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b b bulletin sek·feps 2 | 2009 Une publication de la Fédération des Églises protestantes de Suisse Numéro spécial « calvin09 »

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Numéro spécial "calvin09"

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calvin09

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bbbulletin sek·feps 2 | 2009

Une publication de la Fédération des Églises protestantes de Suisse

Numéro spécial« calvin09 »

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De l’Australie au Zimbabwe, ce numéro spécial vous emmène dans un voyage en douze étapes auprès d’Églises célébrant la Réforme selon Jean Calvin.

C’est le Calvin global : à Cuba, on en- visage d’ériger un buste de Calvin ; en Australie, on traduit et adapte la mini-ex-position pour les paroisses publiée sur www.calvin09.org ; en Chine, Calvin est l’occasion d’un rapprochement prudent entre l’Église protestante du continent et les presbytériens de Taïwan ; dans le bas-sin des Carpates, on fête avec Calvin l’uni-fication des Églises réformées hungaro-phones ; en Allemagne, Calvin s’invite aux manifestations prévues pour célébrer Lu-ther dans quelques années ; aux Pays-Bas et en France (qui l’eût cru ?), les chefs d’État se pressent pour honorer la mémoire du grand intellectuel et réformateur ; en Suisse, enfin, la question de la confession de foi est remise à l’ordre du jour des Églises de la FEPS. Le constat s’impose et il est réjou-issant : l’impact de Calvin et de son œuvre à Genève a définitivement dépassé son ho-rizon franco-suisse et atteint le monde en-tier.

Le Jubilé calvin09 a aussi un impact sur-prenant sur le plan local en Suisse : dans les paroisses, les pastorales, les facultés et les journaux, la pensée de Calvin est redé-couverte. Elle offre un cadre de lecture pour comprendre le monde actuel et pour réfléchir à l’être et à la vocation de l’Église aujourd’hui. Dans le supermarché multi-religieux actuel et face aux consensus mous et flous des Églises en ce qui con-

Chères lectrices, chers lecteurs,

cerne les contenus de la foi, la simplicité et la clarté du profil théologique calvinien donnent à nos paroisses des ressources et leur indiquent des sources oubliées, incon-nues ou perdues. Non, Calvin n’a pas sa place dans un musée. Dans le monde cultu-rel et les médias, dans les cercles de réfle-xion ou les milieux bancaires, le 500 e an-niversaire de Jean Calvin est l’occasion de réfléchir à notre certitude de vie, à notre joyeuse créativité et à notre grande res-ponsabilité.

C’est « Calvin contre les calvinistes ». À bas les rabat-joie ! L’héritage de Calvin est rempli de contradictions et entaché d’ombres, personne ne le conteste. Rien d’étonnant. Et pourtant, le simple fait de vouloir malgré tout célébrer et honorer, sans tambour ni trompette, mais aussi sans fausse modestie ni culpabilité feinte, semble encore difficile à beaucoup. Avec l’Église protestante de Genève qui a re-doublé d’efforts et d’imagination pour tenir son rôle d’hôte et avec les Églises de l’Alliance réformée mondiale, la Fédéra-tion des Églises protestantes de Suisse vit ce Jubilé empreinte de deux sentiments : la joie et la reconnaissance à Dieu.

Serge FornerodDirecteur du projet calvin09 à la FEPS

bulletin sek • feps Organe d’information officiel de la Fédération des Églises protestantes de SuisseCase postale, CH-3000 Berne 23Téléphone 031 370 25 01 Fax 031 370 25 80 [email protected], www.feps.ch

Parution4 fois l’an

Tirage6000 ex. en allemand3000 ex. en français1500 ex. en anglais

RédactionMatthias Herren, Monika von Grünigen, Simon Weber

TraductionsRoland RevetHartmut Lucke

CorrectionMonique Lopinat

Graphisme / Layoutwww.medienpark.ch

Imagesmedienpark, Zurich

CouvertureAdequa Communication, Laurent Donner

ImpressionSchlaefli & Maurer AG, Interlaken

Auteurs du présent numéroGustàv Bölcskei, Leopoldo Cervantes-Ortiz, Meehyun Chung, Jean-Arnold de Clermont, Achim Detmers, Serge Fornerod, Pawel Gajewski, Eduardo Galasso Faria, Matthias Herren, Shei-lagh Kesting, Joseph D. Small, Dirkie Smit, Douwe Visser, Aiming Wang

ÉDITORIAL

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www.calvin09.org

Les informations concernant les décisions du Conseil et de l’Assemblée des délégués, ainsi que les questions rela-tives au personnel qui figurent dans les éditions régulières du Bulletin peuvent être consultées sur notre page web : www.feps.ch. On peut également y souscrire un abonnement gratuit à nos divers services d’information par courriel.

SOMMAIRE

ENTRETIEN AVEC XAVIER COMTESSE

4  « Je suis un calviniste qui aime bien les fêtes » 

500 ANS DE RAYONNEMENT

6  Calvin au Brésil   La foi traduite en pratique 

8  Calvin en Chine   Celui qui fait la conquête des élites 

10  Calvin en Allemagne   Des relations délicates entre les réformateurs 

1�  Calvin en France   Le prophète méconnu dans son pays

14  Calvin en Italie   Un protestantisme dans l’omniprésence du pape

16  Calvin en Corée   Réparer la déchirure

18  Calvin au Mexique   Dans le sillage du libéralisme 

�0  Calvin aux Pays-Bas   Plus calvinistes qu’on ne croirait 

��  Calvin en Écosse   Facteur d’identité dans une société sécularisée 

ENTRETIEN AVEC ADRIAN KÜNZI

�0   « Aujourd’hui, nous devons tous redoubler d’efforts » 

�4  Calvin en Afrique du Sud   Une longue ambiguïté 

�6  Calvin en Hongrie   L’influence d’un inconnu 

�8  Calvin aux États-Unis   Calvin, pour se réveiller 

Abonnez le Bulletin gratuitement: www.feps.ch/shop

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M. Comtesse, avez-vous de la vénération pour Jean Calvin ?Xavier Comtesse* : Je ne peux pas avoir de vénération pour Calvin, vénérer un homme serait en contradiction avec ma position religieuse. Calvin m’aurait lui-même interdit de le vénérer.

Mais vous êtes tout au moins un « fan » de Calvin ?(rire) Non, je suis fier de lui et je me sens très proche de cer-taines de ses idées.

Vous reprochez publiquement aux célébrations du 500e

anniversaire de Jean Calvin de manquer d’attrait.Il est paradoxal de célébrer ce Jubilé pour les 500 ans de Calvin. D’un côté, on n’est pas en mesure de fêter réellement ce Jubilé, car ce serait une façon de le vénérer. Pour en tenir compte, on va, d’un autre côté, organiser des célébrations un peu ratées à l’occasion de ce Jubilé. Mais ça ne me gêne pas vraiment : la seule chose que je n’aime pas, c’est que, à cette occasion, on ne modernise pas la pensée de Calvin.

Que voulez-vous dire ?En janvier, j’ai fait un discours intitulé : « Calvin aurait adoré internet ».

Comment cela, internet ?Internet reprend dans le monde moderne une grande partie des idées de Calvin : le concept de communauté et l’idée que tous doivent avoir accès à la connaissance, et cela gratuite-ment. Cela montre à quel point les idées de Calvin se sont modernisées. C’est ce qu’il aurait fallu souligner à l’occasion du Jubilé.

Mais vous, comment voudriez-vous fêter le 500e anniver-saire de Calvin ?Il n’est pas facile de répondre à cette question. Pour les cal-vinistes de l’étranger, les presbytériens, Genève est la Rome protestante. Mais ici, à Genève, il y a peu de gens qui savent que cette ville est protestante. Il faudrait tout de même célé-brer un peu plus Calvin que ce qui est prévu.

Mais en somme, est-il possible d’organiser une fête en l’honneur de Calvin le puritain ?Oui, bien sûr. Mais je ne sais pas si c’est possible ici. Par exemple, les presbytériens américains fêteraient le Jubilé

« Je suis un calviniste qui  aime bien les fêtes »

La tolérance et la volonté de changement chez Calvin fascinent Xavier Comtesse, 

directeur du bureau genevois d’Avenir Suisse. Cela l’agace de constater que l’on 

pense surtout au réformateur genevois comme à un moraliste austère.

différemment de nous. Si Genève était située dans un autre pays, le Jubilé donnerait certainement lieu à des célébrations plus fastueuses. Moi aussi j’éprouve ce besoin : je suis un calviniste qui aime faire la fête et se réjouir avec les autres.

On est étonné par votre enthousiasme à propos de Calvin. Vous êtes le représentant d’Avenir Suisse, un « think tank », un laboratoire d’idées néolibéral. Mais Calvin a fait de Genève un État géré par Dieu. Est-ce que c’est compatible ?Ça ne me pose pas de problème. Avenir Suisse n’est pas une organisation religieuse. Calvin est le premier à avoir pris parti pour le libre échange. Nous avons cela en commun avec lui. Il n’a pas interdit le capitalisme. En outre, il était très ouvert, et il a lancé plusieurs idées nouvelles que d’autres ont reprises après lui, comme Rousseau, Voltaire et aussi Avenir Suisse et Klaus Schwab, avec le WEF, le Forum éco-nomique mondial.

Vous présentez Calvin comme un rénovateur et un libéral. Mais qu’en est-il du Calvin puritain qui a introduit la régle-mentation des mœurs et le contrôle de la population ?Il est exact que Calvin a aussi été un petit ayatollah. Sa sévé-rité faisait partie de son combat contre les catholiques qui entouraient Genève de toutes parts. Cela engendrait la peur. Il est compréhensible que, dans ces conditions, on ait été tenté par un système autoritaire. Ce qui reste de Calvin, au bout de 500 ans, ce n’est pas sa rigueur moralisatrice, ce sont ses valeurs. C’est pourquoi je ne me définirais pas comme un calviniste de la foi, mais comme un calviniste des valeurs.

