onapprend par les mots et leurs motivations, même fantaisistes.

Autre dM. Réunir dans une même construction des motsapparentés par l'étymologie (vivre savie) ou par le sens (dormezvotre sommeil), selon Marouzeau. C'est ce que la grammaireappelle plus souvent complément interne, mode desoulignement" du lexème, pléonasme' mais non périssologie'.

Rem. 1 Ouand elle s'attaque aux noms propres, l'étymologie(c'est-à-dire, habituellement la fausse étymologie) est un modedu persiflage', ou de l'éloge. Par ex.. H. Rochefort appelle unministre de Napoléon III. Fourcade de la Roquette, "Fourcedede toutes les prisons"; on sait que la Roquette est une prisonparisienne. Ex.flatteur: Mlle Rossignol... Elle en a en effet la voix(cité par Paul. qui appelle le procédé notation du nom). V. àennominetion.Rem. 2 L'étymologie est le mode principal de la remotivation. (V.ce mot rem. 1). Ex.: le mot dissémination chez Derrida, au sensd'"éclatement des sèrnes.v. aussi à bettoloqie, rem. 1 et àhomonymie, n. 2.

Rem. 3 V. aussi à dénomination propre, rem. 2; crase, rem. 3:césure typographique. rem. 1; paraphrase. rem. 3: rythme, n. 1;syllepse grammaticale; paronomase, rem. 1: sens. 1.

EUPHÉMISME On déguise des idées désagréables.odieuses ou tristes sous des noms qui ne sont point lesnoms propres de ces idées. Du Marsais, Des Tropes, IL 5,

Ex.courant: tumeur (cancer). supprimer (tuer), chatouillerles côtes (battre).

Ex. litt.; FIGARO (qui vient de se faire injurier par le comte). ­Voilà les bontés familières dont vous m'avez toujourshonoré. (BEAUMARCHAIS. le Barbier de Séville, début).

Même déf. Marouzeau, Ouillet Lausberg, Marier. Robert.

Syn, Transumption (Fabn, Il, 157). V. aussi à ironie.

Rem, 1 L'euphémisme est une atténuation'. Antonyme: V. àcaricature. Il se distingue de l'exténuation (V. ce mot. rem. 1).V.aussi à célébration, rem. 3. Il appartient au sublime (V. aussi àçrenditoquence. rem. 1).

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Rem, 2 Formes de l'euphémisme.a) Métonymie' et métaphore' . Fréquent dans les exp ressionscou rantes. EX.:une vie de bâton de chaise: mettre la puce àl'ore i ll e: fair e danser l 'anse d u pan ier (gr iveler sur le scommi ssions). V. aussi à métalepse.b) Double négat ion ' ou négation ' du contra ire. Ex.: "LeRépublique. dern ière forme. et non la moins malfaisante, desgouvernements eutorite ires" (G.-A. LEFR..\NÇAIS).c) All usion'. Ex.: (madrigal pour une femme encein te , par Isaacde Benserade ) *Je serai dignement d'Amour récompensé /Quand ma pe ine sera finie / Par où la vôtre a commencé. *d) Implication', Ex.: *- Ses études? Il travaille beaucoup... *

(Sous-entendu: Voilà le plus qu'on peut en dire).e) Métaplasme· . Ex.: le juron' québécois "meudit" déformé parépen thèse en "meutedi ' (V. aussi à interjection rem. 5) .f) Mot" composé. Ex.: Kun sous-doué (on possède maintenantdes vocables suaves pour désig ne r le cr ét inisme)" (G.BESSETTE, le Libraire. p. 15 2).g) Elli pse' ou effacem ent lexical' . Ex.: Il a marché dans ce que l epense.L'effacement est parfois compensé par un geste. Ex.:'J 'aurais tenté de t 'emp êcher de se... enfin. avec vous. là... '(AUDIBERTI. Le mal court, p. 85).Il emprunte encore la forme de la métalep se (V. ce mot. rem. 1),de la périphrase (V. ce mot. rem. 1). Il est plus clair moyennantune implication' ou des italiques.

Rem. 3 À distance. l'euphémisme peut susciter des contresens.Ex.: "Mene et Joseph ne se connaissaient même pas avant de semarie r. C'est écrit dans la Bible , Papa ". Aussi l'eu phém isme a-toi 1parfo is besoin, pour que personne ne s'y trompe, d'être montré.Ex.: (Hugo) , m 'abrut it des références les plus extraordinaires.qui ne me laissent aucun doute sur son érudition. Des nomsqu'on n 'a jamais vus ni connus.' (PÉGUY, Victor-Marie. comteHugo. p. 71).

Rem, 4 L'euph ém isme est un facteur de dé tér iorationsémant ique. À force de dire. non une situation inquiétante ougrave. mais. pour qu'on ne s' inquiète pas, une situationsérieuse. sans plu s, on a fait perdre au mot sérieux son sensinterm édiaire entre t ragique et comique. il est devenusynonyme de grave. De même autrefois garce n' était que leféminin de garçon . L'usage compromet la structure.L'euphémisme. quand li n'est plus perçu comme tel. aboutit àune péjoration.

Rem, 5 En revanch e. si l'e uphémisme est trop clairement perçu,son effet. au l ieu d'être adoucissant, s'inverse: c'est lephénomène de litote' . Ex.: ' De fâcheux bruns circulaient en villesur la qualité peu granitique des moeurs de la belle tailleuse.'

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(A. ALLAI S, A la unel. p. 153).Métaphore ' et dou b le né gat ion' n 'emp êchent pasl'euphémisme de Jouer comme soulignement' . Il peut aussi êt redénudé par une prétérition (V. ce mot. rem. 1).

Rem. 6 Il Y a un contre-euphémisme, sorte d'antiph rase quirecourt au péjoratif pour conjurer la prétendue malchance qUIs'attacherait au terme méliorat if. Ex. courant: 'Les cmq lettres! ',c'est-à-dire le mot de Cambronne, à la place d'un " Bonnechancel' qui passe pour maléfique.

EXCLAMATION Variété de l'asse rti o n ' caractériséegraph iquemen t p ar le p o i nt d'exc la mat ion (V. àponctuation expressive), oralem ent par un e é lévation 1 dela vo ix (nette, ma is moins forte q ue po ur l 'i nterrogati on).Elle répo nd pr incipa le ment à la fon ct ion émot ive (ouexpressive au sens st rict) du lan gage (fon ct ion cen tréesur le locuteur; V. à énonciation 1).

L'exclamation est souvent elli ptique, ut ilise les interjections'et remplace certains lexèmes par des adj.. pronoms ou adv. demême forme que les Interrogati fs.

Ex.: • Vrai, nous sommes tarots!" rieit le plus jeune. ­"Ah! idiots! si on pouvett. toujours! toujours!" jetett avecpassion le malheureux Alban...MONTHERLANT, Romans, p. 30- 1.Autre ex.: "Quoi! Il ne s'est pas trouvé un seul de mes confrèrespour expliquer mon ltvre. smon pour le défendre!" (ZOLA.Préface à Thérèse Raqum).On observe dans ce second exemp le que la limite entreinterrogation et exclamation n'est pas toujours nette et qu'il estpossible parfois de les remplacer l'une par l'autre sans que lesens général en souffre.

06f . analogues Du Marsais. Fontaruer (p. 370), Litt ré, Lausberg(§ 809) et Robert définissent l'exclamation par un mouvementdu coeur, une émot ion; ce sens est plus restreint.

Marouzeau présent e une définit ion plus formelle : motinter ject if (holà!) ou phrase élémenta ire où l'i ntonat ion suppléeà l' insuffisance grammaticale.

1 Cett e élévation porte sur la premi ère voyelle du posé (accent antithét ique). Elle estdonc habitue lleme nt SU IV ie d 'une chute rapide au grave (mélod ie conclusive].Detartr e (V à continua tion) a vu dans cette chute le t rait caractéristi que det'exctamanon Cela permet en effet. de l'opposer à la quest ion. où l'élévat ion portesur ta tonique Toutetois. il semble que cette chute salt due à la présence de syllabesapr ès l'accent antrth ênque Ce qUI distingue la question de l'exctarnanon seraitseulement la place de l'accent

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R9m. 1 N'Importe quelle phrase, dotée du point d'exclamationou, oralement. d'un accent' de phrase même seulement mtensifse transtorrne en exclamation: injonction", mcr.ace '.supplication', sarcasme". caricature', souhait", célébration'injure, excuse" et juron (V. :3 blespbéme. rem. 1).

~..Aêrne lexclarnat ion pure, sens contenu explicite, estpossible. Ce sort les 8Joi2 i.Jd isS8 n1 ent s, sif llemonts divers,ovations indistinctes.

t~f)m,:2 L'apostrophe' s'accûr-:,cagne d'une exC:!arnat!on dont lafonction est surtout conative. Comparer: Jeannet comme appel/ comme exclamation de surprise lors (l'une rencontreimprévue,

Rem, 3 l.'exclarnet.on se msnt.cnt dans le discours Indirectlibre, Négative, elle peut avoir un sens positif. V, à néqotion.rem. 2. Elle souligne (V à soul.qnernern. rem. 3). Eile a sesmtcnauons

EXCUSE A.rgument' touchant 'a bonne fOI ou la bonnevolonté du locuteur allégué contre un reprochepossible,

Ex.: Si je parle ICl d'eux (L, Boulihet et Flaubert) et de mOI.c'est que leurs conseils. résumés en peu de lignes.seront peut-être utiles à quelques jeunes gensMAUPASSANT, préface de Pierre et Jean Autre 6)(,: V. àconcetti, autres dèf,

Rem, 1 L'excuse s'adresse au lecteur, elle est un orocédéd'énonciation' et constitue souvent une parabase' Mais ellepeut aussi devenir purement rhétorique,

Ex.; Il faut tout le parti prts d'aveuglement d'une certainecritique pour forcer un romancier à faire une préface, PUisque,par amour de la clarté, j 81 commis /a faute d'en écrire une, jeréclame le pardon des gens d'intelligence, qUI n'ont pas besoinpour voir clair, qu'on leur allume une lanterne en plein jourZOLA fin de la préf. à Thérèse Requin.

Le "perdon" suppose un regret. mais celui-ci peut aussi êtrel'occasion d'une récnrnination' ou d'une réfutation', comme onle VOItdans la locution "Pardon!' au sens de 'Mais pas du tout',Le regret est une excuse sans Justification. Ex,: "La philosophie- excusez mon propos sur mon Ignorance - me semble dansun état critique" (VALÉRY, 0" t 1, p. 799). Il Y a desjustifications non accompagnées d'excuses, Ex.: •Si nousn'avons pas décrit plus fortement les sentiments de M. deCoantré au cours de cette nuit, c'est que ces sentimentsn'étaient pas plus forts,' (MONTHERLANT, Romans, p. 853),AinSI l'objectivité est-elle liée à un effacement de toute

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intervention personnelle, tandis que l'excuse libère laresponsabilité, et que le regret étreint le sujet: c'est lui qui estau centre de ce groupe de procédés.Le faux regret prend place en compagnie d'un refus, et sur leton du plaisir ironique. Loc.: Je regrette mais...

Il y a une pseudo-justification, qUI consiste à s'excuser sansdonner de raison. Ex,: HEt ce n'est pas ma faute si ce mot aaussitôt réveillé en moi un souvenir de Rimbeud" (CLAU DEL, 0.en prose, p. 258). Elle est naturelle Justement parce que le sujetsent qu'il devrait pouvoir n'être que sujet. pure activité, et qu'ilest en tort dès qu'il s'objective, qu'il doit s'excuser de parler desoi, fût-ce par un sourire ironique, un geste, un pointd'exclamation' entre parenthèses. Ex.: HUn ami m'ayanttéléphoné pour des renseignements sur mon oeuvre (1) écrite"(MICHAUX, Connaissancepar les gouffres, p. 60, n. 1).

Rem. 2 L'excuse porte souvent sur le chOIX d'un terme, et prendplace dans une incise qUI le SUit Ex,: HVulgalrementamouraché/ c'est comme ça qu'on dit / d'un modèle" (CL. SIMON,Histoire, p. 351); ret mon derrière - puisqu'enfin c'est sonnom" (MICHAUXJEspace du dedans, p. 132). Loc.si/ose dire.comme on dit, si l'on peut dire...

L'hésitation peut introduire et excuser un mot trop savant. Ex.:HOn voit du corail vivant. des... des... comment appelez-vouscela? - des madrépores' (GIDE, Romans, p. 969).

Rem. 3 Autrefois, l'excuse figurait à la fin de l'oeuvre, en guised'adieu. "Excusez les fautes de l'auteur" et pour les textes depiété, "Priez, frères, pour le copiste". Ou bien elle trônait dansun prologue, comme c'est encore le cas pour le Don Ouichotte.mais ironiquement. Elle peut suivre un aveu (V. à concession.rem. 1). Elle a son intonation'. Elle se doit de précéder un retoursur les présupposés (V. à Impasse, rem. 1).

Rem. 4 Il Y a des demi-excuses, V. à prétérition. rem, 1 et àlicence, rem. 1 (la demande); et des excuses anticipées, V. àprolepse, rem. 1.

EXHORTATION Discours' par lequel on engagel'auditeur à une action présentée comme méritoire.

Ex.:Méditons donc eujourd'hui. à la vue de cet autel et dece tombeau, la première et la dernière parole del'Ecclésiaste... Que ce tombeau nous convainque denotre néant, pourvu que cet autel ..... nous apprenne enmëme temps notre dignité.BOSSUET, Oraison funèbre d'Henriette d'Angleterre.

Analogues Conjuration (requête instante. au nom de qqch. desacré); adjuration (sommation; le demandeur peut aller jusqu'àparler au nom de la divinitél.V, aussi à souhait, rem. 2.

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Rem.1 On peut s'exhorter sor-même, Ex.: "Un sentier. .... Je m'yengage..... et marche. petit Frédéric" (Mist ral). Le verset: "BénisYahvé. mon âme" est une exhortation de ce type. et non unebénédict ion. Si l'o n avait : "Bénis, Yahvé, mon âme ", ce seraitune requête (V. à supplication).

EXORCISME Fo rmule ou g este ca pab le d 'ag ir àd istan ce .

Ex, courant: Abracadabra . Ex. litt.: LE CARDINAL. - Siseulement je me rapp elais de l'exorcisme. Excip iens... Explaneta... De cordibus... Chim era... Retro... Retro...AUDIBERTI. le Mal court. p. 54.Analogues Formu le mag iqu e. incantat ion. mant ra1 ; péj .:sort ilège, sort Jeté.Autre déf. COnjurat ion (V . à exhortation) par laquelle sontchassés les esprits mauvais.

EXPLICATION On Joint à ce rtaines assert ion s' undi scours' , sou vent bref. dans le but d 'éclairc ir un mot.une action , etc.

Ex.: La seule chose q U11 voulai t encore savo ir, c 'étaitquelles troupes au j uste Il y avait là: e t da ns ce de ssein, ildevait s 'e m p a re r d 'une "langue" (c 'es t-à-dire d'unhomme de la colonne ennemie).TOLSTOï Guerre et Peix. t. 2. p. 543 .Autre ex.: Il ..... lUI dit "vous, Sonia" . Mais leurs yeux secroisèrent et se dirent "tu ", et échangèrent un tendre baiser. Leregard de Sonia lui demandait pardon d 'avoir osé lui rappeler..... sa promesse ..... Le regard de Nicolas la remerciait de luiavoir offer.t la liber.té et disait qu 'il ne cesserait jamais de l'a imercar il était impossible de ne pas l 'aimer.

TOLSTOi Guerre et Paix, 1. 1, p. 39 6.

Analogue Scolie (V. à paraphrase). Ce type d'explication , quiporte sur le signifiant. peut voil er autre chose, par exemple unemenace. comme dans l'échant illon . de Robbe-Grillet. cité àantiphrase.Rem. 1 L'expl icat ion est l'un des ressorts du roman classique.Dans le roman moderne. l'existence ayant pris le pas surl'essence. le hérosagit et s'interroge ensuite, parfoisvainement.L'absurde dispense d'explicat ion.

1 Une gra nde partie de ce qu i passe pour des pensées philosophiques oureligieuses {en Inde) n 'est autre chose que des mantras ou prières magiques,ayant une vertu comme "Sésame ouvre-toi". MICHAUX. Un barbare en Asie, p.26

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Camouflée dans les paroles attribuées aux personnages,l'explication est appelée dialogue d'exposition. Ex.: 'Oui, c'estAgamemnon c'est ton rot qut t'éveille" (RACINE, Iphigénie). V.aussi à réponse, rem. 2; à épiphonètne. autres dét.: à rythme del'action rem. 1.

Rem. 2 L'explication peut prendre les dirnensrons d'un chapitreou d'un traité, mais aussi se réduire à un lexème entreparenthèses.

Ex.: HII avait dû pourtant en conneître bien d'autres (femmes) àLondres' (G. BESSETTE, llncubetion. p. 10). Elie sous-tenddivers genres littéraires. notamment le mythe'.

Rem. 3 Les sous-entendus ont besoin d'être explicités. Ex.: "Zoteétait Zola, c'est-à-dire un artiste un peu massif, mai, doué depuissants poumons et de gros poinqs" (J.-K. HUYSMANS,préface d'À rebours). V. à tautologie, rem. 2 Formule dedemande d'explication: Qu'est-ce à dire?

Rem, 4 En récit' comme en énoncé, la parenthèse' explicativeest au présent général. L'article a alors une extensionsynthétique (l'homme est un noeud de relations). Avec unprésent actuel ou historique, ou un passé de récit. l'article auraitune extension anaphorique (l'homme est trapu, basané... l' =cet).

Rem. 5 V. aussi à tntetjecnon. mot-valise. n. 1; prophétie. rem. 1;raisonnement. rem. 5: réponse. rem. 2; treduction. rem. 3.

EXTÉNUATION Substituer à la véritable idée de lachose dont on parle, une Idée du même genre, maismoins forte. LAUSBERG. Ex.: dans un poème, c'est-à-direune pageDEGUY, Ftqureuons. p. 27.

Ex. courant: Il faut le dire vite [avant que n'arrive la preuve ducontraire] (exténuation d'une dénégation).

Même déf. Scaliger (III. 81), Le Clerc (p. 300). Littré

Syn. Diminution (Littré. QUillet); tapmose (Paul. p. 172).

Ant. Hyperbole '1

Rem. 1 L'exténuation est une atténuation'. Elle diffère del'euphémisme', où ce sont les connotations péjoratives plutôtque la Vigueur, qUI s'atténuent. Mais elle constitue souvent unelitote'. Ex.: HLa contestation ..... traduit des nostalgies ou desaspirations, des regrets ou des espérances, en tout cas unmelalse" (R. ARON, la Révolution introuvable, p. 93).

1 L'hypobole. qu: pourrait être étymologiquement l'Inverse de l'hyperbole et doncservir de synonyme à exténuation. est. dans l'ancienne rhétorique, synonyme desubjection (cf Lausberg)

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Rem. 2 L'exténuation peut se localiser dans l'intonation seule,comme c'est le cas dans certains essais de théâtre moderne,avec Beckett notamment.

Rem. 3 À force de museler l'expressivrté. on dépasse le degrézéro de la banalité. on va au-dessous du truisme'. Ex.: "Lelangage ne se refuse qu'à une chose, c'est à faire aUSSi peu debruit que le stlence" (PONGE, le Parti pris des choses, p. 136).Ce procédé offre un minimum de prise à la critique, ce qui est unavantage. L'évidence est un refuge

Rem.4 L'exténuation est classique quand on doit parler de SOl.

Ex.: À l'égard de mon humeur. je crots être en droit de meplaindre de ceux qUI m'accusent de misanthropie et detaciturnité: c'est qu'apparemment aucun d'eux n'a jugé que jevalusse la peine d'être examiné d'un peu plus près .....

J.-J. ROUSSEAU, Correspondance, éd. Dufour, t. 1, p. 378.

FANTASTIQUE Présenter comme réel un épisodeIncompatible avec le réel.

Ex,:À ces mots. tl voulut l'embrasser: mais ,.... (son nez)ecqutt Instantanément une longueur immense et seprojeta avec un bruit violent contre la muraille .....Maudit magicien!HOFFMAN, Contes fantastiques. p. 316.

Le fantastique trouve facilement sa Justification dans quelqueprésence surnaturelle.

Ex.: Un archange. descendu du Ciel et messager du Seigneur.nous ordonna de nous changer en une araignée unique. et deventr chaque nuit te sucer la gorge. jusqu'à ce qu'uncommandement venu d'en haut arrêtât le cours du châtiment.LAUTRÉAMONT, les Chants de Meldotor. p. 49.Il prend alors le nom, plus spécrfrque. de merveilleux, mêmedans le cas d'épisodes horrifiques.

Outré, le fantastique devient fantasmagorie. V. à edyneton,rem. 1 Évanescent c'est du fantomatique, des hallucinations,des apparitions.

Ex.: Mais la relation de Metectues commençait à les pénétrerd'horreur. Il fit eppereître la scène à leurs yeux. Le panneausecret à côté de la chemmée s'ouvrit en glissant et dans le retraitapparut... Hames! Il tenait à la metn un potteteuille bourré delittéreture celtique, de l'autre un flacon avec le mot POison.JOYCE, Ulysse, p. 400

Rem,1 On distingue fantastique et pure fiction. Celle-CI ne prendpas la peine de se donner pour fidèle à la réalité. Ex.:A. Allais faitraconter à un Suédois une noyade occasionnée par les

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débordements ...d'une aquarelle, représentant la mer et peinte,il faut l'ajouter, à l'eau de mer (/a Barbe et autres contes, p.112).

Rem. 2 La féerie, qui désignait autrefois une "oeuvredramatique fondée sur /e merveilleux" (Benac). a glissé dufantastique à la simple fiction en désignant aujourd'hui un"univers irrationnel et poétique" (Cocteau). Les surréalistes ysont chez eux. Ex.: • Or, 1/ n 'y a personne dans Paris, pluspersonne sauf une vieille épiciére morte dont le visage trempedans un ptein compotier de sourires à la crème.' (DESNOS,Pénalités de l'enfer).Ainsi mirages et Illusions, analogiques ou simulés, rejoignent-Ilsle rêve qur. se donnant pour tel. n'est pas vrai fantastique. Ex.:•Je suis transformé en chiffre. Je tombe dans un puits qui est enmême temps une teutüe de papier. en passant d'une équation àune autre.' (DESNOS. Rêves).

