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^7 LASOCIÉTÉ
DES
Sciences ET ARTS
DE
Typographie Lahuppe frères & Drouhet fils
RUBDEL'KOLISK– W
L'ILEDELA REUNION
ANNÉE1885
SAINT-DENIS
1886
1
' ,-l BULLETINIl. J SELA.
SOCIÉTÉDESSCIENCESET ARTS
DE
SAINT-DENIS
Ile de la Réunion
TYPOGRAPIIIE LAHDPPE FRÈRES & DROUUET FILS
IMPRIMEURS DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS
SAINT-DENIS
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DE
I~~l`"®aIE~3'i.\;)"'i:>SOCII1TII"– DES
SCIENCESET ARTSDE
L'ILEDELA RÉUNION1~~ >9~7 t
ANNÉE 1885
SAINT-DENIS
Typographie Lalujpe frères & Drouhet fils
48 RBB DK L'ÉGLISE 48
1886
©
SOCIÉTÉDESSCIENCESETARTS
LASOCIÉTÉAÉTÉFONDÉEPAR
M. HUBERT DELISLE
Gouverneur de la Réunion,
PAR ARRÊTÉ DU 27 DÉCEMBRE1855
ET RECONNUEPAR DÉCISION DU MTNISTRI
DE L'INSTRUCTIONPUBLIQUE
EN DATE DU 29 NOVEMBRE1865
LISTE DESMEMBRES
DE LA SOCIÉTÉDESSCIENCESET ARTS
Au 1°' janvier 1886
Membres protecteurs
MM. DE Lormf.Ij (C %), ancien Gouverneur.
Faron (C ^), commissaire général de la ma-
rine, ancien Gouverneur.
CUINIER (C |î), commissaire général de la ma-
rine, Gouverneur de la Réunion.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
membres honoraires
MM. Louis CRIVELLI(j§s)>officier de l'Instruction pu-blique, Inspecteur des Etudes en retraite, an-cien Président de la Société et son repré-sentant à Paris.
G. Imhaus (C ^t), receveur général des Bou-ches-du-Rhône.
G. Couturier (0 ^), ancien Gouverneur de la
Guadeloupe.L. MoREi.(|b), avocat, officier d'Académie, an-
cien Président de la Société.
Bureau
MM. LE SINER(%), président.Adolple LE Roy, vice-président.PASCALCRÉMAZY,secrétaire.
Omot, trésorier.
Membres titulaires
MM. Azéma (Mazaé)(#) Officier de l'Instruction pu-blique, docteur en médecine, président de laCommission du Uii'-euic, conseiller munici-
pal et conseiller général.Bridet (Hilaire) (0 ^), capitaine de frégate en
retraite, directeur de la Banque de l'ile de laRéunion.
Buttié (Joseph)ingénieur colonial desPonts etChaussées.
Cerisier (Charles), chef de bureau de la Direc-tion de l'intérieur.
Créhazv (Pascal), avocat, conseiller général.Dubuisson (Edouard), Directeur de la Compa-
gnie d'assurances la Créole.Focahd (Volcy) greffier en chef de la Cour d'ap-
pel, ancien secrétaire,
GREC,agrégé des sciences mathématiques, pro-fesseur au Lycée.
DES SCIENCES ET AftTS
MM. Grenard (Emile), directeur du Crédit agricoleet commercial.
Jacob DE Cordemoy (Bénédict), secrétaire géné-ral de la Direction de l'intérieur,
Jacob DE Cordemoy (Camille), ingénieur, con-seiller général de Saint-Pierre.
LAMADON, ancien professeur du Lycée de Saint-
Denis.LANTZ (Jean-Auguste) ($), Officier d'A«adémie,
préparateur-conservateur du Muséum d'his-toire naturelle de Samt-Denis.
LE SINER (i^ Officier d'Académie, docteur en
médecine.Loupy (Jules), avoué, conseiller général de Saint-
André.
Mac-Auliffe (%), docteur en médecine.
Madré, procureur de la République à Saint-Denis.
Ménakd (Camille), comptable à Saint-Bonis.Nicolas (Ernest), professeur de musique.Obiot, agrégé de l'Université, professeur de ma-
thématiques au Lycée.Pajot (Elie), propriétaire.Ricquebourg (Louis), secrétaire de la Chambre
de commerce.
Rieul (Albert), avocat.
Koussw (Antoine), professeur de dessin au Ly-cée.
SERS (Paul), avocat, conseiller privé.Vinson (Auguste, (4), docteur en médecine.VOLLARD (Ambroise), ancien notaire.
Membres eorrespoudaut«
MM. Autdier, en Franco.
Ai.LEACME, ex-juge à Nossi-Bé.
Babquisseau (Jean-Baptiste), à Saint-Pierre.
Bedingfell, à Maurice,Bellaigue deBuchas (0 $.), à Paris.
BON (Etierne-Joseph) (^=), Ot'ficierde l'Instruc-
tion publique, proviseur au Lycée de Nantes.
BOTTARD (Léonce), à Saint-Paul.
BULLETINDELASOCIÉTÉ
MM. BRUNET(Dufour), procureur général à Pondi.
chéry.CHATELAIN(Louis-Charles), inspecteur en chef
des services administratifs et financiers de lamarine et des colonies.
Castelnau (le comte de)($), au Cap.Cazamian (Firmin), licencié ès lettres, Officier
d'Académie, en France, ancien secrétaire.Caumont (Aldric) (%), avocat au Havre.COMTE(A.-O.) (^), à Nantes.
DELTEIL,pharmacien principal, en France.Dostob (Georges), professeur en retraite, à Paris.
FONTAINE,à Saint-Leu.Foucaud (le comte de) (|t), à Cayenne.Fhoppier (G.), à Maurice.GAYET, pharmacien de la marine en France.
Gerbier, professeur en France.Ghandidier (Alfred) {%), naturaliste voyageur à
Paris.Hehvé (Edouard) (&), publiciste à Paris.Hugo (Sehuehardl), professeur à l'Université de
Gratz (Autriche).Hugoulin (%}, pharmacien principal à Toulon.
ITIER'(J.-0.) (#), receveur municipal à Marseille.JACOBDECokdemoy (Eugène docteur en méde-
cine, à Saint-Benoit.
JACQUIER,ingénieur en France.JoLY, (N.), professeur a la Faculté des Sciences
et à l'Ecole de Médecine de Toulouse, mem-bre correspondant de l'Institut.
Joly, professeuren retraite, à Toulouse.LACAUSSADE(A) (^), à Paris.LAVOLLÉE(j^), à Paris.
Lacour, en France.LAHUPPE(Thomy), juge-président du Tribunal
deChaudoc (Cochinchine).LE Boucher, gouverneur de la Nouvelle-Calédo-
nie.Leconte DELisle, à Paris.LEJEUNE(D.M.), à Maurice.
LEPINE,Grand Vicaire, au Cap.LuRAwsHYDEALEXANDRE,gentilhomme russe,
à Viarzma.DE Mahï, député de la Réunion, à Paris.
DES SCIENCES ET ARTS
MM. MARTINS, à Montpellier.Michel (%), docteur en médecine, à St-Benoit.
Oodemans, directeur de l'Observatoire de Bata-via.
Pollen (François), naturaliste, voyageur hol-
landais.
Raoul(jJ.), pharmacien de la Marine, en France.Sknèque (le docteur), à Maurice.
Textoh DE Ravisi fi§), à Bohaine (Aisne).Toiiiibis (L. de) (3I), à Toulouse,Trociion (A), magistrat, secrétaire o'e la Société
dp Géographie à Tours.DE Villkle (Auguste), à Saint-Paul.Vivien (Placide) professeur en retraite à Paris
ViÉHE(Ch.), à Maurice.
YTIER, â Pans.
RÈGLEMENT
DE LA
SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS
ART. 1er. Une Société a été fondée àSaint-Denis sous le patronage de M. Hubert-Delisle, Gouverneur de l'Ile de la Réunion,sous le titre de Société des Sciences et Arts,
ART. 2.- Le but de la Société est de pro-pager les Sciences, les Lettres et les Beaux-Arts, et de concourir au progrès intellectuelde la Colonie, en entretenant, surtout parmila jeunesse, le goût des travaux de l'esprit.
ART. 3. –La Société peut être composéede 50 membres titulaires, et d'un nombre in-déterminé de membres honoraires etdemem-bres correspondants.
ART. 4. Chaque membre titulaire, ho-noraire ou correspondant reçoit un diplômeextrait d'un registre à souches, signe par lePrésident et le Secrétaire et formulé ainsi
SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS
DE L'ILE DE LA RÉUNION
La Société des Sciences et Arts de l'Ue de la
Réunion, instituée à Saint-Denis, le 27 Dé-cembre 1855, a admis en qualité de membre,M., etc.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
ART. 5.- Il sera publié un Bulletin an-nuel des travaux de la Société.
ART. 6. La Société nomme annuelle-ment trois commissions, l'une pour les LET-
TRES, l'autre pour les SCIENCES, la 3° pourles BEAUX-ARTS. Ces commissions pourrontrendre compte à la Société des ouvrages quilui sont offerts, lorsque les auteurs en aurontdésiré le compte-rendu.
Les Commissions forment avec le Bureauun Jury, chargé de désigner les travaux quidoivent être insérés au Bulletin.
ART. 7.- Il ne peut être publié dans leBulletin que des travaux inédits, sauf les ex-
ceptions préalablement autorisées par la So-ciété.
ART. 8. La Société pourra distribuerdes prix annuels destinés à encourager lesSciences, les Lettres et les Beaux-Arts.
Ces prix seront décernés dans une séance
publique.
ART. 9. -La forme et les conditions duconcours sont déterminées par le règlementsuivant:
I
Chaque année, les prix sont donnés dans laséance publique, et le programme du concoursouvert pour l'année suivante est lu dans lamême séance.
II
Le concours est interdit aux membres ti-tulaires de la Société.
DES SCIENCES ET ARTS
III
Les ouvrages envoyés au concours, dont lesauteurs se sont fait connaître, même indirec-
tement, en sont exclus.
IVLes mémoires doivent être adressés, francs
de port, au Président ou au Secrétaire de laSociété.
V
Les manuscrits porteront chacun une épi-graphe ou devise, qui sera répétée dans et surun billet cacheté, joint à l'ouvrage et conte-nant le nom de l'auteur.
VI
Les concurrents sont prévenus que la So-ciété ne rendra aucun des ouvrages envoyésau concours mais les auteurs auront la li-berté d'en faire prendre des copies.
Des membres titulaires honoraires'
et correspondants
ART. 10. Les membres titulaires ne
peuvent être choisis que parmi les habitantsde la ville de Saint-Denis.
ART. 11. Un membre titulaire qui a né-
gligé d'assister aux séances pendant trois mois,sans faire connaître les motifs de son absen-ce ou qui, pendant le semestre, n'aura pasréglé sa cotisation, peut être réputé démis-sionnaire.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
ART. 12. Les membres honoraires sontattachés laSocictésansêtreastreints à aucunn
des devoirs imposés aux membres titulairesou correspondants.
ART. 13. Chaque membre correspon-dant est invité à envoyer annuellement à laSociété un travail scientifique oulittéraire, ouune oeuvre d'art.
Art. 14.– Les membres honoraires et lesmembres correspondants ont le droit d'assis-
ter aux séances avec voix consultative.Ils reçoivent le Bulletin de la Société.
Du Buiaau
ART. 15. Le Bureau de la Société est
composé d'un Président, d'un Vice-Prési-
dent, d'un Trésorier et d'un Secrétaire. Le Bu-reau ne pourra délibérer à moins de 3 mem-bres.
Du Président
ART. 16. Le Président fait exécuter le
Règlement.Il a la police des séances.En cas de partage dans les délibérations, sa
voix est prépondérante.Il signe les délibérations et le procès-ver-
bal de chaque séance.
ART. 17. En l'absence du Président etdu Vice-Président, le plus âgé des membres
présents occupe le fauteuil.
DES SCIENCES ET ARTS
Du Trésorier
ART. 18. Le Trésorier est chargé des re-cettes et des dépenses el du classement et dela conservation des livres appartenant ù laSociété.
Son compte, apuré préalablement par le
Bureau, sera, à la dernière séance de chaqueannée, soumis à l'approbation de la Société.
Du Secrétaire
ART. 19. Le Secrétaire rédige les procès-verbaux.
Il s'entend avec le Président pour la cor-
respondance, l'expédition des diplômes et latenue des registres de la Société.
Il signe, avec le Président, les délibérationset toutes pièces émanant de la Société.
ART.20. Il recueille les travaux de la So-
ciété, met en ordre les lettres, manuscrits, etc.
ART. 21. Il prépare les liste des ouvra-
ges à acheter ces listes, approuvées par le
Bureau, sont arrêtées définitivement par laSociété.
ART.22. En cas d'empêchement, le Se-crétaire est suppléé par le plus jeune desmembres présents.
Des Commissions
ART. 23. La Société nomme des Com-missions qui font leur rapport sur les matiè-res qui leur ont été assignées.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
i
Des Elections
ART. 24. En cas de vacance, la Sociétén'admet de nouveaux membres titulaires quesur la proposition écrite et signée de deuxmembres titulaires.
Art. 25. La dato de la proposition et lenom du candidat sont inscrits au procès-verbal de la séance.
ART.26. II est donné avis des proposi-
tions à tous les membres titulaires. Ceux quijustifient de leur empêchement peuvent en-
voyer leur suffrage cacheté, et cesuffrage n'estouvert qu'au moment de l'élection, immédia-tement avant le dépouillement du scrutin.
Art." 27. Les élections auront lieu, quelque soit le nombre des membres présents,pourvu que ce nombre soit réglementaire, con-
• formément à l'article 38.
ART.28. Les trois quarts des suffragesdes votants sont nécessaires pour l'admission.
Les candidats qui, à la première épreuve,n'ont pas réuni les trois quarts des suffragesexprimés, sont soumis à un second scrutin,et ils devront réunir les trois quarts des suf-
frages des membres présents.
Art. 29.-Les suffrages des absents ne sontadmis que pour la première épreuve.
ART. 30. Les membres honoraires et lesmembres correspondants sont élus sur la pré-sentation d'un membre titulaire et conformé-ment aux dispositions des articles 30 et 31 du
présent Règlement.
DES SCIENCESET ARTS
ART. 31. Les membres du Bureau sontnommés pour un an, au scrutin secret et àla majorité absolue des membres présents.Au second tour de scrutin, la majorité rela-tive décide de l'élection. Ils peuvent êtreréélus.
ART. 32. Quinze jours avant la séancedans laquelle doit avoir lieu le renouvelle-ment du Bureau, il en est donné avis par let-tres individuelles à tous les membres titu-laires.
ART. 33. Dans toute élection, le droit de
suffrage appartient exclusivement aux mem-bres titulaires.
Des Séances
Art. 34. Les séances ordinaires ont lieule 1er ou le 2e vendredi du mois qui suit l'ar-rivée de la malle de France.
Le Bureau peut fixer un autre jour lorsqueles circonstances l'exigent le Secrétaire endonne avis aux membres titulaires.
ART. 35. Les séances ordinaires s'ou-vrent à huit heures précises du soir. La So-ciété peut choisir une autre heure lorsqu'ellele juge convenable.
Chaque séance commence par la lecturedu procès-verbal de la séance précédente.
Les Commissions font ensuite leur rapport.Enfin oa entend la lecture des travaux parti-culiers.
ART. 36. Les membres de la Société ne
peuvent lire devant elle que des travaux iaé-dits.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
ART. 37. Les membres de la Société quiont des travaux à lire se font inscrire par lePrésident ou le Secrétaire huit jours avant laséance.
ART. 38. Une séance ne peut avoir lieu
que lorsqu'elle se compose du tiers des mem-bres titulaires présents dans la Colonie
ART. 39. Chaque année, il y aura uneséance publique. L'époque en sera fixée parla Société.
ART. 40 Le Secrétaire fait à cette séan-ce le compte-rendu des travaux de l'année.
ART. 41 Le Bureau réuni aux troisCommissions mentionnées en l'article 6 dé-
signe les travaux qui doivent être lus auxséances publiques.
Dépenses et Recettes
ART. 42 Les recettes de la Société se
composent des dons volontaires, et de la co-tisation que les membres titulaires sont tenus
d'acquitter sur un récépissé délivré par leTrésorier.
ART. 43. Les dons faits à la Sociétésont inscrits sur un registre spécial avec les
noms des donateurs.
ART. 44 La cotisation a été fixée à 25
francs par la Société. Elle est payable parannée et d'avance.
ART. 45. Toutes les dépenses doiventêtre autorisées par le Bureau.
BDLLETIK DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS
Dispositions finales
Art. 46. Le présent Règlement ne peutêtre modifié que sur la proposition de cinqmembres au moins et approuvé par S. Ex.le Ministre de l'Instruction publique. Tous
les membres titulaires sont convoqués et re-
çoivent communicalion im mois u l'avance,de la modification proposée.
Les trois quarts des suffrages, les fractionsen sus, sont nécessaires pour son adoption.'
Les membres présents ont seuls le droitde voter.
Le Président,
LE SINER.
Le Secrétaire,
RAFFRAY.
Seanee du ,80 Mars 1885
Présents
MM. Le Sinëb, président;P. CRÉMAZY,secrétaireDUBIÏISSON,FOCAED,LANTZ,MADRE,MÉ\AED,EOOTSIN.
Lecture par le Secrétaire et adoption par la so-ciété du procès-verbal de la séance du 20 dé-cembre 1884.
Dépôt par !e Président sur le bureau des di-
verses publications, de la France et de l'étranger,
par lui reçues pour la société depuis la dernièreséance.
Lecture par le Secrétaire d'une lettre de M.Détiré Racymackers, membre de la société royalemalacologique de Belgique. Cette lettre du 5 fé-vrier 1885 offre l'échange d'une certaine quantitéde coquilles terrestres, fluviatiles et marines de
l'Europe contre les espèces de la faune malaco-
logique de la Réunion. Le Secrétaire est prié dede s'entendre, pour répondre à M. Racymackers,avec les membres titulaires ou correspondants denotre société qui s'occupent d'histoire naturelle,et spécialement des mollusques.
La proposition de M. Lamadon absent excusé,au sujet de l'Exposition agricole, industrielle,
scientifique, artistique et littéraire qu'il croit
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS
utile d'ouvrir à Saint-Denis, en 1885 ou 1886,sous le patronage de la Société des Sciences etArts, est renvoyée à la prochaine séance.
M. Ddbuisson donne lecture d'un article de M.C. Flammarion, inséré dans la livraison de l'As-tronomie populaire de février 1885, sur les trem-blements de terre qui ont récemment ravagél'Espagne.
La séance est levée à 10heures.
Le Secrétaire,
P. Ckl'hazt.
M, A. de Faymoreau, délégué de Mayotte etde Nossi-Bé au conseil supérieur des colonies, as-siste à la séance M. le Président lui souhaitela bienvenue.
Lecture et adoption du procès-verbal de laprécédenteséancedu 20 mars 188S.
M. LE Pbë'sident exprime les regrets de toute
notre société au sujet de la mort récente de M
Séance du «41 avril 1885
Présents:c
MM.
LE Sinek, présidentP. Ckémazï, secrétaireORIOT,trésorierBkidet,Dubuisson,GRENARD,Laïiadoh,Lantz,
Loupy,MADRE,
MÉNARD,
Absents excusés
MM.
B. JACOB,
E. Nicolas,P. SERS,A. VlNSON.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
Charles Frappier de Montbenoit qui, depuis long-temps, figurait parmi les membres correspon-dants de notre corporation. L'assistance s'associeaux sentiments si justement manifestés par M. lePrésident et rend hommage à la mémoire de cesavant modeste. C'est à lui que l'histoire na-turelle doit la monographie des orchidées de l'îlede la Réunion, qu'il a complétée des espèces in-
digènes découvertes jusqu'en 1880 à la suite destravaux des D'i Petit-Thon. ir-u, Claude Richard,Belnier, les frères Eugène et Camille Jacob, etc.,crc.
M. Dusuisson nnnnmre que des amis de M.C. Frappier s'o'capentî; Saint-Pierre, de réunirtous les travaux de ce Bi.tur.sHste distingué,travailleur infatigable, dont h publication auraitun grande import-inee scientifique.
Il est décidi'1que lu notice biographique pu-Miée dans le Sport Colonial par une parente du
défunt, sous le' nom à'Ignota, sera insérée aubulletin de 1883.
Le secrétaire lit une lettre, datée du 10 mars
1885, de M. D. Bruoet, Procureur générai à
Pondichéry, qui remercie la Société d'avoir bienvoulu décider l'impression dans le bulletin de
188-4, de son étude sur l'instruction publique àk Réunion M. le Président est invité à ne pasomettre l'insertion de ce travail dans le bulletinde l'année dernière qui sera prochainement com-
posé.
M. LE PRÉSIDENTdépose sur le bureau 41t
numéros des recueils mensuels de la Société de
géographie de Tours, de l'année 1884 jusques et
y compris le u° de janvier 1885.
DESSCIENCESET ARTS
M DuBtnssoH présente des observations surla dernière éclipse de lune, presque totale, quia été visible a la Réunion, le 30 mars 1888 de'6 heures 45' 50" à 9 heures 53' 12". Il appuieses observations d'une lecture destinée à préciserles phases du phénomène qu'il a particulièrementobservé et montre des dessins indicateurs de lamarche de l'ombre pendant l'éclipsé. Il termineen rappelant à la Société le vœu qu'elle a émis
pour le prompt établissement d'un observatoireà la Réunion.
M Lamadon développe sa proposition exposéedans la dernière séance. Il désirerait un renou-vellement plus fréquent des expositions et con-
cours il demande de faire examiner, par une
commission, l'organisation, en 1886, d'uue ex-
position littéraire, artistique, scientifique, agrico.le et d'économie politique. M. Lamadon n'a
p:isen vue nue exposition intercoloniale; il dé-clare son projet plus modeste et plus pratique.
Les produits coloniaux ordinaires, sucresrhums, vanilles et cafés devront êtie exclus, àmoins qu'ils n'offrent des améliorations propres àles représenter comme des produits nouveaux.
Tous les produits des cultures et industriesnouvelles seraient admis à concourir. Des con-cours spéciaux avec récompenses, seraient ou-verts sur divers sujets choisis par les Comités
spéciaux de la Société des Sciences et Arts.
On pourrait étendre le Concours musical inau-
guré l'an dernier sur l'initiative de M. E. Nico-las en mettant au concours un morceau de mu-
sique, qui devrait être composé et orchestré
par des musiciens de la colonie et serait exécu-té par les fanfares de Saint-Denis et des quar-
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS
tiers. Ce concours musical attirerait au chef-lieu des visiteurs dont l'affluence assurerait le suc-ces de l'exposition
La partie littéraire,scientifique et artistique de
l'expositien serait formée sur le même plan quecelle de 1881.
M. Lamadon ajoute quelques observations sur
les exigences financières de l'opération Il dit,enfin, qu'il se borne à tracer les grandes lignes deson projet, sans toucher aux points de détail quidevront être examines par la commission spécia-le dent il demande la nomination. Après ces ex-
plications de J! Lamadon, la Société renvoie à
la prochaine séance la discussion de la proposi-tion et la nomination, s'il y a lieu, d'une com-mission pour étudier les bases de cette exposi-tion.
La séance est levée à 10 h. -1/4,.
Le Président, Le Secrétaire,
LeSinek. P. Ceémazy.
Charles Frappier de Montbenoit
D'autres voix plus autorisées que la -mienneont parlé de cette belle intelligence, de ce grand
savoir mêlé à tant de simplicité, qui vient des'étwndre en la personne de Charles Frappier.Si je viens a mon tour entretenir le lecteur d'unde ses compatriotes les plus distingués, c'est queje m'en fais un devoir bien doux, bien triste aus-si. J'y suis amenée par l'affection, par la recon-naissance. Je ne puis oublier l'assistance bien-
veillante, les encouragements toujours persua-sifs qu'il m'a prodigués aux différentes étapes dema vie. N'est-ce pas lui qui m'a rendu si chèrela plume qui vient aujourd'hui déposer un mo-dette
hommagesur 'sa tombe à peine fermée,
toute émue de retracer son nom bien-aimé à travers un voile de larmes, quand, il y a quelquesjours, la joie et la gaieté dictaient les mots qu'ellelui écrivait!
Si tout le monde a rendu justice aux grandesconnaissances du vieux savant que nous pleu-rons, peu de personnes l'ont connu sous son vé-ritable jour, dans la
vieretirée qu'il n'a cessé de
mener, loin du public qu'il semblait fuir. Aussil'a-t-on représenté souvent pour un originaldoublé de science, mais sauvage, ne tenant au-cun
comptedu prochain. Que de fois ai-je en-
tendu émettre cette opinion des plus injustes,et quelle grande erreur répandue sans doute in-consciemment par beaucoup 1
Notre vieux maître détestait seulement lesfâcheux, pour ne pas dire plus, et je demande
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
quel est l'homme intelligent, supérieur, qui, pré-occupé sans cesse de ses recherches, de ses études,ne s'est pas toujours dérobé à une compagnie de
peu d'intérêt pour lui?
Croyez-moi, le savant était doublé de l'hommele plus simple et d'une bienveillance extrêmej'en prends à témoin tous ceux, inconnus de luibien souvent, qui sont -allés ù lui, et l'ont entre-tenu. L'accueil était toujours empressé, il met-tait avec joie ses connaissances b. !a dispositionde tous: dans ce vaste champ de la science, tousceux qui l'abordaient étaient des amis pour lui.
J'étcnnerai quand j'ajouterai qu'il avait le ca-ractère fort gai, et l'avait conservé en dépit <îeaannées qui ne l'avaient pas ménagé pourtanr,et malgré leur cortége de souflrances, de vicis-situdes et de tribulations. Il y a bien peu de
temps, qnclo.ues mois à priise, que ?e rappelantquelques laits de sa jeunesse, je le voyais rnsecomme mes souvenirs d'enfance le voient à vingt«us, en arriste.
A cette époque, si le voyageur bien inspiré,en quittant Suint– Pierre, s'était dirigé sur noshauteurs jiiir la route de la Plaine et celle du
Tampon, il aboutissait fatalement à une belle
propriété, située entie deux ravines profondes,pareille à un îlot. C'était alors un des plus beauxdomaines de l'île, auquel son propriétaire lais-sait un cachet des plus pittoresques par la dis-
position de petites forêts entrecoupant heureuse-ment les plantations de café et de cannes. Là,au milieu de plantes rares, de fleurs amoureu-sement soignées, de fougères et de ses « chèresorchidées >, Charles Frappier vécut de longuesannées auprès de son parent du même nom, pluseune que lui, mais auquel un attachement pro.
DESSCIENCES ET ARTS
fond l'unissait depuis l'enfance. Mêmes senti-ments élevés, mêmes goûts, mêmes amours, mê-me impulsion vers les mêmes sciences, les rap-prochaieot étroitement à mesure qu'ils avançaientdans la vie, et tous deux jetèrent ensemble lesbases de ce grand ouvrage sur la Faune et laFlore de Bourbon, ouvrage auquel travaillait en-core Charles Frappier ces temps derniers.
D'incessantes recherches furent faites dans laforêt riche et variée qui les entourait, et de
grandes excursions eurent lieu dans l'intérieurde l'île, afin d'enrichir l'Herbier, et de connaîtreà fond les coins et recoins du pays. Le souvenirde ces explorations vit encore dans la populationdu Tampon, où chacun admirait et aimait ce.deux hommes si bien doués, et si simples en même
temps. Oii les voyait sans cesse passer, l'un le
propriétaire, sur une forte multf, l'autre sur unbel âne, suivis du guide expérimenté, type dumarcheur infai iguble, du convive extraordinaireen ntêins temps, connu sous le iiom de Joscmoct
Laurel, et dont les lazzis n'étaient pas un desmoîudiea charmes d« ces courses.
C'était toujours une riche moisson que tou*deux rapportai* nt, ec peu h peu le travail avan-çait, s'augmentait.
Mais là se se bornaient pas les études Je ces
érudits ils abordaient toutes les branches, etont collabore1 pour une bonne part au livre.de
Maillard, leur ami commun. L'oreille d'en en-fiitit q>iiécoutait tout, a retenu la discussion trèsvive de tous truis, Mai'ard voulant faire connaî-tre au public le nom de ces deux Messieurs, eteux s'y refusant éu^rgiqnement. Si dans les plan-ches du livre de cet ingénieur du mérite, quel-ques papillons ou plantes portent le nom de
BULLETINDE LASOCIÉTÉ
« Frappieri ce fut une surprise que la cons-cience de l'auteur crut devoir leur faire, mais à
laquelle la modestie des deux cousins ne le con-viait pas.
Le grand mot est lâché Modestie Ce fut lecaractère dominant de ces deux intrlligencesqui se comprenaient si bien. Les recherches, lesétudes ne les effrayaient pas, mais à condition
que leur nom ne fût point prononcé, et qu'ellesprofitassent, pour ainsi dire, à d'autres. Biendifférents en cela de ceux qui ne recherchent quele bruit, et le font autour d'eux pour les ac-
tions, souvent les plus minimesPlus tard, après un laps de cinq années, Char-
les Frappier vint s'installer de nouveau cheason parent, chargé cette fois de l'instruction deses enfants, et nous l'avons vu professeur émé-rite, intéressant toujours ses élèves, rendues as.sez indépendantes par cette vie de la- campagne.
