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Besse - Moines d'Orient Avant Chalcedoine

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    DOM J.-M. BESSE

    LESMoines d'Orient

    ANTERIEURS

    AU CONCILE DE CHALCDOINE (451)

    PARIS, /o, rue de M:{resLIBRAIRIE RELIGIEUSE H. OUDIN

    POITIERS, 4, rue de l'Eperon1 900

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    LESMOINES D'ORIENTANTERIEURS

    AU CONCILE DE CHALCEDOINE

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    LESMoines d'Orient

    ANTERIEURS

    AU CONCILE DE CHALCDOINE (451)

    PARIS, 10, rue de MfieresLIBRAIRIE RELIGIEUSE H. OUDINPOITIERS, 4, me de l'Eperon

    1900

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    AVANT-PROPOS

    Tout homme qui prsente un livre au public doit craindre decauser mie dception ses lecteurs. Ils sont, en effet, ports natu-rellement chercher dans un ouvrage ce qu'ils dsirent, et non ceque l'auteur s'est propos d'y mettre. -Celui-ci fait donc acte deprudence lmentaire, en leur dclarant tout d'abord le but qu'il s'estpropos. A eux de juger ensuite si le succs a couronn ses efforts.

    Ce sont les sentiments qui portent l'auteur s'expliquer ici sur lanature de son travail.Il n'a pas voulu crire /'Histoire des moines d'Orient. Une telle

    entreprise serait au-dessus de ses forces ; et puis l'heure n'est pasencore venue de songer un ouvrage de cette nature, car la critiqueest loin d'avoir termin son uvre de prparation. Elle a cependantproduit, dans ces dernires annes, deux travaux dignes de tout loge,/'tude sur le cnobitisme pakhomien pendant le IV^ sicle et lapremire rnoiti du V, de l'ahb Ladeu:{e\ et la dissertation sur/'Histoire lausiaque de Pallde% de Dom Butlet.

    Les principaux centres monastiques et les personnages qui ontexerc sur le- dveloppement de la vie religieuse une influence plusdcisive demanderaient tre ty,dis avec une mthode aussi sage etaussi rigoureuse"^. Quelques travailleurs, appartenant soit l'Ordrede Saint-Dominique, soit aux Augustins de l'Assomption, commencent

    I. Paris, Fontemoing, 1898.2i Cambridge, presse de l'Universit, 1898.3". La lecture de ces travaux et en particulier de celui de Dom Butlet fait grande-ment apprcier la sret de la critique de notre Tillemont et l'rudition deBulteau.

    Peu de choses ont chapp leur sagacit. Leurs crits sont des guides prcieuxque pourront suivre longtemps encore ceux qui tudient cette poque primitivede l'histoire monastique. Le De veteri monacbatu de Bivario peut encore rendre auxtravailleurs des services apprcis.

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    VI AVANT-PROPOS exercer leur activit intellectuelle sur le monachisme oriental. Ilsauront des mules. Dieu veuille qu'ils soient, au moins quelques-uns, de premire force. Les sources coptes et syriaques, exploresavec ordre, leur fourniront peut-tre le moyen de combler des lacuneslaisses ouvertes par les documents grecs et latins. Quand une gn-ration d'rudiis aura travaill patiemment ces deux premiers siclesdu monachisme oriental, on pourra songer crire son histoire.

    Les Moines d'Orient n'ont pas, comme ces deux mots risqueraientde le faire croire, la prtention d'tre une srie de tableaux o sereflterait l'existence des principaux Pres du dsert. Non, ilsn'aspirent pas donner aux Moines d'Occident un livre frre.

    Le but de leur auteur est beaucoup plus simple.Les circonstances lui ont fait de bonne heure un devoir d!tudierlui-mme et d'enseigner aux autres la Rgle de saint Benot. Lesnombreux commentaires de l'uvre du Patriarche du Mont-Cassin

    lui ont sembl, malgr leur valeur respective, bien confus et peupropres la mettre dans tout son jour. Comme la vie et les critsdes Pres du dsert sont, aprs les divines Ecritures, la sourced'o drive toute vie monastique, et que saint Benot leur a mani-festement emprunt sa doctrine- et la plupart de ses institutions, iln'a pas cru mieux faire que de se placer lui-mme l'cole de cesmatres autoriss, dont son patriarche et lgislateur s'est constitule disciple humble et intelligent. C'tait le meilleur moyen d'tudieren sa compagnie la tradition monastiqtie qui l'avait devanc et dontil fut l'hritier et le docteur trs sr.Un travail sur la vie bndictine paru antrieurement lui avaitfourni l'occasion d'exposer son but et le plan qu'il esprait suivre^Prparer un commentaire historique de la Rgle bndictine taitl'unique lin de ses recherches. Il s'est trouv bientt en possession derenseignements nombreux et varis, emprunts tous les monumentsde l'antiquit ecclsiastique o l'on peut trouver quelques traces dela manire d'tre, de vivre, d'agir et de penser des moines orien-taux. Fallait-il relguer ces notes dans le silence jusqu'au jour odes investigations semblables travers la tradition monastique del'Occident l'auraient mis mme de dominer, soit le commentaireprojet, soit une histoire des institutions monastiques? Ne valait-ilpas mieux utiliser ces matriaux pour exposer aussi fidlement quepossible le genre de vie que menaient les premiers moines d'Orient?

    i. Le Moine Bndictin, 2 d., p. 78-79.

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    AVANT-PROPOS VIIC'est cette dernire pense que l'auteur a cru devoir s'arrter.

    Deuxcueils se prsentaient devant lui; ceux qui ont prcdemmentabord ce mme sujet n'ont pas toujours su les viter. Les uns,blouis par l'existence merveilleuse de quelques personnages extra-ordinaires, ont trop sembl les prendre comme types et mesurer leur taille l'immense majorit des moines. Les autres, obissant des ides prconues, ont fait de la vie des Pres du dsert et de leurdoctrine monastique un expos souvent bien fantaisiste.

    L'historien digne de ce nom doit carter de son esprit la tendance envisager les faits et les institutions du pass travers sesides personnelles ou les sentiments du milieu dans lequel il vit,pour les voir et les prsenter tels que les doctiments les lui rvlent. Illui faut se tenir en garde contre un enthousiasme caus par l'idalde la vie des Saints, qui facilement dtournerait les yeux de l'tatplus commun de la grande gnralit des hommes.Guid par ces sentiments, l'auteur de ce travail a voulu faire dumonachisme oriental un tableau aussi fidle que possible.Mais pourquoi, demandera-t-on, s'arrter au concile de Chalc-doine?

    Cette date, en ouvrant la priode des grandes divisions doctri-nales qui semrent la dsolation parmi les moines d'Orient, inaugurepour eux unepriode de dcadence. Ils cessrent alors d'tre, aux yeuxde leurs frres occidentaux, des matres et des modles. Leur histoireserait donc sans intrt pour qui veut connatre les sources du mona-chisme occidental.C'est dire asse;^ clairement la pense de l'auteur sur son travail.Les moines d'Orient sont les prcursettrs des moines d'Occident. Legenre de vie des premiers, leurs rgles, leur mode de recrutement etde formation, leur rgime alimentaire, leur liturgie, leurs occupa-

    , lions, leur costume, en un mot leur genre de vie tout entier, ontservi de type aux seconds. Il est indispensable d'en avoir une ideexacte avant d'aborder l'tude des institutions auxquelles ces dernierstaient soumis.

    Abbaye de Ligug, le i^ mars 1900, en la fte de saint Grgoire le Grand,pape.

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    TOPOGRAPHIE MONASTIQUE f-habitants, le courage et l'orthodoxie de son Athanase", a mani-fest hautement l'admiration que lui inspiraient ses sacrs etdivins rmonastres , o les hommes, spars du monde, vivaientuniquement pour Dieu au sein de la solitude 2.

    Ces hommes, mules des anges, disait un demi-sicle plus tardl'historien Thodoret, fcondent les sables arides du dsert, quiproduisent une moisson de vertus trs belle et trs agrable Dieu 3. Saint Jrme, que saisissait un pareil spectacle, en recher-chait l'annonce prophtique sur les lvres d'isae ^ ; c'tait lefruit de cette bndiction du Seigneur : Benedictus populus meus/^gypti^. Rufin n'hsitait pas davantage appliquer l'Egyptemonastique ces paroles du mme prophte : Lcetbiiur dserta eiinvia^. Les fils du dsert, crivait-il, sont, de fait, trs nom-breux. La population qui abandonne le monde gale celle qui resteau milieu des villes '^. C'est une inimense multitude que personnene saurait compter. 11 y en a de tout ge, dans le dsert commedans les pays habits. Jamais empereur n'a runi arme pareille.On ne trouve, en Egypte et en Thhade, aucune ville qui n'aitautour d'elle une ceinture de monastres s. C'est Pallade, untmoin oculaire, qui tient ce langage.

    D'autres contemporains, qui ont parcouru alors la valle du Nil,s'expriment en termes analogues. On y rencontr les moines, ditRufin, dans les faubourgs des villes et dans les campagnes.Toutefois, c'est le dsert qui renferme les plus nombreux et lesplus clbres 9. Leurs monastres, s'chelonnent sur les deux rives-du fleuve, au dire du Gaulois Postumianus, qui put les visiter tout son aise. Il trouva des centaines de moines dans le mme lieu etparfois deux ou trois mille 10. L'troite valle du Nil ne leursuffisait pas. Ils s'enfonaient dans le dsert, dont certaines partiesfinirent, avec le temps, par tre compltement envahies ^i.

    1. s. Grgoire Naz., Oratio 34, P. G., XXXVI, 241-247.2. Id. Oraiio 21 in laudem thanasii, 1 102-1 103.3. Thodoret, Bccles. Msl., IV, 18, P. G., LXXXII, \i66.4. S. Jrme, Commeniarius in Isaam, V, 20, P. L., LXXIV, 193.5. Isae, XIX, 2^.6. Id., XXXV, 1.7. Rufin, Historia monachorum, VU., P. L., XXI, 413,8. Pallade, Paradisus Patrum, P. G., LXV, 446.9. Rufin, op. cit. prdl., 389.10. Sulpice Sv., Dial. i, d. Halm, 170.11. Cassieh,; Cow/fl/io, XIX, 5, d. Petsehnig, 538-39.

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    4 LES MOINES D ORIENTLa multitude des moines gyptiens est donc un fait incontes-

    table ; aussi Gibbon, ne pouvant fermer les yeux l'vidence, secontente-t-il de la reconnatre avec une pointe d'ironie : Lapostrit, dit-il, put rpter le proverbe qu'on avait appliqujadis aux animaux sacrs du pays, qu'il tait plus facile de trouverun Dieu qu'un homme en Egypte i.

    Il ne saurait entrer dans mon plan d'numrer ici tous les mo-nastres qui surgirent en Egypte pendant le IV^ sicle et lapremire moiti du sicle suivant. Il suffira de rappeler quelques-uns des noms qui ont laiss dans l'histoire monastique une traceplus profonde, et de mettre sous les yeux du lecteur un expossuccinct du dveloppement extraordinaire de la vie religieuse.