Rem. 3 Les Anglais ont développé l'histoire gothique,spécification du fantastique, avec sorcières, bois moussus,arbres tordus, toiles d'araignées, châteaux plus ou moinshantés.

Rem. 4 V. auss: à Image, rem 1; prosopopée, rem. 3.

FAUTE Il Y a une faute à tel ou tel endroit du textequand l'auteur y a méconnu - par inadvertance ouignorance - un usage ou une structure fermementétablis, que ce soit de forme ou de fond.

Ex.: La femme de Jupiter s'appelait JuponJEAN-CHARLES, Hardi! les cancres. p. 19. V. aussi à lapsus et ànigauderie.

Syn. Erreur, bourde, bévue, gaffe, perle (faute amusante).

Rem. 1 De nombreux types de faute ont reçu un nom spécifique,notamment les suivants.La faute d'orthographe ou cacographie, qui a son rôle enlittérature réalist e. Ex.: "À t'eupitet le plus petite des deux" (M.­CI. BLAIS, Une saison dans la vie d'Emmanuel, p. 102. Lettred'Armandin Laframboise). .Les fautes d'impression typographique: coquille (V. àparagramme); doublon, répétition d'une lettre, d'une syllabe,d'un mot loup, lacune; bourdon, omission d'un segmentmastic, mélange des lignes; moine, endroit resté blanc fauted'encrage.

Achoppement syllabique ou faute de prononciation. Lasubstitution d'un phonème à un autre s'appelle parfoistranslittération. Ex.: oneit!e pour oreille. dans Ubu. V. àparagramme. Le pataquès' est une faute de liaison. Pour les

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défauts de pronon ciation , V. ci-dessous, rem, 2,Le barbar isme' ou faute de vocabula ire .Le solécisme' ou faute de grammaire.La cacologie ' , faute cont re l'usage ou contre la logiq ued'expression. Le discours' doi t être exempt de tout cela. Pourles fautes de tradu cti on, Valéry Larbaud a proposé le nom deJho n-le-tor éedor. où l'on voi t le h de John mal placé, et le mottoréador ut il isé à la place de torero (Sous l'invocation de saintJérôme, p. 220).

Rem. 2 Il Y a de no mbreuses fautes sans grav ité , simplemaladresse, dou ble sens involonta ire, manque d'ha rmonie,d ifficulté de communicat ion: ce sont les déficiences oudéfauts des textes.Les défauts de pron onciat ion occas ionnels relèvent de laperfo rmance. Ce sont le béga iem ent' , le bredou illement(art iculation précip itée et ind istin cte), le ba fou illage (sonsIncohérents) , le balbut iement (dict ion faible et hésitante ), lemarmottement et le marmonnement (parole dite entre lesdents et incompr éhensible). D'autres défauts de prononciat ionsont constants. Les sigmatismes déforment l's ou une aut refricat ive, le rhotacisme est une prononc iation vicieuse de l'r(Li tt ré) o u la substitution d'un r à un aut re pho nè me(Darmesteter et Hatzfeld), le lambdacisme un redoub lementde 1'1. une mou illure, ou la substituti on d' un 1à un r (Lexis). Leblèsement, zozotement ou zézaiement vient de la langueplacée entre les dents. Le schlintement est dû à uneconstriction latérale et non cent rale.L'assourdissement, qUI rapproche b. d. g de p. 1. k et j , z, v, dech, s. f , p rovient d 'un exc ès de ten sion musculaire. Larhinolalie fermée où l'on donne l' impression de nez bouc hé,est l'i nverse des rhinolalies ouvertes, qui touc hent les sonsautres que n, rn. gn . Le nasonnement est l'aggravation dutim bre par adjo nction de la cavité nasale. Le nas illement a unetimbre plus aigu. La ra uc ité vie nt d'avoir trop crié . Ex. de vo ixrauque: celle de Fr. Mauriac dans ses dernières années. Cf. leLangage. p. 3 70 à 374 .

Parm i les t ro ub les psych o l ingui st iqu es , signa lo ns :l 'agrammatisme (ph rase rédu ite aux mo t s lexica ux).l'at axisrne (la fonct ion des syntagmes n'est pas indiquée: n éol.) ,l' aphasie (dans l'aphasie d'expression, dite de Broca, le sujetrépè te in lassab lement des mon osyllabe s). l'amélodie etl'aryt hmie (mais quand rythme et mélo die sont modifiés ouamplifiés, on dit seulement qu 'i l s'ag it d'un "sccent" étrange ouét ranger), le pseudo-langage', le mutisme ou refus de parler. latachylalie ou parol e incontrôl ée (V. à verb igération). laparagraph ie . substitu tion ' de le ttre , la paraphasie.

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substitution de mot, le paragrammatisme, substitution deconstruction. Cf. P. Marchais, passim

La diction du texte lu est rarement aussi naturelle qu'on lesouhaiterait. Si le débit est trop hésitant. c'est lanonnernent. Ilya un débit professoral qui consiste à détacher les mots.

Rem, 3 Le laisser-aller, qUI consiste à écrire n'importecomment. est à peine un défaut. Ex.: "Louis GIf/et fit laconnaissance de Rom.nn Rolland J l'École normale. où cedernier était. assez vequement. il ce que je comorends.professeur:" (CLAUDEl., 0 817 prose, p 654).

Rem. 4 La faute est un concept difficile à manier Le romancierdoit faire parler ses personnages selon leur caractère et leurfaire faire des fautes typiques (V. à épiphanie et m.moloqieï. Unchef-d'oeuvre du genre est /a Vie devant 50/ ,j'É. Ajar. À. côté dubon usage, Il Y a les usances. régionalismes de bon aloi. lesdisences, langues de métier. les par/ures. langues d'un niveausocial. les Jargons', langues de cénacles (cf, Damourette etPichon. Des mots à la pensée. § 33 et sv.). enfin les idiotismes.usages purement individuels. La notion d'usage est donc peudélimitée. Même les hapax (tours qUI n'apparaissent qu'unefOIS. qut n'appartiennent pas au système) ont leur Intérêt: il enva des textes comme de la princesse Bolkowsky dont les"défauts même - la lèvre trop courte. la bouche entrouverte­semblaient la rendre plus attrayante en /UI conférant un charmebien à elle," (TOLSTOï. Guerre et Paix. t. 1. p. 51),Supposons toutefois que le choix d'un terme. d'uneconstruction, d'une graphie ou d'un accord entraîne uneobscurité voire un contresens, autrement dit que la structuregraphique. sonore, syntaxique, lexicale SOit ébranlée, Leconcept de faute, qUI évoque la baguette du maître. est présentà tous les esprits, Mais il est plus pertinent d'évoquer ladistinction entre performance (réalisation concrète. située hic etnunc) et compétence (connaissance de la langue commesystème). Ex.: Nd/re qqcb. entre quetre-e-veux": pas ds à quatre.certes. mais n'assiste-t-on pas au surgissement (G.Antoine diraità l'émergence) d'une structure nouvelle. un z initiai commemarque du pluriel des mots à Initiale vocalique? Comparer: unnez aquilin / des nez-z-aquilins. (ROGIVUE. le Musée desgalliCismes, p. 126)Concluons qu'il sera toujours hasardeux de soulig rer une"faute" en dehors de la relation maître / élève. relation quicaractérise l'essai d'acquérir une compétence plus poussée. enfonction des critères socio-culturels du temps,

Rem. 5 Fautes, défauts. lapsus'. quand ils ne sont pas voulus.sont peut-être des formes mais non des procédés, Est-ce à direque la faute admise est impossible en littérature? Écrire

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suppose tant de choix interdépendants qu'il est impossibleparfois de ne pas sacrifier certaines régions, comme disent leschirurgiens, pour en atteindre d'autres. L'automatisme en estl'exemple le plus évident. Ainsi Aragon déclare: "Je ne veuxplus me retenir des erreurs de mes doigts, des erreurs de mesyeux. Je sais maintenant qu'elles ne sont pas que des piègesgrossiers, mais de curieux chemins versun but que rien ne peutme révéler, qu'elles· (le Paysan de Paris). De toujours, la validitéd'une faute qui permet de faire passer autre chose a étéreconnue, c'est la licence" poétique. " appartenait auxsurréalistes de la pousser plus loin par "écriture automatique,sous la dictée de l'inconscient.

Rem. 6 V. aussi à cnessé-croisë. rem. 2; dénudation, rem. 2;énonciation. rem. 2; truisme, rem. 2.

FAUX- La plupart des procédés ayant une forme et unsens, il est possible de les séparer. On effectue la forme;mais avec un autre sens. Tel est l'artifice. Ex.:L'interrogation, qui est dite oratoire (ou fausse) quand ellecache une affirmation. L'étymologie", par laquelle ontransforme le sens" d'un mot en feignant de remonter le coursde son évolution sémantique: fausse étymologie, étymologievulgaire, au dire du linguiste. La citation", qu'on peut forger detoutes pièces pour les besoins de la cause. La personnification",toujours fausse puisqu'elle donne pour personnes des objetsinanimés, des idées. La permission", fausse permission, au sensordinaire de ce terme. La lettre ouverte, qui n'a que la formed'une lettre à destinataire unique puisque c'est en réalité unécrit public.

Antonyme Tautégorie (absence de figure). Cf. JANKÉLÉVITCH,Traité des vertus, p. 100.Syn, pur (V. à concession. rem. 3), rhétorique, figuratif (V. àcomparaison rem. 1), oratoire.Rem.1 Certaines figures faussesont reçu un nom spécifique. Laprétérition" est une fausse réticence; la prosopopée", unefausse apostrophe"; la subjection. un faux dialogisme; la litote',une fausse atténuation'; la licence', un faux encouragementque l'on se donne; l'astéisrne'. une fausse injure' ou un fauxsarcasme"; la parodie", une fausse imitation'; l'adynaton. unepure hyperbole; fe prétexte", une fausse raison.

Rem. 2 La découverte de ces feintes innombrables a pu fairepenser que tout le rhétorique en faisait partie et qu'il n'y avaitde mise en oeuvre que par ce type d'écart qUI prive le texte de lavérité naturelle des formes. Ainsi, Valéry rapporte ce propos detable de Mallarmé: •L'Art, c'est le faux! et il explique commentun artiste ne l'est qu'à ses heures, par un effort de volonté."(VALÉRY, o: 1. 2, p. 1226).

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De là à condamner rhétorique et poétique, Il n'y a qu'un pas,souvent franchi au cours des âges, et déjà par Bouddha, à qUI

l'on prête ce propos désabusé: H Les Sutras faits par les poètes,poétiques, de syllabes et de phonèmes artistiques, exotériques(et non "supra-mondains, enseignant la vacuité"), les gensles croiront. Et les autres Sutras disosreîtront." (LAMOTHE,Histoire du bouddhisme indien. p. 180).

Mais il se fait que ladite fausseté elle-même, le plus souvent.est fausse. Elle n'a que l'air d'avoir l'air. L'artifice qui ne trompepersonne est honnête, comme la Simulation' quand elle tourneà la pseudo-simulation '.

Il existe toutefois des procédés vraiment faux, comme lesophisme', destiné à tromper. À l'argument' spécieuxcorrespond alors la réfutation' apparente (fausseté Simulée). "IIya imprudence et naïveté à réfuter sérieusement un argumentqui n'est pas sérieux" (CHAIGNET, la Rhétonque et sonhistoire, p. 152).

Il existe aussi des procédés vrais. exiqés par le sens, et qUIsont donc l'Inverse des procédés purs. La prosopopée vraie (V.ce mot. rem. 2) est exaltation délirante. L'hypotypose devient"évocation" (V. à prosopopée, rem. 3). Mais tous les moyens nesont-ils pas bons, qui atteignent leur fin (puisqu'il y en a toujoursune)?

Rem.3 Le faux devenu valeur en SOI, érigé en objet d'art, est lekitsch (Cf. A. MOLES, Psychologie du kitsch). Le faux montréest la dénudation'.

Rem.4 Le procédisme (V. à bsroquïstne. rem. 5) et ses avatarsrécents, la Substitution' surréelle, la littérature potentielle, ladissémination systématisent les transformations formelles. Onpeut s'attendre à un curieux développement de ce côté parl'intervention des ordinateurs.

Fil (du discours) Déroulement (unidimensionnel) d'untexte, que ce soit au point de vue graphique (V. à coupure,blanc, haplographie) , au pomt de vue sonore (V. àinterruption. in petto). au point de vue grammatical (V. àanacoluthe). au point de vue de l'énoncé (V. àdéchronologie, rem. 1) ou à celui de l'énonciation'.

Analogues Axe syntagmatique, axe de combinaison(combinaison des éléments à l'un des POintsde vue énumérés).

GAULOISERIE Anecdote d'esprit qaulois. c'est-à-dired'une gaîté franche et libre.

Ex,: Et moi j'ai le coeur eusst grosQu'un cul de dame damascèneAPOLLINAIRE, Alcools, p. 26

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Autres noms Gaillardise, gaudriole, grivoisene. Adj. : égr illard,leste, licencieux, cru, gaulois.

Rem. 1 V. à argot, rem. 1; contrep éterte: intonation: mot gra s,rem. 1.

GÉMINATION Redou bl em en t de la sy llabe ini t ia le dansles formations d u ty pe b ébête. f ifille" , IviAROUZEAU (sens 2du term e).

Ex.: il donnera it un g ros bécot à sa petite fa femmeadorée.JOYCE, Ulysse. p 340Même déf, Robert.

Aut res dëf, 1. "Redoublement. soit dans l 'écriture. soit dans laprononciation. (de voyelles ou de consonnes)" (Marouzeau,sens 1). Ce concept pou r lequel Marouzeau propose d'ailleu rsles termes de dittoç rsptue ou dittoloqie suivant le cas, semblesurto ut grammatical. On sait les diif icultés que créent. dansl'o rthog raphe du français et parfoi s dans la prononciat ion, lesconsonnes do ubl es. JI n'est guère ut ile de l'envisager enrhéto rique. Sans doute, il correspondr ait à un exemple comme:"La ftine efflorescence de la cuisine tiren çou éze " (OUENEA U,Zazie dans le métro, p. 125). Mais il paraît plus simp le de rangerce t exemp le parm i l es nombr e ux gra p h ism es' desoulign ement' .2. "Rép étition d 'un mot " (Robert). C'est plutôt la réduplicat ion'.

Rem. 1 La géminat ion. co mme l'aphérèse', caracté rise lelangage enfantin (dodo, neznez). Ex.: " Tutute. le train entre engare " (Queneau). Aussi const itue-t-elle le mode ordin aire defor mation des diminut ifs (Cricri pour Chr ist ine , mais plussouvent c'est la syllabe finale, b ébert pour Hubert ou Albe rt.etc .) Ex.: "Hector (Totor) et Dagobert (Bébert) passèrent: - Dis.Cloclo (c'est Clov is). tu viens avec nou s sur le chentier? "(OUENEAU, le Chiendent . p. 97).

Rem. 2 La géminat ion a facilement une valeur péjo rat ive (oudépréciative). Ex.: "Gnognote de jésuite " (JOYCE. Ulysse. p. 6);!e nom du démon Goungoune dans le Faust de Valéry: "Esp ècesde qtouqtout eors" (IONESCO, la Cantatrice chauve. p. 64).

Rem. 3 La gémination dou blée d'ab règement' fait plus enfantinque la gémin ation simple. Comparer mémé / mém ère,

GÉNÉRALISATION On générali se. au sen s courant dumot. q uand on étend à un grand nombr e de cas uneo bse rva tion Qui n 'a été vérifi ée Que su r un pet it nombre.parfois un se ul. (Ab uno d isce omnes) .

Ex.: /1 fa it tout à fa it nuit. Ça cha ng e. Tout ch ange. .R. DUCHARME, l'A valée des avalés. p. 82 .

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Rem. 1 Une généralisation adroite relève de l'inductionscientifique et entraîne le roman dans la direction de lapsychologie appliquée. .

Ex.: *11 n'y a pas à dire, on nous fiche bien la peix!" ricana Léonavec un rire forcé ..... Mais maintenant, cette paix, elle lui faisaitpeur. C'est là un mouvement classique. Les "seuveqes" de latrentième année sont les amers de la cinquantame.MONTHERLANT, Romans, p. 813.

Mais en rhétorique aussi bien que dans la conversationcourante, c'est l'induction abusive qUI domine, entraînée par lapassion.

Ex.: (La vieille dame craint que l'effet d'une porte que lesmenuisiers viennent de poser ne soit pas aussi sublime qu'ellel'escomptait) Lesordres, c'est tout ce qu'ils comprennent. .. desautomates, des machines aveugles, insensibles, saccageant.détruisant tout...

N. SARRAUTE, le Planétarium, p. 11.

Autre ex.: "(Après la récitation des leçons en classe)J'en ai assezde répondre ce qu'il veut. ce que la chimie veut. ce que la terreveut." (R. DUCHARME, l'Avalée des avalés. p. 196).

Rem.2 Poussée jusqu'à l'absurde, elle est artifice d'expression,procédé de soulignement": c'est la pseudo-généralisation. Ex.courant: Ouand on aime on a toujours vingt ans.

Ex. lin,: 'Que donnerait une distillation du monder demandait.émerveillé. un homme. ivre pour la première fois.MICHAUX. Tranches de savoir.

Rem. 3 C'est souvent en généralisant un sujet personnel ques'effectue une distanciation'. V. aussià épipbonème. autres déf.et à monologue. rem. 1.

Rem.4 La généralisation s'obtient par un actualisant (les. tout.chaque) mais aussi par un lexème abstrait. Ex.: "Le temps. c'esttoi qui dors à l'aube où je m 'éveille * (ARAGON, les Yeuxd'Elsa.p.9).Il s'obtient encore par une image' concrète. Ex.: "Lecetd'ambassadeur ne casse que devant Altesses Royetes"(MICHAUX, Tranches de savoir).Inversement. on obtient une particularisation en commençantla phrase par Je crotsque. Il me semble que. Mais Selon moi...ne suffit pas, la proposition qui suit gardant sa portée générale.

Rem. 5 La généralisation permet de présenter aussi les chosesde façon réductrice. Ex.: • Toute la Phénoménologie de l'espritde Hegel n'est que la description et l'histoire des différentesfigures de la conscience malheureuse." (J.-M. PALMIER. Sur

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Marcuse, p. 122-3). Ce n'est pas une simple atténuation '.Comme dans la concrétisation (V. ce mot rem 1), il Y adéformation du donné.

Rem. 6 Il Y a une généralisation diéçétique. qui consiste à neraconter qu'une fois ce qUI s'est passé plusieurs fois G. Genettea montré la fréquence. chez Proust de ce qu'il appelle "récititératif". Ex.: "Longtemps, je me SUiS couché de bonne heure".L'aspect itérant ou fréquentatif est marqué en français par desadverbes, qui déterminent la durée ciobale. le rythme derécurrence et l'extension des unités des répétitions'. (L'annéedernière / un Jour sur deux / chaque été) L'Imparfait dit "derépétition". assez fréquont. marque le passage du récit àl'énoncé direct (V. à récuv. dans le cadre duquel la verbe devientun passé général.

GESTE Mouvement SignifianT, susceptible d'annoncer,d'illustrer ou de remplacer une phrase. ou de faire J'objetd'une description ' et d'une Interprétation.

Ex.: -- ..... C'est promis.Zezie haussa les épaules.- Les promesses, mal...QUENEAU. Zezie dans le métro. p. 119

Autres ex.: LÉON - On fait jouer la 101 de l'offre et de lademande. n'est-ce pas..AUDUBON - (ne pige rien mais veut faire croire). Ah OUi: laloi .. parfaitement. On la fait touer: Comme ça.. (Geste debaiançoire)LÉON. - Pas du tout.. Comme ça (Geste d'accordéon).B. VIAN, Théâtre l, p 223.

La figu re de Leçrendin expnmeit une antme tto n. un zèleextraordinaire; il fil' un profond salut avec un renversementsecondaire en amère, qui ramena brusquement son dos au delàde la position de départ et qu'avait dû tu, apprendre le fils de sasoeur. Mme de Cambremer. Ce redressement rapide fit reflueren une sorte d'onde fougueuse et musclée la croupe deLegrandm que Je ne supposais pas si charnue; et je ne saispourquoi cette onduletion de pure matière, ce flot tout chamel,sans expression de spirituelité. et qu'un empressement plein debassesse fouettait en tempête, éveillèrent tout à coup dans monesprit la possibilité d'un Legrandin tout différent de celui quenous connaissions.PROUST, Du côté de chez Swsnn. p. 152-3.

Rem. 1 Il Y a des "çestes" qut ne concernent que le visage:mimiques. D'autres qUIsont trop distants du sujet pour signifierautrement que dans l'esprit de l'observateur.

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Ex.: Et une lavallière à pois qu'agitait le vent de la Placecontinuait à flotter sur Leqrendin comme l'étendard de son fierisolement et de sa noble indépendance. (ib.)

Rem. 2 Le mime est un théâtre sans paroles. Quand son actionest bouffonne (théâtre Italien), c'est un lazzi (premier sens duterme, emprunté à l'ita lien; lazzi a pns de là un sens plus étendu:moquerie). Entre le geste et le mot. on trouve l'interjection'. V.aussi à monologue, rem 1; parataxe. rem. 2; symbole, 2.

Rem. 3 Une certaine codification des gestes semble s'établircomme un langage plus ou m o i n s International,particulièrement dans le cas de gestes "pré-tinquistiques".attitudes scus-jscentes à une phrase: V. à monologue. rem. 1.C'est ernst que le lecteur de Zazie Imagine assez aisément ceque peuvent être les nombreux gestes Signalés par l'auteur sansaucune description. Ex.: (Comme Zazre refuse de croire à sesexplications, Gabriel) 'se sent unpoissent (geste)' (p. 14; onpeut penser qu'tl laisse tomber les bras).