En quelques jours, il commença, pour inaugu-rer un mode excellent d'études, tout un abrégéd'histoire générale, concis, lumineux, facile enmême temps, qui mériterait de voir le jour.Quelles belles et bonnes années furent celles-là,exemptes de soucis et de chagrins de toute sortelC'était la fin du bon temps de Bourbon, aussi-tôt après les désastres venaient s'abattre sur cetteîle fortuiiée ils allaient sans relâche, progres-sant avec les années, la conduire jusqu'à nos
jours si assombris!Mais alors, la vie s'écoulait calme et heureuse,
et les labeurs de la journée terminés, nos deux
jeunes savants s'entretenaient de toutes sciences:
après l'histoiie naturelle, c'était la musique, tousdeux l'ayant approfondie par des études spécia-les, et à ce propos, je rappellerai la composition
DES SCIENCES ET ARTS
de Charles Frappier, qne peu de personnes con-naissent, le « Bengali », valse dont les motifs
gracieux rappellent les variations de cet oiseauchanteur. La valse fut éditée à Paris, mais ne futdistribuée que dans la famille, toujours par suitede la modestie de l'auteur, fuyant le bruit, l'é-clat.
Je m'appesantis sur cette période de la vie du
sympathique savant parce qu'il a souvent répétéqu'elle fut la plus heureuse de son existence,celle où il travailla le plus, secondé par son pa-rent comme aussi par la riche bibliothèque miseà sa disposition. Tous ses travaux datent de cette
époque, et si les événements et l'état de sa santén'étaient venus l'obliger à regagner le littoral,il y a nombre d'années que la monographie des
orchidées, la rectification de la table des loga-rithmes, et nombre d'autres travaux savant',eussent été publiés. Placé au secrétariat de lamairie de Saint-Pierre, où il était alors auprèsd'un autre ami, il n'eut plus autant de loisirs, et
quand il résigna ces dernières fonctions, l'âge sefaisait sentir, emportant peu à peu l'activité, l'é-
nergie, apanage des jeunes ans pour tous.
C'est à peu près dans sa 72' année que notrevénéié savant a dû terminer sa carrière je nel'assure pas, n'ayant à l'appui de mon dire quela connaissance de ce mot qui mérita à son au-
teur, enfant terrible à cette époque, une vive re-
montrance, avec )e regret d'avoir peiné un maî-tre affectionné. C'était h propos des guerres duIli" empire, et les deux cousins, parlant de la
campagne de 1815, s'étendaient sur les consé-
quences funestes de la bataille de Leipzig, quicommença, pour ainsi dire, la marche décrois-sante des succès du grand génie militaire. Char-
BULLETINDELASOCIÉTÉ
les Frappier soupira et dit Oui, c'est la veillede cette bataille que je naissais – Et l'enfantde s'écrier Alors, oncle Charles, vous êtes nésous une mauvaise étoile?. Esprit rêveur, vo-
yant la vie d'un oeil sombre, cette parole d'uneenfant ne pouvait que le frapper, et abandonnantles champs de bataille de Nupoléon, ce fut sa
propre existence qu'il déploya, la montrant tou-
jours enrayée pur de fâcheux incidents, avec desdéductions peu consolantes sur la destinée quilui revenait.
Heureusement, ces moments sombres ne du-raient pas; comme je l'ai dit plus haut, le vieuxsavant était plutôt gai. Il avait nombre d'aven-tures et d'historiettes très-plaisanles qu'il aimaità raconter, au plus grand contentement de ceux
qui l'écoutaient, et dans lesquelles, le plus sou-
vent, il avait joué le rôle principal. Sa timidité
native, en outre, lui avait procuré nombre de mé-saventures qu'il détaillait en riant aux larmes.
_Témoiu ce bal, où il avait accepté l'emploi de
commissaire, il ne savait trop comment: deboutau barreau, comme l'on dit chez nous, il atten-daitles dames, mais dès qu'uued'elles apparaissait,le commissaire, bien loin de lui otfrir le bras,s'enfuyait par un mouvement irrésistible.
Et cette autre: pressé de paraître à une réunionchez utie tante qui lui imposait assez, il était
parvenu dans le salon, alors que toutes les dameset les demoiselles y avaient, pris place déjà. Aussi,le jeune neveu, perdant la tête, embrassa sa tante,et toutes les dames à la file. Quand ilrencontra une porte, il se sauva, et l'on ne le re-vit de quinze jours!
Ce n'était que de la timidité, et il ne faudrait
pas s'y tromper comme le fit je ne sais qui déjà,
DES SCIENCES ET ARTS
LS
venu à Saint-Pierre à la recherche d'une situa-tion sociale, et qui se croyait apte au journalis-me comme à tout autre état. Il avait entendu
parler de Charles Frappier, de son existence re-
tirée, de sa grande timidité ou modestiede là à écrire un article qui fît rire, il n'y avait
qu'un pas.Connaissait-il la personnalité de cet enfant de
Saint-Pierre que tout le monde estimait et res-
pectai* appartenant à une honorable famille dela commune, et dont les noius du père et de l'on-cle étaient inscrit. en lettres il'or dans la grandesalle de la mairie? A quoi bon?. dans ce petitquartier, on pouvait sans doute tout oser.Il osa donc dépeindre le secrétaire invisible dela mairie, le traitant d'homme qui n'osait lever les
yeux, etc. L'article à peine paru, surgissait de-vant le chroniqueur le petit homme qui, se croi-sant les bras, l'apostropha, lui demandant de le
regarder en face pour se convaincre qu'il n'avait
pas peur, et voulant corriger d'importance l'inju-rieux t
On eut beaucoup de peine à calmer Charles
Frappier, justement indigné uinsi que tout le pu-blic, et ce qu'on y gagna, ce fut le départ à ja-mais du journaliste l
Me voici presque arrivée au terme de cettenotice. Il me reste a dire que Charles Frappieravait fait des études en France, à une époqueoù l'on n'envoyait guère de créoles dans la mè-
re-patrie. Ce fut, je crois, son parent, M.Frap-pier de Jérusalem, alors procureur général àBourbon, qui y détermina sa famille. Il revintavec une instruction des plus brillantes, mais
inaugurant, dès l',idolescence, les goûts modestesdont il ne s'est jamais départi depuis, il préféra
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
une vie obscure au milieu de ses auteurs favorisà tout emploi qu'il pouvait tenir indifféremment.
Quel professeur précieuxl'on eût possédé en
lui, avec les connaissances approfondies qu'ilpossédait dans toutes les sciences Une seule
fois, il occupa les fonctions de Juge de Paix dansla partie du Vent, mais à la fuite d'une affairedes plus anodines, s'étant convaincu que son ju-gement n'avait pas été très juste, il préféra envo-
yer sa démission plutôt que de s'exposer à se
tromper de nouveau. Ce Eeul fait se passe decommentaire. Et après convaincu que la vie
publique n'était point faite pour lui, il repritpour toujours le chemin de Saint-Pierre, et re-
commença son existence toute d'études, que dis-
trayaient seules les visites de parents et amis.l'our ceux qui le connaissaient, qui l'aimaient,
la mort est vécue bien vite, ses facultés étant de:meurées les mêmes le corps seul nv.ait fléchi.
Etait-ce pressentiment? Recevant de celle quiiécrit ces
liguesles vceuxdu nouvel an, il taxait
cette année iSSo « la dernière peut-être où son
compte allait rester ouvert au livre de vie. »
ajoutant: « Voyezdonc défiler et s'éteindre au-tour de moi tant de jeunes existences si chèresau doyen de la famille »
L'at'ection sincère, le guide éclairé, ce stylepur, au tour original et aux images inattendues,tout cela e&tdescendu dans la tombe C'est avec
sérénité comme toutes les âmes élevées, qu'il avu le suprême moment arriver: la mort n'effraie
pas ces grandes intelligences, elles l'envisagentavec calme, comme le faisait depuis longues an-nées notre vieux maître. Il en parlait sans cesse,même sur le ton badin, et écrivait encore à pro-pos d'expression de gratitude concernant son ar-
des SCIENCES ET ARTS
ticle sur son parent, compositeurs et musiciens« Nous nous aimions comme de véritables frères,et si les morts vont vite, comme prétend la bal-
lade, les vivants aussi, et il y en a qui sont bien
près de l'atteindre. Eh bien si l'on se retrouvedans un autre monde, nous serons tous assez mu-siciens pour chanter, d'abord, à nous trois, l'ac-cord parfait, en attendant les autres. »
Sa seule angoisse a dû être pour ses papiers,ses manuscrits, fidèles confidents qu'il surveillaitavec un soi» jaloux. Toute sa vie, sa joie, ses
espérances aussi, s'y étaient concentrée?, et si
quelques dispositions dernières n'en ont pas faitdroit, son dernier regard, comme sa dernière pen-sée, les confiait à cet ami de ses dernières années,si plein de tendresse et de sollicitude pour lui.Seul il avait été admis à connaître l'esprit et la
portée de ses travaux. A lui donc le soin, l'hon-neur de les mettre en lumière pour perpétuer unnom qui, malgré tout, s'est fait connaître, tant ilest vrai que le véritable mérite apparaît quandmême.
Et aujourd'hui que le souvenir seul demeure,que l'éternité a repris sa proie, dans les mêmessentiments de douleur, de regret et de vénéra-
tion, je confonds ces deux Frappier de Montbe-noit, qui resteront longtemps encore dans lamémoire de ceux qui les ont connus et appré-ciés ?
ISNOÏA.JO février 1885.
Eclipse de Lune du 30 Mars 1885 <"
Oh. lo1» 50" La lune est sortie de l'ho-rizon, affectant une couleur
rouge brique clair. Elle
plane dans une atmosphèreabso lumentlimpide à 5 deg.au- dessus de l'horizon lors-
que son bord S. E. s'irise
légèrement sur !e disque,et cependant cette partieut sensibtement plus som-bre que le reste. Le bordNord E. très clair.
6 h. 26'" ISO"*– Le bord S. E. s'assombritsensiblement.
6 h. 29™ 50'' Sous l'influence de la pé-nombre, les cirques sont
plus visibles. Platon estnoir, on le voyait à peinetout à l'heure.
8 h. 32m – Kepler noir bien visible.
Aristarque reste très bril-lant.
G h. 35™ – Les Remparts de 'Tychobrunissent.
G h. 41™ 50". Contact d'entrée – L'ombre
tutusparente se voit jusqueprès de Chickard.
6 h. n1" – LW.ianciure passe par Ha-inzel. Le bord éclipsé dis-
pv.aît.6 h. 50"' 30" – L-: bcrd éclipsé redevient
vi.-ibîe.
(!) Oo:>eu.-lioi]<> prise;, (ic UGira de S;iint-D(mis avec unelunotlÊ de if/'o (3e àrcK'È.iii-ociTlajrc terreslre-cliainL1 ^e 3^'– Cliraaonxtiiî rCzlé Leiups juoven (lo Siitnt-Denis sur l'élalabsolu (i'undULreddnlLiniirclu; u'av/iit pasôK! véntine depuissix mois. Je ne crois pas à une erreur de plus d'une minute.
Nord
"Marchedel'ombresur le disquelunairependant l'éclipsé dn.30Mars
oWrvee £ l'île Je laTUuiuori
BULLETIN BB LA SOCIÉTÉDES SCIENCES ET ARTS
6 h. S2m L'ombre atteint le bord dela Mer des Humeurs.
6 h. 57"° Tycho, Képler dans l'om-bre transparente.
7 h. 0 Le bord disparaît, au cen-tre de l'arcéclipsé, formant
7 h. 3"° 3' Contact avec Tycho ce cra-tère est en plein dans l'om-
7 h. 10m 7" Contact avec Aristarque.7 h. 12m ia"S – Contact avec Copernic.
Toute la partie éclipsée est
7 h. i6m –Aristarque toujours bienvisible.
7 h. 17" Le bord de l'ombre coupele cirque de Ptolémée par
7 h. 25'" 18" – Les Apennins pénètrentdans l'ombre.
7 h. 29'" 49" – Archimède, contact.
7 h. 30" 'il" – L'ombre transparente tou-che la Pointe Est du Golfe
deux cornes claires. Lebord de l'ombre est mal
défini l'ombre transparen-te est certes égale bienmoins de 2 fois le diamètrede Tycho.
bre transparente.
absolumentinvisible Aris-
tarqae seul paraît commeun promontoire blanchâ-tre dans l'ombre, très bien'visible avec l'oculaire ter-restre de la lunette.
moitié.
des Iris.
BULLETIN DE hk SOCIÉTÉ
7 h. 32m 81" Contact Manilius. Bord
éclipsé toujours invisible.7 h, 34"" 50" – Le bord de l'ombre sur le
promontoire Est du Golfedes Iris, et celui de l'om-bre transparente sur lesmonts Ilœmus. Elle ne me
paraît pas beaucoup pluslarge que Platon (1').
7 h. 41'" – L'ombre s'avance sensible-ment de l'Ouèst au Nordet presque plus au N. E.Elle glisse.
7 h. 42m – Bord éclipsé complètementinvisible.
7 h. 44° 5" Contact du promontoireNord du Golfedes Iris.
7 h 48'" – Platon, Posidonius et Pro-
chis à égale, distance de
l'ombre, mais-elle ne s'a-vance que par en haut.
7 h. 53™ Contact de l'ombre trans-
,parente avec Posidonius.7 h. 53m 8" – Contact de l'ombre avec
Proclus.7 h. 55™ 25" – Contact de l'ombre avec
Posidonius.7 h. 85' 41 "5– Contact de l'ombre avec
Mer des Crises (Sud).7 h. 38™ 20" Lebordéclipfeé est toujours
invisible.8 h. 2™ Les deux cornes s'élargis-
sent.8 li. 2m 32" – Une petite étoile tiès bril-
lante surgit brusquementan bord supérieur (Ouest)
DES SCIENCES ET ARTS
du disque éclipsé commeun diamant tremblotant etsans appui. Le bord de lalune est invisible.
8 h. 4" 20" – Les cornes s'allongent. LaMer des Crises éclipséejusqu'au bord septentrio-nal, reste cependant visi-ble. Platon se maintientsur le bord de l'ombre. Jerevois Positionius
8 h.' -10'" – Mer des Crises dans l'om-
bre, mais toujours visible.8 h. 11"' – Bord éclipsé reparaît très-
faiblement (lunette).8 h., 12°" – Le bord de l'ombre passe
par la pointe Nord d\» laMer des(Irises, Egàde,PIa.
ton, et le milieu du Golfede la Rosée.
8 h. 14'" – Platon semble s'éclairer.
8 h. 17m – Le disque s'éclaire par l'Estet le S. E.
8 h.19"' maximum– Le Golfe des Iris reparaîtdans l'ombre transparenteet les alentours de Plalon
s'éclairent.8 h. 23m 20" – Le bord S. E". s'illumine.
8 h. 24e" 45" – Aristarque apparaît déjàcomme un pointdans l'obs-cin-ité (oc. terr.).
8 h. 27'" 32" – L'ombre îase le fond du
Golfe les Ins.8 h. 39™ 25'' – Contact extérieur avec Po-
sidonïus, en retour.
BULLBTJN DE LA SOCIÉTÉ
9 h. 0m 48" -• Contact extérieur avec Co-
pernic.
9 h. 12m – Le bord éclipsé complète-ment visible à l'œil nu.
9 h. Um S" – Contact intérieur avec laMer de la Sérénité.Contact extérieur avec laMer desCrises(celle-ciestdevenue invisible).A partir de 9 h. 15mla lu-ne se trouvant à plus de45 deg. au-dessus de l'ho-
rizon, et falongueur de lalunette mesurant près de 2
mètres, l'oculaire est pres-qu'au niveau du sol et lesobservations deviennenttrès difficiles surtout fa-
tigantes. Il fallut attendrele moment de la sortie et à
9 h. 43"° 34" –presque
couché sur le dos,je vis Pëtavius sortir del'ombre. Une échancrureseulement restait; je la visse retirer rapidement, et à
9 L. 53' 12" le dernier fragment, en se
détachant laissa le borddans l'ombre transparente.
N. B. – L'ombre est bien plus nette dans son
contour, que lors delà marche d'entrée. L'ombre
transparente bien accentuée. L'estimation de sa
largeur à 1 fois d/2 le diamètre de Platon du
Nord au Sud me paraît la plus exacte.
- '9
Marche de la Lune dans l'ombrede la Terre
pendant l'éclipsé lu 30 Marsobservée
âl'îledela Béniuoii
DESSCHKCESETtMS
Observations.
1–Le maximum de l'Eclipse avait été ûxé parles calculs aux 88/100 de la totalité. On peut voir
d'après la figure 1 que nous avons dressée quecette proportion ne paratt pas avoir été mathéma-
tiquement atteinte. Peut-être ie point exact dumaximum m'a-t-il échappe entre deux observa-
tons cependant toute mon attention s'est portée~ur le cirque .P<<H(Mqui n'a jamais été éclipsé.Son pourtour ~Mf~a été mordu par l'ombre, qui a
glissé sur lui.2 Jusqu'à preuve du contraire., !'om~-e <retM-
~arett/a est coasidërce comme la projection de lalumière solaire assombrie par la couronne atmos-
phérique terrestre. La. mesure de l'épaisseur decette ombre peut donc servir à donner celle denotre atmosphère, sur laquelle on est loin d'êtred'accord.
Pendant l'éclipse du 4 octobre 1881., l'ombre
transparente put être estimée à 2 minutes d'arc
n'ayant aucun instrument micrométrique à ma
disposition, je ne pus opérer que par comparai-.son avec les cirques lunaires dont le diamètreest exactement connu par rapport !) celui de )alune elle-même.
A la distance qui sépare l'observateur de la
lune, l'ombre projetée par la terre occupe un dia-mètre de 2.20 fois plus grand que celui de la
lune il résulte de cette proportion que la minute
d'arc, à cette distance représente 182 kilom.par coMéqueut si l'ombre transparente projetéepar notre atmosphère a 2' de largeur, celle-ci au-
rait 364 kiiomëtres. Nous voilà bien loin des 80kilomètres qui paraissaient jusqu'ici être sa li-mite.
Avril 1885. ED. DcBcissoN.
StéaMce du tO JntM t885
Etaient présents:
MM. LE SiNER,p~M<?!<P. CnEMAZY,MeretaM'eORIOT,<r<<Mn'e?'DDBDISSON,LA)fADON,LANTZ,NICOLAS,MADRE,Roussa.
M. Charles Cerisier, chef de bureau de la Di-rection de l'Intérieur, est présenté à la SociétéM. le Président lui fait des compliments de bien-
venue, en lui témoignant le dédr de le voir pren-dre rang dans notre Société, conme membre ti-
tulaire.Lecture par le Secrétaire et adoption par la So-
ciété du procès-verbal de la séance du 24 avril1885.
Lecture d'une lettre, du 6 avril 1885, de M. L.Crivelli, ancien président de la Société et son re-
présentant à Paris.
Dépôt sur le bureau d'un exemplaire du dis-cours d'un ancien confrère, M. D. Brunet, pro-eureur général à Pondichéry, discours pro-noncé à l'audience de rentrée de la Cour d'appelde Pondichéry du 7 mars 1885.M. E. DuBCiSSONfait une lecture écoutée avec
intérêt; son travail a pour titre: Causerie sur
l'optique, son passé, son présent et son avenir au
point de vue télégraphique.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS
Discussion au sujet de la proposition Lamadon
pour l'organisation des concours qu'il voudraitvoir créer sous le patronnage do la Société, chaqueannée et dès ~886. Divers moyens sont indiquésqui sont comb.tttuspar d'autres; on fait sur-tout ressortir, malgré l'avantage de ces exposi-tions, la diSicuIté d'en former qui seraient à la
fois, comme le désire le proposant, littéraires,artistiques, scientifiques, agricoles, industriels etd'économie politique.
Les inconvénients Je ces concours, principa-lement au point de vue de notre situation finan-
ciere, ne taissent pas que d'embarrasser 'a Sociétéelle croit devoir ]en\'uyH' l'examen eti'étude ap-profondie de la queniot), à une Commission quiest chargée de fixer les bases d'un projet, s'il est
possible, et d'en faire un rappnrt.– M. Lama~on
présente une liste de 8 membres qui, sur sa pro-position, doivent composer cette Commission.
Ce sont MM. Dubuissoa,&reiiard, Lamadoa,Ad. Le Roy, Madré, Nicolas, Oriot, Roussin.
La liste de M. Lamaflon est adoptée, avec cettedéclaration que !a Commission nommée fonction-nera avec l'adjonction et sous lii présidence duPrésident de la Société.
La séance est levée à M heures.
Le Secrétaire,
P. CRËMAZY.
Causerie sur l'Optique
S<Mtp&ss~, son pr~scmt, aon avenir,an point <tc vnc téSégp&pit~ne
H y a quelques mois, en septembre 1884, la
petite ville de Brogtie, en France, richement pa-voisée, assistait enfin a l'inauguration de la statue
élevée, après un siècle écoulé, à un des Françaisles plus justement célèbres par l'importance deleurs découvertes scientifiques.
AagustinFresnelfatun génie, qui contribua
largement a. illustrer la France par le progrès des
sciences il était temps que l'incompréhensibleoubli dont il avait été l'objet fût réparé, et que lesimmenses services rendus par lui reçussent laconsécration publique qui leur ct~it due. Désor-
mais, son souvenir ne pourra plus s'effacer de lamémoire de ses compatriotes.
Dans le discours prononce h cette fête d'inau-
g[)!'ation,p:u' M.Ja.min, aunomile l'Académie,dont il avaic t'të membre, Fresnel fut appelé leNewton ~H c~is, et c'est juste titre, car c'esta lui qu'en doit les pins ingénieuses applicationsde la théorie de ta lumiÈre, les conceptions les
plus haruies et !<'s plus originales en matière
d'optique.Trop courte, helus pour sa patrie et pour la
science, fut l'existence de l'illustre jeune homme,qui mourut à Ville d'Avray en 1827, il l'âge de37 an! cinq années après avoir pub)iu sa magni-iique théorie de L' po)arisation de la lumière, quieût suffi a l'immortaliser, et qui rencontra pour-tant alors, la plus formidable opposition de la
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
part des savants et de son ami Arago lui-même.Mais rien ne devait résister à la vérité de sa dé-
monstration, qui rallia bientôt ]'una.nime assen-timent des savants dn monde entier.
Une des plus belles conceptions de Fresnel
fut, fans contredit, la théorie des phares, dont
l'application préside encore, de nos jours, à laconstruction de tous ceux qui sont élevés dansl'intérêt de la navigation. Il substitua aux ré-Sectenrs m~taHiques de grandes lentilles planeset convexes disposées suivant un sy~eme parti-culier imaginé par Buffon, et connues sous le nomde lentilles à écbplons il réunit, pour chaquephare, huit systèmes ~'inMaMes ëca.rtcs de 45
degrés, et lançant chacun son énorme faisceaulumineux mr une partie de l'horizon. De plus,comme il restait encore des points intermédiairesobscurs, dans l'ombre desquels te phare ne pou-vait être aperçu, il adapta nn mouvement d'hor-
logerie en vertu duquel cehii-ci tourne sur lui-même et éclaire successivement tout [e cercle del'horizon.
J'arrive a vous donner l'explication que vousdésirez sans aucun doute. Pourquoi cette paged'histoire?
Si le nom de Fresnel a été p!aoé a côté de celuide Newton, il en est un autre qui vient d'être
placé à côté de celui de Fresnel dans une récenteconférence tenue par M. L. P. Adam, a Maurice;c'est celui de M. Je colonel du génie Mangin.
L'avenir dira si M. Adam se trompait ea éle-vant à cette hauteur les mérites du savant et tropmodeste soldat français, qui, depuis 1871, a uséles forces quelui avait laissées une campagne dontil est revenu mutilé, à la solution du plus beau
problème d'optique.
DES SCIENCES BT ARTS
Qui de nous ne frémit encore au souvenir del'horrible situation dans )aquel)e se sont trouvés,eu 1870, nos corps d'armée de défense, lorsqueséparés les uns des autres par l'ennemi, leurs che&ne purent réaliser aucun moyen de communica-tion entr'eux, pour concerter leur marche res-
pective en vue d'une jonction considérée comme
unique moyen de salut! N'est-ce point là ce quifut la cause de tous nos désastres? Aussi l'Ad-ministration de la guerre songea.t-elle dès te len-demain de la paix, à jeter les bases d'une orga-nisation puissante ayant pour but d'assurer lacommunication entre tous les points des irontiè-res et des côtes, envers et contre tontes les cir-constances imaginables.
C'est de là que date t~ création au ministèrede la guerre, de la Commission permanente ditedes communications aériennes, qui fut char-
gée exclusivement de l'étude et de l'applicationà la défense du pays, de tous les moyens propresà en assurer la réalisation.
Le colonel Mangin, nommé président de cette
Comn.ission, se mit à l'œuvre avec une passion
teHequc l'organisation demandée existe aujour-d'hui. Le télégraphe optique relie actuellementtous les forts~de ceinture de la France, défiantainsi tous les efforts qui pourraient être tentés
pour interrompre des communications basées sur
un principe [~immatériel, {la lumière, servie pardes appa.reUs~qui ne sauraient Être atteints qu'a-
près la démolition des puissantes casemates quiles abritent.
La distance qui sépare ces postes importe peusi elle n'est que 25 à 80 kitom., l'emploi d'un
BULLETIN M LA SOCIÉTÉ
simple projecteur de campagne suffit si le tempsest brumeux, la vivacité du foyer lumineux,
centuplée par l'emploi de l'électricité, perce )a
brume faut-il porter !e rayon lumineux au delàde 100, de 150 kilom. ? alors commence le rôledu merveilleux appareil téiescopique du colonel
Mangin, appareil qui est la propriété de l'Etat,et dont M. L. P. Adam, par faveur spéciale duMinistère de la guerre, a p'j se servir pour faire
chaque soir posant quelque temps, la. conversa-tion entre le Pic-Lacroix, &la. Réunion, et le Pic
Vert, ù Hnurice, sans autre lumière qu'une sim-
ple lampe apétrole.La théorie de cet appareil repose sur des don-
nées absolument originales, d'une très haute por-tée mathématique la solution du problème sur
lequel il est basé et l'immense résultat obtenudans l'application constitue un véritable titre de
gloire qui place, en eËet, le colonel Mangin àcoté de Fresnel. Au moment ou l'honorable sa-vaut, dont la santé ruinée par le travail, vient de
prendre sa retraite, M. Adam devait cet éclatant
hommage à son illustre maître, et dans un avenir
prochain, les événements viendront consacrer son
jugement.Il semble, en effet, que le colonel Mangin at-
tendit, pour prendre cette retraite, que l'entre-
prise de M. Adam, dont il suivait de loin les pé-ripéties avec un très grand intérêt, eût, par saréussite, donné à son invention la plus magnifi-que consécration qu'il pût désirfi-.
La jonction optique de Maurice à la Réunion.à travers un bras de mer de 180 kilom. au moyeude la simple lumière du pétroic, constitue le plusbeau résultat admissible avec le réflecteur de 60centimètres et je pourrais témoigner par de
DESSCtE~CESET ATtTS
nombreuses lettres du colonel Mangin que l'ap-
plioation à ses appareils d'une source de Inmie~'e
électrique, donnera ton~ les ]-Mu!:ats qu'en nt-
tend M. Adam pour servir a des connnunications
intercotouialcsrcgunores.Tous les doutes, i) cet
égard, s'évanouissent en pouvant que la lumière
qui !t sud déjà. dans une certaine mesure, serait
alors plus que centuplée, et assurerait t'échangedes dépêches même pendant ph~ienrs hsnre9 de
la journée.Des appareils propres u. l'expédition et :'t Lt ré-
ception automatiques des dépêches sont l'objetd'un travail assidu, et M. Adam, qui a. déjà sou-
mis a l'Académie des Sciences, en )88~, un np-
pareil expéditeur~ a. promis de présenter h l'Ex-
position prochaine un récepteur photographique,c'est-à-dire que les dépêches s'inscriront automa-
tiquement !'ur nnebande an bromure d'arg'int qaise déroulera devaut le foyer de la luuette.
Quand on examine avec attention les avant~-
ges delà tëleg)aphieoptiquf,<;tqn'on ne se com-
plait pas quand m&ute dans (les ohjec.tions qui nesoutiendraient pas la discussion, en prM['nca fies
{aitsiiccompti.sdeja, on est c'jnduit a penser q!i'il
y it dans cette n hnirabte conquête ~cientinqnoles été!nent~ d'une imtHense révolution des mo-
yens de communication a grande distance. Au
pnintdevue économique, en tiret, partout où les
signaux optiques ne rencontreront pas l'obsta.oleinfranchissable, le seul, la rotonditedehi surface
terrestre, les avantages seiout entièrement de
leur côté. Plus de ces innneascs capitaux n~res-
saires pour la pose,l'entretien,leai'cpiirations des
BULLETIN DE' LA SOCIÉTÉ
cables sous-marins et terrestres Plus d'inter-
ruptions pendant des mois entiers 1 Le rayon lu-
mineux, immatériel, inaltérable, toujours prêt à
faire son office entre le passage de deux nuages,coûtera cent fois moins.
La substitution des signaux optiques à un grandnombre de câbles sous-marins et continentaux
est, aux yeux de ceux qui partageront nos con-
victions, une question de temps.M. Adam a fait de cette perspective le sujet
principal de la conférence dont les journaux deMaurice ont rendu compte en termes si remar-
quablement élogieux, et on a apprécié sainementle plan qu'il a exposé d'un service optique à tra-vers Madagascar.
Je sais bien que beaucoup de personnes ac-cueillent ces idées avec des sourires dédaigneux,des manifestations d'incrédulité Mais qu'im-porte ? EUes ne feront pas que ce qui doit être, nesera pas. Tous les grands progrès dont se prévautaujourd'hui l'humanité, et qui servent & sa mar-che en avant, n'ont-ils pas toujours trouvé desincrédules et des détracteurs?
