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1 Droit civil des biens – Automne 2004 Droit civil des biens – Automne 2004 Professeure: Yaëll Emerich Professeure: Yaëll Emerich Notes: Laurence Bich-Carrière Notes: Laurence Bich-Carrière A. I A. I NTRODUCTION NTRODUCTION AU AU DROIT DROIT CIVIL CIVIL DES DES BIENS BIENS. I. Introduction au droit civil des biens. I. Introduction au droit civil des biens. Tableau 1– Qu'est-ce qu'un bien? Monde physique Monde juridique Chose (toute manifes- tation du monde physique sauf la personne) Bien Valeur monétaire (prix en fonction de l'utilité et de la rareté) Commerciabilité (objet d'échange? «actes de disposition»?) Nota – La valeur d'un bien, c'est le droit qu'on a sur ce bien, d'où l'équivalence entre bien et droit. NOTION TRADITIONNELLE NOTION EN QUESTION 1. B ≠ pers. (objet de droit ≠ sujet de droit, donc titulaire de droits et d'obligations 1, 301 CcQ) 2. B = chose (matérielle) notion d'appropriation 1. B ≈ pers. a. Corps humain b. Animal 2. B ≠ chose matérielle B corporels (CcQ 899) 1. La personne et le bien a. La réification du corps humain [R. 53-54] Depuis l'abolition de l'esclavage, le corps humain ne peut être réifié (chosifié, de res, la chose). Aujourd'hui cependant surgit, avec la commercialisation des parties 1 de ce corps humain, cette question: la personne est-elle dissociable de son LBC 220610 02.18- –1– (par la possibili d'appro- priation, elle devient) Chirographaire, irréfragable, emphytéose, exhaussement, réification, vente à réméré: tant de mots aux sonorités exotiques et inconnues. Mais pas pour longtemps, foi de cours de biens.

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droit de biens

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Droit civil des biens – Automne 2004Droit civil des biens – Automne 2004Professeure: Yaëll EmerichProfesseure: Yaëll Emerich

Notes: Laurence Bich-CarrièreNotes: Laurence Bich-Carrière

A. IA. INTRODUCTIONNTRODUCTION AUAU DROITDROIT CIVILCIVIL DESDES BIENSBIENS..I. Introduction au droit civil des biens.I. Introduction au droit civil des biens.

Tableau 1– Qu'est-ce qu'un bien?Monde physiqueMonde juridique

Chose(toute manifes-tation du monde physique sauf la personne)

Bien Valeur monétaire (prix en fonction de l'utilité et de la rareté) Commerciabilité (objet d'échange? «actes de disposition»?) Nota – La valeur d'un bien, c'est le droit qu'on a sur ce bien, d'où

l'équivalence entre bien et droit. NOTION TRADITIONNELLE NOTION EN QUESTION

1. B ≠ pers. (objet de droit ≠ sujet de droit, donc titulaire de droits et d'obligations 1, 301 CcQ)

2. B = chose (matérielle) notion d'appropriation

1. B ≈ pers.a. Corps humainb. Animal

2. B ≠ chose matérielle B corporels (CcQ 899)

1. La personne et le biena. La réification du corps humain [R. 53-54]

Depuis l'abolition de l'esclavage, le corps humain ne peut être réifié (chosifié, de res, la chose). Aujourd'hui cependant surgit, avec la commercialisation des parties1 de ce corps humain, cette question: la personne est-elle dissociable de son corps?

Le bien n'est pas une personne, laquelle a doit à l'inviolabilité (3 à 10 C.c.Q.), puis à l'intégrité (consentement, 22 C.c.Q.) même s'il existe une forme de réification (19 CcQ sur l'aliénation, 25 C.c.Q sur la monétarisation.).

Chez Descartes, le corps est une machine et l'homme, c'est la raison. Le doyen Cornu défend que le corps, c'est l'être et l'avoir, qu'il faut protéger son esprit et son corps (visible) et que, conséquemment, la protection de la personne doit se faire par la protection de son corps. De là les principes d'inviolabilité, d'intégrité et d'incessibilité des droits d'une personne sur son corps – 26 à 30 C.c.Q. sur les évaluations psychiatriques.

Notons au passage que le statut d'un cadavre s'approche de celui d'un bien, quoiqu'on lui accorde une forme de protection en vertu de sa dignité humaine antérieure.

Certaines choses ne sont pas des biens (ex. la lune, les cimetières) et certains bien ne sont pas des choses (les biens incorporels). De là la double définition, le bien, c'est la chose matérielle et les biens incorporels (patrimoine).

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(par la possibilité d'appro-

priation, elle devient)

Chirographaire, irréfragable, emphytéose, exhaussement, réification, vente à réméré: tant de mots aux sonorités exotiques

et inconnues. Mais pas pour longtemps, foi de cours de biens.

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b. l'animal. Descarte différencie l'homme des machines (auxquelles les animaux sont assimilés) par

le langage (qui traduit l'âme, la raison) et le Code civil accepte2: à l'article 905, il est stipulé qu'un animal domestique est un bien meuble et, en 934, qu'un animal sauvage est un bien sans maître (donc, potentiellement appropriable). Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'un bien puisqu'il a ou peut avoir un maître (1466 C.c.Q. sur les dégâts) 3.Finalement, notons que le bien perdu demeure le bien de son propriétaire (notion d'épave – lien p.24)

2. L'immatériel. «899. Les biens, tant corporels qu'incorporels, se divisent en meubles et immeubles.»

Sont donc des biens les créances (partie «active» de la dette), la clientèle (actif d'une entreprise), le droit d'auteur (propriété intellectuelle) et, dans une certaine mesure, la valeur économique d'un savoir-faire. Lien bien corporels et incorporels, p. 22

1. 2. Premières vues sur le droit des biens. 1. 2. 1. Généralités 1. 2. 1. 1. La propriété

Le droit des biens s'occupe principalement des relations entre les biens et les personnes, sous diverses formes (911 CcQ). La plus absolue de ces relations est la propriété, un rapport de fait, de possession ou de détention. Existent aussi le cas particulier de la fiducie (ou toute autre administration des biens d'autrui) et divers des démembrements (947 al.2), selon la théorie classique, la propriété se décomposant comme suit:

Propriété = usus (utiliser) + fructus (jouir, récolter) + abusus (pouvoir de disposer). Lien La propriété civiliste, p. 33

1. 2. 1. 2. La personne

Droit objectif: ensemble des règles qui régissent la vie en société4

Droit subjectif: prérogative juridique que le titulaire exerce dans son propre intérêt, il se subdivise en droit patrimoniaux et extra-patrimoniaux ou en droits réels (propriété et ses démembrements, rapports directs aux biens) et droits personnels (ou droits de créances, obligations entre les personnes).

1NOTES – C'est dans les commentaires impertinentes des notes infrapaginales qu'on reconnaît une auteure qui s'éclate. ? C'est d'ailleurs très probablement la raison pour laquelle les cliniques de sang sont gratuites et sur une base volontaire ici alors qu'aux États-Unis, les donneurs sont rémunérés.

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Personne

Personne de droit privéPersonne de droit public

ÉtatPersonne physique (1,2 C.c.Q.) Personne morale (301, 302 C.c.Q.)

–2–

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1. 2. 2. Lien entre le droit des biens et les autres branches du droit1. 2. 2. 1. Droit des biens et droit de la famille.

Le droit des biens est un droit patrimonial. Il est à différencier du droit des personnes, extrapatrimonial, ou du droit de la famille, lequel n'est certes pas exempt des sinistres questionnements pécuniaires (ex. les régimes matrimoniaux). Au contraire, le droit des biens a parfois des préoccupations subjectives (ex. garder un patrimoine immobilier). Encore ici, il n'y a pas de césure absolue, il existe des ponts entre les différentes catégories de droit.

1. 2. 2. 2. Droit des biens et droits des obligationsDans l'obligation, l'intérêt est porté à l'aspect passif de l'obligation. Dans le droit des biens,

c'est l'actif qui est sujet d'intérêt. Ex. la créance en tant que valeur patrimoniale.

1. 2. 3. Source du droit des biens. 1. 2. 3. 1. Un peu d'histoire

Avant le C.c.Q., avant le C.c.B.C., il y avait au «Québec», et depuis un édit de 1664, la coutume de Paris (celle-là parce qu'elle était la plus codifiée et parce que chacun des colons avait apporté dans ses bagages la coutume de son pays d'origine).

Après la conquête, l'Acte de Québec de 1774 permet à la province de Québec de conserver son droit privé d'origine français. Malgré quelques modifications au 19e siècle, le droit anglais s'installe surtout dans le droit public (constitutionnel, administratif, processuel), mais le droit des biens reste sous la coutume de paris. En 1854, c'est l'abolition du régime seigneurial et donc, l'entrée en jeu d'une vision plus individualiste de la propriété. En 1866, entrée en vigueur du C.c.B.C., largement influencé par le Code Napoléon, réformé entre 1955 et 1960 et refondu en C.c.Q. pour le 18 décembre 1991 (entrée en vigueur le 1er janvier 19945).

1. 2. 3. 2. Passage du droit objet au droit sujet.

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PERSONNE

Droit subjectif Pouvoir

Droits patrimoniauxLien p. 4

Droits extrapatrimoniaux

Intégrité, image, vie (3 C.c.Q.)Lien

Fiducie(administration des biens

d'autrui dans l'intérêt d'autrui)Droits réels

LienDroits

personnelsLienPropriété

Lien

(prototype du dr (prototype du droit réel)

Possession

Démembrements de la propriété:

Usage LienUsufruit LienServitude Lien

EmphytéoseAutre

Modalités:Propriété in/divise, CopropriétéMitoyennetéetc.

–3–

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4

PATAULT (Anne-Marie), Introduction historique du droit des biens (Paris, PUF, 1989) aux paras. 114 à 127. [R. 15]

DROIT ROMAIN6

DROIT MÉDIÉVAL

DROIT ROMAIN

-7e ou -5e à +5e siècles 12e siècle 14e au 16e sièclesConception exclusive de la propriété, du dominium, plena in re potestas, maîtrise pleine et entière de la chose.

Propriété simultanée, multiplication, superposition des propriétés, du pouvoir sur la même terre (par le truchement du système féodal)

Retour à une conception exclusive de la propriété.

Naturedonne des

BiensQue le droit répartit entre les

Hommes

Dieu est mon droitIl crée les

BiensIl les répartit entre les

Hommes

Les Hommes Fondent la juste répartition des

Biens7

PATAULT (Anne-Marie), Introduction historique du droit des biens (Paris, PUF, 1989) aux paras. 114 à 127. [R. 15] Détection du *concept* de jus disponendi: libre disposition de la matière (jus fruendi), libre

disposition de la terre («du ciel à l'enfer») et liberté individuelle. . Le droit naturel moderne date du 17e siècle. C'est le droit de Grossus, Bübendorf, c'est la

subjectivation du droit. À la fin du 18e, la propriété est exclusive et le droit est définitivement passé d'objectif à subjectif.

Naissance et séparation des droits réels et des droits personnels: c'est la déformation des *concepts* du droit romain par rapport aux réalités du Moyen-Âge (certains actions deviennent ainsi de droits).

c. Sources de droit: coutumes, loi, Codes, jurisprudence, doctrines (source indirecte).

II. Le patrimoine: notion et théories.II. Le patrimoine: notion et théories.LE PATRIMOINE

1. LA NOTION DE PATRIMOINE: «Toute personne est titulaire d'un patrimoine (2 CcQ, al.1»1. 1. Définition: Ensemble de biens et d'obligations à caractère pécuniaire envisagé comme formant une universalité de droit (lien, p. 5)

[R. 25 à 38] Biens d'une personne ou d'une famille (définition du 19e siècle, non reconnue par le C.c.Q., mais répandue en doctrine).

Ensemble des biens et des obligations d'une personne, envisagé comme une universalité de droit, i.e. un tout, une unité juridique (Carbonnier).

3. 1. Critères de distinction: droits patrimoniaux et extra-patrimoniauxDroits patrimoniaux Droits extra-patrimoniaux

Critères de distinction

o Évaluation en argento Dans le patrimoine

o Non évaluable en argento Hors du patrimoine

Conséquences juridiques.

o Cessible entre vifso Transmissibles à cause de

morto Saisissables (2466CcQ)o Prescription acquisitive

possible

o Incessible entre vifs (3 CcQ al.2, SOQUIA c. Libman [R. 61])

o Intransmissibles (exc. Torrito c. Fondation Lise T. [R. 64])

o Insaisissableso Imprescriptibles

Exemples o Droit d'action en justifo Créanceso Dettes

o Droits de la personnalité (dignité, image, honneur, 3 CcQ al. 1 constitue une liste non limitative), droit à la vie, au respect du nom (55 CcQ, Malo c.

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o Bienso Valeurs pécuniaire

Laoun [R. 67]), etc. o Droits publics et politiques (ex. droit de vote)o Droits parentaux (autorité parentale).o Droit au secret professionnel (Laprairie

Shopping Centre Ltd. (Syndic de) v. Pearl [R. 56])

3. 2. Limites de la distinction.3. 2. 1. Intransmissibilité du secret professionnel: Laprairie Shopping Center Ltd. [R.56]

3. 2. 2. Droit d'une personne morale à la vie privée. SOQUIA c. Libman. [R. 61]

3. 2. 3. Le droit à l'image et à la vie privée3. 2. 3. 1. Est-il transmissible?

Généralement non, mais on ne va pas admettre que le droit extrapatrimonial d'une morte puisse être bafoué sous le couvert qu'il est incessible quand même… Torrito c. Fondation Lise T. [R. 64]

3. 2. 3. 2. Est-il monnayable? Laoun c. Malo. [R. 67]Il est possible qu'une part de la vie privée soit monnayable (exemple, droit sur le droit

à l'image), les tribunaux reconnaissent que cette situation est possible. L'image peut avoir une valeur même si le principe et la protection de la personne en font quelque chose d'incessible: lorsque Malo a permis une première utilisation de son image (le consentement permet d'oublier «l'extra-patrimonialité» de ce qui est monnayé), elle exerçait son droit à l'image. Lorsque Laoun l'a utilisé une seconde fois, il a tenté.

Limite: patrimonialisation (degré de la patrimonialité) de l'extrapatrimonial (en cas de violation, surtout, on peut mettre une valeur (et même, une transmission aux héritiers par CcQ 1610 al.2) mécanisme de base de la responsabilité civile).

1. 2. Le patrimoine: universalité de droit1. 2. 4. Actif et passif

Notons qu'il existe des obligations qui ne se retrouveraient pas au passif. Par exemple, les obligations morales ou les obligations naturelles (entraide entre frère et sœur, plus exactement, l'entraide parent-enfant étant prescrite par la loi, 88, 218 C.c.Q.).

1. 2. 1. Le patrimoine se limite-t-il à la somme de l'actif et du passif8?Non! En effet, aux biens (les droits à caractère pécuniaire) et aux dettes (les obligations)

s'ajoutent un contenant, si l'on puis dire (rendu par «l'universalité juridique»), soit la capacité d'acquérir de nouveaux biens: même s'il n'a ni bien ni dette, un individu peut toujours et en tout temps se constituer un patrimoine et ce parce que le patrimoine implique donc les biens futurs: «masse globale des biens qui va évoluer dans le temps» (notion dynamique).

1. 2. 2. L'actif répond du passif (il existe un lien entre biens et obligations):

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Actif PassifBiens ObligationsDroits CréancesValeur pécuniaire Dettes

Patrimoine(œuf)

Droits extrapatrimoniaux (hors-œuf)

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C'est la source du crédit –il existe des biens pour repayer la dette– et le but premier de l'universalité des droits: si les obligations étaient séparées des biens, les créanciers ne pourraient se servir de l'actif pour rembourser le passif. L'actif est donc évaluable en argent et cessible entre vifs. (2645 C.c.Q. – responsabilité de l'individu sur ses biens présents et à venir).

1. 2. 3. La subrogation réelle: mécanisme juridique par lequel tout bien du patrimoine d'un individu qui est aliéné (vendu, p.ex.) peut être remplacé par un autre bien. Les composantes peuvent changer, l'universalité de droit demeure.

1. 3. 3. Opposition: l'universalité de fait. Ici, l'actif ne répond pas du passif. Les livres d'une bibliothèque ou les chèvres d'un

troupeau pourraient être des exemples: ce sont des ensembles sans passif, des biens point à la ligne9.

2. CONCEPTION DOCTRINALES DU PATRIMOINE

2. 1. Conceptions classiques2. 1. 1. Aubry et Rau [R. 25]

Théoriciens du 19e siècle, s'inspirent de l'Allemand Zacharie pour créer leur propre théorie, plus sévère. Chez eux, le patrimoine est un et indivisible, c'est une notion émanant de la personne, une projection de celle-ci, donc:

Toute personne a un patrimoine Seule les personnes ont un patrimoine Il ne peut y avoir qu'un patrimoine par personne (la personne est indivisible, il

devrait en aller de même pour son patrimoine). Ensemble de bien formant une universalité de droit (Aubry-Rau).

2. 1. 2. Ghestin et Goubeaux [R. 29] Introduction de la notion de patrimoine-contenant10 qui est un et intransmissible entre

vifs (on peut céder les biens, pas le patrimoine). Ensemble de droits et de charges actuelles et futures dans lesquelles les droits

répondent des obligations (Delaury-Goubeau).

2. 1. 3. Conclusions sur ces théories classiques. Facilité du crédit, mais difficultés des affaires (personnes morales, possibilité de

constituer des patrimoines extra personnels, etc.)

2. 2. Conceptions modernes ou objectives du patrimoine. 2. 2. 1. Le patrimoine d'affectation. CANTIN CUMYN (Madeleine), La fiducie, un nouveau sujet de droit? [R. 39]

Les personnes morales sont titulaires d'un patrimoine (302 CcQ), lequel peut faire l'objet

4 La question de la sanction est parfois jugée partie intégrante de cette définition par les juristes, mais certains refusent à intégrer cette notion de contrainte (donc pas morale) derrière l'adhésion spontanée (donc morale). 5 Président du comité: Paul-André Crépeau. 6 «Attribuer à chacun son dû», voilà le droit des Classiques, le droit de Cicéron. 7 On remarquera l'inversion des proportions, comment c'est la nature des hommes et non plus celle des choses qui donne. Naissance du droit subjectif, celui des sujets (subjectivation de la propriété). Le centre du monde est l'homme et non plus Dieu, la Nature ou les dieux de la nature, sous réserve de l'ordre public.

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d'une d'affectation (2 CcQ, al.2), c'est-à-dire qu'il puisse exister hors la personne, le «contenant». Le critère de cohésion devient donc, non plus le «contenant» mais plutôt le but, la fin, la direction, la destination, en un mot, l'affectation.

Ex. affectation d'un bien à un commerce ou fiducie pour intérêt général (l'éducation, p. ex.) ou une fondation dédiée à une recherche donnée (c'est-à-dire un patrimoine sans sujet – la fondation prend valeur de personne morale).

