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Bulletin du Barreau ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE LA SEINE SAINT DENIS Numéro Spécial Septembre 2001 La part du Droit dans les relations La part du Droit dans les relations familiales franco-algériennes familiales franco-algériennes Actes du Colloque Colloque organisé par L’Ordre des Avocats du Barreau de la Seine-Saint-Denis - France L’Ordre des Avocats du Barreau de la Seine-Saint-Denis - France L’Ordre des Avocats du Barreau d’Oran - Algérie L’Ordre des Avocats du Barreau d’Oran - Algérie dans le cadre de leur protocole de jumelage Vendredi 1 er juin 2001 Chambre de Commerce et d’Industrie de Seine-Saint-Denis

Bulletin du Barreau - Barreau de Seine-Saint-Denis · les vrais problèmes, ... présentera tout à l'heure les grands traits. Nous voici devant une journée passionnan- ... fié

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Bulletin du BarreauORDRE DES AVOCATS

DU BARREAU DE LA SEINE SAINT DENIS

Numéro Spécial

Septembre 2001

La part du Droit dans les relationsLa part du Droit dans les relations

familiales franco-algériennesfamiliales franco-algériennes

Actes du Colloque

Colloque organisé par

L’Ordre des Avocats du Barreau de la Seine-Saint-Denis - FranceL’Ordre des Avocats du Barreau de la Seine-Saint-Denis - France

L’Ordre des Avocats du Barreau d’Oran - AlgérieL’Ordre des Avocats du Barreau d’Oran - Algérie

dans le cadre de leur protocole de jumelage

Vendredi 1er juin 2001Chambre de Commerce et d’Industrie de Seine-Saint-Denis

Le Colloque du 1er juin dernier était l’occasion pour notre Barreau d’accueillir nos confrères et amis duBarreau d’Oran. Il fut, je le crois, particulièrement réussi et intéressant.

Notre protocole de jumelage nous a donné l’opportunité de confronter, autour d’un thème majeur, les pra-tiques des professionnels, le travail des chercheurs, l’expérience des “gens de terrain”. Ces Actes sont l’in-carnation de la réflexion commune qui a su naître de cette journée.

Qu’il me soit permis de remercier une nouvelle fois, en ma qualité de Bâtonnier de l’Ordre des Avocats dela Seine-Saint-Denis, la délégation oranaise : Monsieur le Bâtonnier Mahi GHOUADNI, MaîtresMohamed MAHIEDDINE, Yelles CHAOUCHE, Farid BEY IBRAHIM. Ils savent, je le leur ai rappelé,qu’ils sont ici chez eux.

Je tiens également à remercier chaleureusement les différents intervenants, magistrats, universitaires, avo-cats, représentants des associations, pour la qualité, la profondeur et la richesse de leur travail. Ils ont suapporter un éclairage brillant et approprié sur des sujets souvent complexes ou difficiles, nourrissant undébat qui fut particulièrement riche et animé avec le public présent.

Je souhaite que la publication de ces Actes, sous l’égide de l’Ordre des Avocats et avec l’autorisation desauteurs, réponde à vos attentes.

Ce jumelage, si cher à nos deux barreaux, est encore jeune mais ne demande qu’à grandir. Nous auronsdans l’avenir, j’en suis convaincu, d’autres occasions de faire fructifier le dialogue, la rencontre et laréflexion nécessaires à son épanouissement.

La route commune que nous avons choisi d’emprunter nous mènera, la prochaine fois, à ORAN.

Rendez-vous est pris !

François DETTONBâtonnier de l’Ordre des Avocats du Barreau de la Seine-Saint-Denis

Sommaire Discours de Monsieur le Bâtonnier François DETTONFrançois DETTON

Discours de Monsieur le Bâtonnier Mahi GHOUADNIMahi GHOUADNI

“Règles de conflits, conventions internationales franco-algérien-nes et exequatur”

Madame Françoise MONEGERFrançoise MONEGER, Professeur à l’Université d’OrléansMaître Farid BEY IBRAHIMFarid BEY IBRAHIM, Avocat au Barreau d’Oran

“Statut de la famille algérienne en contexte migratoire”

Madame Edwige RUDE-ANTOINEEdwige RUDE-ANTOINE, Chercheur au CNRSMaître Yelles CHAOUCHEYelles CHAOUCHE, Avocat au Barreau d’Oran

“Pluri-parentalité en Algérie”

Madame Yamina BETTAHARYamina BETTAHAR, Enseignant-chercheur à l’Université de Nancy

“Le regroupement familial”

Madame Claire RODIERClaire RODIER, représentant le GISTI (Groupe d’information et de sou-tien aux travailleurs immigrés)Maître Mohamed MAHIEDDINEMohamed MAHIEDDINE, Avocat au Barreau d’OranMaître Nathalie VITELNathalie VITEL, Avocate au Barreau de la Seine-Saint-Denis

“L’application de la loi étrangère en France (droit des succes-sions, droit de la famille, régime matrimonial et problèmes cul-turels) et les problématiques des juges français et algériens”

Monsieur Jean-Claude BOUVIERJean-Claude BOUVIER, Juge aux Affaires Familiales au TGI deBobignyMadame Zahia DJAHNINEZahia DJAHNINE, représentant AADEF Médiation (Association deMédiation familiale)

Modérateur : Maître Charles GOURIONCharles GOURIONAncien Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Barreau de la Seine-Saint-Denis.

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Mesdames et Messieurs les Universitaires,Mesdames et Messieurs les Magistrats,Mesdames et Messieurs les Bâtonniers,Mes chers Confrères,Mesdames et Messieurs,

Je me réjouis de vous accueillir à Bobignyaujourd'hui, pour ce premier colloque orga-nisé dans notre département, dans le cadredu jumelage entre le barreau d'Oran et lebarreau de la Seine-Saint-Denis, consacré àla part du Droit dans les RelationsFamiliales franco-algériennes.

Il y a tout juste un an, une délégation demon barreau conduite par le BâtonnierGOURION était en Algérie à ORAN.

Nous allions y construire les bases de notrejumelage, nous y avons trouvé l'amitié et lafraternité d'un barreau dynamique etmoderne, ouvert sur l'Europe, partageantpleinement les valeurs qui fondent notreraison d'être avocats et les défendant aveccourage et fierté dans un contexte nationalcomplexe et souvent douloureux. Noussommes rentrés en sachant que ce projetallait vivre, parce que deux mêmes volontéss'étaient rencontrées de chaque côté desrives de la Méditerranée.

Je me souviens de ce mot très fort, pro-noncé par mon ami Michel JOUET, mem-bre du conseil de l'Ordre, à notre retourd'Algérie : “le barreau d'Oran est un barreaudebout”.

Il n'y a pas de meilleure expression pourvous dire, mon cher Bâtonnier GHOUAD-NI, la fierté d'être désormais votre parte-naire pour réaliser avec vous les mêmesambitions:- développer notre collaboration dans tousles domaines du droit,- faire vivre comme nous le disions encoreà Alger il y a quelques semaines, nos tradi-tions juridiques communes.- coopérer pour notre jeunesse qui, icicomme à Oran, a choisi ce métier d'avocatet qui doit trouver dans ce jumelage l'occa-sion d'échanger et de confronter ses expé-riences.

Je vous le dis une fois encore, comme j'enai déjà eu l'occasion en présence de votreAmbassadeur et des représentants du gou-vernement français, notre jumelage et notreamitié sont des contributions modestessans doute, mais sûrement indispensables

à la coopération qui se construit entre nosPeuples, entre nos Etats.

En ma qualité de Bâtonnier de l'Ordre desAvocats de la Seine-Saint-Denis, mais aussià titre personnel, je suis particulièrementattaché à ce nouveau lien qui unit nos deuxbarreaux et au-delà d'eux votre wilayad'Oran et notre département de Seine-Saint-Denis. Je souhaite que ce premier col-loque soit aussi l'occasion de faire partagerà tous les participants cette volonté et que,chacune et chacun, puissent dans leurmilieu professionnel en être le relais.Notre expérience n'est pas unique, d'autresbarreaux français et d'autres barreauxd'Afrique du Nord ont la même volonté etpartagent les mêmes espoirs.

Je salue avec amitié et je le remercie de saprésence aujourd'hui, Monsieur CharlesMOSCARA, Bâtonnier du barreau du Val-de-Marne, qui a engagé son barreau dansun double jumelage avec le Maroc et laTunisie en affirmant des préoccupationssemblables aux nôtres.Nos barreaux sont proches à bien deségards. Monsieur le Bâtonnier MOSCARAet nous pourrions sans doute nous engagertous ensemble, dans une formidable aven-ture entre nos cinq barreaux : Sousse,Marrakech, Créteil, Oran et Bobigny.

Monsieur le Bâtonnier GHOUADNI, noussavons les drames que traverse encoreaujourd'hui votre pays, notamment sa jeu-nesse en péril. Nous les vivons intensémentici où nous rencontrons chaque jour, vosnombreux compatriotes qui vivent dansune terrifiante angoisse, impuissants devanttant de violence.

Et puisqu'il s'agit aussi évidemment deliberté et de droits de l'homme, vous êtesune fois de plus, je le sais, celui qui, sanscomplaisance, sur le terrain, osera aborderles vrais problèmes, sans trahir ses idéauxde démocrate généreux et humaniste, etdénoncer les vraies responsabilités sansflatter ses interlocuteurs.

Sachez combien nous sommes ici respec-tueux et fiers de votre combat et de votrecourage.

Ensemble, Mesdames et Messieurs, nousavons voulu ce colloque ouvert à de multi-ples intervenants : Avocats de nos barreauxrespectifs, Magistrats, Enseignants et

Chercheurs, représentants du monde asso-ciatif et militant, représentants de l'Etat.

Je les remercie tous, d'ores et déjà, pour leurparticipation à ce colloque et la contribu-tion qu'ils vont chacun apporter à ses tra-vaux.

Nous avons également souhaité que ce col-loque soit consacré à un thème majeur, pro-che des préoccupations d'un grand nombrede nos compatriotes français et algériens etqui occupe une place privilégiée dans noséchanges de réflexion.

Le lien si particulier qui unit l'Algérie et laFrance trouve, il est vrai, une résonnancespécifique dès lors qu'on l'aborde sous l'an-gle des relations familiales. Nous avonstous eu en effet, dans nos pratiques profes-sionnelles, notre vie quotidienne, l'occasiond'observer à quel point cette question estprépondérante, parfois sensible, en tout cassource d'interrogation et objet d'une littéra-ture juridique abondante.

Ce ne sera pas le moindre des mérites de cecolloque d’en embrasser tout du moins lesaspects essentiels.

Je sais que les connaissances, les qualitésd'analyse et les expériences professionnel-les, compte tenu des personnes présentes,nous permettrons d'aborder dans le dérou-lement de cette journée des points de vuefondamentaux, parfois complexes, qui don-neront lieu à de riches discussions. On n'a-borde pas en effet une telle problématique,qui touche au plus près du quotidien tantde familles dans nos pays respectifs, sanssusciter l'échange, la passion et le débat enprofondeur.

Je suis convaincu que ces débats, grâce àvotre contribution à tous, seront richesd'enseignements.

Les relations entre la France et l'Algérie onttoujours été empreintes de particularisme.Les rapports souvent privilégiés sont aussiprobablement le socle sur lequel nousdevons construire, sans que l'histoire cons-titue un obstacle insurmontable.

Et pourtant depuis les accords d'Evian lalégislation n'a cessé de marquer ou plutôtd'alterner dans son évolution, périodesfavorables et périodes défavorables. Dansl'ensemble des relations bilatérales qu'en-

Discours du Bâtonnier François DETTON

tretient la France, celles avec l'Algérie onttoujours été singulières. Les questions quivont maintenant être abordées en sont sou-vent le reflet.

Je vous invite donc à suivre avec grand inté-rêt les travaux de ce colloque, dont

Monsieur le Bâtonnier GOURION nousprésentera tout à l'heure les grands traits.

Nous voici devant une journée passionnan-te parce qu'elle sera riche de toutes les com-pétences qui ont bien voulu répondre ànotre demande. J'espère qu'en tous points,

notre accueil pourra y contribuer. Sachezen tout cas, que vous y êtes conviés par les1300 avocats qui ont ensemble décidé d'a-voir une histoire rayonnante pour demaindans leurs pays.

Je vous remercie.

Monsieur le Bâtonnier DETTON,Monsieur le Bâtonnier GOURION,Mesdames et Messieurs,Mes chers Confrères,

Si nous sommes ensemble ici ce jour c’estparce qu’ils ont perdu.

Oui, Messieurs AUSSARESSES,BIGEARD, MASSU, CHATEAU,JOBERT, ACHIARI et tous les autres,vous avez perdu votre guerre.

Vous aviez perdu avant même que decommencer votre sale besogne au Tonkinou en Algérie, à Tananarive ou à Doualaparce que le Maréchal BUGEAUD, oui,celui de la conquête de l’Algérie, est venutémoigner devant le Parlement françaiscontre son collègue le Général PELIS-SIER, accusé par une Commission d’en-quête parlementaire d’avoir massacré descentaines de vieillards, de femmes et d’en-fants dans les enfumades des grottes deDahra. Nous sommes déjà là dans lalogique, si je puis dire, des crimes contrel’humanité.

Bien plus, le 8 mai 1945, vous avez falsi-fié l’Histoire de France et la significationdu mot “libération”.

Qu’importe le nombre de morts à Saida,Sétif, Guelma, Kherrata; 10 000, 20 000,45 000 morts. De toute manière, beau-coup trop et suffisamment pour justifierencore une fois l’invocation du conceptde crime contre l’humanité.

Vous avez perdu votre combat parce qu’ilétait évident que l’Algérie n’était pas laFrance et que le peuple algérien n’étaitpas l’ennemi du peuple de France aveclequel il avait payé le tribut du sang àVerdun et à Cassino.

Ô combien a été proche cette guerre quia détruit dans les campagnes et les villes

d’Algérie, les illusions juvéniles d’ouvrierset paysans picards, ardéchois, auvergnats,bretons, tous fils de ce peuple de Francequi aspirait légitimement à la paix au sor-tir d’une guerre mondiale dont les massa-cres hantent encore en ce début de 21esiècle les prétoires et les esprits.

Quarante années plus tard, la terred’Algérie saigne encore, d’un sang encoreplus impur, sève empoisonnée et maudited’une guerre fratricide, d’un crime nonpas imprescriptible, d’un crime impar-donnable.

Oui, nous avons nous aussi nos faussairesde l’Histoire et ils ont assassiné mon amile Père Pierre CLAVERIE, Evêqued’Oran.

Etrange ressemblance que celle qui unitdans une même opprobre et une mêmecondamnation ceux qui affirmaient hiermener une croisade au nom d’une mis-sion prétendûment civilisatrice et ceuxqui ne visent aujourd’hui qu’à instaurerun totalitarisme abject.

Je dis donc que tous les soldats ont perduet tous les assassins ont perdu et que lavie a gagné. L’ouvrier et le paysan picard,ardéchois, auvergnat, breton, l’ouvrier oule paysan des Aurès, de la Mitidja, descôteaux de Mascara ou des montagneskabyles ont depuis longtemps mêlés leursang, ruisseaux et rivières d’un fleuvenouveau qui coule dans les veines demilliers d’enfants. Le temps et la patienceont eu raison de la méfiance et de lahaine.

Et nous sommes là aujourd’hui, non paspour oublier un passé commun mais pourréfléchir ensemble aux instruments juri-diques les plus adéquats pour préserverl’avenir de ceux de nos enfants qui ontpréféré conjuguer leur destin autour de ceberceau de civilisation qu’est la

Méditerranée.

Ce colloque, le premier du genre, dans lecadre du premier protocole de jumelageentre un Ordre d’avocat algérien et unBarreau de France, à l’initiative d’unBâtonnier français fils de la terred’Algérie, est significatif de l’espoir quenous nourrissons de reconstruire lesponts que des inconscients ont détruit, detrouver ensemble les solutions juridiquesaux conflits qui peuvent éclater au seuilde n’importe quelle passion et des vertusles plus humbles.

Hier encore certains qui s’affirmaientjuristes ont tenté une approche desconflits conjugaux dans le cadre de cesfamilles des deux rives. Mais cette appro-che était vouée à l’échec car l’esprit quiprésidait à leurs propositions étaitempreint de partialité sur les vertus desvaleurs sociales et culturelles respectivesdes époux. Il en a été de même au tempsdes migrations de tous ceux qui avant d’ê-tre français ont été des “ritals” àMarseille, des “polaks” à Lens et des“portos” à Paris.

En 10 ans, une accélération vertigineusede l’Histoire impose une révision dans lamanière d’évoquer les problèmes et d’yapporter remède.

C’est l’esprit ouvert à toutes les analyseset à toutes les suggestions que le Barreaud’Oran, aux destinées desquelles je prési-de pour quelques mois encore, participe àce colloque.

C’est en acceptant de confronter nosidées et nos expériences que nous appor-tons notre pierre à la mission essentiellede l’homme de droit : contribuer à bannirl’arbitraire et à promouvoir l’équité.

Et nous aurons gagné, et nous auronsgagné ensemble.

Discours du Bâtonnier Mahi GHOUADNI

Il n'y a pas, entre la France et l'Algérie, deconvention internationale en matière derègles de conflits, à la différence de ce quiexiste avec le Maroc, puisque le Maroc et laFrance ont signé une convention en 1981contenant des règles de conflits de lois enmatière de mariage et de divorce. Il n'exis-te pas de convention avec l'Algérie sur la loiapplicable : cette question est donc régléeen France par les règles de conflit du droitfrançais. Le juge français applique ses pro-pres règles de conflit de lois; en Algérie, lejuge algérien fait de même.

Je ne vais pas non plus parler de règles deconflit. Je dirais simplement, et vous lesavez peut-être, qu'en ce qui concerne lasituation en France, il y a eu ces dernièresannées une évolution très sensible de lajurisprudence de la Cour de Cassation, surla question de l'application des règles deconflit, c'est-à-dire des règles qui désignentla loi applicable dans une affaire internatio-nale.

Pendant des années et jusque dans lesannées 90, la Cour de Cassation considéraitque lorsqu'il y avait, dans un litige, un “élé-ment d'extranéité” (par exemple une per-sonne de nationalité étrangère), et si lesparties n'invoquaient pas ce caractère inter-national, le juge devait raisonner comme sil'affaire était purement interne et appliqueren définitive la loi française : cela signifieque des personnes étrangères se voyaientappliquer la loi française si elles n'invo-quaient pas devant le juge leur nationalitéétrangère.

Cette jurisprudence a été extrêmement cri-tiquée car elle aboutissait à faire que la règlede conflit de lois n'était pas une vraie règlede droit, étant donné qu'on pouvait ainsil'écarter. Depuis toute une série d'arrêts(débutée en 1988), la Cour de Cassation ditaujourd'hui que le juge doit appliquer larègle de conflit de lois dans les matières destatut personnel, c'est-à-dire dans lesmatières où les personnes n'ont pas la pos-sibilité de disposer de leurs droits ; onimpose désormais aux juges l'applicationde la règle de conflit, donc de la loi étran-gère qu'elle peut désigner.

Dès l'instant où dans un dossier apparaît

l'élément d'extranéité, la nationalité étran-gère de la personne, la Cour impose auxjuges de raisonner en droit internationalprivé, c'est-à-dire d'appliquer la règle deconflits, ce qui n'est pas toujours très sim-ple. Ainsi, lorsque cette règle de conflitdésigne la loi étrangère, la Cour impose auxjuges de mettre en œuvre cette loi étrangè-re ; elle impose également au juge de s'im-pliquer dans la preuve de cette loi étrangè-re. Le juge français est bien sûr tenu deconnaître la loi française, mais non la loiétrangère. Cependant cette jurisprudence aconduit à dire qu'il devait rechercher lateneur de cette loi et l'appliquer.

Vous savez qu'en droit français, on rattacheen principe le statut personnel à la loinationale; il y a énormément d'exceptions,mais ce principe est celui de l'article 3 duCode Civil. Donc lorsque la règle deconflits désigne la loi nationale (la loi algé-rienne pour ce qui nous concerne aujourd'-hui), le juge français est tenu d'appliquercette loi algérienne et de la mettre enœuvre.

Il y a là une évolution très sensible. Nousaurons, je pense, l'occasion d'en reparlerdans la journée, puisque cette évolution dela jurisprudence a pour conséquence demultiplier les occasions de mettre en œuvrela règle de conflit.

On peut sans doute dire que cette jurispru-dence a quelque chose de négatif : en défi-nitive, on va imposer l'application de la loiétrangère à une personne qui aurait peut-être voulu qu'on lui applique la loi françai-se. C'est un meilleur respect du droit maisfinalement, ce respect du droit conduit àimposer à l'étranger sa loi nationale alorsqu'il préférerait peut-être qu'on lui appliquela loi du lieu où il vit.

Il n'existe entre la France et l'Algérie quedes conventions en matière de reconnais-sance des décisions de justice. J'en ai relevétrois.

La première convention est celle du 27août 1964 (Dalloz 1965, L, p.275), enmatière d'exequatur et d'extradition, quiconcerne toutes les décisions en matièrecivile et commerciale, et que vous rencon-

-trez sans doute beaucoup dans votre pra-tique professionnelle. Cette convention surl'exequatur des décisions judiciaires faitpartie d'un ensemble de conventions dumême type que la France a passé dans cesannées-là avec tous les pays qui devenaientindépendants. Il existe au total 40 ou 50conventions. Cette convention de 1964 n'arien de particulier par rapport à l'ensembledes conventions que la France a passé avecbeaucoup de pays d'Afrique.

En 1964, elle pouvait paraître moderne.Mais adaptée à son temps, et puisqu'au-jourd'hui un certain nombre d'années ontpassé, on ne peut que constater que le droitcommun français (c'est-à-dire en-dehors detoute convention) en matière de reconnais-sance et d'exécution des jugements a beau-coup évolué ; ainsi cette convention de1964 paraît finalement plus sévère quenotre droit commun sur certains points.C'est essentiellement cela que je voudraisdonc évoquer : en quoi cette conventionliant la France et l'Algérie paraît sur cer-tains points plus restrictive que le droitcommun, ce qui peut paraître un peu para-doxal puisqu'une convention est générale-ment adoptée pour améliorer le droit com-mun.

S'il n'y avait pas de convention d'exequaturavec l'Algérie, la solution du droit communfrançais serait plus souple. En quoi cetteconvention de 1964 est-elle aujourd'huiplus sévère ?

Elle exige par exemple qu'en matière d'exe-quatur, la décision rendue en Algérie ou enFrance soit passée en force de chose jugéeet que tous les recours aient été exercés, ycompris le pourvoi en cassation (article 1erc et article 4 alinéa 2). En droit commun aucontraire, on peut demander l'exécutiond'une décision étrangère sans que tous lesrecours contre cette décision aient été exer-cés à l'étranger, en particulier le pourvoi encassation. La solution de la conventionapparaît extrêmement restrictive.Autre point : il existe en droit commun unedistinction entre les jugements en matièred'état des personnes, et les autres juge-ments. Pour les premiers, la Cour deCassation dit “qu'ils ont donc une autorité deplein droit, qu'ils sont reconnus de plein droit”.

Règles de conflit, Convention Internationale Franco-algérienne et exequatur

Intervention de Madame Françoise MONEGER, Professeur à l'Université d'Orléans

Cette autorité de plein droit permet de lesretranscrire directement sur les Registresd'Etat Civil, s'ils apparaissent réguliers, sansexiger l'exequatur.

Or la Convention de 1964 entre la Franceet l'Algérie exige au contraire l'exequaturpour la transcription (article 2 de laconvention : “l'inscription, la transcription, larectification sur les Registres Publics ne peut avoirlieu que si la décision est exécutoire sur le territoi-re”).

Un autre point de la convention (qui n'estpas plus restrictif que le droit commun,mais qui est à l'origine d'un blocage desreconnaissances et de l'exécution des déci-sions algériennes en France et françaises enAlgérie), c'est bien sûr l'exception d'ordrepublic. Elle est invoquée à l'article 1er d :“on ne reconnaîtra, et l'on n'exécutera un jugementdans l'un ou l'autre pays que si ce jugement estconforme à l'ordre public de l'Etat requis”.

Vous savez qu'il y a là un vrai problème enmatière familiale, car la France a en cettematière des principes un peu différents deceux de l'Algérie. Dès lors, le juge françaisaura tendance à considérer que la décisiondu juge algérien est contraire, en matièrefamiliale, à l'ordre public français. De lamême manière, le juge algérien considèreraque la décision du juge français qui, vous lesavez, en matière familiale et en matière deséparation et de divorce, a tendance à don-ner l'exercice de l'autorité parentale à lamère, sera au regard du droit algériencontraire à l'ordre public.

Cette exception d'ordre public (qui existe,je le répète, dans toutes les conventions),entraîne en matière familiale un blocagepuisqu'il y a finalement assez peu de déci-sions reconnues et exécutées dans chacundes pays.

La jurisprudence française nous fournittout de même quelques exemples où le jugea accepté d'exécuter des jugements algé-riens (l’intervenant suivant vous parlera dela jurisprudence algérienne). Il existe enparticulier un arrêt de la Cour de Cassationde 1987, qui fut extrêmement commenté(6 janvier 1987, Revue Critique de DroitInternational Privé 1988, p. 336 ; Dalloz1987, p.467, note de M. MASSIP).

Il s'agissait d'un couple algérien. La femme,repartie en Algérie avec ses enfants, avaitobtenu un jugement de divorce d'un jugealgérien et elle demandait donc l'exécutionde ce jugement en France vis-à-vis de sonmari algérien, resté en France. Son maricontestait cette décision du juge algérien.La Cour de Cassation a considéré que le

jugement algérien devait être reconnu etexécuté, qu'il remplissait les conditions dela convention de 1964. C'était toutefoisassez exceptionnel puisqu'en l'occurrence ils'agissait d'une femme algérienne à qui onavait confié ses enfants, donc cela cor-respondait en définitive à notre “modèle”.

Il existe un arrêt plus récent de la Courd'Appel de Versailles, mettant égalementen œuvre la convention de 1964. Il s'agis-sait également d'un divorce, où les époux sedisputaient depuis des années sur la gardedes enfants. Cet arrêt a mis en place un exe-quatur partiel : la Cour a en effet considéréque pouvait être assortie d'exequatur la par-tie du dispositif du jugement algérien quidécidait du divorce. La Cour a considéréqu'on pouvait obtenir l'exequatur si lesépoux étaient d'accord pour dire qu'ilsétaient divorcés, qu'ils ne revenaient pas surla question même du divorce mais se dispu-taient sur la garde (CA Versailles, 6 février1997, Journal de Droit International 1998,p. 119).

La convention de 1964 est donc, je le répè-te, une convention classique comme cellesque la France a passé avec d'autres pays, etqui achoppe essentiellement sur la questionde l'ordre public du fait des conceptionsdifférentes de cette notion et des tendancesdes juges à considérer que les ordrespublics peuvent écarter l'application de ladécision étrangère.

Le deuxième accord que je souhaitais évo-quer est un échange de lettres entrel'Algérie et la France du 18 septembre 1980relatif à la coopération et à l'entraide judi-ciaire en matière de garde des enfants (J.O.du 3 octobre 1980, p. 2295).