    ** *

    Les eaux du Nil, en franchissant.les frontires de l'Empire romain,rencontraient les premires colonies monastiques dans le voisinagede Syne (Assouan)^. Elles ne tardaient pas pntrer dans la rgiono se trouvait le clbre groupe pakhomien. Saint Pakhme, sonfondateur (285-345), habita quelque temps le dsert une certainedistance de la ville d'Akmin (Panopolis)^, sous la conduite d'unvieil anachorte nomm Palamon. Cette solitude tait habite, pard'autres ermites. De nombreux disciples le rejoignirent '^ lorsqu'ilse fut fix Tabenne (Tahennisi), nom qui signifie Jardin despalmiers d'Isis {'^22), non loin de Denderah, au nord de Thbes^.Force lui fut d'tablir de nouvelles maisons Phbou, Schenesit

    1. Gibbon, Chute et dcadence de l'Empire romain, XXXVll, t," I, 875, d.Paris, 1837,

    2. Rufin, op. cit. epilogus, ibid., 460.3. La Latopolis des Grecs. Reclus, Nouvelle Gographie universelle, X,

    L'Afrique septentrionale, t. I, 544.4. Zockler, skeseund Monchium, p. 196,5. Sur S. Pakhme et les textes de sa vie, que l'on possde encore, cf. Actasanc-

    iortim, Maii, t. IIl, p. 25-50 (d. 1680), 295-345 (d. 1866). Amlineau, Annalesdu Muse Guimet, XVII, Paris 1889, Monuments pour servir l'histoire de l'Egyptechrtienne au IV" sicle; Histoire de S. Pakhme et de ses communauts. Id., Etudehistorique sur S. Pakhme et le cnobitisme primitif dans la Haute-Thhaide, LeCaire, 1887. Tillemont, Mmoires pour servir a l'histoire ecclsiastique des sixpremiers stles, t. VII 167-236, 674-693 ; GrCitzmaker, Pachomius und das altestklosterleben, 1896; Zockler, op. cit., 192-200; Ladeuze, Etude sur le cnobitismtpakhomien pendant le JV" sicle et la premire moiti du F^, Louvain, 1898.

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    6 LES MOINES d'orientcit ne renfermait pas moins de douze monastres de femmes'. Cen'tait rien en comparaison de la multitude des moines d'Oxyrin-que (Behneseh). Nulle part ils n'taient aussi nombreux. Si l'on encroit Pallade et Rufin, leur nombre surpassait celui des lacs. 11 y enaurait eu cinq mille dans l'intrieur des murailles, et autant audehors. Les moniales auraient atteint le chiffre vraiment extraordi-naire de vingt mille 2.

    Heracle 3 et Arsino^ avaient aussi leurs colonies monastiques.L'abb Srapion gouverna prs de cette dernire ville un millier dereligieux, au temps de l'empereur Valens. Il y aurait eu environdix mille religieux dans tous les monastres de cette contre, lamme poque, s'il faut s'en remettre au tmoignage de Pallade etde Rufin 5. La montagne de Calamon, qui se trouve dans ces para-ges, mais une assez grande distance de la terre habite, possdaitun monastre florissant 6. Les moines de Pispir et ceux de la monta-gne du Dehors vnraient comme leur matre et leur fondateur lepatriarche saint Antoine. Tous les habitants de cette solitude pou-vaient, au reste, revendiquer cet. honneur; car son influence s'exerasur eux tous"^. Pour fuir le concours des visiteurs, attirs par larenomme de ses miracles et de ses vertus, il s'enfona beaucoupplus avant dans la solitude. Le mont Colzim, situ trois journesde marche de la mer Rouge, lui offrit une retraite. Ses disciples yconstruisirent un monastre peu de temps aprs sa mort (356)8.

    1. Pallade, cxxxvii, 1238,2. Rufin, V, 405-409. Pallade, Paradisus Patrum, 408-409. Ces chiffres, cela va

    sans dire, ne peuvent prtendre une certitude absolue. Il n'existait pas alors destatistique des monastres. Mais ces exagrations sont une preuve, vidente de lamultitude extraordinaire des moines.

    3. yerba seniorum. P. L., LXXIII, 917, 93, 777.4. Sozomne, //is/. eccles., vi, 28. P. G., LXVH, 1371.5. Rufin, XVIII, 440. Pallade, lxxvi, u8i.6. Cassien, Conlat., xxiy, 677-79. S. Cyrille Alex., dversus anthropotnorpbi-

    ias., 1. 1. P. G,, LXXVI, 1066-67. ^^erba seniorum, 759. On pourrait citerencore les monastres de l'abb Isidore, qui gouvernait mille moines (Rufin,xvii, 439. Pallade, lxxi, 1175), d'Athribis, o le moine Elias runit trois centsmoniales(PalIade, XXXV, 1795-96), de Trohen, dans le voisinage de Memphis(K^r&flseniorum, 955); de Phnix o l'abb Cronios vivait avec deux cents moines (PalladeLxxxix, 1198), de Rinocorura (Sozomne, vi, 1390).

    7. Sa vie a t compose par saint Athanase et traduite en latin par Evagre.P. G., XXVI, 833-976. Acta SS.Jan,, t. II, 471-506. Tillemont, vu, 101-144, 666-67 1 .

    8. Sulpice Sv., Dial, 1, p. 169. Ce monastre existe encore de nos jours. 11 y ena un second au lieu o vcut saint Paul, premier ermite, dans la mme chane de

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    TOPORAPHIE MONASTIQUE 9permettaient pas d'tre aussi nombreux qu'en d'autres contres i.Les moines furent donc rares en Libye. Ils ne semblent gure s'tremultiplis dans la Cyrnaque. Ils n'y furent pas cependant tout fait inconnus 2.

    Alexandrie, qui tait la capitale civile et religieuse de l'Egypte,avait dans son sein un certain nombre de religieux, sans parlerdes allants et venants que les intrts spirituels ou temporels deleurs maisons y attiraient de toutes les provinces. Les uns habi-taient les monastres de la ville ; les autres taient attachs par lespatriarches au service de l'glise s. On y voyait aussi descommunauts de vierges ^. La banlieue tait le sjour de prdi-lection des moines. Pallade et Sozomne disent que leur nombreatteignait deux mille s. L'archevque Thophile btit Canope,sur les ruines d'un temple paen, un monastre o il introduisitles observances de Tabenne 6, Ceux, de Fouah "^j de Diolcos, dePanphyse, deThmuis, se trouvaient dans le delta du Nil^. Pluse,qui tait sur la dernire branche orientale du fleuve, en possdaitplusieurs, soit dans ses murs, soit dans le dsert qui l'avoisine 9,en particulier sur le mont Lychnos. Il y en avait Rhinocolura et Clysma.

    *

    D'aprs une tradition accrdite au IV^ sicle, cette dernireville se serait trouv sur l'itinraire suivi par les Hbreux ausortir de l'Egypte lo. Il semble que les religieux de cette poqueaient prouv une certaine prdilection se fixer dans les

    1. Pallade, x, 1030. Cassien, Instit., 1. X, 19^,2. Synesius, ep. 66-146. P. G., LXVI, 1407-1412, 1542-1543, Sulpice Sv, Dia/.

    3. Pierre Alexand., Epist. encycUca, 5, cite par Thodoret, 1. iv, 1279. SulpiceSv., op. cit., 161. Pallade, i. xxvi, 1007-1078. Cotelier, In apophtegmata Patrum.P. G., LXV, 195.4. Pallade, i, 1008, S. Isidore de Pluse, 1. 1, ep. 87. P. G., LXXVIII, 242.5. Sozomne, vi, 1375. Pallade, i, 11, vi, 1013-1021. Evzgre, Liberpracticus, 98.P. G., XL, 1251. ApoMegmata, 255.6. S. Jrme, Trmslaiio regulce S. Pachomii, prf. P. L., LXXIII, 65.7. S. Cyrille Alex., ep. 81. P. G., LXXV, 371-374.8. Cassien, Instit., 1. v, 108-110. Conlat., xi, xiv, xvin, xix, 315.316, 400, 534,506.9. Rufin, xxii-xxui, 459-460.10. Julien, Sinat et Syrie, souvenirs bibliques et chrtiens, p. 40.

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    l6 LES MOINES d'orientmentionns par saint Aphraates'. Mais ce fut saint Jacques deNisibe (3 50) qui exera la plus grande influence sur le dveloppe-ment du monachisme msopotamien. Saint Ephrem fut d'abordmoine Nisibe. Les montagnes de Sigoron, peu loignes de cetteville, servirent de retraite Batthos, Eusbe, Barges, Halos et plusieurs autres 8. Charra, que le nom d'Abraham, pre descroyants, rendait particulirement chre aux chrtiens, ne tardagure possder un groupe de religieux 3. Ils furent visits parRufin '^ et par Silvie s. Cette dernire eut la bonne fortune d'arriver l'poque o devait se clbrer l'anniversaire du moine martyrHelpidios. Tous les religieux de la contre assistrent la fte.Aprs avoir joui de leur conversation, elle se rendit ensuite aupuits de Rachel, qui est six milles de Charra. Il y avait uneglise, des clercs et des cellules monastiques 6.

    * *

    L'Armnie, qui occupe les rgions montagneuses au nord de laMsopotamie, connut les moines par les exagrations asctiquesd'Eusthate, vque de Sbaste, et de ses disciples'^. Tous netombrent, pas dans les mmes excs. Aussi saint Grgoire deNazianze pouvait-il fliciter cette province de l'honneur que luiprocurait la foule de ses religieux et de ses religieuses (372)8.On remarqua leur participation aux obsques de saint Jean Chry-sostome, mort dans leur pays 9. Le diocse de Mlitne encomptait un grand nombre durant les premires annes duV sicle 10. Plusieurs abbs se trouvrent mls aux querelles dunestorianisme *'.

    1. Dom Parisot, Jphraates sapientis Persce demonstrationes, prce/atio, 1. 1, xiy, xv.Zockler, Askese und monchtum, 182.

    2. Sozomne, ibid,3. Id., 1391-1395-4. Rufin, Hist. eccles., 11, 8, P. L., XXI, 517.5. Silvie, Peregrinatio, 6()-']0.6. Id,, 72.7. Sozomne, m, 14, 1079-82.8. Grg. Naz., Carmen ad Hellenium, v. 277-280. P. G., XXXVII, 147 1.9. Pallade, Dialog. de vita S. Joan. Chrys., 1 1. P. G., XLVII, 39.10. Cyrille, Vita S. Etithymii, 1 1, ciaSanct.Jan., t. Il, 667.11. Proclos, ep. .2, P. G., LXV, 856. Tillemont, XIV, 629.

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    . TOPOGRAPHIE MONASTIQUE I7Saint Basile et son ami, saint Grgoire de Nazianze, furent les

    propagateurs infatigables du monachisme dans le Pont, la Cappa-doce et les provinces voisines. Ils menrent ensemble la viereligieuse dans le monastre d'Annesi, sur les bords de l'Iris,pendant que sainte Macrine, sur de saint Basile, gouvernait unecommunaut de vierges sur la rive oppose du fleuve. C'taitdans la province du Pont. Leur exemple et surtout le zle entra-nant de Basile, provoqurent de nombreuses vocations, ce quiamena l'tablissement de multiples monastres i. Il en fut demme en Cappadoce quand saint Basile, ordonn prtre parrvque Eusbe, vint de nouveau habiter la ville de Csare(364).Six ans plus tard, l'poque de son letiou piscopale, les moinestaient dj nombreux et influents 2. On les trouvait Nazianzeds 3603, Ozizala, sur les terres de saint Amphilochios, Lamis, Sannabadaa^, Amase s, mtropole de THelnopont^.

    Saint Thodose fonda, vers 370, un monastre en Cilicie , Rhosos , sur les bords de la mer '^. Les moines de cetteprovince jouissaient, au dbut du sicle suivant, d'une granderputation de vertu ; saint Nil, inform de la saintet de leurvie, leur exprima, dans une lettre, toutes ses flicitations s. Lavie monastique prosprait encore Sleucie, en Isaurie, auprs dutombeau de la ^sainte martyre Thcle^. On rencontrait des reli-gieux en Pamphylieio, Ephse", Ancyre, et en divers lieux deGaltie i'' (374). Nice^^, Gomon, Irnei'^, et ailleurs enBithynie^s.

    Constantinople offrit au monachisme une terre privilgie1. Rufin, Hist. eccles., ii, 9. P. G., XXI, 518. Sozomne, vi, 17, 1335.2. Grg, Naz., Orat. 43, in laudem BasilUM. P. G., XXXVI, 335.3. Id., Carmen ad Hellenium. P. G., XXXVII, 1461 et s.4. {di.,'ep. \ 16 ad Eulalium, 211-214.5. Id., ep. 238, 379.S. Tillemont, X, 45Q.7. Thodoret, 0. c, \, 1387-94.8. S. Nil, 1. I, ep. 232. P. G., LXXIX, 167.9. S. Grg. Naz., Poem. xi de seipso, y. 545-560, P. G., XXXVII, 1067. Silvie,

    Peregrinatio, 73-74.10. S. Epiphane, Ancorattis. P. G., XLIII, 14-18.11. Bulteau, p. 526.12. S. m, in /llbianum. P. G. LXXIX, 703.Pallade, Lausiaca, cxm-cxv, 1215^21.13. S. Jean Chrys., ep. 221. P. G., LU, 733.14. VitaS. Alexandri, Acta Sanct.Jan, t. I, 1027-28. Tillemont, XII, 733.15. Socrate, 1, 13. P. G., LXVll, 105-1 10.