2. 2. 2. La division du patrimoine est-elle différence du patrimoine d'affection?Dans le cas d'une succession: à la mort d'un individu, ses héritiers reçoivent son

patrimoine dans le leur (625, 680 CcQ), mais le temps de la libération des biens, il s'agit d'une sous catégorie de leur propre patrimoine. La «fusion» a lieu par la suite.

Autre exemple, la substitution (deux libéralités –dons– successifs à deux bénéficiaires successifs): le testateur donne un bien au grevé qui le donne à son tour à l'appelé11. C'est un exemple de la division du patrimoine, le grevé ayant pendant un instant un «patrimoine qui n'est pas le sien dans son patrimoine», le bien futur de l'appelé (1218 à 1222 et 1223 CcQ).

L'affectation est régie par 1256+ C.c.Q. La fiducie (1261 CcQ) en est le meilleur exemple. Un constituant transfère une partie de ses biens à une fiducie, administrée par un fiduciaire dans l'intérêt et pour le bénéfice d'une tierce personne, le bénéficiaire (qui peut être le constituant)12.

2. 3. Sont-elles incompatibles, ces notions?2. 3. 1. Récapitulatift_2.3 Récapitulatif – le patrimoine

Théorie personnaliste classiqueArt. 2 CcQ al.1

Théorie objective/du patrimoine d'affectation art. 2 CcQ al.2

Le patrimoine émane de la personnalité1. Toute personne a un patrimoine2. Seule les personnes ont un patrimoine3. Indivisibilité et unité (un patrimoine par

personne et lien actif/passif) – 2644 C.c.Q.4. Le patrimoine est incessible entre vifs.

Le patrimoine n'émane pas de la personnalité mais bien de la finalité, l'affectation qui est son critère de cohésion. Est cessible entre vif (substitution) La fiducie n'est pas soumise à 2644-45 C.c.Q.

2. 3. 2. Le Code civil médiateur. Ces deux *concepts* sont différents, on s'en souviendra, parce que la division du

patrimoine implique des «sous-patrimoines», c'est-à-dire des masses de bien à l'intérieur du patrimoine personnel.

Ex. Biens d'une succession avant liquidation (780 CcQ), substitution (1223 CcQ), biens insaisissables (552-553 Cpc).

En ce sens, c'est un *concept* beaucoup moins novateur que le patrimoine d'affection

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qui implique la constitution d'un patrimoine nouveau, entier et à part entière, autonome et distinct.

Définition du patrimoine de fiducie, qui implique qu'il n'appartienne à personne (pas de droits réels ni le constituant, ni le fiduciaire, ni le bénéficiaire): comment expliquer que les biens soient sans maîtres s'ils font partie d'un patrimoine?

Deux possibilités: la fiducie est une personne morale (possibilité écartée pour des considérations

d'incorporation) la fiducie est un nouveau sujet de droit (c'est à l'inverse de la théorie classique,

puisqu'il n'y a pas de personnalité). Trois sujets de droit, dorénavant: la personne physique, la personne morale et la fiducie.

III. Classification des biens (ou des droits patrimoniaux) et des choses.III. Classification des biens (ou des droits patrimoniaux) et des choses.

1. DE LA DISTINCTION DES DROITS RÉELS, PERSONNELS ET INTELLECTUELS. 1. 1. La distinction traditionnelle des droits réels et des droits personnels. Carbonnier [R. 92]1. 1. 1. Droits réels et droits personnels: une antithèse classique

DROITS RÉELS DROITS PERSONNELSDÉFINITION C'EST UN DROIT SUR UN BIEN, GÉNÉRALEMENT UNE

CHOSE MATÉRIELLE.EXEMPLE CCQ

CCQ 947 LA PROPRIÉTÉ

«947.  La propriété est le droit d'user, de jouir et de disposer librement et complètement d'un bien, sous réserve des limites et des conditions d'exercice fixées par la loi.

Elle est susceptible de modalités et de démembrements.»

CCQ 1851 LE LOUAGE

«1851.  Le louage, aussi appelé bail, est le contrat par lequel une personne, le locateur, s'engage envers une autre personne, le locataire, à lui procurer, moyennant un loyer, la jouissance d'un bien, meuble ou immeuble, pendant un certain temps.

Le bail est à durée fixe ou indéterminée»

DÉFINITION IL S'AGIT D'UN DROIT DANS LA CHOSE (JUS IN RE), À CARACTÈRE PATRIMONIAL.

ELLES CRÉENT DES OBLIGATIONS PROPTER REM (C'EST-À-DIRE DES OBLIGATIONS DU SEUL FAIT DE LA TITULARITÉ DU DROIT RÉEL, PAR OPPOSITION AUX OBLIGATIONS PERSONNELLES)

IL S'AGIT D'UN DROIT À LA CHOSE (JUS AD REM). C'EST UN DROIT PAR LEQUEL ON OBLIGE QUELQU'UN À DONNER (TRANSFERT DE LA PROPRIÉTÉ) OU À FAIRE OU NE PAS FAIRE

8 Probablement plus exactement à la différence de l'actif moins le passif, mais glissons mortels, n'appuyons sur l'addition de chiffres négatifs. Le patrimoine peut-il être considéré comme un bilan de l'actif et du passif d'un individu?9 On effleure le concept de l'hérédité chez Aubry et Rau, qui se situe entre l'universalité de droit et l'universalité de fait. Paraît-il, je ne l'ai pas encore lu. 10 Il s'agit d'une fiction juridique. En effet, à la mort de la personnalité juridique, rien ne cimente plus l'actif et le passif, or, il faut bien si les créanciers doivent être payés: c'est la raison derrière laquelle la décision selon laquelle les héritiers continuent la personne juridique du défunt. 11 C'est une fiction juridique au sens que c'est traité comme un transfert direct. 12 Une question: est-ce que la fiducie est composée des biens d'une seule personne, est-ce que la part des bienss est la fiducie ou est-ce qu'une fiducie peut être le produit de plusieurs biens de plusieurs personnes. Ex Crocodile et alligator, Lacoste et Izod? Question vraiment random: est-ce que l'enfant peut être considéré comme un objet de droit dans la mesure de sa subjectivité?

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9

*CONCEPT* P. 47

C'EST LE RAPPORT PERSONNE-CHOSE. LE PROPRIÉTAIRE EXERCE DIRECTEMENT UN

DROIT SUR SON BIEN, VERTICALEMENT ET SANS INTERMÉDIAIRE.

C'EST UN DROIT ABSOLU ET FORT. ON LE DIT ABSOLU, PERPÉTUEL ET EXCLUSIF,

LIEN P. 35

QUELQUE CHOSE (ENGAGEMENT, CLAUSE DE NON-CONCURRENCE, P. EX.). ON DIT QUE C'EST UN DROIT EXERCÉ CONTRE QUELQU'UN.

C'EST UN DROIT ENTRE DEUX PERSONNES VIA UNE CHOSE (EX. LE LOUAGE, 1851 CCQ). LE CRÉANCIER A UN DROIT SUR UN BIEN DU DÉBITEUR, MAIS NE PEUT PASSER OUTRE LE DÉBITEUR POUR RÉCUPÉRER SON BIEN.

CARACTÉRI

S-TIQUES DROIT ABSOLU, OPPOSABLE AUX TIERS ERGO

OMNES (912 CCQ). DROIT DE SUITE (C'EST-À-DIRE QUE LE

PROPRIÉTAIRE PEUT SUIVRE SON BIEN ENTRE LES DIFFÉRENTES MAINS OÙ IL PEUT SE TROUVER).

DROIT DE PRÉFÉRENCE (PRIORITAIRE, P. EX., L'HYPOTHÈQUE PASSE AVANT LE CRÉANCIER CHIROGRAPHAIRE).

FACULTÉ D'ABANDON (SANS L'AVIS DE PERSONNE)

CE N'EST PAS UN DROIT OPPOSABLE À TOUS, À CAUSE DE L'EFFET RELATIF DES CONTRATS QUI LIE UNIQUEMENT LES PARTIES CONTRACTANTES.

C'EST UN DROIT RELATIF ET FAIBLE: LE DROIT DE SUITE N'Y EST PAS APPLICABLE ET LE DROIT DE PRÉFÉRENCE VA AU DROIT RÉEL.

LE DÉBITEUR NE PEUT RENONCER À SA CRÉANCE SAUF ACCORD DU CRÉANCIER (1687+ C.C.Q..)

TYPES DROITS RÉELS PRINCIPAUX

LIEN P. 33DROITS RÉELS ACCESSOIRES

OBLIGATIONS ET DROITS DE CRÉANCE

ILS EXISTENT ISOLÉMENT COMME DES DROITS PATRIMONIAUX AUTONOMES.

LE MEILLEUR EXEMPLE EST LA PROPRIÉTÉ (947).

LES MODALITÉS DE LA PROPRIÉTÉ SONT (1009):O LA COPROPRIÉTÉ

(1010)O LA PROPRIÉTÉ SUPER-

FICAIRE (1011) LES DÉMEMBREMENTS

DE LA PROPRIÉTÉ SONT (1119):

O L'USAGE (1172)O LA SERVITUDE (1177)

O L'EMPHYTÉOSE (1195)O L'USUFRUIT (1120)O Y EN A-T-IL D'AUTRES?

ILS SONT ACCESSOIRES À UNE CRÉANCE (À LAQUELLE ILS SONT RATTACHÉS ET QU'ILS RENFORCENT)

AU QUÉBEC, LE SEUL EXEMPLE EST L'HYPOTHÈQUE (2660).

EN FRANCE, ON A AUSSI L'ANTICHRÈSE (OU NANTISSEMENT), LE GAGE ET LES PRIVILÈGES RÉELS MOBILIERS.

1. 2. 1. Les démembrements de la propriété L'usufruit est, comme son nom l'indique, usus et fructus. o Ex. Le testament de X donne à la conjointe pleine jouissance des biens,

mais la nue-propriété revient aux enfants à la mort de celle-ci.

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10

La servitude, c'est simplement l'usus. o C'est un fond qui doit à un autre fond, un chargement du fond servant au

fond dominant, un droit de passage pour un puits, par exemple13. L'emphytéose, c'est usus, fructus et abusus, sans accessio14, c'est le droit d'utiliser

pleinement un immeuble à condition d'y apporter des modifications. L'usage est un usufruit réduit, limité aux besoins de l'usage et de ceux qui habitent

avec lui15. o Ex. Si une exploitation agricole produit plus que ce qui est nécessaire pour

subvenir aux besoins des exploitants, leur surplus va à autrui (le propriétaire de la ferme).

Pourrait-il exister d'autres démembrements de la propriété? Y a-t-il un numerus closus (un nombre fini et déterminé) de démembrements de la propriété?

1. 2. 2. Les modalités de la propriété La propriété superficiaire (ou superficie): advenant que la propriété ne soit pas

considérée comme un volume («des cieux jusqu'aux enfers»), il pourrait y avoir un propriétaire du terrain, un propriétaire du gisement minier qui se trouve dessus et un propriétaire de l'espace aérien; la propriété de la surface n'est pas nécessairement celle du sous-sol.

La copropriété (ou indivision): c'est la propriété de plusieurs sujets sur le même objet.

1. 3. Limites de la distinction entre droits réels et droits personnels1. 3. 1. Limites théoriquesRelevées par Terré et Simler [R. 88]1. 3. 1. 1. Planiol, Traité élémentaire de droit civil, (19e) et la critique personnaliste

Puisque les droits réels sont opposables à tous, tous en sont obligés. De ce fait, les droits réels peuvent être ramenés à des droits personnels entre un propriétaire et le reste du monde.

Comme Kant dans sa Métaphysique du droit, Planiol estimait qu'il était absurde de créer un lien juridique entre un sujet de droit et une chose: un droit ne peut exister qu'entre deux personnes, ici, le sujet actif, qui est le titulaire du droit réel, et le sujet passif (de nombre illimité, tous ceux qui lui sont opposables et qui ont l'obligation de respecter son droit.

Cette critique est elle-même critiquée: on la dit incomplète parce qu'elle ne peut pas concrètement définir le droit réel (la plupart des sujets qu'elle décrit sont complètement passifs). On la dit également fausse parce qu'elle confond les obligations proprement dites et les obligations de droit public (le respect du droit des tiers n'est pas un droit patrimonial).

1. 3. 1. 2. Saleilles et la critique objectivisteSa critique dépersonnalise de l'obligation qu'elle ramène à un droit réel parce que c'est le

patrimoine est derrière le débiteur qui compte et que la relation créancier-débiteur est plutôt une relation créancier-patrimoine du débiteur, homme-chose, personne-bien.

1. 3.1. 3. Ginossar ou le droit réel trop large de définitionLe droit réel est, par définition, un droit sur une chose, n'existe-t-il pourtant pas des

droits sur des choses qui sont des droits personnels? Le débiteur n'a-t-il pas de droit sur un bien (Saleilles)? Ginossar croit que le droit réel est trop large dans sa définition.

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De plus, il estime que les droits de suite et de préférence sont des signes extérieurs et non l'essence de la notion de droit de droit réel. Seule l'hypothèque, droit réel secondaire est liée au droit de préférence et le droit de suite ne fonctionne pas face à la prescription acquisitive.

Finalement, Ginossar rappelle que par définition, les droits réels devraient se passer d'intermédiaires: or, dans l'usufruit, il existe un nu-propriétaire, qui est un intermédiaire.

1. 3. 2. Limites pratiquesEst-ce que tous les droits (patrimoniaux) rentrent dans la distinction droit réel/personnel?

1. 3. 2. 2. Les droits mixtes: «ni tout à fait la même, Ni tout à fait une autre*»Les droits mixtes (jus ad rem transpersonam) sont des droits personnels qui possèdent

certains attributs des droits réels. Par exemple, les baux d'habitation, puisqu'ils comportent une composante «louage», relèvent des droits personnels. Pourtant, le régime juridique auquel ils sont soumis a des aspects du droit réel puisqu'il y a «droit de maintien» (1936 C.c.Q.), autrement dit, de préférence16, et une ressemblance entre le droit de suite et l'art. 1937.

Et qu'en est-il des créances prioritaires (droits personnels avec droit de préférence) des articles 2650 et suivants?

1. 3. 2. 3. La fiducie Ce n'est ni un droit réel ni un droit personnel parce que le fiduciaire n'est pas le débiteur

du bénéficiaire (puisque la fiducie est un patrimoine autonome).

1. 3. 2. 1. Les droits intellectuelsCes droits portant sur un bien immatériel, ils peuvent avoir des caractéristiques des droits

extrapatrimoniaux tout en étant des droits patrimoniaux: ce ne sont pas nécessairement des liens entre deux personnes ou un lien personne/objet (d'où la naissance d'une nouvelle catégorie, lien 2. Les droits intellectuels, 11).

1. 3. 3. ConclusionAu demeurant, la distinction entre droits réels et droits personnels est conservée en droit

positif parce que: La possession n'existe que pour les droits réels (921 C.c.Q.); La publicité concerne surtout les droits réels (les droits personnels sont une exception

et récente). Lien p. 17 Le lieu de l'action en justice est différent (68, 72 et 73 Cpc): la saisie est différente

selon qu'est fondée sur une action réelle (566-567 Cpc) ou personnelle (568 et s. Cpc)

En droit international privé, la différence est également importante.

2. LES DROITS INTELLECTUELS

2. 1. Remarques introductoires et disclaimer. De compétence fédérale, plutôt du ressorts de la common law. Ce n'est pas donc pas tout à

fait du ressort du droit civil et de la propriété, mais on va faire ce qu'on peut. C'est à partir du 18e siècle que se sont développés les droits intellectuels et la propriété

intellectuelle; le Législateur visait un double but, d'une part, celui de protéger les intérêts du

* Verlaine, mon rêve familier.

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bénéficiaire et son droit exclusif sur son œuvre, d'autre part, servir l'intérêt du public par une certaine divulgation de ces œuvres.

2. 2. Droit intellectuel: définitionDroit ayant pour objet des œuvres immatérielles, des produits de l'esprit humain, p. ex.

l'œuvre ou l'invention. Ce sont des biens au sens «patrimonial», issus de l'activité intellectuelle, commerciale ou professionnelle d'une personne.

NB. Il importe de faire la distinction entre le droit d'auteur («le texte») et le support matériel, sur lequel existe une propriété «traditionnelle».

2. 3. Types de droits intellectuels Droits d'auteur Brevets Marque de commerce Dessins industriels Obtentions végétales Clientèle commerciale, achalandage, en sa qualité de noyau du fond de commerce: la

valeur est telle qu'elle peut être cédée (présentée au successeur, p. ex.) et qu'on considère que les différents facteurs attractifs de client peuvent être transmis17.

Certains intègrent même le fonds de commerce18

2. 4. Nature juridique des droits intellectuels2. 4. 1. Le droit d'auteur

GENDREAU (Ysolde), Moral rights. [R. 123]Le droit d'auteur est le droit qui protège la création d'œuvres littéraires, dramatiques,

musicales et artistiques et qui confère à l'auteur une sorte de monopole ou d'exclusivité sur ces (ou ses) œuvres.

En intégrant le droit moral à sa loi sur les droits d'auteurs, le Canada s'inscrivait en faux de la tradition de common law, laquelle avait traditionnel accordé peu d'importance à cette notion (la loi canadienne était jusque-là la reprise d'une loi anglaise de 1911 où le copyright s'occupait plus de l'éditeur, du diffuseur que de l'auteur). Les droits moraux comprennent quatre prérogatives: le droit de divulguer son œuvre (où, quand, comment, ainsi que les modalité de cette publication), de la retirer (le repentir, ou de la «corriger»), à la paternité (d'être reconnu comme l'auteur de l'œuvre 19) de l'œuvre et le droit à l'intégrité. [Au Canada, seuls les droits à l'intégrité et à la paternité sont reconnus; le droit de publication exclusive se rapproche du droit de divulgation].

Le droit d'auteur, c'est le droit pécuniaire doublé du droit moral. Le droit moral, relevant d'une vision plus humaniste et continentale, a été ajouté à la Loi canadienne sur le droit d'auteur (et donc, à la simple notion économique de copyright) après la ratification de la Convention de Berne en 1931 (et on n'a pas particulièrement cherché à innover). Les droits moraux ont la même durée de vie que les droits économiques (vie + 50 ans, sauf avis du contraire).

2. 4. 2. L'œuvre. Elle doit être originale (prévu par l'article 5(1) de la Loi sur le droit d'auteur) car il n'y a pas

de droit sur l'idée, simplement sur l'explication originale de cette idée. Caron c. Association des pompiers de l'île de Montréal [pas dans le recueil].

t.2.4.0 Droits intellectuels: récapitulons. Droits intellectuels

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13

Droit d'auteur Propriété industrielle Loi sur le droit d'auteur (L.R.C. 1985, C-42) [R. 137]

!! Ce n'est pas le droit de propriété du support (qui relève du C.c.Q.)

Art. C-42 3 (1) qui définit le droit d'auteur, un droit exclusif20, qui confère un monopole d'exploitation temporaire sur une œuvre.

Éléments distinctifs d'un commerce

Droit de création intellectuelle

(propriété intellectuelle)

Loi sur les marques de commerce [R.