Qu'a donc pensé le Grand Bonaparte du pre-mier bateau à vapeur ? Que dirait Fulton s'il res*
suscitait demain à bord des splendides steamers
qui visitent notre rade?La grenouille de Gdvani ne laissait guère pré-
voir les splendides applications de l'électricité
Daguerre et Montgotner resteraient stupéfaits, le
premier devant Ls photographies de M. Le Cor-
ney, et le second devant le ballon-cigare dirigea-ble de MM. Renard et Erebs.
Le télégraphe est menacé par le téléphone;celui-ci ne sera-t-il pas détrôné lui-même parquelque conquête nouvelle de la science? Qui
CES SCIENCES ET ARTS
oserait l'affirmer, lorsqu'il sait queUes puissantesfacultés sont mises au service des recherches, et
qu'on voitle champ de ces recherches s'étendre,chaque jour plus gr.n)d, devant l'humanité 1
L'avenir est aux hommes de tr~vai)~ et lorsqueles Graham Bell, après avoir découvert le télé-
phone, se donnent la peine de chercher encore,comment ne pas s'attendre à des merveilles?
Je viens de prononcer un nom qui oi.'vre àmon esprit tout un monde de perspectives nou-velles ette)!emeat brillantes pour les signaux op-tiques que je ne puis me dispenser, pendant queje cherche a faire passer dans t'âme de mon au-ditoire une partie de la confiance que m'inspirecet agent de l'avenir, de vous les communiquerencore. »
Graham Bell, !e très célèbre physicien améri-cain à qui la Franco :t accorda, en 1880, le prixVolta, avant qu'il n'eût dévoUC tetéiëphone, n'H-vait pas encore, par cette prodigieuse décou-
verte, sufËsumment étonné l'Univers. Permettez-moi de vous faire entendre les termes mêmesdans lesquels Louis Figuier parle de l'incroyablecréation nouvelle de M. Bel].
« It est impossible, en effet, de concevoir une
plus brillante, nne pius étonnante création quecelle dont M. Graham Bel) a enrichi la sniencHen 1880. M. Graham Bell a ~at< parler la J~MmM-rel
Ces mots suffisent pour faire apprécier rim-
mense originaUte, et en même temps !n. portéeextraordinaire de cette découverte. Un rayon de
BULLETIN DE LA 60C!ËTË
lumière vient remplacer, comme transmetteur du
son, les corps solides, liquides ou gazeux. Un
rayon de soleil ou de lumière électrique faitl'oi-fice de conducteur métallique, pour Uaumiettreles sons du téfephoue. Est-il possible d'imaginerrien de plus nouveau ? Cela confond l'imagina-tion.
< Les découvertes qui ont vu le jour depuis
quelques anaées, )e téféphone, le phonographe,]e microphone, et maintenant le photophoue,nous dévoilent une branche toute nouvelle de ]a
physique, un ordre de faits, dont les physiciensn'avaient aucune idée jusqu'à ces dernières an-
nées. H s'agit de phénomènes qui se passent dansJ'intimité des mo)<;cu]esdes corps, et qui se tra-duiseut par des tN'ets d'induction électrique ou
étectro-magaetique, ou par diverses vibrationsdes molécules d'une prodigieuse pensibihtc, semanifestant pourtant au dehors et produisant desenets physiques extérieurs 'apprécjaMes. Danstous ces phénomènes nouveuux, on voit l'électri-cité jouer le rôle de f~ chaleur, la chateur se
changer en électricité, l'électricité produire le
son, et vpnir,àsontour,jjroduire)es vibrationssonores. On voit, en un mot, les forces physi-ques se remplacer, se suppléer f'unc l'autre, ce
qui amène à conclure, par des faits indiscutables,a l'identité de toutes ces forces, c'est à-dire àce que l'on a appelé, avec raison, ~M~ët~M for.cesphysiques.
En raison de leur siège, qui se trouve dansrintimite des molécules et en raison du pett de
temps qui s'est écoulé depuis qu'ils se sont rêve-lés aux savants ces phénomènes électriques et
élect~o-magcëtiques, ces effets d'induction, cesvibrations moléculaires, sont souvent difficiles à
DES SCIENCES ET ARTS
expliquer cnr les lois actuellement connues dansla science. Il est donc sage de ne pas se presserde chercher des explications. Ce qu'il importe.c'est d'enregistrer les faits acquis, surtout quandils se traduisent par la construction d'instrumentsd'une utilité directe.
a Tel est ]e cas du pAo~ne de M. Graham
Bell, dont la théorie physique e~t diffieile a don-
ner, et qu'il faut pour le moment se borner a faireconnaître dans ses dispositions et dans ses effets.C'est ce que nous allons faire.
< Le mot p/Wop/tO)teest formé de deux mots
grecs lumière et voix. L'uppa.reit auquel M.Graham Bell a donne ce nom, bien justifié, sertà transmettre les sons, et surtout ceux de la voixhumaine, Hn moyen de l'.Ltumiere. Les rayonslumineux sont 1:),force en vertu de laquelle lesou se transmet a distMC~. Cette découverte
merveilleuse est due, ainsi qu'H vient d'être dit,à M. Grahamt!e)t, l'inventeur du téléphone.
M.CrnhamBL-HatronveIeninyen de eon-vertir les vibrations lumineuses eu vibrations so-nores. Il a mis en évidence ce grand fait. queles vibrations lumineuses produisent un son
quand elles tout sunisanmeut rapides.« Le principe général du photnphune, l'ins-
trument pratique dont la construction a été la
conséquence de la découverte de ce f<dt fonda-
m(nta). peut se résumer comme il suit.'c i'renons un mimir sur lequel tombe un ra-
yon Lunint'ux et parlons derrière ce miroir la
suifaoe du miroir renochissaat variera dans !.a
forme, soust'in&neccede~vituations vocales, etle ravon indUcnt variera d'intensité au point
d'incidence, s.iivaut que la courbure du miroir
vibrant s'atténuera ou s'exagérera. Si maintenant
BULLETM DE LA. SOCIÉTÉ
ou recueille à distance le rayon réfléchi, on ypercevra la trace de ces variations d'intensitéet, par des dispositions particuliè'rs de l'appareilrécepteur, ces variations d'intensité pourront pro-duire, H.leur tour, des vibrations sonores, iden-
tiques aux vibrations vocales du départ. Les sonsde la voix seront donc transmis à distance, sansaucun autre intermédiaire que le rayon lumineux.
« Ainsi, tandis que le téléphone nécessite desconducteurs métalliques pour joindre entre ellesles deux stations en correspondance, dans le pho-tophone le récepteur est tout H fait indépendantdu transmetteur. Un faisceau de lumière traver-sant l'espace d'un poste n l'autre, fans rencon-trer d'obstacle opaque, snmt pour produire l'ef-fet cherché. Cette condition n'est m~me pas ab-
solue car certaiûes substances qui forment écran
n'empêchent pas toujours. les communicationsverbales de s'établir par l'intermédiaire du rayonlumineux.
Le principe sur lequel est basé le photo-phone était connu depuis un certain temps. En1873, M. Witioughby Smith avait reconnu, quele corps simple connu fous le nom de sélénium,et qui appartient à la famille chimique du sou-fre, présente une résistance bien plus faible au
passage du courant électrique lorsqu'il est expo-sé à la lumière que lorsqu'il est dans l'obscurité.En d'autres termes. M Wil!oughby Smith avaitdécouvert que le sélénium exposé au soleil estconducteur de l'électricité, et qu'il ne la conduit
pas s'il est dans l'obscurité.< Bien des essais furent tentés pour mettre à
profit cette singulière propriété du sélénium.Nous n'entrerons pas ici dans les détails relatifsà ces recherches, afin d'arriver tout de suite à
DES SCmNCE9 ET ARTS
la description de l'appareil extraordinaire de MGraham Bell.
Pour rendre sensibles les propriétés du sélé-
nium, cet ingénieux physicien dispose comme ilsuit l'expérience.
Un crayon de sélénium est placé dan~ lecourant continu d'une pile voltaïque et introduiten même temps dans le circuit d'un téléphone,propre à transmettre les sons de la voix. On faittomber sur le sélénium un faisceau lumineux,que l'on éclipse un grand nombre de fois en uneseconde de temps. Ce sont donc des émissions lu-
mineuses successives et tre~ rapprochées. Cha-cune de ces émissions occasionne une variationdans la résistance électrique du sélénium, et parsuite dans l'intensité du courant dont ie circuitest le siège. Le téléphone placé dans ce circuitsubit de cette manière des alternatives d'aim~a-tations et de désaimantations correspondantes.Admettons qu'il se produise de la sorte 435
éclairs, il eo résultera, un nombre ëga.1 de varia-tions dans le courant, et la pluque du téléphonerécepteur exécutera 435 vibrations, c'est-à-direla note ~c du diapason normal.
« Pour transmettre de même la voix humaine,M. Bell dispose deux petites lames voisines et
parallèles, percées de fentes étroites, en regardl'une de l'autre, permettant à un faisce<m lumi-neux de les traverser librement. L'une de ces la-
mes est solidaire d'un support fixe, l'autre dé-
pend d'une membrane téléphonique mince à la-
quelle elle est perpendiculaire. Lorsqu'on parlecontre cette membrane, elle vibre et eutmme lalame dans tous ses mouvements. Alors les deuxfentes cessent de be correspondre et le faisceau delumière est éclipsé à certains instants en entier
BULLETM DE LA SOCIÉTÉ1
ou partieUement. Ce faisceau subit de la sorte,constammet~t, des vari:ttiot!sdans son intensité,
!esquf'f)es correspondent ex'.ictementaux diverses
Mnpiitudes des vibrations de la membrane. C'estce que Bell appe)[e un rayon de lumière on-dH~tfoM'e.
c L'appareil récepteur est disposé à l'autre sta-
tion, séparée de la ptecëdente par une distance
quelconque. Cet np[)!t]ci[ rcceptenrse composedu seieniuQ], de la pile et du téléphone articu-lant. Le rayon ondiuatoire dirigé sur le së!ëniuia
l'impressionne a chaque instant, en raison de sonintensité. li en résulte des 'vailations ondula-Xotrcs dans la résistance du sëtenium et des vi-brations correspondantes dans )e tft~phone. Ainsi,on entend avec ce tëtëphone )es paroles pronon-cées vis-a-vis de la membrane de la première sta-tion.
tI.an~eiHeure disposition consiste atairerc-Bëcinr le Iai.eeau lumineux sur un miroir plan etilexible, tel qu'une feuille de mica argenté ou dovn're mince. Ou parle a)ors conh'e ce miroir, etce sont ses prnpj'c's vibrations qni moditientconstamment ht direction du rayon réfléchi
« Ouantata!)<Hr(;ed<jiumic)e,on s'est servidn t~oteii, dont iesrayoL~s concentres t-urit; mi-toifai'uided'Hueh'i~tide étaient tendus parat-ieiesparuneantieJentiUe aussitôt ap)es]eur ré-
ilexion.Ot)S'e:t('a!e[ucntservid'un foyer élec-
trique et même d'une lampe a g~z ou a pétrole.« J)ans !es expériences qui ont été faites HParis,
h la fin du tnots d'octobre <880, datâtes ate-liers de les ruyons du foyer élec-
trique étaient reçus sur un r;neoteur paraboli-que, qui ~escondensait tous eu un même pointle foyer de ce miroir. C'est ce foyer que se
DES SCIENCES ET ARTS
trouvnit le fragment <!e s~enium H impression-ner. Ce dernier ftis~it, comme p)'Ec6.Iftnment,partie du circuit d'une pile et d'un téléphone cr-dinaire.
Les corn'.cpn~uanccs par tephotophone exi-
geront des stations qui ne soient séparées par au-cun <t:)ote, mur, maison, !nontag!!e. On pour-rait surmonter ces diHicuttesau moyen de mir"irs
métalliques ou ren'cteurs pour dévier lit ]u-
miere; mais ces tetlexio! a.b.sobant une notable
partie des rnyons incidents, enlèveraieut une
pMtib de leur puissauee et en réduiraient la por-tée.
« Parmi les conséquences théoriques qui clé-coulent de li découverte du photophone, il faut
enregistrer !e.~6mviHitM
tËnpr~tnit't'!ieu,).tp!iysiqncMsigneunedurée nohddt'tprop!!g.ttisn de? sons. Cette
proposition e~tdeu~nt!e.I! n'y pas de ftteiise
~~<so' puisque cette vitesse ebtca:!de, grâce auxnouve~es dispoi-ition- cetic de tatunnere.
« Le photophone ~en]t)'e, !nett!e t'n dcf~utxnantre dogme bcit'ntiuqn~ beauooTp plus alMo)u.
On enseigne, en eifet. que les sons ne se propngentp&sdnns!Htide.~hn'pui~qudIa)unticresetruusniet dans le vide aus:fi bien et meujt! mieux
qu'a travers t'atm(!Sj')[cre,est-npossib'.edtj dire
plus ]o!~gtempsque le son ne se pro) âge pas dans
Ie'i'ide?I)estdetouiecvidt'nceque,surie.<!i])esdunonv~m~s~p~rre~pace, et aller aussi vite et amsi loin qu'un rayonde lumière.
n Faut-il conclure de ce que le s<<npeut fnin'
chir l'espace à chevt.t su)' un rayon de soleil, (lue)'ou pourrait, avec lc nouvel instrument créé parle génie du physicien d'Amérique, recevoir, grâce
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
aux rayons de lumière qui en émanent, des sonset.des paroles envoyés par les habitants des as-tres qui font partie de notre système solaire ?En supposant i° que ces astres soient habités
par des humanités semblables à la nôtre, 2' queces humanités ayant eu un développement intel-lectuel pareil au nôtre, ont pu découvrir, comme
nous, le photophone, pourrait-on conserver l'es-
pérance d'échanger des paroles avec les popu-lations de Mars, de Vénus, ou tout an moins dela Lune, si elle est habitée?
< Cette pensée est du domaine du roman, maisle roman est si curie'jx, si intéressant, si féconden aperçus splendides, quel'oH peutse permettre,en passant, cette éblouissante échappée dans t'in-fini des cieux.
Pour revenir à la réalité scientifique, nousnous demanderons quel est l'avenir et quelles se-ront les applications du photophone ? L'instru-ment est bien récent encore pour que l'on se per-mette ces prévisions. Il est en effet bien évident
que le photophone n'est encore que dans l'enfan-ce et que de grands et sérieux perfectionnementslui seront prochainement apportés.
Cependant, en raisonnant sur l'état présentde ce merveilleux instrument, on peut dire d'a-bord qu'il menace sérieusement la télégraphieélectrique, et le téléphone tui-même. It nous
donne, en effet, le moyen de correspondre, sansaucun conducteur métallique, d'un point visibleà un autre point visibte, d'une manufacture à un
atelier, d'un château à un village, d'une maisonà une autre. La té~ég~aphiea.ériennf, qui a dispa-ru a l'-tvenement de la télégraphie électrique,pourra reprendre possession de son domaine, grâ-ce à des postes convenablement espacés dans la
DES SCIENCES ET ARTS
campagne, comme l'étaient autrefois les postes du
télégraphe Chappe. Il suffira que le soleil brilleou que des foyers électriques soient placés entreles deux stations pour établir une Mt'rf~on~ance~cr/ee entre ces deux stations, correspondaureinstantanée, qui serait, par conséquent, plus ra-
pide encore que la correspondance télégraphiqueL'art militaire estappe!? a profiter largement
duphotophone. Une ville Msiëgee~ourra.it cor-
respondre, par des 7'K~/OMShmMtMM~:par~<<s,avec le reste du pays non investi.
< La pensée &e porte naturellement, en pré-sence de cette admirable découverte, au siège de
Paris, et l'on se demande avec regret si le sortde notre capitale et celui de nos villes bloquéespar les bandes nucmandes n'auraient pas été dif-~ët'entj si l'on tût possédé a cette épuque u. têtinstrument 1
« Les signaux solaires sont du reste déjà en
usage dans les armées actuelles. L'armée anglaises'en est serv ie dans ses récentes guerres dans l'O-rient. Mais il ne s'ugit ici que d'éclairs envoyésd'un poste a Fantr~, répondant & des signes con-ventionnels. Combien différent est le photophone,par lequel on fait pcH*!et' le soleil
Dans la mariue, ]e photophone sera d'uneévidente utiKtc. En mer, rien ne limite, commesur la terre, la marche directe des rayons lumi-neux. On pourra donc se parler de navire à na-
vire, g)&ce à tatumijre du soleil on à la lumière
électrique, comme si l'on était bord à bord.
Les phares, les sémaphores, au lieu de sim-
ples feux d'avertissement, pourront envoyer a~ecla parole, tous les renseignements nécessaires,répondre aux questions des navires en pleine mer,leur transmettre tous les avis, toutes les recom-
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS
mandations utiles concernaut l'entrée du port,toutes tes nouvelles du psys, etc. De véritablesconversations s'établiront ainsi t'ntre l'équipageet les phares ou sémaphores du littoral.
< Nous 'anticipons peut-~tre un peu sur J'ave.nir par toutes ces prévisions séduisantes mais onne peut mettre en doute que ces briMaates promes-ses en ce qui touche les applications d~ photo-phone à I:t corre.~pot]danceportée, sur terre et surmer, ne se réalisent dans un temps pins ou moins
prochain. Le juste enthousiasme qu'a excité dans
l'esprit de tous les physiciens l'admirable décou-verte que ~ous venons d'exposer, excusera auprèsde nos lecteurs ces espérances anticipées et impa-tientes. r
Maintenant,, messieurs, qu'il vous plaise de
rapprocher ces détails et lus réflexions de M.
Figuier des résultats obtenus par M. Adam à180 kilom. de distance, avec les rcBecteurs Man-
gin. Dites-vous que pendant que M. Adam tra-vaille sans relâche à, fixer les conséquences deses remarquables travaux pour les faire servir au
profit muterie], humanitaire et mural des Iles-~œurs de la mer des Indes, M. Mangin, dans sa
paisible retraite de St-Jean d'Ange!y, ne cesse derechercher des periectinonements à ses appareils,et M. Graham Bell travaille aussi sans relâche àrendre pratique son photophore.
Photaphone et réflecteurs Mangin sont faits
pour révolutionner ensemble la télégraphie ter-restre, comme le ballon et l'électricité révolu-tionneront la navigation, eu attendant toujoursmieux.
Mai 1885.ED. DCBCISSON.
Séance du i0 Juillet <88S
Etaient présents:
MM. LE StNEU,président;A.LERoY.Mce-pt'eyM/~t;P.CREMAZY,ïfcr~an'e;LAMADON.MADRE,
E.NICOLAS,Roussm,A.ViNSON.
Lecture et adoption du procès-verbal de la
précédente séance du 19 juin 1885.i~ecturededeux lettres, l'une du Havre en date
du 29 avril i885, du pt-ësideat de la Société desSciences et Arts du Havre, qui propose l'échangede ses bulletins mensuels contre les publicationsde notre Socictt;: L'autre du Ministre de l'Ins-.trnction publique et des cultes, du 12 mai j885,invitant notre Société choisir des questionsdont ta liste devra être adressée d'urgence au
ministère, pour ~neter le programme défiuitif du
C~M'/rM des SoHet<M sau');)(M, en !888.La Société prie le Président de se mettre en
rapport avec la Société des Sciences et Arts du
Havre; elle ajourne, à sa prochaine réunion, la
réponse au Alini-tere de l'Instruction publique.Lecture de denx lettres de M. Lecorney, pho.
tograplie à Saint-Denis, des et 6 juillet ~885-ces lettres contenant 2 plis cachetés a l'adresse d~Président de notre Société, lesquels reD&rme~j;l'exposé d'un procédé de photographie direct
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS
basé sur des propriétés Inappliquées jusque ce
jour; Fauteur déclare qn'ils sont les duplicatasdes plis qu'it a envoyés à la Société française de
photographie et prie le Président de les déposerdans les nrchives de la Société, se réservant defaire ouvrir ces lettres plus tard ou de les rede-
mander, suivant les circonstances. Le Président se
charge de la conservation de ces plis.
M. AUGUSTEVINSONdonne lecture d'un travailfort intéresMmt, recueil d'impressions et de sou-venirs que lui a inspirés la mort de Victor Hugo.Tous les membres de notre Société ont applaudià cet hommage, si sincère et si brillant, rendu àla mémoire de notre grand poète par l'un de ses
plus fervents admirateurs.
M. LAMADONa lu le rapport qu'il a été chargéde rédiger, au nom de la Commission nommée
pour ctndier les bases et conditions d'une expo-sition intercoloniale en 1886, qui serait patron-née parl~ Société des Sciences et Arts de Saint-
Denis. On renvoie n, in prochaine séance la dis-cussion et l'approbation dé<n)itivedLesmesures pro-posées dans ce rapport.
M. AUGUSTEVmsoN lit une pièce de vers sur
le papillon Demo/eu~.
M. Charles Cérisier, chef de bureau à la Direc-tion de l'intétieur, régulièrement présenté, est
élu, à l'unanimité, membre titulaire de la Société.
La séance est levée à i 0 h. 1/2.
le Sect'e<a~
P. CREMAZY.
Le.Pf&t~Mt,Le SINER.
Victor Hugo
L'Ile de la Réunion doit un hommage particu-lier à la mémoire du grand poète que nous avonsici toujours aimé et toujours admiré. C'est Victor
Hugo dont le vote à l'Académie française a le
premier honoré notre compatriote Lecoute De-lisle. Parmi les amis intimes choisis pour veillersa dépouille mortelle, nous trouvons un autre filsde notre île, Léon Dierx.
Ces hautes préférences commandent de la partde l'Ile de la Réunion une profonde reconnais-sance.
Il appartenait à un membre de la Société desSciences et des Arts, (celle des lettres de notrecolonie orientale et lointaine), d'apporter eutribut.
Mais devant cette belle figure humanitaire.cette dette e~t si lourde et tellement écrasante
que nous l'acquitterons, comme la veuve de l'E-
vangile, dans la forme la plus simple, c'est-n-dire,par des impressions et des souvenirs.
Venu au monde dix-huit années plus tard quece grand mort, j'ai pu voir dans mon obscuritécet astre s'allumer, briller et mourir. pourl'immortalité. La vie matérielle est close à un
grand âge, enviable pour l'humanité. La vie mo-rale est immortelle elle a commencé du jour où
Victor Ilugo s'est fait connaître. Chef d'une ëoo"le nouvelle, il fut appelé de suite maître par ses
apôtres ou ses disciples. Ils gravitaient autour delui comme des planètes autour du soleil.
Ardent amant des choses littéraires, dès le plus
mLLET!?<DELA SOCIÉTÉ
jeune &ge,adouze ans, je suivais le sillon quedevait ouvrir ce maître Plus tard
quan 1 su célébrité montait comme une maréehaute sous lit dou!))e attraction de son ~6"M etdes puissiincesdel~ terre,–tesroisctiepeu-
p!e,–j'étais placé an coin le plus discret deses admirateurs et cependant j'admirais ses beau-tés de toutes les forces de mon âme.
De,; faits bien modestes yevetërent la magie,qu'avait déjà, il y a, cinquante uns, le nom deVictor Hngo.
Je vais vous en citer deux don! je fuis le témoin.J'étais parti a H ans do l'it<; Bjurbon pour la
France sur un navirede Nantes. Le 30 mai 1835,sur les côtes de Rret~ne, a.vant même que nousseussions pu voir HeUe-He,cnmmeune lignebleue à l'horizon, te pilotemonma.bord.On se
presse autour de lui, ou l'interrog'e. on lui de-mande des nouvelles de ia.Fra.uco. « Le roi Louis-
Phi~ipneet la famille royH)e se portentbien, nous
dit-it.Anth(':t!.re,ityat'uuueuonveIiepiHCC:ÂSGELOOULE TYUANDE PADOUE,de Victor Hu-
~O.N »Le pilote breton, ce tnnriii. priysan de t'Oce~n,
ht:) veste de bure grossiurc, nv~ut etefr.tppedece nom déjà immense.Ytctornogo!
Oneûtditqu.'[tj))'es!-ent!Uti':U!ttiur vénère desTl{AYAiLLm!sDE LA.MEK,!e)nc-i(.!ent honorairedes~:t!etfur~deh)SËtneett'~iuhtreexiiede
G!)prnesey!Nousarriva,mesà.Nantns,o[iydon-t~it des représentations dtLno'iVHituctbenu dra-me et l'.dtluence était cousidurabic.
Apros ce fait, un autre du me'ae genre élève
aucoUegedeK.uites.jensiusunjourundra.meémouVt'nt pusc près dt: moi sur le banc, couvertde monpupitre. Insensible aux avertissements
DES SCIENCES ZT ARTS
5
charitables des condisciples, j'étais pris en fla-
grant délit de lecture clandestine. Le surveillantétait sur moi, il était trop tard pour faire évader
le térnoio accablant. Je restai sans bouger. Le
maître prit le livre, lut le titre « LE nOl s'AMtj-
SE et me )e rendit en souriant. Il était devenu
mon conjplict' Le nom du l'auteur l'avait séduit.
C'était une grâ~e entière.
Mais a Bourbon déjà. IlAN-D'IsLAVDEétait danstoutes les mains. Bcc-jARGAL était connu on
jouait avec un grand succès ANTONYd'Alexandre
Dumas, où Madame Hortense !\[!ineuvriez et M.
Lacoste étaient chaque fois vivement applaudispar le public créuie.
La nouvelle école prenait pied dans notre îleavec une surprei ante rapidité. Victor Hugo, le
chef du Romantisme, y était acclamé et cetébroavec passion.
LES FEUILLESD'AUTOMNE,LES ORIENTALES,LESCHANTSDUCREruSCULEconstellaient le ciel litté-raire de la France, de l'Europe, de f'etranger et
répanda.ient!eurssp]eadeurs infiniesj jusque dansles colonies les plus lointaines.
IL) novateur était né. Il a!)umait un volcan snr!e sol glacé de la décadence classique. Avant lepremier empire qui devait vitrifier la poésie mor.te.née, le plus beau poême avait été écrit en pro-se et par un ingénieur dans une île de la Franc?.C'était PAUL ET VrRGINE(1788). Le ciel, le pay-sage, les montagnes, ia nature, tout était neuf etchangé, VIRGINIEdonna l'idée a, Chateaubriandd'écrire une idyliedes bois et d'un Nouveau-monde, alors il fit ArALA. C'était une bel)e com-
position de rhétorique, une imitation attardée du
poème de Bernardin de Saint-Pierre, et qui parut
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
juste l'année qui précéda la naissance de Victor
Hugo, 1801.Messieurs, mes idées sont personnelles, elles
n'engagent aucun âme suivre. Je n'ai jamais plusaimé et admiré Chateaubriand que dans t'iTHŒ-EAKEDEPARIS A JERUSALEM,que j'ai relu vingtfois.
La plus belle page de la vie de l'auteur du GE-NIEDP cnEiSTTAMSMEet des MARTYRSfut d'avoirsalué Victor Hugo du nom d'ENFANTscBLniE etd'avoir senti en lui le plus grand poète des tempsmodernes. Par In, même, M. de Chateaubriands'accusait de la race des poètes. Voltaire et Cœ-the furent les deux grandes cétébrités littérairesdu 18' siècle.
Victor Hugo et Byron devaieut être les plusgrands poètes du dix-neuvième.
Dans ces deux siècles la France pour le renomtient toujours le rang suprême.
A vingt ans, Messieurs, tout le monde fait des
vers, parceque l'âge de vingt ans est a lui seulune poésie, chez tes créules surtout, dans un mi.lieu incandescent, où se déroutent les plus bellesscènes de la nature, où la lumière tombe à flots
éblouissants, où l'Ooéaa, doux ou terrible, a deschocs d'une grandeur inconnue ou une harmonieineffable et souveraine. Voilà pourquoi !e cultedes créoles de l'i]e de Bourbon pour notre grandpoète a été le culte de fils nombreux pour un pè-re. Tout le monde y a compris le charme et la
beauté de son langage.Mon respect pour lui était placé si haut que
malgré la fougue poétique de la jeunesse, malgréles transports d'une admiration sans bornes,jamais je n'ai osé envoyer à Victor Hugo une
épitre rimée, une ode ou une lettre. Et cependant
DES SCIENCES ET ARTS
j'adressais cet hommage à d'autres moins méri-tants. Son nom et son souvenir étaient sans cessesous ma plume et dans ma pensée. J'en parlais,mais je ne lui portai? pas.C'est de lui que je disaisavec raison dans une revue des littérateurs dusiècle
Victor Hugo pour qui mon encens rescnëTout eutier da~n mon co;ur encor s'est concerte.
()S3S)
Dans une autre occasion
Victor Hogo parciLen sa spuc.'e snDimeAngrand condoi-qui ptaue au-desus de l'abîme.
~18KJ)
En prose ce fut le même respect exprime. Le
géant me semblait trop gr.tufl, ht mesure po~trl'atteindre trop petite. En ëcriviUtt une nouvelle,je lui rendais ]eptus solannethoiumage. Je parlaisd'autres auteurs et je disais:
« Que pouvait être ma tiiste personnalitéhumble et inconnue, auprès do tn~s ce? beau~noms ?Je savais que je n'étais ni C/:t'M-JTtt)'oMjni 0~/mp!0, IjCSDEUXPLUSGEA~DË9FIGURESLIT-TERAH!E81<UDtXNEUVIEMESIECLE. )) (i8'73)
Ce dernier jugement sera ce)ui des siècles fu-turs.