Est-ce que ce sont également ces valeurs de Calvin qui sub-sistent aujourd’hui à Genève, alors que la ville a écarté sa rigueur ?J’en suis certain. Le puritanisme a survécu pendant quelques décennies. Mais ce qui reste, à Genève, c’est la tolérance et l’ouverture de Calvin, ainsi que son idée selon laquelle les struc-tures et la vie commune doivent constamment se renouveler. Calvin a été le premier dirigeant à faire du changement et de la transformation un programme de gouvernement. Il a donné aux gens, aux organisations et à l’histoire la force de changer. C’est ce qui fait de lui quelqu’un de si extraordinaire.

Nombreux sont ceux qui ne partagent pas votre enthousias-me sur Calvin. Un hebdomadaire romand a écrit qu’il pou-

INTERVIEw

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vait être choquant de réaliser que la Suisse romande était calviniste. D’où vient ce réflexe anti-Calvin ?Le souvenir de Calvin est dominé encore aujourd’hui par son côté puritain et sévère, bien que le puritanisme ait dis-paru depuis longtemps. Ça m’agace. Si on avait organisé une vraie fête pour Calvin, on aurait pu se débarrasser de ce genre d’image du réformateur.

Pourquoi est-ce que les gens s’attachent tellement au puri-tanisme de Calvin ?Ils sont trop paresseux pour aller voir sous la surface. Ils préfè-rent s’attacher à ce qu’on lit dans les journaux gratuits. Je trou-ve que c’est dommage. Car la société, les valeurs, la culture, c’est quelque chose qui va en profondeur. Il faut du temps, de l’énergie, de la réflexion pour dépasser tout ça. Dans un monde où on aime le « people » et les nouvelles brèves dans les médias, Calvin a des problèmes.

Est-ce que ce ne serait pas plutôt parce que les idées de Calvin sont aujourd’hui dépassées ?Au contraire : aujourd’hui comme hier, elles sont des pan-neaux indicateurs. Par exemple sa façon de répartir le pouvoir constitue un système selon lequel fonctionnent aujourd’hui ce qu’on appelle les « soft institutions ». Tout comme une communauté paroissiale, celles-ci sont orga-nisées d’une façon qui n’est ni exclusivement démocrati-que, ni entièrement hiérarchique. C’est vrai pour l’or- ganisation d’internet, des mouvements de protection de l’environnement, du secteur financier, et de bien d’autres choses.

Est-ce que Calvin n’a pas été un peu bête d’offrir à ceux qui le critiquent tant de points faibles en raison de ses diverses prises de position ?

Dans ce sens, on peut comparer Barack Obama à Calvin. Il est obligé, lui aussi, de mettre d’accord des positions et des aspirations diverses, ce qui fait qu’on peut le critiquer. Mais dans un monde exigeant, il n’y a pas d’autre choix. Les cho-ses ne sont pas en noir et blanc. Il faut accepter que le chan-gement ne soit pas simple, parce que les organisations, la culture, la société ont des exigences.

Et à l’époque de Calvin, il en allait sans doute autrement ?En tout cas, Calvin attendait beaucoup de ses contempo-rains. Il estimait que chacun devait pouvoir lire la Bible dans sa langue. Comprendre la Bible est une affaire extrêmement complexe, exactement comme internet. Calvin était persua-dé que les gens étaient assez intelligents, majeurs et tolé-rants pour la lire sans qu’on vienne leur dire comment il fallait comprendre le texte.

Si vous pensez au 600e anniversaire de Calvin, en 2109, à votre avis, quels seront les aspects du réformateur qui seront importants ?Dans un siècle, nous serons peut-être assez avancés pour dis-poser d’instruments qui nous permettront de mieux gérer la complexité du monde. J’espère qu’à ce moment-là nous en aurons définitivement fini avec cette image d’un Calvin strict et autoritaire et que, à Genève, nous serons également capables d’organiser une vraie fête pour Calvin.

* Xavier Comtesse (60 ans) a fait des études de mathémati-ques et d’informatique à l’Université de Genève, fondée par Calvin. Depuis le début de 2002, il est directeur du bureau romand de la fondation Avenir Suisse, à Genève. Xavier Comtesse est marié, il a trois enfants et habite à Genève.

Propos recueillis par Matthias Herren

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XAVIER COMTESSE

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La foi traduite en pratique

Le presbytérianisme n’a réellement pris pied dans le Brésil catholique qu’au 

XIXe siècle. Les communautés protestantes ont connu la persécution lorsque,  

vers le milieu du XXe  siècle, elles ont critiqué l’injustice sociale à l’époque  

du régime militaire. Le Jubilé Calvin devrait être l’occasion de manifester les  

conséquences éthiques de l’Évangile.

Brésil

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Eduardo Galasso Faria

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notamment sa capacité à répondre comme il le fallait aux grandes ques-tions et aux misères de son temps.

• Troisièmement, essayons de compren-dre notre tâche missionnaire comme l’occasion de manifester les consé-quences éthiques et sociales de la bon-ne nouvelle du royaume de Dieu – en solidarité avec les populations margi-nalisées d’Amérique latine.

• Quatrièmement, prenons conscience du problème posé par les scissions en-tre Églises et efforçons-nous d’être ouverts à l’Esprit de Dieu et de contri-buer à l’unité en Christ.

Le professeur Eduardo Galasso Faria est

pasteur de l’Église presbytérienne du Brésil

et professeur de théologie systématique au

Séminaire de théologie de São Paulo, Brésil.

La première tentative d’installation du protestantisme réformé au Brésil a eu lieu au XVIe siècle dans la baie de Gua-nabara, près de Rio de Janeiro. Il s’agis-sait d’un projet français de colonisation. Quatorze huguenots y débarquèrent, en-voyés par Calvin pour « établir une Égli-se conformément à la Parole de Dieu » et pour annoncer l’Évangile aux premiers habitants. Une seconde expérience a eu lieu au XVIIe siècle, sous la direction de chrétiens réformés hollandais. Mais ces deux tentatives ont échoué.

Ce n’est qu’au XIXe siècle que le presbytérianisme a vraiment réussi à prendre pied au Brésil. En 1859, des missionnaires américains ont répandu leurs idéaux de démocratie et de liber-té, en même temps qu’une attitude puritaine et anticatholique.

Persécution sous le régime militaireSur le plan historique, il importe de si-gnaler la création en 1934 de la Confé-dération évangélique brésilienne qui regroupait les dénominations les plus importantes du pays. Au cours des an-nées 1950 et 1960, les communautés appartenant à la Confédération ont an-noncé l’Évangile de façon œcuménique et prophétique et dénoncé l’injustice sociale. Sous le nouveau régime mili-taire (1964), la Confédération a beau-coup souffert, elle a subi des persécu-tions et finalement elle s’est dissoute. Depuis lors, il y a eu des scissions parmi les presbytériens : par exemple en 1975, sous l’influence du Mouvement de Pen-tecôte, et en 1978 à la suite de disputes entre libéraux et conservateurs.

Le nombre des presbytériens et des réformés au Brésil s’élève à environ 800 000, répartis en 14 dénominations

différentes. Les membres des petites Églises historiques de la Réforme font surtout partie des classes moyennes, tandis que les adhérents du mouve-ment pentecôtiste, qui constituent la majorité des protestants, appartien-nent aux classes populaires.

Calvinisme sclérosé  en Amérique latine Au Brésil comme dans l’ensemble de l’Amérique latine, la figure de Calvin est depuis longtemps marquée par l’in-fluence d’un calvinisme tardif. Sous leur forme traditionnelle, les Églises cé-lèbrent une liturgie dépourvue d’as-pects participatifs et dynamiques. Elles ne parviennent pas à répondre aux attentes du peuple qui souhaite une spi-ritualité plus spontanée, plus riche en symboles et moins rationnelle.

Pour des Églises appelées à rendre témoignage à Jésus dans une société latino-américaine en proie à l’inégalité et à l’injustice, les festivités du Jubilé constituent une heureuse occasion de repenser l’héritage de Calvin.

Une réflexion nouvelle à propos de Calvin• Premièrement, sachons qu’il ne s’agit

pas de répéter simplement aujourd’hui les déclarations de Calvin. Il faut plu-tôt s’efforcer de nous approprier une partie de sa force spirituelle et de son obéissance à Dieu qui provenait du plus profond de son cœur, et de discer-ner, dans cette transposition pratique, le cœur même d’une spiritualité cohé-rente.

• Deuxièmement, cherchons à nous dé-faire de l’image stéréotypée du réfor-mateur pour mieux comprendre sa personnalité humaine et sensible, et

Pour célébrer le Jubilé Calvin, la famille réformée du Brésil a évoqué en commun, le 21 mars 2009, la première célébration de la Cène réformée en Amérique, et désire renouveler cette célébration commune le 10 juillet.À l’occasion de l’année du Jubilé, des prédications et des commentaires bibliques inédits de Calvin sont publiés, une conférence sur le monde conceptuel théologique du réforma-teur sera organisée (septembre 2009) et on fait paraître du matériel éducatif sur Calvin à l’intention des écoles du dimanche et des séminaires de théo-logie.

Informations : www.ipib.org/calvin09

CALVIN AU BRÉSIL

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Celui qui fait la conquête des élites

Pour les protestants chinois, Calvin représente ce qu’est Confucius pour l’ensemble 

de la Chine. Sa conception de l’Église, la façon dont il comprend la diaconie, et son 

éthique de l’économie ont profondément marqué l’Église protestante. Chez les intel-

lectuels chinois, être protestant passe aujourd’hui pour très moderne.

Chine

CALVIN09

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Aiming wang

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principalement dans des pays inspirés par l’éthique calviniste et capitaliste ? Y aurait-il quelque chose à prendre dans cette éthique pour le développe-ment de la Chine ? Contrairement à ce qui se passe dans l’Occident européen, il est « moderne », en Chine, d’être chré-tien, et en particulier protestant.