141], déf. à l'art. 2 : définition.

o Enregistrement renouvelables tous les quinze ans.

o Droit exclusif d'utiliser cette marque pour un propre donné.

Clientèle. Droit au nom.

Loi sur les brevets d'invention, [R. 143]

art. 2: définition o Durée de protection:

vingt ans et c'est le premier dépositaire qui bénéficie du droit exclusif sur l'invention.

o Toutes ces inventions doivent présenter le caractère de nouveauté et d'utilité.

o Loi sur les dessins industriels.

Droit d'auteur économique copyright

(patrimonial)

Droit moral(extrapatrimonial)

Y. Gendreau [R. 123] Droit pécuniaireo Définition: C-42 art.

3 (1) a) à h): Conséquences: o Cessibilité (C-42

13(4) et YFB c. Gamma [R. 135])

o Transmissibilité (C-42 6 et 625 C.c.Q.): vie + 50 ans.

o Sujet à obligations (2446 CcQ)

Incessibilité (14.1 (2)), exc. renonciation

Dérogation au caractère extrapatrimonial: transmissibilité (prévue par la loi – 14.2 (2))

Les droits moraux ont la même durée que le droit d'auteur.

Deux prérogatives:o Droit à l'intégrité de

l'œuvre qui ne peut être déformée ou mal utilisée (14.1(1), présomption de préjudice: 28.2)

o Droit à la paternité (14.1 (1)): droit à la création, sous son nom, un pseudonyme, ou l'anonymat.

o (droit patrimonial de publication exclusive ou droit d'exploitation (3(1)) proche du droit de divulgation).

2. 4. 6. Nature juridique des droits intellectuels: propriété ou pas?Simler et Baudouin [R. 121-122]2. 4. 6. 1. Grands arguments

Tout ceci pour en venir à cela: quelle est la nature juridique des droits intellectuels? La distinction est déjà peu aisée entre le droit patrimonial ou l'extrapatrimonial. Autre question, qui permettra de déterminer s'il s'agit d'un droit réel ou personnel: est-ce de la propriété? Réponses possibles:

C'EST DE LA PROPRIÉTÉ, DONC UN DROIT RÉEL:o Le sujet est extérieur à l'objeto Il n'y a pas de débiteur (hors 2644 CcQ)o C'est un droit opposable à touso Ils peuvent être cédés (selon certains auteurs, seulement)

CE NE PEUT ÊTRE UN DROIT RÉEL PARCE QUE:o Le droit réel a généralement pour objet un bien matériel, une chose (pour Ghestin,

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cette différence suffit, sinon, voir Migneault-Perrault, plus bas). o Les droits intellectuels sont temporaires (ils sont ensuite cédés à l'intérêt

commun): or, la propriété, traditionnellement, est perpétuelle (elle dure autant que son objet).

o Il importe donc d'en faire une catégorie distincte.

2. 4. 6. 2. Propriété de par les Codes?Notons au passage que les plus pragmatiques disent qu'il est inutile de chercher à savoir

s'il s'agit de propriété au sens «civil» puisque c'est une loi fédérale. Tout de même:908.  Les biens peuvent, suivant leurs rapports entre eux, se diviser en capitaux et en fruits et revenus. 1991, c. 64, a. 908.909.  […] Le capital comprend aussi les droits de propriété intellectuelle et industrielle, sauf les sommes qui en proviennent sans qu'il y ait eu aliénation de ces droits, les obligations et autres titres d'emprunt payables en argent, de même que les droits dont l'exercice tend à accroître le capital, tels les droits de souscription des valeurs mobilières d'une personne morale, d'une société en commandite ou d'une fiducie. 1991, c. 64, a. 909

Donc, le législateur québécois parle expressément de propriété intellectuel et industrielle (909), et les a qualifiés de bien (908). On retrouve une idée semblable en 458 C.c.Q.

De plus, en France, tradition civiliste par excellence, il existe un Code de la propriété où il est dit que «l'auteur d'une œuvre de l'esprit (donc immatérielle), du seul fait de sa création, possède un droit de propriété exclusif et opposable à tous»

2. 4. 6. 3. Opposition en doctrinePour Mignault (1880), les droits d'auteurs ne sont qu'un monopole qui attribue à

l'écrivain un certain privilège exclusif pendant un certain temps mais qui ne sont en rien de la propriété, parce qu'ils ne sont pas matériels.

Pour Perrault (1925), au contraire, il n'est pas déraisonnable d'affirmer que l'auteur, maître de sa pensée, est le propriétaire du produit de cette pensée. Il serait artificiel de réduire la propriété à un objet matériel, «le Législateur n'ayant pas cristallisée la propriété en la forme de la propriété corporelle.»

Aujourd'hui, le problème se pose moins puisque 899 C.c.Q. stipule que: «Les biens, tant corporels qu'incorporels, se divisent en immeubles et en meubles».

lien p. 2. Biens corporels et incorporels.22

2. 4. 7. Limites de la qualification des droits d'auteurs comme propriété. La propriété est un droit unique, or le droit d'auteur semble avoir un double aspect –à la

fois patrimonial et moral (extrapatrimonial), il serait dédoublé (théorie dualiste). La conception personnaliste (ou unitaire, ou moniste) tente de faire reprendre une sorte d'unité à ce droit d'auteur sous l'égide du droit moral qui chapeaute et empreint l'ensemble du droit d'auteur. Ainsi, quand l'auteur cède des prérogatives pécuniaires, il conserve son droit moral, ce qui en fait son droit unique21.

2. 4. 8. ConclusionCe sont des biens au sens de «droits patrimoniaux», qui cadrent mal dans la distinction

droit réel, droit personnel, d'où la nécessaire création des droits intellectuels. Au niveau de la qualification juridique, une autre question demeure: est-il possible de les qualifier de «propriété»? Lien, 3. 2. 2. Thèse classique de l'absence de modification de l'objet de la propriété. 37

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3. LA PUBLICITÉ DES DROITS

3. 1. Publicité foncière3. 1. 1. Intérêt de la publicité des droits: les droits assujettis.

Pourquoi faut-il publier les droits qu'on a sur un immeuble? C'est pour la sécurité des titre et pour protéger les tiers de bonne foi que l'on accorde tant d'importance à la publication (et à son antériorité) des actes de vente d'immeubles.

1455.  Le transfert d'un droit réel portant sur un bien immeuble n'est opposable aux tiers que suivant les règles relatives à la publicité des droits. 1991, c. 64, a. 1455.

2970.  La publicité des droits qui concernent un immeuble se fait au registre foncier, dans le livre foncier de la circonscription foncière dans laquelle est situé l’immeuble.

Cas pratiques22: A vend un immeuble à B, dix jours plus tard, A vend le même immeuble à C. En principe,

c'est à B que devrait revenir le bien parce que c'est le premier à qui cet immeuble a été vendu. Cependant, si la vente n'avait pas été publié, C n'avait aucun moyen de savoir que A avait vendu à B: il serait injuste de punir C pour un droit dont il ne pouvait pas prendre connaissance. De B ou de C, c'est celui qui publie son acte de vente immobilier le premier qui garde l'immeuble. Ce n'est pas de la validité dont il est question, mais bien de l'opposabilité. L'article 2946 est formel:

2946.   De deux acquéreurs d'un immeuble qui tiennent leur titre du même auteur, le droit est acquis à celui qui, le premier, publie son droit. 1991, c. 64, a. 2946.En cas de titres invalides, c'est toujours l'ayant cause du véritable propriétaire qui

l'emporte, selon le principe qu'on ne peut transmettre plus de droit que l'on en cas (dans le cas où A, propriétaire cèderait à B et C, qui se croit propriétaire, à D). La publicité sert donc à faire connaître au tiers le propriétaire d'un immeuble et, même, les droits qui peuvent grever cet immeuble (une hypothèque, par exemple).

Mais attendez! Dans le cas triangle ABC, si B a un contrat avec A, pourquoi ne pourrait-il pas opposer son droit à C, puisque c'Est un droit réel? Attention, c'est un droit réel opposable à tous sous réserve de l'application des règles de la publicité des droits.

En cas de double vente de l'auteur à deux ayants cause successifs, pour les meubles, ce n'est pas l'article 2946 et l'antériorité du titre qui prime, mais bien l'antériorité de la possession (de bonne foi), par l'article:

1454.  Si une partie transfère successivement, à des acquéreurs différents, un même droit réel portant sur un même bien meuble, l'acquéreur de bonne foi qui est mis en possession du bien en premier est titulaire du droit réel sur ce bien, quoique son titre soit postérieur. 1991, c. 64, a. 1454.

3. 4. Les effets de la publicité foncièreL'opposabilité (2941 CcQ, al.1): la publicité génère des droits par rapport aux tiers.Parfois, comme en 1062 CcQ pour la copropriété, il y a un effet entre les auteurs et les

ayants cause: la publicité –de façon exceptionnelle– génère des droits vis-à-vis les parties mêmes.

La publicité prend rang selon la date, l'heure et la minute inscrite sur le bordereau de publication (2945 CcQ). En cas d'inscription simultanée, les droits viennent en concurrence (2947 CcQ).

Présomption simple23 de connaissance (2943) créée par l'inscription d'un immeuble pour celui qui acquiert ou qui publie un droit sur le même bien.

Présomption simple d'existence (2944) des droits inscrits au registre, similairement, présomption simple quant à l'exactitude de ce qui est au registre (2847).

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3. 1. 2. Registre foncier et R.D.P.R.M. (2970 CcQ)Pour certains auteurs, la publicité des droits illustre la distinction des droits réels et des

droits personnels parce que dans le Code civil il existe deux registres différentes: le registre des droits personnels et réels mobiliers (R.D.P.R.M.) et le registre foncier, lequel est composé par les livres fonciers, et il y a un livre foncier par circonscriptions foncières (2971 C.c.Q. al.1), lesquelles sont au nombre de 73, si elle ne s'abuse.

Les deux principaux constituants de ces registres sont l'index des immeubles (avec les fiches des inscriptions foncières qui comprennent tous les droits se rapportant à l'immeuble et ce, dans un ordre chronologique) et l'index des noms (sans utilité pratique). Il existe également d'autres registres spécialisés, mais on va vous les épargner ('sont à 2972 CcQ al.2).

Autre composante importante, les plans cadastraux24 qui donnent une représentation graphique du territoire, ce qui permet d'immatriculer les immeubles (numéro de lots et contenance dudit lot).

En ce qui concerne le RDPRM, s'il y a eu publication, toute modification ou extinction des droits doit également être publié au registre. Il n'existe qu'un registre, qui se trouve au palais de Justice mais également par Internet: www.rdprm.gouv.qc.ca.

3. 2. Généralités sur la publicité des droits3. 2. 1. Évolution

C'est au 19e siècle, par un acte de 1830 plus précisément, que les premiers bureaux d'enregistrement sont créés au Québec, d'abord dans les régions anglophones (sous la pression des marchands britanniques qui réclamaient un système d'enregistrement des droits). Le système s'étend jusqu'à ce que, en 1841, le système couvre toute la province.

La réforme apportée par le C.c.Q.25 a d'abord modifié les règles de la publicité des droits réels immobiliers: le registre foncier a d'abord remplacé l'index des immeubles et, ensuite, le RDPRM a été instauré (il est évidemment très difficile de tenir un registre des droits mobiliers, par nature, volatiles26). L'informatisation s'en vient.

3. 2. 2. Les systèmes de publicité3. 2. 2. 1. Deux types

Il existe deux systèmes de publicité: Le système des livres fonciers (ou système Torrens: Australie, Ontario): dans ce

système, la publicité est la condition d'attribution d'un droit ou la preuve d'un droit entre les parties27. L'effet est dit «constitutif» parce que s'il n'y a pas de publicité, il n'y a pas d'échange de titre (ainsi, la situation ABC du début ne pourrait avoir lieu à proprement parler).

L'autre système, le nôtre, sans nom spécifique, a un effet «confortatif» en ceci que le régime accepte généralement le principe du consensualisme: la publicité n'a pas d'effet entre les parties au contrat, sauf exception.

3. 2. 2. 2. Les caractéristiques et modalitésC'est un droit d'ordre public (9, 2936 C.c.Q.): on ne peut y renoncer, ni le restreindre.

Pour inscrire l'acte à l'un des registres, l'acte de vente, un extrait authentique (!), un sommaire de cet acte ou un avis, dans certains cas, est nécessaire (2982 CcQ).

Le renouvellement (2942 CcQ) se fait par avis (si fait avant date de péremption) et le rang

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n'est pas perdu (date de la première publicité et non date du renouvellement), dans le cas du renouvellement d'un hypothèque, par exemple (2799 CcQ). Récpaitalufst.R7 - Publicité des droits: exemples

Domaines de la publicité (2934 CcQ)

Registre foncierdroits réels immobiliers

RDPRMdroits personnels et réels mobiliers

Droits soumis à la publicité

Principe: à peu près tous les actes y sont soumis

2938 al.1 CcQ:o acquisition, constitution, modification,

transmission et l'extinction d'un droit réel immobilier

o Ex. acte de vente d'un immeuble (ou voir index du CcQ) ou la constitution d'une servitude (1182 CcQ) ou la cession d'une hypothèque (2663, 3003 C.c.Q.)

904 CcQ pour déf.: o c'est un droit réel principal (les principaux

démembrements de la propriété) ou accessoire (hypothèque immobilière)

2939CcQ:o Restriction, disposition de stipulation

d'inaliénabilité (aussi 1214 CcQ)o Droit de résolution, de résiliation ou

d'extinctiono Cession ou transmission

Donc, pour savoir si un droit doit être publié au registre foncier, il faut d'abord s'assurer que c'est un bien immeuble et ensuite, qu'il entre dans l'une des catégories susmentionnées.

Droits réels mobilier Principe: (2938 al.3 CcQ et art. 1401 du

Règlement sur le registre des droits personnels et réels mobilier): ils ne sont soumis à la publicité que dans la mesure où la loi le prévoit expressément → publicité exceptionnelle pour être opposable aux tiers.

1745 CcQ:o Réserve de propriété doit être publiée28:

possibilité de n'être propriétaire qu'au moment du paiement du prix.

1750 CcQ:o Faculté de rachat: vente où le vendeur se

garde une possibilité de reprendre le bien. 2700 CcQo Hypothèque mobilièreo Stipulation d'inaliénabilité29

o Donation d'un bien meuble (sans délivrance et possession immédiate)

Droits personnels 2938, al. 2 CcQ:o Renonciation à la succession, à un legs,

etc.o Ex. modification du contrat de mariage30

1642, 300, 2956 CcQo Cession d'une créance hypothécaire, etc.

Droits admis à la publicité

2939.  Les restrictions au droit de disposer qui ne sont pas purement personnelles [exemple, stipulation d'inaliénabilité ou d'insaisissabilité seront soumis, contrairement à la promesse de vente ou au pacte de préférence, qui ne le seront pas], […], sont aussi soumises ou admises à la publicité, de même que la cession ou la

1852CcQ:o Droits résultant d'un bail mobilier

13

14 En France, c'est «le droit qu’a le locataire sur la chose qui lui a été louée pour une durée allant de 18 à 99 ans. Ce droit devrait être, comme celui de tout locataire, un droit personnel, mais en raison de la longueur du bail emphytéotique, la loi en fait un droit réel. »15 Ça sonne un peu communisme stalinien. 16 Je suppose qu'on pourrait argumenter que si le législateur utilise un autre terme, c'est qu'il veut dire autre chose, comme pour «chose et bien», lien B. Pierre, Classification of Property and Conceptions of Ownership,,, [R.251] 36, 3917 Clientèle civile, c'est plus controversé. De toutes façons, c'est le concept qui cadre le moins bien. Parallèle secret professionnel: art. 1612 C.c.Q. permet d'indemniser le propriétaire d'un secret commercial lorsque ce secret a été violé.18 Est-ce que la culture d'entreprise? Non. 19 Notons que «the right of paternity that is protected by the Copyright Act does not include the right to disavow a work that has been falsely ascribed to an author.» p. 175

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transmission de ces droits.

3. 5. Fiches d'arrêtDemers c. Hatch (C.A.) [1996] R.R.A. 50 à 53 [R. 113].

Les faits: Hatch désire acquérir un terrain de 12,2 arpents: un contrat est conclu, «conditionnel à l'obtention d'un permis pour construire une écurie pour deux chevaux». L'arpenteur-géomètre dit au notaire que le terrain ne fait que 10 arpents: le prix est diminué. Hatch, prise d'un doute, va vérifier et découvre qu'il ne fait que 7 arpents, ce qui signifie qu'elle ne peut pas y construire l'écurie envisagée et dont elle a déjà entamé la construction. Elle doit donc acheter le terrain voisin. Jurisprudence citée: Bélanger c. Caron. La question: (1) Y a-t-il eu faute professionnelle de la part de l'un ou de l'autre? (2) Le notaire et l'arpenteur sont-ils liés?La décision: Oui, dans les deux cas. Le raisonnement: (2) Le notaire et l'arpenteur sont liés dans la mesure où le travail de l'un pouvait être vérifié par l'autre, soit du début, soit à partir du moment où la première diminution du terrain a surgit. (1) Si l'un seul des deux avait vérifié les titres, cette erreur grossière n'aurait pas eu lieu. Puisque la superficie était un élément essentiel du contrat, l'arpenteur aurait dû faire des recherches plus poussées que les simples titres originaux (puisque le terrain avait déjà été démembré et certaines parcelles, vendues).

Blais c. Mercier [1991] R.L. 178 à 186 [R. 115].Les faits: D. Mercier est le propriétaire d'un chalet qu'il loue. En 1987, il ne peut le louer, sa sœur, S. Mercier offre de le louer et peut-être de l'acheter. Ceci dit, D. Mercier donne un mandat à Montréal Trust pour le vendre. C. Blais fait une offre, D. Mercier contre-offre et Blais accepte. S. Mercier (fâchée) veut exercer son option d'achat (aucun écrit). S. Mercier s'empresse de signer un contrat de vente avec D. Mercier. La question: Étant donné qu'il est ici question de fraude en tant que concert frauduleux entre l'acheteur et le vendeur qui concluaient une vente en vue de faire échec à une promesse de vente antérieurement consentie par le vendeur à un tiers, est-ce que les conditions de la fraude ont été remplie? Est-ce que l'existence d'une fraude annule le contrat? La décision: Oui. Oui. La Ratio decidendi: La fraude consiste en la malhonnêteté –et intention malhonnête il y a eu– et la privation, c'est-à-dire «un préjudice ou un risque de préjudice aux intérêts économiques» [R. 118 II]. Ces deux conditions ont été remplies. Il est hors de question que le contrat subsiste.

IV. Natures juridiques: bien choisir son régime.IV. Natures juridiques: bien choisir son régime.

1. BIENS MEUBLES ET IMMEUBLES (899 À 904 C.C.Q.). 1. 1. Du C.c.B.C. au C.c.Q.: portée de la distinction.

À l'art. 375, le C.c.B.C. énumérait quatre catégories d'immeubles (contre trois dans le Code civil français, à l'article 517), lesquelles ont été supprimées du C.c.Q.