J'assistai à Paris a la plus belle période de la
vie de Vicier Hugo. Par un bonheur inespéréje fus présent à sa réception à l'Académie Fran-
çaise.Ma belle- soeur (aujourd'hui reHgieuse et soeur
de la Miséricorie &Lysieus) avait publié un livre
pour la jeunesse. RHe crut devoir en adresserhumblement un exemplaire a Victor Hugo. Le
grand poète lui répondit par use flatteuse épitre
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
toute remplie de l'esprit de galanterie chevale-
resque qu'il employa à l'égard de la fille d'un deses pluschers lieutenants, Mile Théophile Gautier.Ma belle-soeur alla remercier l'iltu-~tepoète, ets'était fait accompagner par son père, un anciencolonel du 1" empire, lequel avait connu l'onclede Victor Hugo. Rien ne lut plus exquis que la
réception faite à fa fille et au vieil officier con-
tcmporHin de gloire des grands parents de l'illus-tre écrivain.
Quelques jours après, par l'insigne faveurd'un membre de l'Institut (Académie des Scien-
ces), car je n'avais aucun lien dans le mondedes lettres, j'avais une carte pour assister dansune tribune latérale à la réception de Victor Hugo.Je m'y rendis de bonne heure et comme il y fal-lait attendre longtemps, les places étant très dis-
putées, mon voisin crut devoir me faire par son
âge les avances d'une conversation qui m'appritque j'avais l'honneur de parler a. Alexandre An-
dryane, l'auteur des MÉMOIRESD'UNPRISONMEB.
D'KTAT~le compagnon et l'ami de Sylvio Pellico?t l'ami aussi de Victor Hugo. Je revis mon voi-sin de hasard plusieurs fois pendant mon séjour àParis. J'avais heureusement lu les MÉMOIRESD'UN FRISOMNIEBD'ETAT à Nantes chez les mes-sieurs Lauriot frères, et il s'en fallut de bien peuque le n&Yi)'equi vint à Bourbon sous le nom de
VICTORJACQUEMONTne portât celui d'ALEXANDREANDRYANE.
J'étais dans les secrets de l'honorable maisonde Nantes à. laquelle je dois tant de reconnais-sance.
Cette présence à la réception de Victor Hugofut un fait mémorable dans ma vie et qui acquiertaujourd'hui une grande valeur de souvenir.
DES SCIENCES ET ARTS
Le poète ctaitjeune encore, imberbe, sanstropd'embonpoint, avecune chevelure abondante. Ses
yeux noirs brillaient sous un frout vaste et pro-éminent. Fne sorte de pâleur (peut-être due al'émotion du jour et de la scène) était répanduesur son visage. Son sourire était &n. distingue,d'une rare et courtoise bienveillance. L'épée, les
palmes et l'habit académiques lui allaient commeà un immortel.
C'était Il lui que quelques jours auparavant levienx M. de Cessac, plus qu'octogénaire-, avaitécrit ces mots pour le consoler d'un échec acadé-
mique temporaire où il avait pris sa placec Jeune, vous êtes immortel et vous avez ledroit d'attendre. o
M. de Salvundy, le ministre de l'instruction pu-blique sous Louis-Philippe, l'auteur d'Alonzo,un roman oublié, avait été choisi pour répon-dre au récipiendaire.
Il se produisit à cette occasion un incident mc-morable dnntje n'ai plus retrouvé la tr~ce nulle
part et que je dois pour ce fait consigner ici. Lesdifcours avaient été, selon les habitudes et !es rè-
gtements de l'Académie française, échangés à l'a-
vance entre les orateurs, et même lus devant unecommission académique.Personne ne~e doutait, derien, ni du ferpent caché sousies fleurs et qui de-vait saiHir au beau milieu de la séance publique.
Quand M. de Salvandy lut sa réponse et qu'au
pleiu de son discours, il félicitait l'auteur d'HcR-
KAXIet de LUCKECEHOHGIA.< Personno, » luidit-iL < persoune mieux que
vous n'a fait un aussi puissent usage de l'art
scénique.Le calenibourg inconscient et imprévu tomba
dau& la foule plus vite qu'un éclair. Ce fut un
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
rire homérique, si gênera], si complet et ti spon-tané que les académiciens se tordaient. Victor
Hugo ne pnt se retenir et éclata comme l'audi-
toire, mais avec plus de respect.Hé)as uu seul ne rit pas il resta sérieux, de-
vint rouge et d'un air piqué, il répéta: per-sonne mieux que vous n'a fait un aussi puissantusage de l'Mt scénique (je veux dire de l'art dra-
matique) ajouta-t-it en appuyant.Hé!as! ces temps sont déjà bien loin! que de
tristesses depuis pour l'auteur des FEdHES D'AU-
TOMNE,que de chocs pour les gouvernements, quede douleurs pour !a patrie Victor Hugo est de-meure debout sur le siècle, avec cette autre grandegloire, mais terriuante, Napoléon Victor Hugo,en serrant dans sa marche nos idées, nos inven-
tions, nos découvertes, nos progrès, nos libertésa suivi le siècle comme un grand fleuve, qui s'a-
grandit, s'élargit, s'éta)e, de plus en plus majes-tueux, jusqu'à son embouchure, jusqu'au momentou il va se perdre dans l'immensité de l'Océan enlaissant sur son passage les terres fécondées parsa puissance. Une plus donce joie entoure son au-réote de gloire. Il a consolé, il a nouni les âmes,H a séché les pleurs.
Le génie militaire de l'an est plus grand dansles ~ges passés et présents; le génie humanitairede 1 autre se lève plus aimabiepouf l'histoire etcette uuiversniité morale lui conquiert la sympa-thie et l'affection de tous les peuples.
M. Renan a dit Il semble que Victor Hugofut créé par un décret spécial et nominatif del'Eternel. » Avec ma foi chrétienne, je tuppri-merai les deux premieis mots et je dirai que,comme Napoléon, Victor Hugo a été créé parun décret spécial et nominatif de Dieu.
DES SCIENCES ET ARTS
Les grandes figures qui dominent les siècles et
qui apparaissent à leur heure sont ciselées dansun moule particulier et créées par un ordre for-mel. Dans Victor Hugo, même avant le poètedont la verve surabonde, il y a le grand humani-taire et l'idéaliste suprême. Envers le prochain,c'est la morale effective, universelle du Christ.Victor Hugo s'est peint tout entier et il a faitune profession de foi dans les vers qu'il met lui-même dans la bouche de François de Paule dansson dernier drame
L'homme est sur cette terrePour tout aimer. ILest le frère, il est l'ami.H doit savoir pourquoi s'i) ttiouuo fnnrmi.Dieu de l'esprit humain a fait une aile ouverteSur la création, et sous la branche verte,Dans l'herbe, dans la mer, dam l'onde et dans le ventL'homme ne doit proscrire aMLin ctre vivant.
Dès ses débuts, cette bonté immense, secoura-ble à tous, s'auirme elle se montre dans toutesses œuvres commo;uu idéal de siaoeritë toujoursinvariable. Dans cet auguste et chaste poèmeNoTRE-DAMEDE PAÏUS(qu'on a appelé si impro-prement un roman), voyez cette surprenante apparition, cette bohënnetine.sans mère, sans pa-rents, sans éducation, sans la moindre instruction;qui donc domine sa nature inculte et cependantattrayante, son esprit pénétrant? C'est une bonté
native, naturelle. On dirait l'âme de Victor Hugo.Sur le pilori, un monstre est attache, un miracle
de laideur la foule raille autour, lui jette de san-
glants sarcasmes cette masse humaine, informe,souSre de mille douleurs physiques et morales:c'est un supplicie il meurt de soif; une goutted'eau est nécessaire. Le verre d'eau froide de
BULLETIN DE LA SOOtËTE
l'Evangile n'f~t pas ]h pour ie désaltérer! Il souf-fre une goutte On rit, on jouit du mal-heur d'autrui. Une jeune fille écarte la foule, s'é-
tancet'tprescnteaux lèvres du monstre altéré, du
mutheureuxpan! du martyr.Iagoutted'e!tUdu Hdut, de la charité, de l'tSper.'nee? N'fst-cti
))&s filme de Victor Hugo fUe-meme, c:tc!ice dans
(.ettc picne précieuse, dans cette EmeMude?
Qu'advint-i)?CLtte foule, jniHeu''e et cru<')Ie touttt l'heure, !)pp]audith outrance Vive taGitana!Vi~'e ht Bohémienne! Viveta.Esmo~tdai Etc'estainsi qr.e Victor Hugo a ptis sur ]~iou!e, sur la
mt:ioni):!r(;me, sur les peuples d'Europe etAmo-
riqup,c(;t ascendant universel.
Mon âme est une smnr pour ces âm~ssi belles.
Ce].) ( mb]asse toute la terre et même le mondedes esprits:
L.)\ie et le trépas ponrno~sn'ont plus de luiTantôt j'!)if)eleurs pa~ tantôtje prends leurs ailes.Vision meD~nteou je suis mort comme elles!EUes vnantes comme moi!
Fant-H s'etotinpr aptes cela que Michelet danssoi, Hisro)RE DE FnANCE,parlant ~.e la cathedratede 'NoTHL-D.MIEM!PAP.!S,r~ppe!h' i'œuvre gran-dinn'du poete~ttacon~ideIH co!tmc plus iné-
bt:nd:d)!(;()a)!s]~;iostcntc que les tours gothi-ques (tu tuonuruen); de pierre.
Si c'e~t un roman, c'est le plus beau qui ait
jamais t'.te!ait.Si c'ettun poi'me, c'pst)e plus beaudes temps
modt ri ep.Un écrivain i'a, appe]e récemment « un pur
ehef-d œuvre.
]\Je6sieurs, dès que le porteur matériel et vi-
DES SCIENCES ET ARTS
vant de ]a grande clarté qui se répandait sur lemonde intellectuel et moral a pnru descendre der-rière l'horizon humain qui ei-t!a mort, tous lesttBurs se sont pmu.
D'un parti diamétralement opposé aux idées du
grand poète, !onsf'igneurFreppeI est venu s'ins-onre des premiers. C'était un bel acte de t.tpartdel'Evêque qui no voyait dans l'illustre malade
qu'une gloire de la France, nu-dessus de tous les
partis.Le Cardinal archevêque de F.tris a oSert bien-
vfir.itnimentFesfervicesdansdestermesomua
qui ne ;ont point arrivés aux oreilles du mourant,Tout cela peut être juge diversement. tLtisdans
ce piècte d'athéisme et d'incrédulité, au momentoù l'ou veut eilacer partout le nom de 1 ie~),ce nom qui prend la. p]ace de tout, –Victor Hu-
goataitunegrande(;hosp:i]a,dit)espre!Utersiutjts<.iusymbote des apôtres: ejE CROISESDIEU! »
On a répète à ce propos que le Déisme était1 antichambre de l'Athéisme.
VousNtepcrm.Ht.trtZ, Mcs~Ie):rs,d.€oroirc'qu'uneaSirmattonn'i'jimais Été une négation.
Cc)ui!)ui {.ti--aitprif;rsaûue pour tous. se re-
oomm!ttidt',apreas~u]ort, à lit prière de toutesles âtm'i). Donc, par les supplications humaineF,le gtatKl poète croit que Dieu peut faire tUchirses rigueurs et ses lois en faveur de ceux qu'ilaime ou qui le touchent, par teur dëtres.e et leurs
vœux, c'est làdéjà une erovituce acquise au sur-
naturel, et il u'en faut pas davantage pour arri-ver à une doctrine consolante et pleine d'espé-rance, celle du Christ dont Victor Hugo imitel'immense charité, l'incommensurable amour dans
son élan vers les petits, les aSUgos, les pauvres,
BULLETtN PE LA SOCtÉTË DES SCIENCES ET ARTS
les déshérités, les faibles et les opprimés Toutdéiste qu'il se proclame, son testament est tout àfaitcht'étien.
Victor Hugo a constamment combattu en fa-veur de l'immortalité de l'âme. Dans ses récentes
poésies, il s'écriait « plutôt que le néant, mieux
vaut encore Satan, car souffrir, c'est être et pourtous, être, esprit, âme, c'est toujours une mêmechose: Me immortalité!
Victor Hugo, ce génie extraordinaire, cet
apôtre par sa parole, appartient à ('Humanité.Selon nos idées terrestres et selon ses croyancesdivines, Victor Hugo est entré dans l'immortalité;et cet homme, honoré de l'univers, honore grande.ment la France: il honore t'Humsmité tout en-tière.
Docteur AUGUSTEVINSON.
Lazaret dela Grande-Chaloupe,le 28 juin 1885.
Séance du StJTnMtet t88S
ptaieutprcsects:
MM. LeSiNER,p!iWc)tf;
Lecture et adoption du proees-verbat de laséance du 10 juillet ittSS.
M. LE PRESIDENTadresse des compliments debienvenue à M. C. Cerisier, au nom de la Société
qui vient de l'élire membre titulaire.Renouvellement de la proposition de M. P.
CrëmMyau sujet de la lettre du Ministre de l'Ins-truction publique et des cultes du 12 mai 1S8Scette lettre avait pour but d'inviter notre Sociétéà choisir des questions, à adresser d'urgence au
ministère, pour servir à fixer le programme défi-nitif du Congrès des Sociétés savantes en d88S.
On arrête que ie Président répondra au Ministre
que sa oomniunica.tion est arrivée trop tard à laRéunion p'tur que notre Société ait eu ie tempsde rechercher et de préparer les questions pro-pres à être proposées an Ministère; on décide
qu'elle fera le nécessaire pour s'entendre sur lechoix de ces questions et les envoyer, en tempsutile, en vue du congrès qui se réunira, en 1887
P. CmMAZY,~ecfe<at!'eBRIDE.T,
C.CEMSIER,DUBUISSON,
LAMADON,LANTZ,C. M~NAED,NiCOT.AS,Rousse.
BULLETIN DE LA SOCtÉT):
M. Cerisier reçoit les remerciements de la So*·
ciété pourl'offre qu'il lui fait des deux brochuresrécentes dont il est l'auteur: 1" Notes sur les
Colonies, i88), avec un projet d'institut d'édu-cution coloniale 2" Les co~otM'M/aHfSMM, ) 885,conférence par lui faite à Paris en décembre 1884,sousie.sanppices de)a. Société de Statistique.
Lecture nouveDe est fournie du rapport de la
Commission chargée d'étudier les conditions d'aae
exposition intercoloniale qui serait ouverte, l'an-née prochaine, sousle patronage de notre Société.Les articles de ce projet, rédigé et lu par M. La-
madon, sont discutés et successivement adoptésdans leurs détails et leur ensemble. Il est décidé
que la plus large et la plus prompte publicitésera donnée à ce programme; il est nécessaire de
prévenir longtemps à l'avance toutes les person-nes de bonne volonté qui, à la Réunion commedans les colonies françaises et étrangères établiesdans nos mers, peuvent être en mesure de con-courir à cette grande Exposition.
M. DuBUtSSONmontre à ses confrères un pas-sage de la Revue du mois de mai t885, de la So-ciété de géographie de Tours. C'est nn éloge quele Secrétaire général de cette Société veut bienfaire de ]a nôtre. On est d'avis, n cause surtoutdu très sympathique inté)ët qu'il exprime en fa-veur de notre compagnie de ia. reproduire dans le
compte-reudu de la présente séance ite~ta.inst
conçu
« La Société des Sciences et Arts de )'He de laRéunion accepte aussi t'échange de nos bulle-tics.< Le Secrétaire généra], à ce propos, sigoate à
« l'assemblée les sympathies qui doivent s'atta-
DES SCIENCES ET ARTS
cher à !:) compagnie dont s'agit: c'est laseale société savante qui existe dons les calo-niea françaises. Composée de fonctionnaires de
]a marine,demagistrats, d'avocats, deméJecins,de professeurs, d'ingénieurs, de négociants,etc., etc. Elle publie chaque année un bulletinn
renfermant souvent des travaux remarquableset qui ne dépareraient pas les annales des so-
ciétés savantes de la métropole. It convientdonc de s'intéresser à sa prospérité et de se
réjouir de la voir se mettre en communicationavec ses sœurs de la France continentale. c
M. le Président est invité &tiure fenh' par le
plus prochain courrier a M. Albert Trochon à
Tours, les remerciements de notre Société pourcette mention aussi bienveillante que natteuse,avec l'espresnon de nos vœux pour la prospéritéde !a Société dont il est le secrétaire généru].
La séance est levée à 10 heures ')/4.
Le J'eN(<ef< Ls Secrétaire,
LE SMER. Il. CRÉMAZY.
EXMSMMR'mMMm~E DEi8M
Art. 1. Une exposition intet coloniale s'ouvriraà Saint-Denis (Ile de la Réunion) le octobre1886.
Cette exposition sera précédée de divers con-cours.
Art. 2. Pourront prendre part à l'expositionet aux concours
La Rennion, l'île Maurice, les Seyehelies, noscolonies de Mu.daga.5oai',Mayotte, Sainte-Marie,Nossi-Bé.
Les Créoles de ces diverses colonies en rési-dence h l'Etranger.
PREMIÈRE PARTIE
C<tMC<MM*!S
Art. 3. Les concours sont au nombre de trois.
1° Concours de poésie,2° Concours de sciences,3° Concours de composition et d'exécution
musicales.
Art. 4.. Concours de ~oMtc. Une médailled'or sera décernée au morceau de poésie le plusremarquable qui sera adressé au Président de laSociété des Sciences et Arts a S~nt-Denis (Ré-union) avant le 3 juillet 1880.
Les pièces de poésie envoyées au concours de-Tront porter pour toute signature une devise etêtre accompagnées d'une enveloppe cachetée por-tant en suscription la même devise et a l'intérieurle nom et l'adresse de l'auteur.
BCLLETN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS
Ces enveloppes ne seront ouvertes que si les
pièces correspondantes ont obtenu une récompense.Tous les genres de poésie sont admis à concou-
rir il est &désirer toutefois que t'inspiration quiaura dicté les pièces sonmises au concours se Mt-tache autant que possible directement à des sou-venirs coloniaux.
Art. S. CoMOtft'ssCiMt~Me.–Une médailled'or sera décernée a l'étude scientifique la plusintéressante et la plus utile.
Sciences physiques et naturelles, sciences exac-
tes, économie politique, économie rurale, agri-culture, industrie, commerce, tous les sujetssont admis au concours. Il su-Bit que l'étude pré.sentée contienne, outre le mérite de l'exactitude
théorique, des indications pratiques fnsceptiblesde favoriser, à quelque point de vue que ce soit,le développement du commerce, de l'Industrie etsurtout de la production agricole à l'Ile de la Ré-union.
Les mêmes délais et les mêmes formalités quepour le concours de poésie sont applicables auxtravaux scientifiques.
Art. 6. gt°' CoHcaurs (~compo~'h'otet~'ea~-f<ftOHmu~'ce~M.
Dans les délais et avec les formalités men-tionnées aux articles 4 et ci-dessus, tous les mor-ceaux de musique adressés au président de la So-ciété des Sciences et arts seront admis à partici-per au concours.
Tous les genres sont admis. Toutes les compo-sitions envoyées à la Société devront représenterenviron huit ou dix pages d'impression, et être
arrangées pour piano à quatre mains et violon,de telle sorte que le morceau couronné puisse être
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
exécuté en public lors de la distribution des ré-
compenses.
Le meilleur morceau sera grave aux frais dela Société des Sciences et arts.
§ 2.– Les concours d'e~Mtt/tOK mx~'ca~e sontau nombre de quatre.
1° Concours de violon.2° Concours de chant.3° Concours de piano.4" Concours de fanfares.
§ 3. – Les concou.rs de M'o~on,de chant et de
piano, auront lieu d'après le règlement adoptépar)aSocit''tcde.sScipncesetatts pour les con-cours analogues de ')88-4.
Ils s'ouvriront du 1" au <J octobre ~886, àun jour et une heure qui seront ultérieurementdéterminés.
§ 4.'–' Le concours t!M/'a"M*M aura lieu auJardin colonial Io~dimanche après l'ouverturede l'exposition.
Le morceau donné au concours sera communi-
qué aux directeurs des fanfares qui désireront
participer à la lutte au plus tard le {" avril t886.
Les prix consisteront en une ou plu sieurs ban-nières décernées aux fanfares dont l'exécutionaura été le plus remarquable.
En dehors du morceau mis au concours, lesfanfares devront exécuter chacune au moins deuxmorceaux de leur répertoire.
Art. 7. Tous les travaux envoyés aux con-cours prévus par les articles 4, 5 et 6 du présentrèglement devront être absolument inédits.
DES SCIENCES ET ARTS
6
DEUXIÈME PARTIE
Exposîtïom
Art. 8.-L'exposition proprement dite s'on-
vrirftal'Hotel-de-Vtilekier octobre 1886.Tous les objets envoyés au concours devront
être parvenus au PrésU<jut de la Société des Scien-ces et arts avant le i5 septembre 1886, dernierdélai.
Lea objets exposés seront divisés en trois clas-
ses.
1" classe, Lf<frMe<scM;tees;2"' – Beaux arts3°" –
~4~nett~u?-ee<f;~us~ne.
PREMIÈRE CLASSE
lettres et Selences
i" groupe,– ï'raucn<a?pe~(t~oy!(jttfe~. –Tra-vaux d'ecoie.–\iusecsoo!&ire.
2' – ZsmetMeufe collection de h~Tesrares ou ea~;eMaj
3° – Dessin hneeme, /Ht;ts, carte! du
yeo~ra~/np, ca~t~~ap/ne,4* –
7f<)pri/?K)'i'e,~)/M~rapAie.
DEUXÏËME CLASSE
Ap<e
FREM)ÈRECATÉGORIE
1" groupe Peinture religieuse. P~rtraits.2" Pa'/fnyM e/ mttt'~te~.3° PetMiut'e de ~euM, aquarelles,
pastels, mi uatut'fs.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
4* – Sculpture, modelage, gravure.S' – Photographie.6' – La meilleure collection d'objets
d'arts et tableaux introduits dans la. Colonie.
DEUXIÈMECATÉGORIE
1" groupe- Ouvrages de lingerie, tapisserie,travaux divers à l'aiguille, au
crochet, broderie, dentelles,fleurs artificielles.
2'' –Objets d'art fabriqués avec les
plantes textiles et les pailles du pays.
TROISIÈME CLASSE
Industrie et cultures x<mveHe<t
t" groupe– Produits distitlës, vins et liqueurs.
2° Parfums.3' Fécules.4' Produits pharmaceutiques.
'Se Instruments nouveaux ou per-fectionnés à l'usage des industries ou des cultureslocales.
Le présent règlement a été adopté par la Société desSciences et arts dans la séancedu3i juillet 1885,sur larapport d'une commission spéciale composée de MM.Le Suier, p)-dett< Du Buisson, Grenai'd,Ad. Le Roy,Nicolas, Roussin; Lamadon, r~po)'<eMf.
Stéanee da tt Béeemb'e i88S
Etaient présenta:
MM. LE SiNER, BrcM'Jen<
Le Président donne lecture d'une lettre parlaquelle M. Adolphe Le Roy~ vice-pt'esident, don-ne sadéo"s:iort;de membre de la société. Il ex-
prime, au sujet de cette détermination, des re-
grets auxquels l'assemblée s'associe en exprimantl'espoir que tes raisons sur lesquelles elle s'ap-puie lui permettront bientôt de reprendre sa
place dans la société.Lecture ~t adoption du procès-verbal de la
séance du 2) juillet iS85.Lecture d'une lettre de M. Albert Trochon,
avocat à Tours, du 6 novembre i88g elle an-nonce au président l'envoi de 1" 2 numéros dela Nouvelle Revue des 15 août et 1" septembre1881, contenant les articles :Pa~!er du général.DMaën, par J. fessier 2* d'une brochure inti-.tulee Biographie ~u général Deeaën, par E<à
Gantier, Caën Paris, i8SO du oataioguj
P. CBEMAZY,Mcre<a!re~OMOT, <rMoner;CERtSIER.
DnBuissoN,LAMADON,LANTZ,MADRE,M~NARD,NICOLAS,RoussiN.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ;
des manuscrits de la bibliothèque municipale de
Caën, 1 vol. in-8". Caën 1880. Le Présidentest chargé d'adresser à M. Trochon lea remer-
ciements de la société.
On lit une lettre de M. Antoine, ancien inspec-teur de l'instruction publique à la Réunioncette lettre, du 26 juillet 188S, contient unenote sur l'instruction primaire à la Réunion,ainsi qu'une relation d'un voyage du comte d'E-
riceira, grand de Portugal, vice-amiral et con-sul général des Indes Orientales etc. On décide
que ces notes seront insérées dans le bulletin dela Société en t88S.
M. E. Dubuisson offre à la bibliothèque de lasociété un numéro d'Octobre 188S de la revuemensuelle l'.A~ronomt'e ce journal a reproduitin. extenso les communications qu'il a faites avec
figures à l'appui, à ~In société des sciences etarts, au sujet des observations faites par lut à
Suint-Denis, de l'éclipse de lune du 50 mars.
M. Charles Cerisier fait une lecture fort intë"ressante sur le Soudan, en montrant un croquisdu chemin de fer de Médine à Bammakou, entrele haut Sénégal et le Haut Niger.
M. Dubuisson lit une note non moins instruc-tive sur la pluie d'étoiles filantes qu'on a pu ob.
server, dans la soirée du 37 novembre 1S8S. et
qui a été fort brillante, surtout entre 8 et 9 heu-res.
M. Crémazy offre à la Société 1° un homma-
ge envers à Alexandre de La Serve lu par lui àla séance de l'innauguration au Conseil généralde la statue de l'ancien sénateur de la Réunion
DES SCIENCES ET ARTS
2" un mémoiresur lesPas géométriques. Ces do-cuments seront publiés au bulletin de la Société.
La séanceest levée à 10 h. i/4.
Le Président, Le StO-~otre,
LEStNER. P. CEÉMAZÏ.
Note sur l'Instruction primaire
A LA RÉUNION
Le travail surt'7n~fMC<iOMprimaire à ~tjRe-
t/M'ot),insère dans ]e Bulletiu de la Société des
lettres, sciences et arts (<883)intëresMq'ticonquese préoccupe de cette question si grande partoutet touche spécialement ceux qui out pu l'étudieret ht servir à la Réunion même.
Ce travail est un témoignage de plus de l'atta-chement que cette Colonie porte depuis )ongtempsa l'instruction publique: par l'expose des sacri-fices pécuniaires taits libéralement, constamment,courageusement par la place même que lui don-ne dans ses études une société qui la, doit en ef-fet le premier exemple, et enfin par ce qu'on trou-ve de solidité, de conscience, d'émotion, danscette oeuvre d'un enfant de la Réunion. (*)
Cette émotion, née de l'intelligence et duvifsouci des besoins de son pays, ne l'empêche pasde :e garder d'une indulgente complaisance. Aulieu de s'attacher à vanter les largesses de la Co.iomei!il les atténue en rappelant les lourdes char-
ges de lit mère-patrie dont elle est exempte. C'estun fils contre qui il faudrait presque défendre s.~
mère, en rappelant combien aussi ce))e-ei est
proportionnellement moins riche que la Métropo-le, avec son sol en grande partie encore impro-ductif, et son manque d'industrie: situation di-sons-ie tout de suite, a prendre avant tout enconsidération pour chercher non seulement ce quepeutrëclamerl'instruction publique à iaBeunion,
[~j M. Camille Jacob de Cordemoy.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCtENCES ET ARTS
mais ce qu'on doit attendre d'elle. Aujourd'huicette situation ne fait que relever les sacrifices
pour lesquels la Réunion est peut-être égalée parles autres colonies, mais après leur avoir don-né un exemple suivi bien tardivement.
Quand des idées et des propositions s'accordentvenant de plusieurs côtés, c'est un grand préjugépour leur lëgittmitë, leur à propos et leur impor-tance. Aussi peut-on relever comme un signe fa-vorable l'accord, résultant de recherches indé-
pendantes, entre ce travail et le rapport officielde 1880.
On le voit par expmple pour ce qui regM'de lesMt:mM~ et lesntoMers scolaires. Les recom-mandations de notre auteur à ce sujet ne sont gne-re compléter que par une seule fort importantec'est que le bâtiment d'école comprenne toujoursle logementde l'instituteur, particulièrement pourla sûreté du matériel scolaire. Cela est de rigueuren France et doit l'être encore plus peut-être dansles pays chauds où les bâtiments des classes peu-vent n'être que des constructions légères, aux-
quelles invite le climat, mais qui ne pourraientêtre, sans risqne, isolées. C'est fort justement dureste qu'il demande que tout soit construit en ma.
çonnerie. Quand les travaux du Chemin de feront amené dans l'Ile une armée d'ouvriers outil-lés et expérimentés, la pensée a dû venir quec'était une occasion d'entreprendre le renouvelle-ment ou la construction de tous les bâtiments pu-blics qui laissaient s.désirer, en profitant de cettecolonie industrielle et des élèves qu'elle allaitformer.
L'essor imprimé en France cette sorte de tra-vaux et de dépenses est offert en exemple. Maisil est bon d'avouer aussi qu'on y a manqué de
BULLETIN DE LA SOCtËTË
mesure; qu'on a été quelquefois inconsidéré dansles conditions prescrites, inconsidéré dans les dé-
penses. soit que l'objet en fût peu nécessaire,soit que le contrôle fûtinsumsant. Sous ces réser-
ves, il doit être utile par les fautes commises enmême temps que par le bien accompli.
Les deux auteurs reconnaissent franchement la
supériorité, à la Réunion, des écoles congréga-MtSi'Mde ~ai'coKS, mais en appréciant les cir-
constances, font de cette supériorité un avantageencore plus qu'un mérite. Cependant faut-il croi-re que, après l'extension du service universitaire
depuis quatre ans, cette supériorité n'a pas encoreété atténuée?