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    CHAPITRE II

    Les diverses sortes de moines

    Les multitudes de moines dissmins sur toute la surface del'empire oriental taient loin d'envisager de la mme manire lavie religieuse et ses obligations. Tous cherchaient, il est vrai, reproduire l'idal de la perfection qu'ils trouvaient exprim dansl'Evangile et dans les Livres de l'Ancien et du Nouveau Testament.Mais le texte sacr, ses maximes, ses rcits, tudis avec latournure d'esprit des chrtiens de cette poque, leur pouvaientfournir des types de la plus extrme varit. Chacun choisissaitcelui qui rpondait le mieux aux aspirations de son cur. Les unstaient frapps par un exemple ou par une sentence auxquelsd'autres ne donnaient aucune attention. Le mme trait, le mmeprcepte, recevaient parfois des interprtations contradictoires. Lestraditions asctiques, qui " persistaient en beaucoup de lieux,n'taient pas moins confuses. Elles avaient subi en effet l'influencedes hommes, du temps, des milieux, de mille circonstances diffi-ciles saisir..

    Le nombre extraordinaire des vocations qui surgissaient detoutes parts aprs le triomphe de l'Eglise, et l'enthousiasme reli-gieux qui s'empara des esprits, amenrent forcment, dans cesconditions, une merveilleuse surabondance de vie. Le spectacleque prsentaient alors les solitudes monastiques fait songer quelqu'une de ces riches valles de l'Orient, qui se couvrent d'unevgtation luxuriante ds que les rayons du soleil sont venus, auprintemps, rpandre profusion la vie sur leur sol dtremp parl'inondation ou par les pluies de l'hiver. Tout pousse et grandit :

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    20 LES MOINES D'ORIENTles crales qui font la richesse des cultivateurs, les plantes d'agr-ment, les herbes inutiles et mme les vnneuses.On vit des moines qui imposaient tous le respect, souventmme l'admiration, par la saintet de leurs uvres ; il y en eutaussi qui menaient une existence bien vulgaire ; d'autres scandali-saient les fidles par l'indignit de leur conduite et l'immoralit deleur doctrine. Les religieux fervents, mdiocres ou mauvais,abandonns souvent leur initiative personnelle, choisissaient legenre de vie qui rpondait le mieux leurs gots. L'influence desmilieux, les divergences de caractre, d'origine, d'ducation, intro-duisirent ainsi, par la force des choses, dans les pratiques ext-rieures du monachisme et dans l'exercice des vertus qui tiennentde plus prs son essence, une varit qui ressemble singulire-ment de la confusion. La chose tait d'autant plus facile que lesmoines et les monastres n'taient point saisis par les liens d'uneorganisation puissante, et que l'Eglise n'exerait pas sur eux lamme vigilance que de nos jours.

    Les contemporains, au lieu de s'en tonner, y voyaient unepreuve clatante de la vitalit des institutions monastiques. L'ennemi commun des hommes, crit cette occasion l'historienThodoret, a, dans sa malice, imagin beaucoup de moyens pourles prcipiter vers leur ruine ; de mme, les disciples de la pitont trouv des moyens nombreux et varis pour s'lever jusqu'auciel. Les uns se runissent par groupes ; les autres embrassentune vie retire. Il en est qui habitent sous des tentes oli dans deshuttes ; d'autres prfrent vivre dans des cavernes ou dans desgrottes. Plusieurs ne veulent ni grotte, ni caverne, ni tente, nihutte ; ils vivent en plein air. Parmi eux, on en voit qui se tiennentconstamment debout, tandis que les autres passent leurs journestantt debout, tantt assis. Quelques-uns entourent d'une barrirel lieu qu'ils occupent; d'autres ne prennent point cette prcaution,ils restent exposs la vue de tout le monde i. Une classification ne serait pas inutile pour se reconnatre aumilieu de cette confusion. Saint Jrme, dans sa lettre la viergeEustochium, en avait dj propos une qui se rapportait plusparticulirement aux moines gyptiens. Il les ramenait troiscatgories principales: Les premiers sont les cnobites , queles gens du pays appellent dans leur langue sauses, et que nouspouvons nommer vivants en commun. Les deuximes sont les

    I. Thodoret, Religiosa historia, c. xxvii, P. G., LXXXIl, 1483-1486.

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    22 LES MOINES D ORIENT Dieu leur corps par le vu de virginit. Souvent ils s'abstenaientde viande et de vin. Quelques-uns distribuaient leurs biens, soitaux pauvres, soit aux glises, et pratiquaient une stricte pau-vret. Plusieurs vivaient au sein de leur famille, d'autres avaientune habitation particulire. Dans ce dernier cas, ils taient tanttseuls, tantt par petits groupes. Un habit particulier les distin-,guait du reste des chrtiens. Ils formaient une classe interm-diaire entre les simples fidles et les membres du clerg. Il y eutdes martyrs parmi eux. L'Eglise aimait choisir ses ministresdans leurs rangs. Plusieurs ont t de grands vques et desdocteurs fameux. Origne fut le plus clbre de ces asctes ouexercitants^ .

    Ils ne disparurent pas compltement lorsque, dans la premiremoiti du IV^ sicle, le monachisme proprernent dit s'panouitsur toute la surface du monde romain. On rencontra encore, ausein des villes, des hommes vous au clibat, qui menaient unevie plus parfaite que le commun et portaient un habit particulier,sans habiter dans une communaut monastique. Ainsi vivaitAthanase, l'homme pieux et juste, le vrai chrtien, l'ascte, quandl'Eglise d'Alexandrie le choisit pour son vque (388)'^. Il ne fut pasle seul. Un jeune paen de sa ville piscopale, converti au christia-nisme, prouvait un vif dsir d'embrasser la vie religieuse. Lepatriarche, confident de ses aspirations, le reut, aprs son bap-tme, parmi les lecteurs, et il lui fit btir, dans les dpendances del'glise, une cellule o il pt suivre en toute libert les exercicesde l'asctisme. Cela dura pendant douze annes. Alors la vanitet le relchement du clerg lui inspirrent un profond dgot.Il obtint d'Athanase la permission d'aller Tabenne se mettresous la conduite de saint Pakhme^. Pallade nous fait connatre

    1. \t.Mxy, Les Murs des chrtiens, t. XXVI, p. 241-242, d. 1727. Kirchen-lexicon, t. I, 1469-72, 2" dition ; Duchesne, Origines du culte chrtien, 405-406,1" dition ; Tillemont, Mmoires pour servir l'histoire ecclsiastique, t. VII, loi-105, 176-177. Les asctes des trois premiers sicles de l'glise ont t depuis plu-sieurs annes l'objet d'tudes intressantes. Cf. Dom U. Berlire, Les Origines duMonachisme et la critique moderne (Revue Bndictine, janvier 1891) ; Jules Mayer,Die christUche Askese; Fribourg, 1894J in-8, 48 p. ; Etienne Schiwietz, Les Originesdu Monachisme ou l'Asctisme des trois premiers sicles (Archiv. fur katbolischeKirchenrecht, LXXVIIl, 1898, 305-331).

    2. Athanase, Apologia contra Arianos, 6, P. G., XXV, col. 259 ; Tillemont,t. VIII, 4.

    3. Amlineau, Monuments pour servir l'histoire de l'Egypte chrtienne au

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    LS DIVERSES SORTES DE MOINES 2}un autre ascte alexandrin, nomm Euloge. Il distribua auxpauvres tous ses biens, ne se rservant qu'une somme trsmodique pour subvenir son entretien, car il lui tait impossiblede gagner sa vie par son travail de chaque jour. Le dsert n'avaitpour lui aucun attrait. . Il lui rpugnait de s'incorporer unmonastre de la ville. Comme, d'autre part, l'isolement absolului paraissait insupportable, il choisit pour compagnon unmalheurieux estropi, qui n'avait ni pieds ni mains. Durant quinzeannes, Euloge prodigua, sans jamais se lasser, ce pauvreinfirme, tous les soins que rclamait son tat^.Jrusalem.eut aussi ses asctes

    2. Ils n'taient pas inconnus Antioche. Saint Jean Chrysostome mena ce genre de vie aprsson baptme, en attendaht qu'il lui ft possible de se retirer dansla solitude des montagnes. Il eut pour imitateurs quelques-unsde ses amis : Maxime, Basile et Thodore 3. Ce dernier, g devingt ans, avait abandonn la recherche de la perfection pours'adonner aux jouissances d'un'vie mondaine. Son saint ami luiadressa une chaleureuse Exhortation^, qui le remit sur le chemindu devoir (v. 369). Ses trois livres sur Xtl Providence furent critspotir un autre ascte du nom de Stagyre^. Le premier livre de laComponction iut pour un certain Demetrios^, qui avait embrassla mme profession. Ce fut ce genre de vie que mena saint JeanChrysostome, lorsque son tat de isant l'eut contraint de quitterle dsert pour revenir dans sa ville, natale.

    * *

    Les ermites, ou habitants du dsert (epE[ioq), appels encoreanachortes, vnraient comrrie leurs fondateurs et leurs matresElle et saint

    Jean-Baptiste, qui, sous l'ancienne Loi, s'taientspars de la socit des hommes pour vaquer uniquement iV sicle. Histoire de saint Pakhme et de ses communauts. (Annales du MuseGuimel, t. XVll, 141-147.)

    1. Pallade, Historia lausiaca, c. xxvi, P. G,, XXXIV, 1071.2. Silvie, Peregrinatio, p. 76 et 82.3. S.Jean Chrysostome, De sacerdotio, 1. I, 1-6, P. G., XLVII, 86-87; Tille-mont, XI, 7-1 1.4. Id., Exhortatio ad Theodortim lapsum (ibid., 309-316).5. P. G., XLVII, col. 423.6. Ibid., 393.

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    LES DIVERSES SORTES DE MOINES 2^excelle les peindre : O dsert, rhaill des fleurs du Christ !solitude, ou se forment les pierres avec lesquelles on btit la citdu grand Roi! O dsert, o l'on jouit plus qu'ailleurs de la fami-liarit divine! Que fais-tu dans le sicle, mon frre Hliodore,toi qui es plus grand que le monde? Combien de temps resteras-tu plong sous l'ombre des maisons? Combien de temps seras-tucaptif dans la prison des villes enfumes ?. . . Crains-tu de meurtrirts rnmbres extnus par ls jenes en les tendant sur la terrenue? Mais le Christ s'tend tes cts... L'immensit du dsertt'pUvnte-t-ell? Mais que ton me fasse une excursion dans leparadis, toutes les fois qUe tu t'y lves en pense, tu cessesd'habiter le dsert i.

    Certaines mes, que consumait le besoin de s'entretenir cur cur avec Dieii, taient absolument incapables de rsisteracette fascination d l solitude.' L'abb Marc demandait un jour al'bb Afsn : Purqfuot donc fiiyez-vous ainsi notre socit?^ Dieu sait bien que je vous alim, rpndit-il, mais il m'estimpossible de vivre en nirne temps avec le Seigneur et avec leshommes 2.

    Postuminus rencontra un jour dans l rgion du Sina unanachorte qui dpuis cinquante annes n'avait pas eu la moindrerelation avec les hommes. Il prenait la fuite ds qu'il en aperce-vait urt. Pourquoi fyez-vos vos semblables, lui demartda-t-il ?-^ Celui qui reoit les visites des hommes ne peut recevoir celleds anges x>, telle fut sa^ tpfise^.