Or, cette épuration est à la source de difficultés d'interprétation: il n'y a plus d'énumération, donc, plus de catégories de meubles ou d'immeubles comme c'était le cas sous l'ancien code. Fondamentalement, la question est de savoir si les catégories du C.c.B.C. existent toujours ou s'il faut leur suppléer de nouvelles catégories.

Importance de la distinction (voir: Cablevision (Montréal) Inc. v. Deputy Minister of Revenue ofthe Province of Quebec [R. 160] où un réseau est considéré comme un immeuble par nature en raisonde son attachement au sol. , 22):

Public international law (3098 CcQ): if someone is domiciled in Ontario, owning immovable property (land) in Quebec, the laws of Ontario would apply to the movable (tractor), and the law of

20 Même s'il cède une partie de ses droits. C'est exactement comme la propriété, dans la mesure où l'exclusivité, c'est à la fois l'usage personnel et l'exclusion des tiers.

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Quebec would apply to the immovable property of the estate. Ex. maison-mobiles (oui, mais la question est de savoir si c'est un char ou un shack).Prescription acquisitive (10 ans pour immeuble, 3 ans pour meuble).

1. 2. Trois principes fondamentaux: La distinction des meubles et des immeubles repose sur le critère de la fixité du bien. Tous les biens sont meubles ou immeubles (899 CcQ).o (Corollaire et catégorie résiduaire) tous les biens qui ne sont pas des immeubles, sont des

meubles (907 CcQ).

L'évolution de l'économie et des technologies rend parfois cette distinction dépassée puisque les fondements de cette distinction traditionnelle se sont trouvées érodés comme suit:

La fixité ou la mobilité absolue d'un bien est devenue de plus en plus relative. Importance économique des fortunes mobilières qui de plus en plus prennent le pas sur

les fortunes mobilières (ex. portefeuille d'actions). On la garde parce qu'elle est «tissée dans la fibre de nos lois» (l'expression est de François

Frenette).

1. 3. Les immeubles1. 3. 1. Immeubles par nature.

Définition: bien qui ne sont pas susceptibles de déplacement en raison de leurs caractéristiques inhérentes (immobiles à l'état normal).

«900.   Sont immeubles les fonds de terre, les constructions et ouvrages à caractère permanent qui s'y trouvent et tout ce qui en fait partie intégrante.

Le sont aussi les végétaux et les minéraux, tant qu'ils ne sont pas séparés ou extraits du fonds. Toutefois, les fruits et les autres produits du sol peuvent être considérés comme des meubles dans les actes de disposition dont ils sont l'objet. 1991, c. 64, a. 900.»

Le fond de terre est-il le seul immeuble par nature (puisque les catégories du CcBC ont été supprimées)?

Les constructions à caractère permanent qui s'y trouvent, reprennent-elles la notion de «bâtiment» telle qu'elle avait été interprétée en jurisprudence au moment de la nouvelle codification. D'après François Frenette, ce sont donc des immeubles par nature parce que le fond de terre comme le bâtiment a une assiette fixe (ce à quoi Pierre-Claude Lafond ajoute «et la stabilité»).

Denis-Claude Lamontagne n'est pas d'accord: seul le fond de terre est immeuble par nature, le fond de terre est immeuble par nature, mais les constructions à caractère permanent qui sont intégrées au fond de terre devraient être considérés comme immeubles par adhésion (ce qui supposerait la création d'une «nouvelle» catégorie).

Sous le CcBC la jurisprudence avait précisé que pour être qualifié d'immeuble, le bâtiment ne devait pas simplement reposer sur le sol, mais y adhérer. On peut penser que cela continue à s'appliquer avec le CcQ: il ne s'agit pas d'une adhésion passagère ou accidentelle (d'où la question de la «permanence» de l'ouvrage).

Une construction est-elle immeuble par nature? Bélair v. Ste-Rose (ville de) [1922] 63 S.C.R. 526 [R.151]

Les faits: L'assigneur de l'appelant Bélair a été autorisé par la Couronne à construire un pont à péage entre les villes de Ste-Rose et Ste-Thérèse, la couronne se réservant le droit de racheter le pont après 50 ans. La ville de Ste-Rose veut récupérer les taxes sur la moitié du pont dans les limites de la municipalité.

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La question: Y a-t-elle droit (fait-il partie de la municipalité)? Est-ce qu'un pont incorporé au lit d'une rivière est un immeuble par nature lorsqu'il n'appartient pas au propriétaire du fond (ou entre-t-il dans la notion de «bâtiment» au sens de l'article 376 du C.c.B.C. et comment entre-t-il dans les questions de taxe?)? La décision: Oui. La moitié du pont qui était dans la Ville de Ste-Rose était la propriété de Bélair et non de la Couronne: il s'agit donc d'un bien immeuble par nature et donc, taxable. Le raisonnement: Premier argument de l'appelant: il n'est pas propriétaire du pont. La cour dit qu'il l'est parce que l'Acte dit «[the toll bridge is] vested in Porteous, his heir and assigns forever» [les italiques sont nôtres]. La servitude qu'il a par-dessus le lit de la rivière ne modifie en rien qu'il soit le propriétaire du pont. Deuxième argument. Le pont n'est pas un immeuble. Si, par le dictionnaire, un pont n'est pas un «bâtiment» mais une construction, il n'en demeure pas moins que le C.c.B.C. ne doit pas être interprété au sens restrictif et que «bâtiment» comprend toute construction (il faut aller au-delà du Littré, ce que le C. Nap et la doctrine confirment). La structure du pont est attachée au sol et par ce lien, y est attaché de façon permanente, dit le premier juge. Le second dit qu'il est immeuble «par sa nature même». De toutes façons, ce qui n'est pas immeuble est meuble et, jusqu'à preuve du contraire, un pont n'est pas un meuble. Troisièmement. Le pont n'est pas dans Ste-Rose. Le cadastre dit le contraire. En bref, un pont est un immeuble, il appartient à l'appelant et il est dans Ste-Thérèse.

1. 3. 2. Immobilisation par intégration. Il existe également la question de l'immobilisation par intégration: le meuble, intégré à un

immeuble, est meuble (comme des escaliers, un ascenseur, un balcon, des lavabos). Trois critères:

«901.  Font partie intégrante d'un immeuble les meubles qui sont incorporés à l'immeuble, perdent leur individualité et assurent l'utilité de l'immeuble. 1991, c. 64, a. 901.»

1. 3. 3. Les immeubles par attache ou par réunion (anciennement, par destination)

Pour être immeuble par attache (903 CcQ), un bien meuble doit: Un lien matériel, Mais pas d'incorporation ou de perte d'individualité. Lien à demeure (durée pas nécessairement perpétuelle,

mais indéfinie ou indéterminée) Le bien assure l'utilité de l'immeuble (caractère

avantageux d'un bien)On cherche ici à éviter la dualité de régime et donc, à assurer l'unité

économique du bien.Ex. piscine hors-terre, miroir ou les accessoires et électroménagers dans Construtek

G.B. Inc v. Laforge,

Notons qu'une fois immobilisés, ces biens sont sujets à la saisie et à l'impôt foncier (571 Cpc), sauf s'ils n'appartiennent pas au saisi.

Finalement, si une hypothèque grève un meuble, même attaché, ce meuble reste meuble jusqu'à la réalisation de l'hypothèque (2673 CcQ). Exemples:

Nadeau v. Rousseau [R. 153] où des fournaises deviennent des immeubles par nature, du fait de ce que leur attachement leur confère une valeur de «partie intégrante».

Horn Elevator Limited v. Domine d’Iberville Limitée [R. 155] où un ascenseur devient immeuble par intégration qu'il dessert parce qu'il serait incomplet sans.

Construtek G.B. Inc v. Laforge [R. 171], où e lustre et le plafonnier ont été

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considérés comme partie intégrante de l'immeuble: le meuble a perdu son individualité en y étant incorporé. Le juge dit qu'ils «servent davantage l'utilité de l'immeuble que celle des occupants».

Axor Construction v. 3099-220 Québec inc [R. 175], où les bandes d'une patinoire sont jugées immeubles parce qu'elles en sont un accessoire permanent (attache perpétuelle à demeure).

1. 3. 4. Récapitulation. Pour trouver la nature: S'agit-il d'un immeuble (au sens de l'article 900)

o Est-ce un fond de terre? C'est l'immeuble par nature et par excellence.

o S'agit-il d'une construction ou d'un ouvrage? A-t-il un caractère permanent? Est-il situé sur un fond terre? Pour certains (majorité) y a-t-il adhésion? Ex. barrage, pont, réseau électrique. Ou y est-il simplement situé (interprétation littérale de 900 C.c.Q.)?

o S'agit-il de végétaux ou de minéraux (art. 900 al. 2 C.c.Q.) Sont-ils dans le fonds (immeubles? Sont-ils détachés (meubles)?

S'agit-il d'un bien meuble réputé immeuble par la loi?o Immeuble par incorporation (ou intégration, 901 C.c.Q.)31?

Est-il incorporé à la construction ou à l'ouvrage Est-il possible de les séparer sans détruire l'immeuble? L'incorporation est-elle physique (Nadeau c. Rousseau)?

Y a-t-il perte d'individualité? (ex. Constructek G.B. c. Laforge)

Assure-t-il l'utilité de l'immeuble. Est-ce un complément indispensable Assure-il l'utilité fonctionnelle de l'immeuble (Horn Elevator Ltd c.

Domaine d’Iberville Ltée), de l'immeuble et non de ses

21 Selon la common law, une cocréation ne peut être utilisée par l'un sans le consentement de l'autre. Selon le droit civil, si les hommages sont rendus, c'est tout à fait possible. 22 Pour la nomenclature, A, c'est l'auteur (personne de qui une autre tient un droit ou une obligation), B et C, se sont les ayant causes (personne qui tient un droit ou une obligation d'une autre).23 Par opposition à la présomption absolue ou irréfragable, la présomption simple on peut en prouver son contraire. 24 Utiles pour les arpenteurs-géomètres, mais malheureusement pas parfaitement exact: à peine 40% du territoire ont fait l'objet d'une rénovation cadastrale; les plans demeurent disponibles en ligne au www.mrnfp.gouv.qc.ca/foncier/registre/index.jsp25 Titre 18 du 3e livre du CcBC, art. 2082 et s., dans le C.c.Q., c'est le livre 9 qui couvre l'essentiel de la matière (pour le reste, 10% des articles du C.c.Q. couvrirait la publicité!)26 En faire la preuve serait diabolique, d'où, d'ailleurs, le nom latin. 27 Par opposition à être simplement un droit opposable à tous, ici, c'est quelque chose entre les parties. 28 CcQ p. 1527. 29 Tiens, il n'est pas possible d'hypothéquer un bien inaliénable parce que cela signifierait que les créanciers ne pourraient pas s'en saisir. 30 Intrusion à la vie privée?

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occupants? L'immeuble demeure-t-il complet sans eux? Ex. Balcon, lavabo, gouttière, porte,

fenêtreo Immeuble par attache (ou par réunion, 903 C.c.Q.)

Est-il rattaché à un immeuble (le sol, une construction, un ouvrage)? Ce lien est-il physique, matériel? Un lien intellectuel ne remplit pas cette condition.

Ce lien est-il sans incorporation ni perte d'individualité (par opposition à l'immeuble par incorporation)?

Ce lien est-il à demeure (c'est-à-dire pour une période de temps indéfinie ou indéterminée)?

Le meuble assure-t-il l'utilité de l'immeuble (art. 48 de la Loi sur l'application du code civil)

L'utilité ici est plus liée à l'agrément, au caractère avantageux du bien qu'à la nécessité.

Axor Construction v. 3099-220 Québec inc De mêmes, certains droits sont qualifiés de meubles ou d'immeubles: les droits réels

principaux s'appliquant à un immeuble (servitude, usufruit, emphytéose) ou droits réels accessoires. Par 904 C.c.Q., les actions qui s'y attachent sont mobilières.

Et si c'est non partout, c'est un meuble.

1. 4. Les meubles. Ils peuvent être transportés (soient qu'elles se meuvent d'elles-mêmes, comme c'est le

cas pour les animaux, soient qu'il leur faille une force étrangère, comme pour les automobiles).

Sont également meubles les meubles par anticipation, les fruits et les autres produits du sol (900 al. 2 C.c.Q.)

Tous les droits patrimoniaux que la loi n'a pas définit comme immeubles sont meubles: les droits de créances, l'usufruits sur les biens mobiliers, hypothèque mobilières, etc.

Tout ce qui n'est pas immeuble, de toutes façons, est meuble (907 C.c.Q.), c'est la catégorie résiduaire.

Les ondes et l'énergie sont des meubles corporels (906 C.c.Q.) Une créance est ainsi un meuble incorporel, sauf si elle est intégrée dans un titre, où elle

devient corporelle. Exemple: Cablevision (Montréal) Inc. v. Deputy Minister of Revenue of the Province

of Quebec [R. 160] où un réseau est considéré comme un immeuble par nature en raison de son attachement au sol.

1. 5. Critique et conclusion. Même si la distinction peut apparaît dépassée parce qu'il existe aujourd'hui de grandes

fortunes mobilières, on continue d'opposer les meubles et les immeubles. La distinction est toujours en vigueur parce que les applications pratiques ont été bâties comme tel: ainsi, les régimes seront distincts en matière de publicité des droits, de sûreté, de prescription (acquisition de dix ans pour les immeubles et de trois ans meubles), de saisie, etc.

2. BIENS CORPORELS ET INCORPORELS.

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2. 1. IntroductionBiens corporels Biens incorporels

«899.  Les biens, tant corporels qu'incorporels, se divisent en immeubles et en meubles. 1991, c. 64, a. 899.»Biens du monde physique, les biens concrets, palpables, tangibles, perceptibles par les sens.

Biens intangibles, immatériels, impalpables ou purement intellectuels

Chien, bateau, maison, loup-garou, livre, épingle

Une créance incorporée dans un titre matériel (p. ex.: chèque, certificat d'action) s'en trouve matérialisée (le titre constitue le droit lui-même plutôt qu'une preuve suffisante du droit)

Le droit de propriété: il est tellement fort qu'il s'incorpore dans l'objet sur lequel il s'applique (lien Romains, p. 37).

les droits personnels les droits intellectules universalité (fond de commerce) clientèle droits sociaux une créance une action en justice les droits de propriété démembrés

2. 2. Insistons sur l'importance des biens incorporelsDepuis le milieu du 19e siècle, le nombre des biens incorporels s'est accru et s'est diversifié,

ce qui a changé la notion de bien patrimonial. D'après le juriste Catala, «ce changement constitue une caractéristique dominante de l'évolution contemporaine droit des biens». C'est le doyen Sabatier qui a été le premier, dès le début des années 60, à noter que les progrès de la technique juridique font que l'abstrait se substitue au concret ce qui entraîne une modification des concepts juridiques.

Ces nouveaux biens incorporels sont nés sous la pression de l'évolution économique: ce sont, pour la plupart, des biens incorporels complexes: les commerçants ont pris conscience que la capacité d'attirer la clientèle et de converser valait peut-être plus que leurs immeubles et instruments.

L'importance des biens incorporels est devenue telle que lorsque vient le moment d'évaluer la richesse de quelqu'un, on ne tient plus uniquement compte de ses avoirs matériels, mais également des créances, valeurs mobilières, droits d'auteurs, brevets, parts sociales, rentes, etc. En France, certains auteurs ont même considéré que ce développement économique aurait périmé le Code Napoléon puisque n'y figure pas expressément la distinction in/corporel.

Le développement social a fait développer les richesses vers l'immatériel: c'est la nouvelle frontière. Fondamentalement, ce qui est aujourd'hui au cœur de la notion de bien est moins la chose matérielle que la notion de valeur. Même si la chose est immatériel, du moment qu'elle est un élément de fortune ou de richesse –et donc, susceptible d'appropriation–, c'est un bien: l'élément corporel est secondaire à la nouvelle notion de bien:

Bien: valeur appropriable et cessible (c'est-à-dire qu'elles font partie du commerce juridique).

Ce qui est importe encore plus avant, c'est le droit qu'on a sur une chose: certains vont ainsi jusqu'à dire que tous les biens sont des droits. C'est ce qui explique que plusieurs auteurs considèrent que le patrimoine est composé des droits plutôt que des biens (mais y'a un flou, c'est pas pur et dur). D'autres auteurs proposent la modification du C.c. français pour faire de la distinction bien in/corporel la disposition centrale pour remplacer la suma divisio bien im/meubles. Au Québec, tout en définissant les biens comme les choses susceptibles d'appropriation, il reste que l'étude de la propriété s'en tient généralement aux choses matérielles. Lien, p. 36.

L'information peut-elle être considérée comme un bien? Trichtex Corp. c. Gédéon [1999] montre qu'on le refuse parce qu'on a refusé la saisie d'information sur un ordinateur. D'autres

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jugements ont considéré l'information comme un bien. Engel v. Corniche [1991]. En France, on accepte généralement que l'information soit un bien.

Conclusion: les meubles et les immeubles, c'est dépassé, l'avenir appartient aux biens corporels et incorporels.

3. LES BIENS DANS LE COMMERCE ET BIENS HORS-COMMERCE

3. 1. Les biens dans le commerce: notions généralesQu'est-ce qu'un bien dans le commerce? Ce sont les biens (cessibles) qui peuvent faire

l'objet d'un acte juridique (transfert) patrimonial. Généralement, le bien est dans le commerce par sa nature. En principe, tous les biens

sont dans le commerce: c'est par exception qu'on les en retire. épave3. 4. TABLEAU RÉCAPITULATIF – BIENS DANS LE COMMERCE

BIENS DANS LE COMMERCE

Ils se prêtent à la circulation juridique (disposer, vente, échange ou autre acte à caractère patrimonial)Principe: tous les biens sont dans le commerceBiens appropriés Biens vacants (non-appropriés mais appropriables) 943+ C.c.Q.