Cet échange de lettres est extrêmementgénéral. L'Algérie et la France s'y entendentsur les coopérations en ce qui concerne lagarde des enfants, l'exercice de la garde desenfants entre la France et l'Algérie. Il mesemble que ce texte s'appliquait à tous lesenfants, français et algériens ; toutefois laconvention qui a découlé de cet échange delettres (convention du 21 juin 1988 sur lesenfants de couples mixtes séparés françaiset algériens) est très limitée quant auxenfants, alors que le texte de 1980 ne l'étaitpas et semblait s'appliquer d'une façongénérale. A mon sens, le texte de 1980 n'apas été dénoncé et il s'applique toujours.Cependant, étant donné la généralité destermes qu'il contient, je ne sais pas si onpeut l'invoquer pour obtenir un résultattrès précis.

Le troisième et dernier texte que je voulais

évoquer est donc cette convention franco-algérienne du 21 juin 1988 (J.O. du 19 août1988). C'est à la suite de l’évènement du“bateau des mères d'Alger” qu'a été signéecette convention, puisque les mères fran-çaises avaient vu leurs enfants “enlevés”(j'espère que c'est le terme) en Algérie parleurs pères et n'avaient plus aucun contactavec eux. Ce “coup” médiatique avait pourobjectif d'attirer l'attention sur leur détres-se à être complètement séparées de leursenfants.

Il aura fallu 8 ans pour mettre en œuvrecette convention. Il n'y avait pas bien sûr,derrière tout cela, seulement des problèmesde famille. Dans toute convention interna-tionale on trouve des arrières pensées poli-tiques ou économiques…Les deux paysont donc eu donc beaucoup de mal à semettre d'accord sur ce texte.

On peut évidemment être très sceptique,mais il me semble qu'il y a tout de mêmedes points positifs dans cette conventionde 1988.

Les points négatifs :- elle ne concerne que les enfants de cou-ples mixtes franco-algériens : elle neconcerne donc pas, par exemple (et c'estsans doute un cas que vous rencontrez), lesrésidents algériens en France. Vous allezcroire que j'en veux beaucoup aux pèresmais c'est un exemple fréquent: un pèrealgérien emmène ses enfants en Algérie; lamère algérienne résidant en France ne trou-ve pas d'aide dans la convention de 1988,puisque cette convention ne concerne quela mère française ou l'époux français. Il fautque ce soit un couple mixte, les résidentsne sont pas concernés.- elle ne concerne que les enfants légitimespuisqu'on y parle de conjoints, de domicileconjugal. Les enfants naturels sont doncexclus. Dès lors, la jurisprudence française(qui a été à l'origine de cette convention) acontinué à poser pour ces enfants naturelscertaines exigences de protection en l'ab-sence de convention : elle exige notam-ment que le père algérien, venant rendrevisite à ses enfants sur le territoire français,remette ses documents de voyage pourfaire en sorte qu'il ne puisse pas repartiravec eux. La convention ne concerne pasnon plus les enfants adoptés ; vous savezque l'adoption n'est pas permise par leCode de la Famille algérien, et cela a étérépété lors des travaux préparatoires. Onpeut même dire que le titre même de laconvention (“les enfants issus de parentsfranco-algériens”) conduit à écarter lesenfants adoptés.

Le champ d'application de cette conven-tion est donc limité aux enfants légitimesde parents franco-algériens séparés. Leterme “séparé” pouvant conduire à direqu'il peut s'agir d'une séparation judiciaireou d'une séparation de fait. Il y a cependantdes points très forts dans cette convention.Vous avez rappelé la situation dramatiquede l'Algérie; sans doute cette conventionest-elle arrivée au mauvais moment, etqu'elle n'a pas été vraiment appliquée.

Le point positif est que la conventionorganise la garde et le droit de visite enAlgérie : elle permet au parent qui a sim-plement un droit de visite de pouvoirl'exercer, donc d'emmener son enfant enAlgérie, et elle assure au parent qui a lagarde de retrouver son enfant à l'issue dudroit de visite. C'est réellement dans ce butqu'a été faite cette convention, au regard du“bateau des mères d'Alger”. Deux règlessont primordiales :* il y a dans la convention une règle decompétence en ce qui concerne la garde(article 5): le Tribunal compétent, et exclu-sivement compétent, en ce qui concerne lagarde de l'enfant, est celui du domicilefamilial. Cette règle a bien sûr été critiquéepar la partie algérienne, qui l'a considéréecomme une victoire de la France. C'est unpoint favorable aux mères françaises étantdonné que dans l'immense majorité des cascela concerne des couples algéro-françaisdont la femme est française et vivant enFrance. On a ainsi déterminé à l'avance lacompétence du Tribunal français.* mais à l'inverse (car le texte est bien sûrun compromis), le juge qui statue sur lagarde est obligé d'admettre dans son juge-ment un droit de visite transfrontalier àl'autre parent : la seule exception à ce droitde visite transfrontalier consisterait dansdes conditions exceptionnelles où la santéde l'enfant serait compromise. C'est encela, me semble-t-il, que cette conventionde 1988 a un avantage considérable parrapport à celle de 1964: on ne regarde pasl'ordre public, on ne dit pas le code algérienest contraire à l'ordre public français, ouque le code français est contraire à l'ordrepublic algérien, on regarde simplement l'in-térêt de l'enfant. Et son intérêt, c'est deconnaître et de continuer à avoir des rela-tions avec son père et avec sa mère, c'est defaire en sorte qu'on puisse organiser cesrelations. Les conditions exceptionnelles nepermettant pas d'emmener l'enfant enAlgérie seraient, par exemple, le cas d'unenfant malade devant subir un traitementconstant et donc intransportable.

Ce sont là les points les plus importants decette convention de 1988. Les autorités

françaises et algériennes se sont entenduespour entourer de garanties ce droit de visi-te transfrontalier, pour que l'enfant qui estparti en vacances en Algérie revienneensuite en France.

Je n'ai pas véritablement d'idée de l'applica-tion de cette convention en Algérie. Je doisdire qu'en France, il y a très peu dejurisprudence sur cette question. Aumoment de l'adoption de cette convention,j'étais vraiment très favorable car, pour lapremière fois, on avait écarté l'argument del'ordre public au profit de l'intérêt de l'en-fant. Même si on peut considérer, du côtéalgérien, qu'une faveur a été faite à laFrance avec l'article 5, concernant la com-pétence du tribunal du lieu de résidence dela famille. J'attends que la partie algérienneme dise ce qu'il en est de cette convention.

Je vous remercie.

La première des remarques et des préci-sions que je voudrais apporter à l'interven-tion de Madame MONEGER concerne laconvention de 1964. Dans l'esprit même deses signataires, il est en effet précisé quecette convention est limitée dans le tempset dans l'espace, c'est-à-dire: “en attendant laconclusion d'une convention judiciaire générale”.Cette convention intervenait donc à unmoment précis, les signataires devant par lasuite établir une autre convention, plusgénérale.

Je pense que cette convention, malgré tou-tes les critiques qu'on peut lui apporter,était un plus dans la mesure où elle avaitdonné un régime privilégié en matièred'exequatur aux décisions qui sont renduesdans chacun des deux pays. En effet, elleles avait exclues du régime général par la loiintérieure algérienne. C'est l'article 21 duCode Civil qui précise qu’en présenced’une Convention Internationale, les lois(ou du moins les règles de conflit qui sontprévues par les textes algériens, c'est-à-direles articles 9 à 24 du Code Civil) sontexclues. Ensuite, les conditions d'exequaturqui étaient énumérées par MadameMONEGER sont moindres que celles quisont normalement prévues par le droitcommun. Je pense que la convention de1964 était déjà un plus en ce qui concernele régime de droit commun pour l'exequa-tur des décisions de justice.

Car si on se réfère aux règles de droit inter-national privé en matière d'exequatur, onconstate que les juges sont passés de larévision au contrôle, mais que de toutefaçon même cette théorie du contrôledonne un pouvoir important au juge del'exequatur.

Maintenant, en ce qui concerne le droitinternational privé algérien de façon géné-rale, il faut avoir à l'esprit que c'est la règleconflictuelle qui a été retenue par les légis-lateurs algériens, règle instaurée par l'article3 du Code Civil français et reprise par l'ar-ticle 10 du Code Civil algérien, avec cettenuance que, pour l'article 10, il s'agit enquelque sorte de l'héritage français à traversl'article égyptien, ou le Code Civil Egyptiende 1949 qui lui-même avait hérité de lajurisprudence française ; or, en matière deconflit de lois, on constate que cettejurisprudence qui était, à l'origine, à la basede ce texte égyptien, est reprise par l'article10 algérien. On constate qu'elle a évolué ets'est trouvée sensiblement dépassée.

À cela, il faudrait ajouter aussi et avoir tou-jours à l'esprit que, entre le droit françaisd'une façon générale et le droit algérien, il ya une différence qui, je pense, est essentiel-le : c'est celle de l'origine (bien que dudébut de l'indépendance jusqu'en 1975, c'é-tait l'héritage du Droit français).

Il y a une différence essentielle d'origine

Intervention de Maître Farid BEY IBRAHIM,Avocat au Barreau d’Oran

dans la mesure où le Droit algérien, tiréentier du régime musulman surtout enmatière de statut personnel et en matière dedroit familial, se distingue du régime fran-çais dans cette matière. Ce sont ces inci-dences qui se trouvent souvent à la base dedifficultés, lorsqu'il s'agit de faire référenceà cette théorie de conflits de lois dans l'unou l'autre des deux Droits.

Ce que je pourrais ajouter aussi, c'est queparmi les conventions qui ont été signéespar l'Algérie, qui sont à peu près, dans cedomaine, au nombre de 36 en ce quiconcerne les pays riverains et les pays ara-bes, certaines d'entre elles peuvent actuelle-ment avoir des incidences sur les relationsjuridiques avec d'autres pays tels que laFrance, dans la mesure où le juge, algériennotamment, serait amené à appliquer envertu de ces conventions des textes natio-naux qui n'auraient pas été appliqués s'ils seréféraient à la théorie générale de conflitsde lois.

Là aussi, il se peut que l'on se trouve devantdes difficultés à venir.

Toutefois, dans le droit positif (notammentl'idée qui en a été donnée par la jurispru-dence algérienne), nous constatons que desarrêts, surtout de la Cour Suprême (juridic-tion de Cassation algérienne), sont rares enla matière. Toutefois, et encore dernière-ment en 1998, un arrêt intéressant a étérendu sur un pourvoi en cassation par laChambre du Statut Personnel : cet arrêt estintéressant dans la mesure où, d'une part, ildonne la réponse des juges de cassation enapplication de la règle du conflit des lois,c'est-à-dire à l'application des articles 11 et12 du Code Civil algérien, et d'autre part ilfait intervenir aussi “par ricochets” laconvention ou du moins la transcription dela décision algérienne en territoire français.

En l'espèce, il s'agissait d'un couple italiendont l'épouse, au départ algérienne, étaitnaturalisée. Le couple saisit le juge algérienpour divorcer. S'étant mariés à Marseille,résidant en Algérie, le juge algérien de pre-mière instance avait rendu sa décision dedivorce en faisant référence à la loi natio-nale du mari; parce qu'il est dit qu'onapplique la loi, non pas du mari, mais desparties. Mais lors du pourvoi en cassation,la Cour Suprême a estimé que du fait quel'épouse était d'origine algérienne, elle n'a-vait pas perdu cette nationalité d'origine. Acontrario, la Cour lui appliquait l’exceptionnationaliste du fameux article 13 : “lorsquel'un des deux conjoints est algérien, on applique laloi algérienne”. Puisque l'une des parties estalgérienne, la loi algérienne exclut la loi

nationale des parties ou de l'autre partie.

Dans cet arrêt du 17 février 1998, la CourSuprême donne un point de vue de laJuridiction Suprême qui, à ma connaissan-ce, est unique jusqu'à présent, ou le plusrécent du moins dans ce domaine. Il y a cequ'on appelle l'école des conflits de lois quiest la plus utilisée parmi les règles de droitinternational privé, mais parfois, il y a desrègles substantielles qui interviennent sur ledomaine du droit international privé; ainsidans le cas d'espèce, lorsqu'en droit algé-rien la nationalité est régie par une loi spé-ciale qui ne répond pas aux règles duconflit du droit international privé algérien,l'article 10 de ce code précise (et il reprenden cela la règle du conflit des lois) “qu'enmatière de statut personnel, en matière de mariage,de divorce, c'est la loi des parties qui s'applique”.S'il y a deux ressortissants italiens qui vien-nent devant un juge algérien (et ceci jepense que le juge français aussi le fera), il vad'abord commencer par appliquer leur loinationale.

Dans le cas d’espèce, au départ les partiesétaient ressortissants italiens mais l'uned'entre elles avait eu la nationalité algérien-ne. La plus haute juridiction algérienneinvoque l'exception de l'article 13 en disanten quelque sorte: “je me rattache à leurnationalité, donc je n'applique pas les règlesde droit commun du droit internationalprivé”. De toute façon, les parties se sontprésentées devant le juge algérien tout sim-plement parce que le domicile conjugal setrouvait en Algérie. Ce sont les règles nor-males : le juge compétent en matière dedivorce est bien celui du domicile conjugal.Ce mariage avait été conclu à Marseille. Sice mariage avait été rompu par le juge algé-rien, il aurait fallu le transcrire au niveau dela mairie française. On rentre ici dans lecadre de la transcription du jugement dedivorce rendu par la juridiction algérienne àl'étranger et notamment en France.

Dans cette affaire, la Cour de Cassationalgérienne avait la possibilité de donner l'o-pinion de la jurisprudence algérienne surces problèmes de droit international privé.Elle a choisi une solution qui lui permettaitde se prononcer sur le plan du principe.Dans l'arrêt, il y a eu deux cas de cassationproposés à la Cour, c'est-à-dire en se basantsur les principes du droit internationalprivé, les articles 10, 11 et 12. Mais elle apréféré aller chercher l'article 13 pour cas-ser ce jugement qui avait prononcé ledivorce entre ces deux personnes.

La difficulté générale à laquelle on peut seheurter, lorsqu'on fait une approche théo-

rique pour essayer de synthétiser les règlesde droit international privé telles que pré-vues par le législateur algérien, c'est d'abordune difficulté de “synthétisation”. En effetla pièce législative maîtresse de ce droit,c'est-à-dire le Code Civil algérien de 1975, aété promulguée par ordonnance législative;donc nous n'avons pas de débat parlemen-taire qui puisse nous éclairer sur certains deces textes ou sur les intentions du législa-teur. Nous n'avons pas non plus unejurisprudence suffisamment importantepour connaître l'interprétation qui a étédonnée de ce texte par le juge algérien.C'est là que se situe la principale difficulté.

Voilà ce que je souhaitais apporter sur leproblème du conflit de lois en matière dedroit algérien.

Maître GOURION : Nous remercionsMe Farid Bey IBRAHIM pour son inter-vention. Y a-t-il des questions dans la salle?

Un intervenant dans la salle :J'aimerais parler de l'article 10 du CodeCivil algérien et de l'article 8 du Code deProcédure Civile algérien. Par exemple : unpère abandonne sa famille, et veut allerdivorcer en Algérie en suivant la règle denationalité. L'article 8 du Code deProcédure Civile algérien parle de compé-tence territoriale en matière de divorce ;d'après cet article, le tribunal territoriale-ment compétent est celui du lieu du domi-cile de la famille. En vertu de l'article 10 duCode Civil algérien, c'est la nationalité quiréglemente le divorce. Entre ces deux arti-cles, quel est celui qui a la primauté et quele juge doit suivre ?

Me Farid Bey IBRAHIM :Dans votre exemple il s'agit de conflit delois : le juge va chercher à déterminer quel-le est la loi applicable au litige qu'on luisoumet. C'est la première réponse qu'ap-porte le juge. Mais la question que vousposez, c'est le conflit de juridiction : le jugeest-il ou non compétent ?. Nous n’avonspas abordé ce problème car nous étionslimités aux conflits de lois. Le juge algérienne va pas tenir compte de la nationalité desparties pour déterminer sa compétence.

Lorsqu'au cours de l'instance (nous parlonsen matière civile et commerciale, enexcluant les matières pénales ou adminis-tratives), le juge reçoit sa compétence, il n'apas la nationalité des parties, donc l'article8 s'applique sans distinction. Le juge va, enfonction des critères internes, déterminersa propre compétence. Donc dans le casqui nous intéresse, l'article 8 n'est pas en

conflit avec les dispositions de l'article 13ou des articles 10 et 12 qui eux gèrent leconflit de lois, la loi applicable au fond auxparties. Si vous voulez intenter un procèscivil devant le juge algérien, devant leTribunal de Première Instance, il y a desrègles matérielles : ce juge est compétentpour certaines matières. En l’espèce uneinstance de procédure de divorce peut êtreintroduite. Et si le domicile conjugal setrouve en Algérie, c'est le juge algérien quiest compétent, s'il se trouve à Oran ce serale juge d'Oran, etc..

Monsieur le Bâtonnier GHOUADNI :C'est un problème qui suscite un intérêténorme, et les cas divisent les familles. Il estnécessaire pour les deux pays de signer uneconvention réglant tous ces problèmes,pour une raison bien simple : en 1967, seposaient déjà les premières difficultés alorsque le nombre de couples mixtes étaitextrêmement réduit. Aujourd'hui, nousconstatons de plus en plus de mariagesentre ressortissants algériens et ressortis-sants français, ressortissants ayant une dou-ble nationalité. Et quoi qu'on en dise, lesparties concernées ne portent absolumentaucun intérêt à assister à un débat sur laqualité des textes existant dans un pays oudans l'autre.

Ce qui est réel, c'est que le juge français (onle constate et il faut l'admettre) partage lemême défaut avec le juge algérien : c'estcelui de vouloir privilégier d'abord sa com-pétence, parce qu'il y a dans l’affaire unfrançais ou un algérien. Certains estimentque le droit français est beaucoup plusmoderne, d'autres considèrent que le codede la famille est tellement rétrograde qu'iln'y a pas matière à attendre son application.Là, le débat est de dépasser le cadre dutexte applicable. Un divorce en France,même avec les modifications apportées,prend un an et demi ou deux ans ! enAlgérie, la décision de divorce n'est pas sus-ceptible d'appel et vous divorcez en 3 mois.

Le vrai problème, c'est la rupture au niveaud'un couple et des problèmes tragiques s'a-gissant du devenir des enfants. C'est ainsiqu'il faut évoquer le problème, et inciter lesgens à réfléchir ensemble sur la nécessitéd'une convention qui règlera tous ces pro-blèmes, en dehors de l'humeur du juge, qu'ilsoit français ou algérien. Cela est essentiel àmon sens, car les dispositions de l'article 8ou de l'article 12 ne présentent absolumentaucun intérêt pour la partie résidant enFrance et dont les enfants se trouventemmenés en Algérie.

Il y a là matière à réfléchir ensemble à la

nécessité d'inciter nos gouvernementsrespectifs à préparer un texte qui puisseêtre appliqué d'une manière automatiques'agissant de la compétence, sans attendreles subtilités des règles d'exequatur si diffé-rentes dans la législation algérienne ou lalégislation française.

Dans la législation algérienne il y a un textetrès général, qui dit que toutes les décisionsétrangères peuvent faire l'objet d'une exe-quatur en territoire algérien dans la mesureoù elles ne sont pas contraire à l'ordrepublic. Mais cet ordre public, c'est unesorte de “pochette surprise” dans laquellevous pouvez mettre n'importe quoi. Lamère de famille française, ou algérienne, oubinationale, qui se trouve confrontée à ceproblème, n'attend ni de l'avocat ni du jugequ'il applique tel ou tel texte. Ce qui l'inté-resse, c'est l'intérêt de son enfant, parfoisson égoïsme de mère, ou parfois l'égoïsmedu père, mais c'est ce genre de problèmequi doit être réglé et nul autre endroit quela Seine-Saint-Denis n'était plus appropriépour évoquer ce problème compte tenu dela forte concentration de population bina-tionale, ou immigrée provisoirement ou demanière plus durable.

Le même intervenant dans la salle:J'aimerais encore revenir sur l'article 8.Vous me dites qu'entre l'article 10 et l'arti-cle 8 du Code de Procédure Civile algérien,c'est l'article 8 du Code de Procédure Civilealgérien qui a la primauté quand la familleréside en France. Par exemple : quand unmari abandonne sa famille, que la familleréside en France et qu'il veut aller divorceren Algérie, le juge algérien doit soulever lui-même l'article 8 qui est d'ordre public etrenvoyer l'affaire en France. Donc sanstenir compte de l'article 10 du Code Civil ?

Me Farid Bey IBRAHIM :D'une façon générale il existe, et c'est ungrand principe du droit international privé,ce qu'on appelle la fraude à la loi. Quelquesoit le juge, lorsque l'on constate qu'unepersonne utilise une règle de droit quellequ'elle soit pour frauder la loi, le juge refu-se cette application. Si dans le cas qui nousintéresse, le domicile conjugal étant enFrance pour l'une des deux parties, qu'ilssont tous deux de nationalité algérienne parexemple, ou l'un d'entre eux étant algérienva en Algérie et introduit une procédure dedivorce, légalement il peut le faire.Maintenant, qui doit appliquer cette légalitéou qui doit dire cette légalité ? c'est le juge! s'il constate qu'il y a fraude à la loi, jepense que la demande sera refusée.

Je voudrais aussi ajouter une autre précisionà propos du champ d’application de laconvention algéro-française de 1964 : il estprécisé que pour l'exequatur, il ne faut pasqu'il y ait une procédure pendante dansl'autre pays. La difficulté qui se pose dans lecas que vous soumettez, c'est que ces per-sonnes se sont mariées en Algérie, viennentrésider en France et par la suite, chacun enfonction de leurs intérêts, vont souhaitersaisir soit le juge français, soit le juge algé-rien ; je pense qu'ici le principe de la frau-de à la loi peut servir de garde-fou. Ensuite,ce sera une des deux décisions qui ne serapas “exequaturée”, ou, à la limite, qui nepourra pas être transcrite dans l'un ou l'au-tre des pays.

L'article 8 concerne la compétence territo-riale interne à l'Algérie, il distingue unique-ment en fonction des matières et devantquel juge on peut aller. L’article 10 duCode de Procédure Civile vise les étrangersqui ne sont pas résidents en Algérie et quipourront être cités devant les juridictionsalgériennes pour l'exécution des obligationsqui ont été contractées en Algérie avec unalgérien : ils pourront être traduits devantles juridictions algériennes pour leurs obli-gations. C'est ce qu'on appelle leur ratta-chement par la nationalité. En outre, l'arti-cle 11 dit que “tout algérien pourra être traduitdevant la juridiction algérienne pour les obligationscontractées en un pays étranger même avec unétranger”.

Maître GOURION :Nous remercions une nouvelle fois MeFarid Bey IBRAHIM. Nous allons passerau thème suivant, et je vais donc passer laparole à Madame RUDE-ANTOINE,Chercheur au CNRS.

La famille en Algérie a une fonction morale et sociale en ce sensoù le Code de la famille algérienne, promulgué le 9 juin 1984, pré-cise dans son article 2 : “La famille est la cellule de base de la société” etdans son article 3 : “La famille repose, dans son mode de vie sur l'union,la solidarité, la bonne entente, la saine éducation, la bonne moralité et l'éli-mination des maux sociaux”.

Cette vision très idéaliste ne tient pas compte ni des transforma-tions de la famille algérienne dont le modèle n'est plus uniquementpatriarcal1, ni des aspirations nouvelles visant l'émancipation desfemmes. Si les réformistes islamiques ont pu exercer une actiondans de nombreux secteurs en conformité avec les préceptes del'islam (lutte contre l'ignorance, enseignement des filles, etc…), cesderniers restent farouches à une réforme en profondeur du codede la famille. Les plus conservateurs s'opposent à l'abolition duvoile qui toucherait, disent-ils, les moeurs, au droit de la femme audivorce qui induirait la destruction des foyers, à l'égalité entrel'homme et la femme qui serait contraire aux sources scripturairestelles que le Coran.

Certes, le code de la famille algérienne n'est qu'une compilation dudroit musulman complétée par la doctrine musulmane puisqu'il estbien mentionné qu’“en l'absence d'une disposition dans la loi, il est faitréférence aux dispositions de la chari'a” 2 . Depuis la promulgation ducode, la Cour suprême algérienne cesse de se référer au droitmusulman : “Il est établi (en droit musulman) que le témoignage des fem-mes n'est pas admis en matière de mariage” 3.

En somme, le droit de la famille algérienne se situe à la juxtaposi-tion de deux systèmes juridiques, la chari'a et la loi positive. Le der-nier projet de loi qui visait l'abolition de la polygamie, la nullité dumariage sous établissement d'acte d'état civil, l'obligation d'entre-tien de la famille par l'épouse, le droit à la femme d'exercer uneprofession et de circuler librement, la suppression de la répudia-tion, le droit de l'épouse au divorce et les conditions du droit degarde de l'enfant n'a pas vu le jour mais témoigne des mutationsactuelles au sein de la société algérienne.

En contexte migratoire, quelles sont les règles qui gouvernent lesrapports familiaux des Algériens ? Pour comprendre la réalité juri-dique des Algériens résidant en France, le droit international privéest un passage obligé. En effet, aux termes de l'article 3 alinéa 3du Code civil, “les lois concernant l'état et la capacité des personnes régis-sent les Français même résidant en pays étranger”.

______________________________________________1 E. Rude-Antoine, “Le mariage maghrébin en France”, Paris, Karthala, 1990 ; dumême auteur, “Des vies et des familles - Les immigrés, la loi et la coutume”, Paris, éd. O.Jacob, 1997.2 Article 222 du Code de la Famille algérienne.3 Arrêt du 2 janvier 1989.

Par réciprocité, la Cour de cassation dans un arrêt du 13 avril 1932en a déduit un principe selon lequel toute personne étrangère,quelque soit son lieu de résidence, est soumise pour son statut per-sonnel4 à la loi du pays dont elle a la nationalité. Par la suite, d'au-tres règles de conflit qui traitent les questions familiales ont étéénoncées par la loi. Ainsi, en matière de mariage, le droit françaisdistingue au regard de la loi applicable entre les conditions de fond et les conditions de forme. Les premières obéissent à la loi per-sonnelle des époux, c'est-à-dire la loi nationale. Lorsque les épouxsont de nationalité différente, il est fait une application distributi-ve des lois personnelles. Les secondes sont soumises à la loi dulieu de célébration du mariage. En matière de filiation, la loi per-sonnelle de la mère au jour de la naissance s'applique. En matièrede divorce, selon l'article 310 du Code civil5 , la loi française estappliquée lorsque l'un ou l'autre époux sont de nationalité françai-se, lorsque les époux ont l'un et l'autre leur domicile sur le terri-toire français, même si les époux sont de nationalité étrangère.