    Chronos , q^iiii s'tait nfu dans le dsert qUinze mille pasSeulement d^ Phnix, sa: ville rtatale, demandait Dieu par d'ins-fntS! prifs- la grce d n plWs revenir en pays habit. De fait,\\ pas soixante annes sans approcher de \&. demeur desHomm'es*. Mtcaire l'Egyptiien fit l rencontre, dans une oasis, dedeux solitaires! qui viV'nt l depuis quarante ans et n-'avaientaucun i^afport avec l reste des mortels 5,

    Les- soH^ires du' Sina, qui avaient chapp au glaive des

    1. s. Jrme, /)/. 14, ad Heliodorum, 10. P. L., XXII, 353.2. Verba seniovum, libel. XVII ; Rosweyde, Vitce Patrtim, 1. V., P. L., LXVIII,

    923.3. Sulpice Svre, Dialogus, 169-170, d. Halm.4. Pallade, Historia latisiac, 89. P. G. XXXIV, 1198.5. yerH miprmi, Hb. m, 4; Rosweyde, ^itce Palnim, I. VI, P. L., LXXIII,1007,

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    26 LES MOINES D'ORIENTSarrasins, refusrent de quitter leur retraite pour chercher unrefuge auprs des villes ou dans des lieux habits. La peur dela mort ou de la captivit tait moins puissante sur eux que lacrainte de perdre l'intimit divine, qu'ils gotaient dans le dsert^.

    Les femmes n'chappaient pas cette fascination de la solitude.Deux anciens parcouraient le dsert qui avoisine Sct. Un son,qui ressemblait une voix humaine, leur rvla tout d'un coup laprsence de quelque tre vivant. Ils cherchrent d'o venait cebruit et ils dcouvrirent bientt l'entre d'une caverne qui servaitde refuge une femme. Elle tait l depuis trente-huit ans etn'avait jamais vu personnel L'isolement dans lequel vivait saintPaul est trop connu pour qu'il y ait en parler.Mais ce ne sont l que des faits exceptionnels. Les ermitesn'observaient pas d'ordinaire une squestration aussi absolue.Souvent ils avaient autour d'eux soit un disciple, soit un com-pagnon de solitude. Saint Jean Chrysostome passa les quatreannes de sa vie rmitique auprs d'un ancien, qui tait sonmatre 3, Le solitaire que saint Porphyre rencontra dans l'le

    deRhodes avait un disciple ses cts ^. Saint Antoine admit quelquetemps Paul le Simple vivre dans sa cellule; lorsqu'il crutsa formation suffisante, il lui en assigna une qui n'tait pas troploigne 5.

    Il serait facile de multiplier les exemples; car ils furent trsnombreux, surtout en Egypte et en Thbade. Ces jeunes ermites,en change des soins spirituels qu'ils recevaient, rendaient leursmatres tous les services qu'ils pouvaient en attendre. Ils faisaientleur cuisine, allaient chercher de l'eau, et leur procuraient tout cedont ils. avaient besoin. Quand ils n'avaient pas.de disciple, lesanachortes choisissaient parfois un compagnon qui habitait, soitdans la mme cellule, soit dians le voisinage. Mais la cohabitationprsentait de srieux inconvnients: l'exprience tait l pour lemontrer. Deux hommes, toujours en face l'un de l'autre, au fondd'un dsert, sans la moindre distraction, ont besoin, pour se sup-porter longtemps, d'tre unis par les liens d'une affection vraimentsurnaturelle. Comment avoir sans cela le courage de sacrifier

    1. s. Nil, Narraiio, iv, P. G., LXXXIX, 638.2. Verba seniorum, ibid. 1008.3. Pallade, Dialogiis de mta S.JoaunisCbrys., c. v. P. G., XLVII, 18,4. Marc, yita S. Porpbyrii, 2/^-2^,. P. G., LXV, 1227-28.5. Pallade, Hisioria /ans., c. xxvui. P. G., XXXIX, 1085.

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    LES DIVERSES SORTES DE MOINES 27constamment leurs volonts et leurs dsirs? Impossible de conser-ver longtemps la paix sans cette disposition.Un vieil anachorte dsirait choisir pour compagnon un frrebeaucoup plus jeune. 11 s'en ouvrit un jour lui. Ce frre tait,malgr son ge, un homme d'exprience. Il ne voulut pas acquies-cer immdiatement cette proposition : Je suis un pcheur, dit-il; tu ne pourras jamais vivre avec moi. Mais si! rpondaitl'ancien, en renouvelant ses instances. Celui-ci tait un religieuxtrs chaste; il ne pouvait comprendre qu'un moine et des pen-ses impures. Son interlocuteur le savait. Donnez-moi unesemaine pour rflchir, lui dit-il; et alors nous traiterons cetteaffaire, Au bout de huit joujs, l'ancien s'en alla chercher larponse. Le jeune frre, pour se rendre compte de ses disposi-tions, lui confessa une faute, qu'il n'avait pas commise. Abba,j'ai eu dans le cours de la semaine une violente tentation. Je suisall au village voisin pour une affaire, et j'ai pch. Au lieu des'indigner, le vieillard lui demanda : Vux-tu faire pnitence ? Je suis dispos la faire. Je prendrai pour ma part la moitide ta faute. Cette parole charitable dissipa les incertitudes dufrre, qui s'empressa de lui dire : Maintenant, nous pouvonshabiter sous le mme toit. Ce qu'ils firent tout le reste de leursjours 1.Deux frres, qui voulaient habiter ensemble, se promirentobissance mutuelle. L'harmonie la plus troite rgna longtempsparmi eux. Mais il suffit un jour d'une bagatelle pour les jeterdans le trouble. Un oiseaii vint se poser devant leur cellule. C'est une colombe, dit l'un. Non, c'est une corneille , rpli-qua l'autre. Chacun de soutenir son opinion avec une ardeur digned'une meilleure cause. Les ttes s'chauffrent dans cette discus-sion ridicule, si bien que les coups succdrent aux paroles. Lacohabitation tait difficile aprs une scne pareille. Chacun seretira de son ct. Mais au bout de trois jours la colre fut calme.Les deux ermites, tout confus de ce qui leur tait arriv, se deman-drent mutuellement pardon et promirent de ne plus recommencer.De fait, ils vcurent dans l'union la plus troite jusqu' la fin deleur vie 2.Pour conserver la paix, mme deux, il fallait donc une vigi-1. Verba seniorum, 154; Rosweyde, K/te Patrum, 1. III, P. L., LXXXIIIc. 791.2. popbtegmata Patrum, publis par Cotelier. P. G., LXV, 311.

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    :8 LES MOINES d'orientlance continuelle sur soi et une inaltrable charit. L'abb Isae,qui avait une grande exprience de la vie rmitique, conseillaiten outre la discrtion et la dlicatesse dans les procds : Situhabites avec un frre, dit-il, sois avec lui comme un tranger; nelui commande rien; ne pose jamais pour son suprieur; ne soispas trop libre avec lui. Mais s'il vient te donner un ordre, malgrtes rpugnances, renonce ta volont propre; ne le contriste point,de peur de bannir la paix qui rgne parmi vous. Sache bien quel'obissance fait la vraie grandeur ^ A dfaut de disciple ou de compagnon, plusieurs ermitesavaient pour les servir des sculiers, qui venaient des villages lesplus rapprochs leur apporter ce qui leur tait ncessaire 2.

    Les matres de la vie monastique , toujours proccups desgraves inconvnients que prsente la solitude absolue , conseil-laient de ne point trop loigner les cellules les unes des autres.Parfois elle taient assez rapproches d'un groupe de cnobites.De lai sorte, les solitaires pouvaient se visiter assez souvent etmme prendre part des assembles qui runissaient de temps autre, le dimanche et le samedi par exemple, tous les frres d'unergion. L'abb Amoun de Nitrie questionna saint Antoine surl'intervalle qu'il convenait de laisser entre les cellules desanachortes. Le saint patriarche lui recommanda de les disposerde telle manire que les religieux pussent s'y rendre aprs le repasdu soir 3. .

    Dans son monastre de Nitrie le nombre des religieux quivoulaient embrasser la vie rmitique fut tel que l'on put crer,pour la leur rendre plus facile, une organisation trs pratique. Ily avait, une distance de soixante-dix stades, une solitude pro-fonde. Ils y fixrent le lieu de leur retraite. Le monastre leurenvoyait tout ce dont ils avaient besoin. Leurs cabanes taientassez distantes les unes des autres pour qu'il leur ft impossiblede se voir ou de s'entendre. Il y en eut bientt six cents, occupespar autant de religieux; c'est le dsert des Cellules, dont il a t

    1 . Isae, Oratio, III, P. G., XL, 1 1 lo ; Rgula, 30, P. L., ClII, 430..2. l/'erba seniorum, 90 ; Rosweyde, Vitce Patrum, 1. III, P. L., LXXll, c. 779 ;

    ibid., 118, col. 783; 144, col. 788, etc. Naucratios, frre de saint Basile, qui embrassala vie solitaire sur les montagnes boises des bords de l'Iris, avait en sa compagnieson ancien serviteur, Chrysaphios. Saint Grgoire de Nysse, De vila S. Macrhice.P. G., XLVI, 966-67.

    3. Apophtegmaia Patrum, P. G., LXV, 86-87.

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    LES DIVERSES SORTES DE MOINES 29question i. Les moines de Sct S mnagrent une retraite sem-blable sur la montagne de Pherme.

    Postumianus, l'ami de Sulpice Svre, visita dans la hauteThbade un monastre, qui- tait le centre autour duquel rayon-naient un certain nombre de cellules d'ermites." L'abb les allaitvoir de temps autre et il leur fournissait les choses ncessaires la vie 2.

    Les nombreux anachortes de la Palestine n'taient pascompltement livrs eux-mmes, au temps de saint Hilarion,leur pre et leur matre. Ceux du Sina, spars les uns desautres par une distance qui parfois dpassait vingt stades, sevisitaient quand ils le jugeaient opportun^. Sans cela, la charitaurait fini par disparatre de leurs mes. Une solitude trop pro-longe rend l'homme sauvage, en lui faisant oublier les notionsles plus lmentaires de la civilit. 'C'est saint Nil qui fait cetteremarque^.

    Malgr les sages prcautions dont on l'entourait, la vie r-mtique restait en rgle gnrale expose de graves inconv-nients. Aussi ne convenait-elle qu'aux hommes fortement tremps.Une foule d'esprits lgers se .laissaient nanmoins sduire par lescharmes de la solitude. Les misanthropes et les caractresdifficiles croyaient par ce moyen trouver la paix, en chappantaux ennuis du commerce avec leurs semblables. Illusion dange-reuse, que l'exprience venait dissiper un jour ou l'autre, 11 nesuffisait pas, en effet, de fuir la socit pour devenir un vritableanachorte. Un homme peut rester un sicle dans une cellule,disait cette occasion l'abb Ammonas, et ignorer compltementdans quel esprit il faut s'y tenir s. Non, ce n'tait pas en secachant que l'ermite parvenait chapper au danger d'offenserDieu, car la tentation est dans son cur plus que dans leslieux o il habite ; elle le suit partout o il dirige ses pas 6.Laissons saint Jrme raconter lui-mme les assauts que livraient

    1. Sozomne, Hisioria eccles., VI, 31, P. G., LXVIl, i387;Rufin, Mist.monacb.,P. L., XXI, 444-445 ) Pallade, Hist. laus., P. G., X'XXIV, 1022, 1295.

    2. Sulpice Svre, Dm/, i, p. 162-263^ Schnoudi avait des anachortes autourde son monastre. Ladeuze, Etude sur le cnobitisme pakhomien, 212-213.3. S. Nil, Narratio, III; P. G., LXXIX, 613, 619-622; Nar., IV, col. 627 ;Nar., 651-664.4. Id., Nar., HI, col. 622.3. y^popbiegmaia Patrum, P.G., LXV, ^46.6. Cassien, Conlat., XVIII, 16, p. 526 et s.