Calvin et ConfuciusL’éthique protestante calvinienne et l’éthique confucéenne sont également en débat au sein des universités. Pour-rait-on trouver chez Confucius et chez Calvin une éthique associant le conser-vatisme social au développement de la société, alliant une forte loyauté envers l’État et la nation et une responsabilité individuelle tout aussi forte ?

Dans un pays qui comprend plus de 60 millions de protestants, essentielle-ment des ruraux pauvres, le protestan-tisme gagne rapidement du terrain parmi les élites intellectuelles. La pensée de Calvin y est étudiée, comme celles qui, inspirées de sa réforme – calvinismes, puritanismes, presbyté-rianismes – ont marqué les 500 derniè-res années de la pensée protestante.

Le professeur Rev. Dr Aiming Wang est

vice-président et doyen du Séminaire théo-

logique de l'Union de Nankin. (Nanjing

Union Theological Seminary) en Chine.

Il peut sembler présomptueux de se de-mander ce que Jean Calvin, réforma-teur de Genève au XVIe siècle, a bien pu apporter à la Chine du XXIe siècle, pays d’un milliard trois cents millions d’ha-bitants aux prises avec des questions et des problèmes inédits dans l’histoire de l’humanité.

L’intérêt des élites pour CalvinQuoi qu’il en soit, les intellectuels chinois s’intéressent au personnage de Calvin. Formés dans de prestigieuses universités américaines, européennes ou japonaises, ils se sont peu à peu in-terrogés sur les sources de la prospérité occidentale. Y aurait-il une filiation, même indirecte, entre Calvin et le pro-jet de modernisation à la chinoise ?

Une distinction s’impose d’emblée dans ce débat. Calvin, dans la théologie chinoise protestante en formation, n’est pas le Calvin de la pensée économique du monde influencé par la culture chinoise ou encore par les diasporas chinoises des grandes métropoles du monde.

Pour la théologie protestante chinoise, Calvin constitue une figure incontour-nable et une référence fondamentale. Genève et son mur des réformateurs sont bien plus marquants qu’ils ne pourraient l’être pour des Genevois. Les idées de Calvin, sa conception de l’Église, ses propositions pour les rela-tions entre l’Église et l’État, sa vision de la diaconie, de l’éducation populaire, de

l’éthique financière font qu’il pourrait représenter, pour l’Église protestante chinoise, ce que Confucius est à la na-tion : une référence de base, un « Père ». Les traditions missionnaires d’avant 1949, comme l’enseignement et la pré-dication d’aujourd’hui au niveau des paroisses, font une large place à la tra-dition calvinienne.

Des questions typiquement calvi- niennes traversent le protestantisme chinois actuel : la discipline du mi-nistère et les ordonnances ecclésias-tiques dans une Église influencée par le fondamentalisme américain ; la dé-mocratie ; le règlement des relations entre l’Église et l’État selon la tradition réformée de collaboration autonome ; la liberté de conscience et de pensée.

Débat entre calvinistesLe débat est actuellement vif dans la théologie chinoise entre les tenants d’une théologie calvinienne pleinement responsable civilement et ceux d’une théologie plutôt puritaine, piétiste ou fondamentaliste.

La pensée de Calvin, connue princi-palement à travers le prisme de Max Weber – «L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme» – interroge de larges cer-cles intellectuels en Chine. La question se pose alors ainsi : pourquoi une gran-de nation comme la Chine, à la fin de l’Empire, a-t-elle connu un déclin et a-t-elle cessé de s’ouvrir au monde, alors que l’Occident se développait,

CALVIN EN CHINE

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Des relations délicates entre les réformateurs

Allemagne

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Ce n’est qu’après la Paix de westphalie, en 1648, que les réformés ont été reconnus, 

en Allemagne, aux côtés des luthériens. Pourtant, Calvin respectait Luther dont il 

disait que c’était un remarquable serviteur de l’Église, mais il critiquait aussi la polé-

mique que celui-ci avait engagée contre la doctrine suisse de la Cène. À son avis, 

cette polémique était disproportionnée et, pour ce qui est de la politique ecclésiastique, 

elle avait des effets négatifs.

CALVIN09

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Achim Detmers

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• Mais Calvin voyait des erreurs chez Luther : par exemple, ses emporte-ments et ses paroles enflammées lors-qu’il était provoqué par des extrémis-tes de son entourage. Calvin aurait souhaité que Luther s’efforce de mieux tenir en bride son tempéra-ment impétueux et de reconnaître ses erreurs.

• Calvin a critiqué Luther et Zwingli de ne pas avoir eu la patience, dans la querelle à propos de la sainte Cène, de s’écouter mutuellement pour se mettre sans passion en quête de la vérité. Il aurait fallu en particulier que Luther sache prendre davantage de distance par rapport à la présence réelle du Christ dans la Cène.

• Le fait que, dans une situation où le protestantisme numériquement faible se voyait entouré d’ennemis, Luther ait pensé devoir ac-cabler les théologiens suisses dissidents a beau-coup blessé Calvin.

Achim Detmers est pasteur de l’Église pro-

testante du Anhalt ; il est également chargé

par l’Église protestante en Allemagne

(EKD) et le « Reformierter Bund » des ques-

tions relatives à l’année Calvin 2009.

En Allemagne, pays d’origine de la Réforme, l’influence du protestantis-me reste importante dans la politique et la société, même si, à l’Est, 40 années de socialisme ont nettement affaibli le protestantisme qui y avait été tra- ditionnellement dominant. Il y a 32 millions de protestants en Allemagne. Sur ce nombre, deux millions à peine sont de confession réformée, et dix millions de confession luthérienne. Le reste des protestants d’Allemagne appartient à des Églises territoriales unies qui résultent de la réunion entre communautés luthériennes et réfor-mées. Il existe en outre d’autres grou-pes et Églises protestants, comme les baptistes, la Communauté des frères moraves, les mennonites, les métho-distes ou les quakers.

Égalité conquise de haute lutteD’un point de vue historique, les zwingliens et les calvinistes ont tout d’abord eu du mal à pénétrer en Allemagne. La Paix d’Augsbourg, en 1555, ne leur faisait aucune place juri-dique dans l’empire en tant que confes-sion. Malgré cela, en 1562, le Palatinat est devenu « calviniste », ainsi que la Hesse-Cassel en 1604. Le Anhalt, la Lippe, Brême, le Holstein-Gottorp et le Brandebourg ont également connu d’importantes influences calvinistes. Mais ce n’est qu’après la Paix de West-phalie, en 1648, que le calvinisme a été reconnu dans l’Empire, avec des droits égaux à ceux du catholicisme et du luthéranisme.

Comment Calvin voyait LutherEn raison de la coexistence et de la col-laboration entre luthériens et réfor-més en Allemagne, la relation de Cal-vin avec Luther suscite, en cette année Calvin, un intérêt particulier. Calvin respectait beaucoup Luther, mais il discernait également un certain nom-bre de faiblesses chez le Luther de la deuxième période, ainsi que le mon-trent les points suivants :• Calvin, qui avait 26 ans de moins que

Luther, ne l’a jamais rencontré per-sonnellement. Il existe une seule lettre de lui au réformateur allemand. Malheureusement, Melanchthon n’a pas osé la remettre à Luther.

• Dans cette lettre, Calvin disait de Luther qu’il était un remarquable serviteur de l’Église qui s’était signa-lé par des dons spirituels exception-nels et avait toujours enseigné cou-rageusement, inébranlablement et habilement, et travaillé avec succès à répandre l’Évangile.

• Au début, Luther a accueilli avec une grande bienveillance certains écrits de Calvin. Par la suite, il lui a reproché de ne pas être assez clair dans la question de la sainte Cène. Il soupçonnait Calvin de parta-ger l’erreur des « sacramentaires » pour qui le pain et le vin n’étaient que des symboles. Dans ce contexte, il déconseillait de lire les écrits de Calvin.

• Les critiques de Luther n’ont pas empêché Calvin de considérer celui-ci comme un remarquable serviteur de Dieu.

CALVIN EN ALLEMAGNE

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1�

Calvin a été obligé de fuir la France et aujourd’hui encore le réformateur de Genève 

reste assez largement méconnu dans son pays d’origine. Pourtant, les protestants  

français sont fiers que le projet théologique d’un de leurs compatriotes rayonne dans 

le monde entier et dans les domaines les plus divers.

France

1�

Le prophète méconnu dans son pays

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Jean-Arnold de Clermont

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l’Évangile, mais aussi une architecture assez souple pour s’adapter à la diversi-té des temps et des lieux. Nous en com-prenons la force dans une époque aussi changeante et incertaine que la nôtre, où chaque jour nos Églises doivent ap-prendre à s’adapter sans perdre ce qui fait leur bien propre.

Source vivante d’inspirationLoin de nous l’idée de faire de Calvin un « saint » méconnu qui, une fois lavé des accusations portées contre lui, se-rait aujourd’hui vénéré à l’occasion du cinq centième anniversaire de sa nais-sance. Il est un homme de son temps, auteur d’une œuvre qui a contribué à fonder le monde moderne et qui reste une source d’inspiration pour les Églises et la spiritualité chrétienne. Nous voulons nous souvenir qu’il était Français et qu’il a légué à la postérité des questions toujours d’actualité : Quelle place pour le religieux dans la société contemporaine ? Quel exercice de leur responsabilité éthique pour les chrétiens dans cette société ? Quel- le liberté pour imaginer des formes d’Église plus adaptées à l’annonce de l’Évangile ? Calvin ne pouvait répondre à notre place, mais il posait les bonnes questions.

Le pasteur Jean-Arnold de Clermont

est coordinateur de l’Année Calvin pour

la Fédération protestante de France

et président de la Conférence des Églises

européennes (KEK). Paris (France).