_______________________________________________4 C'est-à-dire les règles concernant le mariage, le divorce, la séparation de corps,la filiation et la capacité. Dans les pays musulmans, le statut personnel englobe lesrègles juridiques relatives à l'identification individuelle des personnes et à leurs rela-tions de famile mais aussi les sucessions. Dans cet article, il est fait référence à cettedéfinition du statut personnel.5 Dans un arrêt de la Cour de cassation du 11 janvier 1983 (Cass. civ. 1ère, 11 jan-vier 1983, Bull. civ. I., n° 12, p. 9.), les juges ont estimé sur présentation d'un cer-tificat de résidence au lieu du domicile commun que les époux ont leur domicilesur le territoire français et en ont déduit que la loi française est compétente pourrégir la demande en divorce de l'épouse. Devant le tribunal le 26 octobre 1987(TGI Dunkerque 26 octobre 1987, Journal de droit international, 1988, p. 767,note Ali Mezghani), les juges prononcent en application de la loi algérienne ledivorce d'époux algériens et confient à la mère l'autorité parentale de l'enfantmineur. L'épouse reproche à son mari de ne pas l'avoir suivi lorsqu'elle est revenueen France où elle vit seule depuis 1982 sans subsides de son mari. Dans l'arrêt dela Cour d'appel de Paris en date du 27 octobre 1989 (Cour d'appel de Paris, 27octobre 1989, D., 1990, Sommaire, p. 265), la femme est de nationalité française, lemari de nationalité algérienne, chacun réside dans son pays. Selon l'article 13 duCode civil algérien, la loi algérienne est compétente pour régir le divorce lorsquel'un des époux est de nationalité algérienne au moment du mariage. Dans un arrêtde la Cour de cassation du 22 octobre 1980 (Cass. civ. 1ère, 22 octobre 1980, Bull.civ. I, n°268, p. 213), la Cour a rejetté le pourvoi du mari aux motifs que la Courd'appel peut régir le divorce d'époux étrangers mariés à l'étranger, par la loi natio-nale commune. Toutefois, la Cour précise qu'en l'absence de renseignements sur lecontenu de cette législation, il y a bien lieu comme l'a fait la Cour d'appel d'appli-quer la loi interne française, seule invoquée par l'épouse. La Cour d'appel acondamné l'ex-époux à verser à son ex-épouse une pension alimentaire et uneindemnité accordée sur le fondement de l'article 310 al. 2 ancien du Code civil.Dans une autre affaire de divorce par un arrêt du 1er juillet 1980 (Cass. civ. 1ère,1er juillet 1980, Bull. civ., n° 223), la femme de double nationalité française et algé-rienne assigne son mari en divorce devant la juridiction française. Le mari a faitsavoir qu'antérieurement il avait saisi la juridiction algérienne, compétente en rai-son du lieu de résidence de sa femme. La Cour de cassation, après avoir constatéque la femme n'a pas renoncé à son privilège de juridiction, a estimé que la Courd'appel n'a pas donné de base légale à sa décision pour décider que le divorce d'é-poux franco-algérien doit être régi par la loi française en se bornant à énoncer queces époux qui ont dans les premiers temps de leur mariage fixés leur domicile enFrance ont entendu se soumettre au statut conjugal français sans rechercher si aujour de l'introduction de la demande en divorce, ils ont encore l'un et l'autre leurdomicile sur le territoire français.

La famille algérienne, son statut personnel en contexte migratoire

Des actes obligatoires et/ou autorisés aux actes réprouvés et interdits

Intervention de Madame Edwige RUDE-ANTOINE, Chargée de recherche CNRS/CURAPP

Lorsque les époux ne sont pas tous deux français ou n'ont pastous deux leur domicile en France et que les tribunaux sont com-pétents pour connaître du divorce soit en raison de la nationalitéfrançaise de l'un des époux, soit en raison de la résidence enFrance de l'époux auprès duquel vivent les enfants, soit enfinlorsque l'incompétence du tribunal saisi n'a pas été soulevée par ledéfendeur ou relevée d'office par la tribunal, la loi étrangère estapplicable. En matière d'assistance éducative, les dispositions fran-çaises sont applicables sur le territoire à tous les mineurs qui s'ytrouvent quelle que soit leur nationalité6. De même, les disposi-tions françaises du régime primaire relative aux droits et devoirssont d'application territoriale7. Enfin si des conventions bilatéra-les et multilatérales (par exemple la convention de la Haye de 1993en matière d'adoption) ont été ratifiées, elles sont applicables.

Ainsi, la technique du droit international privé permet pour cer-tains litiges au juge français de régler le statut personnel des res-sortissants algériens par un rattachement à l'ordre juridique algé-rien. Pour déterminer si la loi algérienne est applicable au litige, lejuge français se pose plusieurs questions : La matière a-t-elle étécodifiée ? S'agit-il d'une loi de police ? La matière est-elle régléepar une convention bilatérale ou multilatérale ? Existe-t-il unejurisprudence pré-existante ? A défaut de tout cela, le juge se fon-dant sur l'article 3 alinéa 3 du Code civil doit appliquer la loi de lanationalité des parties, c'est-à-dire pour les Algériens, la loi algé-rienne sauf si le contenu de cette loi heurte l'ordre public français.Dans les faits, la loi algérienne est peu appliquée d'abord parcequ'il existe une multiplication de règles de conflit qui font interve-nir le rattachement à la loi du domicile commun ou à la résidenceet ensuite parce qu'il y a également une multiplication de lois d'ap-plication territoriale.

Pour mieux situer le statut personnel des Algériens en France, ilest alors nécessaire d'examiner le contenu du droit de la famillealgérienne. Il n'est pas dans cet article question d'exposer l'inté-gralité du code algérien qui donnerait l'impression d'un véritablecatalogue mais de traiter plus particulièrement certains élémentsdu statut juridique des Algériens qui questionnent sur la coexis-tence des systèmes juridiques, sur les transferts de droits et lesrésistances marquées des institutions dites “traditionnelles”, voiremorales et/ou religieuses. Pour répondre à cela, une distinction estfaire entre les actes obligatoires et autorisés (I) et ceux réprouvéset interdits (II). Ceci doit permettre de décrypter les éventuellesdifficultés de dialogue et d'harmonisation entre les ordres juri-diques français et algérien et de s'interroger sur la prise en consi-dération sur le territoire français des particularismes du systèmejuridique algérien.

I - LES ACTES OBLIGATOIRES ET AUTORISÉSEn Algérie le mariage, du fait du célibat qui est réprouvé, devientobligatoire dès que trois conditions sont réunies : les revenus suf-fisants pour l'obligation d'entretien, la crainte de la débauche, l'ab-sence d'impuissance sexuelle. Le mariage est un contrat civil, sansaucun caractère religieux. Il est dénué de solennité et son forma-lisme se réduit à la présence de deux témoins aux fins de preuveet de publicité du mariage. C'est un contrat synallagmatique quirend licite les relations sexuelles, permet de jouir du corps de lafemme en contrepartie du paiement d'une dot8.

______________________________________________6 Civ. 1ère, 16 janvier 1979.7 Civ. 1ère, 20 octobre 1987.8 Article 9.

I.1. Les conditions de validité du mariage et la contribution auxcharges de la famille : des actes obligatoires

Il résulte de l'article 9 du code de la famille algérienne que lemariage est contracté, sous conditions d'aptitude physiologique9

des futurs époux, de leur consentement, de la présence du tuteurmatrimonial ainsi que de la constitution d'une dot. L'officier d'étatcivil ou le notaire recueille le consentement des époux directementpour l'établissement de l'acte de mariage. Il s'agit de rompre avecla pratique ancienne de la contrainte matrimoniale de manière àrendre effective la prohibition posée par l'article 13 du code de lafamille algérienne: “Il est interdit au tuteur matrimonial (walî) qu'il soitle père ou autre, de contraindre au mariage la personne placée sous tutelle, demême qu'il ne peut pas la marier sans son consentement”. Toutefois, letuteur garde des prérogatives puisqu'il peut s'opposer au mariage.Le juge peut invalider cette opposition sauf lorsque le tuteur est lepère10.

Quant à la dot, considérée comme une condition de validité dumariage11, elle est un don nuptial, une manifestation d'attache-ment et une manière d'inscrire les enfants dans la lignée paternel-le. Même si le bien donné est symbolique, le montant doit être sti-pulé dans le contrat de mariage. Exigée dès la conclusion dumariage, son paiement le plus souvent au tuteur peut être différé.Mais la dot revient à la femme “en toute propriété”, elle en est créan-cière12. La dot assure ainsi une protection à cette dernière en casde répudiation ou de veuvage.

Selon plusieurs enquêtes de sociologie juridique réalisées enFrance auprès des associations et services sociaux13, auprès desAlgériens14, ces derniers pour la formation de leur mariage pré-servent le plus souvent sa dimension familiale. Les familles peu-vent organiser la rencontre des futurs époux jusqu'à imposer uneunion matrimoniale. La compensation matrimoniale est chezbeaucoup d'Algériens, même symboliquement, encore pratiquée.Toutefois, certains d'entre eux, plus jeunes et scolarisés en France,se démarquent de ces pratiques. Ils veulent choisir leur conjointselon leurs affinités et sentiment, et souhaitent s'unir sans tuteurni dot, se rapprochant ainsi de plus en plus des pratiques matri-moniales françaises.

Les juges français doivent souvent résoudre des conflits familiaux.En ce qui concerne cette restriction de liberté de choix duconjoint encore prégnante, ils ne peuvent ignorer ni le droit algé-

_______________________________________________9 Le code de la famille algérienne précise que l'âge minimum de mariage est de 21ans pour l'homme et de 18 ans pour la jeune fille. Une dispense d'âge peut êtreaccordée par le juge "pour une raison d'intérêt ou dans un cas de nécessité" (art 7), c'est-à-dire en cas de grossesse ou si la personne est sans famille, sans ressources.10 Selon l'article 12 du code la famille algérienne : "Le tuteur matrimonial (walî) nepeut empêcher la personne placée sous tutelle de contracter mariage, si elle le désire et si celui-ci luiest profitable. En cas d'opposition, le juge peut autoriser le mariage…. Toutefois, le père peut s'op-poser au mariage de sa fille mineure si tel est l'intérêt de sa fille ".11 Si l'école malékite fait de la dot une condition de validité du mariage, la doctri-ne dominante la considère comme un effet du mariage.12 Article 14 du code de la famille algérienne.13 F. Moneger (dir), "L'étranger en France face et au regard du droit - Les populations d'o-rigine étrangère dans l'agglomération orléanaise", Rapport de recherche, Universitéd'Orléans, janvier 1999.14 E. Rude-Antoine, "Le mariage maghrébin en France", Paris, éd. Karthala, 1990,p.36-42 ; H. Fulchiron (dir.), avec C. Bidaud-Garon, E. Cornut, A. Devers, X.Pesenli, J. B. Philippe, C. Rajou, A. Richez-Pons, M. Simonet, F. Toulieux,"L'étranger en France face et au regard du droit", Rapport de recherche, Université JeanMoulin Lyon 3, avril 1999.

rien qui s'y oppose, ni l'ordre public international qui requiert pourtout mariage un consentement des futurs époux, libre et non vicié.L'interdiction de contrainte matrimoniale est fondée à la fois parl'application de la Déclaration islamique des droits de l'homme :“Nul ne peut être marié contre sa volonté”, et par le Pacte de New Yorkdu 19 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques en sonarticle 23-3 : “Nul mariage ne peut être conclu sans le libre et plein consen-tement des futurs époux”.

Dans les faits, en France, ces mariages sont souvent perçuscomme un problème culturel. Lorsque des jeunes filles algérien-nes15 se présentent devant le juge des enfants pour demander pro-tection, les solutions peuvent être diverses. Au nom de la diffé-rence culturelle et dans un souci d'une meilleure effectivité, cer-tains juges français adaptent la mesure éducative au “pré-supposéêtre” de la culture algérienne. D'autres, au contraire, considèrentque la démarche du juge doit être identique pour tous, au delà desspécificités culturelles. Cette dernière démarche s'appuie sur leprincipe d'égalité devant la justice et sur l'idée que ces jeunes fillesvivent dans le milieu culturel français. Dans le passé, pour éviterces abus d'autorité parentale, les juges ont fait des placements enfoyers. Aujourd'hui, ils connaissent les effets plus ou moins néfas-tes de ces ruptures ordonnées avec la famille : la culpabilité éprou-vée par la jeune pour avoir désobéi au père et à l'ordre familial qu'ilreprésente, la honte éprouvée par la famille. Sans idéaliser lamédiation familiale, cette solution permet sans aucun doute d'a-méliorer au sein de la famille algérienne les relations parents-enfants et d'éviter ces situations extrêmes.

L'obligation d'un tuteur (walî), qui maintient la jeune fille et mêmela femme majeure dans une situation d'incapable d'exercer seuleses droits, pose un problème de qualification juridique. Est-ce unecondition de fond ou une condition de forme du mariage ? Laréponse n'est pas évidente, mais nécessaire d'autant plus que dansla réalité sociale, certaines femmes algériennes remettent en causela présence du tuteur. Si le “walî” est une condition de fond, lemariage d'une Algérienne célébré en France devant l'officier d'étatcivil français sans la présence du “walî” peut être annulé devant lesjuridictions françaises pour vice de fond. Si le “walî” est unecondition de forme, la loi française est applicable, la femme algé-rienne peut alors se marier sans tuteur matrimonial.

A propos de la compensation matrimoniale, l'arrêt de la Cour decassation du 4 avril 197816 concernant la demande de restitutiond'une dot par un jeune homme de nationalité française et deconfession musulmane est éclairant. Les faits sont les suivants :Un père algérien a autorisé le mariage de sa fille avec un jeunehomme sous condition du versement d'une dot. Un mariage en laforme traditionnelle est célébré en mars 1971 avec échange desconsentements devant témoins et versement d'une dot au beau-père. Le mariage civil français est fixé en juillet de la même année.Quelques jours avant sa date, le père de la jeune fille conditionnece mariage à l'abandon pour le jeune homme de la nationalité fran-çaise au profit de la nationalité algérienne. Le jeune homme refu-se et le mariage civil n'a pas lieu. Les juges de fond ont alors jus-tifié la restitution de la dot par le caractère non spéculatif du

______________________________________________15 Ce sont le plus souvent les jeunes filles que les garçons qui se présentent crai-gnant d'être mariées au cours des vacances avec une personne imposée par leurfamille.16 Cour Cass. 1ère ch., 4 avril 1978, Clunet, 1979, p. 353, note Y Lequette. Cf éga-lement E. Rude-Antoine, “Le mariage maghrébin en France”, Paris, éd. Karthala, 1990,p. 141 et s.

mariage. La Cour d'appel ordonne également la restitution de ladot en argumentant que la remise de fond sous condition implici-te implique la réalisation des deux unions. La Cour de cassationmaintient cette solution sous réserve d'une atteinte à la libertématrimoniale.

En d'autres termes, tous les acteurs judiciaires ont raisonnécomme dans une hypothèse de pur droit commun, sans se soucierautrement de l'institution sous-tendue par les faits soumis à leurconnaissance. Ils ont déclaré la loi française applicable. La dot doitêtre restituée puisqu'au regard du droit français, le mariage tradi-tionnel est nul pour des raisons de forme et d'ordre public.

Autre acte obligatoire, l'entretien de la famille. Du contrat demariage et dès la consommation de celui-ci découle pour le mariune obligation d'entretenir son épouse17, ses enfants et ses pro-ches. L'obligation d'entretien correspond “à tout ce qui est considérénécessaire au regard de l'usage et de la coutume” 18. Bien évidemment, lasituation du mari est prise en considération. Par contre, le fait pourl'épouse de travailler ou de possèder une fortune personnelle n'in-duit pas que cette dernière doive participer aux charges du ména-ge : “L'épouse a le droit de (…) disposer de ses biens en toute liberté” 19.

Selon une enquête réalisée dans la région lyonnaise20, les Algériensn'ont pas recours aux instruments juridiques français en ce quiconcerne leurs rapports pécuniaires.

Sur le plan juridique, selon un arrêt de la Cour de cassation du 20octobre 198721, il est rappelé que les règles relatives aux devoirs etdroits respectifs des époux, énoncées par les articles 212 et sui-vantes du code civil, sont territoriales. La loi française est alorsapplicable pour déterminer la contribution aux charges du maria-ge due par le mari. Dans cette affaire, le mari a la double nationa-lité et est domicilié en France. Cette question des droits et devoirsdes époux a été encore traitée par les juges français qui ont dû seprononcer à propos de la coercition d'une femme algérienne parson époux algérien. Il s'agit d'un arrêt de la Cour d'appel de Douaidu 10 juillet 198122 où la femme assignant son époux en contri-bution aux charges du mariage, le mari invoque un jugementrendu par le Tribunal algérien qui condamne sa femme à réintég-rer le domicile conjugal. La femme soutient que vivant en Franceavec ses huit enfants, sa situation doit être régie par la loi françai-se. Les juges de la Cour d'appel estiment qu'une injonction faite àl'épouse par un tribunal étranger de venir habiter avec son mari estsans effet tant qu'elle n'est pas assortie de l'exéquatur, en raison deson effet contraignant.

_______________________________________________17 Articles 37 et 74 du code de la famille algérienne. Selon un arrêt de la Coursuprême algérienne du 10 février 1986, "la pension alimentaire est liée au droit de jouis-sance de l'épouse même de force".18 Article 78 du code de la famille algérienne.19 Article 38 du code de la famille algérienne.20 H. Fulchiron (dir) avec C. Bidaud-Garon, E. Cornut, A. Devers, X. Pesenli, J.B. Philippe, C. Rajou, A. Richez-Pons, M. Simonet, F. Toulieux, Op. cité.21 Il s'agit d'une affaire concernant un mari de double nationalité française liba-naise marié à une Syrienne de nationalité française qui avait fixé en France la rési-dence de son épouse et de leurs enfants. L'époux a argué que, selon la loi applica-ble au régime matrimonial des époux, la loi libanaise est applicable. Cass. Civ. 1ère,20 octobre 1987, RCDIP., 1988, p. 540, note Y. Lequette ; Bull. Civ., I, n° 275, p.198.22 Cour d'appel de Douai du 10 juillet 1981, Journal du droit international, 1984,p. 320, note P. Courbe.

I. 2. La polygamie et le testament : des actes autorisés

Avec l'article 8 du code de la famille algérienne, il est fait référen-ce au droit musulman puisque le mariage polygamique est autori-sé sous certaines conditions23 : ressources suffisantes de l'épouxpour subvenir à l'entretien de ses épouses, capacité à établir uneéquité de traitement entre celles-ci, notamment en ce qui concer-ne le montant de l'obligation d'entretien et le partage égal desnuits, information de sa première épouse de son intention de seremarier sans être astreint à obtenir son consentement. En cas d'i-nexécution de ces obligations, le notaire ne peut établir l'acte demariage.

En France, la polygamie touche très peu de familles algériennes.D’ailleurs, depuis la loi du 2 août 1993 relative à l’entrée, au séjouret à l’éloignement des étrangers, le regroupement familial pour lesfamilles polygames a été restreint. L’époux ne peut faire venir à cetitre qu’une seule épouse et ses enfants. Toutefois, même en limi-tant le regroupement familial, les juges auront toujours à connaît-re ces mariages, soit de ménages installés de longue date (avant1993), soit dans la gestion des relations familiales entre les épou-ses et leurs enfants restés au pays et l’épouse et ses enfants établisen France. Les tribunaux français ont eu à se prononcer à maintesreprises sur cette question et à apprécier les effets de l'applicationd'une loi qui reconnaît la polygamie au regard des principes fon-damentaux de la société française. La loi étrangère a été évincéecomme étant contraire à l'ordre public international. C'est ainsiqu'un homme algérien ne peut célébrer en France un mariage alorsqu'il est déjà marié24. Toutefois par le jeu de l'ordre public atténué,il est reconnu certains effets au mariage polygamique régulière-ment contracté à l'étranger conformément à la loi personnelle desdeux époux.

Il en est ainsi dans un arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du8 novembre 198325 où les juges de fond ont estimé que le conjointsurvivant de l'union polygamique peut prétendre à des droits surla succession concurremment aux enfants issus d'une autre union.Dans le même sens, le célébre arrêt de la Cour de cassation du 17février 198226 a permis à la femme d'un polygame de faire usagesur le territoire français de sa qualité de veuve. Ainsi, le droit auversement d'une créance alimentaire, les droits successoraux ontpu être reconnus, le préjudice résultant du décès du mari dû à lafaute d'un tiers réparé. Des limites ont été posées toutefois enmatière d'assurances sociales. La seconde épouse n’a pu bénéficiercomme ayant-droit de son mari des prestations des assurancesmaladie-maternité alors que des prestations étaient déjà attribuéesà une autre épouse. L'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cas-sation du 1er mars 197327 confirme cette position en se fondantsur le régime général de la Sécurité sociale et sur la Convention

______________________________________________23 La jurisprudence algérienne va dans le même sens. Cf. Cour suprême 3 février1971 et 5 mai 1986 à propos du traitement inégal des épouses.24 E. Rude-Antoine, "Des vies et des familles - Les immigrés, la loi et la coutume", Op.cité. ; voir aussi étude de jurisprudence E. Rude-Antoine, (dir) avec N. André, A.Antoine, M. Bezaud, S. Caillé, F. Guelamine-Mahjoub, C. Hochart, "L'étranger faceet au regard du droit - Enquêtes auprès des populations marocaine et vietnamienne résidant enFrance" Rapport de recherche, CNRS/URMIS, décembre 1998.25 Cour d'appel Paris, 2ème ch., section A, 8 novembre 1983, Journal du droitinternational, 1984, p. 881.26 Cass. civ. 1ère, 17 février 1982, Bull. civ. I, n° 76, p. 65.27 Sefouni, Cass. Ch. soc. 1er mars 1973, Rev. crit., 1975, 57, note P. Graulich ;Clunet, 1974, 834, note De la Pradelle.

franco-algérienne intervenue en cette matière et non sur le jeu del'ordre public. Le droit français en matière de prestations socialesrepose sur le principe de territorialité. La chambre sociale de laCour de cassation a confirmé dans un arrêt du 8 mars 199028 cettepositon puisqu'en l'espèce, le retour de la première épouse enAlgérie avait permis à la seconde résidant en France seule d'obte-nir le droit aux prestations.

Les tribunaux français ont eu également à traiter la polygamie et lecaractère putatif du mariage29. En effet, il arrive qu'un hommeoriginaire d'un pays, où la polygamie est pratiquée, prenne lanationalité française et convole en noces une seconde fois. Dansce cas, les juges prononcent la nullité de l'union pour bigamie etreconnaissant la bonne foi des époux leur accordent le bénéficedu mariage putatif30. Il est à remarquer que les nombreusesactions en nullité pour bigamie ont un caractère très spécifique.Elles permettent souvent de la part du premier conjoint d'éviter audécès de l'époux bigame le partage de la pension ou encore d'ex-clure le conjoint de la succession.

Lorsque les parties ont la double nationalité française/algérienne,devant les juridictions française, la nationalité française l'emporte.La position est de privilégier la nationalité du for. Une doctrineestime qu'il serait préférable d'appliquer la nationalité la plus effec-tive. C'est la position retenue par un arrêt de la Cour de cassationdu 9 novembre 199331 : Un homme déjà marié ayant la doublenationalité française/algérienne a contracté un second mariage enAlgérie avec une Algérienne. Cette “épouse” contracte un autremariage. L'époux s'oppose à cette nouvelle union en se référant audroit algérien. “L'épouse” affirme que son mariage n'est pas vali-de. La Cour estime que si au regard de la loi algérienne, l'épouxpeut être considéré comme algérien, par l'effet de sa nationalitéfrançaise par déclaration souscrite devant le juge d'instance en1965, l'époux est soumis à la loi française. En conséquence, cetteseconde union célébrée, alors que ce dernier était encore dans unlien de mariage, ne peut produire aucun effet en France à l'encon-tre de l'épouse et celui-ci ne peut s'opposer au nouveau mariage deson “épouse”. En somme, les juges veillent à ce que le sujet dedroit de double nationalité ne fasse pas jouer une règle de droitd'un des pays dont il a la nationalité afin de ne pas être soumis àla règle de droit de l'autre pays.

En se référant à la définition du statut personnel donnée par ledroit algérien, il paraît important de s'arrêter quelques instants surun acte autorisé en droit algérien et qui dans le contexte migratoi-re n'a plus la même portée : le testament. Selon le code de lafamille, “le testament est l'acte par lequel une personne transfère un bien àtitre gratuit pour le temps où elle n'existera plus” 32.

______________________________________________28 Meguellati, Cass. Ch. Soc., 8 mars 1990, Rev. crit. 1991, 694, note J. Deprez.29 E. Rude-Antoine, (dir) avec N. André, A. Antoine, M. Bezaud, S. Caillé, F.Guelamine-Mahjoub, C. Hochart, "L'étranger face et au regard du droit - Enquêtes auprèsdes populations marocaine et vietnamienne résidant en France " Op . cité.30 Cass. civ. 23 octobre 1990, D., 1991 ; J., II.211, note C. Mascala ; D., 90,Informations rapides, p. 260 ; Voir encore Cour d'appel Paris, 8 mars 1994, inédit,Revue trimestrielle de droit civil, 1994, p. 327 ; D., 1994, Informations rapides, p.87 ; voir encore Civ. 1ère, 15 janvier 1980, Bull. civ. I., n° 26 ; Revue trimestriellede droit civil, 1981, p. 140 ; Cass. civ. 1ère, 28 mai 1991, D., 1991.II, p. 121 ; Courd'appel de Paris, 17 mai 1988, D., 1988, Informations rapides, p. 188 ; Revue tri-mestrielle de droit civil, 1990, p. 292.31 Cass. civ., 1ère 9 novembre 1993, Bull. civ. I, n° 316, p. 219.32 Article 194 du Code la famille algérienne.

Si initialement, le testament est considéré comme un devoir reli-gieux accompli pour être agréable à Dieu, et limité au tiers desbiens disponibles, il est devenu aujourd'hui en Algérie un moyende manifester une reconnaissance et un attachement envers unlégataire. Le législateur algérien a réagi contre la dénaturation desinstitutions pieuses et qualifié certaines donations et libéralitésconsenties au cours de la dernière maladie, de testament33 sansdoute parce qu'il est toujours révocable.

En contexte migratoire34, les Algériens s'éloignent des pratiquespieuses et caritatives recommandées par le droit musulman. LesAlgériens prennent des dispositions concernant la transmission deleurs biens. Ils ne s'inscrivent plus dans un régime de séparation debiens comme en Algérie mais font appel au modèle communau-taire. Les notaires français affirment que les couples viennent lesvoir pour procèder à un acte de donation entre époux mais nonpour rédiger un testament. Une autre enquête dans la région deLyon35 montre que les successions des Algériens sont gérées parle droit français. Cependant, l'enquête souligne que le partage sefait le plus souvent au sein de la famille selon les règles du paysd'origine. Le caractère agnatique du droit des successions est pré-servé. L'inégalité entre les sexes en matière de successions, qui estmaintenue dans le code de la famille algérien, est bien évidemmenten contradiction avec les principes français qui gouvernent le droitdes successions et le droit de la famille en général. Le jeu de l'or-dre public ne permet pas de résoudre cette inégalité profonde. Enfait, les Algériens s'accordent entre eux. Les femmes, qui en sontles premières victimes, ne saisissent pas la justice. Les notairesaffirment que le recours à la loi française n'est que formel tout ensoulignant que ces pratiques différent selon les générationsconcernées.