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    30 LES MOINES D'ORIENT son cur les passions au fond du dsert de Chalcis : Com-bien de fois, dans cette solitude, brle par les feux du soleilet qui fournit aux moines un asile affreux, ne me voyais-je pasau milieu des plaisirs que Rome offre ses habitants!... Moi qui,par crainte de l'enfer, m'tais enferm dans cette prison, sansautre compagnie que celle des scorpions et des fauves, j'assistaissouvent en esprit aux danses lascives. Mon visage tait dcolorpar le jene, et dans mon corps je sentais bouillonner des dsirsimpurs ; les feux de la luxure brlaient une chair moitimorte. Alors, priv de tout secours, je me jetais aux pieds deJsus, je les arrosais de mes larmes, que j'essuyais avec mescheveux ; j'essayais de dominer les rvoltes de ma chair, en laprivant de nourriture pendant une semaine entire... Je me.souviens de mes cris, des nuits passes sans sommeil, des coupsdont je frappais ma poitrine jusqu' ce que mon cur etretrouv la paix^. On racontait l'aventure d'un pauvre moine qui s'tait figurpouvoir vaincre aisment les violences de son caractre dans unesolitude o il n'aurait personne avec qui se disputer. Il occupaitdepuis quelque temps une grotte dans le dsert, quand un joursa cruche pleine d'eau tomba par hasard et rpandit terre soncontenu. Il la remplit de nouveau; mais ce fut pour la voirtomber. Elle se versa encore, lorsqu'il l'eut remplie pour latroisime fois. C'en fut assez pour le mettre hors de lui. Dans sacolre, il saisit sa cruche et la brisa. Le calme revint bientt et,aprs quelques instants de rflexion sur ce qui lui tait arriv, ilse dit lui-mme : Me voil seul ici, et pourtant je me suislaiss vaincre par la colre. Je retournerai donc mon monastre ;car partout il faut lutter, partout on a besoin de la vertu depatience et du secours divine

    Aussi Cassien, saint Nil et la grande majorit des Presconseillaient-ils de n'embrasser la vie rmtique qu'aprs avoirdiminu l'empire de ses passions par de frquentes victoiresremportes sur soi-mme s. Ce qui faisait dire un ancien :

    1. S. Jrme, Epist. 22 ; P. L., XXII, 398-599.2. Verha seniorum, 40; Rosweyde, 1. IIl ; P, L., LXXIII, 778.3. Cassien, Conlat., XIX, p. 544-552 ; Instit., 1. VIII, p. 162; 1. IX, p. 169;

    S. Nil, I. III, epist., 72; P. G., LXXIX, 422 ; Id., Traciaius ad Eulogium, 52 ;Ibid., 1 135.

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    LES DIVERSES SORTES DE MOINES 3 I Qui veut habiter dans le dsert, sans avoir en ptir, doittre un docteur et ne plus avoir besoin de matre i.

    Il tait donc prudent de se former la pratique de la vertusous la conduite d'un suprieur et au milieu d'autres religieuxavant d'affronter les combats de la solitude^. Cassien recommandefort cette manire de procder 3. Les choses se passaient ainsi Diolcos, Nitrie, Sct^. L clbre Jean de Lycopolis^ et unemultitude d'autres en Egypte, en Syrie, dans tout l'Orient, agirentd cette faon.Mais le sjour matriel dans un monastre n'tait pas uneprparation suffisante. 11

    fallait des aptitudes spciales et unevertu prouve. Sinon, l'attrait du dsert devenait pour lescnobites eux-mmes un pige dangereux. Beaucoup s'y lais-saient prendre. Saint Ephrem signala plus d'une fois ces illusionsaux religieux qui le lisaient ou qui Tcoutaient. Elles sont, sesyeux, une tentation du diable, qui cherche dtourner un jeunefrre de sa vocation^. Les anciens n'chappaient pas toujours cette sduction'^, jeunes et vieux taient attirs par les louangesque l'on dcernait, aux saints anachortes beaucoup plus que parles travaux qui les leur avaient mrites^. Le diacre d'Edesseinsistait trop sur ce point pour ne pas avoir t le tmoin attristdu mal que ce dsir indiscret de la solituda causait aux moines.11 se rappelait videmment un de ces exemples, quand il traaitle portrait suivant : Un religieux s'est plac sous la directiond'un pre spirituel. L'ennemi du salut s'approche pour lui dire :Va-t'en d'ici, et habite tout seul ; tu jouiras d'une tranquillitplus grande. Si le. frre prte l'oreille ce discours, le dmonencourag vient lui tenir ce propos : Enfonce-toi plus avantdans le dsert. S'il acquiesce cette proposition, le tentateurrevient au bout de quelque temps lui suggrer des pensesqui plongent son cur dans la tristesse. Il fait passer sous lesyeux de ce pauvre ermite la longueur du temps, la pnurie de

    1. Kef&a smorww, X, 90 ; Rosweyde, 1. V, 928.2. S.Nil, Tractatusad Eulogium, P. G., LXXIX, 1135.3. Cassien,, ConlaU, XVIII, p. 509 ; Prcefatio, p. 4.4. Id., Instit., \. V, n. 36, p. 108 ;CoW., III, p. 68.5. Pallade, Hist, laus., 43 ; p. G., XXIV, 1 109.6. S. Ephrem, Dehumilitaie, oper. grec, t. I, 315-317 ; Pamn., xxlii, t. II,102-103.7. Id., Pafcen., xxiv {ibtd,, t. II, 107).8. l., Parcen,,\)i\vm(ihid., 136).

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    32 LES MOINES D ORIENTtoutes choses, les besoins de la vieillesse et l'ennui de la solitude.Le cur s'amollit insensiblement et finit par perdre courage.C'est alors que le diable de l'impuret fait son apparition. Lemoine l'coute. A une chute lamentable succde la dsolation,puis le dsespoir, et enfin l'abandon de toute vie religieuse i.La Msopotamie n'avait pas le monopole de ces scandales. Ilfaut entendre saint Jrme parler de ces pauvres religieux quel'abus de la vie rmitique avait prcipits dans le dcouragementet dans le dsordre s. On racontait en Egypte l'histoire d'un moinefervent qu'un zle indiscret avait pouss vers la solitude malgr lavolont de son suprieur. Il fut, au bout de six ans, victime d'uneillusion. 11 rentra dans le monde, pour y traner une existence hon-teuse et misrable^. La fin de Ptolme fut plus triste encore. Aprsquinze annes passes sans la moindre relation avec les hommes,il prit une allure trangre. On le vit quitter le dsert, parcourirl'Egypte et donner aux fidles le spectacle de ses lamentablesexcs ^.

    Il s'est rencontr plusieurs ermites qui revenaient volontiers aumonastre, aprs avoir got longtemps les charmes de lasolitude. Le cas n'tait point rare en Syrie. Saint Ephrem leurconseillait de ne pas se prvaloir des annes passes audsert, mais de garder humblement leur place, comme s'ilsembrassaient la vie religieuse pour la premire fois. A cettecondition seulement, ils pouvaient avoir la paix^. Cassien ren-contra, prs de Diolcos, dans le monastre de l'abb Paul, lemoine Jean, qui avait abandonn le dsert pour se soumettre enparfaite humilit aux exigences de la vie commune^.

    ** *

    Il est temps de parler de cette vie commune, telle que lamenaient les cnobites. On donnait ce nom aux moines qui

    1. s. Ephrem, Parn., XLII [ihid., p. 154 et s.).2; Jrme, Epist. 125 ad Rusiicum, P, L., t. XXH, 1081-82. 3. Verha seniorum, libel. VII, 21 ; Rosweydp, id., 1. V ; P. L,, LXXIII, 897-900,4. Pallade, Hist. Imis., XXXlll, P. G., t. XXXIV, col. 1094.5. S. Ephrem., De humilitate, c. xxvii (op. grsec, 1. 111, p. 307).6. Cassien, Conlat., XIX, 534-536. L^abb Jean expose Cassien les tnotifs qui

    l'ont dtermin agir de la sorte. On trouve des faits analogues dans les monas-tres de saint Pakhme (yie arabe de S. Pakhme, publie par Amlineau, . D.M. G., t. XIV, p. 427).

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    LES DIVERSES SORTES DE MOINES 33vivaient en commun sous l'autorit d'un suprieur i. Ils ont lamme table, dit saint Jean Chrysostome, les mmes aliments, lesmmes habits, la mme manire de vivre. Parmi eux, il n'y ani grand ni petit... Tout y est dans un ordre parfait. Si quelqu'unest infrieur aux autres, ceux qui le dominent ne prtent aucuneattention son infriorit. De la sorte, les petits se trouventagrandis. Pourquoi s'tonnerait-on de cette communaut de vie,de table, de vtement, puisqu'ils ne font tous qu'un cur et qu'uneme? Rien n'est plus favorable au dveloppement de l'humilit.Chacun s'efforce d'honorer le prochain, sans exiger de lui le moin-dre honneurs La charit seule tait capable d'unir ainsi des hommes entrelesquels le caractre, l'origine, l'ge, tablissaient des divergencesprofondes. C'est elle qui faisait la force de ces assembles oucongrgations'^. On pouvait les comparer une phalange contrelaquelle les efforts du dmon taient toujours impuissants^.

    Les moines orientaux se demandrent souvent si la vie cno-bitique devait tre prfre la vie rmitique. Les avis taientpartags, cela va sans dire. La tradition cappadocienne s'est,en rgle gnrale, montre peu favorable cette dernire. SaintBasile, son reprsentant le plus autoris, se prononce trs nette-ment pour la supriorit du cnobitisme. D'abord, ce genre devie lui semble plus conforme aux dispositions de la Providence,qui impose l'homme l'obligation de se servir de son prochainet de le servir son tour; il permet aux moines d'exercer lacharit, tandis que dans le dsert, o chacun doit se suffire lui-mme, cette vertu est difficile pratiquer; il leur procure,avec les avantages de la correction fraternelle et des bonsexemples, l'occasion d'tre humbles, obissants et misricor-dieux^.

    1. Cassien, Conlat., XVIII, p. 509-511.2. S.Jean Chrysost., In Matthmim hom. 72, P. G,, LVIII, 671-672.3. Cassien, Conlat. secunda prcefaUo, p. 503. Ce terme de congregatio, souventemploy par Cassien dans ce sens, revient plusieurs fois sous la plume du Lgis-lateur des moines d'Occident.4. Constitutiones monasticce, faussement attribues saint Basile c xviii P G

    XXXI, 1382-87.'

    ".'

    5. S. Basile, RegtiltB fttsius tractatce inter., 7, P. G., XXXI, col. 927-934 ;Regulce brevus tractt^ inter., 14 (ibid., 1.134); cf. S. Grgoire de Nazianze'Poem. V, P. G., XXXVlll, 641-645; Constitutiones monasticce, c. xviii, P. G.XLVI, 4 1 0-4 1 1 .

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    34 LES MOINES D ORIENTSaint Ephrem trouve des avantages de part et d'autre et

    conclut que chacun doit, dans la pratique, se contenter de cequ'il al. Nanmoins, il dclare les cnobites plus heureux^.Saint Jrme, qui a maintes fois clbr la vie rmitique, seprononce nettement en faveur du cnobitisme dans sa lettre Rusticus^. D'aprs Evagre, qui avait expriment, comme saintJrme et saint Ephrem, ces deux genres de vie, les luttes quele cnobite doit soutenir sont beaucoup moins prilleuses quecelles de l'anachorte. Car celui-ci a les dmons pour ennemis,tandis que celui-l est aux prises avec les ngligences de sesfrres'*. L'cole de Tabenne prfrait la vie en commun s. Cassien,qui se fait l'cho de la tradition gyptienne, dit sagement queces deux genres de vie sont dignes de louange. Chacun peut etdoit embrasser celui qui convient son me. Il y a des deuxcts de trs srieux avantages. Le renoncement parfait lavolont propre et le complet abandon la divine Providencesans le moindre souci du lendemain sont la note caractristiquede la perfection des cnobites ; les anachortes trouvent dansleur isolement le moyen d'acqurir une grande libert de cur etune troite union avec la Divinit 6.En somme, la vie commune offrait aux moines des avantages

    pratiques incontestables. Elle les dressait aux vertus d'obissanceet de renoncement dont l'exercice faisait la base de son organisa-tion. Voici ce que nous lisons ce sujet dans les Ferhaseniorum.Un ancien fut ravi en extase. Il aperut, devant le Seigneur, deshommes, distribus sur quatre rangs. Le premier tait occuppar les infirmes, qui savaient rendre grces Dieu au sein derpreuve; le deuxime tait rserv tous ceux qui exercentl'hospitalit chrtienne; on voyait au suivant les ermites qui sesont retirs dans la solitude, o ils vivent loigns de tout com-merce avec leurs semblables; les frres, qui par amour de Dieuembrassent une vie d'obissance, et sont en toutes choses sou-

    1. s. Ephrem, Consilium de vita spirituali (op. graec, t. I, 260).2. Id., De humilitate, ^8 (ibid., p. ^11).3. S. Jrme, Epist. 125, n. 9, P. L., XXII, 1077,4. Evagre, Capita practica, c. v, P. G., XL 1223..5. Vie copte de saint Pakme. (^A. D. M. G., ibid., p. 186-192,) Gf. Griitz-

    macker, Pachomius und das aelteste Klosterleben, p. 49 ; Ladeuze, op., cit., p.188.