Fallait-il commémorer le 500e anniver-saire de la naissance de Jean Calvin ? En France en tout cas, il est trop mé-connu pour servir de locomotive à la communication des protestants. Ne ris-quons-nous pas, à l’occasion de cette célébration, de nous faire assimiler à des personnages rétro cultivant le passé pour ne pas avouer leur inadaptation au présent ?

Bien oublié en FranceC’est un tout autre constat qui a poussé les protestants français à s’investir dans l’année du Jubilé Calvin. Alors que Jean Calvin est en grande partie tombé dans l’oubli, tant chez les protestants que chez les Français en général, nous avons voulu faire redécouvrir la double di-mension, française et réformée, de Cal-vin. Cette célébration sert à rappeler une vérité historique, aussi bien pour le pays d’origine de Calvin, même s’il n’a pas su le garder, que pour les Églises de France issues de la Réforme calvinien-ne, qui ont tendance à oublier leur iden-tité.

Il est, pour la France, sans doute l’un des accoucheurs du monde moderne ; et d’abord par sa langue. « La prose monodique de Calvin, écrit Bernard Cot-tret, nous frappe toujours par la mo- dernité de son ton ; toutes proportions gardées, même lorsqu’elles expriment les idées en apparence les plus compli-quées, ses phrases gardent une immé-diateté, un sens du concret qui les rendent curieusement accessibles . . . Nombre de ses inventions lexicales

sont passées dans la langue courante : tergiverser, hyperbolique voire mani-gance et antiquailles.»

Mais ce qui me touche plus en- core, c’est le rayonnement internatio- nal que son œuvre a connu. Calvin a été rapidement placé au centre d’un réseau international qu’il fréquentait par ses lettres et par d’innombrables visiteurs, auditeurs et étudiants.

Réseau internationalCalvin, après Luther, a repensé les rap-ports du sacré et du profane. Fondés sur la doctrine évangélique du salut par la foi, ils valorisent ensemble la tâche profane en lui donnant le statut de ser-vice ; la profession devient vocation. Mais Calvin donne à cette révolution dans la pensée chrétienne une force encore plus grande en accentuant la di-mension éthique du travail.

De lui, les réformés ont appris aussi que la religion elle-même est le domaine de la tentation par excellence, celle qui érige de fausses images de Dieu, et que la Bible invite les croyants à réviser constamment les produits de la culture religieuse. Aussi, rien n’est plus divers que le « monde réformé » ; adaptable tout aussi bien en Corée du Sud qu’en Améri-que latine – « presbytériens » ici, « con-grégationalistes » là.

Une identité forte, mais soupleCalvin a développé une conception dy-namique et ouverte des charismes et des services dans l’Église pour qu’elle ait une identité assez forte pour porter

CALVIN EN FRANCE

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14

Un protestantisme dans l’omniprésence du pape

L’Église vaudoise est la communauté protestante la plus importante d’Italie. Petite 

minorité, les réformés italiens associent en toute connaissance de cause à la  

célébration du Jubilé Calvin les institutions officielles et celles de l’Église catholique, 

mais aussi les pentecôtistes et les évangéliques.

Italie

14 CALVIN09

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Pawel Gajewski

b 1515

vin est importante. Le Centro culturale valdese bénéficie par exemple du tra-vail d’une volontaire du Service civil national, tandis que la Bibliothèque na-tionale centrale de Florence, en accord avec le Ministère des biens et des acti- vités culturelles, a mis à son program-me l’exposition des éditions des œuvres de Calvin et d’autres réformateurs ita-liens.

Intégrer les évangéliquesIl reste encore à souhaiter que l’héritage de Calvin puisse également intéresser les Églises de la mouvance pentecôtiste et évangélique, qui forment la majorité des protestants italiens, avec environ 200 000 membres. Les premiers signes positifs dans ce sens se sont manifestés au début de l’année 2009. Deux impor-tantes revues théologiques, « Oltre », proche de la Fédération des Églises pen-tecôtistes en Italie, et « Il Cristiano », qui se rattache à l’Assemblée des Frères (une Église libre), ont fait une place im-portante au personnage de Calvin.

Pawel Gajewski est pasteur de la paroisse

vaudoise de Florence et chargé de cours

de théologie systématique à la Faculté vau-

doise de théologie de Rome (Italie).

Les Églises protestantes italiennes ont commencé la célébration de l’anni-versaire de Calvin dès le mois de dé-cembre 2004, dans l’amphithéâtre de la Faculté vaudoise de théologie à Rome, avec la présentation officielle du pre-mier volume des « Oeuvres choisies » de Calvin, intitulé « Dispute con Roma ». La Maison d’édition qui publie l’ou- vrage est gérée conjointement par les Églises vaudoise, méthodiste, baptiste et luthérienne. Ces quatre Églises comptent au total 35 000 membres et représentent en Italie un lien direct avec la Réforme du XVIe siècle et avec le mouvement œcuménique protestant en Europe et dans le monde entier. L’Église évangélique vaudoise (Union des Églises vaudoise et méthodiste) est la communauté protestante la plus répandue, avec ses 20 000 membres, et se réclame de l’héritage du mouvement vaudois du Moyen Âge comme de la po-sition doctrinale des Églises réformées.

Calvin : une réforme de la sociétéLa décision d’ouvrir les célébrations du Jubilé Calvin par la publication des es-sais polémiques du réformateur sous le titre particulièrement significatif de « Dispute con Roma » a aussi une valeur symbolique. Le protestantisme italien doit en effet se confronter continuelle-ment à la présence du Vatican et du pape. Le projet « Calvin 2009 » en Italie tient compte de cette particularité en tentant d’impliquer dans les célébra-tions de l’année de Calvin non seule-ment les Églises protestantes, mais aussi l’ensemble du monde de la cultu-re, qu’il soit d’origine laïque ou catho- lique.

Le noyau central du projet est constitué par une exposition itinéran-te composée de 11 panneaux et inti-tulée « Jean Calvin, projet d’une socié-té ». À partir de cette exposition, les Églises locales construisent leurs propositions de témoignage et de réflexion. Le titre comme le contenu de l’exposition tendent à présenter l’œuvre de Calvin non seulement comme une tentative réussie de créer un nouveau modèle d’Église, mais aussi comme un grand projet de réfor-me de la société. Ce dernier aspect est particulièrement significatif dans la situation politique et sociale actuelle de l’Italie, caractérisée par une très grave crise des institutions politiques et de la société civile.

Des réformés en majorité étrangersSignalons une initiative particulière-ment importante : les Journées d’étude organisées par la Faculté vaudoise de théologie sous le titre « Jean Calvin et le calvinisme : migration d’hommes, d’idées, de livres », qui se sont tenues à Rome du 26 au 28 mars 2009. De nom-breux réformateurs italiens (Vermigli, Zanchi, Turrettini) ont contribué consi-dérablement à l’élaboration de la théo-logie réformée. Aujourd’hui, la présen-ce d’immigrés d’origine protestante est pour le protestantisme italien une chance historique. On estime à plus de 60 000 le nombre de réformés d’origine étrangère (venus d’Europe de l’Est, d’Amérique latine, d’Asie, d’Afrique), c’est-à-dire plus que les protestants ita-liens d’origine.

L’implication des institutions de l’État dans les projets de l’Année Cal-

CALVIN EN ITALIE

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Réparer la déchirure

Les Églises protestantes en Corée sont profondément divisées entre elles ainsi que 

sur le plan idéologique. À l’arrière-plan de cette situation, on trouve la politique  

missionnaire des États-Unis, fortement marquée par un esprit de concurrence, et  

l’attitude anticommuniste à l’égard de la Corée du Nord. Il pourrait être utile de  

se retourner vers Calvin.

Corée

16 CALVIN09

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Meehyun Chung

b 1�1�

le patriarcat coréen traditionnel aux racines confucianistes. Or, ce qu’il convient de promouvoir dans l’Église, c’est l’art d’honorer la valeur des gens plutôt que de pratiquer des formes de discrimination quelconque, que ce soit au niveau du genre, de la race ou de la couche sociale. Pour le dire en un lan-gage proche de celui de Calvin : les or-ganes du Saint-Esprit dont se compose le corps du Christ sont précieux, car le Saint-Esprit vivifie tous les membres de cet organisme sans discrimination.

Échange sur les faiblesses et les forcesL’unité dans une diversité réconciliée : Se concentrer à l’excès sur sa propre confession conduit au clivage de la so-ciété. Ces divisions à l’intérieur du pro-testantisme sont aujourd’hui exportées dans le monde entier par l’intermédiai-re d’une activité missionnaire qui ré-pète les erreurs des missions européen-nes et américaines au XIXe siècle. Il est plus que jamais nécessaire de chercher à se rapprocher par des actions de coo-pération et de coalition de toute sorte, visant à surmonter les différences en matière de spiritualité et de théologie.

La Suisse est la terre d’origine des Églises réformées. Son rayonnement et son action sont beaucoup plus forts que ce que l’on croit en général en Suisse. Il serait bon que les Églises réformées de Suisse poursuivent un dialogue théolo-gique avec les jeunes Églises du monde entier de manière à faire apparaître leurs insuffisances et leurs forces res-pectives. Alors, cette tradition ne se contenterait pas d’être de l’histoire, voire de porter une charge négative, mais elle revivrait pour être créative et adaptée à la situation.

Meehyun Chung est responsable du Centre

Femmes et genre, Mission 21, Mission pro-

testante, Bâle, Suisse et pasteure de l’Église

presbytérienne de la République de Corée

(PROK).

La toute première Église protestante de Corée a été fondée par un Coréen qui avait lui-même reçu l’Évangile en Chine. Les chrétiens coréens en sont très fiers. Mais ce n’est que par l’inter-médiaire de l’activité missionnaire américaine que l’Église presbytérienne, ou réformée, a reçu sa structure. Le pre-mier missionnaire presbytérien était Horace Grant Underwood, venu des États-Unis, mais de souche britannique, qui, en même temps que son ami mé-thodiste, le missionnaire Henry G. Ap-penzeller (d’origine suisse), est arrivé en Corée le 5 avril 1885.