Propriété d'un individu

oupropriété dans le domaine public

Appropriés selon les modes prévus à

916 CcQ)

Les biens sans maître (acquérables par occupation, 935 CcQ al.1)a:

Les épaves (939 CcQ): pas de volonté abdicative, donc acquérables par prescription acquisitive (2910, 2917, 2919 CcQ)

oRes nuillius (animaux sauvages, appropriables par occupation)

oRes derelictae (abandonnés consciemment par le propriétaire)b

oTrésors (meuble caché, trouvé par hasard)c

oBiens perdus (involontairement laissés dans un lieu public, p. ex. chien, portefeuille, et qui continue d'appartenir au propriétaire)d

oBiens oubliés (confié à un tiers et non-réclamé: il continue d'appartenir au propriétaire)e

Notes: a. Appropriation par l'État. Ces biens reviennent à la municipalité ou à l'État s'il n'y a pas

d'appropriation (935 CcQ, al.2), ou s'ils sont immeubles (936 CcQ), auquel cas il sera inscrit au registre foncier.

b. La preuve de l'abandon. Elle est parfois difficile à faire parce qu'un bien peut sembler abandonné ou vacant alors qu'il a été perdu. La volonté propriétaire doit être prouvée. Si le meuble est de faible valeur, dans les ordures, dans l'autobus, il y a présomption d'abandon (934 al. 2 C.c.Q.)

c. Modalités d'acquisition du trésor. «938.   Le trésor appartient à celui qui le trouve dans son fonds; s'il est découvert dans le fonds d'autrui, il appartient pour moitié au propriétaire du fonds et pour l'autre moitié à celui qui l'a découvert, à moins que l'inventeur n'ait agi pour le compte du propriétaire.», sous réserve des stipulations de la Loi sur les biens culturels ou si la découverte a été faite sur un site archéologique, lien p. 46.

d. Modalités de restitution du bien perdu. La découverte d'un bien perdu doit être dénoncée et on doit chercher à retrouver le propriétaire (à titre de détenteur du bien d'autrui) (940 CcQ). Si le bien n'est pas réclamé dans les soixante jours (942 C.c.Q.), il peut être vendu aux enchères après publication d'un avis dans le journal: la revendication doit se faire dans les délais (946 C.c.Q.).

e. Modalités de restitution du bien oublié. Les articles 1757 et s. prévoient un délai de 90

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jours pour réclamer le bien, après lesquels 90 jours un avis doit être publié, s'ensuit un autre délai de 90 jours et puis vente aux enchères, de gré à gré ou autre chose.

3.3. Tableau récapitulatif – biens hors commerce BIENS HORS-COMMERCE

Ne peuvent faire l'objet d'actes juridiques à caractère patrimonial (vente, échange, donation, etc.).Ils sont inaliénables, insaisissables et imprescriptibles et donc insusceptibles d'appropriation. Principe: c'est par exception que les biens sont retirés du commerce. Sont-ce même des biens puisqu'ils sont hors commerce et hors patrimoine?

Par nature Par affectationJustification: nécessaires voire indispensables à tous donc l'usage doit également être commun, il ne peut être réservé à un seul individu.

Corps humain (sous réserves des choses régénérables, p.ex. cheveux, sperme, sang)

Res communes (913 CcQ):oAir, eaua, lumière, mer, oExc. air comprimé et eau minérale

Œuvres intellectuelles après l'expiration du droit d'auteur (art. 6, Loi sur le droit d'auteur)

Biens affectés à l'utilité publique (p. ex. parcs nationaux, routes)

Les choses sacrées (nuance doctrinale plutôt que Code parce qu'on peut assurer les objets de culte)

(certains ajoutent les biens hors commerce par stipula-tion d'aliénabilité, 1212 CcQ, mais puisque cette stipulation, pour être valable, doit être temporaire, c'est un cas limite)

Notes:a. Traditionnellement, on avait également fait de l'eau et de l'air des choses communes

parce que leur abondance en faisait des choses de peu de valeur (principe de l'eau et des diamants de GG77). Cependant, la rareté de l'eau est remise en question: certains voudraient la mettre dans le commerce, d'autres voudraient en faire un bien hors du commerce à l'échelle mondiale (Madeleine Cantin-Cumyn, L’eau, chose commune: un statut juridique à confirmer [R. 185]). L'article 980 du C.c.Q. nous dit que le propriétaire qui possède une source dans son fond peut en user et en disposer tant qu'il en conserve la qualité. Ici, il y a une subtilité d'interprétation. Morin c Morin

Morin c. Morin [1998] R.J.Q. 22 [R. 180]Les faits. JCMorin est propriétaire du lit d'un lac qu'il a construit en détournant diverses petites rivières sur divers terrains. Il a revendu (via la municipalité) la plupart des terrains, dont un à MMorin qui voudrait utiliser le lac à des fins récréatives. JCMorin, propriétaire du lit du lac, prétend également posséder le pourtour du lac, ce qui empêcherait MMorin d'y avoir accès (de toutes façons, JCMorin considère qu'il peut . Le lac n'est ni flottable ni navigable (ce que la cour de première instance avait omis de prendre en compte). La question. Quelle est l'existence et l'étendue des droits d'accès des riverains à des cours d'eau non-flottables et non-navigables [R. 182 p. 26 II] dont le lit appartient à un propriétaire?Décision. MMorin a des droits d'accès, la pêche demeure exclusivement du ressort de JCMorin. Raisonnement. En principe, pour les cours d'eau flottables et navigable, le lit appartient à l'État, donc tous y ont droit à leurs activités récréatives et économiques, sous réserve des droits des autres. Ici, c'est un plan d'eau non-navigable: il est décidé que le propriétaire du lit est dans la même position que les riverains en ce qui concerne l'utilisation, sous réserve du droit de

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pêche. Dans ce cas précis, en plus, JCMorin n'a pas fait la preuve qu'il possède le pourtour du lac, une barrière bien arbitraire de toutes façons puisque le niveau du lac est appelé à fluctuer. De plus, l'eau est une chose commune et en cela, MMorin y a accès. Ratio. Les propriétaires riverains d'un lac ont un droit d'accès et d'usage à ce lac. Le droit de pêche appartient au propriétaire du lit: c'est un droit réel, dissociable du strict droit de propriété privé, qui ne peut être la base du raisonnement ici.

4. LES BIENS ET CE QU'ILS PRODUISENT

Cette distinction a surtout un intérêt en matière d'usufruit: ce que produit un bien appartient au propriétaire ou à l'usufruitier (art. 1129 C.c.Q.). Ainsi, un usufruitier a le droit au fruit mais non au produit, ainsi, il ne pourrait abattre les arbres frugifères d'un fonds, sauf si c'était nécessaire à son travail d'usufruit (1139 C.c.Q.)L'administrateur du bien d'autrui est même tenu de les récupérer (1302 C.c.Q.).

Le capital: tout bien dont on peut tirer des biens ou des revenus (définition plus exhaustive: 909 C.c.Q.).

Sont fruits et revenus ce que produit un bien sans épuisement ni altération de sa substance ce qui provient de l'utilisation d'un capital (910 CcQ).

«948.  La propriété d'un bien donne droit à ce qu'il produit et à ce qui s'y unit, de façon naturelle ou artificielle, dès l'union. Ce droit se nomme droit d'accession. 1991, c. 64, a. 948.»

«949.  Les fruits et revenus du bien appartiennent au propriétaire, qui supporte les frais qu'il a engagés pour les produire. 1991, c. 64, a. 949.»

On distingue: Les fruits naturels, qui proviennent spontanément du bien frugifère Les fruits industriels, qui proviennent de la culture ou de l'exploitation d'un fonds

(intervention humaine). Les fruits civils (les revenus), ce sont les sommes d'argent qui proviennent de

l'utilisation d'un capital, que rapportent un bien. Ex. les revenus tirés d'un tracteur ou de la vente d'une action, les intérêts d'une somme d'argent, les dividendes (sauf si cela concerne la distribution des actifs d'une personne morale), les loyers, etc.

Deux caractères: La périodicité L'absence d'altération de la substance du bien.

5. Biens consomptibles et non consomptiblesTerré et Simler, Droit civil : les biens [R. 178]

Le seul fait qu'on utilise un bien consomptible selon sa destination entraînera inévitablement [au premier usage] sa consommation, qu'elle soit matérielle (destruction, comme c'est le cas pour les denrées alimentaires, les combustibles) ou juridique (aliénation, comme c'est le cas pour la monnaie). La restitution d'un bien consomptible ne saurait se faire en nature, seulement par substitution (bien de même valeur, quantité, qualité), tels que stipulés aux articles 1127 et 2314 C.c.Q.

Les biens non consomptibles sont les biens dont l'usage peut être prolongé dans le temps. Peu importe que la valeur diminue au fil du temps, si son usage n'attente pas à sa substance (comme c'est le cas pour une automobile), c'est un bien non consomptible qui, lorsque prêté, doit

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être rendu dans son identique individualité.

6. BIENS FONGIBLES ET INFONGIBLES

Les biens fongibles sont inconstitués et donc interchangeables, comme la monnaie ou un élément d'une marchandise de série. Le désir humain d'appropriation ne porte pas sur l'exemplaire spécifique, mais sur le genre (genre beurre, genre oeuf, genre lait, etc.).

Intérêt de la distinction. (1) Il est évident qu'un emprunt de 100 dollars ne suppose pas la restitution des 100 mêmes dollars. (2) Également important en matière de transfert de propriété. Le transfert de propriété d'un bien fongible est reporté au moment où l'acquéreur a été informé de l'individualisation (1453 C.c.Q.). (3) Un bien fongible ne peut être revendiqué parce qu'il ne saurait être clairement identifié. (4) En cas de compensation (1672 et 1673 CcQ) ne peut se faire qu'entre biens fongibles.

À l'inverse, les biens non fongibles sont ceux qui ne sont pas interchangeables avec un autre. Ex.: une maison spécifique, un tableau d'un penitre donné. Pour ce qui est de la restitution, le créancier d'une obligation sur ce type de bien ne peut être obligé d'accepter un bien autre (1561 al.1).

C. LC. LESES RAPPORTSRAPPORTS ENTREENTRE LESLES BIENSBIENS ETET LESLES PERSONNESPERSONNES

I. La propriété privée et ses originesI. La propriété privée et ses origines

1. PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DE LA PROPRIÉTÉ ROMAINE

1. 1. IntroductionIhéring32 nous raconte: le droit romain a imposée une modification de notre pensée

juridique. Même après la décomposition du système romain d'Occident, il a été repris, notamment par les jurisconsultes orientaux. Il est d'ailleurs au cœur de la vision matérielle du bien, quoiqu'on puisse en discuter (ce que l'on fera, d'ailleurs).

1. 2. Période et évolution On distingue plusieurs périodes dans les institutions politiques romaines: la monarchie, la

république et l'empire. Évolution juridique en trois phases: le vieux droit romain, le droit classique (modèle) qui s'étend jusqu'au milieu du IIe s. ap. J.-C. et le droit romain post-classique (décadence du Bas-Empire).

Gaius, Paul, Papinien, Lupien, sont des noms, mais pas aussi important que Justinien qui a codifié les lois dans un corpus juris civilis qui se décompose en quatre ouvrages: les Institutes (manuels pour étudiants), le Digeste (qui comprenait les fragment des grands jurisconsultes), le Code et les Novelles (nouvelles constitutions adoptées par Justinien).

Conclusion: étant donné la longueur de la période, la notion de propriété n'est pas unifiée. L'état politique n'était pas suffisamment fort pour imposer une propriété collective de type public: cependant, il existe de la propriété collective mais privée et, bien sûr, de la propriété individuelle.

1. 3. L'idée de propriété. À l'époque classique, émergence de l'idée de puissance absolue de l'homme sur la chose

(idée de dominium, terme qui n'apparaît qu'au milieu du 1er s. ap. J.-C.): le propriétaire est celui qui a la plena in re potestas, c'est-à-dire la maîtrise la plus complète que l'on puisse avoir sur

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une chose (définition des Institutes de Justinien).

1. 4. Le bien immatériel exclus du droit romain?L'objet de la propriété peut-il englober les biens incorporels? Ceux qui se fient

uniquement au droit romain n'admettent pas cela: la propriété au sens propre pour un civiliste romaniste doit s'exercer sur la chose matérielle uniquement.

Mais la distinction est-elle si claire puisque le droit romain fait la différence entre la res corporales et la res incorporales? Généralement, les auteurs de doctrine classique considèrent que les res corporales sont les objets de la propriété et les res incorporales, les droits portant sur les objets de la propriété (et ne sont donc pas considérés comme deux choses au même niveau). Les Institutes de Justinien fait la différence et définit, selon la nature pour les res corporales et donnant les démembrements de la propriété, l'hérédité et d'autres droits comme res incorporales.

Ihéring, toujours lui, a montré que le droit romain est parti d'une conception très concrète de la propriété mais qu'il a su adapter ses *concepts* et y ajouter des notions d'incorporels. Ainsi, le droit de gage et l'usufruit ont été étirés à des créances ou à des patrimoines entiers. La possession s'en est trouvée davantage dématérialisée: le simple exercice d'un droit de servitude, par exemple, bien qu'impalpable, constituait un droit de propriété.

1. 5. Conclusion et transition. L'immatériel n'est pas fondamentalement pas étranger au droit romain, contrairement à

l'idée qu'on peut en avoir. Pourquoi? C'est probablement à cause du passage du droit féodal et de tout le Moyen-Âge par-dessus l'enseignement du droit romain.

2. PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DE LA PROPRIÉTÉ FÉODALE

2. 1. Généralités. La féodalité s'étend du 10e siècle jusqu'à la nuit du 4 août 1804 (les privilèges restent au

Québec jusqu'en 1904). La coutume devient une source du droit particulièrement importante au Moyen-Âge, prenant beaucoup plus de place que les lois écrites, qui régissent les sociétés de types étatiques, ce que n'est pas la société médiévale.

Renaissance scientifique du droit romain dont l'enseignement fleurit dans les universités dès la fin du 11e siècle. Deux écoles importantes, nées en Italie, l'école des Glossateurs (fondée par Irnérius, où l'on part des textes romains, on les explique tout le cours durant et le professeur complète en exposant une glose, sa propre réflexion formulée de façon brève, qui dure jusqu'au 13e siècle) et celle des post-glossateurs (fondée par Bartole: il ne s'agit plus de gloser, ni restaurer comme tel le droit romain, on cherche plutôt à établir des théories qui sont appropriées à l'époque et aux réalités médiévales). En cherchant à expliquer les phénomènes de leur temps, ces écoles se sont réappropriés (à leur manière) le droit romain.

2. 2. Naissance de la féodalité. À la chute de l'empire romain, en l'absence de pouvoir central fort et dans la crainte des

invasions barbares, les populations se regroupent: protection contre service. Le système féodal, dont la terre est le moteur économique et juridique, est né.

Opposition entre l'alleu, terre familiale libre de toute contrainte féodale, plus proche de la propriété romaine, et le fief, base du système féodal, terre concédée à charge de certains services. Au fil des temps, l'alleu deviendra de plus en plus rare, et les sols seront affectés d'une série de charges, inconnues en droit romain.

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2. 3. Relativisation de la propriété. Au 10e siècle, seules quelques familles posséderont les grands domaines, et il existera une

chaîne d'inféodation et de sous-inféodations qui résulteront en une chaîne de droits concurrents sur la même terre, étroitement hiérarchisés. Ainsi, si à proprement parler le seigneur garde le droit de propriété sur sa terre, la jouissance du domaine s'éloigne de lui.

Démultiplication des prérogatives sur une même terre: la plupart des utilisateurs d'une terre sont en réalités titulaires d'un droit sur la chose d'autrui, la terre du seigneur de fief. Tout le monde en devient le quelque chose de quelqu'un. La propriété exclusive devient presque impossible, la propriété première, marginale.

2. 4. L'objet de la propriété féodale: une construction parmi tant d'autres. Les Glosateurs créent le *concept* de dominium utile, domaine utile. Le seigneur

reconnaît au vassal le droit de revendiquer de manière utile (droit d'action en justice, action utile, action directe), ce qui crée un lien direct entre le vassal et la terre, la chose.

Les post-Glossateur ont poussé plus loin la construction: le titulaire du droit, qui a l'action en revendication, est qualifié de propriétaire de la chose corporelle. Le seigneur ne peut donc plus en être le propriétaire: conséquemment, il devient xxxxxxxxxx. La propriété est le droit de disposer parfaitement d'une chose, ajoute Bartole, au-delà du droit romain. Même si l'on admet qu'on puisse être propriétaire d'un droit, puisqu'il existe un droit sur le «travailleur»

Conclusion: le dominium des droits est impropre: il existe, mais il est inadapté.

RécapitulationLa propriété romaine implique la possession totale d'un homme sur la chose, elle est large

(elle inclut les choses corporelles et incorporelles). De l'autre côté, il existe la propriété féodale qui est limitée et dans laquelle plusieurs

personnes exercent un pouvoir sur la même terre (double domaine, puisqu'on distingue le domaine éminent qui revient au seigneur du domaine utile qui revient au tenancier, dit vassal lorsqu'il est noble et censitaire lorsque c'est un roturier).

3. LA PROPRIÉTÉ AU QUÉBEC.3. 1. Introduction: la Coutume de Paris.

La dimension juridique de la Nouvelle-France est surtout basée sur cette fameuse coutume de Paris. Aux 17e et 18e siècles, plusieurs coutumes s'étaient implantées en Nouvelle-France, mais c'est celle de Paris qui s'imposera par un édit de 1664. Cette coutume sera maintenue par l'Acte de Québec (1774), puis modifiées par diverses ordonnances royales, altérée par d'autres droits (le droit canon en matière familiale, certaines ordonnances pour le commerce).

Originale, nous dira le professeur Olivier Martin, parce qu'elle se distingue à la fois du droit féodal et du droit romain et parce qu'elle n'a pas été modifiée par les Glossateurs et les post-Glossateurs. Les deux premiers titres de la Coutume traitent des droits seigneuriaux. Si cette coutume prévoyait une organisation féodale des biens, il n'en demeure pas moins qu'à l'article 88, on distinguait les biens meubles des immeubles: Cugniet, dans son Traité des anciennes lois, usages et coutumes du Canada, dit que cette distinction incluait la distinction entre les biens corporels et incorporels.

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3. 2. Le pouvoir royalW. de Marler, The Law of Real Property [R. 192]

L'une des principales originalités du système «canadien» est d'abord que la féodalité est restée subordonnée aux impératifs de colonisation et de peuplement de la Nouvelle-France: tout seigneur devenait une espèce «d'entrepreneur en peuplement». Ici, les seigneurs sont contrôlés de plus près par le pouvoir royal (où le roi est souverain et suzerain).

Ainsi, à la fin du 17e siècle, certaines proclamations royales vont révoquer des concessions sous le prétexte que certains engagements (défrichement, construction de moulin, p ex.) n'avaient pas été tenus.

Ainsi, la féodalité au sens politique n'a presque pas existé en Nouvelle-France en raison de cette importance du pouvoir royal sur les seigneurs. Il reste que la féodalité reprend les relations de dépendances économiques, sociale et juridiques qui bâtissent une société.

Autre originalité, les concessions au Québec ont été faites de pleine propriété: les tenanciers étaient déjà propriétaire de leur tenure, puisqu'ils avaient le droit de les aliéner et de les transmettre en héritage. Certains contestent à causes des taxes.

3. 4. Les modes de tenuesLe roi de France avait cédé les terres à des compagnies qui devaient concéder les

territoires pour assurer le peuplement. D'abord, la Compagnie des Cent-Associés, qui concédera environ 65 domaines, ensuite, la Compagnie des Indes occidentales. Les concessions sont dites «en franc alleu» ou en «franc alleu roturier».

Sous le régime anglais, ce sont des concessions en «franc et commun soccage». C'est le changement de régime qui fait changement le nom, mais la nature de la concession reste la même: propriété (relativement) directe et importants pouvoirs de disposition.