Tous deux déplorent l'absence de l'inspirationpatriotique, c'est-à dire de tout intérêt réel, detoute vérité duns l'ense~/Me~M~ de l'histoirede France, cet enseignement qui est le titre prin-cipal de l'instruction a être :'ppe)ée publique Ma-<<o/K!~e. Il est arrivé que non seulement un ins-
tituteur, mais un m~ire, patriote, répnNicain a
appris comme une chose toute nouvelle qu'uneleçon, une interrogation sur n'importe quelle ma-tière pouvait être dans l'école l'occasion d'un
appel au patriotisme.Yoilaia. première application pratique que tous
deux veulent fiLJrede l'enseignement public. Maistous deux montrent qu'il doit y en avoir uneautre que son action doit faire aussi estimer les
occupations du plus grand nombre des citoyens,iesplus indispensable!' à la patrie celles du cul-tivateur et de l'ouvrier, et que sur <'e point ilfaut introduire l'exemple dans les écoles, rar
exfmple paip.-t-ou toujours un serviteur à l'ins-
tituteur, qui doit pourtant montrer à ses élèves
DES SCIENCES ET ARTS
à accomplir les travaux domestique", a ne pasrougir des occupations manuelles?
Tous deux s'accordent dans l'appréciation des
conférences, tentées des i880, et qui peut-êtrefonctionnent manintenant; des concours, chose
qui doit être rare, inattendue et qui à cause decela fut suspendue en 1880, je crois; desce/
~c<t<! d'étude mis en vigueur cette année là.
Tous deux s'accordent, pour le para.l!ete des,choses de l'Instruction put/tique entre la Franceet la Colonie, à prendre le terme de ocmparai-son le plus naturel, c'est a-dire un départementdes Alpes. Mais l'infériorité de !a Colonie, si elleest incontesta bif, n'est-elle pas exagérée? Elleexiste et il est aussi étonnant que regrettablequ'elte soit restée aussi pour les salles d'asile.Mais il doit y avoir supériorité pour les ottt;rot/'s.Sont-ils vraiment réduits à deux ? En 1880, onen comptait treize, ou, en ne comptant que lesétablissements publics et sépares de tout autres,environ six. Avec des améliorations, la supério-rité sous ce rapport était une des plus précieusesà maintenir. ·
Il n'y u pas non plus à taxer beaucoup laRéunion d'infériorité pour s'}8 comités qui sonttraités un peu rudement de MOtMMtan.E.On haitbien ce que sont ordinairement, plus ou moins, lescommissions, ne sortant que par intermittenced'une tranquillité muette et léthargique ou nevivant que par un seul de leurs membres. Maissi la Colonie conserve dans son administration
quelques élémentsrefractaires à une centralisationaussi complète que dans la métropole, elle peutfaire quelque cas de Les comitéslocaux qui n'exis-tent pas eu France: car les délègues cantonaux
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
ne sont que des visiteurs isolés d'écoles ne for-mant nullement un corps.
Pour les caisses des écoles, la Réunion en don-nerait tout comme la métropole. Une expériencefat &it<! un jour à HeD-Bourg au premier ap.pet en un instant, on réunit de quoi améliorerno-tablement le vêtement et la nourriture des élèves.Ce fut un des exemples peu connus mais asseznombreux et de plus d'une sorte de ce qui pour-rait se réaliser au milieu d'une population tropdépréciée quelquefois même par les siens.
Pour les bibliothèques pedai'yog~MM ellessontfort utiles. Ma,Isc'est une lacune bien aiséeà combler. EUes ne doivent pas être nombreusesni contenir beaucoup de volumes, sous peine d'ê-tre dénaturées. Des administrateurs dévoués onten France modéré les libéralités de ce côté au
profit d'autres établissements plus utiles a déve-
lopper, par exemple les bibliothèques scolaires.Une observation semblable est à faire pour les
cat'sses d'épargne scolaires. On risque d'y con-fondre ce qui procède de l'élan du cœur, de Fes-
prit d'ordre et du sacrifice volontaire, avec ce
qui est arraché par de petits importuns à leurs
parents en vue d'une bonne note, ou même parla pression de l'instituteur sur ses élèves. Des
gens expérimentés se sont par ces raisons un
peu refroidis pour cette institution, quoiqu'ellepuisse agir fort heureusement sur bon nombred'enfants et même de parents. Mais l'instrumentest d'un maniement bien délicat.
L'auteur de notre article se plaint du peu decontrôle exercé sur les écoies primaires. Il enfait le reproche un peu à tout le monde, depuisles conseils municipaux qui, après de si véhé-mentes revendications à ce sujet, se contentent,
DES SCIENCES ET ARTS
parait-il, d'une victoire platonique, jusqu'au Vi-
ce-Recteur qui, dit-il, semble plus particuliè-ment attaché au Lycée, et ne s'occupe guc~res en fait des écoles primaires.
Cela est-il tout à fait exact. Il est vrai qu'unri
recteur, en France, s'occupe praticulièrement de
l'enseignement secondaire. Mais un inspecteur«l'académie s'occupe plus particulièrement du
l'enseignement primaire.Quant au regret qu'il n'y ait eu que trois
rapports des chefsde service de publiés (au moinsau moment où l'auteur écrivait}, il est très-juste,et les représentants et dépositaires des intérêtsde la Colonie auraient pu s'en émouvoir plus tôt.Du jour qu'il y avait un inspecteur d'académiechef de service on devait s'étonner qu'un rap-port de 1ui ne fût pas publié chaque année, com-me en France il l'est par les soins de la Préfec-ture. Il en a été en effet rédigé dès le coinmen
cernent mais il eût fallu que la publication enfût réclamée par quelqu'un.
L'opinion que, des trois rapports publiés, ce-lui de M. Viantite rapproche davantage du
type qui serait utile, appelle une observation.C'est que ce qui semble une lacune dans les au-tres rapports est une omission volontaire. Jamaisun rapport publié sur l'instruction publique enFrance n'est entré dans les détails personnels.Les personnes mêmes qui ont approuvé ici cette
divulgation ont-elles jamais attendu rien de pa-reil pour une autre administration? L'imagina-t-on pour ie personnel judiciaire ? pour tout au-tre ?
Mais si un rapport sur l'instruction publiquene publie pas les notes individuelles, il n'en doit
pas moins établir 1a valeur des écoles prises
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dans leur ensemble, la situation générale, les
lacunes, les améliorations accomplies. Or
celuide 1880, cité spécialement, n'y a pas man-
qué. Puisqu'il a été question de comparaisonavec la Métropole la Réunion pourrait avec
quelque complaisance comparer le niveau de ses
examens atteint dès 1879, avec celui des exa-
mens en France et tout d'abord à Paris.Il n'est pas moins vrai que les résultats pour
chaque école doivent être relevés, et ils l'ont étébien souvent, en particulier dans la période pré-cédant ce rapport de 1880. Il est bien vrai aussi
que ces rapports sont efficaces à la condition de
ne pas être immédiatement ensevelis dans la
poussière silencieuse des bureaux. Les communi-
cations des rapports et des conclusions n'étaient
alors permises, d'une part, qu'avec la Commis-sion supérieure de l'Instructiou publique et le Di-
tecteur de l'intérieur, d'une autre, qu'avec lescomités communaux et les Maires.
Or ces communications étaient fréquentes et
peut-être même prodiguées, il n'y avait pas as-
surément lieu de dire que le chet de service sem-
blait plus particulièrement attaché au Lycée.Quant à leur transmission aux assemblées inté-
ressées et même obligées à en avoir connaissan-
ce elle se trouvait appartenir au Directeur de
l'intérieur en rapport avec le Conseil général, et
surtout à chaque maire dans le Conseil munici-
pal.Il n'est donc pas très exact de dire que le rap-
port de 1880 n'est qu'un programme. Une gran-de place, il est vrai, y est donnée à ce qui est
programme de toute nature, parce que c'était la
première occasion pour son auteur d'appeler l'at-
tention sur ces matières, toutefois il n'a pas ou-
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blié que la nécessité de soumettre les résultats
généraux au public et aux assemblées est la vraieraison de ces sortes de travaux, et qu'il est essen-
tiel que les chefs de service tiennent la Colonieau courant de leurs efforts et de leurs tentatives.
Nous rencontrons aussi, à ce propos, le regretqu'il n'existe pas de programmes de l'ensei-
gnement et de l'emploi dtt temps. En effet, e:i-tre les mesures pour l'organisation et les pro-
grès de l'instruction publique, il n'en est pas de
plus essentielle. Toutes les autres n'ont de valeur
que pour aider à l'application de ces programmes.Mais ils sont peut-être promulgués aujourd'hui.Du moins, en 1880, ils étaient rédigés en détail,tenant compte des conditions particulières à la
Réunion même pour l'enseignement agricole et
prêts pour une application immédiate.
C'est encore une satisfaction de rencontrer lesvœux pour la constatation de l'état du maté-riel et de ce qu'il laisse à désirer, d'accord avecce qui avait été effectué avant 1880 constata-
tion de l'état du matériel dans chaque école, etcommencement des mesures d'amélioration.
Tous deux se rencontrent aussi par l'expérien-ce, soit des meilleures conditions de l'enseigne-ment, soit des éléments favorables existants dans
la population créole, pour préconiser l'emploi
plus général des institutrices.
Il en est de même pour l'importance des con-ditions d'âge dans les écoles. Mais ici encore il nefaut pas trop humilier la colonie par comparai-son avec la Métropole. Celle- ji a des règlementsà ce sujet, mais bien imparfaitement observés; et
ici comme là-bas c'est une cause de véritable dé-
sordre, de dépenses et de moindres résultats. Eueffet les élèves âgés, surtout s'ils sont les plus
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
avancés attirent les soins particuliers du maître
presque toujours aux dépens de l'enseignementrégulier de la masse des enfants pour qui l'écoleest faite.
C'est pour eux qne doits'ouvrirle cours d'adul-tes ou plutôt les deux cours différents d'adultes,les avancés et les arriérés, cours si utiles à mul-
tipHeravec cette distinction; et qu'il faudrait dis-
tinguer encore des cours des apprentis enfants
d'âge scolaire, mais déjà attachés à un métier
gagne-pain.Si on respectait inflexiblement ces démarca.
tions, il en résulterait, entre autres avantages,celui-ci, le plus précieux: que des adolescentsne seraient pas retenus écartés du travail manueldont à certain âge on ne prend plus l'habitude.C'est là un mal, un appauvrissement, un désordre
moral dans la colonie et en France.Ecoles, programmes, règlements mûrement
établis, consciencieusement observés, améliorés
par la vigilance, avec la tendance aux applica-tions pratique: voilà de vrais préparatifs d'ex-
pédition pour Madagascar, même concurremmentavec l'œuvre militane, surtout avant qu'elle fût
engagée, et aussitôt apre-i – pour MadagascaroùFlacourt, malgré des mécomptes sanglants, re-commandait de n'envoyer que des laboureurs etdes artisans; où pendant un demi-siècle les es-
prits les plus éclairés invitaient à soumettre parun commerce bienveillant el non par la force etla violence, en y détruisant l'esclavage et en y in-
vitant les nationaux. (Gossigny).Pour cette affirmation qu'acceptait le génie,
net et précis autant qu'étendu de Colbert (on levoit par les statuts de la Compagnie des Indes en
1664), se sont rencontrés les esprits guidés par
DES SCIENCES ET ARTS
les inspirations les plus différentes. Sans comp-ter ceux qui ne nous ont pas laissé d'affirmationsaussi spéciale?, Turgot et les administrateurs des
Mascareignes les plus expérimentés, Poivre, Ter-
nay et maint de leurs coopérateurs, on trouve en
grand nombre, il y a plus d'un siècle, celles desavants spectateurs désintéressés comme Rocher,Legentil, Commersou aussi bien que d'hommeshardis aux tentatives ou aux systèmes, tels que,l'aventurier Beniowski si malaisé encore à juger,et le républicain Brunel formulant en 1796 lesmesures prises en 1848 mais aussi d'hommesles plus calmes, les plus éclairés, les plus compé-tents, comme le savant créole (Jossigny entouréde malgaches sur ses riches domaines.
Voila quel a dû être le constant sujet de préoc-cupations de tout administrateur aux vues éle-vées et patriotiques depuis le gouverneur jusqu'auchef de service de l'instruction publique et quele rapport de 1880, s'il est le plus développé de
tous, aurait dû hardiment signaler.La plus belle créatiou possible d'écoles sera
avec un enseignement agricole, une école d'artset métiers à la Réunion, visant. dessin établis-
sement, à se compléter le plus vite possible parune succursale malgache, à Sainte-Marie, à Nos-
si-Bé, Passandava, Saint-Augustin et mieux en-core à notre vieux Fort-Dauphin, enfin sur le
sol même de la grande île.
ANTOINE.
Lettres curieuses sur divers sujets
Pauis 1725 in 12. T. II. p. 174.
Ilcluiioii d'un voyage de Son Excellence
Monsieur le Comte el'fiîricelra a
Grand de Portugal, ci-devant vice-roi
et capitaine général de, Indes Orientales.
« L'auteur nous apprend que le Vice-Roi partit de
o Goa, le 23 janvier 1721, sur le vaisseau la Vierge du
«Cap, portant 30 canons, 130 hommes d'équipage et un
grand nombre de passagers. Mais il n'est pas ques-«tion de l'archevêque de Goa. Le 10 lévrier survint
« une tempête qui dura quatre jours dans toute savio-c lence. D énormes oies se déclarèrent les trois
« mâts etlegouveniciil furent brisés: il fallut jeter à la« mer neuf canons et une grande partie du charge-
ment, en même temps qu'on bouehait les voies d'eau.
« Quand le temps i'ut moins rude on installa comme ou
« put, en cinq jours de travail, une mature et desgré-« ments improvisés. »
Pour lors, dit la relation, le vaisseau gouverna
vers l'île Bnirbon éloigné d'environ 480 lieues;
c'était la terre la plus pioche où l'on pût relâ-
cher.
«Cependant il y eut encore un gros temps à essu ·
a qer, du 30 mars au '/er avril. Enfin. »
Le 5 avril on vit à la distance d'environ trois
lieues l'île Maurice nommée par les Français l'île
de France.
I e 4 on eut connaissance de l'île Bourbon, où
J'on mouille le C à la pointe du jour sur seize
bi:i,«ses d'eau dans la rade de Siiint-DeniF,nu fond
de laquelle est le quartier et l'habitation de Mon-
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENdEê ET AHTfc
7
sieur de Beauvollier de Courchant, gouverneur de
l'île pour Sa Majesté trè-s-chrétienne lequel re-
çut Monsieur le comte d'Ericeira avec tous les
honneurs qui sont dus à ce seigneur, et avec
toute la magnificence qu'un tel lieu pouvait per-mettre. Il le fit saluer de sept coups de canon, et
accompagner par les habitants jusqu'à la maison
qui lui avait été préparée, où il entra en passant
par une double haie de cette milice, qui le salua
de trois décharges de mousqueterie.Comme il y avait sur le vaisseau plusieurs ma-
lades, Monsieur le Comte d'Ericeira, tendre et
compatissant, les fit mettre à terre, et leur fit
préparer une maison
Le 26 du même mois à la pointe du jour il pa-rut deux vaisseaux qui s'approchaient de Saint-
Denis, avec la brise assez forte. Ils avaient tous
deux pavillon anglais. Monsieur le comte d'Eri-
ceira qui était à terre dans une maison plus éloi-
gnée du bord de la mei', et à une certaine distan-
ce de celle où étaient les malades les passagerset ses domestiques, alla promptement à son bord,suivi seulement de deux gentilshommes, dont l'un
avait été son capitaine des gardes dans les Indes,et l'autre capitaine de sa chaloupe, d'un capitained'infanterie au régiment de Goa, et d'un valet de
chambre.Monsieur de Courchant fit tout ce qu'il put pour
empêcher son Excellence d'aller s'exposer dans
uue rade foraine, sur un navire tout délabré et
sans soldats, mais sa valeur l'emportunt sur l'a-
vis de ce gouverneur, il lui dit qu'il croyait de
son devoir de courir les mêmes risques que le vais-
seau du Roi son maître, qui lui avait été confié.
Avant de radeuber le vaisseau, on avait dé-
couvert le derrière pour le visiter, et l'on avait
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
trouvé A courbes crevées parla force du roulis.Son excellence n'ayant que 21 canons, 34 fusils,
point de sabres, d'espontons ni de g/enades, et
manquant de tout ce qui est nécessaire pour em-
pêcber un abordage, à cause que quelques unis-ses pleines de ce? aimes avaient été jetées à la
mer avec rne partie du canon et les marchan-
dises, il ne faut pas s'étonner si on se trouvedans un grand embarras mais comme les plusgrands périls ne sont pas capables d'effrayer ce
Seigneur, il se prépare à se défendre à i'anchrefaute de mâts et de voiles pour se battre en fai-sant des bordées. La côte de l'île étant dépour-vue de canon, de forteresses et de troupes, il n'é-tait pas possible d'empêcher l'approche de deuxvaisseaux en cs>squ'ils fussent pirates.
Cependant les vaisseaux approchaient tous
deux pavoisés de rouge, et étant à portée de fu-
sil, mirent leurs pavillons noirs, semés de têtesde morts, et commencèrent brusquement à envo-
yer des bordées de canons, et des décharges de
mousqueterie. Monsieur le comte d'Ericeira résolude vaincre ou de périr, en fit faire autant à son
vaisseau mais quelques efforts qu'il fit, la partieétait trop inégale pour n'être pas accablé. Le
Victorieuse, un des vaisseaux forbans, monté de36 pièces de canon, et de 200 hommes d'équipa-ge, commandé par La Bausse, français de nation,mouilla sous son beaupré, et en même tempsl'autre forban nommé la Fantaisie, commandé
par Siger, anglais (1) de 36 canons et do 280hommes d'équipage, vont par le gaillard du côtéde tribord mais le jeu des portugais lui fit man-
quer l'abordage, et après avoir été repoussé vi-
(1) Onle nomme ailleurs Butler.
DES SCIENCES ET ARTS
goureusement, il alla se mettre à l'attribord toutouvert et sans défense, et continua son feu jusqu'àce qu'il eut fait sauter la dunette. Le vaisseau,pour faire mieux servirson canon, tâcha de pré-senter le côté aux ennemis en faisant couper son
câble mais malheureusement le calme qui sur-vint tout à coup fit que le vaisseau, demeura im-mobile faute do vent. Cependant le feu continuaitde toutes parts, etdéjîi sept canons du vaisseau
portugais étaient hors d'état de servir, l'un avantsauté à la mer et six ayant été démontés de leurs
affûts, lesquels furent brisés par la viuleiicn du rou-lis du vaisseau avant et après qu'il eût été démâ-
té, ce qui domid un moyeu aux forbans de monterà l'abordage pour la seconde tois.
Ils franchirent le bcaupré pur l'arrière (I), eteutrèrent près de 200 hommes qui accablèrent les
portugais, extrêmement diminués par les morts,par les blessés, et par ceux qui au nombre detreize avaient gag aé le vaisseau le Victorieux et
pris parti avec les for' uns. Le rr?te ds l'équipagese jeta à la mer tâchant de gagner !a l.srre h la
nage, Ou se précipitù <i;iusla cil- t:ii!em"'it queMonsieur le comte d'Eii;eir i -etrouva sur le pontabandonné de toutsoti moiiuc. excepté d'environvingt personnes (2), y compris se- tioi-, domesti-
ques, et ceux qui restèreiitdaos l'entre-pont, gar-dant le lieu où ou les avyifcplacés.
Comme son Excellence a en la b^nlé de nous
communiquer cette relation écrite de sa main pro-pre et que sa modestie nous a imposé silence sur
une infinité d'actions, dont le gouverneur de l'île
(1) Cela est assez singulièrement dit, il est visible queles forbans eutrèrent pai' l'avant.
(2) Le nombre "211donné plus haut comprend dts per-sonnes passées dans l'entre-pont.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
Bourbon a envoyé un détail exact et circonstan-
cié à la compagnie. Nous nous contenterons
pour obéir à Monsieur le comte d'Ericeira de
dire simplement qu'ildemeura ferme sur le gail
lard de derrière, ou il essuya un feu terrible et
continuel à lu tête de sa petite troupe, composéed'onze personnes où il f ut d'autant plus exposé
qu'ayant lui seul un habit d'écarlate les deuxvaisseaux forbans avaient toujours tiré sur lui, lechoisissant à chaque coup de sorte que c'est une
espèce de miracle qu'il n'ait pas été tué, ayantété oblige de pointer lui-même plusieurs canonsn\ ec des morceaux de bois, faute d'instrumentsnécessaires. Cela irritait si fort les forbans queplusieurs se jetèrent impétueusement sur lui à
coups de sabres, dont il en para un fort heureu-sement de sa canne, selon le rapport qu'en a fait
le gouverneur de Bourbon mais enfin accablé
par la multitude, il fut saisi par derrière et ren-versé sur le pont où il se défendit encore intrépi-dement avec sa canne, la lame de sou épéo ayantété cassée. Il aurait pourtant péri sous les coupsredoublés si Taylor anglais et quartier-maîtredes forbans, n'eût pas crié aux siens de ne le pastuer, et de faire cesser partout le carnage Il yavait sur le pont plusieurs portugais morts ou
blessés; le nombre des nègres esclaves qui étaientà bord, destinas pour le Brésil, était diminué de
plus de soixant». Monsieur le comte d'Ericeirafut conduit à bord du vaisseau la Fantaisie, ettraité fort civilement par les foibans ils lui ren-dirent même son épée, quoique d'or, et sa croixde l'ordre du Christ. Quelque temps après, levais-seau portugais qui était dégréé des vergues et desmanoeuvres fut remorqué jusqu'à larade de Saint-Denis.
DES SCIENCES ET AR1S
Les forbans détachèrent le vaisseau le Victo-rieux leur meilleur voilier, lequel arriva avantla nuit, et ayant envoyé sa chaloupe bord d'unvaisseau Ostendois, nommé la Ville d'Ostendede ii canons, ttde soixante hommes d'équipa-ge, commandé par le capitaine Erderik Andrik,qui se rendit sans avoir tiré un seul coup rie ca-
non, à cause que l'équipage, mutiné contre le ca-
pitaine, ne voulut pas combattre. Ce vaisseauqniavait relâché pour boucher plusieurs voyes d'eau,ayant appris l'événement de Saint-Denis, s'était
approché de terre sur ud pied et demid'eauLe Gouverneur de l'île qui était allé par terre
à Siiint-Paul, où il craignait quelque descente, yarriva à la pointe du jour pour donner avis des
fortuns, et pour faire mettre les habitants sonsles armes afin d'être eu état de défense. A huitheures du soir Monsieur le comte d'Ericeira vit
venir à son bord Cogdom,forban anglais, qui avaitcommandé un vaisseau, et avait obtcnn pour luiet son équipage une amnistie au nom du Roi etde la Compagnie. Il fit à son Excellence des
compliments de la part du gouverneur, et tâchade persuader les officiers Forbans de laisser allerMonsieur le comte d'Ericeira à terre, mais quel-ques instances qu'il en fit,il ne peut rien obtenir.
Le jour suivant son Excellence parla elle-mê-me au capitaine Français la Biusse qui lui promitde faire tous les efforts imaginables pour obtenirsa liberté mais il lui fut impossible de vaincrel'obstination du capitaine Siger anglais.
Monsieur le comte étant à table avec ces mal-heureux là, leur dit en riant qu'il était un meublebien inutile daus un vaisseau Forban qu'il neleur servait à autrc chose qu'à faire devenir leurs
vivres plus rares, et qu'ils le devaient laisser al-
BULL1TINDE LA SOCIÉTÉ
ter à l'île Bourbon. Sur quoi Siger lui demandasi son Excellence pourrait trouver à terre 2,000
piastres pour sa rançon. Elle lui répondit qu'a-près avoir perdu tout ce qu\ Ile avait il serait
peut être ass<z difficile de trouver cette somme,mais qu'on lui permit d'écrit o Monsieur le gou-verneur par un de ses gentil.'hommes ce qui luifut accordé, et le lendemain la Buusse s'offrit
pour aller lui-même porter la lettre. Les 2,000piastres arrivèrent à midi, et les Forbans tapis-sèrent magnifiquement leur plus beau canot, qu'ilsoffrirent à Monsieur le comte pour le conduireà terre. Les officiers l'accompagnèrent, et même
chaque vaisseau le .alna de 21 coups de canonet par onze crïp de Vive le Roi.
Le gouverneur, toujours attentif à ce qui étaitdit à ton Excelienet l'attendait sur le bord de la
mer, à la tête de qi.cslques habitaus le fusil sur
l'épaule et le menit ûiner ch: z Mr n^ieur DesforsresBoucher, Lieutenant de-Roi clé l'île (1). Les For-bans lestèrent encore deux jour» à terre se pro-menant partout sans armes, et sans faire inanitéà persoune. Ils demandèrent quelques rafraîchis-sements qu'ils payèient au prix courant. Ils vou-lurent faire un piésent au gouverneur d'une ma-
gnifique pendule d'Angleterre, mais il la refusa.Ils partirent enfin apiès avoir tenu couseil, man-
quant à la parole qu'ils avaient donnée de rendreune des prises après l'avoir fouillée. Ou crut quece manquement de paroles vint de ce que les
Portugais et les Flanis>ns qui avaient pris partiavec eux leur firent accroire qu'il y avait desdiamants cachés, ce qui était faux.
(l) Quoique le gouverneur eût son habitation à Saint-
Denis, le siège de l'administration était toujours àSaint-Paul.
DES SCIENCES ET ARTS
Son Excellence demeura à l'île Bourbon jus-qu'au 15 novembre qu'elle est partie pour Fran-
ce (1), sur le vaisseau le Triton, de la compagniedes Indes, de 34 canons, conimauié par Mon-
sieur de Fougeray-Garnier, deSaiat-Malo, qui ve-nait de JJoka chargé de café.
ANTOINE.
,<|1) II semble donc que c'est à tort que d'autres écri-vains ont dit que le Vice-Roi était resté jusqu'au com-mencement de l'^née suivante ou près d'un an àBourbon. Son séjour a été d'un peu plus de six mois.
Le Soudan et le Haut Sénégal
Messieurs,
J'ai tenu à payer ma dette de bienvenue nl'honorable Société qui m'a fait l'honneur de merecevoir dans son sein. Quoique de bien faible
valeur, j'espère que mon témoignage de bonnevolonté me sera compté comme un bon point par-mi vous. Aussi, tout en vous demandant votreextrême indulgence, je me risque à exiger devous quelques minutes d'attention pour une ques-tion qui, si elle n'est plus d'actualité maintenant,touche encore de bien près cependant au granl 1
principe de notre politique colonialedu moment.Il s'agit du Soudan français, de l'affaire du
iIaut Sénégal. Vous avez été tenus au courant parles journaux des projets grandioses qui depuis1880 ont été à l'ordre du jour, la pénétration aucentre Afrique par l'Algérie et le Sénégal. Certes,si des événements politiques de toute autre na-
ture, n'étaient venus changer les intentions du
gouvernement, si le Tonkiu, la Tunisie, Madagas-car n'avaient pas préoccupé par ailleurs nos hom-mes d'Etat, nous aurions peut-être mené plusrondement cette affaire et les critiques, dont ellea étél'objet, auraient peut-être alors été atténuées
sinon étouffées par les résultats obtenus, c'est-à-
dire parla léussite. Dans tous les cas, l'œuvre duchemin île fer du haut Senégal a compté en Fran-ce autant de partisans que de détracteurs. Pré-sentée 1ar h s enthousiastes chauvins comme une
panacée pour l'émancipation coloniale, considé-
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS
rée au contraire par ses adversaires comme une
conception idiote, dangereuse et inutile, la ques.tion envisagée froidement réunit cependant toutes
les conditions de haute politique et doit être étu-
diée sans parti-pris, en mettant dans la balance
le pour et le contre. En pensant surtout, que si
les résultats attendus ne devaient pas être immé-
diats, on préparait au moins le terrain pour l'ave-
nir qu'on ouvrait à l'activité des générations
françaises futures de vastes champs d'exploita-tion pour l'initiative privée et qu'enfin on agran-dissait en Afrique, en semant la civilisation, la
surface des tories destinées à être converties parle drapeau tricolore.
Mêlé, comme je l'ai été, aux secrets de cette
grande question, confident intime souvent des
hommes spéciaux et de haute valeur auxquelsétait confié le soin de mener à bien l'œuvre, j'aieu entre les mains des éléments d'appréciation
que n'ont certes pu posséder ni les détracteurs ni
même les euth'iusiastes chauvins de la question.C'est pour ce motif que mon exposé sera l'ex-
pression fidè'e de la vérité.
Je ne vous parlerai que pour mémoire de la
colonie proprement dite du Sénégal. Les deux ar-
roiidisscmcirs qui la composent et qui ont pi'iirflief-lieu ù5i Louis, siége du gouvernement :'i
l'emboucliutv du fleuve Sénégal, et Dakar, portmilitaire et couinieicial important mr le pioinou-toire iiu Cap Vert, sont depuis le mois de juilletdernier reliés par un chemin de fer semblable à
celui que nous possédons à laRéuuion. Ce chemin
de fer a 258 kilomètres de parcours et travrrse
le Cayor, province pour ainsi dire indépendante,dans sa plus grarde partie.
La colonie du Sénégal ne ressemble pas an»
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
autres colonies. Composée de postes militaires e
comptoirs disséminés, séparée les uns des autres
par des pays indépendants ou des colonies étran-
gères, elle offre un assemblage bizarre de pays di-
vers de races, de peuples d'allures différentes va-
riant entre l'arabe, le yoloff, le peul, le mandri-
gue, le bambara, le sarracolet, le maure, l'égyp-tien même, différant même de religion et coha-
bitant en conservant leurs mœurs respectivessur ce sol qui n'est ni fertile, ni Improductif, mais
qui n'acertespas les qualités ni la beauté du beau
sol bourbonnais.