Les protestants forment aujourd’hui 18 % de la population, et 69 % d’entre eux appartiennent aux Églises presby-tériennes. Il y a 11 % de catholiques. On trouve en outre des bouddhistes, des taoïstes, des membres de la religion co-réenne Dong ha, des confucianistes et des chamanistes.

L’empreinte de la doctrine de la prédestinationBien que l’Église réformée de Corée du Sud trouve ses racines chez Zwingli et Calvin, Martin Luther y est mieux connu comme réformateur que ses col-lègues de Zurich et de Genève. On y respecte moins Calvin que Luther, mais c’est lui qui a le plus marqué intérieure-ment l’Église avec son enseignement sur la prédestination, sa conception du christianisme, sa doctrine des ministè-res et sa structure ecclésiastique. Mal-heureusement, son enseignement a été implanté dans le christianisme coréen par l’intermédiaire d’une Église « made in USA » au moyen d’une théologie bor-née et en partie pervertie.

Une politique missionnaire concurrentielleDans son organisation, l’Église réfor-mée en Corée du Sud insiste nettement sur des formes de piété telles que les cercles de maison, les études bibliques et les prières matinales. Vaillance au travail, discipline, la profession vue

comme vocation – tels sont quelques-uns des éléments positifs issus du cal-vinisme en Corée.

La profonde division dans l’Église réformée en Corée est une maladie chronique. À l’arrière-plan, on trouve la politique missionnaire des États-Unis fortement marquée par un esprit de concurrence. C’est en se centrant sur les racines communes que l’on pourrait parvenir à guérir les différences et l’éparpillement.

La doctrine de Calvin n’est pas la pa-nacée. Mais il serait bon de mettre en avant, pour l’avenir de la Corée du Sud, quelques-uns des points forts thémati-ques tirés de son héritage :

Aide humanitaire, propagande anticommuniste Vaincre le dualisme idéologique : La doctrine calvinienne de la double pré-destination a eu en Corée des effets né-fastes. On s’en est servi abusivement contre ceux et celles qui avaient d’autres opinions idéologiques, ou qui croyaient autrement, pour établir un clivage entre amis et ennemis. Au lieu de considérer leurs frères et sœurs nord-coréens com-me l’axe du mal, les Églises de Corée du Sud, caractérisées par l’anticommunis-me, pourraient faire de l’aide humani-taire et multiplier les tentatives de rap-prochement.Le devoir de s’engager en faveur de la justice économique et de la sauvegarde de la création : L’éthique sociale et éco-nomique chrétienne de Calvin a une grande importance, aussi bien dans la société que dans l’Église. Aujourd’hui, il serait bien nécessaire en Corée du Sud que les Églises élèvent par exemple une protestation durable contre la destruc-tion de l’environnement en faveur d’un terrain de golf, ou qu’elles s’engagent dans un travail auprès des migrants, par solidarité avec les faibles.Enracinement de la structure ecclésiale démocratique : Le système patriarcal à l’occidentale et le puritanisme de type calviniste se sont très bien mariés avec

CALVIN EN CORÉE

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18

Dans le sillage du libéralisme

L’arrivée de la tradition réformée au Mexique au XIXe siècle a correspondu à celle du 

libéralisme politique. Les réformés ne représentent qu’une toute petite minorité, mais 

leur mode de fonctionnement démocratique a exercé une influence notable sur la 

société et l’État mexicains.

Mexique

18 CALVIN09

Page 19: bulletin calvin09 (français)

Leopoldo Cervantes-Ortiz

b 1919

Aarón Sáenz, homme politique presby-térien alors en début de carrière, avait prononcé un discours. Il y évoquait les moyens que les protestants avaient à leur disposition, avant la révolution mexicaine, pour susciter le désir de changement qu’ils estimaient néces-saire pour le pays. Vers la fin des an-nées 1920, lorsque le régime issu de la révolution mexicaine a commencé à se stabiliser, Sáenz a été désigné comme candidat à la présidence du pays. En fait, il n’est pas allé plus loin que les élections primaires – manifestement en raison de sa culture réformée.

Ils ont leur place au MexiqueEn dépit d’une forte résistance, la tra- dition réformée ou calviniste a réussi à se faire une place dans la société mexi-caine, même si la population protestan-te n’a pas toujours une conscience suffi-sante de ses racines théologiques.

En résumé, on peut dire que l’hérita-ge de Calvin a bel et bien influencé la constitution d’un profil religieux, poli-tique et culturel qui, dès lors, fait in- dissolublement partie du Mexique d’aujourd’hui, pluraliste et divers.

Le professeur Leopoldo Cervantes-Ortiz est

théologien presbytérien, écrivain et éditeur,

et il coordonne les travaux du Centre de

recherches Basilea à Mexico. Il est l’auteur

de nombreux livres et essais et collabore

avec plusieurs organisations œcuméniques.

Il est membre de la Commission de forma-

tion œcuménique du Conseil œcuménique

des Églises.

Au Mexique, Jean Calvin n’est pas un inconnu. Miguel Hidalgo et José María Morelos, qui combattirent pour l’indé-pendance contre la domination colo-niale espagnole, ont été accusés et excommuniés comme « partisans de Luther et Calvin ». On leur reprochait d’appartenir « à la secte de la liberté française ». Cette accusation était ridi-cule. Ils étaient tous deux prêtres catho-liques, et ce genre de grief faisait partie du rejet global de tout ce qui évoquait la Réforme ou le protestantisme.

Étant donné qu’en réalité très peu de représentants du calvinisme étaient venus dans cette partie du monde, ce n’est qu’au début du XIXe siècle que l’on peut constater l’arrivée officielle de la tradition réformée au Mexique, lorsque les gouvernements libéraux ont com-mencé à enlever ses privilèges au ca-tholicisme. Les États-Unis étaient le modèle politique qu’ils envisageaient pour le Mexique. Le contexte protestant calviniste des États-Unis ne faisait pas problème pour ces libéraux. Ils esti-maient qu’il serait possible d’introduire ces éléments politiques dans l’État mexicain. En fait, ils ne tenaient pas suffisamment compte du contexte his-panique et catholique du Mexique. Lors de l’intervention militaire des États-Unis, en septembre 1847, la population mexicaine s’est sentie confortée dans ses soupçons selon lesquels les idées re-ligieuses du Nord servaient d’instru-ment à l’invasion culturelle.

Protestants et conquérantsSelon des sources historiques dignes de confiance, le premier culte presbyté-

rien aurait été célébré justement dans le palais national de Mexico qui venait d’être occupé par l’armée d’invasion. L’image transmise par l’entrée des mis-sions protestantes étrangères dans le pays est marquée par la conviction que c’était le véritable Évangile qui arrivait pour mettre fin à la « superstition ro-maine ».

Quoi qu’il en soit, le modèle de parte-nariat vécu par les communautés pro-testantes a une grande influence au Mexique. La recherche parfois incons-ciente d’un mode de fonctionnement réellement démocratique a constitué un axe idéologique au sein de la société. On peut en dire autant en ce qui concer-ne l’éducation. On avait la conviction que si le système éducatif restait aux mains de l’Église, cela comporterait de graves problèmes pour le développe-ment futur du pays. Ce qui explique le fait que les protestants militent de fa-çon si symptomatique en faveur d’un État laïque.

Présents dans l’ensemble du paysSur le plan géographique, les Églises protestantes ont pu s’implanter dans une grande partie du pays. Elles ont connu une croissance numérique parti-culièrement élevée dans les États du Chiapas et du Tabasco. Au Chiapas, on peut constater que de nombreuses com-munautés autochtones participent aux expressions fondamentales de la foi cal-vinienne et au mode de fonctionnement calviniste, même lorsqu’elles n’en ont pas acquis les connaissances de base.

Il y a un siècle, à l’occasion du 400e anniversaire de la naissance de Calvin,

CALVIN AU MEXIQUE

Page 20: bulletin calvin09 (français)

�0

Plus calvinistes qu’on ne croirait

Après des siècles de domination d’un calvinisme orthodoxe, les Pays-Bas sont 

aujourd’hui l’un des pays les plus libéraux du monde. Mais on peut encore aisément 

y discerner l’héritage calviniste : cela se voit à la civilisation hollandaise comme à la 

fréquentation des cultes, qui est plus élevée qu’ailleurs en Europe.

Pays-Bas

�0 CALVIN09

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Douwe Visser

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religieux assez strict dont l’origine, cet-te fois, ne provenait pas du christianis-me réformé. La société hollandaise sé-cularisée a du mal à gérer cette situation, car elle s’est elle-même d’abord libérée de tout contrôle de la part du calvinis-me. La conception qui fait de la religion une affaire privée sans conséquences sur la vie sociale et politique s’est révé-lée erronée.

Aujourd’hui, la situation n’est pas la même qu’au XVIIe siècle, lors de l’arri-vée massive dans la Hollande libre de nombreuses victimes de la persécution religieuse. La tradition calviniste contri-buait alors de manière déterminante à la réussite d’une politique d’intégra-tion. Ce succès historique pourrait ins-pirer la recherche de solutions aux pro-blèmes actuels dans ce domaine. Très attentifs au Jubilé En tout cas, le Jubilé Calvin est une bonne occasion. On accorde cette an-née, aux Pays-Bas, une attention accrue à l’héritage calviniste. Le réformateur genevois semble plus populaire que beaucoup ne l’avaient imaginé depuis longtemps. C’est le moment d’utiliser cette année de commémoration pour réfléchir aux racines de la société néer-landaise d’aujourd’hui.

Douwe Visser est pasteur de l’Église

protestante aux Pays-Bas, et chargé de la

théologie et de l’œcuménisme à l’Alliance

réformée mondiale (ARM), à Genève, Suisse.