Sous le régime anglais, en matière de terres agricoles, il existait au 19 e siècle une espèce de vente conditionnelle au colon des terres (dites par les «billets de location»). Une fois que les conditions du billet de location étaient remplies, l'état émettait des lettres patentes qui confirmaient la propriété du tenancier/colon.

3. 5. L'abolition du régime seigneurialPetit à petit grands pans de la coutume de Paris sont abrogés: une cour seigneuriale est

créée pour régler les différents (notamment quant aux compensations à mettre en place pour les seigneurs) et la couronne renonce à son domaine éminent. La propriété simple et directe existe donc, à proprement et à juridiquement parler.

Le régime seigneurial est aboli en 1854: émergence d'une conception plus individualiste de la propriété à travers la codification du C.c.B.C. en 1866.

3. 6. Le Code civil du Bas-CanadaLe mandat des codificateurs Était de reprendre le droit en vigueur et de l'exposer en se

servant du modèle formel du Code Napoléon. La loi promulguant la codification prochaine impliquait une codification à droit constant: les amendements viendraient après. Il ne s'agit pas de réformer le droit, mais bien de le consolider. L'une des missions des codificateurs était donc de savoir ce qui était réellement en vigueur.

La coutume de Paris constitue la source principale, bien que certaines ordonnances ou lois anglaises aient pu s'y glisser. Le droit romain a également été une source d'inspiration considérable pour les rédacteurs, en raison de l'importance de ce droit dans la tradition civiliste. Quantitativement, le droit romain aurait figuré dans 72% des articles (de façon plus ou moins

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directe). Cette influence romaine est certaines, par exemple: l'art. 374 C.c.B.C.: qui dit que «tous les biens tant corporels qu'incorporels sont meubles ou immeubles», l'art. 206 C.c.B.C. nous disait que «la propriété est le droit de jouir et de disposer de la façon la plus absolue d'une chose (sous réserve de certaines limitations)».

II. Le domaineII. Le domaine

«915.  Les biens appartiennent aux personnes ou à l'État, ou font, en certains cas, l'objet d'une affectation. 1991, c. 64, a. 915.»

1. LE DOMAINE PUBLIC

1. 1. DéfinitionTous les biens qui appartiennent à l'État (sans distinction), l'État signifiant à la fois la

Couronne et les mandataires de l'État, comme le disent Dussault et Borgeat dans leur Traité de droit administratif et comme l'a jugé la cour d'appel en 1973 dans Richard Lasalle Construction c. xxxxxxx33.

1. 2. Description1. 2. 1. Tous les biens qui appartiennent à l'État

Font partie du domaine public les biens qui appartient à l'État, fédéral ou provincial, et sont visés à l'article 915 C.c.Q. La Loi constitutionnelle de 1867 prévoit que le domaine public qui est compris dans un état provincial appartient en principe à cette province (art. 117), sauf loi énonçant le contraire. Il en résulte donc une suprématie du domaine public provincial par rapport au domaine public fédéral. Ceci dit, le fédéral est propriétaire des bâtiments qui desservent une administration fédérale, aux bases militaires et aux aéroports, propriétaire également des fonds marins et des terres n'appartenant à aucune province (les territoires).

L'État peut exproprier ou confisquer des biens (917 C.c.Q.), recueillir des biens oubliés, meubles (935 C.c.Q) ou immeubles (936 C.c.Q.), qu'ils soient naturels ou artificiel (une distinction qui, bien que préconisée par certains auteurs, n'est pas absolue, penser Morin c. Morin, p. 25).

1. 2. 1. 1. Biens publics naturels Les mines:o Le propriétaire du sol est propriétaire du sous-sol (951 C.c.Q. al.1)o L'État se réserve la propriété des mines qui se trouvent dans les sous-sols (raisons

historiques, le Roy se réservant à l'époque cette propriété). o Art. 3 à 7. de la Loi sur les mines:

Le propriétaire du sol va rester propriétaire du sable, du gravier, de l'argile alors que l'État sera propriétaire du pétrole ou du charbon34.

Les terres:o Historiquement la Couronne, l'État s'est départi de certaines terres au profit de

particuliers. o Des terres qui n'ont pas été concédées l'État est un propriétaire résiduaire (400

C.c.B.C., 918 C.c.Q). o Une nuance avec le droit des autochtones.

L'article 35 de la Loi constitutionnel de 1982 prévoit que «Les droits existants

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—ancestraux ou issus de traités— des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés».

De nombreux traités ont également reconnu le droit pour certaines activités religieuses, droits de chasse et de pêche, et parfois titre qui comporte une maîtrise du sol (mais ce n'est pas notre concept de propriété, c'est plus proche de l'usufruit, mais c'est un droit sui generis d'après les tribunaux, droit dont ils ne peuvent disposer, sauf au profit de la Couronne) et, finalement, droit qui comprend les ressources minérales du sous-sol.

Les eaux (lien Morin c. Morin, p.25 et limites du droit de propriété, p. 45):o Le lit des cours d'eau flottables et navigables appartient à l'État (919 C.c.Q.), sauf

si loi ou concession préalable du contraire (919 C.c.Q. al. 3): C'est une règle historique puisqu'en droit coutumier français, elles étaient la

propriété du roi. Ce critère de flottabilité et de navigabilité est une question de fait: il existe

différentes critères, notamment le volume l'eau, l'utilité publique de la navigation et surtout l'utilité du cours d'eau en matière de navigation commerciale (Québec(P.G.) c. Houde [R. 199]).

Ce critère se fait à la lumière de l'état du cours d'eau au moment de la concession (Québec (P.G.) c. Auger [R. 215]).

Il doit être flottable et navigable à l'embouchure au moins (et un cours d'eau à bûche perdue n'est pas considéré comme flottable et navigable).

Les cours d'eau qui ne sont pas navigables et flottables ne font pas partie, règle générale, du domaine public. C'est donc le propriétaire riverain qui a la propriété du lit (ou les propriétaires jusqu'au milieu du cours d'eau).

o Pour marquer la limite: S'il y a marée, on prend les hautes eaux (là où la marée marque au plus fort

du mois de mars) S'il n'y a pas de marée, on prend la hauteur normale des eaux, ce qui n'inclut

pas les crues et les débordements Les grèves et battures appartiennent au domaine public (sauf concession

spécifique). Font également partie, en principe, du domaine public, le lit des lacs et des

cours d'eau non-navigables ni flottables qui bordent les terrains aliénés par l'État après le 9 février 1918, date à laquelle (919 C.c.Q. al.2)

Toutes ces règles s'appliquent sauf stipulation du contraire (919 C.c.Q. al 3) Réserve des trois chênes: bande de terre en bordure des rivières non

navigables ni flottables dont l'État s'était réservé la propriété depuis le 1er

janvier 1884. Par la suite, cette règle a été étirée à tous les cours d'eau, jusqu'à ce que, le 17 décembre 1987, il renonce à ce privilège sauf si c'est expressément prévu par la loi ou par l'acte de concession.

1. 2. 2. Certains biens des personnes morales de droit publicFont également partie du domaine public les biens des personnes morales de droit

public (mandataires de la Couronnes, municipalités) qui sont affectés à une fin d'utilité de droit public (nécessité pour la mission publique), p ex. un parc ou un chemin public. «C'est cette destination à l'usage général et public qu'il faut retenir et qui permet de le

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considérer comme faisant partie du domaine public de la municipalité [75].» De plus, l'utilité publique peut être indirecte, ratio de Construction D.R.M. Inc. c. Bâtiments Kalad’Art Inc. [R. 220].

Le reste, c'est du domaine privé des collectivités comme les municipalités opèrent sur le principe de la dualité domaniale c'est-à-dire que les municipalités possèdent une part de domaine privé (tout ce qui n'est pas nécessaire pour la mission publique).

1. 3.Régime juridique des biens du domaine publicRégime exorbitant du droit commun (qui n'est pas le régime traditionnel du C.c.Q.

auquel sont soumis les particuliers): Nul ne peut s'approprier par prescription acquisitive les biens de l'État (916 C.c.Q.

al.2), ni par occupation ou possession. Insaisissabilité qui entraîne ce qu'une hypothèque ne puisse être consentie sur ces

biens (2645 et 2668 C.c.Q.) avec la limite que les municipalités peuvent prévoir que leurs biens peuvent être saisie dans leur loi constitutive (par exemple, art. 4 de la Loi sur la caisse de dépôt et de placement ou art. 14 de la Loi sur Hydro-Québec) –crédibilité et responsabilité (Construction D.R.M. Inc. c. Bâtiments Kalad’Art Inc.)

Immunité fiscale: les terres qui appartiennent à l'état ne peuvent être soumises à l'impôt (art. 125 L.c. 1867).

Inaliénabilité, bien qu'il existe un grand nombre de lois dérogatoires (Loi sur le régime des eaux, Loi sur les terres agricoles) qui la tempère. Dès que l'État veut donner des biens du domaine public, il doit passer par une loi spéciale. Ex. Le claim, un droit exclusif de rechercher des substances minérales sur un certain terrain. Idem pour les gisements pétrolifères (très strict, très encadré).

2. LE DOMAINE PRIVÉ

2. 1. GénéralitésC'est le domaine des particuliers.

D. LD. LEE DROITDROIT DEDE PROPRIÉTÉPROPRIÉTÉ. . I. La propriété civiliste: nature et étendue du droit de propriétéI. La propriété civiliste: nature et étendue du droit de propriété

LA PROPRIÉTÉ CIVILISTE

1. DÉFINITION ET ATTRIBUTS DE LA PROPRIÉTÉ. 1. 1. Introduction: la propriété comme pont entre l'être et l'avoir.

On considère de façon générale que la propriété est le rapport le plus absolu (ou le plus complet, pour reprendre la typologie de Silvio Normand) qui puisse exister entre une personne et un bien (1406 CcBC).

Le propriétaire est le maître de sa chose ou de son bien, sur la ou lequel il a les pleins pouvoirs (reprise de l'idée romaine de la plena in re potestas, lien p. 27). Pour Colin et Capitan, la propriété est le «monopole de l'individu sur une chose». Définition de Potiers, «la propriété est le droit par lequel une chose m'est propre et m'appartient privativement à tous autres. »

1. 2. Quels sont les attributs de la propriété? «947.  La propriété est [«être» implique une définition à contenu réel dira Gérard Cornu] le droit d'user, de jouir et de disposer librement et complètement d'un bien, sous réserve des limites et des conditions d'exercice fixées par la loi.

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Elle est susceptible de modalités et de démembrements. 1991, c. 64, a. 947.»

Usus: droit d'usage, faculté de se servir du bien, d'établir le type d'usage du bien, sa destination, son affectation (ce qui inclut la possibilité de ne pas l'utiliser).

Fructus: droit de jouir, faculté de retirer d'un bien l'ensemble de ses services, biens naturels, industriels ou civil (revenus, fruits, intérêts, etc.), 949 C.c.Q. Il existe ici aussi la prérogative positive d'exploiter le bien ou négative de ne pas percevoir les fruits.

Abusus: droit de disposer, c'est la prérogative essentielle de la propriété:o Actes matériels: consommation, destruction, rénovations o Actes juridiques:

ALIÉNATION: vente, aliénation, constitution d'un patrimoine fiduciaire. CONSTITUTION d'un droit réel sur un bien ABANDON (lien res derelictae, p. 24)

1. 3. Problèmes ou limites: identification d'un quatrième attribut, l'accessio. Étant donné un propriétaire qui constitue un droit réel sur son bien, une autre personne, un

usufruitier par exemple, le propriétaire n'a plus usus et fructus, il n'a que l'abusus (puisque c'est tout ce que conserve le nu-propriétaire).

Mais dans le cas de l'emphytéose, le propriétaire cède aussi son droit de disposer! «1200.  L'emphytéote a, à l'égard de l'immeuble, tous les droits attachés à la qualité de proprié-

taire, sous réserve des limitations du présent chapitre et de l'acte constitutif d'emphytéose. […]»

Ceci dit, l'emphytéote a un abusus, limité au temps que dure le démembrement: il peut modifier, hypothéquer la propriété. C'est le droit réel le plus complet (après la propriété) mais ce n'est pas la propriété.

Usus, fructus, abusus (triptyque proposé par les Glossateurs) et, dans une moindre part, l'accessio. Au point de vue matériel, l'accession est un mode d'acquisition de la propriété (un terrain au bord de la mer qui se serait agrandit par le joyeux jeu des alluvions, par exemple) L'accession, du point de vue juridique, c'est la possibilité de pouvoir récupérer son bien, de le retrouver entier après l'avoir démembré. C'est la vis attractiva, la faculté de la propriété de se reconstituer (lien avec le patrimoine-contenant, p. 5): ce n'est pas parce qu'il concède une partie de son droit de propriété qu'il se départit du droit de propriété à jamais.

Ça, c'est au Québec, en France, on propose de Vareilles-Sommières, dans la RTDC 1905 p. 104, propose l'arrière-droit, avec moins de succès, peut-être, puisqu'il n'est pas considéré comme un quatrième attribut.

1. 4. Critiques et peau de chagrin. On a critiqué cette vision d'usus, fructus, abusus comme erronée et réductrice puisque

certains croient qu'il n'est pas possible d'énumérer tout ce que le propriétaire peut faire sur son bien. Ceci dit, la classification demeure parce qu'elle est utile.

De Vareilles-Sommières dit que ce n'est moins l'usus, fructus, abusus qui importe que la vocation. Ces trois *concepts* ne constituent pas des segments de la propriété, mais plutôt la synthèse des utilités. Cette idée est proche de celle du professeur Zenati qui voit la propriété civiliste comme un espace plutôt que comme un contenu: c'est-à-dire que même si un propriétaire se départit de tous les usages, il reste propriétaire. C'est une idée tout à fait à

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l'encontre de la common law où cette «boîte» n'existe pas. Tous ces auteurs considèrent finalement que c'est la relation par lequel le bien ou la

chose appartient au propriétaire qui est la propriété, le lien, la maîtrise plutôt que l'identification d'une prérogative particulière sur un bien.

2. LES CARACTÈRES DE LA PROPRIÉTÉ: ABSOLUITÉ, EXCLUSIVITÉ, PERPÉTUITÉPortalis, Discours prononcé devant le Corps législatif [R. 243]2. 1. Absoluité2. 1. 1. Le Législateur reconnaît l'absoluité de la propriété?

«947.   La propriété est le droit d'user, de jouir et de disposer librement et complètement d'un bien, sous réserve des limites et des conditions d'exercice fixées par la loi. […]» [les italiques sont nôtres]

Contrairement au Code Napoléon (ou à l'art. 1406 C.c.B.C) qui définissait la propriété comme «le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par le gouvernement.», le C.c.Q. parle du caractère «libre et complet» de la propriété, ce qui tempère la question de l'absoluité de la propriété (ou plus exactement, la propriété est absolue, c'est son exercice qui est limité) et renforce l'idée de limite: le propriétaire peut faire tout ce qui n'est pas interdit par la loi.

2. 1. 2. Deux principesIl n'y a pas de concurrent dans la maîtrise et ce, depuis l'abolition du régime

seigneuriale et de l'idée de double domaine. Pour Carbonnier, c'est la propriété utile que le Code civile a proclamée absolue.

Deuxième principe: liberté d'action du propriétaire sur son bien. Pour Portalis, la propriété est contraire à la barbarie et porteuse de civilisation. «On doit être libre avec les lois, et jamais contre elles […] La liberté ne s'acquiert que par le sacrifice de son indépendance [R. 240]». C'est la raison pour laquelle il importe d'accepter les lois qui limitent le droit de propriété, si absolu soit-il35.

2. 1. 3. Limites Art. 7 C.c.Q.: «Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d'une

manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre des exigences de la bonne foi.» reconnaissance du *concept* d'abus de droit

Intérêt public (expropriation, art. 3 de Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, Loi sur l'exploitation agricole.) – 952 CcQ.

Lien bâtiments menaçant ruine (990 CcQ), p. 44

2. 2. ExclusivitéDeux sens:

Le propriétaire est seul à prétendre à l'ensemble des attributs sur son bien (assez proche de l'absoluité)

Le propriétaire est le seul propriétaire face aux tiers (exemple-type: l'action en revendication, 912 et 953 C.c.Q.).

C'est certainement le plus important des caractères exposés en doctrine, mais peut-être, selon certains auteurs, le seul qui compte réellement, l'essence.

2. 3. Perpétuité2. 3. 1. Signification de la perpétuité.

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Deux sens au *concept* de perpétuité: aucune durée n'est assignée à la propriété, elle n'est pas soumise à un terme extinctif. la propriété ne se perd pas par le non-usage, ce qui implique que l'existence de la

propriété est indépendante de son exercice (imprescriptibilité extinctive de la propriété36).

2. 3. 2. Est-ce réellement un attribut?2. 3. 2. 1. Introduction et questions

Le bien appartient au propriétaire pour toujours et donc, diront les classiques, la propriété est nécessairement perpétuelle, contrairement à ses démembrements qui sont limités dans le temps.

Or, le C.c.Q. ne dit rien: est-ce que le Législateur sous-entend qu'elle est perpétuelle ou le silence doit-il être interprété a contrario?

Pour Madeleine Cantin-Cumyn [R. 248], il importe de faire appel au caractère incommutable (i.e. le propriétaire ne change pas) de la propriété. C'est le droit réel le plus absolu: lorsque tous les démembrements s'éteignent, c'est la propriété qui se reconstitue. C'est le titre ultime qui ne se définit par rapport à aucun autre droit dont il se serait détaché. Il n'existe donc pas de consolidation d'un droit supérieur à la propriété.

2. 3. 2. 3. La propriété comme non perpétuelle La propriété intellectuelle qui dure 50 ans après sa mort et c'est tout?o Le législateur ne reconnaît-il pas ainsi à la propriété des caractères incorporels qui

ne sont pas perpétuels?o Ce n'est pas de la vraie propriété diront les classiques.

La possibilité même d'abandonner son bien, n'est-ce pas une limite à la faculté de la propriété37?

La propriété superficiaire ne peut-elle pas être sans terme ou avec terme (1113 C.c.Q.).

Finalement, on peut considérer que chaque transfert de propriété contrevient à la pérennité puisque chaque nouveau propriétaire suppose un terme extinctif à la propriété de l'ancien propriétaire.

2. 3. 2. 4. ConclusionLa propriété a vocation à la perpétuité, à la durée, mais ce n'est peut-être pas par

essence: la perpétuité pourrait seulement souligner que le droit de propriété dure autant que son objet (en principe, il n'y a donc pas de terme extinctif).

3. OBJET DE LA PROPRIÉTÉ ET NATURE JURIDIQUE. B. Pierre, Classification of Property and Conceptions of Ownership,,, [R. 251] 3. 1. Évolution de l'objet de la propriété: passer de «chose» (thing) à «bien» (property).

Majeure: Classiquement, un droit réel porte sur un objet matériel. Mineure: La propriété est un droit réel. Conclusion: La propriété porte sur un objet matériel.

Or, la définition du Code civil a changé l'objet de la propriété, passant de «chose» (406 C.c.B.C.) à «bien» (947 C.c.Q.). Ce qui signifierait, puisque les biens sont «corporels» ou

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«incorporels» (899 C.c.Q.), que la propriété peut porter à la fois sur les biens corporels, les choses, et les droits, des biens incorporels ou que ce n'est plus un droit réel (ce qui serait une hérésie)?