II - LES ACTES RÉPROUVÉS ET INTERDITSLe droit algérien consacre le droit musulman par de nombreusesdispositions : la répudiation, les empêchements à mariage liés à laparenté entre la nourrice et l'enfant allaité, la disparité de culte, etla prohibition de l'adoption.

II.1. La répudiation : un acte réprouvé

La répudiation, qui est un droit de l'époux de dissoudre le maria-ge, est réprouvé en Algérie. La Cour suprême algérienne qualifie ledivorce judiciaire à la demande de l'époux de répudiation révoca-ble36. Cet acte unilatéral et extrajudiciaire ne peut être prononcé“qu'en période de pureté menstruelle de la femme” et doit être validé parvoie de jugement37. Selon la Cour suprême algérienne du 27 mars1968, il s'agit d'un jugement déclaratif d'état : “la répudiation n'estque l'expression de la volonté unilatérale de l'époux de mettre un terme à lavie conjugale et lorsque les juges de fond la valident, ils ne peuvent qu'en don-ner acte et la prononcer sans avoir à rechercher si les faits évoqués par ledemandeur sont fondés ou ne le sont pas”.

______________________________________________33 Article 204 du Code de la famille algérienne, Articles 776 al. 1 et 777 du Codecivil.34 F. Moneger (dir.), "L'étranger en France face et au regard du droit - Les populations d'o-rigine étrangère dans l'agglomération orléannaise" , Op. cité.35 H. Fulchiron (dir) avec C. Bidaud-Garon, E. Cornut, A. Devers, X. Pesenli, J.B. Philippe, C. Rajou, A. Richez-Pons, M. Simonet, F. Toulieux, Op. cité.36 Arrêt 10 février 1986.37 Article 49 du Code de la famille algérienne.

La répudiation est révocable pendant une période de trois mois :“la reprise de l'épouse pendant la période de tentative de conciliation ne néces-site pas un nouvel acte de mariage. La reprise de l'épouse après le prononcé dujugement de divorce nécessite un nouvel acte de mariage” 38. Les juridictionsalgériennes sont partagées sur la solution à retenir lorsqu'un épouxa repris la vie conjugale au delà des trois mois mais avant que lejugement de divorce n'ait été prononcé. Dans un arrêt du 17décembre 1984, la Cour algérienne a cassé un arrêt sans renvoi oùles juges ont estimé que l'échéance du terme rend irrévocable larépudiation par stricte application du droit musulman. La répu-diation est irrévocable lorsque l'époux a prononcé la formule derépudiation pour la troisième fois. Le remariage avec la femme estalors interdit sauf si cette dernière répudiée a épousé un tiers et sile mariage a été dissous : “tout homme ayant divorcé son épouse par troisfois successives ne peut la reprendre qu'après qu'elle se soit mariée avec quel-qu'un d'autre, qu'elle en soit divorcée ou que ce dernier décède après avoircohabité” 39 .

Selon une enquête réalisée dans une région du centre de laFrance40, si les maris préfèrent retourner en Algérie pour déposerleur requête en divorce, les femmes préfèrent se présenter devantles juridictions françaises soit pour un divorce par consentementmutuel ou pour faute, soit pour une séparation de corps.D'ailleurs, lorsque la femme algérienne a déposé une requête endivorce devant les juridictions françaises, bien souvent son épouxpour s'opposer à la procédure en France, remet aux juges desaffaires familiales un acte de répudiation établi en Algérie. Il en aété ainsi dans une récente affaire : deux procédures avaient étéengagées, l'une de divorce par un époux algérien devant les juri-dictions algériennes, l'autre de séparation de corps par une épou-se, née en Algérie et restée française après l'indépendance, devantle tribunal français. En fait, les époux se reprochaient l'abandon dudomicile conjugal. Le mari obtient le divorce du Tribunal algérienaux torts exclusifs de la femme et la garde des enfants. Il préten-dait paralyser l'instance introduite par sa femme devant le tribunalfrançais. Ainsi, le Tribunal de Grande Instance de La-Roche-sur-Yon s'est déclaré incompétent pour l'inapplicabilité de la loi fran-çaise. La Cour d'appel de Poitiers dans un arrêt du 24 juillet 198041

a rappelé que lorsqu'une juridiction d'une décision étrangère a deplein droit l'autorité de la chose jugée et est utilisée comme moyende défense, il convient de se prononcer sur sa régularité et de véri-fier si elle ne porte pas atteinte à l'ordre public international. Lesjuges ont estimé qu'il en a été ainsi lorsque le divorce est pronon-cé aux torts de la femme aux motifs que l'épouse résidant enFrance avec ses enfants doit suivre son mari, la puissance marita-le ayant été abolie.

Ces attitudes de la femme et de l'homme dans le cas de divorces'expliquent sans aucun doute parce que le droit de divorce de lafemme algérienne est drastique puisque celle-ci ne peut divorcercontre la volonté de son mari à moins de prouver par les voieslégales42 qu'elle a subi un préjudice : défaut de paiement de la

_______________________________________________38 Article 50 du Code de la famille algérienne.39 Article 51 du Code de la famille algérienne.40 F. Moneger (dir.), "L'étranger en France face et au regard du droit - Les populations d'o-rigine étrangère dans l'agglomération orléannaise",Op. cité.41 Cour d'appel de Poitiers, 24 juillet 1980, Journal de droit international, 1981, p.567, note C. Labrusse.42 Article 53 du Code de la famille algérienne.

pension alimentaire, infirmité de l'époux empêchant la réalisationdu but visé par le mariage, refus de l'époux de partager la couchede l'épouse pendant plus de quatre mois, condamnation du mari àune peine infamante privative de liberté pour une période dépas-sant une année, de nature à deshonorer la famille et à rendreimpossible la vie en commun et la reprise de la vie conjugale, més-entente conjugale, coups43, injures légalement reconnues commepréjudice44, absence de plus d'un an sans excuse valable et sanspension alimentaire45 , enfin faute immorale gravement répréhen-sible établie. Par ailleurs, les effets du divorce, pension alimentai-re, droit de garde pour les enfants apparaissent mieux protégéslorsque le juge des affaires familiales français prononce le juge-ment de divorce. Les Algériennes vont même jusqu'à dissimulerparfois leur identité et réagissent comme si elles sont de nationali-té française. Les Algériennes affirment recourir à la loi françaisepour bénéficier de toutes les garanties procédurales et pécuniaires.Le système juridique français est perçu comme préservant l'égali-té entre l'homme et la femme. L'idée domine aussi qu'en France,les juges confient plus facilement la garde des enfants à la mère46.

Certes, en France, les officiers d'état civil et les tribunaux peuventavoir à connaître des situations de répudiation algérienne. Les pre-miers pour transcrire l'acte ou encore pour célébrer un nouveaumariage, les seconds à la suite d'une action introduite par l'épousecontre son mari en contribution aux charges du mariage, en paie-ment d'une prestation compensatoire ou pour faire valoir desdroits liés à l'autorité parentale. La Cour de cassation s'est interro-gée sur la contrariété à l'ordre public français de la répudiation. EnFrance, la répudiation est assimilée à un divorce par consentementmutuel dans deux cas : lorsque la répudiation bien qu'émanant dumari a été acceptée par la femme ou a été suscitée par elle moyen-nant une compensation financière par l'époux ou lorsque lafemme répudiée sans son accord se prévaut par la suite sur le solfrançais de cette répudiation. De nombreuses affaires47 concer-nent des répudiations non acceptées par l'épouse. La Cour de cas-sation a d'abord montré une attitude bienveillante quant à l'admis-sion des effets en France d'une répudiation intervenue à l'étran-ger48 sauf lorsque l'épouse est française. Par la suite, celle-ci a sou-mis la reconnaissance des répudiations intervenues à l'étranger àdes exigences strictes : sur le terrain de la fraude en vérifiant que

______________________________________________43 La Cour suprême algérienne a jugé que les coups doivent dépasser le droit decorrection reconnu légalement au mari pour constituer une infraction pénale (Ch.Crim. 24 mars 1970). La Cour ne se contente pas de simples certificats médicauxpour prononcer le divorce, le médecin doit témoigner (C. Suprême, 2 janvier 1989)Elle refuse le divorce pour absence de condamnation pénale de l'époux pour vio-lences volontaires (C. suprême 5 mai 1986). Le jugement pénal doit être versé auxdébats pour établir que les coups donnés par l'époux dépassent le droit de correc-tion.44 Les juges algériens apprécient l'existence des injures mais aussi leur degré degravité (C. suprême 2 déc. 1968). Voir à ce sujet C. suprême 2 décembre 1984 surla nécessité pour l'épouse d'apporter la preuve d'un préjudice grave et continu ; voirégalement C. suprême 20 mai 1985 et 14 février 1986. L'accusation à tort d'adul-tère de l'épouse par le mari et la déclaration publique que l'épouse n'était pas vier-ge le jour des noces sont une cause de divorce à la demande de l'épouse (C. suprê-me 5 mai 1986).45 La Cour suprême algérienne a cassé un arrêt prononçant le divorce en l'absen-ce d'un jugement de condamnation au paiement de la pension alimentaire et sansdéférer serment à l'épouse (arrêt 27 novembre 1989).46 E. Rude-antoine, "Des vies et des familles - Les immigrés, la loi et la coutume" Op. cité.47 E. Rude-antoine, "Des vies et des familles - Les immigrés, la loi et la coutume" Op. cité.48 Civ. 1er, 3 nov. 1983 (arrêt Rohdi), Rev. crit. 1984.325, note I. Fadlallah ; Clunet1984, 322, note Ph. Khan.

les répudiations n'ont pas été obtenues dans des conditions dou-teuses49; sur le terrain de l'ordre public, notamment procédural, ens'assurant que les droits de la défense de l'épouse ont été respec-tés50. Quelques arrêts récents laissent supposer que la Cour decassation a mis un terme à la reconnaissance des répudiations ense fondant sur la Convention européenne des droits de l'Homme,plus spécialement sur l'article 5 de son 7e Protocole qui prévoitque “les époux jouissent de l'égalité des droits et de responsabilité lors de ladissolution du mariage” 51.

II. 2. La disparité de culte et l'adoption : des actes interdits

Deux points apparaissent importants lorsque il est question pourle statut personnel des Algériens d'actes interdits, ce sont lesempêchements à mariage et la filiation adoptive.

Comme en droit français, l'existence d'un lien de parenté52, d'unlien d'alliance53 justifie l'interdiction du mariage. La particularitédu droit algérien est d'interdire le mariage lorsqu'il y a un lien d'al-laitement54. Mais surtout l'empêchement à mariage relatif à la reli-gion retient l'attention des Algériens dans le contexte migratoire.Selon la teneur du droit algérien, si l'homme peut épouser unefemme qui n'est pas musulmane à condition qu'elle appartienne àune religion du livre, le christianisme et le judaïsme, la femme algé-rienne en revanche se voit interdire le mariage avec un homme quin'est pas musulman. Seule la conversion de l'homme à l'islam,c'est-à-dire une déclaration de profession de foi devant témoins,supprime cet interdit.

Ceci implique que lorsqu'une femme algérienne, musulmaneépouse en France un non-musulman, son mariage n'est pas recon-nu en Algérie. En France, les juges55 considèrent que l'interdictionpour une Musulmane d'épouser un non Musulman constitue une

_______________________________ ______49 Voir note Civ. 1er, 1er mars 1988 D., 1988, 486, note J. Massip ; Rev. crit., 1989,721, note A. Sinay-Cytermann ; Civ. 1er, 6 juin 1990, D., 1990, Somm. 263, Obs.B. Audit ; Rev. Crit. 1991. 563, 1er esp., note P. Courbe ; Civ. 1er, 4 mai 1995, Rev.Crit. 1995. 103, 1er esp., note J. Deprez ; Civ. 1er, 14 decembre 1994, Clunet,1995.343, 1er esp., note Ph. Kahn.50 Civ. 1er, 6 juin 1990, D., 1990, Somm. 263, Obs. B. Audit ; Rev. Crit. 1991. 563,1er esp., note P. Courbe.51 P. Lagarde "Ordre public", 1998, n° 43 Répertoire Dalloz de droit international;Cass. Civ. 1er 11 mars 1997 D., 1997, 4000, note M. L. Niboyet. Voir égalementCiv. 1er, 1er juin 1994, Rev. crit. 1995, 102, 2ème esp, note J. Deprez, D., 1995.263,note J. Massip ; Civ. 1er, 31 janvier 1995, Rev. crit., 1995.569, note J. Deprez ;Clunet 1995.343, 2è esp, note Ph. Kahn ; Civ. 1er, 19 déc. 1995, Bull. Civ. 1., n°469, p. 326 ; Rev. Crit., 1976.784.52 Un lien de parenté interdit le mariage entre ascendants et descendants, frèreset soeurs, oncles et nièces, tantes et neveux.53 L'alliance prohibe le mariage avec quatre catégories de femmes : les femmesdes descendants, les ascendantes de l'épouse et les femmes qui sont descendantesde l'épouse d'un autre lit.54 entre le nourrisson et la nourrice ainsi qu'avec le conjoint de cette dernière,considéré comme frère de lait de leurs enfants (art. 27 et 28).55 Cour d'appel en date du 7 juin 1996, D., 1996, informations rapides, p. 172.L'ordre public s'oppose aux obstacles de nature religieuse qu'une loi étrangère éta-blit à l'encontre de la liberté matrimoniale. C'est l'orientation retenue par la Courd'appel de Paris du 9 juin 1995 à propos de l'interdiction de mariage entre uneMusulmane et un non musulman. Cependant, la Cour ne retient pas, comme l'in-voque l'époux, cette prohibition de mariage pour prononcer la nullité de l'union,mais se fonde sur l'article 146 du Code civil par le fait que ce mariage vise un résul-tat étranger à l'union matrimoniale, à savoir l'acquisition de la nationalité françaiseou d'un titre de séjour.

discrimination fondée tant sur la religion que sur le sexe qui estcontraire à l'ordre public français. Il existe alors une situation “boi-teuse” en ce sens où en Algérie, le mariage n'est pas valide et lesenfants nés de cette union ne sont pas légitimes alors qu' enFrance, celui-ci est valide avec toutes les conséquences de la filia-tion légitime pour les enfants.

Dans la réalité véçue en France56, les Algériens restent très atta-chés à cette prohibition. Le futur époux accepte souvent laconversion. Dans la négative, l'officier d'état civil doit informer lesépoux de la non reconnaissance de ce mariage en Algérie.

En matière de filiation, le droit algérien interdit l'adoption : “l'a-doption est interdite par la chari'a et la loi” 57. Il est ainsi fait référenceaux dispositions du droit musulman. Mais le législateur algérienlégalise la pratique du recueil légal de l'enfant sous le régime de“Kafala” : “le recueil légal est accordé par devant le juge ou le notaire avec leconsentement de l'enfant quand celui-ci a un père et une mère” 58. La Kafalaest un contrat unilatéral, établi par un acte légal. Le titulaire dudroit de recueil légal, nommé “Kafil” s'engage à prendre bénévo-lement en charge l'entretien, l'éducation et la protection d'unenfant mineur, au même titre que le ferait un père pour son enfantlégitime. L'enfant n'entre pas dans la filiation de ce dernier : le kafildoit être musulman, sensé, intègre, à même d'entretenir l'enfantrecueilli appelé “mekfoul” et capable de le protéger59. L'enfantrecueilli, mineur, peut être de filiation connue ou inconnue60.Dans le premier cas, le postulant à la Kafala doit obtenir leconsentement des parents de l'enfant et constituer un dossier quiest soumis à l'instance chargée de rédiger l'acte. Par ce dossier, ildoit prouver ses moyens d'existence, son état de santé et donnertous les documents exigés par la loi : identité, domiciliation. Dansle second cas, le postulant à la Kafala s'adresse aux services de l'as-sistance publique61 qui recueille les enfants de parents inconnustrouvés, les enfants de parents connus mais abandonnés, lesenfants orphelins pauvres, enfin les enfants dont les parents ontété déchus de la puissance paternelle et dont la tutelle a été confiéeà cet organisme. Une enquête sociale détermine si le postulant estapte à recueillir, élever et à éduquer l'enfant. Dans le cas d'unAlgérien musulman résidant à l'étranger, cette enquête est réaliséepar les services consulaires et transmise par la voie diplomatique àla direction de la santé territorialement compétente. C'est ainsiqu'un engagement écrit est rédigé contenant les obligations à lacharge du postulant et les possibilités de résiliation en cas d’ine-

______________________________________________56 E. Rude-Antoine, "Le mariage maghrébin en France", Op. cité.57 Article 46 du Code de la famille algérienne.58 Article 117 du Code de la famille algérienne.59 Article 118 du Code de la famille algérienne.60 Article 119 du Code de la famille algérienne. Lorsque la Kafala a pour originela volonté d'un membre de la famille de vouloir protéger et élever un ou desenfants proches par la parenté et en difficulté matérielle et morale, on parlera defiliation connue. Si la Kafala est fondée sur le désir du couple sans descendance devouloir recueillir et élever des enfants nés de parents inconnus et recueillis initiale-ment par les services de l'assistance publique, on parlera de filiation inconnue. Cf.Nadia Younsi Haddad, "La Kafala en droit algérien", in J. Pousson-Petit (sous la dir.),Préface de X. Blanc-Jouvan, Avant-Propos de H. Roussillon , L'enfant et lesfamilles nourricières en droit comparé, Toulouse, Presses de l'Université desSciences sociales, collection de l'Institut de droit comparé, 1997, p. 137.61 Les modalités de l'assistance médico-sociale ont été fixées par le livre IV ducode de la santé publique promulgué le 23 octobre 1976, puis abrogé et remplacépar la loi du 16 février 1985. Voir l'article 73 du nouveau code.

xécution. Pour établir l'acte de Kafala, les postulants doivent seprésenter en personne devant le juge ou devant le notaire.

Si la Kafala n'a pas d'effets sur la filiation, cette institution trans-fère la puissance paternelle au Kafil. Ce dernier a une obligationd'entretien, il est tenu d'administrer les biens de l'enfant recueillicomme il est tenu responsable au regard du droit commun. LeKafil peut instituer l'enfant recueilli comme donataire ou commelégataire de ses biens. Mais en aucun cas, l'enfant ne peut avoir laqualité d'héritier. L'Algérie a d'ailleurs rencontré un problème cru-cial à propos du nom de l'enfant confié en Kafala. En effet, lorsdu placement, il était de coutume de cacher à l'enfant sa véritableidentité. Mais bien souvent, il s'avérait difficile de maintenir le sec-ret et la révélation entraînait de graves déséquilibres psychiqueschez l'enfant. Il y avait ainsi une discordance entre le nom de lafamille d'accueil et celui de l'enfant. Les dispositions relatives à laKafala62 excluait le changement de nom pour les enfants deparents connus. L'Etat algérien pouvait alors seul apporter unesolution à cette situation par des aménagements législatifs en per-mettant au Kafil de donner son nom au Makfoul. Bien évidem-ment pour que cela soit accepté, encore fallait-il convaincre que lademande de concordance de nom n'entraînait ni adoption, ni attri-buts de l'adoption tels que filiation et héritage. C'est ainsi qu'à lasuite de rencontres entre responsables intéressés par cette ques-tion au niveau de divers ministères, une “fetwa” a été conclue le 20septembre 1991. Il a été estimé que le fait pour une famille d'ac-cueil de donner son nom à un enfant recueilli n'était pas illicite auregard de la chari'a, à condition qu'il n'y est aucune conséquencesur l'héritage, la filiation et les empêchements à mariage. A la suitede cet accord religieux, un décret n°71-157 relatif au changementde nom a été signé par le chef du gouvernement le 17 janvier1992. Si cette évolution a été le plus souvent accueillie favorable-ment, certains magistrats algériens s'y sont opposés voyant dansces dispositions nouvelles63 une forme d'adoption déguisée64.Précisons enfin que la Kafala peut être interrompue à la demandedes parents naturels de l'enfant, suite à une renonciation ou audécès du Kafil, ou lorsque l'enfant a atteint sa majorité. La Kafalapermet bien de protéger les enfants en danger moral et matériel.Telle qu'instituée en Algérie, elle se rapproche très fortement del'esprit de la Convention internationale relative aux droits de l'en-fant.

En France, c'est dans le cadre de l'adoption internationale que lesjuges ont été amenés à interpréter des jugements étrangers deKafala. La question posée est de savoir s'il est possible, lorsqu'unpays prohibe l'adoption, de prononcer un jugement d'adoptionsimple ou plénière sur simple présentation d'un jugement étrangerde Kafala. Il a fallu attendre la loi du 6 février 2001 relative à l'a-doption internationale65 pour clore tout un débat sur la questionde l'adoption avec les pays musulmans. Le législateur a clarifié laquestion de la règle de conflit en matière d'adoption internationa-

_____________________________________62 Cf. article 6 du Code d'état civil.63 En 1992, date de parution du décret, selon le ministère de la Justice , il y auraiteu 3350 procédures de changements de nom. En 1995, le chiffre serait passé à1189.64 Cf. Nadia Younsi Haddad, Op. cité. p. 149. "Cette interprétation qui est sans fon-dement juridique, écrit Nadia Younsi Haddad, constitue par ailleurs un précédent regrettable,car si le magistrat est chargé de l'interprétation de la loi, il n'en demeure pas moins tenu de l'ap-pliquer".65 Loi n° 2001-111 du 6 février 2001 relative à l'adoption internationale, J.O., 8février 2001, p. 2136.

le, question qui était restée en suspens avecla loi du 5 juillet 1996 relative à l'adoptionmais qui avait été réintérrogée avec la circu-laire du 16 février 1999 relative à l'adoptioninternationale, signée par Mme Guigou,alors ministre de la Justice.

L'adoption internationale qui met en pré-sence, en effet, un enfant adopté et un oudeux parents adoptants de nationalités dif-férentes est source de conflit entre plu-sieurs lois susceptibles d'être appliquées parla juridiction saisie, la loi algérienne quiinterdit l'adoption et la loi française quireconnaît cette forme de filiation. La nou-velle loi est précise, elle rappelle que “l'a-doption ne peut être prononcée si la loi nationale del'un et l'autre époux la prohibe. L'adoption d'unmineur étranger ne peut être prononcée si la loi per-sonnelle prohibe cette institution sauf si ce mineurest né et réside habituellement en France” 66.

Ainsi, un couple ou une personne seule denationalité algérienne ne peuvent pas adop-ter un enfant algérien ou français. Un cou-ple ou une personne célibataire de nationa-lité française ne peuvent pas adopter unenfant en Algérie mais peuvent adopter unenfant algérien né en France et qui résidehabituellement sur le territoire français. Laseule solution pour les enfants orphelins,lorsqu'ils sont autorisés à quitter le territoi-re algérien, et que leur tuteur présente unjugement de Kafala, est de demander aujuge français de prononcer une délégationd'autorité parentale. Il s'agit sans aucundoute d'éviter de créer un lien de filiation“boiteux”, c'est-à-dire une filiation nonreconnue en Algérie, d'autant plus quel'Algérie comme tous les pays musulmans,applique le principe d'allégeance perpétuel-le et que l'enfant ne perd ni sa nationalité,ni sa religion musulmane.

En somme, le juge français est de plus enplus amené à gérer des comportementsjuridiques nouveaux qui se situent dans leurgénèse entre des sources sacrées et des loismodernes positives. Les instruments juri-diques, notamment les règles de droit inter-national privé, mis à sa disposition, neparaissent plus adaptés à la situation fami-liale vécue par les Algériens dans le contex-te migratoire.

_________________________________________66 Article 2 de la loi et article 370-3 du Code civil.

Intervention de Maître Yelles CHAOUCHE, Avocat au Barreau d’Oran

Je voudrais revenir à la fois en arrière etresituer le droit algérien par rapport à sessources.

Le droit algérien est considéré, notam-ment en matière de droit de la famille,comme essentiellement issu du droitmusulman : or, lorsque l'on étudie lessources classiques et doctrinales classiquesen matière de droit de la famille et qu'oncompare le contenu de ces sources aucontenu actuel du droit positif algérien,on remarque immédiatement que le droitalgérien d'aujourd'hui n'est plus le droitmusulman classique. Et même si le droitde la famille algérien est différent du droitfrançais sur un certain nombre de ques-tions, il n'en demeure pas moins qu'il n'estplus le droit classique comme on l'entendsouvent dire. Et si l'on compare le droitalgérien, le droit positif actuel tel que pré-senté par le code de la famille de 1984, aucode de la famille marocain et au code dela famille tunisien, il se situe à mi-cheminentre le droit tunisien (qui s'est, lui, pluslibéré du droit musulman que ne l'a fait ledroit algérien) et le droit marocain.

Lorsque l'Algérie recouvre sa souverainetéen 1962, il y a en matière juridique un héri-tage, et en matière de droit de la famille uncertain nombre de textes, assez peu nom-breux car le législateur français n'a pasvoulu s'imposer en la matière. En 1962 ledroit algérien en vigueur en matière dedroit de la famille est donc constitué par

les quelques textes qu'avait adoptés lelégislateur français entre 1830 et 1962.L'essentiel du droit de la famille était doncgéré par le droit musulman mais forte-ment modifié par la jurisprudence des tri-bunaux français en Algérie. Or, à partir de1975, théoriquement le droit français héri-té au lendemain de l'indépendance n'estplus en vigueur, et il a fallu attendre 1984pour voir un code finalement adopté : cecode reprend à la fois le droit musulmanclassique dans certaines de ses disposi-tions, le legs laissé par le législateur fran-çais en matière de droit de la famille, et lesinnovations, les interprétations apportéespar la jurisprudence.

Je voudrais donc d'une part parler dessources classiques, et d'autre part de cequ'actuellement le droit algérien présentecomme innovations par rapport à ce droitclassique.

Les sources du droit musulman sontconnues : il s'agit du Coran et de la tradi-tion du prophète telle qu'elle est rapportéepar ceux qui sont considérés comme desrapporteurs fidèles et authentiques. Cesdeux éléments sont considérés commedes sources scripturaires, c'est-à-dire destextes, et en matière de droit de la familleils sont relativement nombreux et précis.Ce qui donne l'impression que le droit dela famille est fortement influencé par lareligion.

En fait, lorsque l'on examine de très prèsles dispositions coraniques et les disposi-tions extraites de la tradition prophétique,on se rend bien compte que les normesqui sont posées ont un objectif transcen-dantal, religieux, mais qu’elles sont desrègles tout à fait humaines. La preuve enest que ces principes généraux sont diffé-remment interprétés; c’est la raison pourlaquelle il y a eu et il y a encore un certainnombre d'écoles. Le fait qu'il y ait desinterprétations différenciées signifie quedes éléments extra- religieux (à savoir cul-turels, sociologiques) ont été pris en consi-dération par les juristes musulmans tantdans l'espace qu'à travers les époques.Il y a à côté de ces deux sources scriptu-raires des sources qui font beaucoup plusappel à la raison. Il y a ce qu'on appellel'Ichtihed, c'est-à-dire la capacité quedevrait avoir l'homme à réfléchir sur lesquestions qui l'intéressent. C'est unedémarche collective, faite avec ceux quiont le savoir suffisant pour pouvoir inter-préter correctement les règles et qui peu-vent réfléchir sur ces questions : disonsdes “docteurs de la loi”. Et il y a la réflexionqui peut être menée personnellement àtitre individuel pour résoudre un cas parti-culier qui est posé et pour lequel il n'y apas de solution connue.