À l’occasion du Jubilé Calvin, le journal hollandais d’origine réformée « Trouw » a publié un test Calvin. En répondant à 25 questions, on pouvait mesurer son « facteur C ». Avec un taux de 75 %, on était qualifié de « calviniste authenti-que ». Les réactions des lecteurs ont montré que beaucoup d’entre eux étaient embarrassés de constater que leur « facteur C » était plus élevé que ce qu’ils imaginaient. Manifestement, ce sont des gens qui sont plus calvinistes qu’ils ne le voudraient. Ce qui montre que le terme « calviniste » comporte une connotation plutôt négative.

Et pourtant, le Jubilé Calvin éveille une grande attention aux Pays-Bas. Il se traduit par un programme varié, depuis des conférences diverses jusqu’à une représentation théâtrale exceptionnel-le. Un livre sur Calvin publié sur papier glacé a été épuisé en quelques jours.

Le calvinisme : un long combatD’un point de vue historique, les Pays- Bas sont calvinistes. Il est vrai que le calvinisme n’a réussi à s’y implanter qu’au terme de combats longs et achar-nés pour la liberté religieuse, après s’y être répandu au cours de la deuxième moitié du XVIe siècle. C’est sans doute pour cela qu’il se présente souvent sous un jour très orthodoxe, ce qui se traduit par de nombreux principes moraux. Il se pourrait même que les protestants néerlandais aient appliqué des critères plus stricts que Calvin. Le respect du dimanche était une obligation évidente, avec en outre l’assistance à deux cultes.

Il y a encore quelques années, il n’était pas question d’activités sportives, si ce n’est une brève promenade.

Aujourd’hui, la situation a complète-ment changé. Il semble que les Pays-Bas se soient débarrassés de leur héritage calviniste. En tout cas c’est l’un des pays les plus sécularisés du monde. Chacun y protège son style de vie avec la plus grande détermination et invoque sa li-berté personnelle. En matière d’éthique et de morale, le degré de tolérance est au maximum. C’est par exemple aux Pays- Bas que des couples homosexuels ont pour la première fois été autorisés à conclure un mariage officiellement re-connu.

Toutefois, il n’est pas difficile de re-pérer dans la société et la civilisation hollandaises des racines calvinistes. Certes, le nombre des membres des Églises réformées a considérablement diminué au cours des dernières décen-nies. Mais quiconque fait partie d’une Église se sent obligé d’en être membre actif. La fréquentation du culte domi-nical dans les Églises réformées reste donc encore aujourd’hui assez élevée si on la compare avec la situation de pays comme la Suisse ou l’Allemagne. Mais si une personne ne fréquente plus régulièrement le culte, bien sou-vent, elle quitte l’Église.

Des musulmans très religieuxIl y a un phénomène intéressant, c’est le fait qu’à la suite de l’arrivée de nom-breux immigrants musulmans, on a vu apparaître aux Pays-Bas un style de vie

CALVIN AUX PAYS-BAS

Page 22: bulletin calvin09 (français)

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Facteur d’identité dans une société sécularisée

Il a fallu plus d’un siècle pour que l’Écosse trouve son identité réformée – après bien 

des hésitations entre épiscopalisme anglican et presbytérianisme calviniste. C’est ce 

dernier qui, jusqu’à aujourd’hui, caractérise la société écossaise.

Écosse

�� CALVIN09

Page 23: bulletin calvin09 (français)

Sheilagh Kesting

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Lorsque John Knox est revenu en Écos-se après son exil genevois, personne ne se doutait de l’influence que Calvin allait exercer sur l’Écosse. En 1560, l’As-semblée générale écossaise s’est ralliée aux réformateurs. Pendant plus d’un siècle, l’Église a hésité entre presbyté-rianisme et épiscopalisme. En 1689, l’Église d’Écosse a été reconnue comme presbytérienne quant à sa forme de gouvernement et, jusqu’à ce jour, la reine, ou le roi, affirme en présence de l’Assemblée générale de l’Église, la vo-lonté de maintenir un ordre presbyté-rien de gouvernement ecclésiastique en Écosse.

Une grande Église et plusieurs petitesAvec ses 490 000 membres, l’Église d’Écosse est, de loin, la plus grande Église réformée du pays. On compte aussi parmi les réformés l’Église libre unie d’Écosse, l’Église libre d’Écosse et l’Église réformée unie, qui ont chacune environ 4 000 membres, ainsi que les petites Églises presbytériennes asso-ciées, peu nombreuses, et l’Église pres-bytérienne libre.

Au sein de la communauté protestan-te, les épiscopaliens écossais de la tra-dition anglicane forment, avec leurs 40 000 membres, le vis-à-vis ecclésial le plus important de l’Église d’Écosse. Parmi les Églises protestantes de moin-dre importance, on trouve l’Église mé-thodiste, la Fédération congrégationa-liste, l’Armée du Salut et la Société religieuse des Amis (quakers). Au total, ces Églises protestantes représentent environ la moitié de la population chré-tienne d’Écosse.

Le calvinisme a profondément mar-qué la société écossaise, son système de valeurs culturel et son évolution politi-que. Dans la société actuelle, séculari-sée et pluraliste en matière de religion, son statut et son influence sont moins évidents, mais son héritage continue

d’y jouer un rôle de facteur créateur d’identité.

Calvin sous les feux de la rampeÉtant donné que cet héritage y est en-core perceptible, l’année 2009 est une bonne occasion pour réfléchir au passé. Pour cela, il vaut mieux diriger les pro-jecteurs sur Calvin que sur le calvinis-me. Car, à la différence de ce à quoi les idées de Calvin ont abouti dans le cal-vinisme, la théologie du réformateur est dans l’ensemble plus catholique et plus œcuménique que ce que l’on en pense généralement.

La pasteure Sheilagh Kesting est chargée

de l’œcuménisme à l’Église d’Écosse à

Édimbourg, Royaume Uni.

de Bernard de Clairvaux sur la pen-sée de Calvin. Un second exposé abordera dans une large perspective la théologie de Calvin du point de vue catholique romain. Les deux exposés réformés traiteront de « Calvin et la liturgie » et de « L’Église comme mère dans l’Institution chrétienne de Calvin ».

L’année 2010 marque également le 450e anniversaire de la Réforme en Écosse. Aussi les « Cunningham Lectures » (conférences) vont-elles se dérouler de novembre 2009 à janvier 2010 à l’Université d’Édimbourg et s’intéresser de façon détaillée aux conséquences de la Réforme en Écosse.

En janvier, la Société de théologie de l’Église d’Écosse (Scottish Church Theological Society) a organisé une semaine de conférences. Divers thèmes y ont été abordés : la vie de Calvin, son temps et sa place dans la Réforme, son influence en Écosse, ce qu’il reste de son héritage théo-logique, les dimensions politiques et économiques du calvinisme et l’ap-port contemporain des réformés à l’Église universelle

En novembre, un symposium œcu-ménique intitulé « Calvin, catholique et réformé » sera organisé conjointe-ment avec l’Église catholique romaine en Écosse. L’exposé d’un intervenant catholique romain sera consacré à l’influence de la théologie

CALVIN EN ÉCOSSE

Les manifestations en Écosse pour l’Année Calvin

Page 24: bulletin calvin09 (français)

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Une longue ambiguïté

Même des Églises de la tradition réformée ont soutenu l’apartheid en Afrique du Sud. 

Mais les opposants à l’apartheid se réclamaient eux aussi du réformateur genevois. 

Aujourd’hui, les Églises sont confrontées au défi consistant à vivre de manière encore 

plus visible leur unité en matière de culte et de structures.

Afrique du Sud

�4 CALVIN09

Page 25: bulletin calvin09 (français)

Dirkie Smit

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fester leur unité par le renouvellement de leur structure ecclésiale et de leur constitution. C’est également le cas pour la communauté de célébration et la confession de foi commune. Ce n’est que de cette façon que l’on pourra triompher des fractures destructrices du passé. Malheureusement, le manque d’unité persiste, ce qui a des conséquen-ces profondes et douloureuses sur le témoignage des Églises réformées, unies ou en voie d’unification.

Témoigner de la justice de DieuEt pour finir, les Églises sont également confrontées au défi d’un témoignage public, en paroles et en actes, à la justice miséricordieuse de Dieu, que ce soit par leur propre obéissance au Christ ou par les interpellations qu’elles peuvent adresser à l’État, à la société et à l’opi-nion publique. C’est de cette façon qu’elles peuvent et qu’elles doivent non seulement éliminer le poids des injus-tices du passé, mais encore prendre po-sition vis-à-vis des défis actuels de la pauvreté, de la misère, du sida, du mé-pris de la dignité humaine, de la vio-lence et de la criminalité.Les calvinistes d’Afrique du Sud savent bien qu’ils ne pourront accomplir ces tâches qu’en commun avec les chré-tiens et les autres croyants de leur pays et du monde entier.

Dirkie Smit est professeur de théologie

systématique à l’Université Stellenbosch,

Afrique du Sud.

Le calvinisme est arrivé en Afrique du Sud vers le milieu du XVIIe siècle avec la fondation du premier établisse-ment hollandais au cap de Bonne Espé-rance. À l’époque coloniale, diverses branches de l’Église et des traditions réformées sont parvenues en Afrique du Sud avec les immigrants, de sorte que l’on peut réellement parler d’une influence calviniste. C’est le calvinis-me hollandais qui en était le facteur déterminant. En outre, à partir de 1688, sont arrivés de nombreux huguenots français, et des groupes presbytériens et congrégationalistes s’y sont peu à peu adjoints, occupant des fonctions impor-tantes dans la vie publique.

Les réformés : un sur cinqAujourd’hui encore, la population sud-africaine est très religieuse et majoritai-rement influencée par le christianisme. Un tiers des habitants environ se ratta-che à l’une des Églises africaines indé-pendantes, à peu près 10 % sont catho-liques romains. Le reste fait partie de l’un des divers mouvements protes-tants, parmi lesquels les Églises d’ori-gine réformée néerlandaises, avec envi-ron un cinquième de la population totale, représentent la communauté confessionnelle la plus importante.