    6. Cassien, Conlat., XIX, p. 542-543; XXIV, p. 682.

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    LES DIVERSES SORTES DE MOINES 35mis leurs suprieurs, se trouvaient au quatrime rang, qui estle plus lev. Ces derniers portaient un collier d'or, et ils jouis-saient d'une gloire suprieure celle de tous les autres. L'anciendemanda la raison de cette prrogative. Il lui fut rpondu : Leshommes qui sont aux trois premiers rangs trouvent toujoursquelque consolation en faisant leur volont propre, mme [dansles bonnes uvres ; l'homme obissant, au contraire, renonce sa volont propre pour vivre dans un complte dpendance de lavolont de son pre spirituel. Voil pourquoi il surpasse tous les

    , autres!. Cassien, qui partageait l'opinion de ses contemporains sur lecaractre monastique des premires communauts chrtiennes de

    Jrusalem, et sur le christianisme des thrapeutes de Philon,croyait que les cnobites, leurs continuateurs, avaient prcd lesanachortes. Mais cette opinion est dnue de fondement. Ce sont,au contraire, les ermites qui vinrent les premiers. Saint Pakhme,qui, depuis longtemps dj, avait embrass la vie solitaire, fondala prerriire runion de cnobites Tabenne vers }2^. Si saintAntoine est vnr comme le patriarche de la vie rmitique,saint Pakhme est le vritable patriarche des cnobites 2. La celluled'Amoun devint peu aprs le berceau du clbre monastre deNitrie ; Sct se forma autour de celle de l'abb Macaire. Dans laThbade, Apollo, aprs quarante annes passes dans le dsert,choisit une caverne plus rapproche du pays habit. Ses miracleset [ses vertus, en fixant sur lui l'attention des hommes, lui atti-rrent de nombreux disciples, qui formrent sous sa direction unecommunaut ferventes. En Palestine, Glase^, Euthyme et Thoc-tiste^; en Msopotamie, Publios de Zeugmae, Julien Sabbas^ etcombien d'autres anachortes, devinrent^ eux aussi, chefs de cno-bites. Ce fut la mme chose un peu partout. Quelques-uns de cessolitaires, lancs par la Providence au sein de la vie commune,regrettaient vivement le calme de la solitude. A certaines heures,Julien Sabbas, n'y tenant plus, abandonnait ses moines pour aller

    1. Verha seniorum, 144; Rosweyde, ibid., libel. 3 ; P. L. LXXIII, 787-788.2. Cf. Ladeuze, op. cit., p. 165 et s.3. Rufm, Hist. monach. ,Wl, P. L., XXI, 44; Sozomne, Hist. eccL, VI, 29, P.G.,

    LXVII, 1374.4. Apophtegmata Painm, P. G., LXV, 150-154.5. Cyrille, l^ita S. Euthymii, 3 (Acta Sanct. Jan., t. II, p. 66^).6. Thodoret, Religiosa hisioria, P. G., LXXXII, 1351.7. Id., II, ibid, 1309.

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    -LES DIVERSES SORTES DE MOINES 37auprs de Carrhes^ On les trouve en Palestine''; en Cappadoce^,a Nice^, dans le voisinage de Constantinople^. Quelques femmesne craignirent pas de s'imposer la contrainte de la rclusion. On envoit Alexandrie^, Jrusalem '', en Syrie.Les uns se renfermaient dans une cellule ordinaire, parfois mmeassez spacieuse. Celle de Jean de Lycopolis se composait de troispices^^. D'autres se contentaient d'un appartement au fond del'habitation d'un ermite. Un moine, honor du diaconat, s'ouvrit un ancien du dsir qu'il avait de mener l'existence des reclus.Apercevant une chambrette drobe dans l'intrieur de sa cellule : Enferme-moi dans cet appartement, lui dit-il, comme dans untombeau, et ne le dis personne lo. Saint Antoine se retiradans un spulcre abandonn. Pierre le Galate ^^, Sisinnios ^^, etplusieurs autres se contentrent aussi d'un tombeau. Il y en eutqui s'enfermrent dans des cavernes ^^.Simon Stylite se cacha aufond d'une citerne dessche i'^. Quelques-uns, pour rendre leurexistence plus pnible encore, choisissaient des cellules troiteset basses qui ne leur permettaient ni de se tenir debout, ni des'tendre terre tout du longis. Ce fut le ,cas de Maris, dans lediocse de Cyri^, d'Eusbe, auprs de Tldan^'^, et de Marcien,dans le dsert de Chalcis. La haute taille de ce dernier lui rendaitce sjour encore plus incommodes.

    Les reclus cherchaient par-dessus tout viter les relations avecles hommes. Pour cela, ils tablissaient entre eux et le monde

    1. Sozomne, vi, 33, P. G., LXVII, 1394; Thodoret, ouv. cit., passim.2. Evagre Schol., Hist. eccles., 1. i,, 21, P. G., LXXXVl, 2479.3. Grg. Naz., Poema ad Hellenium, v., 61-62; P. G., XXXVII, 1455.4. S. J. Chrys. Epist. 221 ; P. G., LU, 733,5. yerba seniorum]Kos^yt, Vit patrum,\. m, P. L. LXXIH, 749.6. Pallade, Hist. laus., c. 5 ; P. G., XXXIV, 1015-16.7. Id., 34 (ibid., 1095).8. Thodoret, Religiosa Mstoria, 29, 30, ibid., LXXXII, 1490-1494.9. Pallade, ouv. cit., 43 ; P. G., XXXIV, 1 109-1 1 10.10. yerba seniorum,\\h. v, 26; P. L., LXXII, 880.1 1. Thodoret, Religiosa Mstoria, 9; P. G., LXXXI, 1379.12. Pallade, Hist. laus., 109; P. G., XXXIV, 12 14.13. Evagre, Hist. eccl., 1. i, 21 ; P. G., LXXXVI, 2479.14. Thodoret, ouv. cit., 26 (ibid., 1470).15. Evagre, ouv. cit., I. i, 21 ; P. G.,- LXXXVI, 2479.16. Thodoret, ouv. cit., 20; P. G., LXXXII, 143 1.17. Id.^ 4, ibid., 1342.18. Id., 3, ibid., 1326.

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    38 LES MOINES d'orientune barrire matrielle difficile franchir. Si quelques-uns se bor-naient tenir ferme la porte de leur cellule, la plupart la rempla-aient par un mur. Ils ne conservaient alors qu'une fentre, parlaquelle ils recevaient leurs aliments et pouvaient s'entretenir avecles visiteurs. Encore 'y en eut-il qui rduisirent cette ouvertureaux plus petites proportions, Acepsimas, par exemple, se conten-tait d'un trou dans sa muraille; il avait eu soin de lui donner laforme d'une ligne brise, afin de n'tre vu par personne. Salamanes,reclus dans un village sur les rives de l'Euphrate, poussa encoreplus loin l'amour de la retraite. Il recevait ses provisions de l'ext-rieur une fois l'an par un trou qu'il pratiquait sous les fondations,de la muraille. Son vque, voulant lui confrer l'ordination sacer-dotale, dut pour pntrer jusqu' lui dmolir le mur^. C'est dansle but |d'chapper compltement aux regards des hommes queSimon Stylite descendit au fond de sa citerne. Le tombeau danslequel Pierre le Galate s'enferma avait la forme d'une tour, sans lamoindre ouverture. Pour communiquer avec lui, il fallait montersur le toit l'aide d'une chelle^.Quelques reclus admettaient un compagnon dans leur cellule.Pierre le Galate, dont nous ' venons de parler, habitait avec unpossd, domm Daniel, qu'il avait guri par ses prires 3. Eusbede Tldan et son frre Agapit partageaient la rclusion de Marcien^.

    Les uns se renfermaient pour toujours ; d'autres, pour un tempsplus ou moins long. Jean de Lycopolis, qui avait quarante anslorsqu'il entra dans sa cellule, ne la quitta plus jusqu' sa rriort.Les Syriens Salamanes, Mareien, Maris, Romain, Eusbe, Limnseos,attendirent galement leur dernire heure au fond de leur retraite.Acepsimas resta soixante annes sans la moindre interruption dansla mme demeure. Le reclus Aphraates, aprs avoir occupquelque temps une cellule auprs d'Edesse, la quitta pour venir Antioche^. Symon Stylite, SisinniOs, la pnitente Thas ne rest-rent enferms que l'espace de trois ans. Il fallut les instancesimportunes d'Ammien pour dterminer Eusbe d Tldan renoncer sa rclusion perptuelle, lorsqu'il vint le prier d'ac-cepter le gouvernement d'un monastre^.

    1. Thodoret, OMi. cit., 19 (ibid., 1527-1430).2. Id., 9 (ibid., 1379).3. Ibid.4. Id., 3 (ibid., 1326); 4(1342).5. Id., 5 (ibid., 1367).6. id., 4 (ibid., 1342).

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    LES DIVERSES SORTES DE MOINES 39On ne considrait pas toujours certaines sorties comme incom-

    patibles avec la rclusion. Ainsi, Pierre le Galate sortit une foispour aller faire un miracle en faveur de la mre de Thodoret^.Acepsimas, dont la clture tait si rigoureuse, sortait cependantune fois la semaine pour renouveler sa provision d'eau. Il ne lefaisait que la nuit, et encore avait-il grand soin de se cacher dans lacrainte d'tre aperu. Un pasteur, qui veillait non loin de sa cel-lule, le voyant se glisser vers l fontaine, le prit pour un loup. Ilsaisit aussitt sa fronde et se disposa lui lancer un pierre. Maissa main fut retenue par une force invisible. 11 reconnut son erreur,quand il aperut le solitaire qui regagnait son gte. Au point dujour, il vint lui confesser sa faute et lui demander humblementrpardon. Un curieux, voulant se rendre compte de la vie qu'ilmenait au fond de sa cellule, monta sur un platane d'o sesregards pouvaient considrer le pieux reclus. Mais Dieu le punitde sa tmrit; la moiti de son corps fut prive de mouvement.Reconnaissant sa faute, il supplia le saint d'intervenir pour luiauprs du Seigneur. Acepsimas commena par faire couper l'arbrequi lui avait fourni le moyen de satisfaire sa curiosit. Aussittaprs j le coupable recouvra l'usage de ses membres^.

    Le soin que prenaient les reclus d'chapper aux regards desprofanes ne parvenait pas loigner de leurs cellules l'afifluencedes visiteurs que leur vie extraordinaire et le renom de leursvertus attiraient parfois en trs grand nombre.Romanos, qui resta longtemps dans le voisinage d'Antioche,

    entretenait volontiers ceux qui venaient lui. II exerait de lasorte un fructueux apostolat 3. Eusbe d'Asicha tait fort gnpar la foule qui venait solliciter ses prires et ses conseils. Pourl'viter il quitta sa cellule et se retira dans un monastre, o ilput avec le consentement de l'abb continuer sa rclusion^. Mar-cien, pour conserver la paix durant toute une partie de l'anne,ne permettait l'accs de sa retraite qu'aprs la fte de Pques ^Les femmes n'taient! jamais admises jouir de ce privilge. IIrefusa de faire une exception cette rgle, mme pour sa

    I, Thodoret, 19, otiv. cit., (ibid., .1387).3, Id,, 15 (ibid., 1415). Thodoret parle des visites que le reclus Pallade faisait

    Simon l'Ancien (ibid., 7, col. 1366).3. Id., n, ibid., 1394.4. Id., 18, ibid., 1426-27.5. Id., 3, ibid,, 133 1.