JI ne faut pas non plus confondre le Sénégal
proprement dit qui ne s'étend pour ainsi dire,administrativement parlant, que jusqu'à Médine,avec le Haut-Sénégal qui va de MéJiue jusqu'au
Niger.Par suite il ne faut pas confondre le chemin
de fer de Dakar à Saint-Louis, chemin de fer es-
sentiellement colonial concédé .à une société, >comme celui de Bourbon et exploité par elle avec
le chemin de fer du haut fleuve appelé pour le
moment chemin de fer de'Kayes à Bafoulabé en
attendant qu'il devienne chemin de ferde Kayesà Bamakou sur le Niger. Ce dernier est plutot
stratégique pour le moment, jusqu'au jour où il
pourra devenir commercial Le Chemin de fer de
Kayes àBatoulabé a été la conséquence de notre'
occupation au delà du point où le fleuve cessait
d:êtte navigable. Le fleuve du Sénégal est eu ef-
fet navigablesur 250lieues de son parcours, c'est-
à-dire jusqu'à Médine pendant près de cinqmois de l'année. J'ai vu pund-mt mon séjour au
Sénégal, et c'était la première fois que l'expérien-ce s'tn tentait, deux navires à vapeur de 1,200tonneaux partis de Bordeaux avec uu chargement
DIS SCIÏNCBSETARTS
de matériel pour le haut-fleuve remonter le Sé-
négal jusqu'à Kayes à 13 kilomètres avant Médine,et revenir 20 jours après à Saint-Louis sans au-cun accideut ni échouage.
Ces deux navires sont le Condé de la maisonMaurel et Brun et le Soudan de la maison De-vès et Chaumont. L'épreuve de la navigation dufleuve était donc concluante. Mais avant de vous
parler du chemin de fer du haut fleuve permet-tez-moi de vous donner quelques détails sur l'his-
. toriquede îa question, en remontant à l'origine.Vous savez que déjà en 1863 l'illustre gouver-
neur qui a donné à cette Colonie l'élan réel d'miacolonisatiou intelligente, le général Faidherbeécrivait: II bous faudrait créer une ligne de pos-tes distants d'une trentaine de lieues entre Mé-dine sur le Sénégal et Bammakou ou tout autre
point sur le Niger afin d'éfciblir un centre com-mercial sur le fleuve et par suite détourner au
profit du Sénégal le courant des caravanes demarnes qui sillonnent le désert en aliant de Tom-
bouktou, de Segou et de l'intérieur au Maroc etvice versa. Le premier de ces postes serait Ba-. •
foulabé.Cette' idée donna naissance à la mission de
Mage à Segou en 1863. Mais de 1865 à 1879 onne put en raison des événements politiques deFrance rien faire de ces côtés. Ce n'est qu'en 1879
que la question fut reprise et voici dans quellesconditions.
C'est le fameux projet du Trausaharien duchemin de fer à travers le Sahara qui a donnénaissance à la question des chemins de fer séné-
galais.Vers 1879 la Commision parlementaire, poli-
tique, économique, technique et administrative
L ETIN DE LA SOCIÉTÉ
nommée pour étudier certaines questions relativesau Sud de l'Algérie et à l'Afrique il'aprè3 les
renseignements qui avaient été donnés au Gou-vernement et aux Chambres sur la proposition etles études d'un M. Duponchel, ingénieur, conçutla pensée de joindre par une voie ferrée le Sud de
l'Algérie au centre de l'Afrique en se basant surdes documents d'un certain intérêt produits pardes voyageurs envoyés en mission et sur les ré-cits d'hommes spéciaux appelés en témoignage.
C'était surtout le Soudan, ce pays mystérieux,cette fameuse ville de Tombouktou, capitale d'un
empire qu'on disait immense, c'ét.iit en un motcette terre promise du centre Afrique qui était l'ob-
jectif. On se voyait déjà descendant le Niger surdes paquebots magnifiques et allant barrer aux
anglais un étés par les cataractes de Boussa lechemin de l'EJen soudanais. En effet à ce mo-ment on était prévenu que des missions anglaises,avec titre officiel, remontaient le grand fleuve del'embouchure à la source avec l'espuir même dedoubler les fameux Boussa ou cataractes qui setrouvent à 300 lieues environ au-dessus de l'em-bouchure On voyait déjà une voie ferrée traver-sant le Sahara et le drapeau tricolore flottant surlesminarets de Tombouktou.
!.a mission Flatters qui périt si tristement l'an-née suivante, massacrée par les Touaregs, avait
par les récits de sa première expédition enflam-mé tous les enthousiasmes, et on ne doutait plusde la possession entière du quart de l'Afrique di-visé en quatre provinces la Berbarie, le Sahara,le Soudan central et le Soudan sénégalais.
Mais dans le sein de la Commission du Tran-faharien il se trouva des hommes d'un esprit plusréfléchi, plus pratique, qui, sans s'opposer à la réa-
DES SCIENCES ET ARTS
lisation de ces grandioses conceptions proposèrentnn moyen terme, c'est-à-dire un tempérament anzèle ardent des géographes politiques en cham-bre. Ces hommes étaient les français éminents quel'on nomme le général Faidherbe, le général Brièrede l'Ile, l'amiral Jauréguibéry et M l'Inspecteurgénéral des Ponts et Chaussées Legros. Vous
avez, dirent-ils, del'autre côté «luS ihara. une co-lonie française qu'on appelle le Sénégal.
Elleest traversée par un fleuve qui coule del'Estl'Ouest et dont la source est voisine de celle du
fameux Dioliba ou Niger. Les deux fleuves pren-nent leur source pour ainsi dire au même en-
droit l'un sur le versant Est, l'autre sur le ver-sant Ouest. Ce fleuve Sénégal constitue pour vousune voie provisoire de pénétration au Soudan etvous permettra de vous livrer à des études pluscomplètes sur ces pays que vous ne connaissez
que par ouï dire jusqu'à ce jour vous aurez l'a-
vantage au moins d'être chez vous, de pouvoirravitailler plus facilement que dans le Sahara vosmissions. Puis quand vous aurez étudié ces paysinconuus, que vous saurez ce qu'ils valent, vousverrez s'il y a lieu de remplacer les caravanes dechameaux qui sillouilent le Sahara par une voieferréeavec embranchement sur le Sénégalen pas-sant par Tombouktou. Usera temps toujours demettre votre projet à exécution. Ce sera moinsdifficile et moins coûteux. Au lieu de commencer
par le Nord commencez par le Sud, et par le pointle plus rapproché
Ces conseils prévalurent et tout en décidant
qu'on continuerait les études par le Nord on fitentrer le Sénégal dans la combinaison et les Cham-bres votèrent successivement pour les études parle Sénégal des crédits jusqu'à concurrence de 23
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
millions. Ce sont ces crédits qui permirent auxmissions Soleillet, Galliéni, Darrien, Bayol même
de rapporter les premiers renseignements sur levrai Soudan, sur les villes principales de ces pays,comme Bamakou, Kita, Spgou, Sikaoo, sur Tim-bo et. le FoutaDjallon. Quant aux missions du
Nord nous connaissons la fin tragique du colo-
nel Flatters et les difficultés d'exécution qui ontensuite été découvertes.
Ainsi donc la pénétration au Soudan devaitdéfinitivement se tenter par le Sénégal et nousverrons plus tard comment ce projet a réussi,puisque dès maintenant nous savons que le pa-villon français flotte à Bammako et qu'une canon-
nière française démontable sillonne déjà depuisun an les eaux de Djoliba Niger en fleuve uni.
Quelques indications sur la carte sont néces-saires pour donner une idée bien exacte de ta
conception.Mais on remarquera avec regret et c'est là la
critique à faire dans l'exécution tentée de l'œuvre,c'est qu'on a toujours employé des moyens ter-mes. On n'a pas tenté, ceci avecjuste raison peut-être, on n'a pas tenté immédiatement le Tran-saharien. On s'en est tenu à une solution provi-soire en opérant par le Sénégal.
Ceci étant adopté au lieu de faire le cheminde fer comme continuation de celui de Dakar à St-
Louis, on veut piovisoiremeut utiliser la navi-
gation du fleuve et on fait partir iechemin de ferde pénétration ou Soudan non pas de la côte maisde Kayes ou Médine, c'est-à-dire 260 lieues dansl'intérieur. Enfin on décide que le tronçon aulieu d'aller jusqu'au Niger n'ira provisoirementqu'au tiers de la route, c'est-à-dire a Bafoulabéce qui revient à décider qu'on construira uu
DES SCIENCES ET ARTS
tronçon de chemin de fer en plein centre Afriqueéloigné des 2 points lêtes de ligne, naturelles, Saint-Lonis et Banimakou. Un simple examen de lacarte suffit pour dé.nontrer la chose.
Je ne critique pas les moyens employés puisquec'est par raison d'économie qu'on a procédé ainsimais il n'en eit pas moins vrai que, puisque le
principe fondamental était reconnu en bonne
politique on devait tout faire pour marcher car-rément et attein Ire le plus rapidement possiblele but.
En résumé on \onkit arriver sur le Nigercoûte que coûte et je n'ai pas besoin de vousdire comment le colonel Deebordes avec sa co-lonne de 300 hommes an prix de mille difficultéset avec une énergie peu commune a résolu le
problème à la suite de 3 campagnes remarquableset de glorieux faits d'armes.
Les sommes dépensées et pour les expéditionset pour la construction du chemin de fer sont lessuivantes en chiffres ronds
En 1879. 1 million 1/2.En 1880. 3 millions.En 1881. 7 millions (achat de matériel).En 1882. 8 millions 1/2.En 1883. 5 millions.
Auxquels il faut ajouter 3 millions environ surles crédits piopres du Département et de la Colo-nie. Soit un total de 2c>millions environ.
Les résultats sont les suivants à ce jour. L'œu-
vre sans être abandonnée est remise à des tempsmeilleurs. Pnisse-t-il ne pas en être de même de
Madagascar 70 kilomètres de voie fonctionnententre Kayes et Bffoulabé.
Nos postes sont établis et tiennent le pays.Nous
BULLETINCEtA SOCIÉTÉ
sommes sur le Niger. En un mot le but est
atteint, mais si l'on semble abandonner ce qui est
fait, qu'adviendra-t-il dans l'avenir? L'efforténorme n'aura produit aucun résultat et des mil-lions auront été dépensés en pure perte.
Maintenant on s'est souvent demandé pourquoionfaisait un chemin de fer sans tête etsans queue?Je vous ai donné tout à l'heure mon opinion là-
dessus. Mais voici comment on explique la chose
On voulait arriver vite sur le Niger pour l'occu-
per et prendre possession avant les anglais quiconvoitaient la proie. On a donc commencé paroccuper militairement les points importants. Puisensuite on s'est dit: faisons tout de suite unchemin de fer pour arriver jusqu'à Bafoulabé,nous le continuerons ensuite par Kita jusqu'au
Niger quand le moment sera venu, c'est-à-dire
quand le pays que nous occuperons militaire-
ment aura été pacifié, que notre domination ysera assurée complètement et que nous serons enun mot chez nous. Une route ordinaire aurait eu
l'inconvénient de demander un entretien coûteux
et difficile à assurer dans un pays où pendant la
saison des pluies et des inondations les herbes
atteignent des hauteurs de 4 et 5 mètres. Unevoie ferrée s'entretient d'elle-même. Elle est pluspratique pour le transi ort que le dos des cha-
meaux et des ânes, seuls animaux qui résistent
dans ces pays. Remplacer les caravanes par des
convois de voitures dans des pays aussi peu civili-sés n'eût pas été pratique et en fin de compte à
notre époque, la voie carrossable n'est pratiquequ'où la voie ferrée ne peut pas se faire.
La longueur totale de la ligne Kayes en cons-
truction est de 133 kilomètres. Le chemin de ferse dirige sur Bafoulabé poste avancé construit
DES SCIENCES ET ARTS
8
auconfluent des deux rivières qui forment le Sé-
négal, le Bafiny et le Bakoy. Elle se continueraensuite vers le Niger que l'on atteint en passantpar les forts de Budombé, de Kita, par les redou-tes de Kondin, de Kragassolo. La tête de ligne surle Niger sera Bammakou, notre dernier posteavancé actuel, qui se trouve à d.800 kilomètres
de l'embouchure du fleuve Sénégal, en plein inté.rieur de l'Afrique, et qui est relié par le télégrapheavec Saint-Louis. Ce télégraphe a été construit
sous la direction des officiers français par un in-
digène du pays Bé Mademba Seye, au fur et àmesure que la colonne d'expédition pénétraitdans l'intéiieuret maintenant que le câble sous-marin relie Saint-Louis avec Paris, on peut îe-cevoir à Bammakou des nouvelles des élections le
jour même où elles ont eu lieu. Bourbon est moinsfavorisé comme vous le voyez, sous ce rapport.
Je termine en vous donnant un aperçu succinctdu commerce du î "ut Sénégal. A Médiue, d'aprèsles documents ofE-iels, la valeur du mouvementcommercial serait rituellement de 5 millions, àBafoulabé de 8 ml. lions, à Bammakou de 5 mil-
lions, à Kita de 4 i: illionsSi ces chiffres fjat exacts, c'est d'un bon au-
gure pour l'avenir de notre colonie, car avec lesvoies de communication ces chiffres ne peuvent
qu'augmenter.Mais ce sont nos jeunes générations seules qui
pourront prouver si ces conceptions de longuehaleine étaient pratiques. Cela dépendra un peude leur initiative, de leur courage, de leur espritd'entreprise, de leur patriotisme. Comme a dit
Leroy Beaulieu: La France sera une puissance co-loniale on elle cessera d'être. Si l'on est patrioteon doit donc être partisan convaincu des grandes
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
conceptions coloniales qui ont pour but non seu-lement d'améliorer le présent, mais encore d'as-surer l'avenir du pays que l'on aime.
CHARLESCÉRISIER.
Les Etoiles filantes
Permettez-moi, pour entrer en matière, d'em-
prunter un paragraphe à M. Flammarion, l'astro-
nome poète
« Dans la nuit limpide et transparente, une
t lointaine étoile semble se détacher des cieux,
« glisse en silence sous la voûte nocturne, file,c file et disparaît.
« Le cœur éprouvé par les douleurs terrestres« croit que le Ciel se préoccupe de nos destinées,< et que l'étoile filante marque le départ d'une
a âme pour l'autre vie; la jeune fille, dont le
regard pensif s'est attaché un instant sur le
« météore, se hâte de formuler un vœu. dans
l'espoir de le voir rapidement accompli; le
« poète songe que les étoiles, fleurs du Ciel,
n s'épanouissent dans les champs célestes, et croitvoir leurs pétales lumineux emportés par les
vents supérieurs dans la uuit infinie.c L'astronome sait que cet astre éphémère
« n'est ni une étoile, ni une âme, mais un mo-
a lécule, un atome cosmique, un fragment plus« on moins exigu en lui-même, mais dout l'en-
• seignement peut être bien grand, s'il peut nous
apprendie d'où vient et comment il rencontre
« la terre sur son passage.»
r
Qu'est-ce, en «ffet, que ce feu clair et rapide
qui s'allume soudain dans un ciel limpide, par-
-court un arc de cercle plus ou moins grand, ton-
BULLETINDELASOCIÉTÉ
tôt dans un sens, tantôt dans l'autre, et dispa-raît aussi brusquement en laissant un sillagephosphorescent qui se dissipe bientôt ?
Mystérieux projectiles, qu'êtes-vous? d'oùvenez-vous? Est-ce uniquemeut pour donner auxamoureux l'occasion d'émettre un vœu. et auxoisifs celle de méditer, que vous apparaissez? Ou
bien, êtes-vous une manifestation de plus de cette
inconcevable et chaque jour plus admirable loide la gravitation universelle oh la science, au furet à mesure que ses travailleurs pénètrent plusavant, voit s'ouvrir devant elle un infini de pro-blèmes toujours nouveaux ?
C'est ce que je me suis permis de rechercherdans cette petite étude; elle m'a été inspirée parla pluie d'étoiles du 27 novembre dernier, queles habitants de cette île ont eu la bonne fortunede contempler. Bien peu s'en estfallu que ce beau
phénomène ne passât inaperçu, pour nous, cartoutes les soirées précédentes avaient été mar-
quées par un ciel couvert.
L'étoile Mante est un événement de toutes les
nuits, de toutes les heures, pourrais-je ajouter,car il est presqu'impossible qu'un observateur
placé pour embrasser une zone étendue du firma-ment puisse rester une heure, sans en voir aumoins une. M. Quételet estimait à 8 le nombre
moyen des chutes pour une heure, et Sir J.Hershel disait que, souvent, ce chiffre pouvaitêtre porté à plus de 32 pour tout le ciel.
Mais l'observation de véritables pluies d'étoi-les ne remonte guère au-delà de celle que l'illus-tre de Humboldt fit en Amérique dans la nuit
du 11 au 12 novembre 1799; cependant les ha-
DES SCIENCES ET ARTS
bitants de Cumana (Amérique) l'informèrent quele phénomène s'était produit en 1766. Or, il a étéobservé encore plus tôt, en 1733. Cette pério-dicité frappa l'astronome Olbers, qui, dès 1837,annonça pour 1866 le retour des grandes aversesde novembre, et cette prédiction se réalisa com-plètement. Donc, la périodicité de 33 ans estbien établie pour cet essaim.
Boguslawski, se basant sur la connexion quiexiste entre cet essaim et la comète de 1866 dé-couverte par Tempel, remonta dans l'histoire avecles apparitions périodiques de cette comète et ar-riva à déterminer un retard de 3/4 de jour dansles retours successifs du phénomène.
M. A. H. Newton, en cherchant aussi dans le
passé toutes les indications remontant jusqu'àl'année 902 de notre ère, a fixé avec plus de pré-cision encore à 33 ans et 3 mois la durée de la
période; il a constaté en outre qu'un retard deun jour se produisait tous les 70 ans dans la datede l'apparition. En supposant que les météorescirculent en des anneaux autour du soleil, cet as-tronome a recherché quelle devrait être la duréede la révolution dans leur orbite pouvant expli-
quer les chutes périodiques des météores aux
époques observées. Le problème, d'après lui, com-
portait cinq solutions et il émit l'opinion que leretard d'un jour par 70 ans, constaté par lui,devait fournir le moyen de trouver la solution
exacte.Partant de cette idée, M. Adams trouva par
une belle analyse, en tenant compte des pertur-bations séculaires, que la durée de la révolutionde cet essaim d'étoiles filantes était précisément33,25 ans, c'est-à-dire le nombre même qui re-
présente la périoae du phénomène.
BULLETINDE LA SOCIÉTÉ
Nous avons dit que, dans la nuit des 13-14 no-vembre 1866, une grandiose chute d'étoiles fi-lantes vint donner une splendide consécration àces travaux elle produisit une très grande im-
pression sur les astronomes.
Ce fut commeune révélation; M. Schiaparclliy vit une nouvelle et décisive confirmation de ses
travaux si célèbres aujourd'hui sur la connexion
qui existe entre les comètes et les chutes <i'é-
toiles filantes en effet, la comète de 1866 qui a
pusse rilors très près de la terre, 0,19 ou 7 mil-lions de lieues seulement, 83 rapproche égalementtrè.->près de l'orbite terrestre pour n'en être. dansson nœud ascendant, qu'à, la distance 0,0066 ou
214,200liei,es, ce qui, dans l'immensité des cieux,est presque rien, puisqu'on a vu des queues decomètes avoir dix fois cette somme pour équiva-lent de leur largeur, et cent fois, pour leur lon-
gueur. (188"2).De son côté, M. Leverrier, sur les bases éta-
blies par Newton, s'est mis à l'étude, et a dé-
terminé avec toute la précision possible les élé-ments de cet essaim; il démontre que:
1° Ils sont identiques avec les éléments de lacomète de J866
2" Que l'un et l'autre ont été conquis à notre
système par la planète Uranus en l'an 126 de
notre ère, en modifiant leur trajectoire pour la
rendre elliptique.C'était le triomphe de la belle théorie de M.
Schiaparelli. qui ne fait que prendre chaque jourplus de consistance.
DES SCIENCES ET ARTS
Du 9 aul4 août, on constate souvent des chutes
importantes, assez régulières, mais jamais ellesn'ont la magnificence de celles de novembre. Les
pointsd'émission sont plus nombreux et plus ir-
réguliers.Ici encore il y a connexion avec une comète,
la 3"6 de 1862, et c'est elle qui fournit à Schia-
-parelli la première confirmation de sa théorie;cet éminent astronome a démontré l'idendité del'orbite de cette comète avec l'essaim du 10 août,connu sous le nom de courant de Laurentius, enremontant jusqu'en l'an 830 de notre ère.
Elle s'approche plus près encore de l'orbiteterrestre que celle de 1866: 0,008 ou 183,000lieues à l'endroit où passe la terre le 10 août.
En 1863, moins d'une année après le passagede la comète au périhélie, une grande chute eutlieu le 10 août, laissant bien la preuve que l'astre
parsème son passage de corpuscules provenant deta désagrégation.
Il est encore à présumer que la richesse del'essaim du 10 août est augmentée par la ren-contre de l'orbite de cette comète avec celles de1882 11(0,000) et de 1862 II (0,021) dont ellese rapproche beaucoup dans son nœud descendant.
#
Nous arrivons à l'essaim du 27 novembre, le
plus riche detous; nous pouvons en parler main-tenant comme d'un spectacle splendide, stupé-liant, pourrais-je ajouter, et bien fait pour con-vaincre l'homme de son infirmité au milieu des
splendeurs de l'univers.Le centre d'émanation de cet essaim est assez
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
irrégulier, mais on peut pourtant le ramener à la
position suivante:
AR = 23° Décl. = f 45*
c'est-à-dire le voisinage de la belle étoile Gamma
d'Andromède.Voici l'histoire de ce courant de météores, très
curieuse et très originale.Le 27 février 1826, M. Biéla, de Josephstadt,
découvrait une comète; 10 jours après, sans qu'il
y ait eu communication entre eux, M. Gambart,à Marseille, la signalait, et après en avoir calculéles éléments, reconnut celle ds 1772 et de 1805;sa période était de 6 ans 1/2, et l'annonce deson retour en 1832 causa auiaonde une horrible
peur. Cette immense frayeur, accréditée facile-ment parce que l'orbite de c-tte comète coupecelle de la terre, ne se dissip que le lendemaindu jour indiqué, et cependant \rago avait pris la
peine d'écrire longtempsà lV'ince que « lepas-« sage de la comète très près d'un certain point« de l'orbite terrestre aura lieu le 29 octobre« avant minuit; eh bien! la terre n'arrivera au« même point que le 30 novembre au matin,« c'est-à-dire plus d'un mois après. On n'a« plus maintenant qu'à se rappeler que la vitesse« moyenne de la terre dans son orbite est des 674,000 lieues par jour, et un calcul très sim-« pie prouvera que la comète passera à plus de« 20 millions de lieues de la Terre. »
Personne, en effet, ne fut le moindrement in-
•comtnodé, sinon elle, peut-être, car eile ne tarda
pas à accuser les troubles les plus sérieux dans saconstitution.
En 1839 elle reparut, mais dans une saison trèsdéfavorable aux observations et il fallut attendre
DES SCIENCES ET ARTS
1845. Exacte au rendez-vous le 25 novembre,elle suivait sa marche régulièrement sousles yeuxravis des observateurs, lorsque tout à coup, le 15a
janvier 1846, ceux-ci eurent la stupéfaction dela voir se séparer en deux, chaque segment for-mant une comète avec sa queue, sa tête, son
noyau, et s'écartant peu à peu de l'autre.
Qui saura jamais ce qui s'est passé la? Quel
mystère!Les deux comètes s'éloignèrent ainsi côte à
côte, (si on peut ainsi dire de deux objets voya-geant à 60 mille lieues d'écartement) et disparu-renten même temps.
Il est facile de se figurer l'impatience avec la-
quelle les deux jumelles furent attendues en 1852.Elles reparurent, mais leur écartement avait
atteint la distance de 500 mille lieues.Les astronomes n'étaient pas au bout de leurs
étonnements an sujet de cet astre étraDge en
1859, tous étaient à leurs postes pour l'attendre,tous avaient à cœur de constater de nouvelles
surprises.La surprise dépassa leur attente: les comètes
ne reparurent pa-s eu 1859; pas davantage en
1866. Mystère sur mystère 1On avait renoncé à les retrcuver, on ne cher-
chait plus qu'à les oublier.
#
L'illustre Leverrier qui n'était plus, hélas î di-recteur de l'Observatoire de Paris, par suite d'unacte d'injustice qui a indigné le monde entier,
s'occupait, en 1872, d'organiser de nombreuxcentres d'observations en vue de l'arrivée pro-chaine, 12-13 novembre 1872, du fameux essaim
d'étoiles filantes dont nous avons déjà parle.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
Il avait preparé et réparti sur les points les
plus favorables à l'observation, en France, une
petite armée d'astronomes émérites formant unvéritable réseau de stations pour enregistrer lenombre et la direction des étoiles filantes, et les
lignes télégraphiques françaises avaient pris des
dispositions spéciales pour les communications
rapides.La chute ne fut pas très considérable, mais les
observations excellentes. Lesobservateursavaient
quitté leurs postes lorsque dans la nuit du 27 au28 novembre, quelques jours après, par consé-
quent, alors que rien ne le faisait prévoir, arrivaune pluie d'étoiles d'une magnificence inouïe.
Le Père Denza, de Moncalieri, près de Turin,s'exprime ainsi:
« Toutes les admirables et gracieuses figures« que nous voyons tracées sur la voûte du ciel« lors des grandes pluies météoriques, toutesvin-« rent charmer nos yeux. C'étaient de nombreux« météores aux couleurs délicates et variées,« plusieurs suivies de longues et brillantes trai-
« nées, un grand nombre éblouissant de lumière,
a quelques autres du diamètre lunaire à peu près< des nuages transparents et luisants, qui ça et
« là, en mille manières, se rompant dans l'at-« mosphère, s'ouvraient en faisceau de rayons« aux formes les plus vagues et les plus bizarres. »
Qui pensait alors à la comète de Biéla, dispa-rue depuis 20 ans?
Cependantun astronome allemand, Klinkerfues,
voyant les étoiles filantes tomber à gros flocons
au moment même où la terre passait au point
DES SCIENCES ET ARTS
d'intersection de son orbite avec celle de la dé-
funte comète deBipla, crut que c'était la comète
elle- même qui avait rencontre la terre, calcula la
position de celle. ci, et comme elle ne pouvait être
visible que<inns l'autre hémisphère, il télégraphiaà Pogson, Il Madras, cette dépêche devenue lé-
gendaire
Biêla rencontré Terre le 27, cherches prèsthêta Centaure.
Pogson aperçut effectivement une comète le 1"'décembre à la place indiquée, mais le temps nelui permit pas des observations précises, et leschoses en sont restées là.
Il n'en restait pas moins parfaitement établi
que la terre, fur le parcours de la comète de
ISiéla, a traversé un essaim colossal de corpus-cules cosmiques qni ont produit la pluie du 27
novembre, pendant laquelle on n'estime pas àmoins de 100 mille le nombre des fusées de cemerveilleux feu d'artifice.
Depuis lors, le phénomène aurait dû se repro-duire en 1878, mais je ne possède aucun docu-ment qui en parle, et nous venons de l'cci ire dans
nos annales en le constatant dans toute sa splen.deur, le 27 novembre 1885.
Il y a lieu de faire ici une remarque par suitedu retard constaté dans la période de la comètede Biéla, 6 ans 1/2; il est facile de comprendreque le retard de 6 mois fait juste un an de plusen deux passages, et explique que la pluie n'estarrivée qu'en 1885 an lieu de 1878.
Eu effet, si en 1872, la terre a passé dans l'es-
saim, il fallait que la comète eût passe au pointd'intersection avant elle; l'année suivante elle
était de 6 mois eu arrière, la terre ne rencontre
BULLETIN DE LA. SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS
rien. Mais en 1883, il y a 2 fois 6 ans, et 2 foisGmois, et la terre doit rencontrer, au bout de
13 ans, l'essaim de 1872.
y
Il résulte de tout ce que nous venons de dire
que les étoiles filantes ne sont autre chose quedes corps cosmiques voyageant autour du soleil,suivant une orbite commandéela plupart du tempspar une comète.
Cescorps, en rencontrant le globe terrestre,traversent son atmosphère, dont la résistanceamène par une loi mécanique inéluctable le dé-
veloppement d'une chaleur énorme ils s'en-flamment et disparaissent s'ils sont trop peu vo-lumineux pour arriver jusqu'à la surfacedu globe,et y tombent sous forme d'aérolithes, si leur vo-lume résiste à la compression que leur vitesseleur fait subir.
Cette vitesse dépend entièrement de la direc-tion dans laquelle le corps entre dansl'atmosphère:
S'il marche dans le même sens que la terre, latranslation de celle-ci étant de 29,460 mètres parseconde, celle de l'étoile étant de 40,000, sa vi-tesse se réduit à 10,000 mètres par seconde;niais si elle marche en sens inverse, les nombress'additionnent et produisent alors 70,000 mètres,mais dans la première seconde, car cette énergiediminue avec le carré de la distance parcourue.
Ce sera un sujet à revoir, si vous le permettez,dans une prochaine étude sur les pierres tombéesdu ciel, que le temps ne m'a pas permis de vousoffrir ce soir.
Saint-Denis, le il décembre 1885.
Ed. Dubuisson.
Hommage
A
LA IHÊMOIHBD'ALEXANDREDE LA S1RVB
A L'OCCASION
DE L'INAUGURATION DE SON BUSTE
JlU
CONSEILGÉNÉRALDEL'ILEDELARÉUNION
LE MARDI,29SEPTEMBRE1885.