Jusqu’à la fin de l’époque de l’apar-theid, l’histoire et l’attitude officielle de la communauté réformée d’Afrique du Sud ont été profondément ambiguës. Dès 1857, dans les paroisses réformées néerlandaises, on célébrait la Sainte Cène séparément pour les Blancs et pour les Noirs. Ces Églises classaient les croyants en fonction de leur race. Selon de nombreux chercheurs, c’est cette

évolution dans l’Église qui a été déter-minante dans l’introduction ultérieure de l’idéologie politique de l’apartheid (qui signifie littéralement : séparation). Des théologiens et des pasteurs réfor-més ont donné à cet apartheid un fon-dement biblique ; la majorité des mem-bres blancs de ces Églises soutenait le système.

La Confession de Belhar montre la voieMais en même temps il se constituait au sein du mouvement œcuménique, en Afrique du Sud et à l’étranger, un vi-goureux courant de résistance antiapar-theid. Ce qui est intéressant, c’est que cette résistance se réclamait également de Calvin et de la tradition réformée. Dans les années 1980, une nouvelle confession de foi réformée a été adop-tée, la Confession de Belhar, qui criti-que trois points cruciaux de l’apartheid en matière de théologie et de foi : elle prend position contre le refus de prati-quer une véritable unité de l’Église, contre le manque de confiance en la puissance réconciliatrice du Christ pour vaincre les séparations naturelles et culturelles, et contre les formes d’in-justice profondément ancrées dans la société et l’économie qu’entraîne l’apar-theid. La Confession de Belhar loue le Dieu trinitaire pour le don de l’unité, mais en même temps elle exhorte les croyants à agir pour que l’unité visible, la vraie réconciliation et la justice misé-ricordieuse deviennent réalité.

Le manque d’unité persisteDans la période actuelle de mutation de la société, les Églises restent confron-tées à la tâche consistant à mieux mani-

CALVIN EN AFRIQUE DU SUD

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L’influence d’un inconnu

Bien que Luther, à l’époque de la Réforme, ait été beaucoup mieux connu que Calvin 

en Hongrie, c’est la confession de foi réformée qui fut adoptée en 156�. La notion 

calviniste de réforme de la totalité de l’existence offrait une perspective plus intéres-

sante pour la Hongrie qui, en ce temps-là, se trouvait dans une situation assez chao-

tique. Aujourd’hui encore, le calvinisme y est considéré de façon positive.

Hongrie

�6 CALVIN09

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Gustàv Bölcskei

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quence dans la société ont permis de résister avec succès aux tentatives dicta-toriales comme aux tendances au liber-tinage.

L’unité de l’Église est essentielleOn sait à quel point Calvin tenait à l’unité de l’Église. C’est à cet héritage qu’on doit le fait que, dans l’histoire des réformés hongrois, on n’ait jamais vu une division de l’Église dont ils se se-raient eux-mêmes rendus coupables, alors que cela s’est très souvent produit dans l’ensemble de la famille réformée dans le monde. Même lors des déchire-ments causés par l’histoire, les liens entre les différentes Églises du bassin des Carpates ont été préservés. Ce qui ne nous autorise évidemment pas à nous considérer comme les gardiens de la tradition réformée. Nous y voyons plutôt une confirmation de notre res-ponsabilité qui consiste à mettre en va-leur un héritage réformé vivant, sous la forme d’une Église agissant hors de ses propres frontières à la recherche du bien commun.

L’évêque Gustàv Bölcskei est le principal

évêque de l’Église réformée de Hongrie,

à Debrecen.

Au premier abord, on est surpris de constater la diffusion et l’expansion ra-pide de la Réforme calvinienne en Hon-grie. Calvin n’a connu personnellement aucun des personnages principaux de la Réforme hongroise, il n’a pas non plus entretenu de correspondance avec eux. C’est assez tardivement, l’année de sa mort, en 1564, que l’on s’est réclamé de lui. Au cours d’un débat sur la sainte Cène, on a cité ses argumentations sur ce sujet – à vrai dire, sans donner le nom de l’auteur.

La bourgeoisie citadine de la société hongroise avait essentiellement adopté les idées luthériennes et, au début, n’avait pratiquement pas été influencée par la Réforme émanant d’Allemagne du Sud. Il est donc surprenant que, dans les années 1550 en Hongrie, ce soit la branche helvétique de la Réforme qui ait fini par l’emporter et que le Ca-téchisme de Heidelberg et la Confes-sion helvétique aient été officiellement adoptés comme textes confessionnels par les réformés hongrois au Synode de Debrecen en 1567.

Réforme de la totalité de l’existencePour expliquer ce revirement inatten-du, il faut chercher du côté des condi-tions politiques, économiques et socia-les qui, à cette époque, étaient assez chaotiques, et de l’État hongrois dont la

situation était plutôt confuse. Cette instabilité a fait que l’idée fondamen-tale du calvinisme, appelant à la réfor-me de la « totalité » de l’existence, a semblé davantage susceptible de don-ner une réponse aux questions existen-tielles de l’époque que la réforme et le renouvellement strictement intérieurs auxquels visait le luthéranisme. Le re-nouvellement proposé par Calvin allait bien au-delà des décisions doctrinales et des structures ecclésiales. Sa convic-tion selon laquelle le monde entier était le « théâtre de la gloire de Dieu » (thea-trum gloriae Dei), portait donc avec elle, dans notre pays, une véritable force créatrice.

C’est aussi la raison pour laquelle la personne de Calvin a une image positi-ve dans l’histoire politique et culturelle hongroise, contrairement aux préjugés négatifs que l’on rencontre assez large-ment dans d’autres pays. Il est associé positivement à des notions telles que liberté, indépendance, autonomie poli-tique, culturelle et économique, qui jouent un rôle primordial. Les paroisses réformées et les écoles qu’elles entrete-naient ont dès les origines porté l’idée de l’indépendance nationale, de la culture hongroise, de la langue mater-nelle et d’un style de vie austère. Le sentiment de responsabilité et le sens de l’abnégation qui en furent la consé-

CALVIN EN HONGRIE

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Calvin, pour se réveiller

Aux États-Unis, l’image de Calvin est plutôt ambigüe. Pourtant, l’héritage que le 

réformateur nous a laissé pourrait utilement faire avancer les choses : unité pour les 

Églises des États-Unis si divisées, renforcement du sacerdoce de tous les croyants, 

engagement social au lieu d'esprit de compétition, recours à la grâce plutôt que 

tendance à ne se fier qu’à soi-même.

États-Unis

�8 CALVIN09

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Joseph D. Small

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réclame trop facilement de la concur-rence et qui la justifie, Calvin offre à l’Église des idées nouvelles en vue de son action dans la société. La grâce plutôt que l’affirmation de soi La grâce : En Amérique, où dominent assurance et affirmation de soi, l’accent placé par Calvin sur la grâce a un côté libérateur. Au lieu de nous livrer à des efforts anxieux, nous voici libérés du souci de notre propre justice devant Dieu et de la profondeur de notre foi personnelle. Ni ce que nous faisons, ni ce que nous croyons ne peut servir de justification à notre vie. Ni l’un ni l’autre ne sont la condition de l’amour de Dieu. Calvin insiste pour dire que c’est la re-connaissance envers la grâce du Christ qui nous libère en vue de répondre avec gratitude à l’amour infini de Dieu et qui nous permet d’avoir avec les autres humains des relations marquées par l’amour. Sur les traces de Calvin, nous aussi nous sommes en mesure de me-ner une vie caractérisée par la grâce en nous engageant nous-mêmes de façon désintéressée et sans réserve en faveur des autres.

Joseph D. Small dirige le Département de

théologie, liturgie et éducation de l’Église

presbytérienne à Louisville (Kentucky),

États-Unis.

Une allusion au 500e anniversaire de Jean Calvin risque, chez beaucoup de presbytériens, de provoquer bâille-ments ou froncements de sourcils, voire une moue méprisante. D’où vient cette attitude négative vis-à-vis de Calvin ? Les luthériens aiment Martin Luther. L’évocation du nom de John Wesley fait battre le cœur des méthodistes. En re-vanche, les presbytériens ne savent que faire de Jean Calvin et de son héritage. Pour les réformés, Calvin n’est pas une idole.

Influence de Calvin, mais pas de piédestalJean Calvin se serait sans aucun doute réjoui de notre réticence à l’égard de toute forme de culte de la personnalité le concernant. Mais il n’est pas néces-saire de le placer sur un piédestal pour reconnaître à quel point sa conception de la foi et de la vie chrétienne marque encore aujourd’hui la vie des Églises ré-formées du monde entier.

Aux États-Unis, quatre éléments es-sentiels de l’héritage de Calvin de-vraient, en cette année du Jubilé, avoir de l’importance pour le renouvellement de la vie ecclésiale.

L’unité : Calvin a la réputation d’avoir été un fauteur de troubles, qui rejetait l’Église catholique avec des expressions empreintes d’une rhétorique enflam-mée et des injures acerbes. Cependant, même si sa critique de l’Église catholi-que et de ses pratiques a été massive, son but a toujours été de la réformer, et non de s’en séparer. Pour lui, la restau-ration de l’unité de l’Église n’a jamais cessé d’être un commandement de l’Évangile. Il considérait que le manque d’unité de l’Église constituait l’un des

« maux essentiels de notre temps ». Une idée particulièrement pertinente en ce qui concerne la situation aux États Unis. Ce qui caractérise les Églises chez nous, c’est l’émiettement en un nombre consi-dérable de dénominations, une concur-rence commerciale entre Églises, consi-dérée comme normale, et la résistance aux efforts œcuméniques visant à trou-ver des formes adéquates d’unité ecclé-siale. En Amérique, il existe au moins 45 dénominations réformées, dont 22 font partie de la famille presbytérienne.