Rem. 4 Le moindre geste, s'approcher. s'écarter, rega rder.détourner les yeux. modifie la situation respective desinterlocuteurs. Ex.: V. à célébretion, rem. 1. V. aussi àeuphémisme, rem. 2; excuse, rem. 1; exorcrsm e:réectuelisetion. 2.

GLOSSOLALIE Verbigération" à caractère religieux.Elle s'accomplit dans un cadre et avec un public qUI luiconfèrent des fonctions de prière" ou de prophétie". Bienque ce discours SOit dépourvu de structures etinintelligible, cette Irlinteliigibillté se transforme enintelligibilité au niveau de l'énonciation', tant du point devue de la production que de celui de la réception. Laperception d'un sens à ce discours est un signed'appartenance au mouvement charismatique. W.SAMARIN

Loc. Par/er en langues (Paul de TARSE, ÉpÎtres).

Rem. 1 Il semble que certains textes poétiques, ceux deGauvreau notamment, SI anticléricaux, soient proches de leglossolalie. même quand ils semblent porter un sens.

Ex.: Un rire Inonde l'éponge / Un glaçon âpre Insensibilise lepneu de la folie / Les seins de la nostalgieJouent au cricket avecl'âme de Napoléon / Sur les dessins animés de mon ivresse. Joba fait son nid / Un creux descend sur les paperasses de l'aubeincarnéeGAUVREAU, Étal mixte, p. 30.

Cette poésie, proche de la paraphasie, magnifique jusquedans le mot" forgé, est. suivant son auteur, pleine de sens'nouveau.

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Rem.2 V. aussià baragouin. rem. 2 et 3; à pseudo-langage, rem.3.

GRADATION Présenter une su ite d 'id ées ou desentiments da ns un ord re tel que ce qu i su it d ise toujoursou un pe u plus ou un peu moins que ce qu i p récède,selon que la p ro gression es t a scendante oudescendante. FONTANIER p. 33 3 .Ex.: Quand on m 'aura jeté. vieux flacon désoléDécrép it. poudreux, ·sale. abject. visqueux. fêléBAUD ELAIRE. le Flacon.

Autre ex. : •Ah! Oh! Je suis blessé. j e suis troué, j e SUIS perforé. j esuis administré. j e suis enterré." (A. JARRY. Ubu roi. p. 126).

Même déf. Littré . Marouzeau. Morier. Robert Preminger.

Syn. - Pour une gradat ion ascendante: climax (Lausberg .Preminger). progression. boule de neige (BERGSON. le Rire. p.61 ).- Pour une gra dation descend ante: anticli max (Oui ll et .Preminger). contregradatio n [Ouillet). dégression.

Autre dM.: V. à cadence (gradat ion ryth mique).

Rem . 1 La grad ati on est un p roc éd é fon da me nt a ld'amplification' dans le discours périod ique. Elle appartient austyle sublime (V. à grandiloquence. rem. 1 et à période. rem. 4).Ex.: ' Tu ne peux rien faire, nen tramer. rien imaginer. que nonseulement je ne l'entende. mais même que je ne le voie. que jene le pénètre à fond. que jé ne le sente.' (Cicéron à Catilina citépar FONTAN 1ER. p. 333).

Rem. 2 C'est aussi un moyen d'ordonner les énumérat ions'.voire les accumulations' . Ex.: ' L'amour. l'honneur. la vanité.l'intérêt. l'ambition. la jalousie. la paillardise. le RO/~ le mari.Pierre. Paul. Jacques et le diable / Tout le monde aurait eu sapart.' (CLAUDEL. le Soulier de satin. dans Théâtre, t. 2. p. 771).

Rem. 3 Pour utile qu'e lle puisse paraître . la distinction entregradatio n ascendante et descendante est souvent en port e-à­faux parce qu'ell e s'applique au signifiant aussi. et parfois àl'inverse du signifié, comme le montre Spitzer (Études de style,p. 282) à propo s d' un vers de Racine. 'Je le vis, j e rougis. j epâlis à sa vue' (RACINE. Phèdre. 1. 3). Le crescendo stylist iquesert à dépe indre le decrescendo des forces de Phèdre.Au point de vue de l'Intensité expressive. on ne rencontrepratiquement que des gradations.

Rem.4 Morier distingue divers type s de gradation . notammentune gradation rythmique (Ex,: la pér iode rhopalique) ;numérique (Ex.: des paquets de deux. trois. dix...); intensive

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(aimer, chérir. edoren: référentielle dans ce cas, la gradationprédispose le lecteur à certains termes trop originaux): on nedirait pas un "navire fluidifié", mais la gradation l'autorisedans: "un navire absorbé et fluidifié par l'horizon" (proust,cité par Morier).

Rem. 5 La qradation expose à la surenchère'. Mais si le dernierterme est de valeur contraire, on a une gradation déceptive (V. àdéception), autrement dit un bathos'. On peut déguiser engradation une transition (V. ce mot rem. 1).V. aussi à variation,rem. 2.

GRANDILOQUENCE Ton sublime affecté.

Ex,: (Le rayon) des livres profanes, Nauxdestinées duquelje préside" comme me ra expliqué M. Chicoine. est leplus confortable des quatre.G. BESSETTE, le Libraire, p. 26.

Analogues Emphase, pompe, enflure, boursouflure (Girard). Adj.:grandiloquent emphatique, pompeux, enflé, boursouflé,ampoulé, dèclamatorra. qumdé.Le pathos est une émotion enflée. V. aussi à amplification.

Ant, Concinité. anticrcérorusme. La concinitas est un idéal latin(celui de Cicéron) opposé aux fioritures. L'anticicéronisme,mouvement lancé par Juste-Lrpse et Étienne Dolet est uneréaction contre l'imitation parfois gratuite de Cicéron par leshumanistes. L'annctcérorusrne est un refus de tout ce qui n'estpas fonctionnel. Il ne va pas jusqu'au laconisme. C'est un idéaltautégorique.

Rem, 1 Les anciens distinguaient trots tons dans le discours': lesublime, le tempéré 1 et le simple (sans parler du bas et duçrossier: ). Les rhéteurs enseignaient pour arriver au sublime,l'anaphore', l'allégorie', la prosopopée', l'épithêtisme".l'eupuérnisrne'. la gradation', l'hyperbole'. Ex,: NJe n'ai pascherché la sécurité dans la richesse" devient par prosopopée:NJe n'ai pas dit à l'or: Tu es ma sécurité!" (Job, 31.24).Pour le tempéré, on se contentait de l'anediplose'. de lacomparaison', de l'apostrophe' et l'on ne cherchait pas àembellir ni à magnifier.Pendant longtemps, l'emphase ne fut que l'excès dans lesublime (Littré: emphase, "exagération "). Encore faut-il pouvoirsentir où commence l'excès. Du XVIIeau XIXesiècle, un ton très

1 Le soutenu. "'élevé et noble- semble à mr-cherrun entre Jesublime et le tempéré. Launqurstique n'a retenu que trOISniveaux' de langue. éhrnmant te sublime au profit dusoutenu2 Ils étalent rnennonnês mais Jugés indignes d'examen.

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élevé passa pour normal dans les grandes circonstances. VOiCI,

à tit re d'exemp le, une période' proposée comme modèle dansune anthologie parue vers 1830, en par lant Justement del' éloquence:Sembla ble à un torrent qUI, ayan t romp u ses digues, renverse etentraîne tou t ce qui s 'oppose à son passage, déjà Je vois cettefidèle mtetp r ète de la retrqion. armée du glaIve victorieux de lagrâce, soutenue par la force de la vérité, appuyée par desprodiges innom brebles. subjugu er le mon de entier. paner la fa /j usqu'aux deux pôles er sur les déb ris de r i ootëtne . élever lechristian isme.De GÉRARD DE BENAT, Cit é par J . SENGER, I/-.l r: oretoire. p.5 3-4 .

La disparit ion progressive du styl e orato ire classique fai taujourd 'hui consrd érer tout sublim e comme grar.ddoQuen tDéjà Jaurès reproc hait à Danton des imag es comme: NJesortirai de la citadelle de la raison avec le canon de la véri té "(cité par Robert . à ç œndüoquenceï.

Rem . 2 l a grandiloquence est la façon la plus simp le d'obt enirune redond ance' sans répét it ion ', c'est -à-di re une macrotoqte.Cf. l'ex. de Joyce il verb iage. rem. 2 . Autre ex. : "Je ne fus pas peusurpris ce me tm-té d 'entendre le facteur me convier à larécep tio n d 'une le ttre. " (QUENEAU. Pierrot mon ami. p. 71) .

Rem.311 suffit que la grandiloquence ne pu isse se soutenir pourqu'elle se rid iculise. V. à mcobérence. rem. 3 et persiflage, rem.i

Rem. 4 Pluri el emphat ique. V. à synec doque, rem. 3 .

GRAPHIE M ode ou éiément de représe ntati o n de laparo le pa r l 'écritu re.Graphies phonétiques, adaptées aus si exactement quepossib le à la p ro no nc iat io n ; graphie usuelle; graphiet radi t io nnelte, q ua n d elle n e correspond pl us à lapr o nonciation (s c u lp t e r ) ; grap h ie é t y m o l o g iq u e(Le fe b vre, dont le b est dest iné à rap peler le la ti nfa brum ). M AROUZEAU.

Ex, litt èrair e: V. à éoutvoque . rem. 3 : à onomatop ée, rem. 1; àtnterjection: à faute, rem 4.

Analogues Orthographe, avec une con notati on normative;Graphème : "élément du système graphique" (qu par exemple)Graphie l ittéra ire: mod ificat ion expres sive de l' ort hographeusuelle. Ex.: le remplacement de il par y en vue de souligner ladispar it ion de 1'1 de il dans la langue parlée courante. (II seraitplus normal de mettre j ' comme le fait M. Trem blay).

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Rem. 1 La graphie distingue les homonymes', Littéraire. elle faitallusion' à qqch. et relève de l'à-peu-près'. Ex.: "cette VOIXhidéetiste" (PRÉVERT, Paroles), "le votturtn à phynences"(JARRY, Ubu rOI, p 93; par analogie à physique, Ubu ayantpour prototype un professeur de physique].

Rem. 2 Certaines graphies tentent de franciser, parfois pardérision, des pèréqrinismes'. Ex.: "bisness" (MONTHERLANT,Romans, p. 908). "piqueupe" (QUENEAU, Pierrot mon ami, p.77). V. à snqlicisme. rem. 1.

Rem. 3 Dada, s'attaquant aux mots, a Inséré dans ses poèmesdes "motscottésensemble". V à juxteposmon oreotnooe.

Rem.4 Le trait d'union' est une graphie utilisable en dehors del'usage Ex.: être là / être-là, ce qUI montre que le systèmegraphique a une certaine autonomie Vis-à-VIS de la parole. Lerôle sémiotique de certaines dispositions graphiques a étéétudié par J. Bertin, dans Sémiologie graphique. V. aussi à versgraphique.

Rem.5 Certains Jeux typographiques permettent d'Insister sur lavaleur des mots Ex.: "Le caniche grOSS'! grossit grossit grossit"(Cité par ANGENOT, p. 510). V. à veneuon typographique: àpictogramme,' à assise. 1.

Rem.6 Pour la polvqrephie. V. à peteçtemme. rem. 4. Il Ya unerernotivation' graphique.

GRAPHISME Caractère particulier d'une écritureindividuelle. ROBERT.

Ex.: les différentes façons de barrer le t. l'inclinaison deslettres. Ex. litt.: "Se rappeler d'écrire des e arecs" (JOYCE,Ulysse, p. 267). Bloom songe à dégUiser son écnture.

Analogues ÉCriture manuscrite, rdroçraphèrne tDïct. de Img.),rd ioqraphie (ensemble des Idlographèmes). "scription "(MICHAUX, les Grandes épreuves de l'esprit, p. 155). Le texteautographe est entièrement de la main de son auteur.

Rem. 1 La forme des lettres' de l'alphabet a évolué au cours destemps et semble bien dériver de pictogrammes". Ex.: la lettre A.qUI était couchée en phènicien. était Inversée en crétois. ce quicorrespondait exactement à une tête de boeuf: or "boeuf" sedisait ALF, (cf. hébreu alef) et commençait donc par le son a.L'alphabet se serait constitué de la même façon qu'onl'enseigne aujourd'hui en disant aux enfants: "C'est le p depipe"

La forme des caractères s'est stylisée, d'abord dans lesateliers de copistes, pUIS, grace à l'irnpnmer ie. précisée et dèslors diversifiée davantage. On trouve des modèles d'environ

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1500 séries diff érentes dans J ASPERT, BERRY & J OHNSON,Encyclopedie of type faces. Dans chaque série, on peut aussichoisir divers "corps" (dimensi on _,d S caractères, mesurée enpoints). minuscules (bas de casse) ou majuscules (grandes oupet ites capitales). romains ou ital iques, normal ou gras... Cf. leSpécimen général des fonderies Deberny et Peiq not. 2 vol.in-4°.

Il y a donc un graphisme de l' imprimé. La Cie LETRASET offredes transparent s avec lesque ls on décalque aisément descaractères variés, des symboles', etc.

La lu mit ype. qui peut imiter n' Importe qu elle for me decaractè res, perm ett rait de com poser des volum es entie rs àpart ir d'une page specimen de l'écritur e manuscr ite de l'auteur.Cf, J . PEIGNOT, De t 'Ecriture à la typographie, p. 147.

Rem. 2 Le graphisme par excell ence est la signature. Cert ainsartistes la réduisent à un paraphe ou "cb itire ", c'est-à-dire àquelques lettres, habituellement les Init iales du prénom et dupatr onyme. Littré prée.se que "dans le chiffre, on peut suivredistinc teme nt toutes les part ies de chaque lettre". Il n'en va pasde même du mo nogramme. Dans celui-ci, "le même ja mbageou la même panse sert à deux ou trO IS lettres différentes'(Litt ré): les lettres du nom pro pre sont "entrelacées en un seulcaractère ' (Robert).Voici des échanti llons de chiffres et de monogrammes t irés deFr . GOLD STEIN, Mon o g ram Le xicon:

W. W. """'IlVr V V IW WN WDe nom breuses institutio ns, maisons d'édit ion, revues, firmescommerciales ont leu r monogramme ou leur chiffre (jadis leur

_JlND~Ces dessins stylisés deviennent des emb lèmes de l'i nst ituti on,Ils la désignent en pro pre . Ils ont une forte iconicit é, AnalogueLogotype: "g roupe de lett res fond ues en un seul bloc " (Lexis).Cf. Fr.-M. RICCI & FERRA RI. Top symbols & Trade mark of thewortd. 1973,7 vol. D'autres sont plus gratui ts et occasion nels,comm e on en vo it dans la typographie actuelle avant-qardiste.ou jadis dans les lettrines, in itiales décorées des manuscrits.

Rem, 3 l.' id roqraphie n'ex clut pas l'est héti que, com me l'amontré Chiang Yee pour les caractère s chinois (l'Écriture et la

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psychologie des peuples, fig. 4) Le graphisme peut aussi opérerune rernotivation'. Ex.: Cré$ us.

Rem. 4 On a appelé patarafe (fém.) les traits individuelsd'écriture qUI étaient Informes et Illisibles (mot-valise' de patteet paraphe). Les pattes de mouche sont de demi-paterafes

Rem. 5 V à qéminetion. autre déf.. juxteposttion graphique,rem. 1: onomatopée, rem 2. pictogramme.

GROS MOT Mot bas (V. à argot) destiné à choquer

Ex.: Au bout d'un moment. Il dit avec une grossièretéappliquée: •Allez vous faire foutre ':SARTRE, la Mort dans l'âme, p. 171

Autre dM, Robert: "exprime quelque chose de grave" (le PetitRobert donne cet exemple d'Anouilh "L 'honneur .. Avec tOI,tout de sune les gros mots!"; Cet ernplci pou r:ait résulter d'uneantiphrase'.

Analogue: mot' gras.

Rem. 1 Le gros mot ne s'Imprime généralement pas. Ex.: 'Je lUI

dis qu'il avait une sale g ..." (A ALLAIS. la Barbe. p 121) V àabrègement, rem. 4.

Rem. 2 Il Y a une fonction du gros mot, injonctive (V. àinjonction). performative et anti-sociale. Michaux note que "lemot m... garde une valeur certaine de démoralisation etd'effondrement" (Passages, p. 171 J. Barthes commence ainsison Degré zéro de t'Écriture:Hébert ne commençait Jamais un numéro du Père Duchênesans y mettre quelques foutre et quelques bougre. CesgrosSièretés ne signifiaient rien. mais elles signalaient. Ouoi?Toute une sttuetton révototionneue.Le mot bas, en effet est destiné à choquer, à mettre en pièce lesystème social. fondé sur un certain respect au rno.ns apparentd'autrui, il rompt avec l'Interlocuteur (V. à Injure). clame lesdroits du mal (V. à mtenectton. rem. 5), ou du nous Ex.: 'Merdepour ces sacrées brutes de Saxons et leur petois" (JOYCE,Ulysse, p. 313).

Rem, 3 V. aussi à estéisme.

GROUPE RYTHMIQUE Sans être aussi élaboré quecelui du vers', le rythme' de la prose est loin d'êtrequelconque. Soumis à l'élan de l'acte. il porte sur desunités plus étendues que les syllabes ou les mesures: lesmots phonétiques.

La division d'un texte en mots (graphiques) est uneconvention d'écriture. Phonétiquement, les mots sontliés: d'où les élisions' et les liaisons'. Sans doute, il est

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possible - et même efficace, du point de vue didactique- de prononcer chaque mot séparément (V. à faute, rem2, le débit protessoreîï: mais ce n'est pas naturel. Il fautd'autres critères pour diviser la chaîne orale.

Tandis que le mot graphique correspond à une unitéd'agencement (c'est un segment insécable). le motphonétique est un ensemble (un syntagme' détachable).Sa longueur varie de une à neuf syllabes (habituellementtrois ou quatre). La voyelle finale, sans tenir compte desmuettes, reçoit un accent de lonqueur': les autres syllabes sontd'autant plus brèves qu'elles sont plus éloignées de la finale,avec un allongement possible pour l'antépénultième (avant­avant-dernière), dans le cas des mots phonétiques d'au moinsquatre syllabes. C'est donc la présence d'un ou deux accents",le prêtonique? étant moins fort que le tonique, qui délimite lemot phonétique.

Les mots phonétiques s'enchaînent. séparés parfoispar des articulations du texte (on pourrait Ici parler decésure' comme en poésie). Ils forment ensemble desgroupes rythmiques. séparés par des pauses'

La phrase est dite nombreuse (ou rythmée) lorsque le nombrede mots phonétiques de ses groupes présente une certainerégularité, une structure caractéristique

Ex.: Tous les Jours, à la même heure, le mettre d'école, enbonnet de soie noire, ouvrait les auvents de sa maison. etle garde champêtre passait portant son sabre sur sablouse.FLAUBERT. Madame Bavary.

SI l'on remplace par un chiffre le nombre de motsphonétiques de chaque groupe rythmique, et qu'onajoute une "césure" à la pause principale, on faitapparaître la structure rythmique:

1122332et l'on peut ainsi rendre compte de l'impression derégularité dans la diversité que procure la phrase deFlaubert.

Bien entendu, la formule rend compte d'une dictlonêpossible: on pourrait en donner de différentes.

1 Marier l'appelle, pour cette raison, accent "horizontal"

2 On rappelle encore contre-tonique ou nebenton (J Maza!eyrat. Éléments demétrique française. plIa

3 Littré et Moner parieraient de protetion plut6t que de diction. dans ce cas-ci(protatron ou plutôt profération SI l'Oh veut marquer le lien de ce terme avectefrançais proférer et non avec le lann proterreï.

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Rem. 1 P. Servien le premier a proposé une analyse du rythmepar mots phonétiques et groupes rythmiques, mais il tientcompte de toutes les syllabes, ce qui alourdit le schéma. Selonson système (dont on trouvera un exposé détaillé dans notreÉtude des styles. p. 34-5), l'échantillon ci-dessus donnerait:3/4/23/33/233/322/44.Le schéma serait pius aisé à déchiffrer avec des textes courts.Aussi la méthode peut-elle servir à la transcnpnon d'un vers'rythmique proche du vers' syllabique.

Ex.: Et bientôt vous verrez mille auteurs pomtilteuxInterdire chez vous l'entrée aux hyperbolesEt dans tous vos discours, comme monstres hideuxHuer la Métaphore et la MétonymieGrands mots que Pradon croit des termes de ChimieBOILEAU, Épître X Ceci donnerait 33/33 33124 15/3324/15 24/24L'accent prenant place à la fin de chaque mot phonétique, onvoit à la fOIS comment il se dispose par rapport aux syllabes etcombien de syllabes contiennent les "mesures",

Rem. 2 De nombreux phonéticiens emploient l'expressiongroupe rythmique ou mesure dans le même sens que motphonétique. AinSI Moner décèle une mesure majestativecaractérisée par sa longueur (cinq syllabes) et qui convientparticulièrement aux clausules (Lemaistre de Sacyrecommandait à Racine la clausule de 5 ou de 7 syllabes). Ex.:HEt le regard des enfants est plus pur que le bleu du ciel. que lelaiteux du ciel, et qu'un rayon d'étoile dans la calme nuit".4335/6/65 (PtGUY, le Porche, dans 0. poétiques, p. 150).

Quand la phrase se termine sur une mesure de trois syllabes,elle peut laisser l'impression d'un manque, ou d'unprolongement indéfini. C'est ce que Morier appelle nombresuspensif,

Rem. 3 L'analyse par groupes rythmiques débouche sur lacaractérisation formelle d'un grand nombre de "styles".

Ex.:Quand il eut atteint l'âge et prouvé sa veillence, Agaguk potun fusil. une outre d'eau et un quartier de l'lande séchée, pius Ilpartit à travers le pays qui était celui de la toundra sans fin. plateet unie comme un ciel d'hiver, sans horizon et sans arbres.