Ce sont donc ces quatre sources clas-siques, traditionnelles, qui sont prises enconsidération pour déterminer et pourconnaître quelles sont les règles à appli-

quer dans tous les domaines du droit, passeulement le droit de la famille mais aussi ledroit des personnes. Nous nous limiteronsà ce que le législateur algérien a adopté,dans cet héritage classique, pour élaborer ledroit positif du mariage et de sa dissolu-tion.

En matière de mariage, le droit musulmanclassique ne distingue pas de façon trèsnette ce que le droit moderne appelle“condition de fond” et “condition deforme”. La présence du “walî”, le tuteurmatrimonial, est considérée par les juristesmusulmans comme une condition de fond: sans “walî”, le mariage n'est pas valable.Mais dans la réalité, on peut la classer dansles conditions de forme; un arrêt de laCour Suprême Algérienne considère que laseule présence de témoins suffit pour com-penser une absence formelle du tuteurmatrimonial à l'occasion de la conclusiond'un acte de mariage. Par conséquent, onpeut dire qu'aujourd'hui la jurisprudencealgérienne, malgré la formulation de l'arti-cle 9 du Code de la Famille, considère quele “walî” constitue une condition de forme; il est évident qu'il est beaucoup plusimportant de maintenir un mariage valableque de l'annuler parce qu'il y a absence d'unindividu. Par conséquent, cette distinctionentre fond et forme, qui n'existe pas endroit musulman, se retrouve en droit posi-tif, pas à ce niveau particulier mais unique-ment au niveau de l'acte par lequel le maria-ge peut être prouvé par son inscription ousa transcription à l'état civil.

Je reviens donc aux conditions de forma-tion du mariage : le consentement desépoux, la présence d'un tuteur matrimonialet le versement d'une dot.

De ces trois conditions essentielles dupoint de vue du droit musulman et mêmedu point de vue du droit algérien actuel(puisqu'elles sont considérées comme desconditions constitutives du mariage), seulle consentement peut amener à l'annulationdu mariage s'il est vicié : l'absence d'untuteur matrimonial, l'absence ou le fait dene pas avoir versé une dot, ne constituentpas des raisons suffisantes pour annuler unmariage devant le tribunal. Par ailleurs,lorsque la dot n'est pas versée, il est possi-ble aux intéressés de verser ce qu'on appel-le une dot compensatoire ; ce n'est quelorsqu'il y a refus exprès de verser une dotque le mariage peut être annulé.

En conclusion, sur cette première question,le mariage est formé par le consentementdes personnes, des futurs conjoints et

devant l'Officier d'Etat Civil : ce dernier estobligé par la loi de s'assurer de l'identité despersonnes, de s'assurer que l'épouse estbien présente et qu'elle manifeste en per-sonne sa volonté. Le tuteur matrimonialn'est là que pour ne pas s'opposer à cemariage.

L'opposition du “walî” à un mariage se faitsous le contrôle du juge, qui peut passeroutre : c'est le juge qui va donner sonaccord à la jeune fille pour qu'elle se marie,s'il estime que les raisons invoquées par letuteur matrimonial ne sont pas suffisantes.C'est là d'ailleurs une disposition du droitmusulman classique qui, déjà au XIVe siè-cle, donnait pouvoir au juge de prendre lieuet place du “walî” lorsque ce dernier s'op-posait ou refusait de marier sa filleule sansraison valable.

Voilà l'influence du droit musulman clas-sique sur cette première série de condi-tions.

Le mariage en droit classique est un actedomestique qui ne fait intervenir aucuneautorité ni administrative, ni judiciaire, nireligieuse. C'est donc un acte strictementcivil et qui est tout à fait personnel.Qualifier le mariage musulman de mariagereligieux est donc faux car un mariage reli-gieux implique la présence d'un Officier duCulte le déroulement dans un lieu de culte;or le mariage musulman ne se fait ni devantun Officier du culte, ni dans un lieu deculte et aucune règle du droit musulmanclassique n'impose le contraire. La tradi-tion veut que quelqu'un peut réciter un ver-set du Coran, pour bénir le mariage, maiscela ne constitue pas une condition de for-mation ou de validité du mariage.

En ce qui concerne maintenant le problè-me de la dot, il ne s'agit pas, comme on ledit souvent, de verser une somme d'argentpour avoir le droit de jouir du corps de lafemme : le mot même qui est utilisé enarabe, pour exprimer cette notion de dot,c'est un mot dont l'origine signifie “ami-tié”, “sincérité”. C'est donc une démarchebeaucoup plus symbolique et d'ailleurs, onn'exige aucune somme fixe. Il y a un mini-mum qui est fixé, non pas pour qu'il soitversé par la personne intéressée mais uni-quement pour servir de référence au jugeau moment d'une éventuelle contestation àce propos. Le contenu de la dot est laissé àla coutume locale. Il y a donc des différen-ces notables entre une région et une autre,sur le montant, sur la façon dont elle estversée etc…. En droit strict, elle est obliga-toire mais elle l'est en tant que démarche

symbolique pour montrer que l'intéressé a“une bonne intention”, pour reprendre lestermes de juristes musulmans, une inten-tion sincère de conclure un mariagesérieux. Comme je vous le disais, le fait dene pas verser une dot ne constitue pas uneraison suffisante pour annuler le mariage; lejuge peut régler le problème en demandantau mari de verser une dot compensatoire.

Sur les conditions de forme : le mariage,pour être reconnu et pour être prouvé, doitêtre conclu devant l'Officier d'Etat Civil oudevant le Notaire, et le “kadi” (qui pouvaitintervenir dans la conclusion du mariagejusqu'à l'adoption du Code de la Famille)n'intervenait que comme auxiliaire del'Officier d'Etat Civil puisqu'il était tenu detransmettre dans les trois jours à l'Etat Civille mariage qu'il venait de conclure. Il n'in-tervenait donc ni en tant qu'autorité reli-gieuse (parce qu'il ne l'est pas), ni en tantqu'autorité judiciaire (parce que sa compé-tence était limitée après la réforme judiciai-re), mais seulement pour des raisons d'ha-bitude.

Les gens avaient en effet tendance à allerchez les “kadi” conclure un mariage, maiscomme je vous le disais ce dernier étaittenu de transmettre dans un délai n'excé-dant pas trois jours le contrat de mariage àl'Officier d'Etat Civil. C'était donc beau-coup plus un “auxiliaire”. Aujourd'hui iln'intervient plus : le mariage doit obligatoi-rement se conclure devant un Officierd'Etat Civil ou devant le notaire, lequel estchargé dans les mêmes conditions de trans-mettre à l'Etat Civil le contrat de mariage.L'essentiel est que le notaire, commel'Officier d'Etat Civil, doivent s'assurer queles conditions d'âge et de consentementsont réunies.

La dot doit être signalée ; elle est propriétésymbolique mais même si elle est impor-tante, elle est versée à la femme et elledevient sa propriété (et il n'est pas interdità la femme de la rendre à son époux).

Lorsque l'on compare ces dispositions dudroit positif aux règles du droit classique,on se rend compte immédiatement que cen'est plus du droit musulman. C'est ce quiexplique que les extrémistes islamistesd'aujourd'hui ne soient pas d'accord avecce code de la famille, tout comme lesmodernistes parce qu'il y a encore quelques“restes” de droit musulman.

En matière de dissolution, l'innovation estencore beaucoup plus importante puisquesous le terme générique de “talak”, utilisé

par le Code de la Famille Algérien et qui esttraduit officiellement par “divorce”, cesont en fait trois modes de dissolution quisont prévus:- la répudiation classique telle qu'on l'aconnaît, c'est-à-dire celle qui est décidéepar le mari,- la demande de divorce formulée par lafemme auprès du tribunal,- ce qu'on appelle en arabe “el khoul”, c'est-à-dire l'accord intervenu entre les partiespour se séparer moyennant compensation.

Ces trois formes existent dans le droit clas-sique, elles sont reprises par le droit positifmais dans le détail il y a d'importantes dif-férences par rapport au droit classique.

En ce qui concerne d'abord la répudiation: dans le droit classique c'est un acte tout àfait personnel et domestique du mari, ilrépudie sa femme et il la renvoie, il n'a decompte à rendre à personne. Aujourd'hui, ilest obligé de répudier sous le contrôle dujuge, donc la répudiation est une procédu-re judiciaire : le mari doit évoquer les rai-sons qui le poussent à répudier (alors qu'endroit classique il n'avait pas à le faire) et lejuge, qui peut tenter une conciliation entreles époux mais qui ne peut pas forcer lemari à ne pas répudier, peut le condamner,ce qui n'existe pas en droit musulman clas-sique ; le droit musulman classique ne pré-voit qu'un don de consolation. Avec cecontrôle du juge, on est donc loin de la phi-losophie du droit musulman classique enmatière de répudiation.

La demande formulée par l'épouse doitégalement être judiciaire. La différenceavec la répudiation, (et c'est là où il y aencore un peu d'inégalité, beaucoup d'iné-galité !), c'est que la femme doit invoquerles raisons et que le juge les apprécie. Alorsque dans le cas du mari, il les apprécie pourpouvoir le condamner éventuellement àverser des dommages et intérêts, mais sanspouvoir refuser la répudiation. Lorsquec'est la femme qui demande le divorce, lejuge va apprécier les motifs invoqués pourpouvoir refuser éventuellement la demandede divorce. Donc la femme peut se voirrefuser une demande si le juge estime qu'el-le n'est pas suffisamment fondée. En toutcas, lorsque l'épouse revient une nouvellefois devant le juge pour demander le divor-ce après avoir essuyé un premier refus, lejuge est alors obligé de constituer une peti-te “commission ad hoc”, composée deparents de la femme et de parents du mari,qui vont aller enquêter pour voir ce qui sepasse, qui a raison et qui a tort dans cetteaffaire. Le juge n'est pas lié par le rapport

de cette commission, mais théoriquementil doit la prendre en considération dans sadécision finale.

Quant à la dissolution “convenue entre lesépoux moyennant compensation”, c'est enquelque sorte la contrepartie du droit derépudiation qui est accordé au mari : lafemme peut demander à son mari de larépudier pour une raison qui lui est propreet si le mari est d'accord, ils négocient lacompensation à verser ou les droits pourlesquels la femme peut se désister, commepar exemple se séparer et ne pas demanderde droit de garde. De toute façon, le mariest obligé de reverser la dot s'il ne l'a pasfait.

Voilà donc pour les différentes formes dedissolutions. Je vais maintenant vous don-ner quelques statistiques datant de 1997, etqu'on peut donc considérer comme tou-jours valables. Ce sont des chiffres officiels,donnés par le Ministère de la Justice. Sur 29millions d'habitants en Algérie de plus 16ans, 7 336 000 d'entre eux étaient mariés(soit 52,42 %). Sur cette masse de mariésde plus de 16 ans, les divorcés et les sépa-rés en 1997 étaient au nombre de 171 000(soit 2,07 %). On peut donc dire que ledivorce sous toutes ses formes ne constituepas un “fléau”, comme on l'entend diredans la société algérienne. Le nombre deveuves est beaucoup plus important : 8,4%. Ainsi les femmes qui perdent leur maripar décès sont pratiquement trois fois plusnombreuses que les femmes qui viventséparées ou divorcées.

Entre 1994 et 1998, il y a eu 118 172 sépa-rations sous ces diverses formules :- 63 310 répudiations, c'est-à-dire celles quisont décidées par le mari unilatéralement.- 54 862 femmes divorcées à leur demandeou séparées avec l'accord du mari.

Pour revenir à la dissolution du mariagesous toutes ses formes, les règles qui peu-vent paraître, et à juste titre, assez favora-bles à l'égard des femmes, ne donnent pasune situation inquiétante au vu des statis-tiques sur la stabilité des couples enAlgérie.

Le premier problème qui se pose après ladissolution concerne le droit de garde : ledroit musulman comme le droit positifalgérien aujourd'hui donnent la priorité à lamère et aux parents par la mère, donc lalignée maternelle dans 99,99 % des cas. Ilest extrêmement rare de voir la garde del'enfant attribuée au père ou à une person-ne étrangère à la famille de la mère, surtout

s'il est en bas âge. À partir de la dixièmeannée de l'enfant, le juge doit prendre enconsidération le rapport fait par l'assistantesociale; lorsque l'enfant est scolarisé, on nechange pas son domicile pour qu'il resteauprès de sa mère. Se pose également leproblème du droit au logement : il est vraique les textes actuels algériens ne donnentpas à la femme divorcée, quelle que soit ladémarche ou la procédure suivie et qui a lagarde de l'enfant, automatiquement et sys-tématiquement le droit au logement.Pourtant, sous l'empire du code civil et del'article 467 du code civil qui donnait lapossibilité au juge d'accorder le droit aulogement à la femme notamment lorsqu'el-le se voit attribuer le droit de garde, il y aune interprétation grammaticale erronée decet article : “il faut qu'elle ait au minimum3 enfants pour bénéficier du droit degarde”. On refusait donc systématique-ment le logement lorsqu'il n'y avait qu'unseul enfant. Un arrêt de la Cour Suprême asanctionné ce genre d'interprétation gram-maticale en posant le principe de la pri-mauté de l'intérêt de l'enfant , qu'il y en aitun ou plus. Tous les articles du code de lafamille algérien, tous les articles du chapit-re relatif au droit de garde contiennentl’expression “intérêt de l'enfant”.

Il appartient donc au juge d'interpréter cetintérêt. Le droit au logement est un droitreconnu à l'enfant à la charge du père, doncle père est obligé de verser un loyer ou deloger son enfant mais c'est par ricochet quela mère en bénéficie, ce n'est pas un droitdirect de la mère. En tout cas jusqu'à main-tenant et tant que le code n'est pas modifié.Le problème n'est pas causé en termes dedomicile conjugal, mais en terme de droitau logement. Cette règle est donc bien sûrdéfavorable à la femme.

Voilà donc ce que je peux vous présenter àpropos de ce droit de la famille, par rapportau droit musulman classique et en fonctionde ce qu'il est maintenant. Vous voyez doncque la logique qui soutient ce droit est dou-ble; ce ne sont pas deux logiques parallèlesmais deux logiques qui se télescopent : lalogique du droit musulman classique, quirépondait à d'autres moyens objectifs quise situaient dans un contexte sociologiqueet culturel différent tant dans l'espace quedans le temps (l'Algérie n'a fait qu'hériterd'un droit qui a été élaboré ailleurs, tant enArabie qu'en Irak, pour remonter très loin),et la logique du droit moderne, notammentcelle du droit français dont l'Algérie a héri-té avec les textes de 1957 et 1959.

Je vous remercie.

Monsieur le Bâtonnier GHOUADNI :Lorsqu'il s'écarte de la morale, le droit n'aplus aucun intérêt. On ne peut pas disser-ter sur la qualité de tel article par rapport àla Chari’a ou quoi que ce soit, si on ne voitpas exactement quelles sont les disposi-tions à prendre pour supprimer un malsocial. L'intérêt du code de la famille de1984 (c'est le débat qui nous a réunis avecun certain nombre d'associations) est d'a-voir mis fin à l'arbitraire des juges. D'unesection à l'autre, d'un juge à l'autre, on pou-vait avoir dans la même journée des juge-ments de natures tout à fait différentes.C'est vrai que ce code de 1984 est fonda-mentalement imparfait, qu’il est injuste etqu’il doit être modifié. Mais le cœur dudébat est de savoir s'il doit être amendé ouabrogé.

La différence entre la femme et l'hommeest difficilement admissible au 21ème siè-cle, et elle est difficile à faire admettrepuisque le thème de ce colloque, c'est toutde même la famille algérienne ou la famillefranco-algérienne dans un milieu extérieurà son milieu d'origine. En Seine-Saint-Denis, les problèmes sont vécus dans uncontexte différent de celui qui existe enAlgérie. Le but est donc d'essayer de tra-vailler, de lutter pour que les dispositionslégales changent. Selon moi l'égalité estnécessaire, c'est une question de principe.Si c'est inscrit dans la constitution, si on ditque tous les textes de loi doivent être enco-re conformes aux dispositions de la consti-tution, il faut aller au bout des choses. Si lafemme a le droit de voter, on ne peut pasconsidérer qu'au niveau du mariage lesconditions soient plus défavorables quecelles d’un homme qui est son conjointpour un temps donné.

Comment une jeune fille algérienne ou unejeune épouse algérienne considère-t-elle ledroit algérien lorsqu'elle vit en Seine-Saint-Denis ? je m'interroge, parce que le problè-me est de ne pas de caricaturer. Je voudraistout à l'heure, s'il vous plaît, passer la paro-le à Madame MASSAI qui a été juge, qui aété avocate et qui est écrivain maintenant,qu'elle nous donne un peu son sentimentd'algérienne…

Le code de la famille en Algérie doit êtrechangé, le problème de la succession doitêtre changé, le problème de la pension ali-mentaire également. Tout à l'heure nousévoquions la question de savoir si on doitappliquer la loi française ou la loi algérien-ne ; c'est fondamental en matière de divor-ce ! en France, la loi adopte une pensionalimentaire ad vitam aeternam si je puis dire,

la femme française ayant la possibilité deconserver cette pension après s'être rema-riée. Mais en Algérie, quelle que soit lasituation de l'épouse répudiée, elle a droit àune pension alimentaire, elle a droit à uneretraite légale de trois mois, puis ensuite àune somme qui est tellement modestequ'elle en est ridicule. Alors si elle n'a pasd'activité professionnelle, elle ne survit pas.Qu'on ne me dise pas que je ne fais là nonplus du droit mais de la sociologie : c'est cequi se passe dans le prétoire algérien et auniveau des statistiques. Qu'on ne me disepas non plus que le nombre de divorces estfaramineux ; je crois qu'il y a 2000 divorcespar an sur la population d'Oran, qui est del'ordre de 1 million et demi de personnes.Disons que les tribunaux ne croulent passous les divorces…il ne faut pas croire quel'Algérie est un pays où les gens sont là àdivorcer, à se marier et à divorcer, à semarier, etc…c'est une société qui a ses qua-lités et ses défauts, qui est en pleine muta-tion, en pleine ébullition. Mais le législateurne suit pas et il est aveugle au fait que lafemme ait pris une place en Algérie et qu'ilfaut la prendre en compte. Voir une femmequi n'a pas autant de droits que l'homme,c'est inadmissible. D’ailleurs, à l'école de laMagistrature (je ne sais pas si c'est unequestion de service national) et au Palais deJustice d'Oran, il y a plus de juges femmesque d'hommes, et je peux vous assurerqu'en plus elles sont jolies, aussi jolies qu'àBobigny….

Le problème est une question de distancia-tion entre la philosophie à laquelle l'indivi-du appartient et ses obligations vis-à-visd'autrui dans le cadre où il évolue. C'estune réalité, il faut changer ce texte. En tantqu'avocat, j'affirme que si on ne le fait pas,cette société algérienne sera en perpétueldéséquilibre

[Me GOURION appelle MadameMASSAI, Magistrat.]Je suis arrivée d'Algérie hier. Je viens d'as-sister à tout ce qui vient d'être dit. Je n'avaisabsolument pas l'intention d'intervenirmais étant maghrébine, je me crois dansl'obligation de le faire pourdonner un autreéclairage et surtout casser l'image de lafemme algérienne malheureuse, brimée àcause d'un code de la famille qu'elle traiteelle-même de “code de l'infamie”.

Je pense d'abord que les femmes d'originealgérienne (et d'une manière générale lesfamilles d'origine algérienne des première,deuxième, troisième génération d'immi-grants algériens en France, qui habitent en

France, en Seine-Saint-Denis par exemple)sont plus attachées à une forme rétrogradedu statut personnel que les familles enAlgérie. La première et la deuxième généra-tion d'immigrés étaient des gens de condi-tions modestes. Et lorsqu'on vit en paysétranger avec peu de moyens, qu'on neconnaît pas la langue, qu'on est d'une autrereligion, qu'on est d'une autre mentalité, etbien on se recroqueville sur soi-même, eton fait de ces traditions des repères et on ytient. Ceci explique que les Algériens quivivent en France sont plus attachés à desaspects qui nous paraissent aujourd'hui unpeu plus rétrogrades, comme par exemplel'autorisation paternelle pour qu'unefemme ou qu'une jeune fille puisse choisirson époux. C'est un exemple parmi d'aut-res.

Deuxième image que je voudrais casser :tout à l'heure j'entendais Madame RUDE-ANTOINE parler du code de la famille,parler de l'origine islamique du Coran, de laChari’a. Je suis toujours surprise d'entend-re parler du droit musulman et du code dela famille en particulier de manière aussinégative. Je peux vous l'affirmer : ça ne cor-respond pas à la réalité. Je suis une femme,je suis moderne, et ça ne correspond abso-lument pas à ce qui se vit aujourd'hui enAlgérie et de manière plus générale auMaghreb. Tout simplement parce que lesfemmes algériennes ont évolué d'unemanière formidable, mais ont évolué surun laps de temps extrêmement court, c'est-à-dire une génération. Lorsqu'on pensequ'en France, par exemple, les femmesn'ont eu le droit de vote qu'en 1946, le droitde gérer leurs biens dans les années 60, lafemme algérienne est elle sortie de sonlogis, de son intérieur, a finalement occupédes postes de responsabilités extrêmementimportants, mais ceci sur un laps de tempstrès court. Il faut que la société “digère”cela; ç’est très difficile, et cela explique lesconvulsions actuelles.

Nous en arrivons à ce fameux code de lafamille. Lorsque vous le lisez, vous vousdites : ce texte est horrible, rétrograde, infa-mant. Oui c'est vrai, mais sur quelques arti-cles. Simplement, il ne faut pas tout géné-raliser à partir de quelques articles. EnAlgérie, les femmes ont tellement évoluéqu'elles se permettent aujourd'hui à lon-gueur de colonnes de journaux, dans lesmédias (surtout étrangers) d'appeler leurcode du statut personnel, leur code de lafamille, le “code de l'infamie”. Or pour queles Algériennes se lèvent, s'associent, enparlent chaque jour, c'est bien qu'elles ontatteint un degré extrêmement élevé dans la

course à la liberté.

Je vais peut-être vous étonner, mais quoiqu'on en pense il n'y a pas une grande dif-férence entre la femme du “bled” et lafemme de la ville soit-disant plus évoluée.Que veut la femme algérienne? Par exem-ple, elle ne désire pas supprimer la répudia-tion qui donne la possibilité au mari demettre fin au lien conjugal de manière uni-latérale. Ce qu'elle demande, c'est de jouirelle-même du droit de répudiation, ce quiest tout à fait différent, c'est-à-dire de pou-voir elle-même sans difficulté dire qu'ellene veut plus de ce mariage. Elle ne veut pasavoir à donner les preuves qu'on exige d'el-le pour pouvoir obtenir la rupture du lienconjugal. Ce qui l’intéresse au premier chef,ce sont les conditions matérielles du divor-ce : le droit au logement, la pension ali-mentaire, le droit de garde. Elle n'a absolu-ment aucun problème avec le droit degrade parce qu'en général il lui est dévolu,et lorsqu'il ne lui est pas dévolu parce qu'el-le ne peut pas l'assumer, il est dévolu à samère ou à sa famille.

Je ne fais pas l'éloge du code de la famille,simplement je veux casser l'image qu'à tra-vers ce code de la famille, on a de la femmealgérienne et de ses droits dans la réalité.

Un participant dans la salle :L'erreur qu'il faut éviter, c'est, lorsqu'il y ainadéquation entre un texte et une réalitésociale, de rendre responsable le texte. Unexemple : j'écoutais il y a quelques jours desstatistiques sur la violence maritale enFrance. Est-ce qu'on rend le code civilresponsable de cette violence ? il faut faireattention ! nous sommes tous d'accord surle fait que le Code de la famille n'est plus auniveau de l'évolution sociale, mais un texten'est pas responsable de cette évolution.Un texte de loi ne vient que pour gérer unesituation sociale.

Une autre participante :Je tenais à rappeler que la Cour deCassation, depuis 1995, ne reconnaît plusaucune répudiation en invoquant laConvention Européenne des Droits del'Homme et un protocole additionnelposant le principe d'obligations égales enmatière matrimoniale. Si une femme algé-rienne invoque ce principe d'égalité à l'en-contre de l'application du droit algérien,elle aura donc gain de cause.

Un autre participant :J'ai l'impression que vous n'avez rien spéci-fié des populations qui sont nées auMaghreb ou en Algérie, et qui ont choisi de

vivre ailleurs, de telle façon qu'elles ont dumal à comprendre ce qu'il leur arrive ici. Jesuis assistant social en Seine-Saint-Denis, etentre le mois de janvier et le mois de mai,j'ai vu plusieurs jeunes femmes, dont 7maghrébines et 3 d'Afrique Noire ou del'Est, à propos de mariages forcés. Il sem-ble donc qu'elles ne puissent pas faireautrement que de se soumettre à ce qui estdicté. Et j'entends aujourd'hui qu'il n'y apas de contrainte ! alors pourquoi ces jeu-nes filles sont-elles obligées d'abandonnerles études parce qu'elles se marient deforce?

Une autre participante :C'est vrai qu'il existe des situations d'abusd'autorité parentale dans les cas des maria-ges imposés, mais il n'y a pas de statis-tiques. Dans le contexte migratoire, la diffi-culté est qu’ il n'y a pas de solution juri-dique toute faite. Certains magistrats éta-blissent une interdiction de quitter le terri-toire français pour la jeune fille lorsque lepère envisage de la marier dans le pays d'o-rigine; mais cette interdiction n'a pas devaleur juridique, car si le père décide defranchir la frontière on ne pourra pas l'enempêcher. Ce n'est donc pas une bonnesolution. Il s’agit sans doute plutôt de trou-ver une médiation extra-judiciaire permet-tant de faire comprendre à ce père que, parexemple en Algérie, le droit de contraintematrimoniale est interdit. Souvent nousavons des parents qui sont restés dans uncercle conservateur et culturel ; ils n'ontpas réalisé que depuis leur arrivée enFrance, il y a eu des évolutions dans leurpays, et comme ils vivent une sorte de sen-timent de trahison, de dette par rapport àleurs pays d'origine, ils pensent qu'en res-tant très attachés à des pratiques tradition-nelles, ils répondent à l'attente de leurfamille restée au pays. Pendant très long-temps, les magistrats ont pratiqué les place-ments en foyer, mais ces placements ontété vécus comme des ruptures par les jeu-nes filles. Aujourd'hui les magistrats hési-tent car les conséquences peuvent être bienplus dramatiques. Il faudrait permettre à lafamille de faire un travail de médiationpour essayer de faire comprendre auxparents qu'il faut que la jeune fille puissechoisir son époux. C'est un travail très dif-ficile.