Pas de distinction entre chrétiensL’ordre des ministères : Avec ses minis-tères ecclésiaux – pasteur / docteur, an-cien, diacre – Calvin voulait surmonter la distinction des chrétiens entre « prê-tres et laïcs ». Son ordre des ministères dans l’Église donne une expression vi-sible au « sacerdoce de tous les croyants ». Certes, les Églises réformées d’Améri-que sont restées fidèles à la perspective de Calvin. Mais la substance s’en est très largement perdue. Le ministère diaconal est bien trop souvent réduit à rendre quelques services amicaux pour le confort de la paroisse ; le ministère des anciens est devenu celui d’un conseil d’administration paroissial, et les pasteurs se voient contraints de jouer le rôle de directeurs généraux.

L’engagement social : À Genève, Cal-vin a affirmé en paroles et en actes la responsabilité de l’Église dans la socié-té, en matière de justice économique et sociale. Ce sont ses convictions théolo-giques qui fondaient son engagement en faveur de l’éducation et de la santé, de l’aide aux réfugiés, de la création d’emplois ou encore d’un juste système de crédit. Dans une Amérique qui se

Informations sur l’année du Jubilé Calvin aux États-Unis, et documents d’étude avec sous-titres en six langues, à télécharger sur : www.pcusa.org/calvinjubilee.

CALVIN AUX ÉTATS-UNIS

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�0 INTERVIEw�0

Monsieur Künzi, est-ce qu’on ne peut pas dire que, sur-venant au beau milieu de la crise financière, le 500e anni-versaire de Calvin tombe à pic, car c’est dans les périodes difficiles que les banques peuvent supporter une certaine dose d’éthique ?Adrian Künzi*: La crise financière montre en effet que le sec-teur bancaire aurait maintenant besoin d’un supplément d’éthique. C’est la présomption des banques et des banquiers qui a contribué au déclenchement de cette crise. On pensait pouvoir tout maîtriser. Les banques centrales croyaient pou-voir orienter la conjoncture internationale grâce à la masse monétaire et même empêcher à l’avenir les récessions. Finale-ment, les grandes banques misaient sur une croissance illimi-tée. Cette présomption se manifestait également sur le plan personnel. Des banquiers exigeaient des bonus complètement déconnectés de la réalité.

Que faire ?Il faudrait rétablir un équilibre. Quiconque peut gagner beau-coup doit également prendre le risque de beaucoup perdre. C’est ce genre de symétrie qui fait défaut. Comment parvenir à cette symétrie ?Il faudrait que ceux qui se trouvent à la tête d’une banque ne soient pas seulement des gestionnaires, mais également des propriétaires. Chez Wegelin, ce système nous est connu en raison de notre structure juridique de société en commandite. Il n’y a pas de distinction entre propriétaires et gestionnaires. La personne qui dirige cette banque privée est également un associé et apporte la garantie de ses biens propres. Nous pou-vons gagner beaucoup d’argent, mais également tout perdre.

Ce système ne correspond-il pas à la pensée de Calvin, selon laquelle richesse et responsabilité vont de pair ?Sans aucun doute. En outre, cela évite qu’un banquier ne s’in-téresse qu’à des gains à court terme. Lorsqu’on est associé d’une banque, on a un intérêt fondamental à ce que cette ban-que vise des profits à long terme et il est évident qu’on va prendre moins de risques.

Il y a déjà un moment que des représentants de votre ban-que ont émis des critiques à propos des excès des marchés

« Aujourd’hui, nous devons tous redoubler d’efforts »

Dans le monde de la banque privée, en Suisse romande, les valeurs calvinistes sont 

encore présentes. Pour Adrian Künzi, de la Banque wegelin, ces valeurs représentent, 

dans la crise financière, un important moyen de s’orienter. Il attend également des 

impulsions à l’occasion du Jubilé Calvin.

financiers. Cela signifie-t-il que, chez Wegelin, vous avez spécialement du flair, ou bien est-ce que la circonspection fait partie de la politique de la maison ?Nous n’avons pas plus de flair que d’autres. Mais nous obser-vons les choses de façon plus critique. Nous le pouvons, parce que nous renonçons, en matière d’affaires, à certaines activi-tés qui ont fait récemment l’objet de critiques. Ainsi, en ce qui concerne notre réseau de succursales, nous nous limitons déli-bérément au marché suisse. D’autres banques qui, comme nous, emploient 600 personnes et gèrent 21 milliards de francs, auraient depuis longtemps des succursales à l’étran-ger. Dans la mesure où nous ne travaillons pas à l’étranger, nous avons bénéficié de la distance nécessaire pour nous ren-

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b �1ADRIAN KÜNZI �1

dre compte que l’évolution des prix sur le marché de l’immo-bilier aux États-Unis, comme l’endettement croissant au niveau international, avaient un caractère alarmant. Nous considérons que notre rôle ne consiste pas à vendre des pro-duits financiers, mais à agir en tant que partenaires pour l’in-vestissement durable d’avoirs.

Là aussi, est-ce que l’on peut voir l’idée de Calvin selon laquelle la richesse ne doit jamais être un objectif en soi ?En fait, cette idée est à la base des banques privées suisses. Il ne faut pas se contenter de consommer ce qu’on a gagné, il faut aussi le réinvestir. Ce principe constitue l’un des facteurs essentiels du succès de notre industrie bancaire.

Mais aujourd’hui, n’est-ce pas plutôt la maximisation du profit personnel qui serait prioritaire ?Actuellement, en effet, la richesse est bien souvent un objectif en soi et non plus, comme à l’époque de Calvin, un signe que l’on aurait été choisi par Dieu. Malheureusement, il est aujourd’hui plus important de savoir dans quel hôtel de char-me on va passer le week-end plutôt que de réinvestir l’argent que l’on a gagné. Sur ce point, on s’éloigne considérablement de la pensée de Calvin. J’espère que le Jubilé sera l’occasion de rappeler les bons principes du réformateur.

Quoi qu’il en soit, on considère que l’une des conséquences du calvinisme serait la concentration particulièrement éle-vée de banques privées performantes à Genève et dans la région. Les milieux bancaires de Suisse romande connais-sent-ils cette tradition ?Les banques privées ont tout à fait conscience de cet héritage culturel. Ainsi, le Musée de la Réforme, à Genève, a obtenu le soutien financier de plusieurs familles de banquiers privés. Mais il ne s’agit pas seulement d’avoir un beau musée, il faut voir aussi ce que les idées de Calvin ont encore à dire aujourd’hui.

Dans quelle mesure peut-on encore trouver dans le milieu des banques privées la conviction qui était celle de Calvin, disant que la richesse comporte une obligation de respon-sabilité vis-à-vis de la société ?Nombreuses sont les banques privées qui s’engagent par des fondations dans divers projets humanitaires. La Banque Wegelin, par exemple, soutient un projet de traitement de l’eau potable dans des pays pauvres par le principe très simple des bouteilles PET et accorde des subventions à des fonda-tions s’occupant de la formation des jeunes dans des régions périphériques de Suisse et en Amérique centrale.

C’est tout à l’honneur de l’engagement social. Pourtant, comment expliquer à un client de votre banque qu’il ne doit pas se contenter de chercher le taux de rendement le plus élevé possible pour son argent, mais qu’il a aussi une res-ponsabilité dans le cadre de la société ?À notre avis, les investissements qui tiennent compte de la responsabilité sociale vont également dans le sens de l’intérêt du client. Si une entreprise traite mal ses salariés ou se com-porte de façon douteuse sur le plan écologique, on risque davantage de perdre de l’argent en achetant ses actions. D’un autre côté, les investissements dans les secteurs de l’environ-nement, comme par exemple dans des entreprises de traite-ment de l’eau, sont intéressants. Actuellement, ces sociétés

ont besoin de beaucoup d’argent pour la recherche. En même temps, ces investissements pourront être un jour de bon rap-port car, en raison de l’évolution démographique, ce genre d’entreprise devrait pouvoir à l’avenir réaliser des gains inté-ressants.

Dans cette crise financières, les banques peuvent-elles éga-lement s’inspirer de l’attitude de Calvin vis-à-vis du travail : c’est-à-dire le fait de s’investir avec ferveur, indépendam-ment de la réussite ?Aujourd’hui, nous devons tous redoubler d’efforts pour sortir de cette crise. Certes, j’espère bien que le succès ne nous échappera pas. Mais il ne sert à rien de désigner aujourd’hui un certain nombre de boucs émissaires, comme le secret ban-caire, qui n’a absolument rien à voir avec l’origine de la crise. À mon avis, les énormes injections de capitaux sont tout aussi erronées. Ce n’est pas le travail des États d’entretenir les struc-tures. La crise a fait apparaître que nous devions nous faire à l’idée que des faillites bancaires pouvaient se produire les unes après les autres. Une fois ce cap passé, nous pourrons repartir sur des bases saines. Mais nous n’en sommes pas encore là. En attendant, nous pouvons nous inspirer de l’atti-tude de Calvin vis-à-vis du travail et de la ferveur au travail. Mais nous en aurons aussi besoin dans les périodes favora-bles, de manière à ne pas retomber immédiatement dans la crise suivante.

* Adrian Künzi (36 ans) est associé-gérant de la banque privée Wegelin & Co. Originaire de Bienne, il a fait des études d’éco-nomie à Saint-Gall et à Cambridge. Depuis 2004, il a créé des succursales de la Banque Wegelin à Lausanne et à Genève.

Propos recueillis par Matthias Herren

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calvin09

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« Calvin, c'est une cataracte, une jungle, une puissance démoniaque, quelque chose qui 

descend directement de l'Himalaya, de totalement chinois, étrange, mythologique ;  

il me manque les organes nécessaires, les ventouses qui me permettraient, ne serait-ce que 

d'assimiler ce phénomène, et bien plus encore il me manque les moyens de le présenter  

correctement. [...] Je pourrais parfaitement concevoir de m'installer pour ne plus m'occuper 

que de Calvin tout le restant de ma vie. »

Karl Barth dans une lettre à Eduard Thurneysen le 8 juin 1922