Deux thèses possibles: La première, classique: l'objet de la propriété est toujours matériel dans le

C.c.Q. La seconde, plus novatrice: le C.c.Q. se dirige vers une dématérialisation de

l'objet de la propriété.

3. 2. 2. Thèse classique de l'absence de modification de l'objet de la propriété.3. 2. 2. 1. Thèse du lapsus linguae: quand on dit bien, on veut dire chose38.

Traditionnellement, la chose est associée à la matérialité contrairement au bien qui peuvent être corporels ou incorporels, c'est-à-dire que la «chose», c'est le bien corporel (et qu'il existe une autre catégorie, à part, celle des biens incorporels).

Donc, quand le Législateur a dit que la propriété porte sur un bien, c'est qu'il s'est trompé de *concept*. La preuve, c'est que dans d'autres articles, c'est du *concept* de chose dont il est question (913 ou 914 C.c.Q.).

C'est probablement une thèse à écarter dans la mesure où le Barreau avait dit assez clairement au Législateur de ne pas changer les mots si la substance ne changeait pas (lien 11). Il semblerait assez peu vraisemblable que le Législateur ait ignoré l'avis d'une neuvaine de commissions et d'autant de groupes de consultation.

3. 2. 2. 2. Thèse de la réduction des biens aux corps: c'est kif-kif, en langage moderniséIndifférence du *concept* de chose ou de bien. Peu importe que le Législateur ait utilisé le terme «chose» ou le terme «bien», il s'agit d'abord et avant tout d'une modernisation terminologique puisque le droit s'intéresse plutôt aux biens qu'aux choses (et même, qu'on dit souvent que les «biens sont les choses vues par le droit»). À preuve, les commentaires de l'Assemblée nationale sur le projet de loi 20 où l'on envisage les biens comme les choses du droit. C'était sans doute une simple modernisation du langage. Le «bien est la chose susceptible d'appropriation», de toutes les choses, le bien était celle qui est susceptible d'appropriation:

Cette interprétation ne fait que déplacer le problème: qu'est-ce qu'une chose susceptible d'appropriation?

De l'opposition romaine des res corporales et incorporales, on considère souvent que les Romains confondaient la propriété et son objet, la propriété est donc à la fois un droit réel et un bien, c'est-à-dire qu'ils auraient donc dit «ma chose» au lieu de «mon droit sur un bien» et que, conséquemment, la propriété doit être vue comme une res corporales puisqu'elle se cacherait derrière les objets corporels39:

Cette division est considérée comme illogique dans la mesure où elle met sur le même plan des droits et des choses. Ainsi, d'autres auteurs disent que ce n'est pas que la propriété soit

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Non-propriétéChoses

BiensRes corporales Res incorporales

Propriété

Biens corporels alias choses

Propriété (elle s'incorpore dans les objets matériels)

Bien incorporels

BienChoses

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absente ou sans rapport, c'est qu'elle se trouve au-dessus des res corporeles et incorporales, comme un dominion

On peut aussi dire que les droits sont incorporels et que, du coup, ce qui reste, ce sont les biens, corporels.

3. 2. 3. Dématérialisation de l'objet de la propriété. 3. 2. 3. 1. L'argument terminologique: le Législateur a changé de mot, pas pour des prunes

On rappelle abondamment que l'Office de révision du Code civil avait voulu faire porter la propriété sur les choses mais le Législateur a insisté sur l'emploi du mot bien (notamment en insistant sur le fait que la propriété romaine, illogique puisqu'elle réunissait sous un même terme générique des choses séparées, reprenant ainsi une vision classique). Il semblerait étrange que les codificateurs ait ignoré la différence entre chose et bien, notamment parce qu'il a prévu cette distinction (899 C.c.Q. où les biens corporels et incorporels sont situés sur le même plan, ce qui tient peut-être de la continuation de l'erreur romaine).

Il existe un principe d'interprétation civiliste qui dit qu'il ne faut pas distinguer là où la loi ne distingue pas (c'est-à-dire qu'il ne faudrait pas préciser que la propriété si le terme employé est large –donc, bien signifie bien, chose matérielle et gogosse incorporel).

Ajoutons à cela qu'il y aurait une volonté législative de dématérialiser la propriété dans d'autres institutions du code: la copropriété, la propriété superficiaire et la substitution, où le Législateur a également prévu que l'on puisse envisager des biens moins comme leur corporalité mais comme une universalité dont la composition peut varier.

3. 2. 3. 2. Argument d'opportunitéAutre argument, dit «argument d'opportunité»: la propriété incorporelle n'est pas

civiliste, mais d'autres auteurs estiment que c'est risqué de faire échapper les biens immatériels à la propriété civiliste: ces biens doivent être protégés, notamment parce qu'ils prennent de plus en plus d'importance.

3. 2. 3. 3. Argument de voisinage: éventuelle interférence de la common law?Un système juridique peut se distinguer de la langue qui lui est traditionnellement

associée. Or, le C.c.Q. a été rédigé dans les deux langues et en common law le bien, ou «property» désigne à la fois l'objet (matériel) et le droit ou l'intérêt dont une personne est bénéficiaire (immatériel). Définition de la propriété de Blackstone (18e s.): «Sole and despotic dominion which one man claims and exercises over the external things of the world, in total exclusion of the right of any other individual, in the universe». La propriété est aujourd'hui entendue comme un «bundle of rights» en common law et dans cette conception, peu importe que le bien soit ou non immatériel.

3. 3. Conséquence de la question de l'objet de la propriété sur sa nature juridiqueDonc, si l'on admet qu'il existe des biens incorporels et que la propriété peut porter sur

des biens incorporels. La question se pose donc: est-ce la propriété est toujours un droit réel?Traditionnellement, le droit réel est défini comme un droit portant sur une chose

matérielle. D'où le problème (voir le syllogisme introductif).

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Cependant, l'art. 1132 C.c.Q. parle de l'usufruit, donc un droit réel (918 C.c.Q.), portant sur une créance, un droit personnel (image similaire pour l'hypothèque –ce n'est manifestement pas la première fois qu'un droit réel a pour objet un bien incorporel). C'est écrit pour les démembrements, mais non pour la propriété elle-même (notamment parce que la formulation de l'art. 911 C.c.Q. fait du droit de propriété un droit réel)

Conclusion: les deux interprétations sont possibles, mais il serait étrange (quoique formellement correct, c'est la grosse limite de la distinction traditionnelle) que la propriété ne soit plus un droit réel parce qu'elle peut porter sur un bien incorporels.

Dernière hypothèse (théorie romaine de l'incorportation): la propriété est un droit tellement fort et absolu qu'elle est absorbée par son objet c'est-à-dire que la propriété est à la fois un droit réel et un bien. Encore une fois, cette théorie est remise en question parce qu'il est plutôt illogique de qualifier de bien à la fois l'objet du droit de propriété et le droit de propriété lui-même: il faudrait deux *concepts* (Josserand). Si l'on veut distinguer le droit de l'objet du droit, la nature juridique de «bien» de la propriété n'est peut-être pas tout à fait rationnelle.

Impact: sur le droit de suite, le droit de préférence, l'opposabilité aux tiers et, bien sûr, sur les régimes juridiques qui se sont formés autour des *concepts* classiques (objet large ou strictement matériel, p. ex.).

4. PROTECTION DE LA PROPRIÉTÉ.4. 1. L'action en revendication de propriété: un recours pétitoire

Deux recours types de recours: Le recours pétitoire, qui vise le fond du droit et donc la reconnaissance du droit

de propriété ou de tout autre droit réel principal (912 C.c.Q.) Le recours possessoire, qui protège le fait de possession (953 C.c.Q.).

L'action en revendication est un recours pétitoire. Cette action peut s'exercer soit contre le possesseur, soit contre le détenteur et elle permet de faire reconnaître son droit de propriété sur le bien et de le récupérer.

Pour revendiquer, le propriétaire doit prouver son droit. Dans le cas des immeubles, cette preuve est facilitée par 2944 C.c.Q. qui nous dit que l'inscription du droit au registre comprend la présomption simple40 de l'existence du droit (lien 3. 4. Les effets de la publicitéfoncière 15).

4. 2. Propriété et prescription. La prescription extinctive (pour non-usage), prévue à l'art. 2921 C.c.Q., est

généralement d'un délai de dix ans (2923 C.c.Q.). Or, l'action en revendication est imprescriptible puisqu'on considère traditionnellement

que la propriété est perpétuelle et donc il n'y a pas de prescription extinctive en fait de propriété. Par contre, un tiers pourrait acquérir un bien par prescription acquisitive: dans ce cas, le propriétaire ne peut pas intenter une action (il y a présomption de fait accompli et d'une part d'insouciance)41.

II. Restriction dans l'exercice du droit de propriété. II. Restriction dans l'exercice du droit de propriété.

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1. LES LIMITES AU CARACTÈRE ABSOLU DE LA PROPRIÉTÉ. 1. 1. Les limites dans l'intérêt privé1. 1. 1. Un peu d'histoire.

Dans le C.c.B.C., il n'y avait pas de disposition spécifique concernant les troubles de bon voisinage. Pour assurer la jouissance paisible, les tribunaux ont emprunté plusieurs voies: la théorie du risque sociale, celle de l'abus de droit, celle de la responsabilité civile (un peu d'activisme juridique rappelé dans Barette c. Ciment St-Laurent [R. 273]): avec Drysdale c. Dugas (étable sur St-Denis), Canada Paper Co c. Brown (compagnie fermée parce que un gars se plaignait) et Katz c. Reitz (maison du voisin s'enfonce pendant les travaux). Le C.c.Q. codifiera la jurisprudence et la doctrine: l'idée est toujours que le droit de propriété doit trouver sa limite dans le droit des autres, dans l'intérêt privé des tiers. C'est-à-dire que le droit du propriétaire d'utiliser sa chose comme il l'entend comprend l'obligation de ne pas utiliser ce droit de manière à empêcher le voisin de jouir de sa propriété. Le droit de propriété est un droit social: de ce fait, il porte en lui le germe de sa limitation (St-Louis c. Boulet).

Des questions demeurent: faut-il distinguer les notions liées d'abus de droit (7 CcQ) et de troubles de voisinage (976 CcQ). Ainsi, dans Gourdeau c. Letellier de St-Just [R. 267], la cour dit que même si l'on admet que la propriété est un droit absolu, il peut en résulter un abus. L'abus du droit de propriété est donc assez proche des troubles de voisinage. Ici, le juge cite donc l'art. 7 puis l'art. 976.

1. 1. 2. Première limite: la bonne foi (art. 6 C.c.Q.) Nécessités d'agir selon les exigences de la bonne foi, c'est-à-dire de la loyauté et de

l'honnêteté dans l'exercice du droit civil. Il s'agit d'une conformité non pas réelle mais apparente. Les commentaires du ministre de la Justice sont dans ce sens.

1. 1. 3. L'abus de droit: trois cas, trois types, trois raisons. L'ABUS DE DROIT (7 CCQ) LE TROUBLE DE VOISINAGE (976 CCQ)

L'intention de nuire Le droit de propriété maladroit ou anormal

Le droit de propriété antisocial

Utilisation malveillante du droit de propriété

Aucun profit pour le propriétaire (ou pour l'utilité public) dans son utilisation.

Exemple: Eminem et Brodeur c. Chouanières avec ses clôtures de 12 mètres.

L'exercice en soi est licite mais nuit à autrui avec malice et sans respect donc est sanctionnable.

Utilisation excessive et déraisonnable allant ainsi à l'encontre des exigences de la bonne foi.

Rupture d'équilibre en les droits des uns et des autres (Gourdeau c. Letellier).

Qu'il y ait eu négligence ou que les agissements aient dépassé le cadre de la normalité, une telle utilisation de la propriété est fautive et donc sanctionnable.

Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage.

N'implique pas de faute: Gourdeau consacre le principe qu'il faut comprendre des commentaires du Ministre qu'il peut, en droit québécois, y avoir responsabilité sans faute (au contraire de l'abus de droit où la faute doit être prouvée et qui, donc, entre dans 1457 CcQ).

Faut-il envisager 976 C.c.Q. par rapport à 1457 C.c.Q., c'est-à-dire dans le cadre de la responsabilité extracontractuelle. Non. Goudreau Il n'est donc pas nécessaire de prouver une faute!

Le fait que l'acte soit légal ne constitue pas une défense (Lessard c. Bernard, R. 265).

Faute: intention de nuire Faute: utilisation négligente ou dépassant le cadre de la normalité

Faute: pas de faute. L'art. 976 n'est pas à interpréter par rapport à 1457: il est mieux de calculer les dommages que de chercher la

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faute (Gourdeau). À prouver: Un dommage (un préjudice) Un acte assimilable à une faute (soit l'intention de nuire,

soit un exercice déraisonnable ou excessif du droit de propriété).

Trouble anormal (ce qui s'apprécie de façon objective: nature des fond, des usages locaux, non frivole, etc.).

Sanction: La CS peut délivrer une ordonnance d'injonction (751-2

C.p.c.):o Prohibitive: arrêt de l'activitéo Prescriptive: obligation de faire quelque choseo Interlocutoire: intérimaire jusqu'au jugement.

Possibilité de demander des dommages-intérêts (1457 C.c.Q.).

Attention: délai de prescription de trois ans (2925 C.c.Q.) Mercier c. Construction D. Caron inc.

Sanction: dommage punitifs (1621 C.c.Q.) puisque c'est une atteinte à la jouissance paisible des biens prévue par l'art. 6 de la Charte québécoise: prévoit le droit à la jouissance paisible d'un bien.

Attention: le droit est légitime, c'est son exercice qui cause le problème. Le comportement de l'auteur est donc envisagé sous l'angle de la finalité de l'exercice.

Moyens de défense: Légalité de l'acte? Non. (v. plus haut) Précautions raisonnables? Non. Puisqu'il n'y a pas de

faute à prouver, c'est inutile. Je ne suis pas propriétaire? Non. De tels recours

s'appliquent à tous. Utilité sociale de l'exploitation? Oui! C'est souvent retenu

pour refuser l'injonction bien qu'on accorder des dommages-intérêts. Golf St-Janvier42

Insuffisance du dommage subi? Oui. Boisjoli c. Gobbel (perte d'ensoleillement). «La perte d'un avantage n'est pas indemnisable (S. Normand)».

Lessard c. Bernard [1996], S.C. p, 28 [R. 264]Les faits. Bernard se plaint que Lessard a installé une fournaise trop près de la limite de séparation des terrains, laquelle fournaise trouble la jouissance paisible de leur voisinage. Bernard veut obtenir une injonction. La question. Est-ce un trouble de voisinage?La décision. Oui. La ratio. «Il n'est pas question de faute, le propriétaire devient en faute dès que sa propriété crée un préjudice plus important que raisonnable». Commentaire. Il y a une faute dans la mesure où Lessard n'a pas parfaitement suivi les instructions (bois vers), mais le principe sera néanmoins réaffirmé dans Gourdeau v. Letellier de St-Just.

Y a-t-il une limite au respect du droit à l'intimité? En l'absence d'une servitude de vue, il existait un droit légitime à protéger son intimité mais en l'espèce, on avait estimé que le moyen était démesuré et excessif (à cause de la hauteur des murs) et la Cour avait dit que le droit au respect de l'intimité doit s'exercer dans le respect du voisin (droit d'accéder à sa propriété et de jouir de l'air et de la lumière).

GourdeauGourdeau v. Lettelier de St-Just [2002] R.J.Q. 1195 à 1205 [R. 267]

Les faits. Gourdeau (appelants) a érigé deux murs beaucoup trop haut il y a

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longtemps pour préserver son intimité. Or, il devient impossible pour Letellier (intimés, qui avait sa propriété là avant, mais c'est un détail) d'accéder au fond pour faire des travaux et au soleil d'ensoleiller les balconsLa question. Les murs doivent-il être détruits et pourquoi?La décision. Les murs doivent être démolis parce que comme manifestation du droit à la vie privée ils dépassent les exigences du raisonnable et causent des inconvénients majeurs relevant des troubles de voisinage. Le raisonnement. Les appelants disaient qu'ils avaient acquis le mur par prescription acquisitive puisqu'il était sur leur terrain (c'est ce qui avait été découvert en 1954): la cour dit que non parce qu'ils n'avaient pas la possession utile du mur. Ensuite, ce n'est pas parce que les appelants avaient le droit de construire ce qu'ils voulaient (un bâtiment entier, «qui peut le plus, peut le moins!» qu'ils s'accordait le droit d'embêter leur voisins: le fait que leur acte ait été légal n'empêche pas qu'il ait été antisocial et que les seuls inconvénients constituent un trouble suffisant. Dissidence. Le droit à la vie privée doit l'emporter et l'abus de droit doit être prouvé. La ratio. Thibault J. «La mesure des inconvénients subis dépasse la démonstration d'une faute». L'art. 976 n'a pas à être interprété dans la perspective de l'art. 1457. Il y a «faute objective» et cela suffit.Commentaire. Réaffirmé (avec un peu d'histoire) dans Barette c. Ciment St-Laurent.

1. 1. 4. Les branches et les arbres. 1. 1. 4. 1. À qui appartienent les fruits tombés sur le fond voisin?

Les fruits appartiennent au propriétaire de l'arbre (984 C.c.Q.) qui doit pouvoir les récupérer (989 CcQ, sinon dommage-intérêts): application du principe posé par 949 CcQ, selon lequel les fruits et revenus appartiennent au propriétaire.

1. 1. 4. 2. Puis-je couper les branches ou les racines qui gênent mon terrain?Non: 985 C.c.Q., mais on peut obliger le voisin à le faire si l'usage sur fond en est

sérieusement menacé (entrave à la culture, menace de tomber). On ne peut se faire justice à soi-même (sous peine d'encourir une poursuite en dommages-intérêts), car on n'est pas propriétaire de l'arbre (droit réel) simplement un droit d'action en justice (analogie créance).

1. 1. 4. 3. Fonds agricoles et les règles du découvertLa solution serait-elle différente si le fond était exploité à des fins agricoles? Non, il existe

des règles relatives au découvert: le propriétaire qui exploite un fonds à des fins agricoles a droit de requérir l'abattage des arbres de son voisin à conditions qu'ils nuisent sérieusement à l'exploitation de son fond et ce, sur une lisière de cinq mètres au maximum (986 C.c.Q.), sauf si ce sont des vergers, des érablières ou s'ils contribuent à l'embellissement de la propriété.

Pour le reste, si la distance des arbres n'est plus régie par le nouveau code, il existe des règlements municipaux et on peut extrapoler l'abus de droit.

1. 1. 4. 4. Sanctions: dommages exemplairesL'art. 1 de la Loi sur la protection des arbres prévoit des dommages exemplaires (1621

C.c.Q.) qui peuvent être alloués en cas de mauvaise foi de la personne qui a abattu les arbres (soit l'intention de nuire, soit l'imprudence).