Maître Marie-Françoise CORNIETI,Avocate au Barreau de la Seine-Saint-Denis :Dans le cadre de consultations que nousdonnons dans les établissements scolaires,nous sommes parfois contactées par desjeunes filles, mineures le plus souvent, qui

savent que si elles retournent au pays à l'oc-casion de vacances elles vont être mariées.Ces jeunes filles sont extrêmement atta-chées à leurs parents et elles ne sont pasprêtes à entrer en rupture, en conflit. Jesuis d'accord avec le fait qu'il faut absolu-ment trouver des médiations pour quequelqu'un intervienne. Cela pourrait êtreune tante ou quelqu'un de la famille, ou untravailleur social, un enseignant, pour faireentendre que la loi française n'accepte pasce genre de choses, mais qu'il faut donnerdu temps à la jeune fille, qu'il faut qu'elletermine ses études. Mon sentiment, c'estque plus les jeunes filles auront ces infor-mations en France et mieux elles saurontelles-mêmes gérer ces difficultés de rela-tions avec leurs parents. On ne peut pastout attendre de la loi. Dans des cas dra-matiques on peut toujours requérir la pro-tection du juge des enfants, mais dans uncadre familial il faut essentiellement donnerà l'intéressée le moyen d'obtenir une pro-tection et, du coup, les moyens de réglerelle-même ou avec l'aide d'un tiers les pro-blèmes qui se posent à elle.

Monsieur le Bâtonnier GHOUADNI :De toute façon, l'intervention du Juge estnécessaire pour répondre à l'urgence, maisil ne peut répondre au drame.

[ Fin des interventions de la matinée ]

* Cette contribution est une version syn-thétique d’un article de l’auteur intitulé“L’enjeu des femmes en Algérie ou l’im-possible individuation?”, paru in MEY-NIER G., et al, L’Algérie contemporaine, Paris,L’Harmattan, 2000, pp. 47-68.

LA FAMILLE EN ALGÉRIE :ASPECTS SOCIOLOGIQUES

TRANSVERSAUX

On m'a demandé de me pencher sur lesaspects sociologiques transversaux relatifsà la famille en Algérie afin de nourrir lesdébats plus proprement juridiques qui nousoccupent dans cette assemblée aujourd'hui.C'est ce que je vais tenter de faire.

Je commencerai par dire qu'en Algérie,avant l'indépendance, l'ensemble de la pen-sée sociologique, anthropologique, voirejuridique sur la société algérienne était for-tement marqué par les théories évolution-nistes du XIXe siècle et par une représen-tation, je dirais “alternaliste”, de la cellulefamiliale comme indépendante de l'influen-ce culturelle ou de contingences histo-riques, économiques et politiques. Demanière générale, après l'indépendance etjusqu'aux années 1970, les travaux universi-taires consacrés à ce pays étaient plus por-tés sur les questions liées au politique (parexemple la question des élites politiques) età l'économique (par exemple le décollageindustriel), puisque l'Algérie entreprenaitson développement économique et social.À cette époque, une place secondaire étaitaccordée aux pratiques sociales et à lafamille.

Il faut dire que la construction de l'objet“famille”, pour décrire le changement obs-ervé dans les familles contemporaines de lasociété algérienne, va être élaborée beau-coup plus tardivement. C'est pourtantassez paradoxal, quand on sait que le butdomestique est au centre des questionsrelatives à cette société et à son organisa-tion sociale. Les travaux apparus après lesannées 1970 montrent que “l'échec de l'inté-gration sociale assurée jusque-là uniquement parles représentations culturelles vivant dans la tauto-logie généalogique, rapporté de plus par l'historio-graphie de la guerre de libération chantant la gloi-re des martyrs née de la conflictualité dans toute

société est trop élevée pour être désamorcé unique-ment par des représentants et par des mythes” 1.

Cette communication va essayer de porterce regard sociologique et tenter de montrercomment dans la société algérienne et àquel moment s'est opéré l'éclatement desstructures sociales anciennes, traditionnel-les au profit de l'éclosion de structuresémergentes tout en conservant les perma-nences des structures traditionnelles.

Dans un premier point, je rappellerai que laquetion de la famille en Algérie est coincéeentre le droit coutumier, la révélation ettradition islamiques (et de son corpus déri-vé) et les effets de la colonisation. En effet,au niveau socio-anthropologique, et à l'ins-tar des autres pays du Maghreb, l'Algéries'inscrit dans un système de parenté où lafiliation “patrilinéaire” prévaut, une filia-tion dite également “agnatique”, qui souli-gne le fait que la transmission de la paren-té est le fait des mâles. Dans ce système defiliation, l'appartenance au groupe deparenté est assurée par le père et la relationavec les autres membres du groupe passeexclusivement par la lignée des hommes.La filiation se transmet donc de père en fils,et c'est en partie pour ça - je pense queMadame RUDE-ANTOINE l'a bien expli-qué ce matin - que l'adoption est prohibéedans la religion islamique et que s'y substi-tue le recueil légal, la Kafala.

Dès le premiers siècle de son islamisationpuis de on arabisation, l'Algérie s'est ralliéeà l'école juridique malikite, l'une des princi-pales écoles du courant sunnite, fondée surl'observance de la shari'a (Loi religieuse isla-mique).

_________________________________1 Pour plus de détails, se reporter aux travaux desociologie politique de ADDI Lahouari..

L'apport islamique, mêlé aux permanencesberbères et coutumières, traduit la synthèsede la société et de la famille algérienneétendue, fondée sur le patriarcat, les liensde parenté et d'alliance, un droit coutumier,un code d'honneur, des conduites socialeset des pratiques rituelles des plus strictes.Bien sûr, le modèle de la “grande famille” aévolué, s'est diversifié et a affiné ses modesd'allégeance. Cependant, la colonisation aen partie bouleversé le mode d'organisa-tion sociale. À ce titre, il faut peut-être rap-peler que parmi les trois pays maghrébins,l'Algérie, déclarée colonie de peuplementpuis département français, est le pays qui asubi la plus longue, la plus déstructuranteet la plus meurtrière des dominations. En132 ans d'occupation, la France, notam-ment par l'introduction du capitalisme,impose à l'Algérie de nouvelles structura-tions socio-économiques et politiqes quicontinuent de produire leurs effets aujour-d'hui. Les bouleversements induits par lacolonisation vont entraîner une déstructu-ration du tissu social, et par là même uneréactivation des anciennes formes de socia-bilité, d'une tradition et d'une identité cul-turelles idéalisées. Il est utile de rappelerque la spoliation des terres imposée par lapolitique de cantonnement, l'exode rural etle déracinement de la paysannerie qui suivi-rent la concrétisation de cette politiquecontribuèrent à l'éclatement des anciennesstructures et à leurs formes d'organisationsociales. Dans le même temps, ils déclen-chèrent un courant d'opinion puissantvoyant dans les innovations imposées parle colonisateur, une attaque contre l'Islam.

Dans le repli identitaire qui s'en suivit, l'in-fluence des réformistes musulmansd'Orient sur les foukaha (juristes musul-mans ) algériens est indéniable. À titred'exemple, l'Association des Ouléma, fon-dée en 1931 en Algérie, va puiser ses réfé-rences dans l'idéologie religieuse orientaleprônée par le mouvement de la renaissancedu monde musulman (Nahda) et de la

Pluri-parentalité en Algérie - Le regroupement familial

Intervention de Madame Yamina BETTAHAR *, Professeur à l’Université de Nancy

Salafia, qui se veut un continuateur du fon-damentalisme classique et de l'Islam desorigines. Rappelons que le leader charisma-tique de l'Association des Ouléma,Abdelhamid BEN BADIS, est issu d'uneriche famille du Constantinois.Accompagné de quelques disciples, il reçoitune formation classique de lettré qui leconduit dans les hauts lieux de l'enseigne-ment théologique des universités-mos-quées de Tunis (la Zitouna) ou du Caire (El-Azhar). Ces réformistes musulmans,empreints d'idéologie fondamentaliste maisaussi panarabique et panislamique, fondéesur la Oumma (grande communauté descroyants), va se manifester très tôt sur leterrain politique : ainsi, pour bénéficier parexemple de la citoyenneté française, lesAlgériens musulmans doivent renoncer àleur statut personnel c'est-à-dire aux règlesrégissant les rapports communautaires éta-blis dans le cadre du Droit musulman et ce,malgré le fait que l'administration françaises'engage au début de la conquête à respec-ter les usages et à ne pas porter atteinte auxcroyances religieuses des populationsmusulmanes. À ce moment-là, la religiondeviendra un refuge et un lieu de refus etde contestation.

Par ailleurs, la politique de francisation etd'implantation du système d'enseignementcolonial en Algérie eut pour objectif l'im-position de l'instruction publique.Rappelons-nous les lois Jules FERRYappliquées en France en 1882 et grefféesdans la colonie dès 1883. Globalement,dans la mise en œuvre des politiques sco-laires par la France coloniale en Algérie, lesfilles ne furent pas oubliées mais les inten-tions de cette scolarisation féminine n'enfurent pas cachées. De fait, les filles n'accè-deront véritablement en masse à l'enseigne-ment qu'après l'indépendance.

Après avoir évoqué le statut des famillesalgériennes coincées entre le religieux danstoutes ses composantes (sources sacrées,tradition), les permanences coutumières etl'imposition du code civil français, voyons àprésent quelles ont été les évolutions de cesfamilles (j'aurais tendance à parler defamilles au pluriel car il me semble difficilede parler de famille en Algérie au singulier),les permanences, les continuités et les dis-continuités ?

Dès la colonisation et jusqu'à la fin de laguerre d'indépendance, l'Islam servira deciment unificateur aux populations musul-manes dites “indigènes”. La religion et lesforces religieuses constituées en champreligieux autonome vont jouer un rôle

important dans l'affirmation identitairenationale. Dans cette optique, on comp-rend aisément qu'après l'indépendance, etdès la constitution du 10 septembre 1963(date à laquelle la religion est mise en exer-gue dans le préambule) jusqu'à celle de1989, l'Islam est présent de manière cons-tante en tant que religion d'État. La religionquitte ainsi la sphère privée pour la sphèrepublique. Institutionnalisée, la religionoccupe l'espace social. Au plan constitu-tionnel, l'appartenance à la fois religieuse etidentitaire à l'Islam et au monde arabo-musulman est constamment rappelée parles textes fondamentaux de l'Algérie. Maiscette double logique (révélatrice d'uneambiguïté très forte) de l'affirmation del'appartenance à une société originelle,c'est-à-dire une société structurée en grou-pes familiaux et tribaux hiérarchisés, a unidéal transcendantal : celui de la nationarabe. Contrairement au Christianisme,l'Islam se veut religion (Din), monde(Dounia) et État (Dawla). C'est donc unereligion qui n'admet pas la séparation dedeux ordres séparés, de deux sphères dis-sociées, celle du sacré et celle du profane.De cette relation particulière, fusionnelleentre le discours théologique et politiquenotamment, et leur consubstantialité à lasociété naîtra par exemple le Code de lafamille promulgué en 1984 et qui continuede susciter des débats passionnés.

Après l'indépendance de l'Algérie et toutparticulièrement à partir des années 1970,l'urbanisation accélérée poursuit d'une cer-taine façon le processus de déstructurationamorcé durant la période coloniale et quitouche le tissu social et les familles. Onassiste dans un premier temps à la désagré-gation de la famille étendue à la famillenucléaire. La solidarité et l'entraide socialequi légitimaient les relations et les condui-tes au sein des grandes familles se modi-fient au profit de l'émergence de relationsplus individualistes. Ces nouvelles relationssont un effet de l'organisation sociale et dela modernisation imposées avant et aprèsl'indépendance et des effets conjugués de lapoussée démographique, d'un exode ruralmassif, de l'urbanisation croissante et d'unecrise chronique du logement. Les vieillesfamilles résistent. Dans un deuxièmetemps, on assiste à une reconstitution de lafamille élargie, du modèle de la “grandefamille” ('ayila), fondé sur le patriarcat et laperpétuation de la lignée par les mâles oùl'on retrouve la notion de 'açabyyia (espritde corps), notion si chère au penseur IBNKHALDOUN. Ce penseur maghrébin duXIVe siècle (que certains considèrentcomme le précurseur de la sociologie

contemporaine) avait souligné en sontemps la solidarité, l'entraide et la cohésionsociale entre les familles traditionnelles 2 :d'autres sociologues tels DURKHEIM,TÖNNIES, PARETO ont réactualisé ontréactualisé ses travaux.

Dans le même temps, et malgré la mutationdes moeurs, la famille traditionnelle sereplie sur elle-même et contribue à la per-pétuation des “structures élémentaires dela parenté” 3. Les liens de parenté et lesreprésentations sociales du modèle patriar-cal perdurent. Dans ce modèle, le poids dela religion et des règles coutumières estomniprésent. Or, après l'indépendance, lesfemmes sont coincées entre une traditionet un statut personnel qui entend les main-tenir dans un rôle d'assujettissement et unepromotion socio-économique due à lamassification de la scolarisation féminineau lendemain de l'indépendance.Rappelons-nous, les filles peu scolariséesdurant la période coloniale, ont été lesgrandes bénéficiaires de la démocratisationde l'accès à l'école après 1962. En outre,certaines d'entre elles ont été actives durantle processsus qui a mené le pays vers salibération. Malgré une glorification de cel-les-ci et des engagements pris en haut lieuen vue de leur émancipation, elles sontassignées au rôle de gardiennes des valeurstraditionnelles. Certains veulent les confi-ner dans l'espace privé, dans les frontièresdu “dedans”. Des voix s'élèvent pour récla-mer la promulgation d'un code de la familleconforme à la tradition. Les partisans de cecode ne tiennent pas compte des évolu-tions et des mutations sociologiques queconnaît l'Algérie après son indépendance.

C'est dans une société fragilisée que laquestion lancinante des femmes devient lecatalyseur et le lieu d'expression d'affronte-ments entre la “raison moderniste et l'émo-tion identitaire”. Et c'est dans un contextede crise généralisée que cette dernière ten-dance finit par obtenir la promulgation ducode de la famille en 1984. Je n'aborderaipas le code dans ses aspects juridiques, ilme semble que mes collègues juristes sontmieux armés que moi pour le faire. Aussi,je me contenterai de reprendre ici une for-mulation suggérée ce matin par une partici-pante au sein de cette assemblée: “c'est unproblème de rapport de force”.

________________________________2 BOUTHOUL G., “Ibn Khaldoun, sa philosophie sociale”,Paris, 19303 Pour un approfondissement théorique, se reporter àCl. LÉVI-STRAUSS, “Les structures élémentaires de laparenté” (1949), Paris, Mouton, 1967.

C'est précisément en raison de ce rapportde force que le code n'a pu voir le jour en1962 et qu'il n'a été promulgué que plu-sieurs années après, en 1984. Ce code, quia connu diverses moutures reflétant lesrapports de force du moment, est considé-ré, depuis son institutionnalisation commeétant à mi-parcours de la Magalla (code destatut personnel tunisien, de loin le plusmoderniste des trois codes maghrébins) etde la Moudawwana (code de statut personnelmarocain). De nombreux auteurs ont sou-ligné les insuffisances de ce code notam-ment l'incapacité juridique de la femmeplacée sous la tutelle matrimoniale d'un wali(tuteur matrimonial), son astreinte à un sys-tème de prohibition renforcé, la légalisa-tion de la polygamie (même si elle est envoie de disparition), de la répudiation,....Cecode a suscité de vives réactions parmi lesfemmes donnant lieu à de fortes mobilisa-tions et à l'émergence de mouvements decontestation. De fait, les débats qui ont lieudepuis de nombreuses années autour de cecode de statut personnel sont une fois deplus l'occasion de débats plus profonds quiinduisent le devenir sociétal mais égale-ment la place de la religion et son degréd'imbrication avec le politique en Algérie.

La société algérienne est loin d'être unani-me sur son devenir. Les conflits qui la tra-versent ne sont que le reflet d'oppositionsdivergentes entre des choix de projet desociété. Elles reprennent des oppositionsamorcées au moment de la formation dumouvement nationaliste puis pendant laguerre de libération entre les partisans dustatu quo ou de la spécificité arabo-musul-mane et les partisans d'une société en sym-biose avec les transformations écono-miques, sociales et culturelles portées par leprocessus de modernisation en cours. Laquestion du choix du modèle familial estainsi posée dans les mêmes termes entrefamille traditionnelle et famille moderne.Incontestablement, certaines dispositionsdu code adopté en 1984 contribuent aurenforcement du modèle de la famille tra-ditionnelle et du patriarcat.

L'analyse de la famille (des familles) enAlgérie témoigne bien des ruptures etcontinuités qui caractérisent l'évolution desmodèles et des rapports familiaux, voireplus largement des rapports sociaux. Maisl'avancée des filles issues des grands pro-grammes de scolarisation et d'éducationmenés par le pays dans les années 1970 et

l'émergence “d'élites instruites” contri-buent progressivement et malgré les résis-tances, au développement d'une politiquefamiliale modernisatrice, voire à une vérita-ble “révolution silencieuse”.

L'Algérie est en pleine mutation sociolo-gique, pourtant, le code ne tient pas comp-te de ces mutations. Mais l'émergence de“nouvelles familles”, les mobilisationsféminines et l'émergence d'un mouvementde contestation finiront par donner unautre tournant. L'avenir nous le dira.

Me GOURION :Je remercie Madame BETTAHAR. Nousallons maintenant passer au regroupe-ment familial. Je vais donner la parole àClaire RODIER, Me MohamedMAHIEDDINE et Me Nathalie VITEL.

Intervention de Madame Claire RODIER, représentant le GISTI

Je n'apprendrai à personne ici que le droitapplicable aux Algériens en matière dedroit de séjour relève d'un statut spéci-fique qui est différent du droit applicableaux autres étrangers qui vivent en France:alors que ces autres étrangers, dont on ditqu'ils relèvent du régime général desétrangers, sont régis par l'ordonnance du 2novembre 1945 (la loi de base en matièrede droit des étrangers, modifiée à de mul-tiples reprises, la dernière en date étant laloi Chevènement de 1998 dite loi“Réséda”), c'est à l'accord franco-algériendu 27 décembre 1968 “relatif à la circula-tion, l'emploi et le séjour des ressortis-sants algériens sur le territoire français”qu'il faut se référer pour ce qui est desmodalités d'entrée, de séjour et de regrou-pement familial concernant les Algériens.En effet, l'accord franco-algérien est untraité international auquel la constitutionfrançaise reconnaît une valeur supérieureà celle des lois. L'ordonnance de 1945 elle-même précise d'ailleurs que les disposi-tions dont elle traite sont applicables auxétrangers “sous réserve d'une convention inter-nationale ou de lois et règlements spéciaux yapportant dérogation”.

Ceci dit, les choses ne sont pas si simplescar certaines des dispositions de la loiapplicable aux étrangers du régime généralle sont également aux Algériens lorsqu'el-les concernent les domaines qui ne sontpas traités exclusivement par l'accord.C'est particulièrement vrai pour tout cequi touche à l'éloignement du territoirefrançais (reconduite à la frontière, expul-sion, interdiction de territoire) : ce thèmen'est pas traité dans l'accord franco-algé-rien, qui parle d'entrée et de séjour, maispas d'éloignement. Toutefois la répartitiondes champs d'application respectifs entrel'ordonnance de 1945 et l'accord de 1968est toujours sujette à controverse. LeConseil d'Etat a eu plusieurs fois l'occa-sion de se prononcer sur cette répartition,mais il reste toujours de nombreux pointsd'incertitude.

Il devait y avoir aujourd'hui un représen-tant de la Préfecture de la Seine-Saint-Denis. Il n'est pas là et je le regrette, parceque je pense justement que les associa-tions et certains avocats ont souvent desconflits avec les représentants de l'Etatquant à l'application respective de l'ordon-

nance de 1945 ou de l'accord de 1968, enparticulier sur un thème qui relève dudroit au séjour : le préfet doit-il convoquerla commission du titre de séjour avant deprendre une décision de refus de délivran-ce d'un titre de séjour ? les associations lerevendiquent et le Conseil d'Etat, me sem-ble-t-il, a répondu par l'affirmative. LeMinistre de l'Intérieur n'est pas tout à faitd'accord et les différentes préfecturesadoptent des positions divergentes.

Ceci dit, l'accord de 1968, tout commel'Ordonnance de 1945, a subi des modifi-cations substantielles depuis sa versioninitiale, étroitement liées à l'évolution desrapports entre l'Algérie et la France. Pourmémoire, il faut rappeler qu'au momentde la signature des accords d'Evian en1962, l'Algérie et la France ont convenu, jecite : que les ressortissants algériens rési-dant en France et notamment les tra-vailleurs ont les mêmes droits que lesnationaux français à l'exception des droitspolitiques. A cette égalité des droits, lesAccords d'Evian avaient ajouté la libre cir-culation, la liberté totale de déplacementsentre l'Algérie et la France pour les

Algériens. Ces principes ont été peu à peuremis en cause. On le constate à travers l'é-volution du statut réservé aux Algériens :l'accord de 1968 revient sur le principe delibre circulation en imposant aux Algériensde présenter un passeport pour passer lafrontière française ; l'accord va aussi tenterd'instituer un contingentement des tra-vailleurs algériens qui seraient autoriséschaque année à circuler en France, mais cetaspect-là n'a pas tellement bien fonctionné.L'accord de 1968 a créé des certificats derésidence, c'est-à-dire des titres de séjoursspécifiques aux Algériens.

Le premier avenant à l'accord de 1968 a étésigné en 1985 ; son objectif , comme lessuivants, est de rapprocher le statut desAlgériens de celui du régime général desétrangers. C'est ainsi que cet avenant de1985 a calqué la validité des titres de séjoursur celle prévue par l'ordonnance de 1945pour les autres étrangers, et instaure uneprocédure de regroupement familial pourles Algériens à l'image de la réglementationgénérale. Le deuxième avenant a été signéen 1994 ; il vise également à aligner le sta-tut des Algériens sur celui du régime géné-ral, et en particulier sur la très importantemodification du régime général des étran-gers qui avait été apportée par une loi res-tée célèbre, la loi Pasqua d'août 1993.

Vous vous souvenez sans doute que cetteloi avait singulièrement durci les conditionsd'admission au séjour des étrangers. LaFrance avait le souci que les Algériens nejouissent pas d'un statut trop favorable parrapport au reste des étrangers. Le caractèrebilatéral de la négociation indique quel'Algérie a bien accepté de restreindre ainsil'accès au séjour de ressortissants algériensen France. On retiendra en particulierl'exigence faite aux Algériens de fournir,pour obtenir un visa de tourisme, un certi-ficat d'hébergement (qu'on appelle aujour-d'hui l'attestation d'accueil) ; jusqu'alors ilsn'en étaient pas tout à fait exemptés, maisla délivrance de ce document était beau-coup plus une formalité qu'un obstacle.Dans cet avenant de 1994 est égalementimposée une obligation qui fait des ravagesjusqu'à aujourd'hui : l'obligation de produi-re un visa de long séjour pour la délivrancede tout titre de séjour, de quelque naturequ'il soit. Cette disposition de la loi Pasquaa depuis été abandonnée par le régimegénéral des étrangers, mais maintenue parl'accord bilatéral franco-algérien. Ceux quien ont l'habitude savent à quel point il estdifficile pour les Algériens, qui ont toutelégitimité à vivre en France à cause de leursituation personnelle (je pense notamment

aux conjoints de français), d'obtenir ce visalong séjour.

On parle depuis très longtemps -c'est unevéritable arlésienne- d'un troisième avenantà l'accord de 1968, dont la conclusionserait imminente : son but serait de rappro-cher le statut des Algériens de celui des aut-res étrangers. Evolution nécessaire car aveccette construction que je viens d'évoquer,les Algériens sont globalement soumis aurégime de la loi Pasqua, alors que la situa-tion des autres étrangers a évolué (notam-ment avec les améliorations concernant lavie familiale apportées par la loiChevènement de 1998). Je voudrais vousciter les termes d'un courrier du Chef deService des Etrangers en France auMinistère des Affaires Etrangères Français,adressé le 30 mars 2001 à la responsabled'un collectif de soutien aux sans-papiersen Seine-Saint-Denis, et dans lequel ilexplique que l'accord bilatéral franco-algé-rien, au départ nettement plus favorableque le droit commun, mérite d'être actuali-sé au regard du régime de la loiChevènement et de l'assouplissementapporté à notre politique des visas enfaveur des membres de familles : “dans lecadre de la refondation de la relation bilatérale,une négociation a été engagée en juin dernier pourmettre fin à ces distorsions et d'une manière plusgénérale, procéder à une adaptation de l'accord de68 compte tenu de l'évolution du contexte nationalet international. Elle vient d'aboutir à la mise aupoint d'un projet de troisième avenant à l'accord de1968 qui transpose au profit des ressortissantsalgériens les dispositions de la loi de 98, notam-ment le bénéfice de nouveaux titres de séjours crééspar cette loi pour ceux d'entre eux qui sont memb-res de familles de français, la suppression de l'o-bligation de visas de long séjour pour s'établir enFrance”.

Si cette option se concrétise, cela résoudranon pas toutes les difficultés que rencont-rent les Algériens, mais un certain nombre.Je rappellerai enfin qu'en 1986, la France aimposé de manière unilatérale l'obligationde visas aux ressortissants des anciennescolonies africaines et à l'Algérie, ressortis-sants qui en étaient dispensés auparavant.Cette mesure qui avait été présentéecomme temporaire n'a jamais été rapportéedepuis.

Ce rappel historique s'imposait avant d'a-border la question du regroupement fami-lial, car il permet de mieux comprendre lesvéritables imbroglios juridiques auxquelsest soumise la procédure du regroupementfamilial en France, qui est particulièrementcaricaturale de la difficile articulation entre

l'accord franco-algérien et le régime généraldes étrangers. Surtout, derrière chaque pro-blème juridique, se posent les enjeux decouples, de familles, de gens qui sont affec-tés de façon personnelle par l'histoire géné-rale des relations franco-algériennes.

L'article 4 de l'accord franco-algérien de1968 dit que les membres de familles (deressortissants algériens déjà installés) quis'établissent en France, sont en possessiond'un certificat de résidence de même duréede validité que celui de la personne qu'ilsrejoignent. La version initiale de l'accord de68 ne disait rien de plus, sinon que le chefde famille devait justifier d'une résidenceen France ; à l'époque il n'y avait pas decondition de ressources, pas de conditionde logement, il fallait juste justifier que lapersonne résidait en France. Le même arti-cle, dans sa rédaction de 1985, définit lesconditions de fond qui permettent l'intro-duction de membres de famille. On voit iciapparaître des règles qui sont alignées sur laréglementation française, c'est-à-dire : desressources stables et suffisantes, un loge-ment aux normes et un examen médicalpratiqué par un médecin agréé en Algérie.Pour les détails de la procédure, il fautrechercher des sources textuelles dans unecascade de circulaires qui sont dépourvuesde caractère réglementaire, dont l'articula-tion est très compliquée et qui aboutit àune absurdité : si on cherche le texte le plusrécent, une circulaire du 1er mars 2000 quitraite du dispositif du régime général et quiexplique en fait cette procédure de regrou-pement familial applicable aux étrangers (etqui rappelle que les Algériens ne font paspartie du champ d'application de cette cir-culaire mais de l'Ordonnance de 1945) ren-voie, pour le détail de la procédure applica-ble aux algériens, à une circulaire trèsancienne qui date de mars 1986. Si on sereporte à cette circulaire de 1986, qui com-porte un titre consacré au regroupementfamilial, elle renvoie elle-même à une autrecirculaire qui date du 4 janvier 1985 portantapplication d'un décret de 1976 (je détailleà dessein tous ces éléments pour vousmontrer à quel point il est difficile de s'yretrouver). On se reporte donc à cette cir-culaire de janvier 1985, qui explique quellessont les règles applicables pour le regrou-pement familial. Mais cette circulaire a étéabrogée, le décret de 1976 a été abrogé.Conclusion : en mars 2000, le Ministère del'Intérieur nous renvoie à des textes quin'ont plus aucune existence….