La Serve ce nom seul a fait battre nos cœursII fut le fils aîné d'un fervent patrioteQui lutta, le premier, parmi les défensenrsD"ua pays dédaigné qu'on traitait en ilote.
Sur les traces du père il marcha fermementA cette école il eut, jeune, l'âme virile,Et, de la liberté noble et fidele amant,II flétrit les excès d'une époque servile,
Où, sous un faux César dont nos fils rougiront,0 France, ton renom de gloire militaire,Legs brillant d'un passé, vierge d'un tel affrontS'éclipsait dans le sang d'une effroyable guerre
La presse muselée, il en brisa les fersLa haine des tyrans en ses écrits s'allumePlus nos droits sont niés et plus ils lui sont chersEt, comme un glaire, il fit etinceler sa plume 1
Après la nuit sinistre, est-ce crime, est-ce erreur 1Ou nos chefs outrageaient une foule innocent*,Grâce à La Serve, ami du peuple et son vengeur,Le droit mit en échec la force triomphante 1
'BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS
Le »ole universel revint, comblant nos \œux.Bourbon lui tresse alors sa conronne civique,L'acclame et l'investit du rôle glorieuxUe fonder, sur le sol français, la République
Inébranlable,il tint son poste de combat.L'honneur fut son drapeau, son Dieu fut sa patrie,Et quand la mort le prit, ce tribun, au Sénat,Servait toujours la France avec idolâtrie
La raison et la foi, ces flambeaux du devoir,Eclairent jusqu'au bout J'apôtre en sa carrière,Non loin de son ami, qui, naguère au Pouvoir,S'y montrait en vainqueur, sous la même bannière.
Il eut ses ennemis mais calme, plein de sens,L'œil vers son bat, rendant le mépris pour l'insulte,Au parti du progrès il n'offrit son encensQue pour l'Humanité dont il garda-le culte
Et maintenant, Colons, que la postéritéLuit pour l'homme éminenl, type antique du juste,Màle dans sa droiture et doux dans sa bonté,Queson souvenir dure en \os cœurs – que son buste
Vous retrace ses traits et ses titres d'honneurDans votre livre d'or illnstrez sa mémoireQuand do grands citoyens aident à la grandeurD'un peuple, n'est-il pas fier d'avoir une histoire ?Q
Rappelez-Tous surtout que son ambitionNe fut pas le manteau de basses coavoitisss 1Ni flattant ni fhtté sans ostentation,Il fut le bouclier vivant de nos franchises
DES SCIENCES ET ARTS
Ce bronze ici rayonne où siègent vos élusVotre reconnaissance accroît son auréoleCaractère et talent, l'exemple touche plus,Quand il nous vient si pur d'un si vaillant créole 1
Dans les heures de doute où l'esprit abattuCherche haut un appui qui rentle le csurage,Que l'aspect de ce sage inspire la vertu 1Nous nous relèverons devant sa grande image 1
PASCALGrÈMAZY.
Mémoire
AMonsieurle SénateuretMessieurslesDéputés
DEL'ILEDELA.RÉUNION
Monsieur le Sénateur,
Messieurs les Députés,
Les nombreux occupants à la Réunion de lazone du littoral, connue sous le nom de Réservedes Pas géométriques, ont l'honneur de vous
exposer leur situation fausse et intolérable, commedétenteurs des terrains placés dans cette réserve.
Ils y sont établis à des titres divers, en vertu,soit de concessions qu'ils tiennent de leurs au-
teurs, soit d'autorisations administratives, maisla précarité de la possession de la plupart d'en-tr'eux est le juste sujet de leurs plaintes et ilssollicitent vivement l'inauguration d'un nouvelordre de choses, pour jouir irrévocablement, en
qualité de propriétaires, d'un domaine sur lequelils ne peuvent exercer les droits incommutables
qui appartiennent à la propriété privée.Si la Guadeloupe et ses dépendances ont pu ob-
tenir le bénéfice du décret du 21 mars 18S2 quichange les bases légales sur lequelles était assisela réserve des pas géométriques, les raisons de
décider dans le même sens et d'adopter la même
mesure, pour la Réunion, ne sont pas moins cer-
taines ici il n'est pas, en effet, difficile de dé-montrer que le régime qui a été en vigueur aux
Antilles jusqu'en 1882, sur cette matière, diffère
complètement du nôtre.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS
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L'étude comparative de ces deux législationsau poiotde vue de l'origine du territoire réservé,de sa destination, de son étendue et de ses limi-
tes, des titres de concession pour la propriété ou
pour la jouissance, amène a reconnaître que les
pas géométriques ou cinquante pas dri Roi,
dans les coloaie-s de l'O iest, sont régis pur les
principes qn protègent iu domaine public, c'est-
à-dire l'ina'iéiubt'ité et l'imprescriptibilité.Au contraire, lu mômeréserve tamtoriaÎR à la
Réunion ne figure que nominalement parmi les
biens dit domaine publie, ea méconnaissance desfaits qui ont présidé à Li majeure partie des con-
cessions accordée-* duns l'Iie, et par une fausse
interprétation des îèg'es du droit d-ms l'espèoe.Il est donc ncoessaire de rechercher 1° et en
grandes lignes, h-,petj3 réel et la portée des tex-tes législatifs qui ont été suivis et exécutés auxAntilles dès leur piise de possession; 2° et parvoie d'analyse, ce que les législateurs, colonial et
métropolitain, ont édicté à l'Ile de Bourbon, parles concessions et par les règlements, arrêtés, or-donnances et décrets qui, depuis les premierstemps de la colonisation, se sont succédé au su-
jet des cinquante pas géométriques.L'inévitable conclusion de ce parallèle tourne-
ra sans aucun doute en faveur de la requête queles soussignés vous présentent.
CliapISi-c 4"er
LEGISLATION DES ANTILLES
On a contesté la valeur légale des droits quel'Etat pouvait exercer à la Guadeloupe et à la
Martinique, sur les cinquante pas géométriques,
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
sur ce contour des îles dont l'espace a été réservé
pour établir les bourgs, paroisses, forts, re-
tranchements, batteries et autres ouvragespublics, nécessaires tant pour leur décoration
que pour leur défense.Mais, de nombreux documents s'imposent de-
puis l'origine, avec précision et concordance, pourrepousser cette opinion les voici dans l'ordre
chronologique; il suffira de les interroger pourse convaincre que les dispositions législatives quiy sont inscrites déterminent le caractère, l'éten-
due, les limites et les effets dc cette possession.Ce sont d'ubord
Le règlement du Conseil souverain du 3 mars
1670;L'ordre du Roi du 6 août 1704Les letttes ministérielles des 3 décembre 1757
et 17 janvier 1788De plus, et de tout temps, les concessions éta-
blies sur le littoral n'ont pris' naissance qu'au-dessus des cinquante pas du roi
Ensuite, l'usage n'a jamais permis de confon-dre ces terrains, occupés par des détenteurs usu-
fruitiers, avec ceux des riverains propriétairesEn outre, si le possesseur précaire, en a joui
avec l'exemption des obligations qui incombent à
l'usufruitier, celui-ci n'a pu prescrire contre le
pi'>priétaîre, malgré la défense portée à l'article
2,236 du Code civilEnfin, la réserve des pas géométriques qui
n'était qu'un possessoire protégé et surveillé parl'Etat, dans un intérêt commun, dépendant du
grand domaine, devenu celui de la nation >vri adécret du 1" décembre 1790 et, par sa desti-
nation, était inaliénable;En dernière analyse, elle n'a pas cessé d'exis-
DES SCIENCES ET ARTS
ter dans les conditions où elle a été primitive-ment établie, car l'ordonnance royale du 9 février1827, dont il est f ùt mention d<un le décret du21 mars 1882, la déclare inaliénable et inéchan-geable, en lui imprimât le caractère propre quiailccte essentiellement le domaine public.
Le seul point par où cette réserve se soustraitaux règles et conditions qui régissent les biensdu domaine public, est celui qui touche à l'em-
ploi de cette réserve aune destination déterminée;chaque fois qu'une concession a Lé délivrée pourl'établissement des villes et bourgs et que; sur lesterrains concédés, il a été élevé d^s constructions,les concessions ainsi fuites et rempiles deviennentdéfinitives et irrévocables; elles sont alors, con-trairement au principe général, susceptibles d'a-liénation et de prescription, parce que tel est levœu des lois qui, aux Antilles, réglementaientles concessions des pas géométriques La réser-ve à la disposition de l'Etat ayant rempli son
objetSous l'empire d'une telle législation, rigoureu-
sement observée, les habit.mts de la Guade-
loupe n'ont pas craint d'élever leurs doléances
jusqu'au Département de lu marine et des colonies
pour en obtenir la réforme: ils ont représentéavec succès au Pouvoir compétent que la réservedes pas géométriques ne répoudait plus à aucune
exigence d'intérêt général qu'elle était main-tenue sous la garde de l'Etat pour des motifs quin'avaient plus de valeur à notre époque qu'elledevait être considérée comme inutile pour la dé-fense des côtes qu'elle enlevait à la propriété
privée des terrains qu'on aurait pu, depuis long-temps, consscrer à l'agriculture, à l'industrie et
au commerce qu'enfin la précarité du titre des
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
concessionnaire!?, menacéa de déguerpissement à
toute réquisition de J'autorité, était un obstacle
permanent à la mi.se en valeur complète de toute
cette portion de terres «voisinant les rivages dela mer; qu'il fallait, un conséquence, replacerdans le droit commun, ai; grand profit de la com-munauté des habitants, de si longues étendues de
terrain, dont les poweateurs n'avaient jamais putirer nu parti durable, arrêtés Fans cesse par la
crainte d'une éviction administrative.
Le ministère obtempéra leurs vœux et le dé-cret du 21 mars 1882 fut pl omulguc à la Guade-
loupe et dépendances.Dans ses principales dispositions, le décret por-
te que 1* « les détenteurs des terrains bâtis« dans les villes, bourgs et villages, sur le péri-« mètre dos 50 pas géométriques réservés à
« l'Etat, recevront (les titres de propriété défini-«tifs et incommutubles^; 2» dans l'intérieur des
« villes, bourgs et villages, des concessions ir-« révocables de terrains non bâtis peuvent être« accordées titre gratuit ou onéreux, par dé-a crets délibérés en Conseil d'Etat. p
La conclusion à tirer de la publication de cedécret à la Guadeloupe,dont les pas géométriquesétaient placés sous un régime légal tout autre quecelui qui gouverne l'Ile de la Réunion, est que le
Département de la marine et des colonies ne doit
éprouver aucun scrupule à en provoquer la pro-mulgation dans notre Colonie.
Il sera démontré, dans le chapitre qui suit,
qu'en elï'et la zône des pas géométriques dansnotre île
l°Ne figure pas comme réserve dans toutes les
concessions de terres faites avant l'année 1807,à partir du bord de la mer
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2° Ne peut être considérée comme rentrant dansla catégorie des biens du domaine publie
3" Et constitue, au contraire, une propriété del'Etat que l'ordonnance du 21 août 1 825a faitdistinctement entrer dans le domaine colonial.
Chapitre Il
Pour prouver tes trois propositions ci-dessus
formulées, il faut
1° Faire rapidement l'historique des concessionsdeterres à l'île deBourbon, depuis son occupationpour le Roi jusqu'en 73 et 1767 et, depuis cette'dernière année, jusqu'en 1807
2o Analyser l'arrête du capitaine-général De-caen du S mai 1807;
5° Caractériser la portée de l'arrêté du gouver-neur de Frcyciuet, en date du 10novembre 182î
i o Interpréter les ordonnances royales des 17ia>ût et 21 août 1825, confirmées par celle du 22août i 833
50 Argumenter du décret colonial du li août1839.
SECTIONI
L'examen des archives coloniales permet de
constater que les anciennes concessions de ter-
rains, à l'Ile de Bourbon, depuis que la Compa-gnie des Indes en prit l'administration en 4 603,étaient généralement faites sans restrictions, du
bord de la mer au sommet des montagnes. f,e plusgrand nombre de ces concessions était positive-ment accordé saas réserve. Ce n'est qu'à partir del'année 1722, que l'on voit apparaître la preniùre stipulation réservant la portion du littoral si-tuée au-dessous dela terre cultivable, laquelle doit
servir de commune pour élever des bestiaux.
BULLETIN DE LA SOCIÉTL
Sous le gouvernement des successeurs de La-
bourdonnais, ks bornesdes concessions indiquentle bas de la commune, ou les 50 pas géométri-ques, réservés -pour la commune le hng des bordsdela mer.
Un arrêt de 1751 du Conseil supérieur de la
Colonie, à l'occasion de plusieurs contrats de ter-res concédées dans la partie Sous-le-Vent, excluaitde l'étendue concédée les cinquante pas du Roi de5 pieds chaque, le long et au-dessus du bord delamer et ci compter de l'tndioil où la laine vient
frapper dans les plu; hautes marées
Mais, on ne peut coii^irlércr cet arrêt comme
réglant les limites de toutes les concessions que leshabitants avaient déjà reçues sans restrictions; la
preuve en est qu'un arrêt d'ectobre 1737, en sta-tuant sur la superficie tntale d'uue concession,déclare que: partant du bord de la mer, sans au-cune réserve, la borne de la dite concession ne peutêtre restreinte par le retrancherrent des cinquantepas géométriques QUEL'ON DIT ÊTRERÉSERVÉSAURoy le long du bord de la mer.
C'est donc par le titre même de la concession
que l'étendue de la propriété était déterminée; làoù n'existait pas la mention de la réserve, les pro-piféfés étaient limitées en b 's par le bord de la
mer,c"omnieen Lautp.ir le sommet desmontagi.es.
ÇttM^ide choses dura ainsi jusqu'en 1 7S4,an-
néémjfiquée par un règlement de la Compagniedes
Inûts,,édictant que les cinquante pas géomé-triques'rê lung du bord de la mer demeureront
parties e&s^hlieltes et inaliénables du domaine dela Compagnie et prononçant la réunion au ditdomaine de tous les terrains ci-dessus concédés dansles dites limites.
Mais, un autre article de ce règlement respec-
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tait les droits acquis par les précédents concession-
uaires, jouissant de concessions délivrées sans cette
réserve ces concessionnaires ne pouvaient pasêtre troublés ils étaient propriétaires définitifs.
De plus, de 1754 à 1707 – époque où le Roi
reprit possession de l'Ile, – ce règlement prohibi-tif ne fut pas exécuté; la revue desconcessions,quis'échelonnent dans l'intervalle, démontre que lesactes en étaient rédigés sans contenir tous lumention delà réserve dsij-ciuquante pas.
L'expression continue de cette réserve: Bornéau, Nord, dans sa longueur, des pas géométriques,ne se retrouve dans les actes nouveaux de con-
cessions, qu'à compter de i'annéfi 1707 elle f'it
répété assez régulièrement dans tes contrats fauc-cessits de concessions, mais déjà la plus grandepartie du territoire de l'île Buurbon avait pasiéaux mains de colons, presque tons bénéficiairesde titres sans réserve.
Les parties du littoral non concédées dans htzone des pas géométriques lurent, depuis lor<,
l'objet de permis d'élàbjir, révocables suivant lesbesoins du service de l'Etat
Il est curieux de noter que ces besoins qui n'é-
taient, à l'origine, que ceux des riverains ayant à
passer sur ces terres et à y laisser paitre leurs
troupeaux,prirent à cette époque un autre carac-
tère l'Administratiou supérieure eut surtout en
vue, par la déclaration de précarité de ces permis
d'établir, la protection et la défense des côtes, la
surveillance des bateaux y accédant, etc., etc.Cette idée est utile à consigner ici, parce qu'ellea évidemment, surtout dans ces temps de guerrecontinentale et maritime, contribué à inspirerl'arrêté du 5 mai 1807, dont les termes et la por-tée sont certainement sujets à critique.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
SECTION
Imbu de cette double préoccupation; la dcfei.-Fe des côtes et l'utilité publique,lc général Decaen
fit, pour les Tes de France et de Uonapurte,l'arrê-té ci- dessus, concernant les réserves des bords dela mer, sur toute l'étendue des côtes de ces deuxIles. Il déclara ces réserves inaliénables, en lesclassant parmi les terrains qui appartiennent es-sentiellement au domaine public.
Il commettait en cela l'erreur drjà commise parla Compagnie des Indes, qui, par son règlementde 1734, déciétait d'inaliénabilité les 50 pas géo-métriques, le loiig du bord de la mer, commefai-sant partie essentielle de son domaine. On fait
cependant que ces prescriptions illégales ne fu-rent pas suivies d'effet, et parce que la seule vo-lonté du législateur ne peut pincer hors du droitcommun des terrains qui, par leur nature et leur
destination, sont susceptibles de devenir proprié-té privée, et parce qu'en fait, presque tout le ter-ritoire de l'Ile étant déjà aliéné, on s'est heurtéà des occupants qui sont restés tranquilles pro-priétaires de concessions octroyées sans stipula-tion de réserve.
L'ordonnance d'octobre 1771 et le jugement duTribunal terrier de septembre 1783 révèlent bien
que, nonobstant cette intention de se rendre maî-tres de tous ces terrains, les directeurs de la Com-
pagnie des Indes jusqu'eu 1767 comme les ad-ministrateurs pour le Roi qui, eux, ont été
chargés «lu gouvernement des deux îles, nonseulement ont ea égard aux droits
acquis,mais
même ont continué à délivrer des concessions sans
y mentiouner aucune restriction.
Le capitaine général Dccaen, par son arrêté
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de 1807, voulait, sans doute, en fixant l'étenduedes réserves des bords de la mer, en les faisant ren-trer dans les biens du domaine public, combler
une lacune; il se proposait de faire une législa-tion, plus précise quant à la délimitation des ter-
rains qu'il entendait réserver, et plus radicale
par la création d'un domaine qui, érigé en do-
maine public, ne serait plus dorénavant concédé à
personne. Cependant, ce n'était pas absolu carl'article 7 de cet arrêté dispose que les titulaires
de permis d'établissement et tous occupants des
pas géométriques, par actes de jouissance ou de
propriété, pourraient représenter leurs titres à la
réquisition du Directeur du Génie; c'était impli-citement reconnaître qu'ils ne seraient pas inquié-tés dans l'exercice de leurs droits d'usufruit et
de propriété; c'était rendre inefficace cet arrêté
lui-même, qui devenait lettre morte en présencede la ni'-iji'nre partie des concessions anciennes et
récentes auxquelles le Gouvernement lui-même
s'interdirait de toucher.
Quelle était alors la portée d'un acte législatif
supprimant l'existence de la propriété privée sur
des tei rains où cette même propriété continuait à
s'exerct r ?2I! n'is-t pus téméraire de répondre que l'oeuvre
du géiiéiiil Decaëu: 1°En fait, n'a pas produitlesrésultats qu'elle avait en vue, et 2° en droit, n'a
pu avoir |ioui" effet de constituer en domaine pu-blie dci- terrains dout l'affectation a toujours ré-
sisté à ce classement.Tonales auteurs qui ont explique leurs doctri-
nes sur le domaine public, sont d'accord pour le
définir, en termes à peu près semblables. (Gilbert,Dalloz, Proudhon).
u C'est la réunion des chosesqui présentent
BULLETIN DE LA SOCIËTK
< cumulativement ce double caractère d'être des-tinés à un usage public et de résister, tant que
« dure cette destination, à toute idéed'appro-< priation privée. c
Trois autres caractères principaux du domaine
public, d'après Dalloz, Proudboa et Dufour, sont:
i° Qu'une aSectation à un service public neclasse un terrain dans le domaine public que tant
que cftteaSectatioa dure3* Que l'occupation d'un terrain, destiné à un
Msa~ed'ntHite commune, doit être e~'ec<M.'eet ac-
tuelle3° Que ça terrain, ainsi rsu)gé dans lesbiens du
domaine public, ue peut être productif de reve-
nus, tant que dure son affectation a. un service
pubtic.Or, qui ne sait qu'aucun de ces caractères ne
peut h'a.ppHquer aux potions déterrâtes qu'onappelle pas géométriques?
10 Ces terrains, ni par leur MCttm'e ni parleur destination, )ie sont affectés à '.n usagepublic, puisqu'ils sont occupés, en plus ou moins
grande étendue, par des particuliers qui enjoué-Mot privément;
2* Il n'y a, par conséquent, occupation ni e//eeMM ni actuelle par un service publie, puis-qu'au contraire, c'est comme usufruitiers ou pro-priétaires pour t'intéret particulier des occupants,que t'occupation existe et oonnone;
3° Ils sont esseutiellement productifs de reve-
nus, par le fait des redevances qui, qu'on leverra bientôt, sont payées en vertu du décret co-lonial du S a.outi83t).
Absolument, cette comparaison fait ressortir
que l'érection dee pas géométriques en domaine
DES SCIENCES ET ARTS
pnMicestunen.agranteaberra.tio'adugénéra.lDecaëu. E!ieprovitnt dela confusion qui régnaitalors dans les esprits au sujet du domaine de l'E-
tatetdu domaine public. Déjà le décret du 1"décembre 1790 n'avait fait aucune distinction en-tre ces domaines. (lire ses considérants et ses ar-ticles 2, 3 et 5, gg 1 et 2) et les rédacteurs du
Code civil, dans les articles 83~, 539, 5M et
541 avaient incorporé, dans le domaine puMic,des choses qui,par leur nature etleur destination,ne pouvaient d'aucune façon y être comprises,telles que les lais et relais de la mer, les succes-sions en déshérence, les anciennes places fortes,etc., etc.
Si de telles hérésies viciaient le décret rendu
par l'Assemblée nationale en 1790 sur les domai-
nes nationaux et ces articles fondamentaux du Co-
de civil de 1801. édictés au titre de la distinction
des b~'os et au chapitre des 6<pMSdeHts~eMffa.p-pû~ avec ceux qui les possedent, comment le
)égii.)utt;L;rcj[otu~ldt*li'!07aura.it-H été moins
ignorait et plus perspicace, pour procéder avec
tég.dite?A la lumière des principes posés par l'ancienne
jurMpru~c~ce,on a!tr.dtpu reconnaître, pourtant,
qu'i~ct:mn!tj'ossib'.edectas!'erlesp~sgrométt'i-u!T's dant. i)'' grande domaines, ceux-la seuls quiëtiueot i!)!uipnaMes et impre~oriptibies; ils ne
devaient, titrer que dH)):! les biens du petit do-
mainf, do/~ on peut disposer !o/'sgtt'oH eK~OM~.
Or, depuis les premières oonoe:-s)0fts jusqu'àcelies com~'Uipurmin~ de l'arrête de )80' ou u'n-
vait pas cessé d'amener ces réserves; toutes les
fois que le pouvoir exécutif a cru devoir les re-
prendre, U n a eu restitution que de la part des
possesseurs qui n'étaient point fondés en titres.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
On avait donc disposé de ces terrains qui, parleurs transmissions successives à titres onéreux,demoniraifnt bien leur nature et leur destination
radicalement opposées à celles du domaine public.11 y a pis. C'est que ie général Decaën, par
un considérant principal et l'article 2 de son ar-
iête, a arbitrairement détermine la targeur de
cette réserve
« Considérant, dit-il, que cette iargenr n'est
autre chose que tesrtt'cf~es et bords de la mer,do)~ la ~f:t!ei<~ a été fixée M 50pas f/eo-
9HC<f'n~MM,etc.; que, dans tous les cas, dit-il
encore, elle compjendra t'espacR jugé neoes-
~Mire a la d~fctise de la côte sans perdre de vue« celui q~i. doit exister pour les pacages et ie« putcoursfh-s troupeaux. n
L<i rivage df ]a mer ne pouvait ctre ainsi indë-finiment étendu au src de l'Administrateur desdeux l'es à cette cpoque. Cette étendue résultede t'ordonnance de la maricede'i68t, titre VU
Sera réputé bord et rivage de hi mer tout« ce qu'elle couvre et découvre pendant les non-c vcUes et piciues lunea et jusqu'où le grand flot
de Ma's M peut étendre sur les grèves. <
Dans la Méditerranée, c'est le p~ts ~'(Mid/o~de rM~ef; à i'Ile Bourbon, c'est lib partie quim«'!te jubqn'à Mf/~e bornée par la hctM~emer û!f<a;grandes marées..
Seuls appartienncot au domaine public < les< terrains qui sont circonscrits parle rivage ma-< ritime, c'est-à-dire ceux qui font partie du lit< de !a mer, et qui sont comme afectps par la
nature eHe-uieme à l'usage public, (Dufour-Droit administratif).
DES SCIENCES ET ARTS
Le Conseil d'Etat s'est prononcé dans ce sens
par son arrêt duH janvier )873.I!. est donc inadmisuMf que les pas géométri-
ques créés par le général Decaen, d'une étendusde S! mètres environ a compter du rivage bai-
gné par !a.haute mer aux grandes murées, fassent« partie du lit de lu. mer, x pas plus que la re-serve en que&tion ne peut être placée an sommetd'un cap, s'élevant a.uue grande hauteur au-des-sus des flots.
On ne saurait, avec p))is de raison, soutenir
que ces terrdns réservés doivent être assimilésaux lais et relaie de la mer ils ne leur ressem-blent pas, puisque les lais et relais sont des at-terrissements mis a découvert par la mer quandelle se retire en outre, lussent-ils déclarés sem-
Mubles, qu'ils ne devraient pas figurer parmi lesbiens du domaine public, la Cour de Cassation
ayant juL.e (3 novembre 1824 et 2 juavier 't84.4)que, malgré les enonciations de l'article 538, leslais et relais de la mer n'étaient point des dëpendances du domaine public.
Depuis 184'i, certains arrêts, fondés sur des
appréciations de faits, peuvent avoir paru faire
ûéohir cette jurisprudence, appuyée sur la doc-trine de Dufour et de Bpaussant mais un récentarrêt de Cassation, du 9 août 1876 doit levertous les doutes pour la solution que nous propo-sons il décide que: les terrains situés au-a dessus du flot dem~rs ne sont pas des lais eta reluis de la mer, quand ils ne sont pas pénétrés« par les enax et ne reçoivent leur atteinte qu'ac-
cidenteHement, a!or& surtout qu'ils forment des
< prop!i;tes particulières depuis près d'un siècle,4 sans qu'il soit établi qu'ils aient fait autrefois<' partie de la mer. »
BULLETIN DE LA SOCtÉTË
Les termes de la légende de cet arrêt ne sem-
blent-ils pas se réfère!' a notre espèce des pas
géométriques. situes ::u-dessus du ttot des gran-des niui écs, ne s'ib'ssant qu'en partie etacelden-
tel!ement]eu)'~t:inte,etp!C''qiiCtuus. ou con-cédés à de-! titre-! divers a. ce.~ particu)icr~ pourIpurufagt'piiYe. <'u rentes Huxn~ains de la Colo-nie qui les n traités c~mn~e des domaines suscep-tibles de propriété privée ?
SECTION111
Du reste,cette législation de 1807, entachca
d'illégalité, devait rester gnnsexëoutiou. Quatorzeans aptes, )e 10 novembre IS~t, fe commandantde Freyeinet, adminii-ti-itteur pour le roi n. Bour-
bon, rend'ait t)h ancte qui preuve Lt complète
ignorance de l'arrête du général Decacn.
A'ors que ce deriiier avait iudiqué les Hmites
des pas géométriques et les moyens d'en ~borner
et baliser les referves, l'acte de M: Freyelnet était
ttiit en vue de la nécesMté d'e<et&Hr avec exacti-
tude les H)K~M de ces )Hcmes pas g~o)Më~t-
gMes-On n'y rappeDe aucune des dispositions par
lesquelles les ternuos réserves sont tuis hors du
droit commun par leur classement dans le domaine
publie on sollicite, de tous les possesseurs des
terra;us gisant dans crt espace, l'exhibition des
titres suivant lesquels ils les possèdent; la tegle
générale posée par le gouvernement colonial est
qu'il laisse) a paisibles propriétaires tous ceux qui
repiosenteront des actes suffisants et qu'il ne
s'emparera que des terrains pour lesquels il n'y
ifura.paseuunejusti&cation de possession légi-time.
DES SCIENCES ET ARTS
N'est-ce pas le plus éclatant aveu que ces ré-serves ne se rattachaient pas au domaine pubho,alors notamment que l'Administration ne voûtaitse substituer aux détenteurs de ce soi et de sesannexes que pour y établir des constructions etles mettre en culture ?
Des magasins pour tes besoins de ht Colonie etdes cultures pour le service de son administra-
tion, n'ont pas assurément le caractère d'utilité
publique, résultant d'une affectation formeJte àun service public ac~ue~ et e/~ec~. Enfin la miseen cutture de ces réserves implique l'éventuelle
perception des revenus qu'elles auraient produits,ce qui est absolument opposé à la gratuité, i'uoedes règles essentielles, indispensables à la consti-tution et à la conservation du domaine public.
SECTIONlï
En 1825 intervient un ordre de choses nou-veau. Le Couvernementde l'îte de Bourbon et dé-
pendances est constitué par une ordonnance orga-nique qui est encore la base de notre système .td-ministratif cette ordonnance du 2t août 1825est précédée de celles du 26 janvier et du 17 aoûtde la même innée.
La première du 26 janvier abandonne à la Co-lonie tous ses revenus en la chargeant de toutesles dépenses qui lui sont propres, la métropolene prenant à son compte que les dépenses ditesde souveraineté.