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    40 LES MOINES D ORIENTsuri. Jean de Lycopolis ne se montrait pas moins svre ^

    Certains visiteurs purent francliir le seuil de quelques cellulesde reclus. Marcien, quand il recevait la visite du solitaire Avit,lui ouvrait sa porte et le retenait trois jours auprs de lui^,Eusbe recevait de temps en temps un petit nombre d'amis. "^ Unmoine qu'un frre poursuivait d'une haine implacable avait mistout en uvre pour le calmer. N'ayant pu russir, il s'enfermadans une cellule de reclus. Quelque temps aprs, les anciens dela rgion entreprirent de les rconcilier et ils amenrent au reclusson ennemi. Avant d'arriver, ils le laissrent en route et vinrentfrapper la porte du solitaire pour lui signaler leur prsence. Lefrre ouvrit sa fentre et engagea conversation avec eux. Mais,lorsqu'il sut que son ennemi tait dans le voisinage, il s'armad'une hache, fit sauter sa porte et courut se jeter dans ses bras.II les conduisit tous son habitation o ils passrent trois joursensemble s.

    Thodoret, vque de Cyr, trouvait dans sa dignit et dans savive admiration pour ces serviteurs de Dieu une raison de sefaire ouvrir leurs portes. Il fut le seul qui pt pntrer auprs deLimnseos. Quand on apprenait dans la rgion l'poque des visi-tes qu'il lui faisait, les curieux affluaient de toutes parts 6. Ilvint un jour voir le reclus Maris, qui lui inspirait une tendreaffection. Le moine dboucha sa porte et reut dans ses brasl'auguste visiteur. II prouvait depuis longtemps le dsir d'assis-ter au saint sacrifice. L'vque s'empressa de lui donner satisfac-tion. Il se fit apporter les vases sacrs d'une glise voisine.Les mains de ses diacres lui tinrent lieu d'autel. Il clbra lessaints mystres et donna la communion au pieux reclus. Dans sajoie, Maris disait que jamais bonheur pareil n'avait rempli sacellule ; il lui semblait voir le ciel avec les yeux de son corps '^.

    Quelques-uns de ces grands serviteurs de Dieu, non contentsdes austrits d'une rclusion perptuelle, se condamnaient unsilence rigoureux. On leur a donn le nom 'hsychastes. Tels

    1. Thodoret, 3, ouv. cit., 1334-35.2. Rufin, Hist. mo*iach. i, P. L., XXI, 392-394.3. Thodoret, otivr. oit., 3, ibid., 1334.4. Id., 18, ibid., 1436-27.5. Verba senioriim, 94; Rosweyde, Vitce Patrum, 1. lll, P. L,, LXXlll, 777.6. Thodoret, oiivr. cit., 22, ibid., 1454.7. Id., 20, ibid., 1430-31.

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    42 LES MOINES D'ORIENTIl vint le trouver avec ses amis. Mais le moine, confident de sasolitude, leur dit qu'il tait mort. 11 tait convenu qu'il ferait cetterponse tous ceux qui se prsenteraient pour lui parler. Cesbraves gens, de retour chez eux, continurent leurs oraisons. Ilsreurent le mme avertissement et revinrent l'habitation dureclus. 'Son compagnon, voyant l une manifestation de la volontdivine, leur indiqua le lieu de sa retraite. Ils dmolirent lamuraille qui en fermait l'entre, se jetrent .ses genoux, luiexposrent ce qui se passait et le conjurrent d'carter de leurpays par son oraison la famine qui le menaait. Le reclus se ren-dit leur dsir et sa prire fut entendue i. Ailleurs, un ermitequi ngligeait depuis quelque temps les devoirs de son tat com-prit quels dangers sa paresse l'exposait. Il se renferma dansune cellule, o il passa le reste de ses. jours, rparant les. annesperdues par les larmes et la pnitence*. Philoremos de Galatieusa d'un moyen semblable pour vaincre les tentations impuresqui l'obsdaient'. Elpidios, diacre de l'glise de Csare en Pales-tine, obit un mobile diffrent. Une accusation calomnieusepesait sur lui et causait un grand scandale. Au lieu de se dfen-dre, il prit le parti d'attendre de Dieu seul sa justification. Ils'enferma dans une cellule de reclus. Le ciel exaua sa prire etbnit sa confiance. Les circonstances lui donnrent pleinementraison*.Comme la vie rmitique, la rclusion n'tait pas sans gravesinconvnients. Il fallait pour l'embrasser, et surtout pour en tirerprofit, une nergie peu commune et une me bien dtache de laterre. Aussi y avait-il se dfier des hommes qui s'y engageaientprmaturment et sans prparation suffisante. Un jeune frre,dont le nom est rest inconnu, eut la tmrit de s'enfermer dansune cellule aussitt aprs avoir revtu l'habit monastique. Lesauciens du voisinage le prirent en compassion et l'obligrent ensortir. Si tu vois un jeune homme, disait-il cette occasion,monter au ciel par sa propre volont, saisis-lui le pied et jette-lepar terre 5.

    1. S. Jean Chrys., Exhortaiio ad Theodorum lapsum, i, P. G., XLVII, 304-305-

    2. Ferba seniorum, ibid. ; Rosweyde, 1. III, P. L., LXXIII, col. 808.3. Pallade, Historia laus., 1 13. P. G., XXXIV, 1215.4. Ibid., 141, ibid., 1239-46.5. yerba seniorum, lib. X, 110-111; Rosweyde, I. V, 932.

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    LES DIVERSES SORTES DE MOINES 43L'exprience montrait, en effet, qu'il ne suffisait pas de passer

    toute sa vie entre quatre murailles pour chapper aux faiblessesde la nature humaine^ Nous en trouvons un exemple dans lacorrespondance de saint Nil. 11 eut rprimander svrement unreclus qui poussait la violence jusqu' se mettre sur le seuilde sa cellule pour frapper les frres qui venaient lui rendrevisite 1.

    *

    Plusieurs des reclus mentionns plus haut trouvaient qu'unecabane, si modeste ft-elle, tait un luxe -bien superflu pour unserviteur de Dieu. Ils fxaient pour' toujours leur demeure dansune troite enceinte, qu'ils entouraient de murs. Hiver commet, ils n'avaient d'autre toit que la vote des cieux.- On lesnomme parfois subdivales, ce qui signifie vivant la belle toile*.Marana et Cyra, nobles femmes de Berhe, dont Thodoret acrit la vie, vcurent exposes de la sorte toutes les intemp-ries \ Eusbe d'Asicha se laissait brler par les ardeurs du soleilen t et glacer par les froids de l'hiver entre ses quatre muraillesde pierre sche*. Il avait plac le lieu de sa retraite au sommetd'une montagne, comme pour s'exposer des variations de tem-prature plus grandes encore. Les Syriens avaient -une vritableprdilection pour les hauteurs. Citons Maron^, Limnaeos, Moyses,Antiochos, Antonin, Jean. Un ami, dans le but.de procurer cedernier un peu d'ombrage, planta un noisetier prs du lieu o ilse tenait. L'arbuste grandit. Le soulagement que son ombreprocurait au serviteur de Dieu lui parut incompatible avec l'exis-tence qu'il avait embrasse. 11 le fit abattre.

    Jacques, disciple de saint Maron, et contemporain de Thodo-ret, avait d'abord pass plusieurs annes reclus dans une cellule.Pour s'imposer des mortifications nouvelles, il s'en alla sur lesommet d'une haute montagne. Une tente, une simple hutte.

    1. s. Nil, 1. II, Epist. 96.. P. G., LXXIX, 243.2. Cf. Zokler, Askese und Motichtum, 251-243.3. Thodoret, Hist. tel., 29. P. G., 1490-91.4. Id., 18, ibid., 1426.5. Id., 16, ibid"., 1418.

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    44 LES MOINES d'orientmme quatre murailles sans toiture lui semblrent un abri fortinutile. Il resta donc expos toutes les imtempries, sans cessesous les yeux de la foule qui se pressait autour de sa personne.On devine toute la gne qu'il devait en ressentir. Cela luiTut parti-culirement pnible durant une maladie. Thodoret, tmoin deses souifrances, dut recourir . la ruse pour lui faire accepter unadoucissement momentan '. Le solitaire Gaddanas vcut de lamme faon sur les rives du Jourdain 2.Ces nouvelles rigueurs ne parvenaient pas toujours satisfairele besoin que ces hommes avaient de se tourmenter par des pro-cds insolites. Un moine de la Thbade, qui se nommait Jean,non content de vivre en plein air sous un rocher, se condamna rester toujours debout. Jamais on ne le vit de nuit ou de jours'asseoir ni se coucher? 11 ne s'tendait point pour prendre le peude sommeil qu'il donnait son corps. Une pareille existencerpuisa bientt. Au bout de trois ans, ses pieds affaiblis refusrentde le supporter. Cette infirmit l'aurait contraint de renoncer cegenre de vie, si Dieu ne lui et rendu la sant ^: Saint Grgoirede Nazianze, dans son pome Hellenios, parle d'un solitaire quise tenait par tous les temps debout et immobile au sommet d'unemontagne^. Il y eut en Syrie quelques-uns de ces moines station-naires. Abraam, par sa station prolonge, puisa tellement sesforces, qu'il en fut rduit ne pouvoir faire aucun mouvement^.Baradatos, trouvant la station insuffisante, se tenait les bras cons-tamment levs vers le ciel. II ne s'imposa pas tout d'un coup cenouveau genre de pnitence. II dbuta par la rclusion dans unecellule. .11 en sortit pour se faire au sommet d'un rocher voisinavec des planches mal jointes une sorte de coffre trop petit pourlui permettre de se tenir droit. Il s'y enferma durant plusieursannes dans la posture la plus incommode. L'vque d'Antioche,Thodotos, lui ordonna de mettre un terme cette mortificationextraordinaire. Ce fut alors qu'il rsolut de vivre debout et lesbras levs au ciel 6.

    1. Thodoret, oiivr. cit., 21, ibid., 1434.2. Pallade, Hist. laus., 118. P. G., XXXIV, 1214.3. Rufin, Historia monacboriim, 15. P. L., XXI, 433.4. S. Grg. Naz., Poem. ad Helleiiium, v. 70-85. P. G., XXXVII, 1453. Il en

    signale un autre qui se tenait depuis plusieurs annes debout et immobile commeune statue dans une glise, sans s'accorder le moindre sommeil.5. Thodoret, id., 17. P. G., LXXXII, 1419.6. Id., 27. P. G., LXXXII, i486.

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    46 LES MOINES d'orientgrand nombre d'imitateurs, qui se sont succd en Orient jusquevers le Moyen-Age ".

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    La Syrie et la Msopotamie, berceau des stylites, patrie d'ungrand nombre de reclus, de subdivales et de moines stationnaires,virent pendant la priode qui nous occupe plusieurs innovationsmonastiques. La plus importante est celle d'Alexandre (f 430),fondateur des acmtes . Cnobite d'abord, puis anachorte,et enfin prdicateur de l'vangile au milieu des paens, Alexandregroupa des convertis et des moines pour former une commu-naut religieuse. On la vit tantt fixe sur un point, tantt errante travers l'Orient sous la conduite de son chef. Elle se transporta Constantinople. Les uns l'accueillirent avec enthousiasme, lesautres virent de fort mauvais il cette institution, qu'ils confon-daient avec la secte des massaliens. On trouve un cho de cessentiments sous la plume de saint Nil : Cette application conti-nuelle aux choses divines imagine par Adelphie de Msopotamieet par Alexandre, qui souilla de ses enseignements la ville deConstantinople, ouvre la porte une paresse coupable. Us feignentde donner tout leur temps la prire, et ils ne fournissent pas des jeunes gens et de nouveaux convertis, qui en ont un pres-sant besoin, le moyen de dompter leurs passions par le travail ^.