Y,THÉRIAULT, Agaguk, début. Ceci donne: 45/4443,Le groupe de quatre mots phonétiques paraît convenir ausouffle de l'épopée, ainsi que la cadence' majeure, avecclausule plus courte.

HAPlOGRAPHIE Faute' de copiste, qUI saute unsegment de texte (de quelques lettres à plusieurs lignes),

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trompé par l'identité de l'élément initial et de l'élémentfinal du segment.

Ex.: ..... ce que je dots à votre solitude (sollicitude): ilpréfère le clessisme (classicisme).

Analogue Homéotéleute. V. ce mot autre déf.

Le desiderata est une lacune (quelconque) dans la copie d'unrnanuscnt.

Rem. 1 L'haploqraprne est proche de l'haplologie (V. ce motrem. 1).

Rem. 2 Il ya une contre-haploqraphie. qUI consiste à redoublerun segment en remontant deux rois au même élément Ex.:stetisistiquement (statistiquement).

HAPLOLOGIE N'énoncer que l'une de deuxarticulations semblables.' MAROUZEAU.

Ex. Cité par Marier: le mot implicité. au lieu o'impticitité. quiserait le résultat de l'union d'implicite et du suffixe -ité. Maisadaptatif n'a pas été ramené à edeptit. ni haplologie à haplogie!

Rem. 1 Il Y a des haplologies purement graphiques, qui nerésisteraient pas à la proncrauon (prononciation). Ce sont deshaploçraphies '.

Rem. 2 L'haplologie est proche de la crase' dans la mesu re oùles syllabes réunies ont qqch. de semblable. Ex. québécois: Onen a parlé t'à l'heure (tout à l'heure). Certaines réductions de cetype sont régulières. Ex.: ce qUI vient d'autres personnes (pourde d'autres).

Rem. 3 L'haplologie à distance appartient au Jeu de mots'. Ex.:Installons-nous contortement à cette table (confortablement).

Rem. 4 Valéry fait une haplologie esthétique quand ;1 évite enen: "Je ne sépare plus t'idée d'un temple de celle de sonédification. En voyant un, je VOIS une ectton admirable, plusglorieuse encore qu'une victoire" (VALÉRY, 0, t. 2, p. 83).

Rem. 5 V. à perécttéme. rem. 4.

HARMONIE Effet produit sur l'oreille par certainescorrespondances de sons groupés. Si les groupes qui secorrespondent se surve nt immédiatement ou sontdisposés d'une façon symétrique, une oreille délicate etun peu exercée perçoit leur correspondance et estsatisfaite. M. GRAMMONT, le Vers français, p. 386.

Ex.: Ariane, ma soeur! de quel amour blesséeVous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée!RACINE, Phèdre.

Même déf. Mener.

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Ren.... 1 Dans " écho' sonore, les rapprochements sont çréés pardes sons Ident iqu es: dans l'harmonie. tous les sons vocal iqu esentrent en Jeu et peuvent combiner Jes harmonique s1 de leursform ants. Ils constituent des "dyades" (deux voyelles) ou des"t riades " (t ro is voye lles) de sons part ie lle ment d ifférentsGrammont conç oit surtout la mise en cor respondance desgroupes par un son commun Le groupe est "progressif" si leson commun est le dernier (Et ce fut là-dessus): "régressif" s 'IIest le p rem ier (La comtesse à son bras s 'ap puyait...):"embrassé " s ',1est au ml /w u (C'est que l'un est la grtffe et quel 'autre est la serre).

L'accent rythmique donn e la prépon dérance à la voye lle qu ile porte (Nos nuits. nos belles nuits' nos bel les msomniesh. Il estmusical de faire SUivre un groupe progr essif d'un groupedégressif (Déj à la nu rt en son parc arnassatt). On regroupe deuxdyades en une " tétrade" (Où rie n ne tremble. où rien ne pleure,o ù rien ne souffre): deux triades en une "hexade" (Ouelquecro ix de bOIS noir sur un tombeau sans nom). On les combine(t e blé., {(ch} présent de la b101(e Cérès). Etc11 J 4 1 LL....? ~I 231

A IOSI l 'espnt peut-il, sans doute. exp liquer ce qu 'une oreilleplus exercée percevra comme mélodie. À ti tre de contr e­exemple. donn ons aussi deux vers sans harmonie: Pense de l'artdes vers ettetndre la hauteur: et même: Fuyez des mauvais sonsle concours odieux (BOILEAU. Art poét ique). V à faute, rem. 2Rem. 2 Il y a aussi une harmonie due au ryth me. V . à cadence età période. rem. 2 et 4. SI l'h armonie prévaut sur le sens, on a dela rnusrcat iori '

HARMONIE IMITATIVE A rrang ements de mo ts pa r leson desqu els on cherch e à Imi t e r u n bru it ' na tu re l.LITT RÉ.

Ex.: Les colombes vo laien t autour de s tourelles et le re tourdes tourterelles é tait si p roch e q u 'e lles roucoula ie nt dansm on âme.H. de RÉGNIER, Tel qu 'en sonçe. p. 20 1.

Autre ex.: "Et découvrit son prop re tendre visage éclatant parmiles larmes" (A. H ËBERT, Poèmes. p. 9 6). Un rythme commesuspendu et l'alternance des consonnes plosives et liquidesreprodu isent le mouvement de la Jeune fille .

Même déf. Fontaruer (p . 392). Le Clerc (p. 186 & sv.).Marou zeau. Quillet. Morier , Robert .

Syn, Harrno rusme (se lo n Fo ntaruer). pho no mét aph o re(Guiraud).

1 Harmoniques: "sons dont les fréquences sont des rnulnples enners d'une mêmefréquence fondamentale" (Lexis).

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Rem. 1 Cette figure peut êt re réalisée par des all itérations,o no mat opées' , co upes ', co nst ru ct io ns de la phrase ',cacophonies' ... Elle peut se renfo rce r de Jeu graphiq ue:call igramme' , effets variés comme on en voit dans les ballonsdes bandes dessmèes. Ex,; "fiente qUI flaque et choit" (JOYCE,Ulysse, p. 55), " ü eboiboie " (ÉLUARD, O: t. 1. p. 11 55).

Rem. 2 Ouand c'est le tempo qUI est Imi té, on dira pl usexactement rythme imitatif. Ex.: "Le chagrIn mont~en croup €­gt gàlopeJvec lUi" (Boileau). Cela donne un bruit de galop.

HENDIADYNl Di sso c ier en deu x éléme n t s ,coord onnés, une fo rm u lat io n qu 'on aurait attenduenormalement en un se u l syntagme' dans lequel l'un deséléments aura it été subo rdonné à l'a ut re.

Ex.: A vec un sourire hardi, e lle tendit une pièce et sonp oignet massifJO YCE, Ulysse, p. 5 5.

Autre ex.: ' Elle e t ses lèvres racon taient ' (ÉLUARD, ûict.abrégé du surréal isme, à lèvres).Même si chacun des éléments implique déjà l'autre. le procédéles met en lumière séparément.

Même déf. Marouzeau. Marier. Robert. Preminge r.

Rem , 1 La ref ormulat ion n'est pas tou jo urs en un seulsyntagme" avec subordination directe, mais la coord ination atoujours un caractère quelque peu gratuit. Ex.: "C'était ce mettn­là dimanche. et l'ina uguration du Jardin zoophtitque de Chaillot'(R. QUENEAU . Pierro t mon ami. p. 209). On attend rait : C'étaitce d im a nch e mat in-l à... ou : .. .dimanche , le j ou r del' inaugurat ion ... mais pas et .

Rem, 2 L'mverse de l'hend iadvn (formuler en un seul syntagmeavec subordinat ion l'énoncé de deux éléments qu'o n attend raitcoord on nés) est oossrb!e. On le rencont re dans certain eshypallages' . Ex.: "l'épaisseu r raidie des j upons (de grand-mèreAntoinette)" (M.-CI. BLAIS. Une saison dans la vie d 'Emmanuel.p. 8 0) au lieu de: l'épaisseu r et la raideur...

HIATUS Ren cont re de deux voye lles (surtout SI ellesso nt semblables o u proches).

Ex.: "Et tOI. qUI en misères as ab ondance" (MICHAUX,Épreu ves. Exorctstnes. p. 19) . On remarque que celui de a-aheurte plus que celut de i-an . Ex. de cinq hiatus: Chacun a euet a à l'égard de l'événement sa p ropre responsabilité.

1 Prononcer ind yadinn e; n masc . on rencontre aussrhendi adys et hendiadyoin.celle forme étant la plus proche du grec EV ô La ÔVOLV qUI Sign ifie un au moyen dedeux (Marouzeau).

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Autre dM. "Discontinuité. rtipture de continuité du récit' (Diet.des media). C'est un emploi figuré.

Rem. 1 Bien que l'interdiction de l'hiatus en poésie classiquejouisse encore d'une grande célébrité, ce phénomène n'a guèrefait l'objet d'observations de la part des grammairiens. Il seproduit du reste dans les syntagmes' lexicalisés (broc à eauprésente même un double hiatus puisqu'on ne fait pas entendrele c ) et même à l'intérieur des mots (brouhaha. hiatus doubleaussi). Cela montre assez que la langue tolère l'hiatus.

Rem, 2 Le premier à dénoncer l'hiatus comme cacophonique (V.à cacophonie. rem. 3) serait le Grec Isocrate (4e siècle av. J.-C.).suivi par les latins. imités à leur tour par nos académistes. duXVIIe au XXe siècle.

Rem. 3 Le recul récent du phénomène de liaison' a faitdisparaître complètement nombre de consonnes finales (saufdans les monosyllabes), ce qUI multiplie les hiatus. Morierindique (au mot hiatus) dans queis cas Il peut encore choquer ouprod uire un effet.

Rem, 4 V. à pataquès. rem. 2; à césure. rem. 1; à verssyllabique.

HOMÉOTÉlEUTE On place à la fin des phrases ou desmembres de phrase des mots de même finale. LITTRÉ.

Ex- cité par Littré: bradypsepsie... dyspepsie... apepsie...lienterie' ... dyssenterie... hydropysie... privation de la vieMOLIÈRE, le Malade imaginaire, III. 5.

Autre ex.: •au delà, dans tout le reste de l'Uni-park, il y avaitcette rumeur de foule qUI s'amuse et cette clameur decharlatans et tabanns qui rusent et ce grondement d'objetsqui s'usent." (QUENEAU, Pierrot mon ami. p. 22).

Syn. Consonance (Fabn, t. 2. p. 169; Littré, Robert); prose rimée(Morier).

Autre dét. À la copie d'un texte, il peut arriver qu'un passagecompris entre deux apparitions du même mot soit sauté. Cettehaplographie' est appelée. en paléographie, homéotéleute. parmétonymie' de la cause (Grand Larousse encyclopédique). Cetinconvénient disparaît avec les duplicata (doubles, copies d'unoriginal).

Rem. 1 L'homéotéleute n'est rien d'autre que la rime' ouI'assonance'(v. ce mot. rem. 2) introduites dans taprose. Martin(les Symétries du français littéraire, p. 67) a montré qu'ohpourrait disposer en vers' certaines phrases de Hugo dansNotre-Dame de Paris. 'Seulement ici / cette tour était la flèche

1 Lienterfe:'espèœ de d.arrhée'

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la plus hardie / la plus ouvrée / la p lus menuisée / la plusdéchiquetée / qui ait jamais laissé voir le ciel / à travers soncône de dentelle. ' V. à antit hèse, rem. 4 .

Rem. 2 La plupart (du Marsais. Fontanier. Littré, Lausberg...)reprennent la d ist inct ion ant ique entre ï boméop to te (ouhomoiop loton) et l'homéotéleute . L'homéoptote consiste àter miner par des casou des temps semblables (belli s ac castris).V. à isotexisme et à reprise .

Rem. 3 L'homéotéleute met en relief les énumérations' . Ex,:'Tiens. Polognard, soulard, bâtard, hussard, tartare , calard,cafard, moucha rd, savoyard, communard l" Tiens, capon,cochon, félon, histr ion, tripot», souillon, polochonl (A. JARRY,Ubu rOI).

Rem, 4 Marmontel déconseille l' homéotéleute int empesti ve.'Dans nos vers, on fait une loi d 'éviter la consonance de deuxhémistiches,' la même règle doit s'observer dans les repos despériodes " (0 , t . 8. p. 31) .

HOMONYMIE Environ mi lle mots français 1 ont deux,tr o i s , quat r e ... h om onym e s (a utres mots, deprononciation id en ti que). La g raphie, habituell ement.permet de les d ist in g ue r. Ex.: Caen. camp, khan. quand,quant.

Ces colncidences donnent lieu à des procédés divers.Com ptines: 'II était une fois un p'tit bonhom' de Foix' etc.Échos: 'Des méduses, des lunes, des halos / Sous mes doigtsfins, sans fin, déroulent leurs pâleurs' (ARAGON, les Yeuxd 'Elsa, p. 4 2).Rapprochem ent s surréels: 'Les l its faits de tous les lys '(homon ym ie par tielle: A. BRETON , au Diet. ab rég é dusurréalisme).Rapprochements comiques: ' Votre tâche est digne: vous êtesrevêtu d 'un uniforme qui est le garant d 'une vie disciplinée etsans taches' (B. V IAN, le Dernier des métiers, p. 57) .Mot d'esprit V. à antanaclase le remerc iement de Colletet àénigme, 3.

Rem. 1 L'homonymie diffère de la d iaphora '. où l'on passe, nord'un mot à un autr e, mais d'un sens à un autre pour le mêmevocable . V. cependant à diepbore. rem. 4.

Rem. 2 Si l'ident ité de pron onciat ion se réal ise sur deuxsyntagmes' (V. à métanalyse), il n'y a plus homonymie, maissimplement homophonie (au sens large2 ). Ex.: •Je la vois

1 Cf. le tableau atpnabét-oue que donne Outllet.

2 Sens restremt : 'Deux signes sont d its homophones quand ils sont employéspour noter un même son. Ex. s el r dans torsion et porrion . • MAROUZEA U. Au

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comme je voulais la voir; ra i comme j e voulais l'avoir' (A.DUCHARME, l'A valée des avalés, p. 127); ' on la tirait onl 'attirait' (R. QU ENEAU , Pierrot mon ami, p. 13). V. à je u demots.

Rem. 3 Les noms propres n'échappent pas à l' homonymie. Ex.:Hubert Juin. écrivain belge, homonyme de l'académicien. Siqqun ne porte pas votre nom mais vos traits , c'est un sosie, Onpeu t avoi r aussi des phrases homophones. V. à équivoque. rem.3, le vers ' holorime. Pour l'homonymie partielle, V. à à-peu-prèset à paronomase, rem . 2.

Rem. 4 L'homophonie (et l'homonym ie) est possibl e éga lementà part ir de frag ments de ruban sonore appartenant à d'a ut reslangues. Ex.: ' les bogas (rameurs) étaient de beaux hommesmais de médioc res bogas' (H . M ICHAUX. Ecuador, p. 131;calem bou r' avec beaux gars).

Rem, 5 Le jeu sur l'homonym ie est un trait de préciosité (V, àbaroquisme, rem. 2).

HUMOUR Si l' humo ur es t d iff ic i le à défi ni r, c 'est qu 'ilest le sentiment des lim it es de l 'esprit et de la banal itéd es chos es . On peut le décrire com me un e accepta tionconsc iente de la d iffé re nce en tre l'idéa l et le réel.d ifféren ce que l'o n n 'hési t e pas à souli g ner, ce qui estune fa çon de se dégager.

Ex. courant: Quand le conjoint a m is les voiles.Ex. litt.: 'une cour qrevittonn ée au mi lieu de laquelleagréablement prospèrent de grosses tulipes hollandaises enmatière plastique naturelle.' (AUDI BERTI. Dimanche m 'attendp. 23 7). V. aussi à chassé-croisé, rem . 3: hyperbole, rem. 4;portrait , rem. 2: substitution: tru isme, rem. 2.

Rem. 1 L'humour appart ient à l 'esprit' . /1 s'exe rce cont re to utidéal. les gran ds sentiments (V. la poésie de J. Laforgue), lesgrandes pensée s. Ex.: •Pierrot poursuivit sa route et ne pensait àrien. ce à quoi il pa rvena it avec assez de fac il ité, même sansle voulo ir; c'est ainsi qUII arri va Jusque sur le quei."(QUE NEA U. Pierrot mon ami; p. 75) .Al lusion' sans doute aux voies d ites négati ves de la médi tat ion,notamment le ni rvâna. Il s'exerce aussi, par substitu ti on' , sur lesgrands texte s. Ex.: 'L 'homme est un zozo. le plus faible de lanature, mais c'est un zozo pensant' (J . TARDIEU, Un mot pourun autre. p. 1 12). Et sur lesgrande s langu es (V. à macaronisme).

sens étymotoqique. homop hone .....eut drre "de même son" et les homonymes sontaussi des homophon es

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Rem. 2 Il n'est pas incompatible avec l'Ironie' et emprunte, parexemple, les voies de la pseudo-simulation '. Ex.: ' Nous avonsune statue à Londres - nous aussi nous empaillons nos grandshommes - qUI le représente dans ce beau geste vocal"(JARRY. la Chandelle verte. p. 375) V. aussi à chleuesme. rem.2.

Rem . 3 L'humour va bien avec une certaine naïveté, unemaladresse Visible. Ex.: Quand le Père Ubu menace les paysansde "décollstion du cou el de la tète' (JARRY, Ubu rOI, IiI, 5). Ilsuffit d'une balourdise sonore pour connoter une scènepéjorativement

Ex.: Ceoendo nt la 531!!..' s'est rernot.e des différentsfonction naires, militaires, dignitaires,'et p lénipotentiaires,nécessaires à const.tuer une espèce de tebleeu vivant qu'onpourrait 03ppe/er la Cou, du roi d'Espagne.CLAUDEL, Théâtre. t. 2 p. 891.

Rem. 4 Quand c'est du U.'glqu8 ou du macabre que l'h umourenvisaqe. on J de l'humour noir, que J Vaché proposej 'appeler amour (Cf. BRtTC\l Anthologie de l'humour noir p.377)

Ex.: (J'olflclant) ovs.t brusquement baissé la tête commedécapité absorbé à présent dans une mystérteuse occupationque je ne POUVBIS pas VOir (peut-être en train de la tenirsanglante entre ses mains comme cet évéque. ce martyr qui laportant parcourut Or; dit-elle que ce SOient dix ou cinquantemètres quand on est dans cet état vous savez il n'y a que lepremier pas out coûte).CI. SIMON, Histoire. p. 17. Du reste le surréalisme aime touthumour (V. à Image, rem 1)

Rem. 5 Le zwanze, humour typiquement bruxellois. est à basede pseudo-simulation' et de truisme'

Ex.: LE VÉTÉRINAIRE. - T'oureis rrueu su ou'soiqneie desbôtest Y ripondoit. zwanseur: "No non, j'prêfèr acor mieu desbêt' coupeie mort' que des zhornmes."R. KERVYN, les Fables de Pitje Schromoutlle. p. 7

HYPALLAGE (fém) On paraît attribuer à certams motsd'une phrase ce qUI appartient à d'autres mots de cettephrase. sans qu'il salt possible de se méprendre au sens.L1TTRE

Ex. Cité par Littré: Enfoncer son chapeau dans sa tête, pourenfoncer sa tête dans son chapeau.

Ex. courant Son discours menace d'être long. Loc.: de guerrefasse,

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Même déf. Du Marsais (p. 203), Le Clerc (p. 262), Académiefrançaise, Marouzeau, Quillet, Lausberg, Moner. Robert, LeBidois (1. 1, p. 187), Preminger.

Rem. 1 L'exemple fourni par Littré contient une doublehypallage. (V. à énelleçe. autres déf.. 3.) Quillet en propose unesimple: "Trebtsssnt la vertu sur un papier coupable" (Boileau)Ex. contemporain: "mets je ne vais pas raconter la pièce, boulottrsnspirent" (J. AUDIBERTI, Dimanche m'attend. p. 31)

Rem. 2 Comme l'énallage (V. ce mot. autres déf.. 3). l'hypallageest en apparence un défaut. Tout changement de fonctiongrammaticale n'est pas valable comme hypallage. Du Marsais lesouligne vigoureusement (Des Tropes. p 203). Ex.: Sacorrespondance comprend la première partie du tivre (au lieude: La première partie du livre comprend sa correspondance)

L'erreur devient figure quand elle porte, à sa façon, le sens.Selon Guiraud (p. 197), 'le procédé relève de l'esthétique duvague,' il tend en supprimant tout caractère de nécessité entrele déterminé et le déterminant. à libérer ce dernier'.L'hypallage devient ainsi une variété de l'Irradiation'. Ex.: 'Laterre imagine en mon corps" (G. LAPOINTE, Ode au Setnt­Laurent p. 86).

Rem. 3 Le procédé n'a pas échappé aux surréalistes, quil'utilisent pour créer des discordances Irréfutables (Angenot, p223). Ex.: 'Le lit dormait d'un sommeil profond' (ARP, Rire decoquille). "Lerquez les continents. Hissez les horizons' (R.DUCHARME, l'Avalée des avalés. p. 13).

Rem.4 V. à chassé-croisé. rem. 2; irredietion. rem. 2; métaphore,rem. 3; mot-doux. rem. 2; hendîedyn, rem. 2.

HYPERBATE Alors qu'une phrase paraît finie, on yajoute un mot ou un syntagme" qui se trouve ainsifortement mis en évidence.

Ex.: La nuit m 'habitera et ses pièges tragiquesA. GRANDBOIS.

Autre ex.; Sur ces entrefaites, une vieille otite, qui dormaitdepuis trois ans, se réveilla et sa menue perforation dansle fond de mon oreille.

H. MICHAUX, Lointain Intérieur, Magie, IV.

Même déf. Quintilien, 9, 4: Morier.