1. 1. 5. Dispositions sur les jours et les vues. 1. 1. 5. 1. Définitions et *concepts* attenants

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Les jours: ouvertures qui laissent passer la lumière seulement (translucides), imperméables au regard (verre dépoli, vitrail, ou verres dormants c'est-à-dire scellés et «inouvrables»)o On ne peut pas observer les faits et gestes du voisins et qu'on ne pas jeter des

déchets sur le fonds voisin. o Sauf mur mitoyen, auquel cas l'ouverture doit être acceptée par le voisin (996

CcQ), il n'y a pas de distance à respecter (995 C.c.Q.).

Les vues: Boutin c. Bérard [1997]: ouverture (fenêtre ou porte vitrée) qui permet au regard d'atteindre le fond voisin. o Vues obliques: ouverture dont l'axe empêche en principe de voir le fonds voisins,

sauf à sortir la tête par l'ouverture ou sortir la tête de droite à gauche Pas de prohibition particulière: «Le torticolis tue la curiosité (Carbonnier).»

o Vues droites: ouverture dont l'axe permet d'observer sans effort le fonds voisin. La distance à respecter par rapport au fond voisin est d'1,5 m (993 al. 1

C.c.Q.) Sauf si elle donne sur la voie publique ou un parc public ou si ce sont des

jours (993 C.c.Q. al.2). Attention, 993 CcQ n'est pas d'ordre public, donc on peut y déroger par

convention: on pourrait ainsi établir une servitude de vue. La distance se calcule depuis le parement extérieur du mur où l'ouverture

est faite et perpendiculairement jusqu'à la ligne séparative (994 C.c.Q.). Notons qu'une partie de la jurisprudence ne sanctionne pas une vue droite

donnant sur un mur à 1,5 mètre (assouplissement de la règle). SANCTION: obstruer la vue illégale de façon permanente, par un mur de

brique ou un panneau de bois fixe (pas une persienne) par une action pétitoire (912 CcQ)

Ces dispositions ne s'appliquent pas aux perrons, aux balcons, aux galeries et aux escaliers (commentaires du Ministre)o Se référer alors aux règlements municipaux).

Si le mur est mitoyen, c'est 996 C.c.Q. qui s'applique (tant pour les jours, que pour les vues). 43

Y a-t-il une limite au respect du droit à l'intimité? En l'absence d'une servitude de vue, il existait un droit légitime à protéger son intimité mais ce droit doit s'exercer dans le respect du voisin et les limites du raisonnable. Lien Gourdeau c. Letellier de St-Just [R. 271] p. 41

1. 1. 6. L'accès au fond et sa protection. 1. 1. 6. 1. Dispositions générales

LA SERVITUDE DE TOUR D'ÉCHELLE: pour de gros travaux, on peut réclamer à son voisin un droit de passage d'origine (987 C.c.Q.), contre dommages-intérêts (988 C.c.Q.), même sans faute (idée du préjudice objectif).

BIENS, OBJETS OU ANIMAUX DÉPLACÉS PAR UNE FORCE NATURELLE OU MAJEURE: si quelque chose qui vous appartient passe sur le fonds de votre voisin, vous pouvez les

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récupérer (989 C.c.Q.). Vous continuez d'en être le propriétaire sauf si vous en abandonnez la recherche44.

LES BÂTIMENTS MENAÇANT RUINE (990 CcQ): on peut contraindre son voisin à effectuer des travaux sur son fonds à lui s'ils menacent ruine (atteinte à l'absoluité du droit de propriété, lien p. 35)

TRAVAUX SUR SON PROPRE FONDS NUISANT AU FOND DU VOISIN (991 CcQ): codification de Katz c. Reitz. Le propriétaire, quand il réalise des constructions, des ouvrages ou des plantations sur son propre fond n'est pas censé compromettre la solidité du fonds voisin

1. 1. 6. 2. L'empiètement. Parfois, la limite de séparation entre deux fonds est parfois difficile à déterminer: il y a,

malencontreusement, empiétement. Deux intérêts s'opposent alors: le droit du propriétaire sur la surface de son fonds, un droit en théorie absolu et le droit du constructeur qui était (généralement) de bonne foi lorsqu'il a construit (valeur économique).

Lien 2. 1. 1. Le bornage46

Y a-t-il possibilité d'expropriation pour cause d'utilité privée? Antérieurement, non. (Themens c. Royer [R. 280]). Aujourd'hui, cependant, par extrapolation de 955 CcQ, nous avons 992 CcQ:

Première hypothèse: le propriétaire qui a construit au-delà de son fonds était de bonne foi (992 C.c.Q. al.1): o Il peut, en principe, conserver les constructions, ouvrages et plantations faites

sur le fonds d'autruio moyennant, au choix du propriétaire du fond qui a subi l'empiétement, le

paiement d'une indemnité ou l'acquisition forcée de la parcelle de terre sur laquelle il a empiété (ce qui suppose une perte d'usage définitif).

o Opposition Themens v. Royer. Il y a ici possibilité d'expropriation pour cause d'utilité privée.

Seconde hypothèse: le propriétaire qui empiète est de mauvaise foi ou l'empiétement est considérable et cause un préjudice sérieux (992 C.c.Q. al.2).o Le propriétaire peut alors soit contraindre le constructeur à acquérir le fond

en totalité, soit à remettre les lieux en l'état. o Un empiétement de moins de 10% sur une partie inutilisée (arrière-cour) n'est

pas considéré comme préjudiciable et de mauvaise foi (Construction SP inc. c. Sauvé [1996] C.S.).

Notons qu'il n'y a pas empiétement si le propriétaire a acquis le consentement (même tacite) du propriétaire voisin. De plus, la doctrine suggère que 992 C.c.Q. ne s'applique qu'en cas de construction (c'est-à-dire quelque chose qui ne puisse être déplacé) et non en cas d'occupation d'espace, pour des branches, par exemple.

041124

997 C.c.Q.

1. 1. 7. Droit de passage pour fond enclavé (997+ CcQ). 1. 1. 7. 1. Les conditions du droit d'enclave

Quelles sont les conditions pour se voir reconnaître ce droit d'enclave? Une enclave, c'est-à-dire:o Enclave physique: aucune issue sur la voie publique (rue, route, sentier, chemin)

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45

998 C.c.Q.999 C.c.Q.

999 CcQ

1001 CcQ

979 CcQ983CcQ

952 C.c.Q.

Le chemin privé unique est assimilé à la voie publique par la jurisprudence)

o Enclave économique: une issue insuffisante, difficile et impraticable; Si des travaux sont possibles dont le coût ne sera pas disproportionné avec

le résultat, le droit de passage n'a pas à être cédé. Le droit de passage doit être nécessaire à l'exploitation du fond enclavé (par

opposition au simple confort ou commodité: Jobin c. Ville de Vanier [1995] C.S.). Notes.

Ouimet c. Ouimet [1986]: la jurisprudence décide qu'on ne peut revendiquer un droit de passage si on a déjà une simple tolérance de passer.

Ce droit de passage concerne tant le propriétaire que le propriétaire d'un démembrement (Bouchard c. Beaulieu [1997] C.S.).

Il peut être accordé au-dessus (fils électriques) ou au-dessous (service d'égoût) du fonds.

1. 1. 7. 2. L'exercice. Le propriétaire d'un fond enclavé réclame son droit «au voisin à qui le passage

peut être le plus naturellement réclamé» (998 C.c.Q.), moyennant indemnité proportionnelle au préjudice subi (997 CcQ)

Sauf si l'enclave résulte de la division du fond par suite d'un partage, d'un testament ou d'un contrat, auquel cas c'est au copartageant que le droit de passage doit être demandé (999 C.c.Q.), sans indemnité.

Aménagement jurisprudentiel à la règle: si 999 trop coûteux, on pourrait demander aux gens de 998.

Il cesse lorsqu'il n'est plus nécessaire à l'exploitation du fond (1001 CcQ).

1. 1. 7. 3. Le lieu de passage. Il peut être fixé par:

convention (les voisins s'entendent) jugement; prescription acquisitive (10 ans): idée de «servitude légale», critique en doctrine.

1. 1. 8 Les eaux. 979 C.c.Q.: les fonds inférieurs sont assujettis aux fonds supérieurs (règles physique)45. 983 C.c.Q.: les toits doivent être établis de manière que les eaux, les neiges et les glaces

tombent sur le fonds du propriétaire.

1. 2. Limites au droit absolu du propriétaire dans l'intérêt public. 1. 2. 1. L'expropriation

952 C.c.Q. pour le principe Loi sur l'expropriation pour les détails.

o L'exproprié a 30 jours pour contester par requête devant la Cour supérieur son avis (art. 43).

o Finalement, l'indemnité est fixée d'après la valeur de la propriété et la taille du préjudice (art. 58)

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Question: Un règlement de zonage permet de changer l'usage de toute immeuble (en vertu de la Loi sur les cités et les villes, en vigueur à l'époque), mais ne peut priver complètement un propriétaire de son fonds (Sula v. Cité de Duvernay [R. 286]).

1. 2. 2. Le zonage. Il s'agit de zones (divisions du territoire) qui peuvent être fixées par règlement et qui

peuvent permettre de restreindre le droit des propriétaires fonciers dans l'intérêt général. Permises, à l'époque de Sula, par l'art. 542(1) de la Loi sur la cité et les villes et depuis par

l'art. 113 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme (1979) qui donne à la ville (au conseil de la municipalité) le pouvoir d'édicter des règlements de zonage.

1. 2. 3. La Loi sur les biens culturels Art. 1a): définition Art. 30: conservé en bon état Art. 41: permet, si vous découvrez un bien ou un site archéologique dans votre fonds,

vous devez en aviser le Ministre qui peut vous obliger à suspendre tous les travaux.

2. LES LIMITES PHYSIQUES DE LA PROPRIÉTÉ IMMOBILIÈRE

2. 1. La surface du fond2. 1. 1. Le bornage (corollaire du droit de propriété: savoir ce qu'est sa propriété)

Le bornage sert à fixer la limite entre deux fonds, c'est le moyen qui permet d'établir la ligne séparative entre deux fonds et de la rendre visible par l'apposition de bornes.

Si deux propriétaires (ou propriétaire de démembrements de la propriété) qui s'entendent pas sur la limite de leur fonds, l'un peut contraindre l'autre au bornage de leur propriété contiguë (978 CcQ). C'est un officier public, l'arpenteur-géomètre (787+ Cpc) qui fait le bornage en se servant des trois modes de preuves exposées en 977 CcQ, à savoir: le titre de propriété, les plans cadastraux ou les bornes déjà posées (cet article qui permet aussi de recourir aux témoignages, aux traces visibles sur le terrain, aux conventions entre voisins). Le bornage peut être:

extra-judiciaire (à l'amiable) judiciaire, c'est-à-dire:o soit une des parties refuse de procéder au bornage (contrainte par

mise en demeure par avis, art. 978 CcQ al.2 et 787 Cpc al.1, puis saisie du tout au tribunal 788 al. 2 Cpc)

o soit l'une des parties rejette le rapport de l'arpenteur, 792 Cpc.

2. 1. 2. Les clôtures et ouvrages mitoyens46

Forme d'indivision forcée, la mitoyenneté, c'est (1) la copropriété indivise d'un bien qui (2) sert de séparation entre deux immeubles contigus. Elle est généralement matérialisée par un mur, une clôture, un fossé, une haine, qui permet d'assurer les limites du fonds et l'intimité47.

L'idée derrière la mitoyenneté, c'est d'éviter la multiplication des murs entre les terrains, pour gagner de l'espace et de faire des économies: ainsi, les deux propriétaires pourront utiliser le mur pour ériger une construction (à condition d'en aviser leur copropriétaire, art. 1005).

Attention! L'ouvrage de division n'est pas toujours mitoyen, parfois, il est privatif (lorsqu'il appartient en entier à celui qui l'a érigé sur son fonds et à ses soins). S'il est érigé à la limite extrême de deux fonds et qu'il est la copropriété des deux propriétaires voisins (soit parce

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qu'il a été érigé à frais communs, soit parce qu'il y a eu mitoyenneté forcée, 1004 CcQ, p. ex.).

En l'absence d'ouvrage de division, on peut retenir deux règles: o Le droit de se clore (le propriétaire a le droit s'ériger une clôture – 1002 CcQ).

Ce sera un objet privatif (érigée sur son fonds) Ce droit découle de l'art. 951 CcQ. qui permet au propriétaire d'un fonds

de faire ce qu'il désire sur son fonds. Aucun frais ne peut alors être réclamé du voisin. Le règlement municipal (art. 113, 15e de la Loi sur l'aménagement et

l'urbanisme) peut restreindre la hauteur des clôtures, imposer des normes d'entretien, etc.

o Si la clôture se trouve sur la ligne séparative, le voisin peut être obligé de contribuer à son érection – obligation de clore (1002 al. 2)

Il devient donc mitoyen puisqu'il est sur la ligne (sera payé moitié-moitié). Quand la construction est faite sur la ligne séparative, le consentement du

voisin doit être préalable (affaire Lavallière c. Morin [1958] C.S. où il est dit que le propriétaire peut contraindre son voisin mais pas obliger le voisin à payer si ç'a été construit à ses frais: il faut soit un accord, soit passer par le tribunal).

En présence d'un ouvrage de division et en l'absence de titre, on peut aussi retenir deux règles: o Présomption (simple) de l'art. 1003, à l'effet que si la clôture se trouve sur la

ligne de division, elle est présumée mitoyenne (jusqu'à l'héberge, c'est-à-dire la partie supérieure du bâtiment le moins élevé).

Cette présomption peut être renversée par titre, par preuve de fait de non-mitoyenneté (marques de non-mitoyenneté du CcBC48), par prescription acquisitive (c'est-à-dire si les voisins se sont comportés comme des copropriétaires pendant dix ans).

o Si la clôture n'est pas sur la ligne de division mais arrive juste à la limite, art 1004. Elle devrait être privative, mais elle peut être acquis en mitoyenneté parce qu'elle joint directement la ligne séparation à condition de rembourser la moitié de la valeur du sol utilisé et la moitié de la valeur du mur49.

o Notons que dans lePropter rem

Les frais de réparation et d'entretien pèsent sur les deux propriétaires en proportions des droits de chacun (1006 CcQ al.1).

Sauf si l'on renonce à sa copropriété (1006 CcQ al.2), ce qui se fait par avis au bureau de la publicité des droits: l'ex-copropriétaire n'a plus à payer de charges et il se dégage de ses obligations propter rem (par opposition aux obligations personnelles), c'est-à-dire d'obligations auxquelles on est tenu en sa seule qualité de titulaire d'un droit réel.

L'exhaussement: le propriétaire peut surélever le mur mitoyen s'il le désire, à sa frais et si le mur peut le supporter (1007 CcQ). La mitoyenneté de l'exhaussement peut être acquise moyennant la moitié des frais (1008 CcQ):

En cas de démolition, le voisin doit être prévenu et, s'il cause des dommages, les

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réparer à ses frais.

2. 2. Le dessus et le dessous: jusqu'où s'étend le droit du propriétaire foncier?«951. La propriété du sol emporte celle du dessus et du dessous [idée de volume].

Le propriétaire peut faire, au-dessus et au-dessous, toutes les constructions, ouvrages et plantations qu'il juge à propos; il est tenu de respecter, entre autres, les droits publics sur les mines, sur les nappes d'eau et sur les rivières souterraines [mais peut couper les branches qui s'étalent au-dessus de sa propriété (985 C.c.Q., lien p. 42) et empêcher les empiétements (992 C.c.Q., lien p. 44). . 1991, c. 64, a. 951.»

2. 2. 1. Le dessusJusqu'où s'étend ce dessus? Jusqu'au limites de l'architecture. Limites d'intérêt privé: les servitudes conventionnelles qui peuvent limiter la hauteur

des constructions ou l'empêcher. Limites d'intérêt public: on est pas propriétaire du milieu aérien situé au-dessus de

son fond, l'air et l'espace étant des choses publiques (lien R. c. Lacroix). o La Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, art. 113, 15e prévoit encore qu'un

règlement municipale peut réglementer la hauteur et bien d'autres choses encore. o La Loi sur l'aéronautique fixe un plafond dans l'intérêt public des constructions

situées à proximité d'un aéroport pour ne pas porter atteinte au trafic aérien.

2. 2. 2. Le dessous (lien p. 31)Ce qui s'applique dessus s'applique dessous, sous réserve, entre autres, des droits publics

sur les mines (art. 3 de la Loi sur les mines, exception à l'exception l'art. 5 qui dit que les sables de construction et l'argile appartient au propriétaire foncier), les nappes d'eau (980 C.c.Q.: il

31 Normalement, tous les critères devraient être pris en ligne de compte pour justifier la qualité d'immeuble par intégration. Dans certains cas, les juges opèrent des recoupements ou donnent la supériorité de l'un sur l'autre de ces critères. 32 Aussi Jihérng ou Jhéring. 33

34 Et c'est comme ça que s'est fait prendre Bodo dans Berlin de Sulitzer.35 «Les lois ne sont pas de purs actes de puissance: ce sont des actes de justice et de raison (Portalis)»36 Par contre, il y a prescription acquisitive c'est-à-dire que si quelqu'un d'autre utilise la propriété, il peut l'acquérir. Mais ce n'est pas la simple non-utilisation qui suffit pour faire perdre la propriété à un propriétaire, lien p. 3937 Lien boiteux avec Malo c. Laoun. 38 Ce qui suppose qu'on ne peut avoir qu'un droit intellectuel et non de la propriété à proprement parler.39 Ils sont fous ces Romains. 41

42 Opposition common law avec Canada Paper Brown Co. Dans Golf St-Janvier, le demandeur Pilon se plaint de recevoir des balles de golf sur son terrain. La Cour l'envoie se rhabiller parce qu'il est de mauvaise foi et que son dommage n'est pas excessif: il n'habite là que l'hiver, il poursuit le golf –qui fait ce qu'il peut–à chaque année, personne d'autre ne se plaint et c'est une ferme. 43 Et un miroir sans tain?44 Vlan dans les dents, Happepegnon45 Connu comme l'article paillard dans le C.c.B.C.46 On reviendra à la mitoyenneté, qui est une forme de copropriété permanente. 47 Remarque, un rang de mine aussi. 48 Selon l'idée que les murs privatifs et les murs mitoyens ne sont pas construits de la même manière. Ainsi, le sommet du mur pourrait être aménagé pour que l'eau de pluie ne s'écoule que sur le fonds du propriétaire ou présence de saillies d'un seul côté. Carbo p. 938)49.

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peut en user et en disposer, c'est-à-dire creuser un puits, par exemple: est-il propriétaire? c'est à débattre, voir plus haut) et les rivières souterraines.

2 Tout sauf la Déclaration des droits de l'animal! 3 Illustration jurisprudentielle dans Québec Inc. c. Henri et Bernier c. Savard où l'on apprend que c'est le proprio qui est responsable. On est loin du Moyen-Âges avec les procès intentés aux cochons saboteurs de récoltes!40 Par opposition la présomption irréfragable

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