Cette affaire a été portée devant le Conseild’Etat, qui a effectivement dit en 1997 auMinistre de l’Intérieur, en substance : “le

texte sur le regroupement familial desAlgériens auquel vous vous référez et nul etnon avenu et personne ne peut s'en préva-loir”. Faut-il en conclure que parce qu'unepartie de la base réglementaire disparaît, leprincipe de regroupement familial desAlgériens doit être mis en cause ? bien sûrque non. D'après l'article 4 de l'accordfranco-algérien initial, les ressortissantsalgériens ont le droit de se faire rejoindrepar les membres de leurs familles. Leregroupement familial relève d'un droitfondamental qui dépasse largement, et laloi française, et l'accord franco-algérien.Sans rentrer dans les détails, je rappelleraique dans un arrêt de 1978, le Conseil d'Etata fait du droit de mener une vie familialenormale un principe général de droit, quece principe a été érigé en principe constitu-tionnel par le Conseil Constitutionnel en1993 et que par ailleurs, de nombreux tex-tes internationaux consacrent le droit àvivre en famille comme un principe fonda-mental, que l'on soit ressortissant nationalou étranger.

Et je me réfèrerai essentiellement à laConvention Européenne des Droits del'Homme et des libertés fondamentales quioblige la France à respecter, à l'égard detoutes les personnes qui vivent sur son sol,sans considération de nationalité, leur droitau respect de leur vie privée et familiale. LeConseil d'Etat a intégré les principes de laCEDH dans sa jurisprudence et admet quele juge administratif exerce un entiercontrôle de proportionnalité entre la néces-sité d'ingérence de l'Etat et de respect del'étranger ; ces principes ont pu l'amener àannuler des décisions d'éloignement du ter-ritoire ou des décisions de refus de déli-vrance de titres de séjour, même si ce refusétait fondé sur la loi nationale ou l'accordfranco-algérien.

Un arrêt significatif du Conseil d'Etat du22 mai 1992, concerne une Algériennemère d'enfants français : même si l'accordbilatéral franco-algérien exclut explicite-ment les parents algériens d'enfants fran-çais du droit au séjour en France, le Conseild'Etat considère qu'au regard de laConvention Européenne des Droits del'Homme le gouvernement français nepouvait refuser un droit de séjour à cetteAlgérienne.

Ce qu'on peut en conclure, c'est que quelleque soit l'évolution de l'accord franco-algé-rien, le droit de la famille et le droit de sefaire rejoindre par les membres de leurfamille pour les Algériens ne pourrontjamais être remis en cause, sauf change-

ments fondamentaux de la société françai-se qui la conduirait à renoncer à saConstitution et à ses engagements interna-tionaux. On espère en être loin. Ce quenous attendons aujourd'hui, c'est une amé-lioration de la situation pour éviter les blo-cages qu'on constate dans la pratique (lors-qu'il manque un peu de la superficie néces-saire pour le logement, ou de ressources)et qui aboutissent à séparer des famillespendant des années.

On peut donc espérer que l'influence dudroit international s'imposera au-delà detoute autre considération, rendant cetteamélioration inéluctable.

Dans le cadre du regroupement familial,l'intitulé du thème que je souhaite aborderest le suivant : le droit de l'immigré de vivreen France.

On a parlé de la famille depuis ce matin.Mais le premier problème qui se posequand il s'agit d'une famille dont un élé-ment est étranger, et qui va se poser aussibien pour cette famille que pour l'avocat etle juge, ce sont les conditions de son éta-blissement.

A l'origine, la famille est traditionnellementun domaine qui relève du juge du droitprivé. Lorsqu'un de ses éléments est étran-ger, elle va se trouver également régie par ledroit public, que ce soit le juge administra-tif, le juge constitutionnel ou le juge dedroit international. Donc en tant que publi-ciste, je n'aborderai ce problème de lafamille que sous cet angle.

La famille ayant un élément étranger va setrouver confrontée à l'administration entant que puissance publique, disposant decet attribut de prérogative exceptionnellede gérer et de régir la liberté de circulationet de séjour de cet étranger. Régir la situa-tion de l'étranger relève classiquement desprérogatives de la souveraineté exclusive del'Etat National. Mais on constate depuisquelques années que cette souveraineté setrouve quelque peu troublée, car la recon-naissance de cet étranger établit un droitfondamental, celui de mener une vie fami-liale normale. Ce principe apparaît aujour-d'hui comme un droit de l'individu face àl'Etat à partir du moment où l'Etat ne peutplus décider d'une manière tout à fait sou-veraine d'éloigner ou de refuser l'individu

ou les membres de sa famille, de l'éloignerou de ne l'accueillir que sous certainesconditions et sous le contrôle du juge. Cedroit ne se résume pas au regroupementfamilial. Le regroupement familial en est undes éléments car il permet de rejoindre lechef de famille ou un élément de la famille.Va s'ajouter le droit au maintien sur le ter-ritoire national, pour éviter toute mesured'éloignement.

Je vais donc tout d'abord montrer les fon-dements de ce droit et essayer d'abordertrès brièvement le contenu même de cedroit

Ce droit tire d'abord son fondement,comme l'a dit Mme Claire RODIER, d'untexte national, cette célèbre Ordonnancede 1945 qui dans son article 3 d'origineconfie au Ministère de la Population la mis-sion de faciliter l'établissement familial desétrangers. La France va mener une poli-tique d'encouragement de l'immigrationfamiliale ; pour conforter ce droit, un déc-ret du 29 avril 76 disposait dans son article1er que “les membres de la famille du travailleurétranger déjà installé en France ne peuvent se voirrefuser l'accès au territoire et l'octroi d'un titre deséjour uniquement sous réserve des limitations d'or-dre public”. Cette situation va changer avecl'évolution du marché de l'emploi et descontraintes économiques. En 1977, unautre décret vient limiter l'attribution destitres de séjour aux gens qui ne sont pasdemandeurs d'emploi. Le Conseil d'Etat vaalors avoir une occasion unique de donnerson interprétation du droit à mener une viefamiliale, et va annuler ce décret en se fon-dant sur un principe général de droit : l'ar-rêt du 8 décembre 78 dégage “un principe de

Intervention de Maître Mohamed MAHIEDDINE,Avocat au Barreau d’Oran

droit général à mener une vie familiale normale quine permet pas au gouvernement d'interdire par voiegénérale l'occupation d'un emploi par les membresdes familles de ressortissants étrangers”.

Le Conseil d'Etat va ensuite tenter d'allerencore plus loin dans la réflexion et dans larecherche de fondements de ce droit devivre en famille, cette fois sur le plan de lanorme constitutionnelle. Il trouve ce fon-dement dans le préambule de la constitu-tion de 1946, dont l'article 10 dispose que :“la nation assure à l'individu et à la famille lesconditions nécessaires à son développement”.S'appuyant sur cet alinéa, le Conseil d'Etaténonce dans un arrêt d'assemblée du 1eravril 1988 qu' “il résulte des principes générauxde droit et notamment du préambule de la consti-tution de1946 auquel se réfère la constitution de1958, que les étrangers résidant régulièrement enFrance, ont comme les nationaux le droit de menerune vie familiale normale, que ce droit comporte enparticulier la faculté pour les étrangers de fairevenir auprès d'eux leur conjoint et leurs enfantsmineurs”. L'applicabilité du principe devivre en famille est établi au même titre queles nationaux, à partir du moment où lepréambule dans la constitution de 1946parle d'individu et non pas de citoyen.

La seconde source de ce droit se trouvedans les accords bilatéraux: la France aconclu un certain nombre d'accords bilaté-raux avec ses anciennes colonies, notam-ment avec l'Algérie. Les intervenants ontévoqué longuement ces accords ce matin.

La troisième source est la ConventionEuropéenne des Droits de l'Homme,notamment son article 8 qui garantit ledroit au respect de la vie privée et familiale(alinéa 1: “toute personne a droit au respect de savie privée et familiale” ; alinéa 2 : “il ne peut yavoir ingérence d'une autorité publique dans l'exer-cice de ce droit sous réserve des conditions d'ordrepublic, de salubrité..”etc..). Ici le principe esténoncé ainsi que l'interdiction à l'autoritéadministrative de troubler, de perturber cedroit considéré comme fondamental. LaCour Européenne des Droits de l'Hommeva consacrer ce droit dans un arrêtAbdelazziz du 28 mai 1985 : il s'agissait defemmes étrangères, établies au Royaume-Uni et désirant être rejointes par leursmaris. Devant le refus du gouvernementbritannique d'appliquer l'article 8, l'affairea été soumise à la Cour qui a condamné leRoyaume-Uni sur le fondement de cet arti-cle. Un second arrêt dans ce sens, l'arrêtBraham du 21 juin 1988 : il s'agissait d'unressortissant marocain, établi aux Pays-Bas,marié à une néerlandaise et père d'unenfant. Suite à son divorce, le gouverne-

ment néerlandais refus de lui renouvelerson titre de séjour. La Cour a estimé qu'ils'agissait d'une atteinte au principe posé parl'article 8 car malgré le divorce, il bénéfi-ciait d'un droit de visite pour son enfant.Le gouvernement néerlandais avait invo-qué des problèmes économiques pourrefuser l'octroi du titre de séjour : la Cour aestimé que ce motif était valable mais passuffisant, et que la décision était dispropor-tionnée par rapport aux conséquences surla vie familiale. Ici la Cour établit la secon-de composante de ce droit, le droit aumaintien sur le territoire national.

Se posent alors les problèmes d'articulationet de conflits entre ces différentes sources(droit national du pays d'accueil, conven-tions bilatérales et ConventionEuropéenne des Droits de l'Homme) :- conflit entre le droit national et laConvention Européenne: le conflit va sur-gir au moment où le Conseil d'Etat va refu-ser de manière systématique d'appliquerl'article 8 de la Convention Européennependant une dizaine d'années, ce qui vaamener la Cour Européenne des Droits del'Homme à condamner la France à de nom-breuses reprises. Ce n'est qu'à partir de1991 que le Conseil d'Etat effectue un revi-rement jurisprudentiel, dans un arrêtBuzoudi : un arrêt d'assemblée où leConseil d'Etat accepte enfin donc decontrôler les mesures d'éloignement oud'expulsion à partir de l'article 8 de laConvention. Ainsi cette Convention s'ap-plique à tous les pays d'accueil ; elle a enoutre une valeur supra législative. Elle vadonc constituer une garantie supplémentai-re pour concrétiser et garantir l'existence etla stabilité de ce droit vis-à-vis des diffé-rentes politiques gouvernementales.- conflit entre l'accord bilatéral franco-algé-rien et la Convention Européenne : làencore le Conseil d'Etat a longtemps refu-sé aux Algériens de se prévaloir de l'article8, et tous les recours qui étaient portésdevant lui pour contester les mesures d'é-loignement ou le refus d'un titre de séjouront été rejetés sur la base d'une formuleénonçant que les requérants algériens nepouvaient utilement invoquer cet article.Jusqu'à ce que la Cour Européennecondamne la France; il faudra donc atten-dre 1992 et un arrêt Maarachi pour que leConseil d'Etat harmonise son attitude vis-à-vis de l'ensemble des étrangers.

S'agissant maintenant du contenu de cedroit de vivre en famille : il renferme deuxcomposantes :- l'existence de la famille en est le préalable:pour que la cellule familiale puisse se cons-

tituer, il faut qu'il y ait ce qu'on appellecommunément le regroupement familial,c'est-à-dire le droit d'accès sur le territoiredu pays d'accueil.- la deuxième composante est le droit pourcette famille de ne pas être démembrée : ils'agit de garantir à cette famille qu'il n'y aitpas de mesure d'éloignement.

Mais lorsqu'on examine la jurisprudencedans son ensemble, ce qui ressort en réali-té ce n'est pas un droit au regroupementfamilial à proprement parler, mais plutôtune interdiction faite à la puissancepublique d'empêcher l'étranger qui est éta-bli d'une manière tout à fait régulière d'êtreséparé de sa famille. Ainsi l'Etat conservetoujours son pouvoir souverain d'accepterou de refuser à un étranger de pénétrer leterritoire national ; mais à partir dumoment où elle l'a admis et qu'il a été auto-risé à s'y installer, l'étranger bénéficie dumaintien sur le territoire. Ce droit vaconnaître un certain nombre d'extensions,notamment pour le cas des immigrés qu'onappelle de “seconde génération” ayantperdu toutes leurs attaches avec le pays d'o-rigine (nés en France, ils ont perdu prati-quement toutes leurs attaches culturelles,sentimentales, linguistiques avec le paysd'attache) : peuvent-ils se prévaloir de l'ar-ticle 8 de la convention ?

Le Conseil d'Etat avait répondu par lanégative, mais la Cour Européenne desDroits de l'Homme avait reconnu ce droit.Il y a un débat à propos de cet arrêt; est-ceque c'est vraiment le droit de vivre enfamille qui est menacé, ou bien la vie pri-vée?

D'autres cas particuliers se sont présentés:- le regroupement familial peut-il s'étendreà l'ensemble des épouses en cas de polyga-mie ? Par une jurisprudence assez libérale,le Conseil d'Etat a admis le principe en par-tant de l'idée que dans ce cas particulier ilfallait prendre en compte la culture de lapersonne qui demande le regroupementfamilial. Il a donc admis le demandeur àbénéficier du regroupement familial pourles deux femmes. Mais en 93 le législateurest intervenu pour limiter ce type de cas etaffirmer que le regroupement familial nepeut s'effectuer que pour une seule femme.L'idée étant que celui qui a choisi de vivredans une société non-polygame doit s'a-dapter aux mœurs et aux cultures de celle-ci.- le concubin peut-il se prévaloir des dispo-sitions de l'article 8 ?

Le principe établi est que la famille ne peut

se justifier que par des moyens légaux.Pourtant la Cour Européenne des Droitsde l'Homme, dans un certain nombre d'ar-rêts, affirme le principe selon lequel si l'étatnational accorde des avantages particuliersaux concubins, ces avantages devraient êtreétendus au ressortissant étranger. LeConseil d'Etat quant à lui ne reconnaît pasle droit au concubin de bénéficier duregroupement familial, sauf si cette vie en

communauté a produit un enfant.

Je vous remercie.

Maître GOURION :Nous remercions Maître MAHIEDDINE.Pour terminer avec cette intéressante ques-tion, je vais passer la parole à MaîtreNathalie VITEL, Avocate au Barreau de laSeine-Saint-Denis.

Intervention de Maître Nathalie VITEL,Avocate au Barreau de la Seine-Saint-Denis

Vous m'avez demandé d'apporter des pré-cisions sur le regroupement familial : jeparlerai plutôt “d’immigration familiale”.En effet, le regroupement familial n'estqu'un des aspects de cette forme d'immi-gration. Le regroupement familial est lefait, pour un ressortissant algérien titulaired'une carte de séjour sur le territoire fran-çais, de faire venir un membre de safamille ; or les situations auxquelles noussommes confrontés au quotidien sont pluscomplexes.

Ainsi les conjoints de français, les parentsd'enfants français, les concubins de fran-çais ou d'algériens et ceux qui sont liés parun PACS n'entrent pas dans le champd'application de la procédure de regroupe-ment familial. A ce propos, mon confrèresignalait que le Conseil d'Etat ne reconnaîtpas la vie maritale. Je ne serai pas aussicatégorique. En effet, le Conseil d'Etat aété amené à reconnaître le concept de viemaritale notamment à l'égard de coupleshomosexuels en se fondant sur la notionde vie privée garantie par l'article 8 de laCEDH. On assiste donc à une évolutionde la jurisprudence sur les questions de viefamiliale et de vie privée donnant à lanotion de regroupement familial un sensbeaucoup plus large.

J'aborderais dans un premier temps la pro-cédure de regroupement familial c'est-à-dire la procédure qui permet l'introductiond'un membre de la famille d'un ressortis-sant étranger. Cette procédure est limitéeaux enfants mineurs et au conjoint. En cequi concerne les ascendants de travailleursétrangers, la seule possibilité à ce jour estde solliciter la délivrance d'une carte devisiteur à la condition de pouvoir justifierd'un visa de long séjour.

I - LA PROCEDURE DE REGROU-PEMENT FAMILIAL :

I-I- Les conditions tenant aux demandeurs

au regroupement familial (ressortissantétranger installé en France) :

1) Un an de présence :La procédure de regroupement familialexige de justifier d'un an de présence enFrance en situation régulière ;cette condi-tion n'est pas opposable aux algériens.Nombre d'entre eux se voient cependantopposer des refus aux guichets sur cemotif.

2) Ressources :L'accord franco-algérien, en son article 4,fait référence au salaire minimum légal. Lerégime général exclut les prestations fami-liales : cette exclusion est inopposable auxalgériens.

3) Logement :Pour être pris en compte, le logement doitselon la réglementation faire référence àdes exigences d'habitabilité comportantune surface minimum. Ainsi on exigerad'un couple une surface de 16 m2, + 9m2par enfant pour permettre l'accueil dans lecadre d'un regroupement familial.L'accord franco-algérien précise seulementque le logement doit “être analogue à celuiqui serait demandé à une famille françaisedans des conditions d'accueil normal”.Ainsi, si dans le même immeuble, il y a unefamille française avec un ou plusieursenfants dans une superficie assez restrein-te, on ne pourra pas opposer au voisin depalier algérien ayant la même surface unrefus de regroupement familial au motifque son logement ne permettrait pas l'ac-cueil.

4) Consultation du Maire :Le droit commun prévoit la consultationdu Maire par l'OMI au moment de l'en-quête sur les conditions de logement et deressources. Cette procédure n'est pasopposable aux ressortissants algériens : ilfaut donc toujours être vigilant sur cepoint.

I-II- Les conditions tenant aux bénéficiai-res du regroupement familial

Seuls peuvent bénéficier du regroupementfamilial le conjoint et les enfants mineurs.(ce qui exclut, on l'a vu, les ascendants àcharge, les étrangers ayant conclu unPACS, les concubins).

1) Enfants :Seuls les enfants de moins de 18 ans peu-vent bénéficier du regroupement familial.Le droit commun ouvre par ailleurs leregroupement familial aux enfants légiti-mes ou naturels ayant une filiation légale-ment établie, ou aux enfants adoptés envertu d'une décision d'adoption. En ce quiconcerne les ressortissants algériens, laprocédure d'adoption se limite, du fait dela législation de cet Etat, à un jugement deKafala. L'accord Franco-algérien ouvre leregroupement familial aux enfantsrecueillis dans le cadre d'une kafala. Parailleurs, le droit commun interdit leregroupement partiel sauf à justifier del'intérêt de l'enfant ou d'une la situationparticulière (par exemple, un problèmemédical justifiant qu'on fasse venir seule-ment un enfant plutôt que l'ensemble desmembres de la famille). Cette interdictionn'est pas opposable aux algériens.

2) Conjoint :- sur le problème de la polygamie : ledroit commun et l'accord franco-algérienfont obstacle au regroupement familial enFrance de plusieurs épouses. Le régimegénéral prévoit par ailleurs la remise encause du droit au séjour accordé au titre duregroupement familial en cas de polyga-mie. Les ressortissants algériens ne peu-vent cependant perdre leur titre de séjourdu fait de leur union polygamie.- sur la nature du titre de séjour délivréaux bénéficiaires du regroupement : sile demandeur algérien au regroupementfamilial est titulaire d'un certificat de rési-

dence de 10 ans, son conjoint et ses enfantsmineurs admis au regroupement familial severront remettre une carte de séjour demême nature. Si le demandeur algérien auregroupement familial est titulaire d'un cer-tificat de résidence de 1 an, son conjoint etses enfants mineurs admis au regroupe-ment familial se verront remettre une cartede séjour temporaire “membre de famille”qui n'autorise pas automatiquement l'accèsau travail. Il conviendra alors de solliciterune autorisation de travail auprès de laDDTE. Cette demande ne pourra fairel'objet d'un refus.

II - LES ASCENDANTS À CHARGED'ALGÉRIENS INSTALLÉS ENFRANCE OU DE FRANÇAIS :

Ils sont exclus de la procédure de regrou-pement familial. S'ils peuvent justifier avoirdes enfants installés durablement sur le ter-ritoire français et de ressources personnel-les suffisantes, ils peuvent solliciter la déli-vrance d'une carte de séjour temporaire enqualité de visiteurs. Il leur faudra justifierd'un visa long séjour. (NB :cette exigencedevrait être supprimée avec la ratificationde l'avenant à l'accord du 11 juillet 2001).En l'absence de visa long séjour, les ascen-dants à charge connaîtront des difficultés àobtenir la délivrance d'un titre de séjour quine leur sera accordé que s'ils justifient deraisons médicales et d'un âge avancé.

III - LES CONJOINTS DEFRANÇAIS :

Le droit commun prévoit la délivrance d'untitre de séjour temporaire au conjoint defrançais (sans condition d'ancienneté demariage) s'il justifie être entré en Francerégulièrement c'est-à-dire avec au moins unvisa touristique. Les ressortissants algé-riens, en revanche, ne pourront se voir déli-vrer un titre de séjour que s'ils justifientêtre entrés en France munis d'un visa longséjour. Claire RODIER vous l'a rappelé,cette exigence du visa long séjour a norma-lement vocation à disparaître avec le troi-sième avenant à l'accord franco-algérien. Acet égard, une réponse ministérielle en datedu 29 mars 2001 précise qu'une négocia-tion engagée en juin 2000 vient d'aboutir àla mise au point d'un projet de troisièmeavenant et tend à l'alignement de la situa-tion des ressortissants algériens sur le régi-me général, comportant notamment la sup-pression de l'exigence du visa long séjourpour les conjoints de français. En pratique,lorsqu'une personne se présente devant lesservices de l'admission au séjour de laPréfecture de la Seine-Saint-Denis ou

d'ailleurs, elle se voit invariablement répon-dre : “vous n'avez pas le visa long séjour, aurevoir Monsieur, revenez avec le visa longséjour”. Pour franchir cet obstacle elledevra solliciter un examen de situation parécrit. Des réponses ministérielles ont invitéles préfets à procéder à un examen au caspar cas de ces situations.

Statistiquement, 25 à 30 % des demandespeuvent aboutir si la personne justifie d'uneancienneté de séjour et de mariage. C'estl'exemple du conjoint de français mariédepuis plus de 5 ans, pouvant justifier rési-der habituellement en France depuis envi-ron 5 ans. Si on envisage de saisir la juri-diction administrative, il faut savoir que lesprocédures devant les tribunaux de larégion parisienne peuvent durer au mini-mum 3 ans. Il est évident que, dans cetintervalle, il faut trouver une réponse à lasituation de ces personnes, tenter d'instau-rer un dialogue avec les services préfecto-raux en arguant de problèmes médicaux,d'une impossibilité de retour ou de problè-mes financiers. Enfin, le droit communprévoit une garantie procédurale par la sai-sine de la Commission du titre de séjour.Le Conseil d'Etat avait refusé jusqu'àrécemment le bénéfice de cette garantieaux algériens en ce qu'elle n'était pas pré-vue expressément par l'accord franco-algé-rien. En pratique les préfectures de Seine-Saint-Denis, de Paris ou des Hauts-de-Seine ne saisissent jamais la Commissiondu titre de séjour pour un algérien. Enrevanche, la préfecture du Val-de-Marnepropose les dossiers d'algériens conjointsde français ou parents d'enfants françaisdevant la Commission. En effet, une circu-laire ministérielle de mars 2000 prévoit quela commission peut être réunie pour desdossiers d'algériens sur le fondement del'article 8 de la Convention Européenne.Les motifs de la saisine résultent soit d'unequestion d'ordre public, soit de défaut d'en-trée régulière (le défaut de visa long séjour),soit d'un doute persistant sur l'intensité desliens évoqués. En conséquence, il faut sys-tématiquement exiger, pour un conjointalgérien de français ou un parent algériend'enfant français, la saisine de la commis-sion du titre de séjour.

En conclusion, ainsi que Claire RODIERvous l'a exposé, l'articulation entre l'ordon-nance de 1945 modifiée et l'accord franco-algérien est très complexe. L'accord franco-algérien régit de manière complète lesconditions d'admission au séjour des res-sortissants algériens ; pour autant, lesgaranties procédurales (comme la réunionde la commission du titre de séjour) ont

vocation à s'appliquer aux algériens. Pardeux décisions en date du 15 décembre2000 et du 29 janvier 2001, le Conseild'Etat considère cependant qu'il faut effec-tivement remplir les conditions de viefamiliale pour bénéficier de la garantie de lacommission du titre de séjour. Le Conseild'Etat ne précise malheureusement pas oùcommencent et où se terminent les obliga-tions d'une vie familiale effective pour exi-ger la réunion de la commission du titre deséjour.

IV - LES CONCUBINS

L'ordonnance du 2 novembre 1945 a intro-duit la possibilité de régulariser, sur le fon-dement de son article 12 bis 7, les person-nes qui se trouvent liées (sans être mariées)à un ressortissant installé régulièrement surle territoire français ou à un français. Leconcubinage est reconnu par le Conseild'Etat à condition qu'il soit notoire. En cequi concerne le PACS, dans le régime géné-ral, une ancienneté de séjour d'au moins 3ans est exigée depuis sa conclusion ainsiqu'une entrée régulière sur le territoirefrançais. Ce dispositif n'est pas applicableaux ressortissants algériens. Il conviendrade formuler les demandes sur le fondementde l'article 8 de la Convention Européennedes Droits de l'Homme. La pratique del'Administration varie selon que le PACS aété conclu avec un autre ressortissant algé-rien ou avec un ressortissant français. Cettedernière situation a bien plus de chancesd'aboutir. Par ailleurs, je vous parlais tout àl'heure de la situation des homosexuels :tout récemment, un avocat algérien, pacséavec un français, s'est vu notifier un arrêtéde reconduite à la frontière ; le tribunal arejeté sa demande, non pas sur la problé-matique de sa vie familiale, mais parce quece dernier n'a pas fait état des difficultésque pouvait rencontrer un ressortissantalgérien homosexuel sur le territoire algé-rien notamment en raison de la répressiondont il pouvait faire l'objet. Le droit fran-çais permet cependant, à mon sens, auxalgériens concubins ou pacsés de régulari-ser leur situation en se réclamant de l'arti-cle 8 de la CEDH ; On va parler non plusde vie familiale mais de vie privée

V - LES PARENTS D'ENFANTSFRANCAIS :

Les algériens parents d'enfants français ontété oubliés par l'accord franco-algérien. Ilsne peuvent bénéficier d'un titre de séjouren leur seule qualité de parents d'enfantsfrançais à la différence du régime général.Cette exclusion devrait être incessamment

supprimée avec le troisième avenant à l'ac-cord franco-algérien. En l'état nombre desituations peuvent être solutionnées devantles juridictions administratives au regard del'article 8 de la CEDH.