Autre déf. 'Libre disposition des mots, où ceux qui vontgrammaticalement ensemble sont séparés par d'autres'. Ex.deCicéron:animadverti ..... oretionem ln duas divisam esse partes(E.-R. CURTIUS, la Littérature européenne et le Moyen Âgelatin, p. 333). V. à rejet et à brouillage syntaxique. Les

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cic éronismes de ce genre ne sont possibles de façon régulièreque dans les langues à flexion comme le lati n, où l'ordre desmots ne détermine guère les fonctions syntaxiques. Ce ne sontque des demi-brouillages. par souci d'élégance...

Rem, 1 Le mot hyperbate a reçu dès l'Ant iquité un sens trèsélargi puisqu'i l englobait l'anast rophe' , la synchise. la tmèse' etmême la parenthèse' (FORCELLINI, Lexicon). La plupart desthéori ciens (Marouzeau: Oui tlet: Lausberg, § 7 16 à 7 19:Robert Preminger) se sont contentés de revenir comme Lamy,Le Clerc (p. 265 ) et Litt ré. à la définit ion de l'hyperbate commeInversion' 'pour expr imer une violente affection de l'âme'(Littré).

Sans doute, on peut considérer l'hyperb ate comme lerésultat d'une inversion' , puisqu'Ii est possible de remodeler laphrase de façon à intégrer le segment rajouté , Mais l'effetpropre à l'hyperbate tient plutôt à une spontanéité qui imposel'ajout de quelque vérité, éviden te ou int ime , dans uneconstruct ion syntaxique qUI paraissait close. On a toujo urs uneassert ion' adjacente (V. ce mot. rem. 3) dans l'hyperbate, Celle­ci apparaît d'autant plus nettement que le lien grammaticalparaît plus lâche, d'où la Virgule et le et. Ex.: 'Albe le veut. etRome' (CORNEILLE, Horace),

Rem. 2 La plupa rt des hyperbates - celles dont la fonctiongrammaticale est déjà représentée dans la phrase par un autremot - sont. au point de vue syntaxique , des adjonctions' . Rienn'empêche, cependant. de reprendre dans cette adjonction unsegment déjà exprimé pour le mettre plus en évidence. Ex.: Çan 'est arrivé qu 'une fois et une seule,

Rem. 3 V. aussi à épiphrese; soulignement, rem. 3 .

HYPERBOLE Aug menter ou d im inuer excess ivement lavé r ité de s ch o ses p o u r qu 'e lle p rodu ise plusd 'impression , LITTRÉ,

Ex. courant un bru i t à réveiller un mort, Ex.lïtt.: Aqu in traitantles vieux téléphones d'engins pré-cambriens (Trou de mémoire,p. 15 3)

Autre ex. : 'd 'énormes, de gigantesques flamboyantsmonuments gothiques fusants, exaspérés, énergumènesà accélération, à élancements gothiques à gammesgothiques à balist ique gothique jet-gotic' (MICHAUX,Paix dans les brisements, p. 37) .

Même déf. Marouzeau. Benac. Lausberg, Robert, Preminger .Bally (Traité. t. 1. p. 295).

Autre déf. ' Figure de mentir' (Fabri).

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Autres noms Emphase (Bénac), exagération (Robert), charge(Robert), superlation (Fabn, t. 2, p. 15B), auxèse (Barthes, p.220). Adj.: hyperbolique, outré.

Rem. 1 Une partie de la définition de Littré devrait faireconsidérer certaines hyperboles (celles qui "diminuent" etc.)comme des litotes' (dire moins pour faire entendre plus). Mais ya-t-il des hyperboles qui "diminuent"? Nous opposons plutôt leshyberboles aux atténuations', procédés caractérisés par unediminution, alors que l'hyperbole consiste au contraire àaugmenter, fût-ce Jusqu'à l'impossible (V. à adynaton). On peutcependant observer un emploi ironique de l'hyperbole dont lerésultat est une diminution. Mais on est loin de la litote', carc'est dire plus pourfaire entendre moins... C'est la contre-litote'.

Rem. 2 Il n'est pas toujours possible de dire si l'hyperbole porteseulement sur l'expression ou plutôt sur le contenu.

Ex.: "Léon dut prendre en main la maison..... Un président duConseil se sent motns accablé" (MONTHERLANT, Romans, p.767). Est-il purement rhétorique de comparer les ennuis d'uncélibataire aux SOUCIS d'un homme d'État?

Le grand guignol est hyperbole du sens', plus précisémentdes instincts fondamentaux. Ex,: l'histoire de M. Delouit. venantdéfiguré - parce qu'il est tombé par la fenêtre - demander auconcierge le numéro de sa chambre (BRETON, Nadja, p.147-B).

L'hyperbole de sens, SI elle est vraie, est utilisable commeargument'. Ainsi, quand Bernanos dénonce que la Libre Parole,Journal antisémite, est commanditée par un Juif, c'est uncomble par rapport à la thèse sous-jacente des GrandsCimetières, à savoir: les Juifs sont partout (ex. fourni parAngenot Rhétorique du surréalisme).

Rem. 3 L'hyperbole est marquée par des affixes augmentatifs(Dict. de ling.): préfixes (hyper-, extra-. rnaxl-) ou un suffixe~issime); par des périphrases de comparaison' "une sorte d'effroirance et misérable auprès duquel la peur épaisse d'un meurtriern'était que bagatelle" GOM BROWICZ,Ferdydurke. p. 190); pardes accumulations' de superlatifs, d'expressions exclusives.AinSI, Mallarmé et Valéry ont un faible pour "le seul". Ex.: "Monjeu, mon seul jeu, était le jeu le plus pur: la nage" (VALÉRY, 0.C., t. 1, p. 1090). L'ultime ressource est de dénoncer lesInsuffisances de la langue. Ex.: H Sous la pression d'une horreuret d'une terreur inexpticebtes. pour lesquelles le langage del'humanité n'a pas d'expression suffisamment énergique, jesentis les pulsations de mon coeur s'arrêter" (pOE, iiqeie).

Rem. 4 L'hyperbole renforcée à l'excès rend compte d'unepensée accélérée artificiellement comme l'a montré Michaux

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avec la mescaline (Connaissance par les gouffres, p. 15, 92,etc.). ou bien vise à l'humour' Ex.:"rouquin comme un Irlandaispeint par Van Gogh' (SAN ANTONIO, Fleur de NaveVinaigrette, p 18), analogue au "combat de nègres dans untunnel la nuit".

Rem. 5 La langue courante foisonne en hyperboles plus oumorns "endormies". Ex.: C'est il se casser la tête contre les murs.Du coupage de cheveux en quatre Conte il dormir debout.Clouer le bec

Rem. 6 L'hyperbole est de rigueur dans le discours' public quis'adresse aux grands. plus encore sous l'ancien régime et danscertames cours orientales. Encore falJt-ii savoir éviter l'excès quipourrait tourner au nd.cule Ex.: L'abatteur de forêts (car il futmarchand de bOIS) a été mêié aux gens de négoce. Quandl'hyperbole n'est destinés qu'a tlatter. eile apparnent à lagrandiloquence'

HYPERHYPOTAXE Insérer des subordonnèes en tropgrand nombre,

Ex.: Car de toutes les végétations familières etdomestiques qui grimpent aux fenêtres, s'attachent auxportes du mur et embellissent la fenêtre. si eile est plusImpalpable et tuqitive. il n'y en a pas de plus vivante. deplus réelle. correspondant plus pour nous à unchangement effectif dans la nature. à une possibilitédifférente dans la journée. que cette caresse dorée dusoleil. que ces délicats teuilleç es d'ombre sur nosfenêtres, flore mstentenée et de toutes les saisons qUI.dans le plus triste jour d'hiver. quand la neige étaittombée dans la matinée. venait quand nous étions petitsnous annoncer qu'on allait pouvoir aller tout de mêmeaux Champs-Élysées et que peut-être bien on verraitdéboucher de l'avenue Marigny. sa toque de promenadesur son visage étincelant de treîcheur et de qeîté, selaissant déjê glisser sur la glace malgré les menaces deson Institutrice, la petite fille que nous pleurions. depuisle matin qu'il faisait mauvais. à la pensée de ne pas voir.M. PROUST, Contre Sainte-Beuve. VI, p. 125.

Rem. 1 Selon Thénve (Cité par L. SPITZER, Études de style. p.468. n. 3), l'hypsrhypotaxe est une période" destinée, non plusà être prononcée, mais à être lue, Son développement épousela diversité et la multiplicité des rapports perceptibles lors d'unelecture, alors que la période" classique correspond au rythme'du style soutenu oral.

Rom. 2 Mal bâtie. l'hyperhypotaxe est une synchise (V. àbrouillage syntaxique).

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Rem. 3 En classant les divers types de phrases selon leurcomplexité, dans un ordre décroissant, on rencontreYhyperhypotaxe. l'hypotaxe (V. à période). la phrase' moyenne,la parataxe' et l'hyperparataxe (V. à dislocation et àmonologue).

Rem. 4 Spitzer (Études de style, p. 407) repère trois types parmiles périodes' hyperhypotaxiques: "à explosion". "àsuperposition" et "en arc".

HYPOTYPOSE L'hypotypose peint les choses d'unemanière si vive et SI énergique, qu'elle les met enquelque sorte sous les yeux, et fait d'un récit" ou d'unedescription", une image, un tableau, ou même une scènevivante. FONTANIER, p. 390.

Ex. cité par Fontanier: Son coursier écumant sous sonmaître intrépide,Nage, tout orgueilleux de la main qui le guide. Boileau.

Autre ex.:"Des gens arrivaient hors d'heletne; des barriques, descâbles. des corbeilles de linge gênaient la circulation: lesmatelots ne répondaient à personne: on se heurteit."(FLAUBERT, l'Éducation sentimentale, p. 37).

Mêmedéf. Ouintilien. du Marsais (II. 9). Littré, Guillet. Lausberg(§ 400), Robert.

Syn. Image (Boileau). peinture (Fénelon). tableau (Fontanier. p.431), image peinte (Ed. de Goncourt). mise en scène, énergie(Du Bellay).

Rem. 1 On peut distinguer une hypotypose descriptive (ex. ci­dessus) et une hypotypose rhétorique, où l'action est un artificede représentation de l'idée. La force de l'artifice éclate dans lerapprochement. qu'effectue Diwekar (les Fleurs de rhétoriquede l'Inde, p. 36). entre une strophe du Ramayana (1. 63.20): "Lefils eîné est généralement le favori du père, ô roi, et le plus jeunecelui de la mère" et un verset de l'AItareya Brahmana (VII, 3):"Saisissant /e fils eîné. II dit: "Pas celui-ci - Pas celui-ci". ditlamère (en saisissant) le plus jeune. "

L'hypotypose est donc un développement de l'image' audouble sens du terme: image visuelle et image rhétorique(métonymie" ou métaphore'). Ex.: •La vie sociale est une sortede fermentation. elle extrait le puissant de la masse, comme lefoie produit le suc. elle élimine peu à peu les faibles quil'encombrent à la mamère du rein les résidus de la digestion."(BERNANOS, Nous autres Français, p. 157).Comparaisons', atlèqories'. applications seront souvent deshvpotyposes. lorsqu'elles "font image".

Rem. 2 Le contraire de l'hypotypose est la schématisation'.

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Rem. 3 L'essentiel est-II. dans l'hvpotvpose. d' "orner". de"petndre". comme l'ont pensé les théonciens du classicisme?Cette figure n'est-elle là que pour le lecteur? Des expériences­limites comme celles de Michaux lUI désignent une autreoriqme. d'ordre hallucinatoire. Situations, personnages, actionspeuvent Jaillir d'une conscience qUI ne se contrôle plus etfournir une Illustration, sentie comme réelle et vécue. ausentiment initiai

Assez! ..... "Ne plus écrirei"..... Et voilà que dans l'obscurité dederrière ses peupiéres closes. tI VOIt surqtr. soudain. deshommes violents. taisent de grands gestes de dénéçetion. puisune troupe. pUIS un détilé de gens mécontents. avec pancartes.cortège protesteteire et menaçant. "Ne plus" s'est changé ençrévisteslMICHAUX, les Grandes Épreuves de l'esprit. p. 98-9.

Rem. 4 Si la scène décrite fait penser à une oeuvre picturale ouCinématographique parce que les personnages prennentchacun une attitude caractéristique, on a un tableau.

Ex.: Molly et Josie. Petit tableau de genre! MaIScomment allez­vous?MaISqu 'étier-vous donc devenue? Se be/sent SIheureusede vous se boisent. de vous revoir. Chacune épluchant l'autreavec méthode. MaISvous êtes superbe. Des emtes de coeur quise montrent les dents dans un sourire. Combien vous en reste-t­tt? Ne tèvereïent pas un doiçt l'une pour l'autre.JOYCE. Ulysse. p. 356

Rem. 5 Brève, c'est la diatvposa'

HYSTÉROlOGIE Dans un récit', la circonstance ou ledétail qUI devrait être après est situé chronologiquementavant. LITTRÉ. Ex.: Uau. - Je vais allumer du feu enattendant qu'il apporte du bOIS JARRY

Même déf. Quillet. Lausberg, Preminger.

Syn. Hysteron-proteron (Marouzeau); hystero-proton (Littré).

Rem. 1 Quand l'inversion' des séquences répond à une raisoncachée, le procédé se rattache à la déchronologie'. L'exempleclassique: "Motiemur et tn media arma rasmus" (VIRGILE,Énéide, II. 353) est psychologique puisque. pour se Jeter sur lesarmes adverses, il faut d'abord avoir prts la décision de mourir.De même, Cocteau: "Trouver d'abord. chercher après. H

En revanche, en tant que défaut. l'hvstéroloqie connotel'imbécillité, la naïveté ou du moins une distraction. Lors d'unede ses crises. il se SUICida et mit (ensuite) le feu à sa maison. #

IMAGE 1. - L'Image, étant au coeur du travailpoétique. se trouve au centre des querelles d'écoles.

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Mais la confusion qUI règne à son sujet n'est pas dueseulement à la diversité des systèmes logiques auxquelson la plie. Elle est due surtout au statut insaisissable decertains textes poétiques, auxquels il serait te ndanc ie uxd'attribuer un sens limité. La véritable image ditbeaucoup à la fois et des choses telles qu'on ne saurait,souvent, les dire autrement. La perception de ce qui estproposé par les Images sera facilitée par quelquesdistinctions fondamenta les.

2, - Image et trope.

Dans le brou.ttsrd s'en vont un paysan cagneuxEt son boeuf lentement dans le brouillard d'automneQUI cache les hameaux pauvres et vergogneuxAPOLLINAIRE, Automne, dans Alcools,

On a ICI une image visuelle 1 (syn. Image mentale) Le détail dece qin concerne ce type d'Image est donné aux rubriquesdescription', hvpotypose dratvpose. portrait', prosopopée '.

L'image visuelle n'est cas toujours dénuée de valeursymbolique. On lit au vers 7 "leutomne a fait mourir l'été". Ceserait un truisme' sion négligeait d'étendre le sens à tout ce quimeurt. Le tableau entier, comme Image visuelle, constitue dèslors un symbole' de la mélancolie

Ce qu'on appelle image littéraire, c'est l'introduction d'undeuxième sens (V. ce mot. § 8), non plus littéral, maisanaloqique. symbolique, "rnétephonque". dans une portion detexte bien délimitée et relativement courte: un seul mot (V. àmétaphore), un syntagme' (V à comparaison), une SUite demots ou de syntagmes (V, à allégOrie).

Au sens strict l'Image littéraire est donc un procédé qUIconsiste à remplacer ou à prolonger un terme - appelé thème'ou comparé et désiqnant ce dont il s'agit "eu propre * - en seservant d'un autre terme, qUI n'entretient avec le premier qu'unrapport d'analogie' laissé à la sensibilité de "auteur et dulecteur. Le terme Imagé est appelé phore (d'où le motmétaphore') ou comparant et s'emploie pour dés:gner la mêmeréalité par le détour d'une autre, par figure: " est pris "au sensfiguré".

L'existence d'un terme propre, exprimé ou non, sembleessentielle à la constitution de l'Image littéraire traditionnelle.Toutefois, elle ne suffit pas à la constituer: " faut aussi que lerapport entre ce terme et le second sort "enetoqique". En effet.Sile rapport entre les deux termes est assez étroit pour qu'il n'yait qu'une seule Isotopie', on a une métonymie' ou une

, À drstinquer de l'dT,age tout court (dessmèe ou pemte) qu'on trouve notammentdans l'affiche "texte i'ilustré) placé dans un endroit pubuc '

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synecdoque'.L'ensemble des procédés qui consistent à remplacer le mot

propre par un autre qui ya quelque rapport constitue les tropes(V. à sens. 4).

3. - Thème et phore.

Les Images litté raires sont dites quelquefois abstraites ouconcrèt es suivant que le phare est plusabstrait ou plus concretque le thème' . L'image abstraite est rare. Ex.: "Mainte fleurépanche à regret / Son parfum doux comm e un secret"(BAUDELAIRE, le Guignon).L'image concrète est naturelle. Ex,: "J 'écris dans un pays queles bo uch ers écorchent" (ARAGON , le Musée Grévin: il s'agitde la France sous l'occupation)."Nous fumons tous IC I l'op tum de la gra nde altitude'(MICHAUX, la Cordillera de los Andes) pour l'altitude nousenivre. V. aussi à généralisation, rem. 3.

L'im age sym boliste est une Image concrète dont le thème' ,intuit io n ou sent imen t. serait diff ici le à faire sent ir sansf igu rat ion .

Ex.: Il pleure dans mon coeurComme il pleut sur la ville:Ouelle est cette langueurOui pénètre mon coeur?VERLAINE, Ariettes oubliées. III.

4 . - L'usage.

Au point de vue de l'usage, on distingue le cliché ', l'image'réveillée' et l' image 'neuve'. Le cl iché est une Image siemployée qu'elle évoque Immédiatement son signifié. SI usitéeque le phare a perdu son pouvo ir originel de srqnifiance: iln'évoque plus que le thème' , Immédiatement: la présence de lafigurat ion n'est plus percept ible.L'image est endorm ie. Ex,: une voix d'or ; changer son fusild'épaule; boire du pet it lait.

On a une image réveillée (ou cl iché rajeuni) quand lecontexte ou quelque modification morphologique vient ranimerle sens originel du phors. qu i était latent. Ex.: "l'ensoleil lementde sa VOIX dorée" (Proust). changer d'épaule son fusil; boire ungrand verre de petit lait.Si le cliché est rajeuni en rendant au mot son sens propre, on aun résultat hum or istique: "le grand homme d'État trébuchant /sur une belle phrase creuse / tombe dedans" (PRÉVERT,Paroles, p. 2 15).Le choc de deux clichés' aux phores Incompat ibles réveilleaussi l'image, qUI est dite inc ohé rente . (V. à incohérence).

L'ima ge neuve échappe à l'usage et donc .à ces ava t~rs.

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5. - Un concept opératoire, concernant les images. a étéproposée par A-J, Greimas (cf, Sémantique structurale. p. 100):l'isotopie', L'isotopie d'un texte est le domaine de réalitéauquel renvoient les différentes parties de ce texte, Dans le casde l'Image littéraire, l'Isotopie est complexe. L'albatros deBaudelaire renvoie à un oiseau et au poète qui y est"sembleble". Mais, d'habitude, quand l'isotopie est complexe,l'un des termes est privilégié par rapport à l'autre: on lui attribueun plus grand degré de réalité. La description que fait Rimbauddu Bateau IVre (exemple présenté par Greimas) est plus vraiepar rapport à Rimbaud (thème ou comparé) que par rapport à unbateau (phore ou comparant). Greimas parle dans ce cas d'uneisotopie complexe "positive". Le thème, étant normalement levrai point en question, est considéré comme isotopie "positive";le phare, parce qu'il est à prendre "au figuré", comme Isotopie'négative".

Ces distinctions deviennent essentielles dans le cas, à vraidire exceptionnel. des images à isotopie complexe "néçetive"ou "en équilibre". On peut aussi envisager, nous semble-t-il. uneabsence d'isotopie (ectopie),

Selon Greimas, Il y a Isotopie complexe négative lorsque lephore. bien qu'il soit à prendre au ftguré, reçoit pourtant. de lapart de l'auteur et donc du lecteur en puissance, un degré deréalité ou da vérité supérieur à celui du thème' (qui n'en restepas moins le terme positif). Ex.fourni par Greimas: M. Dupont seprenant pour un lustre. Ex. litt.: "Béliel. mon frère réputé chien'(J. FERRON. t'Amélenchiet. p. 43-4).R. Ducharme nous semble avoir su tirer parti littérairement decette éventua 1ité:Je prends, de toute mon âme, des positions ..... Je donnearbitrairement une autre forme à toute chose qui. par sonmanque de consistence ou par son Immensité. est impossible àsaisir et. alors. à la faveur de cette autre forme, je seisis lachose Par exemple. j'affirme que la terre (que les meilleursastronomes n'ont pas encore comprise) est une tête d'éléphantroulant à la dérive dans un fleuve d'encre bleu azur ..... et alors.dans ma tête, elle n'est rien d'autre que ça.DUCHARME, l'Avalée des avalés, p. 153.

Le phare (tête d'éléphant etc.) est assumé par l'auteur commetotalement vrai; le thème comme partiellement vrai.À l'isotopie complexe négative ressortit encore l'hallucination,que le surréalisme range parmi les Images (V. ci-dessous rem. 1)et le rêve que l'on prend pour la réalité (Cf. Je rêve que je nedors pas, dans ÉLUARD, O; 1. 1, p. 933).Quant à l'Isotopie complexe en équilibre. elle est réalisée parune image dont l'isotopie complexe est à la fois positive et

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négative, c'est-à-dire que la réalité du phore est assumée aussipleinement, et pas plus, que celle du thème. Greimas donnecomme exemple les guerriers Simba (c'est-à-dire lion) qui sesentent à la fois lion et homme, pleinement lion, pleinementhomme.

