Bestiaire médiéval – Miniatures tricotées

C'est en découvrant l'univers magnifique et fascinant des bestiaires et autres « livres de bêtes » que l'envie m'est venue de tricoter et de réinterpréter cette imagerie traditionnelle. Ce bestiaire tricoté est un témoignage du travail minutieux et incroyablement moderne des enlumineurs et un hommage au talent, souvent très méconnu, des tricoteurs du moyen-âge.

Pour réaliser ces miniatures je me suis basée sur le livre de Michel Pastoureau, Bestiaires du Moyen-Âge aux Editions du Seuil. Toutes les remarques sur les animaux sont des citations de son ouvrage.

Les miniatures sont tricotées à la main avec du fil de lin, des cordelettes de soie et parfois du fil fantaisie. Les contours des animaux ont été rebrodés. Chaque pièce est doublée d'une toile de lin enduit.

En plus du jersey et du jacquard différentes techniques de tricot ont été utilisées afin de donner du relief ou de créer des détails : – torsades diverses : bordure de la souris et du serpent– torsade en diagonale : la corne de la licorne– point de tissage : bordure de l'aspic– noppes : les pommes du hérisson, les « pustules » de la taupe– point de fourrure : la crinière du lion– feuilles en relief : bordure du hérisson

La réalisation d'une miniature se fait en plusieurs étapes :– créer la grille du motif– tricoter la pièce centrale– nouer les multiples fils sur l'arrière du travail– tricoter la bordure– broder les contours de l'animal– coudre la doublure

Les treize miniatures présentées ici sont le début d'un travail et d'une recherche autour de ce thème et mon bestiaire tricoté est amené à s'agrandir au fil du temps.

J'aime ce travail long et minutieux (entre 15h00 et 40h00 de travail selon les pièces). Ainsi que la part de surprise et d'aléatoire qu'il comporte, un peu comme une tapisserie qui ne se révèle qu'à la tombée du métier : au départ du tricot je ne sais absolument pas à quoi ressemblera le résultat et s'il sera réussi ou non.

La frontière est floue qui distingue dans les images médiévales les dragons des serpents. En principe les premiers ont des pattes tandis que les seconds n'en ont pas. Mais les lézards, autres « cousins » des serpents, en sont pourvus, et toutes les confusions sont possibles.

Serpents et lézards (vers 1270-1275)

L'aspic est un serpent redoutable, comme tous les serpents, mais son venin endort plus qu'il ne tue : l'homme ou la femme qui a été mordu par l'aspic tombe dans un profond sommeil et ne se réveille plus.C'est un grand serpent qui possède dans la tête une pierre merveilleuse : l'escarboucle. Pour s'en emparer le chasseur cherche à le charmer puis à l'endormir en jouant de la musique. Afin de lui échapper, l'aspic se bouche les oreilles : l'une plaquée au sol, l'autre obstruée avec l'extrémité de sa queue.

Aspic obstruant ses oreilles (vers 1240)

Chat guettant une proie (vers 1300-1320)

Souris (vers 1240)

Jusqu'au XIVe siècle le chat reste un animal dont on se méfie, surtout si sa robe est noire, rousse, rayée ou tachetée. Bestiaires et encyclopédies prêtent aux chats des savoirs de nécromants et de sorciers. Il connaît l'avenir, mais ne dit rien ; c'est un hypocrite. Il a en outre la propriété de voir la nuit, ce qui est le propre des créatures infernales.Il faut attendre la fin du Moyen-Âge pour que ceux-ci deviennent les animaux familiers que nous connaissons.Les imagiers ont parfois du mal à distinguer le chat du singe ou de l'écureuil. Un attribut récurrent permet alors de reconnaître le chat à coup sûr : la souris. Cette dernière, petit quadrupède plus ou moins informe, s'identifie grâce à un attribut qui lui est propre : le fromage. Dans l'image médiévale les attributs fonctionnent donc en chaîne.

Le hérisson des bestiaires n'est pas le gentil petit animal fragile de nos livres pour enfants. C'est un voleur et un avaricieux, qui profite de la nuit pour s'emparer de pommes ou de raisins qu'il transporte jusqu'à son terrier grâce à ses piquants. Hérisson (vers 1300-1320)

Le dragon , qui pour la culture médiévale est un animal réel, est le plus grand des serpents. Il marche, rampe, vole et nage, et de ce fait il appartient aux trois mondes : terrestre, céleste et aquatique.C'est une espèce prolifique et diverse. Il existe des dragons à deux pattes, à quatre pattes, avec ailes, sans ailes, à une seule tête, à plusieurs têtes, avec cornes, sans cornes. Sur la couleur des dragons les bestiaires ne s'accordent pas. Certains le voient jaune ; d'autres, vert ; d'autres, encore plus nombreux, jaune et vert. Mais beaucoup précisent qu'il peut, comme le caméléon, changer de couleur à volonté, ou bien revêtir les couleurs de l'arc-en-ciel. Dragons (vers 1470)

Dragon (vers 1255-1265)

Les quadrupèdes sauvages (vers 1400) →

Le lionTous les bestiaires s'accordent pour faire du lion le plus fort de tous les animaux terrestres. Il est très fortement doté d'une dimension christologique et toutes ses propriétés sont en relation avec le Christ et la religion chrétienne.

La panthèreLa panthère est un être admirable, doux, bienveillant. La panthère des bestiaires n'a pas vraiment de rapport avec l'animal que nous connaissons : c'est un fauve aux propriétés merveilleuses, qui représente le Christ également.Son pelage est fait de différentes couleurs, le plus souvent sept, chiffre de la perfection au Moyen-Âge. Il peut être rayé, tacheté, parsemé d'étoiles ou de petits cerclesLa panthère exhale une odeur si suave qu'elle attire à elles tous les animaux.

La licorneLa description que proposent les bestiaires de cet animal merveilleux varie beaucoup. C'est un animal hybride, qui emprunte les différentes parties de son corps à d'autres animaux. Par contre elle seule possède au milieu du front une corne rectiligne, très brillante et très longue. Cette corne a pour vertu principale d'éloigner les démons et de purifier tout ce qu'elle touche

Le chameauLe chameau est un animal souvent pris en bonne part dans les bestiaires : il est sobre, travailleur, obéissant, respectueux. S'il découvre une source il laisse son maître boire avant lui.Son seul défaut est sa laideur : tête de bouc, dos bossu et pattes trop grêles.

Le monde des vers est très disparate. On y trouve toutes les larves et la vermine, mais aussi un grand nombre d'insectes (notion qui n'émergera clairement qu'au XVIe siècle), les batraciens, les gastéropodes, certains mollusques et crustacés et quelques petits rongeurs.

Dans le système médiéval des cinq sens la taupe est l'attribut de l'ouïe.

Taupe (vers 1195-1200)