    Chass de Constantinople, mal reu Antioche, Alexandre con-tinua toujours avec son monastre le mme genre de vie. Largle qu'il lui avait donne reut sa forme dfinitive, sous sonsuccesseur l'abb Jean, dans le monastre de Gomon, en Bithy-

    1. Evagre, Hist. eccL, 1. I, 13. P. G., LXXXVI, 2454-60.2. S. Nil, mort en 430, sept ans aprs que Simon fut mont sur sa premire

    colonne, crivit un stylite du nom de Nicander (1. Il, ep. 1 14-1 15. P. G., LXXIX,250). Tillemont rvoque en doute cette lettre pour ce seul motif : si elle tait au-thentique, il y aurait eu un stylite avant Simon. Mais n'a-t-elle pas t criteentre 423 et 430 ? De plus, le seul tmoignage de Thodoret suffit-il pour nierl'existence des stylites avant 423 ? Cet historien, videmment bien renseign sur cequi se passait en Syrie, connaissait-il toutes les diverses manifestations de la viemonastique en Orient II aurait bien pu exister dans quelque solitude de l'Egypteou de la presqu'le du Sina un moine vivant sur une colonne, connu de saint Nilet ignor par Thodoret.

    3. S, Nil, De voluntaria pauperiate, P. G., LXXIX, 998.

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    48 LES MOINES d'orientles chrissent au point de ne plus vouloir les quitter. Ils n'ontd'autre table que. la terre et les rochers qu'ils foulent aux pieds.Les herbes sauvages suffisent leur repas du matin et du soir.L'eau des rivires leur procure un breuvage dlicieux ; leur vincoule des rochers. Ils n'ont d'autre glise que leur bouche, danslaquelle leur langue clbre la louange divine. Durant les douzeheures de la journe, leur prire est ininterrompue. Leurs orai-sons remdient nos infirmits. Ils sont nos intercesseurs infati-gables.

    Lorsque la fatigue les saisit dans leurs courses travers lesmontagnes, ils croient se mnager une grande jouissance, en s'-tendant sur la terre nue. Au/Vsitt aprs leur rveil, ils se lventet leur voix retentit comme une trompette pour chanter et cl-brer Jsus-Christ. Les anges les accompagnent sans cesse pourles ga:rder et les protger. Ils passent la nuit au lieu d'o ils voientle soleil se coucher... L'endroit o ils terminent leurs jenes avecleur existence est celui de leur spulture i.

    Les Msopotamiens ne furent pas seuls mener cette vieerrante et mortifie. Postumianus affirme qu'il y avait en Th-bade des anachortes qui vivaient sans rsidence fixe, dans lacrainte que les hommes ne vinssent les visiter. Ils prenaient gteen plein air au lieu mme o la nuit venait les surprendre.Deux moines de Nitrie en rencontrrent un dans le dsert deMemphis. 11 vivait de la sorte depuis une douzaine d'annes ^

    Cette existence extraordinaire sduisait quelques esprits avidesde tout ce .qui sort de la voie commune. Plusieurs abandonnaientleurs cellules pour s'enfoncer dans le dsert et mener la vie desmoines pasteurs . Ils n'avaient pas les forces suffisantes poursupporter un rgime aussi pnible. Quelques-uns moururent defaim, de soif ou de froid : d'autres furent contraints de revenir leur monastre chercher un soulagement aux douloureuses infir-mits qu'ils avaient contractes dans la solitude \

    11 y eut en Orient un genre de vie monastique beaucoup, plusextraordinaire encore. Il fit son apparition durant la priode quinous occupe. Ses adeptes, mus par un sentiment d'humilit pro-

    1. Ephrem, Sermo III in Paires defunctos, op. gr., t. I, 175-180, passim.2. Sulpitii Severi Dial., I, p, 167.3. S. Ephrem, Epist. II adjoannem, op. gr., t. 11, 187-188. Cf. Tillemont, VIII,

    292-294.

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    LES DIVERSES SORTES DE MOINES 49fonde, contrefaisaient la folie K L'abb Or semble inviter l'un deses disciples pousser jusque-l le mpris du monde. Eloigne-toi par la fuite de la socit des hommes, disait-il ; moque-toi dumonde et de ceux qui suivent ses maximes, en te montrant fousur plusieurs points ^

    Il y eut Tabenne une moniale que tout le monde prenaitpour une folle. Ses compagnes ne lui mnageaient gure les mau-vais traitements. Jamais cependant elle ne laissa chapper uneparole d'impatience, donnant tous les plus beaux exemplesd'humilit et de charit. Aussi arriva-t-elle une minente sain-tet ^

    Ce n'est l qu'un fait isol. Mais dans le sicle suivant on viten Palestine plusieurs moines qui contrefaisaient la folie. C'taiten rgle gnrale des hommes avancs en ge et d'une vertuconsomme. Ils donnaient l'oraison un temps considrable etaimaient soigner les infirmes et les plerins. L'austrit de leurvie leur conciliait l'estime gnrale. L'historien Evagre, qui lestenait en grande vnration, remarque qu'ils n'taient pas nom-breux ^.

    # m

    Les genres de vie monastique que nous venons d'exposeftaient gnralement professs par des hommes anims du dsirsincre d'tre agrables Dieu. Ils ont fait l'dification des chr-^tiens, et beaucoup parmi eux ont pratiqu des vertus hroques;Mais l fcondit religieuse de l'Orient n put s'arrter l. On vit,en effet, surgir dans ces rgions d'autres espces de moines quimenaient une existence beaucoup moins honorable. Les uns sebornaient dshonorer par leur vie scandaleuse l'habit dont ilstaient revtus. D'autres allaient plus loin ; leur vtement et leurspratiques religieuses couvraient comme d'un voile ds erreursgrossires, contre lesquelles l'Eglise fut oblige de svir.

    1. Zockler^ Ashese und Monchlum, 251-252 ; Kovalewsky, La folie pour leChrist, Moscou, 1895.

    2. pophtegmata Patrum. P. G., LXV, 439.3. Pallade, Hisloria lausiaca, 41-42. P. G.> XXXIV, 1104.4. Evagre, Hist. ecdes., 1. I, 21. P. G., LXXXVI, 2478-83.

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    50 LES MOINES D'ORIENTLes gyrovagues, ou moines vagabonds, taient pour la plupartdes ermites dgots par les austrits de la solitude et de la

    vertu. Souvent ils avaient commenc par vivre dans un monas-tre. Cnobites sans nergie, ils s'taient imagin que le secretdu dsert rendrait plus facile le travail de leur sanctification. Ilsn'avaient pas tard sentir peser lourdement sur leurs mes lesilence et l'isolement de la solitude. La paresse et l'ennui leurrendaient insupportable le sjour prolong dans une cellule. Peu peu ils se rapprochaient des pays habits et ils changeaient fr-quemment de demeure. Leur temps se passait en visites inutiles.L'amour des voyages finissait par s'emparer d'eux, tel pointqu'ils ne pouvaient plus rester en place. Saint Isidore de Plusels comparait au livre, qui n'a pas de gte dtermin et qui s'enva o le porte le caprice du moment i. Du dsert ils passaient la ville, continuant toujours leur vie errante. Ils donnaient leurvagabondage les prtextes les plus spcieux. Tout en eux pouvaittromper les fidles. Leur tenue extrieure et leur langage sem-blaient dclarer une humilit profonde et une grande mortifi-cation.

    L'abb Sarapion reut la visite de l'un de ces coureurs. Il l'in-vita, comme c'tait l'usage, commencer la rcitation des prires.Ses instances furent vaines. Le gyrovague protestait toujours deson indignit. Impossible de lui faire accepter le sige que lessolitaires rservaient pour leurs htes ; jamais il ne voulut con-sentir se laisser laver les pieds. Sarapion reconnut ces exag-rations ridicules l'esprit qui animait son visiteur. Il lui conseillacharitablement avec toute la douceur possible de mettre un terme ce vagabondage. Jeune et robuste comme il l'tait, le sjour dela cellule et l'assiduit au travail lui seraient certainement beau-coup plus avantageux. Cette leon si juste et si discrte suffitpour faire s'vanouir tous ces beaux dehors d'humilit 2.Le dsir d'augmenter leurs connaissances sur la vie ispirituelletait le prtexte que les gyrovagues mettaient d'ordinaire en avantpour justifier leurs courses incessantes. Mais personne ne se fai-sait illusion. Cassien les traite de paresseux, qui se proccupentavant tout de leur nourriture". C'est une table mieux servie

    1. s. Isidore Pl., 1. 1, Episl. 41. P. G., LXXIII, 207; S. Nil, 1. II, Epist. 56.P. G., LXXIX, 223 ; cf. Cassien, Conlat., XVWl, 8, p. 516-517.

    2. Cassien, Conat'.,yM\\\, 517-519.3. Cassien, /s^z/i^., I. X, p. 177.

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    LES DIVERSES SORTES DE MOINES 5 Ique tu cherches, crivait saint Isidore da Pluse au moine vaga-bond Philippe, plutt qu'un enseignement plus fort et plus lev *. Ils ne reculaient devant aucune platitude pour satisfaire leur gour-mandise. On les voyait, comme de vulgaires parasites % assigerles portes des riches. Le relchement qui pntra dans un tropgrand nombre de solitudes monastiques ' avant le milieu duV sicle favorisa beaucoup le dveloppement de ce vagabondage,malgr les efforts de plusieurs saints moines. Saint Nil, en parti-culier, ne manqua jamais une occasion de ragir contre cet abus ^Ces faux moines, qui inondaient les villes, petites et grandes,mendiant un bon repas, dshonoraient, pensait-il, aux yeux d'ungrand nombre, la profession monastique, si respecte jusque-l.C'tait dplorable 4.

    Depuis longtemps dj, les vrais religieux manifestaient bienhaut la rpulsion que leur inspiraient tous ces hypocrites. L'abbIsae interdisait aux frres toute relation avec eux, pour les mettre l'abri de leur influence contagieuse s. Les Constitutions monas-tiques recommandaient expressment de les fuir. Ces mis-rables, disent-elles, cherchent perdre les autres. Il faut mmeles traiter ignominieusement, dans l'espoir que, ne trouvant nullepart ce qu'ils cherchent, ils finiront par revenir une vie meil-leure 6. On ne reculait pas toujours devant cette manire d'agirau V'' sicle. Mais cqs malheureux taient ingurissables. On lesinjuriait, on les chassait honteusement des villes. Rien n'y fai-saif^.

    Chose curieuse ! on trouve parmi ces gyrovagues un hommedigne d'une grande vnration, un vrai saint ; c'est le moine Sera-pion, dont Pallade raconte la vie extraordinaire. Il ne voulut sefixer dans aucune rgion. A l'exemple des Aptres, qui parcou-rurent le monde, il se mit voyager, en pratiquant une pauvret

    1. S. Isidore, 1. I, Epist. 41. P. G. LXXVIII, 207 ; cf. I. I, Epist. 173, col. 295;Epist. 314, col. ^6^.

    2. S. Nil, De monaslica exercitalioiie, c. viii. P. G., LXXIX, col. 727.3. S. Nil, 1. 1, Epist. 292, col. 190; Epist. 295, c. 190-191 ; 1. Il, Epist. 56, col.223 ; Epist. 62, c. 227; 71, 72, 231 ; 116, 251 ; 136, 258 ; 1. III, Epist. 152,454.S. Isidore, 1. m, Ep. 173. P. G., LXXVIII, col. 295; Epist. 314,363 ; Ep. 41,207.4-Id., 1. III, Epist. 119, ibid., col. 438.

    , 5. Isaice oratio IIL P. G., XL, 1 1 10.6. Constilutiones monasticce, c. viii. P. G., XXl, 1367-70.7. S. Nil, De monastica exercitatione, c. ix, ibid., col. 730.

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    52 LES MOINES d'orientrigoureuse. On le vit Atlines, Rome, Alexandrie, difiantceux qui conversaient avec lui par l'clat de ses vertus et par sondtachement des biens de la terre i.

    Les sarabates ne valaient gure mieux que les gyrovagues. Ilstaient tout aussi nombreux. On les rencontrait dans les villes etles