La poésie de Reverdy tend vers ce type d'Isotopie. Ainsi, dans leCoeur soudain (Ferraille). "l'appétit des brisents" c'est à la foisun paysage maritime et le tourbillon des Instincts, comme lemontre un vers analogue mais inverse: "Dans les rocherschavire l'émotion". L'image à isotopie complexe en équilibren'est pas une image surréelle du type courant (unedissociation'). Elle reste une image car, SI les deux termes ont lemême degré de réalité, ils restent figuratifs, c'est-à-dire qu'ils sefi.gurent l'un l'autre. C'est ce qUI donne un caractère siparticulier à la poésie de Reverdy. Entrer dans une poésieréputée hermétique, c'est peut-être simplement découvrir l'artpoétique qui a présidé à sa conception.

Disons pour terminer un mot de l'absence d'isotopie. Il noussemble qu'un emploi purement métaphorique de l'image estpossible: on aurait des termes qui ne peuvent être que desphores. qui doivent représenter "autre chose", mais sans qu'onpuisse savoir quoi. Plusieurs textes de Michaux seraient tels: laNuit des embarras, la NUit des disparitions, la Ralentie. Ex.:"C'était à l'arrivée, entre centre et absence, à l'Eurêka, dans lenid de bulles... " (Entre centre et absence, dans LOintainintérieur). Un tel art poétique ressortirait à ce principe deMichaux (principe qui est à "comprendre" aussi): "Dans le notrnous verrons clair, mes frères. Dans le labyrinthe noustrouverons la voie droite" iContre! dans la Nuit remue),Poétique de l'intériorisation (totale). V. à autisme.

La question de l'isotopie se pose dès que deux signifiésappartenant à deux "univers de discours" distincts sont mis enprésence. V. à calembour, métonymie, syllepse oratoire, etc.

Rem. 1 Le mot Image a pris un sens très large depuis lesurréalisme. Pour Breton (Dict. abrégé du surréalisme, à Image),il y a image surréelle quand l'expression "recèle une doseénorme de contradiction apparente" (V. à dissocietiom. quand"l'un de ses termes (est)curieusement dérobé" (V. à métaphoreénigmatique). quand "s'annonçant sensationnelle. elle a l'air dese dénouer faiblement" (V. à déception), quand "elle tire d'elle­même une Justification formelle dérisoire" (V. à musicetionainsi qu'à verbigération. rem. 3). quand elle est "d'ordrehallucinatoire" (V. à fantastique). quand elle "prête trèsnaturellement à l'abstrait le masque du concret. ouinversement" (V. ci-dessus),quand elle implique la négation' dequelque propriété physique élémentaire (variété de paradoxe'),

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quand, plus généralement. "elle décheîne le rire: (V, à humour),On VOit que !e mot Image désigne pour Breton toute espèce deprocédé, pourvu qu'il salt surréaliste, c'est-à-dire qu'il "présentele degré d'arbitraire le plus élevé" et qu'on mette longtemps àle "traduire en langage pratique' (lb,)

Pourtant. ce n'est pas l'hermétisme qUI fait la qualité del' "Image" surréelle, Ce n'est peut-être pas seulement sononç.nalité. "Plus les rapports des deux réalités rapprochéesseront tointeins et Justes, plus l'Image sera forte" écrit Reverdy(cité par BRETON, Menitestes du surréalisme) L'écartementsémantique peut avoir aUSSi une Justesse par laquelle ils'impose. La gratUité, la contradiction sont là comme preuves atoruon. Elles sont la beauté dune vérité, "La beauté seraconvulsive ou ne sera pas", dit encore Breton,

C'est du rapprochement en quelque sorte tortuit des deuxtermes qu'a jailli une lumière perticuhère. lumière de l'image àlaque/le nous nous montrons intimment sensibles. La valeur del'image dépend de la beauté de l'étincelle obtenue",BRETON, Menitestes du surréalisme,

Le poète est moins l'auteur que le lieu d'un phénomène dont lescomposantes sont moins en lui que dans le monde et dans lelangage, (V, à dtssociation. rem 5), Ainsi s'explique sa naturesouvent obsessive. déchirante, ironique, vengeresse"

Rem. 2 V, aussi à hvpotvpose (scène qui "teit Image),

IMITATION Alors qu'Aristote n'assigne comme limite àl'art que l'Imitation de la nature (Imitation qui va Jusqu'àl'ostentation esthétique, souligne Souriau), certainsauteurs n'ont pas reculé devant une imitation sincère dela culture, en l'occurrence des oeuvres de leursprédécesseurs, sans intentrons parodiques (V, à parodie).

Un tel procédé recort un nom en -isrne dérivé dupatronyme de l'auteur admiré. Sur le modèle depinderisme. pétrerquisme. etc" on écrit: epottinerisme.belzecisrne. cleudélisme. qiretducisme. tnelreucisme.meuriecisme. proustisme. vetérisme. verteinisme. ,.

Ex.: MOI qui aurais voulu être assez affreux pour faireavorter les femmes dans la rue ."., je ne maudis point mabeauté. mettant à mes genoux l'éphèbe prosterné, et cejour, crapaud bon serviteur, je te tolérerai un rival,Ce texte de Jarry est un leutréemontisme. comme le remarqueÉluard (0" 1. 1, p. 995).

Autre ex.: • El Hadji que t'a-t-on mené voir dans la plaine? Est-ceun pnnce couvert de vêtements somptueux?" (GIDE, Romans.p. 351).

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Gide reprend ici un verset de l'Évangile selon Matthieu (11.7-8), qu'il avait placé du reste en épigraphe' à El Hadj.

Autre déf. Fontaruer (p. 288) emploie imitstton en se référantnon à d'autres auteurs mais à d'autres langues. C'est ce quenous appelons pèrèqrirusrne'.

Rem. 1 Marotisme, usrté de longue date, a pris un sens élargi(V. à archaïsme, rem. 2).

Rem. 2 Pindarisme (Pindare. poète grec du 4e siècle avantnotre ère): "louange des dieux et des héros. lieux communsmoraux ..... éloquence. Images mythologiques savantes .....tnede" (Bénac). Ex.:Amers de Sarnt-John Perse.

Rem. 3 Pétrarquisme (pétrarque, poète Italien du 14 e siècle):"galantene tnondstne. pesston mcutéte. élévation vers Dieu àtravers l'amour spintueltsé de sa créature .. ..sntttbéses.métaphores ..... sonnet, canzone (stances égales en versmégaux), tercet" (Bénac).

Rem.4 Gongorisme ou cultisme (Gonqora. poète espagnol dusiècle d'or): "style savant. bourré de tetinismes. de néologismes,de métaphores dnticues. de figures de rhétonques: .....Idéesrecherchées" (Bénac)

Rem. 5 Euphuisme (Euphuès. roman anglais, 1579):"métaphores', allitérations', balancements savants" (Bénac).

Rem, 6 Marinisme (Marino. poète italien, 16e-1 7e siècle):"recherche des concetti" (Bénac).

Rem. 7 Le cliché' est l'irrutatton de M Toutlemonde, lepsrttacrsrne ' une imitation bête, dans laquelle l'Imitateurreproduit sans comprendre.

Rem. 8 L'Imitation ne peut pas être poussée trop loin. souspeine de virer au plagiat ou vol littéraire.

Syn. Démarquage (péjoratif mais moms fort). Jarry s'est amuséà montrer que d'Esparbès. dans une nouvelle intitulée Petit­LoUIS. s'était plus que souvenu de Klplmg dans Toomaï deséléphants (Cf. A. JARRY. la Chandelle verte. p. 262 et sv.) Seservir du texte d'autrui sans le dire, c'est risquer de passer pourmalhonnête.MaiSoù commence le plagiat? Camus écrit dans son Discours deSuède (Ess8ls, p. 1071): "Je ne pUISvivre personnellement sansmon art" Or il avait cité Van Gogh. sur le même sujet. dansl'Homme révolté (lb.. p. 661): n Je pUISbien. dans la vie et dansla peinture eusst. me passer du bon Dieu. Mets]» ne pUISpas,mOI souffrant. me passer de quelque chose qUI est plus grandque mOI. qUI est ma vie. la putssence de créer. n Cette "plainteadmirable", Camus l'avait faite sienne et pouvait la reprendre à

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son compte, dans ses termes à lui.1\ faut dire aussi que de prétendus plagiats peuvent surpasser

de loin leur modèle. Ainsi P.-A. Lebrun (1785-1873) est"auteur d'un CImetière au bord de la mer dont le plan, la suitedes images et même le texte d'une dizaine de vers sont trèssemblables au Cimetière mann de Valéry (Cf. R. SABATIER,dans Revue des deux mondes, déc. 72, p. 535 à 540). Onparlera dans ce cas dintertextualitè. pour éviter lesconnotations péjoratives, qui seraient déplacées.

Le plagiat ironique peut se présenter. Dans les Faux­Monnayeurs. Gide signale la venue de l'aurore en ces termes:HLa paupière de l'horizon rougissant dé;â se souléve" (Romans.p. 275). C'est. mot pour mot. une phrase prise à Mauriac.L'absence de guillemets n'est évidemment pas une tricherie,mais, pensons-nous, un défi taquin au lecteur

IMPASSE L'analyse en posé / présupposé (V. à assertion,rem. 4) explique divers procédés, surtout l'Impasse, qUIconsiste à placer dans les présupposés les Idées qu'onsait contraires à celles de l'interlocuteur. De cette façon.on l'oblige à les admettre implicitement ou à revenir surles points brûlants, ce qui peut passer pour Indélicat ouagressif. (Cf. DUCROT, Dire et ne pas dire, p. 95 à 97)

Ex.:(À un camarade qui vient d'avoir ses 18 ans) -Alors? Ont'a laissé entrer, hier soir? (Afin de vérifier l'hypothèse qu'IIserait allé voir un film pour "adultes").

Analogues Question" fourrée, présupposinon subreptice.

Rem. 1 Impasse. par analogie avec une ruse du bridge.

Rem. 2 L'excuse" précède souvent une réponse qui fait retouraux présupposés. N_ Pierre se doute que Jacques Viendra. ­Pardon. Jacques ne viendra pas. N (OUCROT, lb" p. 92).

Rem. 3 L'impasse est un piège, retors. Elle relève du procédéplus général du traquenard, qui consiste à s'arranger pour fairedire à l'adversaire qqch. qui lUIfera perdre la face. Ex.:un garçonse lève et demande à la nouvelle institutrice SI elle sait traduire: 1have the five roses.

IMPLICATION Formule dont le contenu sémantiqueconduit le lecteur à comprendre, de plus, autre chose,qui ne paraît pas au premier abord, mais qui découle.quand on y réfléchit, de ce qui a été dit.

Ex.: Hénault faisait remarquer à Mme du Deffand que "quendon dit qu'une fille à marier joue bien du clavecin, celaveut dire qu'elle n'est point jolie N (Nouveau ûict. decitations fr.. § 4835).

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L'implicat ion joue ICI par ce qUI n'est pas dit en vertu de la loid'exhaustivité (Ducrot). Le locuteur , en effet est censé dire ceqU'II sait sur la question débattu e et s'i l ne souff le mot debeauté . c'est qu'il vaut mieux parler d 'aut re chose . Si l'on veutun exemple récent rappelons le mot d'un dirigeant africai n:"Un spécialiste. c 'est quelqu 'un qui ne travaille pas dans sonpropre pays. : Autre exemple à euphémisme. rem. 1.

L'Implicat ion peut aussi jo uer par ce QUI est dit. Ex.: "II n 'y eutpas JUSQu'à frère Giroflée eut ne rendit service; if fut un très bonmenuts.er. et même devin t honnête homme." (V OLTAIRE.Cendtde}.S'i l le devint c'est qu'i l ne l'éta it guère , et comme il était mo ineet ne le resta point c'est con tre cet état fina lement queVo ltaire a décoché. mine de rien, une de ses flèches ,

Elle peu t jouer en niant aut re chose. ce qu i serait une demi­litote (V. ce mot) , Ex.: "Ce n 'é tet t pas à Esdraset à Da'Bé qu 'elleavait songé d 'abord' (L. HÉMON. Mana Chapdelaine. p. 1 14).C'est à François. dont on devine dès lors qu 'elle est amoureuse.

Elle joue même par anti phrase' . c'est-à-dire dans l'aff irmati ondu contra ire, C'est ain si que sans doute, qui sig nif iai t"assurément ' au XVIIe siè c le . en est ven u à signi fi e r"probablement', L'auditeur, observant que le locuteur prend lapein e d'écarter un doute possible . se dit que, malg ré tout undoute ét ait po ssible. C'est de la mêm e faço n qu'il fautint erpréte r bon nombre de déclarations, surtout cell es qui sontdestinées à rassurer le public en temps de crise, Ain si Roosevelten juillet 3 3 , cit é par R. SÉDiLLOT. Toutes les monnaies dumonde: "Les États-Unis recherchent un dollar tel que. passé unegénération. il ait le même pOUVOir d 'achat et la même valeurpour le règlement des dettes que celui que nous voulonsassurer dans un avenir procha in.' Il faut "lire entre les lignes"pour voir que le prés ident annonce ainsi une dévaluation .

Ex. litt!l rai re: "Nu it mon feuillage et ma glèbe" (R, CHAR, NeufMerci ..... dans la Bib lioth èque est en feu). Le poète se com pareà un arbre , mais de façon implicite .

Analogues (Mot) qUI en dit long; en conversation: 'On sait ceque ce la veu t dire" . Finesse (Le Clerc , p. 21 6: "La f inesseconsiste à laisser deviner sans peine une partie de sa pensée; etcette manière. lorsqu 'elle est employée avec ménagemen t. estd 'autant p lus agréable qu 'elle exerce et fait valoir l'intel ligencedes autres. ")

Rem. 1 L'implicat ion n'est pas loi n de l'allusion 'Xette dern ièreévoque un fait. une personne , un objet plutôt qu 'une assert ion .Elle renvoie à du connu, Intég ré de loin au texte , alors quel'imolicati on découle de l' ensemble du texte même. Ex.: "OUIrai/ie après l 'affront s 'expose à faire rire aussi son tt étitier"

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(HUGO, Hernani; L 2). La menace de mort est implicitepuisqu'elle découle de la joie de l'héritier.

Allusion", Implication', Ironie", etc. ont une mélodie propre,faite de continuation" suivie d'une légère finalité. De là le nomque lui donne Morier de mélodie circonflexe.

Rem. 2 L'Implication rhétorique a pour but de communiquer cequi n'est pas dit elle relève donc de l'ironie". On la distingue del'implication logique, qUI appartient au philosophe, et quidemande à être énoncée.

Ex.:Ona pu dire ..... que la Terre pourrait bien être le seul centreactuellement Vivant de l'Univers. Nous ne discuterons pas cepeu vraisemblable et indémontrable privilège accordé à notreplanète. Mais nous devons signaler ..... une manièrepetticulièrement vicieuse de le comprendre, qUI consisterait àfaire de la Vie, en pareille circonstance, un accidentmerveilleux ..... en marge de t'évolution cosmique .....TEILHARD DE CHARDIN, o.. t. 6, p. 31.

Rem. 3 On distingue l'implication de Yimplicitetion ouprésupposition (Ducrot). V, à thème, rem. 1 et à assertion.

Rem.411 ya une Implication purement poétique, ïirredistion'. Ily a une implication publicitaire, aussi habile qu'agréable. Ex.:Grands. beaux, ensoleillés. libres tout de suite. On comprend qu'ils'agit d'appartements.

Rem. 5 Il suffit d'ajouter à l'assertion une précision superfluepour quappararsse une Implication qUI la resnerndra tOuel bonpetit déjeuner ce mann! risque datnrer une repartie comme "Tun'aimais pas celut d'ruer"

IMPLOSION La consonne explosive se réalise en troisphases, l'implosion ou mise en place de l'obstaclebuccal; la tenue, durant laquelle augmente la pressionde l'air; l'explosion ou catastase.

Dans le cas de quelques consonnes doubles (Ex.: adductionattique, ou des mots étrangers non francisés). les trois phasessont distinctes, car la tenue a deux temps, en sorte que lapremière consonne est implosive seulement. la secondeexplosive. En cas àmtertuption', on arrête de préférence parune implosion, qUI obstrue d'un coup l'orifice buccal. Ex. litt.:Quand Kaliayev part lancer sa bombe, il dit à Dora: H Au revoir.Je... La RUSSie sera belle.' (CAMUS, les Justes), Si l'acteurcoupe après je, on croira que Kallayev cherche un mot. alorsqu'en réalité il s'Interrompt. se refuse à direje t'sime, parce qu'ildoit faire Violence à son amour La coupe d'une telleinterruption est au milieu de la consonne. On doit faire entendrel'implosion du t (pas l'explosion). V. aussi à abrègement n.l.

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lMPROPRIÉTÉ Donner à un vocable un sens autre quecelui de l'usage; autrement dit, employer un mot quiappartient à autre chose que ce qu'on veut dire.L'impropriété n'est pas repérable Sinon, quelquefois, parle contexte.

Ex.: Angéline de Montbrun ne Vit que pour un pèrequ'elle adore. qu 'elle mystifie. Il faudrait qu 'elle aimemystiquement car cette héroïne Ile songe nullement à induireson père en erreur.

Même déf. Robert.

Autres noms tv10t Impropre, signifié dUVO~Sin, aciroloqre (Fabri. t.3. p. 124)

Antonyme Mot propre, propriètè (8énac). mot juste. justesse.

Autre dM. Selon Lausbmg (§ 533) sont cons.oérés comme motsImpropres des synonymes' qUi ne correspondent p3S, des motssortis de l'usage. des mots inventés ou des mots appartenant àune région. IJne technique, un métier déterminés. C'est un sensélargi. qui reYite la conceouon antique du style soutenu.

Rem. '1 Le mot Impropre se distingue de la catachrèse', où il n'ya pas de mot propre correspondant. Il peut arriver, cependant.que le mot propre existe mais ne SO!t cas connu. Ex.: - C'estnon Iain d'un poteau, métallique... - D'un pylône? - C'est ça.De telles Impropriétés sont des dcrm-cetecbréses. car elles sontsous l'empire de la nécessité (momentanée).

R:f~m. 2 Le mot fa ible est une dem-ur.oropr.ete. il ne porte quesur les connotations.

Rem. 3 De même qu'on dlstlngÛG des n{;ologismes' de sens etdes néologismes' lexicaux. l'impropriété s'oppose aubarbarisrne CelUI-CI concerne 18 mot dans son existencelexicale. celle-là ne se manifeste qu'sn toncuon du sens' visé.

Rem. 4 Le purisme et l'hypercorrect/on sont aussi la sourced'emplois impropres. Ex.: "I! ne S:3g11 peut-être pas d'unetentative de tromperie. comme 1/ pourrait sembler à premièreécoute. H (Ce n'est pas parce qu'on a entendu cette tentativequ'on ne peut pas dire: à première vue)

H\lCUJSiON Commencer et finir un poème, unenouvelle, une pièce de théâtre par le même mot, lamême phrase.

Ex , romanesque: La silhouette d'un homme se profila:simultanément des milliers. Il y en avait bien des milliers.R. QUENEAU, le Chiendent (debut et fin).

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Ex. poétique: L'AZURDe l'éternel azur la sereine ironie

Je suis hanté. L'Azur/ l'Azur! l'Azur/ l'Azur!

MALLARMÉ

Autres déf. 1 Marouzeau. à la suite de divers auteurs comme8ary (cf, Le Hir. p. 129), donne à l'incluSion un sens plusrestreint celui de l'épanadlplose', avec moins de spécificationscependant: "commencer et terminer une phrase ou un vers parle même mot". Nous préférons garder épanadiplose pour lesexemples de ce type et inctusion pour ceux qUI concernentl'ensemble d'une oeuvre (même minime), l'effet esthétiqueétant assez différent.2 En logique, l'Inclusion caractérise le rapport de deux classes,L'espèce est Incluse dans le genre. Cette définition importedans l'analyse des synecdoques'.

Rem. 1 Le rondeau est construit sur le pnncipe de l'inclusion.qui lui a donné son nom (on tourne en rond puisqu'on revientdeux fOIS au po.nt de départ),

C'est un poème' sur deux rimes', en trOIS strophes': quintil.tercet quintil: les deux dernières strophes sont SUIVies, en quisede refrain', d'un vers' plus court qui reprend mot pour mot ledébut du poème (le premier hémistiche) Ex.: Cf. Morier.

Valéry semble avoir voulu faire un rondeau en prose, enracontant dans ses Mauvaises Pensées et autres:TOUT EN CAUSANTJe m'avise, tout en causant. que mon Index droit trace sur monpouce une figure, et la retrace; et cette figure est une courbetransformée de la forme d'un teuteuit à deux pas de mOI que Jereaerde - distraitement -- tout en causant..,VALÉRY, o.. t. 1. p. 852

INCOHÉRENCé ~Jlétaphore' qUI réunit deux Imagesincompatibles. LAUSBERG (sens Il) Ex, Cité par Lausberg, àpropos d'un orateur. C'est un torrent qui s'allume.

Ex. cont.: Si je vous dis que dans le golfe d'une sourceTourne la clé d'un fleuve entrouvrent la verdureVous me croyez encore plus vous me comprenezÉLUARD, la Poésie dort avoir pour but la vérité pratique.

Analogues Fausse dissocrauon (V. à dissocietion. rem. 6),langage approximatif.

Autre dM.: "(Idées, mots, phrases) qui ne se suivent pas, qui neforment pas un tout. un ensemble bien JOint' (LAUSBERG, sens1),

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C'est un sens élargi, qUI rejoint. pour les mots la dissociation";pour les idées, j'Inconséquence"; pour les phrases, le coq-à­l'âne". On rencontre aussi de l'incohérence entre les épisodesd'un récif. Ex.:l'arrestation de Protes. dans les Cavesdu Vaticande Gide, alors qu'un instant plus tôt il était déclaréinsoupçonnable.

Rem. 1 On pourrait réserver incohérence pour les parasrtes de lamétaphore", non seulement quand l'incompatibilité surgit entreles classèmes non pertinents des phores (le char de l'Étatnavigue sur un volcan). mais aussi quand des sèmes marginauxse heurtent entre le thème et le phare. Ex. tiré d'un procès­verbal et recueilli par Jean-Charles: Habitué des bagarres. il adepuis longtemps fait du revolver son livre de chevet.