La seconde, du 17 août, remettait en toute
propriété à la même lie tes établissements publicsde toute nature et les propriétés domaniales yexistant, à charge 'le les réparer et entreteniret de n'en disposer que sur l'autorité du roi.-L'article suivant ajoutait ~e sont pas compris
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ
(
dans les établissements oi-de~us abandonnes, lesMtime!)ts militaires, fortifications, bntteries, tortset autres ouvrages, iosquels restent la propriétéde l'Etat. » Rien ~'c~t phi-) précis. – Toutes les
propriétés dotnani~.esmjnt ccdce.~ en tout:; pro-priété a l'île de Dourb"n, sauf celles dcM~acesdans les exceptions de L'.trtic!e snbsRqneat. Il est
doncpateut q!'e, !f;s pas géométriques [ie rentrunt
pns dans le e:u~ro Je~ exceptions mentionnées enCette dermere dt-position, ue font partie m dit do-
niaine uMic ni dit domaine de l'Etat :tbsu.rc-
Tnpr~,l'autorité roynte ips Humitréserves et cxc)ns
de ]'bnndcn fidt en toute ptopr~te !:i (!o~mie,s'ils avaient été considérés comme eiépenduncea,soit dH domninepuMic, soit du don~inp de)'Ëtat.
Il faut donu eonotHre qu'ils lotit partie des pro-priétés domaninics concédées il l.i, Colonie parcettcord'jnt'n.nce du 17 tioût. –0~ ol'jectera, il
estvriii, que la 3° ordonnance, du 3t août j82S~renferme dans Hon artic!c33,§3, une défense ex-
presse, ainsi conçue:a Aucune poition des 50 pas gc~meù'iques,
rcsprvcs sur !e littoral, ne peut être echa.ngëe nia!ience. Mais cette disposition prohibitive peutêtre considérée comme l'expression plus radicale
de l'article 3 de la précédente ordonnance du 17ao&t qui, en reinettant les propriétés doma.niaiesà la, Colonie, lui enjoint de M'e~ disposer ~MCS!r t'(tM~tsct<!0)t du .Rot. D'autre part, cettedëolMatiou d'inaliénabilité ne saurait avoir logi-quement pour effet d'attribuer à ces pas géomé-triques le caractère de biens d') domaine public,alors que le ponvoir métropolitain procède pardeux dispositions de loi, l'une générale qui com-
prend l'abandon des ë~ot&ssetKs~s publics de
toute nature et des propriétés domaniales,
DES SCtEMCBS HT ARTS
M
l'autre spéciale qui renferme et cnimere les excep-tions. La lettre et l'esprit de la première révè-lent l'iutention de L'ordonnance de placer les pasgéométriques parmi les propriétés domaniales re-mises fi la Colonie les termes formels et exclu-sifs de la seconde repoussent l'idée d'une excep-tion qui ferait rentrer les mêmes terrains dans ledomaine publie ou dans le domaine de l'Etat.
Eu outre, il importe de ne pas oublier que c'estdans cette ordonnance même, concernant Bour-bon et ses dépendance?, qu'est introduite la pres-cription destinée à protéger les propriétés doma-niales abandonnées a cette même Colonie.
Enfiu, l'f'rgument décisif sur en ~inte~ celui
qu'on doit emprunter aux articles 86 g ~0 et !OJ-1
g 14 de cette dernière ordonnance du 2t août1828.
L'organisation administrative q~'eUe a établiecrée deux fonctionnaires, l'un qui est l'ordonna-teur et qui n'a dans ses attributions que ie~ af-
faires de la métropole; l'autre qui est le Direc-teur de l'intérieur et qui n'est chargé que de
l'administration intérieure de la Colonie.L'article 86, concernant le premier, stipule dans
songiOqu'ila!'e[dtKMMS~'6~:o~et la policeadministrative des hôpitaux militaires, cAaM-
tiers, etc., e<c., ateliers, magasins, prisonsmilitaires, casernes, lazareths, postes mili-
taires et autres ~ocbMssemen~s dépendant de
la guerre et ~e marineL'article ~4 qui a trait au 2' fonctionnaire,
stipule dans son i4' p qu'il a dans ses fonctions:« t'administrution du domaine, la revendication
des terrains envahis etc.; la conservation DES50 PAS GEOMETRIQUESet de toute autre feser~e
faite dans ~Mtïefgt des divers services pH&~cs.
BULLETIN DE LA SOCtÉTË
Le rapprochement de ces deux textes ne laisse
plus subsister un doute sur la question. Il est ma-nifeste que, si les pas géométriques avaient fait
partie du domaine public ou du domaine de l'Etat.leur surveillance et leur con servation auraient
été dévolues au représentant des intérêts de
l'Etat dans la Colonie. I! est non moins manifeste,
après cette séparation prononcée entre ces deuxservices distincts, que si tes mêmes pas géométri-ques n'avaient pas été classés dans le domaine
colonial, ce n'est pas le Directeur de l'intérieur
qui eût été chargé, par une dévolution expresse,du soin de leur conservation. La raison imposedonc cette solution, corroborée du reste par l'or-
donnance du 22 août 1835, que la réserve des
pas géométriques est positivement une dépen-dance du domaine colonial.
SECTIONV
L'examen du décret du S août i839, aprèscelui des articles relatifs a la matière tirés desordonnances de i82S et de 1833; complète ladémonstration que poursuit ce mémoire. Il estd'abord remarquable de constater que son inti-tulé: ([Décret colonial ooncerna.nt les échanges,
at'éNations ctconcessionsdes biens domaniaux
prête côté à notre thèse que les pas géométri-
ques, dont le sort est réglé par cet acte législatif,sont une propriété de la Colonie.
« Nanteuil, qui le publie dans sou réper-toire, le commente par ces mots: Quel que« soit le titre de ce décret, il est évident qu'il« ne concerne que les biens qui font partie du
domaine colonial; a it l'accompagne de cette
réitexiot): « Les biens du domaine colonial sont,comme ceux de l'Etat et des communes, soumis
DES SCIENCES ET ARTS
aux règles de la propriété et, comme tels, sus-
ceptibles de propriété privée et de prescription.Ce mémoire n'a pas soutenu et ne soutient p<ts
d'autres conclusions.
Comment, du rente, aurdt-ort pu contestercette vérité qui se dégageait si clairement del'ordonnance de 1825 ?'e
Il est certain qu'on dec!ara.iti)ia.)iénaMf's les
terrains domaniaux ctae~és dnus !:i première di-vision et que ces terrains étaient les pas ~ëoMe-
triques mais on ne fais~'t que répétef h. prohi-biti'on th; l'orJonnance pou) rendre, par ses ri-
vages, la mer partout aco<-s~]b)e. Comme si en
France, où la réserve des pas pëomerri'j'ies est
inconnue, la mer n'était pas libre, ab~oiuinentlibre 1
On tombait, au surplus, dans une oontrildic-tion choquante, en aliénant provisoirement cesmêmes terrains, déclarés indtén~bles, par la cou-cession de portions de terre sujettes à révoca-
tion, il est vrai, mais demeurant indénaiment, àla faveur des redevances, aux ma.i)M de posses-seurs qui les exploitaient en propriétaires.
On faussait le principe même de la réserve, eu
sacrifiant l'intérêt supérieur de l'usage public a.u
profit de quelques particuliers, en convertissantdes biens soi-disant réservé;) pocrI'utUité gêné-rale, la défense de i'tie, la circulation oom-
mune par les rivages de la tuer, le pacage des
troupeaux, etc., etc., en biens tivrés en
jouissance u l'intérêt privé seulement.
Il est piquant de lire, dans la discussion quis'est élevée pour l'élaboration de ce décret, quetous les orateurs ont reconnu que cette réserve
était bien une propriété de la Colonie, dont elletire parti par des redevances mises aux enchères
BULLETIN DE LA SOR[ËT~148
et dont les produits sont partagés, par moitié,avides communes où sont situés les terrains géo-métriques concédés.
La clause d'inaliénabilité etaitsi mplement une
clause de style. Cette disposition était dictée au
Conseil colonial de l'époque par les deux ordon-naBCfS des 17 et 2i août 1825. toujours en vi-
gueur la première subordonnant l'aliénation au
consentement de l'Etat; la 2° défendant l'aliéna-tion et l'échange, mais toutes deux faisant passercette réserve dans la catégorie des propriétés dela. Colonie, c'est à-dire de propriétés légalementaliéaa.Mes et échangeables. Il convient d'ajouter
que l'assemblée coloniale a été unanime il décider
que tous les concessionnaires non grevés de la
réserve, pourraient user de l~urs concessions
comme propriétaires ineommntubles, ce qui était
encore contrai) e à la défense absolue de l'ordon-nance et du décret qui frappaient d'indisponibi-lité toutes les portions des 50 pas géométriques.
La sanctions royale fut enfin donnée le 27 avril
i84i à ce décret portant la date de ~839 et misen délibération depuis t856. Après beaucoup de
lenteurs administratives et <!erenvois pour amen-dements, le décret fut ii~opté avec cette formule:« Adoption d'un projet de décret ayant pour but
« de régler le mode et les conditions de conees-
< sions, aliénations et échanges de terrains, etc.,
etc., appartenant au domaine de la Colo-
« nie. »
Il est indéniable que pour le ministère d'alors
ces terrains étaient bel et bien la propriété de la
Colonie.Mais deux motifs péremptoit'es résolvent en-
core la difficulté dans ce sens. D'une part, si les
pas géométriques, sur lesquels on venait de légi-
DES SCIENCES ET ARTS
férer, avaient été considérés comme des biens dudomaine public, la sanction du Roi aurait été re-fusée à ce décret; le pouvoir métropolitain n'au-rait pas ratifié un acte, pris par le pouvoir colo-nial en dehors de ses attributions et réellemententache d'incompétence. Personne n'affirmera quele Conseil colonial de l'époque aurait eu qua-lité pour faire une loi sur les dépendances du do-maine public. D'autre part, la gratuité étant undes caractères essentiels des concessions faites surle domaine pubtic, (voir Dalloz)comment admet-tre que l'autorité royale eût sanctionné un décret
dont les principales prescriptions tracent les for-malités de la mise aux enchères, de l'adjudica-tion et de la nouvelle adjudication, sur folle en-chère, de la jouis&anot;de ces terrains géométri-ques ? L'assemblée coloniale était-elle à ce pointpuissante qu'etic itur:ut a l'Ue de Bourbon donnéforce de loi à des ~c~ que le pouvoir souverainn'aurait, pu lui-même rendre légaux ?
C'est donc une nouvelle et irréfutable preuveque c'est la Colonie qui e,t propriétaire des pasgéométriques qu'elle possède, en indivis, avec denombreux détenteurs dont tes uns louissent erlvertu d'acquisitions régulières, quand d'autrestiennent de leurs auteurs des concessions gratui-tes, comme celle du carré Lahretonnière (a Saint-
Denis, Pont Protêt) qui a été faite le 2S piuviosean XIII, sans redevance.
C'est si bien ainsi, que ce prétendu terrainRESERVEn'est qu'imparfaitement délimité mêmeen 1884!! L'Administration, malgré les travauxexécutés pour l'établissement de la voie tefrée le
long de ce ruban de terre de 81 mètres parallèleaux rivages, ne sait pas encore où sont exacte-ment les bornej de ce domauie colonial. Elle a
BULLETIN DE LA SOCtÊTÉ
demandé au Conseil général et obtenu de lui,dans la séance du H septembre i 884 le vote
d'un crédit supplémentaire « de fr. i ,000 pourla révision de la délimitation, "a6nderégu!ari-« ser la situation des occupants des pas géomé-
triques et de permettre au trésor de recouvrerles redevances qui lui sont dues – Un do-
maine public dans l'indivision quel plu.?probanttémoignage que ces terrains occupés par les uns et
par les autres, à. des titres divers et mal délimi-
tés, ne ressemblent en rien, par leur nature, leurdrstifja.tion et leur affectation, à ceux du do-
maine public
ChttpMre tM
On continua à procéder d'après les errementsdu décret de < 839 pour les permis d'établir avecredevances. Il semble pourtant que It! s.-consulte
de <8S4 dbvnit avoir pour résultat de modifierlesdroits de l'Administration locale, en ce qui tou-che ia gestion de ce domaine, car l'article 6 99de ce s.-consulte investit l'Empereur du pouvoirde rendre des décrets, en la forme de règlementsd'Administration publique < pour statuer endehors des prérogatives accordées au Conseil gé-néral de la Colonie, < sur les matières doma-niales. )'
Assurément, le droit, pour « l'Empereur de sta-
tuer sur ces mu.t]ères. !"s mêmes que celles quifont l'objet du décret de '1839, est bien contraireà of raêtac décret qui charge le gouvernementlocal des échanges, aliénations et concessions re-
latifs aux propriétés domEUi~des. Malgré ou enraison de cette antinomie fo!'me!!e le sf~atus-
consulte ne reçut jamais son exécution sur ce
DES SCIENCES ET ARTS
point, mais la question du domaine public ne futpoint agitée.
En i866, un nouveau sénatus-consulte trans-mit au Conseil général le pouvoir que s'était ad-
jugé l'Empereur, par l'acte de 18S~, de statuersur le même objet les 3 premiers articles du sé-natus-censulte du 4 juillet 1866 arment le ditConseil général du droit souverain de statuersur les acquisitions aliénations et échangesdes propriétés immobilièresde la Colonie, quandeltes ne sont pas aSeotées à un service public,
de leur changement de destination et d'affecta-tion et de leur mode de gestion.On peut énoncer sans ern'urquf, si, dansl'es-
prit des légisiateurs d'alors, ces propriétés im-mobilières de la Colonie avaient été des dépen-dances du domaine public, ils n'eussent poins misun tel pouvoir aux muius du Conseil généra), toutà fait incompétent pour aliéner et échanger untel domaine, lequel pour fondements l'inaUena-
bDitéetrinéohaugeabitité. D'autre part, ces pro-priétés n'étant pas pour la plupart anectées à unservice public, les propriétés immobilières, dontil est fait mention dans ces 3 articles, doivents'entendre aussi bien des pas géométriques quedes autres propriétés de la Colonie. L'île de laRéunion est encore gouvernée par ce séuatus.consulte de 1866 et les raisons de décider, con-formément à notre thèse, n'ont rien perdu pré-sentement de leur autorité.
En vain objectera-t-on deux décrets du 2Sfévrier t878 qui annulent deux détibera.tionsdu Conseil général de la 'Réunion des 3 juil-let et i"' août 1877. Ces deux décrets pré-sideutiels ne changent rien a ~j. question desavoir si les pas géométriques à la Réunion sotit
BULLETIN DE LA SOCIËmÈ
ou non incorpores dans le domaine public. Ils
ont été rendus, le Co~eit d'Etat entendu, sur
des votes du Conseil général décidant t" Queles permis d'établir, concédés aux communes
dans un intérêt puMif, seraient dorénavant sou-mis à des redevances annuet!es d'un franc parhectare 2o Qu'il se réservait de statuer surle chiffre de chaque redevance des conoetsion-
na.ires des pas gëomettiqnes et que, pour ce
iaire, l'administration locale aurait à lui sou-mettre annuellement l'état des redev.coes à
percevoir. e
Ces votes ont été considérés comme des excès
de pouvoir, mais les décisions qui les annulent
ne se prononcent pas et n'avaient point à se pro-noncer sur le classement lé~al des pas géométri-
ques dans les biens du domaine public; ni dans
leur dispositif, ni dans leurs considérants, ces dé-
crets du Président de la République n'ont pas videle conflit au sujet de ]a présente discussion.
Si même, ces décrets s'étaient/expliqués a cet
égard de manière a trancher juridiquement la
question, même par voie indirecte, par l'at tribu-tion du caractère de domaine public aux pfis géo-métriques de la Réunion, ils auraient catégori-quement violé l'ordonnance elle-même de 1825
qui tst invoquée par le rédacteur des décrets et
qui, comme on l'a démontré, place irrécusable-ment la réserve des pas géométriques dans le lotdes propriétés appartenant à la Colonie.
La question demeure donc entière et les juri-dictions compétentes n'en ont jamais été saisies
régulièrement nul doute que, portée dans laforme devant qui de droit, elle n'obtienne défini-tivement la solution toujours assurée aux vrais
principes que l'on vient de discuter.
DES SCIENCES ET ARTS
Chapitre V
Nous n'ignorons pas que la cause que nousdéfendons a rencontré de sérieux cintradicteursmais la consciencieuse étude de leur systèmenous a. plutôt convaincus de leur sincérité quede la justesse de leur dialectique.
Leur religion'a été mal éclairée par l'insuffi-
sante ou l'arbitraire interprétation des textes,sous l'influence de considérations tirées du fait
plus que du droit et de la tradition plus que dela loi.
Quand certains éléments sont indispensables,
par la vertu de la doctrine et de la jurisprudence,pour donner un corps à cette entité juridique
qu'on appelle domaine pubtic, » nous ne re-connaîtrons jamais que, faute de ces éléments, il
puisse être créé. S'il est surabondamment dé-
montré, par l'historique et l'argumentation qui
précèdent, que la résfrve des pas géométriques a.
la Réunion n'est qu'une réferve domaniale n'ayantrien de commun avec les biens du domaine public,
quels motifs aUégner pour refuser l'applicationà notre pays du décret du 21 mars i882, promul-
gué a la Guadeloupe?
Si ce décret convenait à une colonie plutôtqu'a, l'autre, on peut bien prétendre que c'est a
la nôtre, où la Iégis!a,tion domimiatc (.t si di6é
rente de celle qui régnait aux AotiUfs; les raisons
qui ont préoccupé nos législateurs de 1807 et de
d839 ne sont plus Ie=!mêmes à notre époque.Une réserve dans notre ile pour la défense des
côtes est sérieusement illusoire; les effrayants
appareils de destruction, dont la science moderne
arme les forces Lavâtes des nations de guerre,
BULLETIN DE LA SOMMÉ
rendraient inutile toute tentative de résistance
sur nos rivages ouverts.L'utilité publique, l'un des principaux objec-
tifs de nos anciens administrateurs pour la créa-
tion et l'entretien de pâturages et le pacage des
troupeaux, n'a presque jamais reçu satisfaction
plus de la moitié des réserves a été livrée aux
entreprises de l'intérêt privé pour augmenter lesrecettes du budget colonial; l'autre moitié Qu'estqu'une longue lande couverte de broussailles à
part les remblais et stations pour la lignedu chemin de fer de Saint-Benoit à Saint-Pierre,
quelques établissements de batelage,quelques chau-fourneries et sucreries édifiées à des distances iné-
gates, le reste des espaces inoccupés est stérile,étant dans l'inculture et l'abandon.
Sur les 2SO kilomètres environ de développe-ment que mesure la ceinture de nos rivages, il yen a 200 à peu près, en retranchant les falaises ac-cores et ies espaces de terrains calcaires et sablon-neux plantés et boisés en filaos c'est-à-dire prèsde 1,600 hectares presque improductifs pour l'a-
griculture, le commerce et l'industrie.Il est pins que temps que cesse un tel état de
choses si préjudiciable aux intérêts de tous les co-
Ions; il est plus que temps que les concession-naires réguliers ne soient plus sous l'appréhensionpermanente d'une révocation qui leur interditl'exécution d'une entreprise de longue haleine, au
point de vue agricole ou commercial.Ce changement si nécessaire ne coûtera pas
beaucoup aux finances de la Colonie, car c'est à
peine si son budget fait une recette annuelle de
30,000 francs sur tous les produits dit domaine;les ventes de la plupart de ces terrains réservéslui assurera d'un autre côté d'immédiates com-
DES SCIENCES ET ARTS
pensations, en déchargeant le service local du re.couvrement difficile des redevances irrégulière-ment acquittées.
Maintenant surtout que ia population des hau-teurs et des régions moyennes de FHe tend à re-Nuer vers les villes, villages et bourgs situés surle littoral, il est fort difficile d'enrayer ce mou-
vement il est donc opportun et politique derendre aisément accessibles à ces créoles déshé-rités ou ignorants détours vrais intérêts, tant deterres inemployées que leur activité pourra fé-
conder par des cultures appropriées à ce sol. I[faut enfin combattre, par tous les moyens utiles
que suggère l'économie politique et que Ja loi ap-prouve, la misère envahissante qui frappe toutesles classes de notre société coloniale.
Telles sont, Messieurs les Sénateur et Députés,!e~ considérations que nous avions à vous sou-mettre pour le triomphe de la o~use que nousvous recommandons; votre esprit cc)airé les mé-
ditera et votre sagesse les proposera à l'approba-tion des pouvoirs 'DHtropuiitains nous o?c'~s
ainsi espérer que vous n'aurez pas de peine a ob-
tenir, dans l'intérêt général de la Colonie quevous représentez, le bienfait de la mesure quenous sollicitons de votre patriotisme.
Saiot.Denis, 20 novembre 188.4.
PASCAL CREMAZY.
.lMM;Ctt~tt BorresM de SOt~-D~M.f"of)se!~e)'y<Mra~
La publication de l'éloge suivant de l'illustre colo-nel Mangin a été déridée sur la proposition de M. Ed.Dubuisson. La Société des Sciences et Arts f)e la Réu-nion devait cet hommage a l'inventeur des appareilsquicntser\i:t ta jonction optique de Maurice et deBourbon, et qui ont f.'it l'objet, en 1883, d'une con-férence de M. L. P. Adam ..u sein de la Société.
Le colonel Mangin
EXTRAITDU «nGARO !<DU25 NOYEMBHEt885
Nous avons annoncé l'autre jour en quelquesligues la mort subite du colonel Mangin. Dix
lignes banales, c'est à peu près tout ce que la
presse oousacre a. ce savant, qui lut un homme
extraordinaire, dans toute l'acception du mot.
Alphonse M'.mgm, ancieu élève de l'Ecole po-
lytechnique,colonel du génie, a'rempli le Mémo-
rial des officiers du génie de notes remarqua-bles et de communications restées célèbres dans
l'arme il a imaginé en 1867 un pont-levis à
contrejjoida variable qui a réuni tous les suffra-
ges du comité supérieur; il a inventé en ~868
ijn a&ût à éclipse qui dénotait les plus hautes
qualités de mécanique et de mathématique; il afait en physique, en optique et en ciectricité destravaux universellement admirés perfectionnantles premiers essais de M. Maurat, il a créé detoutes pièces, il a rendu possible, maniable la té-
légraphie optique, qui a don~é de si grands ré-sultats en Tunisie et au Tonktu, qui fait commu-
niquer aujourd'hui, avec une régularité )-:irF!utf,tout le réseau de nos places fortes de i'J~t, Long-
BULLEI'M DE LA SOCOSTÉ DES SCIENCES ET ARTS
Wy, Verdun, Commercy, Toul, Besançon, Belfort,
Dijon, ~(l'insu de l'ennemi possible et a quelquescentaines de mètres au dessus de sa tête; il a bâtide toutes pièces ces engins merveilleux qui por-tent jusqu'à 200 kilomètres les rayons lumineuxd'une simple lampe à pétrole ou d'un foyer élec-
trique il a change la face des operatioas delà
guerre moderne, eu mettant en communicationconstante les états-majors cparpii)é'! il a permisà l'Algérie de se couvrir de pos~s d'observation
qui deviennent autant de phares défensifs contreune insurrection indigène; il a relié entre ellesles Iles de Maurice et de la Réunion, qui n'avaient
jamais pu réussir a communiquer [~r un câble
sous-marin; H a enût) imaginé uft appareil qui
s'appelle le J*er!~rap&e instantané Mangin,appareil de photographie panoramique qui per-met a des officiers élevés en ballon captif de re-
lever, en une seconde, le tour d'horizon entier
d'une position quelconque; il a laissé, dans ses
cartons, les plans achevés de ce chef-d'œuvre quirendra peut être impossibles les sièges des placesfortes et il meurt moins connu des Français,bien certainement, que son carnavalesque homo-
nyme Mangin, le marchand de crayons!
~=<
Et pourtant, quel homme mérite plus de vivre
dans la mémoire de ses semblables, <~uecelui quirend la guerre difficile, que celui qui fait
avancer d'un grand pas la solution tant souhaitée
des peuples modernes la guerre impossible, parla trop grande perfection des moyens de tuer, ou
par l'intaiDibilité des moyens de se défendre ?9
Le colonel Mangin a été cet homme-là, et il
BULLETIN DE LA aOCtËTÉ
{est juste que sou nom soit répète à la foule quin'est pas ingrate, mais qui souvent ignore.
Ce que ce grand savant eût inspiré de thuri-
féraires, s'il eût possède l'humeur brnui!!onneetambitieuse de certains généraux actuels, est aisé
à imaginer. Mais il avait la modestie d'une jeunefille. On ne saura jamais à quel point ce colonel
fut désintéressé, disons )e mot du jour, naïf. Car!e désintéressement porté à ce point, dans une
époque de lucre et de cabotinisme comme la aô-
tre, devient une exception qui fait sourire l'ar-mée des sceptiques.
Croirait-on, pour ne citer qu'un exemple, qaecette invention de la te)égrajihie optique, quiconstituait une fortune à elle seule, le- colonel
Mangin l'a donnée, mais donné sans arrière-
pensée d'échange, de récompense quelconque nid'honneurs (il est mort colonel), au ministère dela guerre de son pays, lequel ministère a acceptéle cadeau presque en rechignant, et s'est hâté de
passer la commande des appareils Mangin MM.
Sautter et Lemonnier, constructeurs électriciens,
lesquels ont déjà fait des millions avec l'ap-
pareil en question ?Quand on disait à ce contempteur des gain~
l&gitimes qu'il jetait l'or aux autres au lieu de le
prendre pour lui, alors que cet or iut reveuait
de droit, il répondaitBah A quoi bon ? J'ai ce qu'il faut
pour vivre.
I) possédait, en effet, des rentes honorah~s, ilétait marié mais n'avait point d'enfants.
Que de gens aujourd'hui se sont enrichis au.tour de lui, en exploitant, fort loyalement du
reste, des découvertes dont l'honneur lui suffisait.Et quel honneur H repoussait tout ce qui pou-
DES SCIENCES ET ARTS
vait ressembler à la sollicitation d'une réco mpen-se honorifique.
Tout dernièrement, dans le parc de Chalais,alors que les officiers supérieurs accompagnaientle ministre de la guerre aux expériences de M)!.Renard etKrebs, on parlaaucoloue) Mangin d'unsiège à l'Institut.
Vous l'aurez; on vous le doit nous voussoutiendrons, lui disait le titulaire de l'emploi su
prême c'était, je crois, le général Campenon.Monsieur le Ministre, répondit le colonel
Mangin, je ne serai jamais de l'Institut. Il fautfaire des visites, et je veux toujours ignorer ceque c'est qu'une visite de ce genre.
ff
Son esprit inventait sans cesse. H a imaginé,pour éclairer t'œil d'un patient qui devait subirla rude épreuve de l'abiation, une lampe magique,c'est le mot, qui produit des milliers de carcels.L'instrument est encore chez )e fabricant. Sonsuccès sera considérable dans le monde spécial.
L'honneur de l'avoir inventé reviendra au co-lonel Mangin quant à l'argent que la découverte
pourra produire, il ira, je crois, n un médecin deCleruMnt a qui le colonela t.ut, cadeau de la lam-
pe. Ce médecin a, paraît-il, remplacé l'œil ab-sent d'un Auvergnat par un ceil de lapin. Onassure que l'Auvergnat y voit parfaitement avec
son cei]d'herbivore. L'Idée de cette substitutionvenait du colonel, mais le docteur se plaignit de
ne pas avoir eu de lumière assez intense pourbien pratiquer sou opération. Le colonel chercha
et trouva la lampe.Et ainsi de maintes découvertes, que l'esprit
BUU-.ETM DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES ET ARTS
infatigable d'Alphonse Mangin multipliait sans
compter, dédaignant les brevets, satisfait d'avoircréé.
Cet homme rare était né à Mirecourt, dans les
Yo~gesen t82o. Les gens de Mirecourt, fiers au-
jot,rd'hui de posséder un compatriote dont toutes
les puissancei- de l'Europe ont salué le génie,–encommandant force appareils de télégraphie opti-que chez les constructeurs patentés du gouverae-ment frunçu.is, veulent élever une statue à l'en-
fant du pays.Il !'a bien méritée.Si tous ceux qui se sont enrichis avec les dé-
couvertes de ce ~incinu~tue. scientifique appor-tent feutement un quart pour cent de leurs béné-iices à la souscription déjii ouvertf, on aura dans
quarante-huit heures les trente-mille francs quecoûte aujourd'hui l'image en bronze d'un hommecélèbre.
PIERRE GlMABD.
Table des Matières
Pajtm
Liste des Membres de la Société au 1" Janvier
1886. 5Liste des Membres correspondants. 7
Règlement de la Société des Sciences et Arts. «
Séance du 20 Mars d88o. 2)Séance du 24 A~rii i885. 23
Charles Frappier de Montbenoit (IGNOTA). 37
Eclipse de lune du 30 Mars 1885 (Eo. DusCEsoN). 36
Séance du 19 Juin 1885. t3
Causerie sur l'Optique (En. Dusnissott). 45
Séance du 10 Juillet 1885. 6<
Vic'or Hu~o (!)' Ai;< YtNSON). 63
Séance du 31.tuiUet. 75
Exposition intercoloniale de 1886. 78
Séance du 11 Décembre 1886. 83
Note sur l'Instruction primaire à la Réunion (AN-JOINE). 8f)
Lettres curieuses sur divers sujets (ANTOINE). 96
Le Soudan et le Haut Sénégal (Cn. CEMStER). 104
Les Etoiles niantes (En. DuBuissoN). 115
Hommage à ia mémoire d'Alexandre de la Serve
(P. CttËMJLZY). <25
Mémoire à M. le Sénateur et à MM. les Députés
(P. Cn~fAM). 128Le Colonel Mangin ( PiERBE6!FFAM). 06
~y`,I¡'~(J!
Typ. Lahappe frères et Dronhet Sis.
=- j Me de_i'Eg)ise 48.