Rem. 2 Quand un des termes d'une image" surréelle se prête àun sens'rnètaphorique. l'écart nécessaire à "t'étincette" créeune incohérence entre le thème et le phore. Ex.: "Cette averseest un feu de peüle: (ÉLUARD, O; p. 725). C'est réveiller lecliché "teu de peille" de façon comique: on voit quel'incohérence n'est pas toujours un défaut. ICI se rejoignent.assez curieusement. la définition traditionnelle et la définitionsurréelle de l'image (comme dissociation).

Rem. 3 L'incohérence reste le meilleur moyen de frapper deridicule la grandiloquence'. Ex,: # ROBERTmère. - Quel coeurinsensible! Aucune fibre sur sa face ne tressaille...# (IONESCO.Jacques ou la soumission, p. 137). Autre ex: •Et on dira tout cequ'on voudra. les mensonges qu'un individu débite sur lui­même sont en généra! indignes de dénouer les cordons dessandales des bourdes. desébouriffantes bourdes que lesautresrépandent sur IUI~' (JOYCE, Ulysse. p. 559).

Rem. 4 L'incohérence vient de sèmes impropres au contexte(plus précisément de classèmes écartés par l'isotopie"). ce quin'empêche pas qu'il y ait des sèmes pertinents par lesquelsSemble se justifier une maladresse sur laquelle on ferme lesyeux dans la conversation courante. Ex.: Le cheval toisait desefforts surhumains pour se dégager.

INCONSÉQ~NCE Type d'écart qui consiste àcoordonner deux idées qui n'ont apparemment aucunrapport logique entre elles. J. COHEN, Structure du langagepoétique, p.l72.

Ex.cont.: Mr Smith:. - On marche avec les pieds mais onse réchauffe à l'électricité ou au charbon.Mme Martin:. - Celui qui vend aujourd'hui un oeufdemain aura un boeuf.IONESCO, la Cantatrice chauve. p. 51.

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Rem. 1 L'inconséquence diffère du coq-à-l'âne', où les idéesdisparates ne sont pas coordonnées. Elle est voisine del'alliance' d'idées.

Rem. 2 La fabrication d'inconséquences drolatiques donne lieuà un jeu littéraire': les Propos interrompus.

Rem. 3 En dépit de leur manque de clarté, les inconséquencespeuvent être pleines de sens. Ex.: "Tour Eiffel. mais part à trois"(H. MICHAUX, Tranches de savoir).

INJONCTION Modalité de phrase répondant surtout àla fonction conative (V. à énonciation, 3) du langage (inciterl'interlocuteur à un certain comportement).

Ex,: ALARICA. - Venez Ici. Allons. venez.AUDIBERTI. Le mal court, p. 64.L'Impératif n'est pas la seule forme grammaticale del'injonction. On peut avoir le futur ("L'agent special Samuel H.Caution se rendra à New York ....." P. CHENEY, la Môme Vert­de-ons. p. 5): des phrases nominales (AttentlOnl Sitenceîï. desgestes, des bruns (lestrOIS coups au début d'une représentationthéâtrale), La forme texrcausèe apparaît dans le verbe d'uneproposition principale comme: "Je vous ordonne de, je veuxque", parfois sous-entendue (Que personne ne sorte),L'Injonction comme attitude a pris l'ampleur d'un genrelittéraire (V. à discours), mais sa forme pure reste l'impératif.caractérisé par une absence de pronoms désignant le sujet del'action (absence qUI implique une présence d'autant plusImmédiate de celui-cil.

Analogue Mande (DICt, de ling.).

Rem. 1 Pour les diverses modalités de phrase et les fonctionscorrespondantes, V. à énonciation. L'injonction prend aussi laforme positive ou négative (ordre ou défense). Elle offre uneanalogie avec la question' puisqu'elle suppose du destinataireune sorte de réponse, qUI n'est pas du type assertif. mais qUIconstitue une attitude (acceptation ou refus).

Rem. 2 Quoique le mot Injonction Implique une supériorité dulocuteur, la fonction injonctive s'exerce bien dans le casd'infériorité (réelle, exigée ou simulée) du locuteur, avec lamême modalité de l'impératif. qu'on retrouve donc dans lessupplications'.

D'autres nuances d'injonction, soumise, polie ou atténuée, seprésentent avec des formes diverses: demande. proposition,suggestion, conseil, etc. La motion est une propositionémanant d'une assemblée.

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Rem. 3 L'appel (et sa forme rhétorique. l'apostrophe') estpréliminaire à une mjoncnon. li vise à assurer le contactnécessaire à une injonction éventuelle. Il relève donc de lafonction phatique plutôt que conative. Ex.: "Merécheltùeuteosntt Mes postillons! Mes soldats!" (AUDIBERTI. Le malcourt p. 100).

Rem. 4 L'iruonctron n'a pas de marque graphique propre. Elleuse donc aussi bien du pomt d'exclamation" que des autresvariantes attecnves du pornt. sans pouvoir rendre la variété desIntonations réelles. Ex.: "BLA!SE (voyant Monique éclater ensanglots) - MOnique? Enfin/ Ou 'est-ce qu'il y a?" (AU DIBERTI.l'Effet Glepion. p. 165).

Rem. 5 L'injure" et la menace ' peuvent prendre la forme d'unemjoncnon. Ex.: "- Va te teverl Va te faire rétriçérerl r--Attendsun peu que je te retrouve .... Attends un peul" (AUDIBERTI.l'Effet Gtepton. p. 161 et 162).

Rem. 6 Pour le schéma sonore de tinjonction. V. à continuation.

INJURE Ernploi d'un ou plusieurs lexèmes péjoratifsqui. au moyen d'une apostrophe', constituent le prédicatd'une a sse r ti o n ' Implicite dont le thème' estl'Interlocuteur.

Ex.; (Les acteurs s'étant asssssinés ou surcidés. le souflleur sortde son trou) LE SOUFFLEUR. - Canules! Tas de cochons!Bande de vaches!..M. DE GHELDERODE. Théâtre, r. 2, p. 147.

Le thème peut s'expliciter. comme dans cet échantillon où unchangement de ton rend "injure d'autant plus basse (V. à grosmot): "Monsieur je législateur de!a 101de i 9 J 6, agrémentée dudécret de jUi/let i 9 i 7 sur les stupéfiants, tu es un con. H (A.ARTAUD, l'Ombilic des limbes, p. 72.)

Autres noms Invective. Insulte.

Antonyme Mot doux'.

Rem. 1 On distingue l'Injure de la caricature'. où c'est un tiersqUI fait l'objet de l'assertion'. Dans le persiflage' et lesarcasme', les lexèmes péjoratifs ne sont pas non plusappliqués, du moins pas Immédiatement. à l'interlocuteur.

Rem. 2 R. Édouard, dans l'introduction de son Oictionnetre desInjures, distinque celle-CI des reproches (fondés sur de bonnesraisons), de la menace' (qu: concerne l'avenir) et de l'outrage(qui ottense cruellement). !I atténue les pouvoirs de l'injure enJ'attribuant seulement à Hune trntstton illogique etmomentanée". ou au 'besoin d'attirer l'sttention" (fonctionsémotive et phatique). L'Injure oblige autrui à se considérer sous

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un jour nouveau et peu flatteur (fonction injonctive); à la limite,assumée comme vraie, elle atteint à une fonction référentielle,

Rem. 3 Une parodie' de cérémonie permet d'institutionnaliserl'injure, qu: devient une collation' de titre à rebours, une litaniequi convient aux démons de Valéry: "LES DÉMONs' ensemble.- Prince du Mal, écoutez-nous,' Coeur de t'Abîme. épargnez­nous!.: ..Arche de Heine! Puits de Mensonge! Ombre du vrai!"(VALÉRY, 0, t. 2, p. 340)

Rem. 4 L'injure peut prendre diverses formes, V. à injonction.rem, 5 et à faux, rem, 1 (astéisme).

IN PETTO Partie de l'énoncé que le locuteur garde poursoi, sans la dire, Ex,: [L 'INSPECTEURj- C'est bien chanté, Dequi est-ce? De Gounod. je crois? [CLAUDINE] (Pourquoiprononce-t-il Gounode?) - OUI, Monsieur. (Ne lecontrarions pes.) - I! me semblait bien. C'est un fort jolichoeur. (Joli choeur toi-même!)COLETTE. Claudine à l'école, p. 123.

Déf. analogue Robert Lexis.

Rem. 1 L'in petto diffère de l'aparté. Dans ce dernier. l'énoncé ason ou ses auditeur(s). qui sont les spectateurs quand il s'agitd'une oeuvre théâtrale (V. à monologue, rem, 3). Dans le cadred'une assemblée, l'aparté a un très petit nombre d'auditeurs,souvent un seul (syn.: messe basse).

Rem. 2 ln petto, de l'italien "dans le coeur", étant uncomplément circonstanciel à l'origine, est considéré commelac, adv. L'emploi comme subst, n'est guère courant

Rem. 3 L'in petto interrompt le fil' du discours. Ex. avecparenthèses doubles: V. à essise. 4.

INTERJECTION Aux limites du langage comme code,entre le geste et le mot-phrase, paraît l'interjection,bruit" humain prononcé par le locuteur, dont le sensvarie suivant le contexte et la forme, mais qui jouit d'undébut de codification,

Ex.: Héla. Hée.: criait le toucheurJOYCE, Ulysse, p. 93.

Les graphies Héla, Hée. tout en renvoyant à des interjectionsconnues, sont déviantes par rapport aux dictionnaires, quidonnent Hé là, Hé. Mais elles privilégient ainsi des réalisationsvocales précises (cf. holà, en un mot dans les dictionnaires; etl'a llongement' possible de Hé) qui peuvent modifier le sens,

A inSI on peut distinguer Ehl (arrêt). Hé l (appel), Hé-hé!(ironiel.Le "professeur Froeppel". dont J. Tardieu livre lesrecherches en ce domaine (Un mot pour un autre, p. 16 et sv.. p.

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85 et sv.) distingue:Ah?: marque l'étonnement. exige une explication' ou signifiel'incrédulité.Ah!: satisfaction de voir se produire un evenement espéré,attendu avec impatience et Inquiétude.Ah! Ah! (ton ascendant): confirmation d'un fait que l'onsoupçonnait.Ah! Bah!: réponse polie, mais incrédule et au fond, indifférente.Ah! la-la, te-te-te-let: exprime l'attitude de 1homme devant lescoups du Destin.On VOitque SI les dictionnaires offrent des listes d'interjections.leur codification reste partielle et le sens dépend de laréalisation mélodique.

Liste d'interjections

Ah! / Ahl! / Aie' / Aiioi / Bahl / Bernique! / Blgre l / Bravo! / Brrr!/ Çàl / Chiche! / Chut: / Dame! / Dial / Ehl / Euh! / Fi! / Fichtre!/ Ha! / Heinl / Hélas! / Hem! / Hep! / HI! / Ho! / Holà! / Hon! /Hop! / Hou! / Houp! / Hourra! / Hue! / Hurnl / Là! / Oh! / Ohé! /Ouf! / Ouiche! / Oustel / Pardi! / Pestel/Peuh! / Pouah! / Pst!ou Pssit! / Saperlipopette! / Saperlotte! / Sapristi! / Ta ta ta! /Tralala! / Zut! (V. aussi à C/IC)

Rem. 1 Pour les anciens, l'interjection. en "jeté entre' deuxphrases, faisait à peine partie de la langue. En effet. au point devue de la syntaxe, la phrase seule mèrite considération (Cf.Wagner et Pinchon, p. 494: J. DubOIS, t. 2, p. 17 et sv.). Mais aupoint de vue du déroulement syntagmatique, tinterjection estun segment isolé par le rythme' et la mélodie et qui conserve,isolé, le même sens que dans son contexte: ceci pourrait en faireune sorte de phrase, la plus courte qui SOit (Comparer: OUI, Non)avec différentes fonctions possibles (V. à énonciation).Fonction émotive: Ouil!' ouit!' ouill' (synonyme intensif de aïe),Brrr! (épouvante). Hi-hi! (rire littéraire), Pouah! Zut!Fonction de contact: Hept. Hou hou! (en de ralliement), Guili­quit], Ki/i-kifi et surtout le fameux euh... euh... de celui quicherche ses mots.Fonction injonctive: Chut! Hop! Hem hem! (invitation à laprudence au cours d'une conversation), Hue! Cz-cz (on excitequelqu'un à se battre), La... /a (réconfort). Ouste! Zou.Fonction référentielle: Ouichel (faux acquiescement donné parironie), Pfuitt! (disparition soudaine), Ss!... ss!... (admiration),Tara-tata! (méfiance et incrédulité). Cf. J. TARDIEU, Un motpour un autre, p. 85 à 113; L. TESNIÈRE, chap. 45.Ouand la fonction est référentielle, l'interjection (avec semélodie) est l'équivalent d'un prédicat dont le thème' est dansle contexte. Ainsi, Oh marque la réponse' à une objection (or.interrompt son interlocuteur par une exclamation). Ex.:Oh!je ne

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suis pas fataliste. En récif, l'apparition d'une interjection est unpassage à l'énoncé direct (au niveau du narré, ou à celui de lanarration). Ex.: "Après quelque temps, relevant les yeux... humlc'est maintenant le chefde t'établissement qUI se trouve devantlui." (MICHAUX. Plume au restaurant).

Rem. 2 Il ya des interjections qUI échappent au code, simplesbruits' humains dont la transcription est approxrrnauve. et quenous appellerons quasi-interjections. Ex.: "Ahem! ... Hehem!"(JOYCE, Ulysse. p. 229; il s'agit de l'effet calorifique d'un bon

. genièvre). Ex. litt.: "gué rgn ssouch elen dé" (1. ISOU, Larmes dejeune fille; pour prononcer ce vers. s'Inspirer du titre).

Les quasi-interjectrons sont des mimologies'. Elles peuventavorr un sens très précrs.

Ex.:M. de Coëtquidan ftt simplement. - Hrrr... L'oncle avait fait."Hrrr", ce qUI stçtnttett: "Là, mon garçon, tu commences à temêler de ce qUI ne te regarde pas.' (MONTHERLANT. Romans.p. 747-8)

Rem. 3 On distingue de l'Interjection le bruit' simple (nonhumain) et l'onomatopée', COdification d'un brurt. Ils entrentdans une phrase SOit à titre de substantif. SOit comme une sorted'adverbe de manière. Ils ne pourraient constituer un énoncéhumain et direct complet par lut-même. comme l'interjection etla quasr-interjectron.

Rem. 4 Le pseudo-langage' paraît très proche de l'Interjectionparce qu'il a ausst une forme nette, dans le système sonore,graphique et rythmique et qu'il semble être fait de mots, bienque dépourvus de sens et de spécmcanon syntaxique. Mais il nereproduit pas le geste lmqurstrque spontané de l'mterjecnon. aucontraire: son onqrne doit être cherchée du côté du langageconstitué, qu'il Imite de loin. prolongeant des phrases,exprimant un rythme' ou une mélodie' sans plus.

Rem. 5 Non lom de l'interjection prend place le juron, souventcodifié lui aUSSI, et dont la fonction est surtout émotive (CfCourault. t. 2, p. 127). Ex.: "Vous ne me faites pas peur. ­Sacredieu! dit ûemet" (SARTRE. la Mort dans l'âme, p 172)

Il est essentiel au Juron d'outrepasser certaines bornes, deprofaner ce qUIest considéré comme respectable. Ex.québêcois:Hostie. calice. ctbotte. tabernacle. (V à blasphème. rem. 1). Ex.litt.: "De par les boyaux de tous les papes passés. présents etfuturs, non et deux cent mille fOIS non" (TH GAUTIER, Préfaceà Medemoisette de Maupm).

Le Juron est souvent déformé (V. à atténuation): sepré.sapristi. saperlotte; et Jusqu'au burlesque: seperltpopette,scronçnteuçrueu: cf. auss: le provençal noum dé pas Dtoû,"galéjade à l'adresse du diable. qUI croit qu'on jure: et setrouve bien attrapé" (J. AICARD. Meunn des Maures. p. 33)

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Au Ouébéc. on déforme comme suit 'stie. tebernouche, chriss.cibole. cibolaque.

Alors que l'interjection simple est souvent bien accueillie (unpeu de familiarité aidant à la communication), le juron. enrevanche. parce qu'il s'apparente au gros' mot. risque de jeterun froid. Il ne serait qu'un mode de soulignement'. si d'aucunsne le considéraient comme un blasphème'. Francis Ponge estconscient de cette équivoque: "Nom de dieu, je ne ferai qu'unverre d'eau qui me pteiset Je me déconseille, par ma premièrephrase. à une catégorie de lecteurs." (Le Grand Recueil, t. 2, p.i 52).En québécois. Chriss entre dans la phrase comme lexème desoulignement. Un chtiss de fou. mon chriss de tabarnak d'hostiede cëliss'I

Rem.6 Violent ou sauvage, le bruit' humain ou la phrase est uncri.

INTERRUPTION On interrompt volontairement le fil deson discours' pour se livrer à d'autres idées. LITTRÉ.

Ex.: ..... il copiait .....attente et réception du corps, four Il sentit qu'elle s'étaitarrêtée devant sa table. La tête baissée ..... il écrivitfébrilement:niture, taille, bardage, descente, pose et calfeutrementd'un dallageMONTHERLANT, Romans. p. 848.

Autre déf. Fontanier (p. 372) donne à interruption le sensd'aposiopèse' et la distingue pourtant de la réticence, dont lessilences sont. pour lui. chargés d'allusions' d'autant pluspernicieuses qu'elles sont muettes (p. i 36).

Rem. 1 L'interruption proprement dite a pour cause unévénement extérieur; par exemple une sonnerie de téléphone,ou l'arrivée de qqn :JUNIE - Ah! cher Narcisse, cours au devant de ton maître:Dis-Iui... Je SUiS perdue et je /e VOIS pereître.RACINE, Britannicus. Il. 5. Lorsqu'elle a pour cause unévénement intime. expressif ou irnpressif. on parlera plutôtd'aposiopèse'.

Rem.2 Dans un récit', l'interruption marque la rnimèse". Ex.: 'jedisais - Alors je pourrais peut-être vous eccompe" (G.BESSETTE, l'Incubation, p. 170). SIce n'est pas la SUite, mais ledébut du texte qui est supprimé, on a une contre-interruption'.

Rem. 3 Le motif de l'interruption est parfois l'évidence de lasuite, qu'on Juge inutile d'énoncer pour ne pas fatiguer lelecteur. Dans ce cas, on écrit simplement etc.

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Ex.: Nathanaël. je ne veux te parler ici que des choses - non deL'INVISIBLE RÉALITÉ - car... comme ces algues merveilleuses. lorsqu'on les sort de l'eau.ternissent...einsi.: etc.GIDE. Romans. p. 220.Redoublé. l'etc. devient rrcrucue.

Ex.: LES PARIS STUPIDESUn certain Pascal etc.. etc.PRÉVERT, Paroles, p. '82.

Rem. 4 L'interruption n'entraîne pas toujours la suppression. Envoici un exemple curieux. où le ressaisissement se fait un peuavant, comme s'il s'agissait d'un exercice de dictée.

L'extrémité de l'index tendu s'approche du cercle formé par lecadran de la montre fixée à...cercle formé par le cadran de la montre fixée à son poignet et dit

ROSSE-GRILLET. le Voyeur. p. 253.Rem. 5 Bien qu'ils soient d'usage. les points de suspension sontparfois supprimés. Ex.: "Boulottez donc tout ce qui vous ptsît.même de " (OUENEAU, Pierrot mon emi. p. '23).

INTONATION Alors que le rythme' concerne la duréedes segments (mesurée en centisecondes). et quel'accent' d'insistance concerne surtout leur intensité(mesurée en décibels), l'intonation joue sur leur hauteur(mesurée en hertz), relativement à un ton de base(médium). qui diffère selon les individus. Les variationsde hauteur constituent la mélodie de phrase. Elles secaractérisent par leur écartement et leur contour.

Tout énoncé spontané s'accompagne de mélodies variées.changeantes. nuancées, difficiles à transposer sur la portéemusicale car elles ne suivent pas une octave divisée en cinq tonset deux demi-tons, comme le clavecin bien tempéré, maisjouent sur les tons intermédiaires. La mélodie de la prose esttout le contraire d'un recto tono. à la fois musical et figé. Lenaturel. iCI, est inimitable. Pour un comédien, il consiste àréinventer sans cesse, intuitivement. des mélodies sans notes.qui en disent plus long que le texte lui-même quant auxsentiments du personnage.

L'électronique permet aujourd'hui de faire des relevés assezprécis des intonations (sur mingogrammes). Toutefois. en dépitde tentatives renouvelées (Cf. la bibliographie de P. R. Léon).leur interprétation reste incertaine.

Au moins trois fonctions peuvent leur être assignées.

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8) Il est poss ible de local iser la portion pe rt inente duphénomène. Il se produit le plus souvent dans les dernièressyllabes du groupe rythmique'. L'intonation joue donc un rôledans la délimitation des artic ulations du texte (Troubetzkoy, G.Faure).b) Conséquemm ent. pour une même suit e sono re, ell edéterm ine éventuellement des contenus divers. Ex.: "/1 étaitmortsans son chien", avec une montée supérieure (niveau 4: ou5, s'i l y a de l'émot ion) sur mort . impl ique qU11 vit. grâce à sonchien1 . Ex. litt. : "II n'avait pas un camarade" (Éluard) doit êtreaccentué sur un: pas seulement un, "mais des milliers et desmilliers".e) Elle révèle l'attitude Intime du locuteur . Ainsi, "C'est metin!"ave c mélodi e asc enda nte ou d escendante devientrespect ivement méli orat if ou péjo ratif. Marier (à mélodie)transcrit. par des notes de musique, diverses intonations dubout de phrase Le savais-tu ? et d'aut res analogues, quideviennent suscept ibles de tradu ire, selon le cas, la demandede renseignement. la suspic ion. l' étonnement agressif. laméfiance just ifiée, la dubitat ion " aimable, l' incrédulité mêléed'étonn ement. l 'Incrédu l ité i ro niqu e, l 'ant iphrase' ,l'hésitat ion...

Ces tons, d'ernploi constant dans le langage oral. sontrestitués spontanément par le lecteur, c'est pourquoi unelecture expressive révèle, Jusqu'aux détails, l'intelligence quel'on peut avoir d'un texte, ou celle qu'on lUI fournit. Mais iln'existe pas actuellement de moyen de les transcrire, sinon defaçon rudimentaire (V. à ponctuation expressive).

Rem; 1 Quelles sont les Indications significat ives à transcrire? P.R. LEON (Essais de phonostylistique) en a repéré plusieurs.1 La plus importante est le contour de la courbe mélod ique. Onpeut l'écrire au moyen de notes de musique (Cf. MaRIER, Dict.de poétique et de rb.. 2e éd., p. 616 à 633). Un mode detranscr iption mo rns onéreux consiste à placer sous la voyelle unou plusieurs disques noirs selon que la mélodie baisse peu oubeaucoup , et à placer au-dessus de la voyelle un ou plusieursdisques blancs selon que la mélod ie s'élève. Deux disques noirscorrespondraient au niveau 1, trois disques blancs au niveau 5.

Ex,: 1) Tû n' le savais p§s? (doute aimable). ..2) TÔ n' le savais p!S? (étonnement incrédule)

1 était a, dans ce cas. une valeur modale: celle d'un condit ionnei.

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8 83) Tu n' le savais pas? (étonnement soupçonneux)

o

4) Tu n' le savais p~s? (doute ironique)

Les tracés du mingogramme peuvent être reportés sur uneportée à cinq niveaux (Cf. P. R. LÉON, Essais dephonostytîstique. p. 20 à 39) ou schématisés comme ci-dessus.ou encore reportés en pointillé ou en couleur à travers la lignedu texte, qUI est considérée comme ligne de base (médium,niveau 2).

NIVEAUX PORTÉE

5 suraigu4 aigu3 infra-aigu2 médium1 grave

V. à continuation.2 On tiendra compte aussi de l'écartement entre les sommetsInférieur et supérieur du contour mélodique. Cet écart estd'autant plus grand que le sentiment est plus vif. Touteexclamation'. une émotion vraie. même dissimulée, passe par leniveau 5, salt au début. soit à la fin du syntagme ou de la phrase(Cf. P. R. LÉON. Essais de phonostylistioue. p. 52).

3 L'intensité (faible, moyenne ou forte) dénote par exemple latimidité (i<). la tristesse (i -c ). ou au contraire la colère (1)).l'indignation (i», le "ton publicitaire" (i ». Une intensitémoyenne dénote un ton neutre ou des sentiments peu marquéscomme la surprise (i=) ou la crainte (1=).Pour l'accent d'intensité, qui prend place sur une seule voyelle,une seule consonne ou un segment court. Morier emploiel'accent aigu suscrit simple ('l. double ("). voire triple dans le casd'extrême force ("').

4 La durée. Le ton publicitaire est caractérisé aussi par sarapidité. Rapides aussi les intonations de la co/ère, del'indignation, de la peur. Plus lentes, celles de la surprise, de latimidité, de la tristesse. Beaucoup plus lentes, celles de lagaieté ... On pourra noter v« ,v<, v> . v» , respectivement.

5 Le registre, Le registre moyen de la VOIX varie d'un individu àl'autre. C'est son médium. Toutetors. il peut subir desvariations. chez un même indiv.du. suivant les sentiments qUIl'animent à divers moments. La tristesse est dénotée par unebaisse du fondamental (moyenne des syllabes Inaccentuées). Lapeur. la surprise, le ton publicitaire s'accompagnent d'une forte

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hausse; la colère, d'une très forte hausse. On pourrait noter mc,rn», rns-. respectivement. Léon parle d'une valeur"svrnbolique" du registre.

Rem. 2 La caractérisation, éventuellement la transcription, desintonations faciliterait un repérage autre que purement intuitifd'un grand nombre de procédés littéraires dans lesquels "c'estle ton qui fait la chanson". VOICI la liste de ceux qui, dans cedictionnaire, semblent avoir une mélodie - ou des rnèlodies-c­bien à eux:

Antiperestese - apologie - aposiopèse - apostrophe ­approximation - assertion - estéisme - autisme ­eutocorrectton - citation - chleuasme - commurucetton ­concession - déception - désapprobation - dubitetion ­énigme - épipbonéme - erçoterte - euphémisme ­exclamation - excuse - qeuloiserie - imitstion - injure ­interjection - interrogation oratoire - ironie - licence ­menace -métastase - mimologie - monologue-moquerie- mot d'esprit - nigauderie - optetion - palinodie ­parabase - paradoxe - parodie - permission - persiflage­perroquet - prétérition - prolepse - prosopopée ­psittacisme - question - récrimination - réfutation ­renchérissement - sarcasme - slogan - soliloque - souhait- supplicetion - surprise - suspense - pseudo-tautologie.

Ex. d'assertion dont le sens est Inversé par l'intonation: .- Desorte que les choses vous paraissent mieux ainsi? - Mieux!Mieux! Je les prends comme elles sont." (J. ROMAINS,Monsieur Le Trouhedec. p. 133.)

INVERSION Renversement d'un ordre des constituantsde la phrase (mots ou groupes de mots) considérécomme normal ou habituel. MAROUZEAU.

Ex.: Quinze enfants il a eus.JOYCE, Ulysse, p. 143.

Même déf. Fontanier (p. 284), Littré, Quillet Marouzeau.Lausberg, Morier. le Bidois (II).

Autre déf. Si l'Inversion a pris, en grammaire, le sens spécifiqued'inversion syntaxique, elle n'en est pas moins, au sens large, unprocédé fondamental. Voici par exemple une inversion defonction grammaticale: "En octobre 7940, .... inopinément,plusieurs poèmes m'écrivirent. Je ne trouve pas d'autre mot.'(CL. ROY, Moi je, p. 313.)

Rem. 1 L'inversion n'a valeur de figure que si elle n'est pas déjàune exigence syntaxique (Cf. R. LE SIDOIS, l'Inversion du sujetdans la prose contemporaine). Ainsi, dans la relative introduitepar que attribut. l'inversion est constante. L'effet de l'inversion

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est d'autant plus grand qu'elle est imprévisible (Cf. M.RIFFATERRE, Essais de stylistique structurale. p. 56-7).

Rem. 2 Le rôle de l'inversion est souvent de mettre en évidencele thème' ou le prédicat. Ex.: "Disparue, la tête' (CAMUS, lesJustes). V. à apposition. rem 2.

Rem. 3 L'inversion esthétique vise à rapprocher le mouvementde la phrase de celut de l'objet. V. à tactisme. Ex.: ·S,étroitement restait Dominique dans le sillage de Suzannequ'elle maintenait sans peine son regard sur la veine bleue quitraverse le jarret bombé de la jeune We. " (MONTHERLANT,Romans, p. 33.) et: "Tandis que la Princesse causait avec moi,faisaient précisément leur entrée le duc et la duchesse deGuermantes.· (PROUST, À la recherche du temps perdu).

IRONIE Dire, par une raillerie, ou plaisante, ou sérieuse,le contraire de ce qu'on pense, ou de ce qu'on veut fairepenser. FONTANIER. p. 145.Ex.: Je ne propose pas ces vérités aux diplomates. auxéconomistes. aux généraux en retraite. aux actuaires.enfin aux élites.BERNANOS, Nous autres Français, p. 174.

Autre ex.: "Sur ces deux cent quatorze circonscriptions, il y en aune qui est représentée par deux vétérinaires. La province deQuébec a la gloire de posséder ce territoire fortuné quis'appelle le comté de veuareuü.: (J. FOURNIER, Mon encrier,p,55).

Même déf. Scaliger (III. 85, 140), Littré, Outllet. Lausberg (§. 583), Morier. Preminger.

AnalogueAntitrope (Littré désigne ainsi l'ironie. le sarcasme' etl'euphémisme').

Rem. 1 Preminger range sous la rubrique ironie la litote',l'hvperbole " l'antiphrase', l'astéisme". le chleuasrne '. lamoquerie (V. à persiflage). l'Imitation' (le pastiche). lecalembour', la parodie', la fausse naïveté... Son critère est que,dans l'ironie. seul l'auteur est conscient du vrai sens de ce qu'ildit. Si le sens est trop clair. l'ironie tourne au sarcasme', àl'injure', à la menace', etc.Ceci est conforme au sens grec duterme: HplllvHa éirônéie. "interrogation": il faut que le lecteurs'interroge sur ce qu'on a pu vouloir dire ... Telle est l'ironie ausens strict.

Rem. 2 L'ironie peut se réfugier dans le ton sans plus, ce quioblige le romancier à le spécifier éventuellement. Ex.: "Elleajouta sans qu'on pût discerner la moindre ironie dans sa voix:"Avec vous on se sent en sécurité. on n'a jamais à craindred'imprévu,"

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(SARTRE, l'Âge de raison p. , , 4).Graphiquement. on dispose des parenthèses autour du pointd'exclamation, parfois autour du point d'interrogation. Ex.: Ledossier (7) Rossi!.

Signalons aussi le point d'Ironie proposé par Alcanter de Brahm.sorte de pornt d'interrogation retourné: çRem, 3 L'ironie n'est pas toujours badine. Fontanier signale lacontreftsion ou confision (p. 152), Ironie douloureuse. Bénacprécise que l'ironie veut faire comprendre "qu'il y a chez ceuxqut prétendent vraie la proposition soit de la sottise, ce quiprovoque sa raillerie. soit de la mauvaise foi, ce qui provoqueson indignation". Ex. de Virgile: "Après cela, Mélibée. occupe­toi encore à enter des poiriers, à planter des ceps avecsymétrie" (cité par Fontanier). .

C'est de là qu'on est passé à l'emploi d'ironie au sens, élargi.de moquene (V. à persiflage).

Rem. 4 Il Y a une ironie différée, qui fait parler certainspersonnages d'après l'idée qu'on veut en donner. Ex.:"AUDUBON.- ..... mais enfin. ce n'est plus une sinécure d'ëtregénéral. Il faut payer de sa personne, pourainsi dire . • (B. VIAN,Théâtre l, p. 23 1J.Rem. 5 L'Ironie a recours à I'aüusion'. à l'Implication', aucliché' ...

IRRADIATION Il s'agit d'un phénomène repéré parValéry et défini comme SUit: "effets psychiques queproduisent les groupements de mots et de physionomiesde mots. indépendamment des liaisons syntaxiques, etpar les influences réciproques (c'est-à-dire nonsyntaxiques) de leurs voisinaqes", (VALÉRY, O.. t. 1. p.1415).

Ex.: Ô douceur de survivre à la force du jourQuand elle se retire enfin rose d'amour.Encore un peu brûlante, et lasse. mais comblée,Et de tant de trésors tendrement accabléePar de tels souvenirs qu'ils empourprent sa mortEt qu'ils la font heureuse agenouiller dans l'or.Puis s'étendre. se fondre, et perdre sa vendange,Et s'éteindre en un songe en qui le soir se change.VALÉRY, Fragments du Nercisse. ib., p. 123. Bien que le liensyntaxique, dans cette description du couchant. soit respecté.Ia"physionomie des mots" comme leur votsmaqe prévalent. noussemble-t-il. V. aussi à vers graphique,

Rem,1 Nous reprenons le mot irradiation à Marouzeau, chez quiil a' une valeur d'emploi grammaticale: "IRRADIA TlON: .....

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influence exercée par un motsur la signification d'un mot mis enrapport avec lui .. [trcuia. auprès de va signifier d'auprès deavec un verbe qui exprime l'éloignement").

Rem. 2 Le procédé Intensifie, au détriment parfois du sensnaturel. une figure bien connue des anciens. l'hypallage'. Il tendà donner le pas aux connotations sur les dénotations. Ex.: lesuffixe -eille. qUI avait valeur de collectif ipierreille; a pris valeurpéjorative (antiquaille) parce que ses bases lexicales étaientsouvent péjoratives (valetaille). Cf. Dict. de ling.

Il ya dès lors, dans l'irradiation, une part de confusion, quipourrait aller vers la battoloqia'. Ex.: •un grous livre où c'est quenos vies setiont tout écrits d'avance avec nos dates de naissanceet nos anniversaires de mort.' (A. MAILLET, la Sagouine. p.73). Dates de naissance et... de mort suffirait.

Rem. 3 L'Irradiation peut entraîner une Isotopie' parasite. Elledevient alors une source d'ambiguïté': Jeu' de mots ou lapsus'.Ex.: L'étude anatomique confirme les analyses cliniquesdépouillées de préjugés. Dépourvues, oui, mais "dépouillées'?Le mot tend vers une image' qu'anatomie pourrait confirmer...si le contexte ne précisait qu'il s'agit ici d'aphasie.

ISOLEXISME L'isolexisme (néo!.) est, dans les limites dela phrase. le retour, mais dans des conditions différentes,d'un lexème déjà énoncé.

Il peut revêtir quatre formes distinctes:Isolexisme par dérivation: sous différents vocables, on atoujours la même lexie. Ex.: "(La pensée du chef d'orchestreétait) traduite par sa musique, une musique musicale,musicienne... " (J. AUDIBERTI. Dimanche m'attend p. 31).

Isolexisme morphologique: sous différentes actualisations. ona toujours le même vocable. c'est-à-dire qu'on ne change quel'article, l'adj. possessit. démonstratif, indéfini ou le nombre.dans le syntagme nominal; le nombre, la personne, le temps. lemode dans le syntagme verbal. Ex.: "Le travail au service del'homme. de tout homme, de tout l'homme" (Paul VI. 10 juin69); "(Pour se faire une réputation) rien de plus facile: je meprône, tu te prônes, il se prône, nous nous prônons, " (Scribe,cité par Littré à polyptote).

Isolexisme syntaxique: sous différentes fonctionsgrammaticales, on a toujours le même vocable actualisé. c'est-à­dire. qu'on peut ajouter ou modifier la préposition dans legroupe du nom. la conjonction dans le groupe du verbe. ouleurs équivalents.

Ex.: Quand rien ne vient, il vient toujours du temps .....sur moi,

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avec moi.en moi,par moi.passant ses arches en mal qui me ronge et attends.MICHAUX, l'Espace du dedans. p. 311.

Isolexisme syntagmatique (ou réitération): le même vocable,avec la même actuaüsation et la même fonction, est accroché àun autre syntagme de la même phrase. Ex.: "J'al trop cultivé detrop miraculeux jardins " (A. Grandbois. anthologie par J. Brault.p.71)

fi vaut rrueux réunir sous la seule dénomination d'isotexismeces quatre procédés, afin d'éviter la proliférationterminologique mais aussi parce que, le plus souvent. ils secombinent. Ex.: "Des dizaines et des dizaines de sujets.Interrogés pendant ou aussitôt après ces états "sans pareils',disent pareil." (M ICHAUX, les Grandes Épreuves de l'esprit. p.133). "Les vieux. là. sur les vieux bancs du Parc... • (G.RIMANELLI, Opera butta, dans Change. nO 11. p. 186).C'est le retour du lexème qUI fait l'essentiel du procédé car c'estlui qUI fixe la formulation dans la mémoire. Ex.: "La poésie .'répugne ..... à se servir de ce qUI a servi" (A. Breton).

Cependant l'isolexisme peut aussi n'être qu'une négligence(les skieurs skiaient) ou un moyen facile d'obtenir destautophonies (un chasseur sachant chasser etc.)

Autres noms Dérivation (pour l'rsolexrsrne par dérivation; LeClerc. p. 269; Fontamsr. p. 351); polyptote (pour l'Isolexismemorphologique et syntaxique; Le Clerc. p. 269; Fontanier. p.352; Littré; Lausberg, § 640-8). Ce terme s'appliquait en grecet en latin, où il ya des déclinaisons (polvptote "plusieurs casÎ;de même, I'homéoptcte (terminaisons de même cas et demême son, cf. Lausberg, § 729) n'est plus possible en français.sinon dans la conjugaison, et c'est pourquoi nous l'assimilons àt'hornéotêleute" .

Déclinaison (pour l'rsolexrsme morphologique, Le Clerc).

Traduction (pour l'isolex.sme morphologique aussi. Fontaruer.p. 352; Mener: traductic)

Rem. 1 t.'rsolexrsme est l'Inverse de la reprise'

Rem. 2 Polysémique, il tourne au Jeu de mots'. Ex.: "Les rats qUIcuvent (leur porter) dans des cuves" (JOYCE, Ulysse. p. 144). Vaussi à miroir, rem. 4

Rom. 3 L'isolexisrne morphologique ou syntaxique est un modede soulignement' du nom, rnéme du nom propre, SI l'on rejettet'emploi d'un pronom. Ex.: "La chaîne qUI re/lait Jeanne àJeanne!" (P. CU,UDEL, Jeanne dArc au bûcher. p. 93)

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Rem.4 Une dislocation' et le non-emploi du pronom permet lesoulignement' de tout lexème qUI constituerait le centre duprédicat. Ex.:Incroyable, cela doit vouspereître Incroyable. Maisce n'est qu'un faux isolexîsme, plus proche de la réduplicatron".

Rem. 5 Certains isolexisrnes sont entrés dans la langue. V. àétymologie, autres déf., 2.

Rem.6 Si les parties de l'isolexisme lexical sont en subordinationsyntaxique, on a un miroir".

ISOTOPIE De T07TOC;, "lieu" et tCTOC;, "même". Termeproposé par Greimas. L'isotopie n'est pas un procédé:c'est un concept nécessaire à la définition des procédés.Considérons un mot lexical; inséré dans un texte, ilrenvoie non seulement à un sens. mais à un référent (V. àénonciation. n. 2), il parle de qqch. qui fait partie dumonde. Le type de réalité évoqué par l'ensemble deséléments du texte constitue l'univers du discours ouisotopie. Il ya une Isotopie quand les mots renvoient àun "même lieu".

Elle se place dans la dimension cosmologique, noologique,historique, anthropologique suivant qu'il s'agit d'objets,d'idées, d'actions. de personnes. Par exemple, " y a plusieursisotopies possibles. dont une sera Imposée par le contexte, dansle petit semble mignon. Le petit peut appartenir à l'universdes objets (et il est spécifié par le contexte). Ce sera LE PETITBOUQUET ou LE PETIT CHAPEAU, etc. Il peut désigner unenfant. Il peut aussi entrer dans la dimension noologique et laphrase alors signifie: "ce qui est petit fait plus mignon". (Cf. leslogan américain small is beautifull).

Rem. 1 Greimas a analysé les isotopies complexes (V. à image.5). Les isotopies multiples ont été étudiées dès l'Antiquité (V. àsens. 6 et 7). Une double Isotopie crée une ambiguïté (V. cemot, 1). Inversement. une isotopie unique ramène ladissociation (V. ce mot. rem. 5) à une image'.

JARGON Langage inaccessible au non-spécialiste.

Ex,: "Hio de la Plata", "Tartane", "Éptssure carrée", chosespour un marin. Mots pour tous les autres,H. MICHAUX, les Rêves et la jambe, p. 7.

Autres déf. Baraqouiri' (Petit Robert: c'est un sens élargi).

"Langue artificielle employée par les membres d'un groupedésireux de n'être pas compris en dehors de ce groupe ou aumoins de se distinguer du commun: jargon des malfaiteurs,jargon des écoliers, etc." (Marouzeau). C'est un sens restreint. Ilentre beaucoup d'argot (V. ce mot. rem. 1) dans ce type dejargon.

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Rem. 1 Comme l' indique Michaux. ce qui est réservé au groupe.dans le jargon. c'est plus souven t un sens spécial que le motlexical.

Ex,: w La dé riv ée d 'une fo nction constante est nu lle. Laréciproque est-elle vraie? c 'est-à-dire une fonct ion don t ladérivée est nulle est-elle constante?' (FR. ROURE et A.BUTTERY, Mathématiques pour les sciences sociales, t. 1, p.155) .

Rem. 2 Le Jargon scrent ifi qu e envahit le roman . Ex,: "beaucoupde roc hes siliceuses sont constit uées par des organismesan ima ux: monocellulai res à carap aces ép ong es co rauxéchinodermes mollusques" (CL. SIMON. Histoire, p. 120). Cf.Robbe-Grill et. H. Aquin...V. aussi à nominetisetion. rem. 4 .Rem. 3 Les langages de prog ramma t ion des ord inate urs(For tra n, Cobol. etc.) sont des jargons souven t imprégnésd'anglais. On s'en inspire parfois sans souci de moti vatio n pourdésigner des substances nouve lles: Orlon. co rfarn. lycra... Danscerta ins secteurs, la proliférat ion de ces dénominations forgéesest telle qu 'il faut mett re en CIrculation des lexiques.

JEU DE MOTS On fai t de l'esprit' sur certa ins é lémentsde langue, o n joue. SOIt sur le sign if iant , soit sur lesignifi é . Ce jeu peut prendre des formes t rès diverses.

Signalons seulement iCI deux formes assez généraleset qui n'entrent pas exact ement dans le s déf in itions desprécéd entes.

L'amorce sonore , remot ivation' de syntagme' , est un jeusur l'ho mop honie . Ex.: " La Chèvre. Belles à la fois et butées ­ou, pour mieux dire, bete ébuth ées" (F . PONGE, le GrandRecueil).On passe du syntagme ' au mot. L'inverse se présente aussi.Breto n a parié du tou rnesol. "g rand soleil" et "réactif utiliséen chimie". /1 poursuit ainsi: • Tourne. sol, et toi, grande nuit,chasse de mon coeur tout ce qui n 'est pas la foi en mon étoi lenouvetlel" (BRETON, l 'Amour fou, p. 56.)

L'amorce par d iaphore est un dévelop pement de l'énoncéqUI part d'un second sens possible pour un terme ut ilisé. Leprocédé est constant chez Vian.

Ex.: - Exécutez cette ordonnance .....Le pharmacien ..... l'introdu isit dans une petite guilfotine debureau.B. VI AN, l'Écume des jours, p. 94.

Mais c'est quand l'esprit' parvient à enfermer le lanqaqe dansses propres contradictions que triomphe le jeu de mots, quelle

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