Voilà ce que je souhaitais préciser sur laquestion de l'immigration familiale desalgériens. La plupart des difficultés résul-

tent des dispositions de l'article 9 de l'ac-cord franco algérien qui impose le visa longséjour. On peut espérer qu'avec le prochainavenant à l'accord, ces problèmes serontenfin résolus.

Maître GOURION :Nous allons donner la parole à MonsieurJean-Claude BOUVIER qui est Magistrat,

Juge aux Affaires Familiales au TGI deBobigny, et à Madame Zahia DJAHNINE,représentant AADEF Médiation, qui vontévoquer l'application de la loi étrangèreen France et la problématique des jugesfrançais et algérien.

Intervention de Monsieur Jean-Claude BOUVIER, Juge aux Affaires Familiales au TGI de Bobigny

Je voudrais que vous m'excusiez au préala-ble parce qu'on m'a assigné un sujet qui estextrêmement dense, puisqu'il comprendeffectivement l'application des lois étran-gères en France en matière de droits desuccession, droit de la famille, régimesmatrimoniaux, tout cela ajouté aux problè-mes culturels. Je vais courageusement par-ler de ce que je connais, c'est-à-dire essen-tiellement de la pratique du divorce.

Je vais également vous demander de m'ex-cuser pour la brutalité de mon propos,parce qu'il se trouve que, un peu encontrepoint de la discussion contrastée dece matin sur l'interprétation du droit de lafamille algérienne, la jurisprudence fran-çaise a actuellement une vision extrême-ment claire du droit de la famille algérien,notamment lorsqu'on aborde la questiondu divorce ou des mesures accessoires audivorce : c'est-à-dire une vision d'exclusionde la règle de droit algérien.

C'est un phénomène qui aujourd'huiprend une dimension assez forte, assezétablie, et qui est revendiqué comme telnotamment au regard, si ce n'est de lajurisprudence de la Cour de Cassation, dumoins de celle de la Cour d'Appel, sanss'attarder d'ailleurs sur les conditions deforme de la teneur des jugements algériensqui peuvent être évoqués en matière dedivorce. J'estime pour ma part que de parle contenu même de la loi, de l'article 48du code de la famille algérien, il y a uneincompatibilité de nature entre ces dispo-sitions et les dispositions internes françai-ses. Au-delà de l'appréciation que l'on peutavoir d'une telle pratique, il est évident queva se poser chez les personnes qui peuventnous saisir, et notamment de la part decertains maris algériens, un problème dedeuil de leur propre culture et de leurspropres règles de droit. Problème d'autantplus grand d'ailleurs que dans le cadre denos procédures et de notre organisationprocédurale, nous autres magistrats ne

nous occupons pas de ce travail de deuil.

En conséquence, avant d'expliquer enquoi consiste cette exclusion du droit algé-rien, comment elle se manifeste, par quelbiais, par quelle jurisprudence, je vais d'a-bord vous dire d'abord ce qui relève demon expérience de juge aux affaire fami-liale sur le département de la Seine-Saint-Denis, et qui est tout de même assez révé-lateur du comportement des personnes.

Je n'ai jamais été saisi de la part d'unAlgérien, dans le cadre d'une procédure dedivorce, d'une demande qui viserait touten me reconnaissant territorialement com-pétent (ce qui est tout à fait possible dèslors que les deux époux résident enFrance, ce qui est le cas de toute façon dela plupart des procédures qui me sont sou-mises), à exiger de moi l'application de laloi algérienne, la loi nationale des deuxépoux. Je ne connais pas non plus d'autresjuges ayant été saisis de cette demande. Jene sais pas s'il y a là un travail préparatoi-re des avocats, ou si ce sont les gens qui“s'autocensurent”, mais il me semble quecette problématique implique déjà uneposition de méfiance vis-à-vis de l'institu-tion, vis-à-vis du juge au-delà du droit qu'ilva appliquer et prononcer. Un divorceentraîne déjà de facto, à mon avis, unelogique de défiance à l'intérieur du coupleet notamment de la part de l'homme, dansla mesure où il a intégré le fait que si lejuge français se reconnaît territorialementcompétent et qu'il intervient, il appliquerala loi française. Par contre, ce qui est par-fois invoqué et essentiellement de la partde maris algériens, c'est le fait qu'un juge-ment de divorce a déjà été prononcé enAlgérie au moment où l'épouse intenteune procédure en France. On invoquedonc le fait que le juge français, non seule-ment n'est pas territorialement compétent,mais qu'en outre il n'a pas de compétenced'attribution puisque le jugement a étédéjà rendu. On invoque également le fait

qu'une procédure de divorce, sans êtrearrivée à terme, est pendante en Algérie :dans le cadre de la première audience, laconciliation, le mari soulève in limine litiscette procédure engagée par lui en Algérieet demande ainsi au juge français de ne pasexaminer la demande faite par l'épouse.

Dans les deux cas de figure, la Courd'Appel de Paris a une position très claire(et qui ne rentre pas, d'ailleurs, dans ledétail même des dispositions du code algé-rien de la famille) : elle estime que ledivorce qui est demandé par un époux envertu de l'article 48 est de toute façoncontraire à l'ordre public français etcontraire au fait que la France, en adhérantà la Convention Européenne des Droitsde l'Homme et au protocole n°7 de sonarticle 100, a consacré l'égalité du droitentre les époux au sein de diverses procé-dures, notamment de procédures civiles.Au regard de ce texte, qui pose le principede l'égalité de droit entre les époux lors dumariage et lors de la dissolution, lajurisprudence française estime que l'article48 ne reconnaît pas cette exigence puis-qu'il donne la possibilité à un époux algé-rien, dès lors que sa volonté est établie,d'obtenir le divorce. De par la différencede sexe, l'un des époux est en mesure depouvoir obtenir inévitablement le divorce: la jurisprudence française estime qu'il y alà une contradiction à l'ordre public fran-çais qui permet au juge français de rejeterd'emblée le recours à la loi algérienne, etpar là de rejeter bien sûr toutes les déci-sions qui sont prises au nom de la loi algé-rienne.

Le même raisonnement permettrait detoute façon, même si aucune décision n'é-tait déjà intervenue et même si aucuneprocédure n'était pendante, d'écarter la loialgérienne : on pourrait ainsi s'estimer ter-ritorialement compétent pour refuser lerecours à la loi algérienne et appliquer laloi française alors même que les deux

époux sont algériens. La jurisprudencefrançaise, notamment de la Cour deCassation, avait un positionnement diffé-rent suivant que dans le cadre de la procé-dure qui avait été engagée en Algérie, celle-ci avait un aspect contradictoire ou non; dela même façon, à partir du moment où lafemme avait pu obtenir une compensation,la Cour de Cassation admettait le principede l'exequatur de la décision de divorcealgérien ou le caractère exécutoire de laprocédure pendante devant le juge algérien.Il semblerait, d'après la dernière décisionrendue (un arrêt de la Cour d'Appel de mai2001) , que cette distinction ne soit plusappliquée. A l'origine du conflit, devant lejuge de première instance, avait été soule-vée la question de la discordance interna-tionale; la Cour d'Appel n'est pas entréedans ce genre de considération et a consi-déré que le jugement algérien de divorce,qui sans être définitif était prononcé au vude l'article 48, reposait sur la souverainetéde l'époux. Le juge algérien était donc tenude faire droit à la demande de celui-ci enprononçant la dissolution du lien de maria-ge : pour la Cour d'Appel, cette décision estcontraire au principe de l'égalité des droitsdes époux lors de la dissolution du maria-ge. La Cour n'a pas cherché à examiner sil'épouse avait pu ou non participer à la pro-cédure, si une compensation avait étéordonnée ou demandée, ou si le juge algé-rien avait tranché ledit litige. On peut doncconsidérer aujourd'hui que l'on est en faced'une position “nationaliste”.

Une réunion s'est d'ailleurs tenue il y aenviron 6 mois à l'initiative de la Courd'Appel de Paris, et à laquelle étaient asso-ciés tous les Juges aux affaires familiales deson ressort. Il a été expressément expliquéaux magistrats que désormais la Courd'Appel refusait d'appliquer les disposi-tions qui pouvaient être invoquées au nomde l'article 48. La Cour d'Appel entendainsi écarter d'emblée le recours à la loialgérienne.

Le Juge aux Affaires Familiales, en se pro-nonçant sur le divorce, se prononce égale-ment sur les mesures relatives aux enfants.Là aussi, vis-à-vis du Code Algérien de lafamille, les débats sont complexes. Lanotion de garde telle qu'elle est introduitedans le code de la famille algérienne ne cor-respond pas à ce que l'on appelle “l'exerci-ce de l'autorité parentale”. De la mêmefaçon, la répartition des rôles entre l'hom-me et la femme à l'intérieur de ce dispositifde garde : est-ce qu'il y a une dichotomieentre l'épouse algérienne qui assure simple-ment la garde matérielle de l'enfant, et l'é-

poux algérien qui en assure l'éducation ouest-ce qu'au contraire, il s'agit d'un exerciceréellement conjoint sur tous les attributs dela garde ? comment aborder le fait qu'enAlgérie, la garde de l'enfant est structuréeautour du sexe et de l'âge de l'enfant (pourl'enfant masculin à partir de 10 ans, untransfert de garde peut s'opérer en principeau profit du père sur intervention du jugejudiciaire) ? cette structure procéduraleintroduit un déséquilibre, un partage destâches sexué (d'ailleurs je crois que cesdispositions se trouvent également contrai-res à l'ordre public français).

Je sais que mon exposé doit être un peufrustrant puisqu'il est à l'antithèse de ce quel'on essayait de créer ce matin, c'est-à-direune compréhension mutuelle ou unereconnaissance des débats dans les diffé-rents pays. Mais sur le plan juridique, il mesemble que la jurisprudence dominantes'en tient à l'interprétation littérale du texte.Peut-être que la société algérienne elle-même vit d'une façon plus complexe, etque le code de la famille représente pourcertains des progrès, une avancée, uneétape ; quoi qu'il en soit, dans l'applicationque l'on en fait, ce n'est pas la perceptionque s'en font les gens, ni la perception ques'en font les juges qui doit prévaloir, c'estsimplement l'interprétation littérale dutexte que l'on fait en tant que magistrat. Onpeut toujours discuter sur le bien-fondé decette jurisprudence. Je crois que même sion admettait la possibilité de reconnaîtrel'application de l'article 48 en France, onserait quand même confronté à la difficultédu positionnement vis-à-vis des enfants,car sur ce point certaines dispositions ducode algérien de la famille sont fondamen-talement contraires aux dispositions dudroit interne français.

Nous sommes dès lors confrontés à lasituation d'époux qui dans leur parcours ausein de la société française se sont toujoursconsidérés comme exclus et souvent à rai-son; ils savent en outre qu'ils n'auront pasla possibilité d'invoquer des références cul-turelles fortes. Les autres intervenants ontexpliqué ce qui pouvait en résulter chez lespersonnes issues de l'immigration ayant lavolonté, du fait de leur situation d'exclu-sion, de se rattacher à la législation de leurpays d'origine. Je crois qu'on est souventconfronté à un sentiment de défiance de lapart des époux. Sans doute aussi à un sen-timent, finalement, de désespoir, d'aban-don ou de renonciation à jouer un quel-conque rôle dans la mesure où d'emblée (etc'est quelque chose qui sera maintenant deplus en plus clair) il est fait expressément

état que l'on n'appliquera pas les disposi-tions du code algérien. Cette situation poseproblème dans la mesure où, lorsqu'onconnaît la façon dont se déroulent nosaudiences, c'est toute une dimensionpsychologique et de deuil que l'on ne prendabsolument pas en charge et que l'on n'a-borde pas. Il y a là un travail extrêmementimportant à faire, peut-être du côté de lamédiation ; il s'agit peut être égalementd'essayer d'expliquer aux gens à quoi peutconduire ce positionnement dans un cadrefrançais. Mais j'ai peur qu'actuellement, ducôté des magistrats, nous ne soyons paspréparés à ce genre de travail ni même àaborder ce genre de problématique avec lespersonnes.

C'est un véritable problème qui est posédans le cadre de nos relations : il est assezlogique que des juridictions considèrentqu'il y a un antagonisme entre leurs règlesinternes et les règles de notre pays, et qu'el-les doivent appliquer leur ordre juridiqueinterne. Et la proximité géographique avecles gens qui résident en France depuis delongues années nous rend rarement enclinsà nous déposséder de nos prérogatives etde nos possibilités d'intervention dès lorsque nous avons affaire à un conflit. Pourautant, je pense paradoxalement que cettelogique a pour conséquence des difficultéssur le plan humain et sur le plan psycholo-gique, qui ne sont pas sans répercussion surle déroulement des procédures et qui pourl'instant ne trouvent pas forcément deréponses en France dans la mesure où horsles mécanismes de médiation (qui de toutefaçon ne sont pas obligatoires), nous n'a-vons pas la possibilité de faire un travaild'information, de préparation, d'explica-tion, et d'accompagnement. Il me semblepourtant que ce travail est nécessaire, enparticulier pour des personnes qui se sontsouvent retrouvées dans leur vie quotidien-ne dans une situation d'exclusion ou derelégation. Car il va falloir leur expliquerque dans le cadre même de leurs relationsavec leurs enfants, on ne prendra pas encompte leur parole si celle-ci fait référenceà la problématique culturelle et juridique deleur pays d'origine.

C'est cette difficulté que je voulais évoqueraujourd'hui. Je ne suis pas sûr d'ailleurs, entant que magistrat mais cela vaut égalementpour les avocats, que nous ayons forcémentla possibilité de la résoudre. Car il y a, au-delà de notre seule intervention, la nécessi-té d'essayer de trouver des lieux permettantde préparer les gens à ce conflit de loi, à ceprocessus d'exclusion.

Me GOURION :Merci Monsieur BOUVIER. Avant de lais-ser la parole à la représentante d'AADEFMédiation, je voudrais dire à MonsieurBOUVIER qu’il me semble que le problè-me, finalement, ne se pose pas tellement.Lorsqu'un couple d'algériens, qui vit déjàdepuis de nombreuses années en France,engage une procédure de divorce, générale-ment ils ne demandent pas que leurs rap-ports soient régis par la loi algérienne. Cen'est qu'en matière de régime matrimonialque le problème peut se poser, d'unemanière peut être différente puisque laconvention de La Haye a prévu que pourceux qui sont mariés en Algérie avant le 1erseptembre 1992, c'est le régime matrimo-nial de séparation de biens qui s'impose.On a même admis le cas échéant que lescouples mariés en Algérie avant 1992, etqui achètent par exemple un bien en indivi-sion, se sont placés volontairement, envertu de cette loi d'autonomie, sous le régi-me de la communauté des biens, c'est-à-dire le régime légal français.

Une participante dans la salle :Lors de la réforme du divorce en 1975, ona inclus un article 310 dans le code civil quiimpose l'application de la loi française auxépoux qui sont domiciliés en France. Lesépoux algériens y sont donc soumis. Oncomprend très bien que les époux ne puis-sent pas revendiquer la loi algériennepuisque les textes français disent expressé-ment qu'on applique les lois françaises encas de divorce. En revanche, pour lesmarocains, la convention franco-marocainede 1981 stipule que les époux marocainssont soumis à la loi marocaine pour leurdivorce ; donc les Marocains peuvent etdoivent en principe, s'ils divorcent enFrance, invoquer la loi marocaine. Alorsque les Algériens ne le peuvent pas.

Monsieur Jean-Claude BOUVIER :Mais l'article 310 n'établit pas une compé-tence exclusive : une jurisprudence areconnu à des époux la possibilité derevendiquer le droit d'appliquer la législa-tion de leur pays alors même qu'ils étaienttoujours domiciliés en France. C'est unejurisprudence très contrastée, qui expliqueque la résidence des époux sur le territoirefrançais est effectivement un critère decompétence au regard du droit internefrançais transposé au droit international,mais ce n'est pas un critère de compétenceexclusive. C'est une problématique trèsforte : pour l'époux qui fait prévaloir le faitqu'il y a une procédure de divorce pendan-te en Algérie ou qui a abouti en Algérie, on

ne se trouve pas simplement sur le simpledomaine pécuniaire ou du régime matrimo-nial, mais bien sur un conflit entre, d'uncôté la perception qu'ont les gens de leursréférences culturelles et juridiques, et del'autre un droit français qui assure la pré-éminence de l'ordre public. Finalement peuimportent toutes les autres considérationsà partir du moment où on considère que,d'emblée, la loi algérienne est contraire à laloi française : je crois que c'est ça aujourd'-hui que veut signifier la Cour d'Appel, et ceque signifiera sans doute également la Courde Cassation. Il s'agit quand même d'unphénomène nouveau, et d'un bouleverse-ment important puisque jusqu'alors onavait, en matière de divorce, des jurispru-dences beaucoup plus contrastées. C'estintéressant ce que vous dites sur la loimarocaine, car l'ordre public est égalementinvoqué pour refuser l'application de la loimarocaine alors même qu'il y a uneconvention bilatérale qui doit permettre detenir compte du statut personnel.

Monsieur le Bâtonnier GHOUADNI :Ce qui m'a surpris quand même, Monsieurle Juge, c'est d'apprendre que la Courd'Appel réunit les Juges des AffairesMatrimoniales du ressort de la Cour pourleur expliquer de quelle manière ils doiventprocéder lorsqu'ils sont saisis par des res-sortissants algériens d'une demande endivorce ; cela me paraît assez surprenantcar c'est une atteinte à l'autonomie de laprestation du juge ! j'avoue qu'au niveau dela Cour d'Oran, je n'ai jamais entendu dedémarche de cet ordre.

Un autre participant dans la salle :Je voudrais savoir de quel droit le juge fran-çais peut remettre en cause une convention

bilatérale ! on oppose à l'Etat algérien uneConvention Européenne qu'il n'a pas rati-fiée ! on ne peut pas ainsi, à mon sens,remettre en cause le principe de l'accordbilatéral en opposant à l'Algérie un teltexte. On parle d'atteinte à l'ordre publicfrançais : lorsque les époux sont tous deuxalgériens, mariés en Algérie, ils se sont sou-mis au régime du mariage algérien. On peutdonc s'étonner de l'opposition de l'ordrepublic français alors que ces époux peuventtrès bien se soumettre volontairement àleur juge national.

Une autre participante :La convention bilatérale pose les condi-tions de reconnaissance et d'exécution desjugements algériens en France et des juge-ments français en Algérie : parmi cesconditions, à mon avis, il y a l'ordre public.Lorsqu'on invoque l'ordre public, onrespecte la convention franco-algériennepuisque c'est une des conditions posées parcette convention. Donc on ne peut pas direqu'on écarte cette convention puisque l'or-dre public en est l'une des conditions.L'ordre public actuellement, selon la Courde Cassation, est défini par rapport à laConvention Européenne des Droits del'Homme. On considère donc que cetteconvention a intégré l'ordre public françaisdans la hiérarchie des normes ; évidem-ment, l'Algérie ne l'a pas ratifiée, mais laFrance l'a fait et pour elle cette conventionpose un principe d'égalité entre l'homme etla femme, qui est partie intégrante de l'ord-re public français.

Maître GOURION :Je vais maintenant laisser la parole àMadame DJAHNINE.

Intervention de Madame Zahia DJAHNINE,représentant AADEF Médiation

Pour ma part, je vais parler des spécifici-tés culturelles et de leur prise en comptedans un contexte de médiation familiale.

Dans beaucoup d'institutions, notammentdans celles qui s'occupent de l'éducation,de l'aide sociale, de la santé ou encore dela justice, les professionnels en interactionavec les populations de migrants se heur-tent au problème des spécificités culturel-les.

Celles-ci apparaissent comme une gênedans la relation d'aide, la barrière linguis-tique renforçant cette gêne. La question

qui se pose alors est de savoir commentprendre en compte les spécificités cultu-relles de populations de migrants aux pri-ses avec leur processus d'adaptation à lasociété française ? Nous ne pouvons icienvisager toutes les situations. Nousavons donc fait le choix de limiter notreexposé aux manifestations culturelles obs-ervées dans les familles maghrébines.Cependant, il nous semble que les conclu-sions restent valables pour d'autres popu-lations, même si les manifestations nesont pas toujours les mêmes.

Par ailleurs, il nous faut distinguer entre

spécificités culturelles dont sont porteusesles familles de migrants et qui doivent êtreprises en charge (à l’exemple de la concep-tion de la famille), et les comportementsqui sont du côté de l'interdit , à l'exemplede la violence ou de la maltraitance, et quine peuvent donc être excusés même sous lecouvert de la culture. Ces comportementsdoivent être dénoncés pour qu’ils cessent.

En Europe en créant sa propre famille, oncrée son propre espace, on met des limitesréelles ou symboliques plus ou moins sub-tiles vis-à-vis des familles d'origine. Dansles familles maghrébines, même lorsquegéographiquement les distances sont claire-ment établies, le couple reste une partieintégrante de la famille d'origine à laquelleil va se référer de façon permanente ; sym-boliquement, “les portes restent ouvertes”de façon constante sur les ascendants, avecpour corollaire un devoir de disponibilitépermanente, ce qui ne va pas toujours sansdifficulté pour les familles qui sont prêtes àaccueillir sans limite de temps les parentsqui arrivent du pays. Il est évident que pourun européen, c'est davantage l'aspectcontraignant de cette solidarité qui va êtrefrappant. Le désir de faire évoluer laconception communautaire dans lesfamilles maghrébines est alors très tentantpour les professionnels, notamment ceuxde l'aide sociale et éducative. C'est peut-êtrelà qu'on trouve une explication quant à l'o-rigine de phrases comme : “c'est l'assistan-te sociale qui lui a bourré le crâne, c'estl'assistante sociale qui la pousse au divorce,elle seule n'aurait jamais su faire cela”. Desaccusations portées par les époux maghré-bins contre les travailleurs sociaux pourexpliquer les revendications de leurs épou-ses, comme si ces dernières ne pouvaientpas être à l'origine de telles initiatives.

Souvent les familles de migrants sontdavantage demandeuses de solutionsconciliant à la fois un désir de vie intime etun devoir de solidarité à l'égard des ascen-dants. A l’exemple de ce couple et de biend’autres que nous avons reçu en médiationfamiliale (orienté par un juge) à la suited’une requête pour divorce déposée par l’é-poux au motif, dit-il : “ma femme rejette mafamille et elle veut que je dise non à mon père à laquestion de soigner ma sœur”. L'épouse dit poursa part qu'elle ne veut pas divorcer, qu'ellene rejette absolument pas sa belle-famille;toutefois, elle souhaite que son mari protè-ge au minimum sa propre famille contre cequ'elle appelle les abus de la belle-famille.Effectivement, il y a en jeu une somme de50 000F représentant le montant à payerpour soigner la soeur du mari, et l’épouse

avoue vouloir investir cette somme dansl’acquisition d’un logement “comme cela étaitconvenu”, précise-t-elle en se tournant versson mari. Quant au mari, désireux commeson épouse d’un mieux-vivre, il choisit d’ai-der sa soeur à se soigner en mettant à sadisposition l'argent nécessaire. Et ilexplique: “on peut bien rester encore 2 à 3 ans làoù nous sommes”. Le couple et ses deuxenfants vivent en effet dans un apparte-ment de deux pièces. Il ajoute à l'adresse deson épouse: “elle est pire qu'une française et si jel'avais ramenée de là-bas, elle n'aurait jamais riendit sur ma famille” ; sous-entendu, pour cethomme les femmes ayant grandi dans leurpays d'origine seraient plus soumises quecelles qui sont nées et ont grandi en France.

A la différence des européens, la femmemaghrébine (plus que l’homme maghrébin)se trouve écartélée entre les frustrationsqu'elle subit, la souffrance qu'elle contientd'une part et les valeurs culturelles qui fontpartie intégrante d'elle-même d'autre part.Elle aura toujours du mal à faire valoir sesdésirs d'une vie où l'intimité du couple serarespectée, de sorte que tenter de mettre deslimites sera toujours synonyme de rejet dupoint de vue des ascendants.Un des domaines où les spécificités cultu-relles sont particulièrement à l'œuvre, c'estcelui des croyances magico-religieuses etdes rites utilisés comme modèle d'explica-tion des difficultés relationnelles au seindes familles : “si ma fille ne m'aime pas c'estparce que ma belle-mère lui a fait de la sorcellerie”,dit la maman de cette adolescente de 14 ans; elle en veut pour preuve les diagnosticsdes cinq marabouts qu'elle a consultés etqui désignent d'une façon unanime la belle-mère. Chez certaines familles, la référence àla sorcellerie apparaît non comme simplecroyance mais comme quelque chose deprofondément ancré. Travailler commenous le faisons habituellement dans ces casde problèmes relationnels, c'est-à-dire ennous référant à la psychologie, ne peut passuffire et peut même parfois se révélerinopérant. L’ethno-psychiatre TobbiNATHAN écrit : “dans le cadre de nos consul-tations, nous plaçons l'interlocuteur dans safamille, son contexte et sa culture...”. Plus géné-ralement, ce que nous observons au sujetde la référence à la sorcellerie à mesure queles difficultés sont mises en mots, c'est uneamélioration des relations, la souffrances'estompe, et la référence à la sorcellerieaussi, comme par magie.

A l'exemple de ce père venu rencontrer sonenfant de 3 ans dans notre service d'aide àl'exercice du droit de visite, car leur relationest difficile depuis la séparation des

parents. L'enfant portait toujours sur luiune amulette et pour le père : “il n'y a pas dedoute possible, cette amulette c'est pour faire barra-ge à la relation avec mon fils”. Il ajoute : “detoute façon tant qu'il la portera rien ne marchera”.Du point de vue de la mère cette mêmeamulette est une protection pour l'enfant.Avec le temps et un travail d'aide, la rela-tion entre l'enfant et son père s'est complè-tement normalisée, et le père ne remarque-ra même plus la présence de cette amuletteque pourtant l'enfant continue de porter.

Qu'elle soit une pratique de protection ouun barrage à la relation, la sorcellerie per-met à ces familles de se déculpabiliser, dese dire qu'elles ne sont pour rien dans cequi leur arrive. Comme si, débordéespsychologiquement par leurs souffrances,elles cherchaient un sens à ce qu’ellesvivent.

Je vais à présent aborder le problème de l'u-tilisation de la loi dans ma pratique demédiateur, ou comment les familles en dif-ficulté se servent ou ne se servent pas de laloi. Et quelle loi ? celle du pays d’accueil ?ou celle du pays d’origine ?

Face à certaines situations de conflits fami-liaux, où se mêlent souffrance et désarroisur fond de valeurs culturelles spécifiques(comme le rôle de la famille élargie ouencore l'importance de l'honneur), on peutvoir se mettre en oeuvre des pratiques cou-tumières dans les familles. Par exemple, lefait que ce soit l'épouse qui demande ledivorce est vécu par l'époux comme undéshonneur. Ainsi l'exemple d'un hommequi, pour ne pas se laisser déshonorer parla demande de divorce introduite en Francepar son épouse, rentre précipitammentdans son pays d'origine, demande etobtient le divorce. Au passage, il en profitepour se remarier (rires dans la salle) et, jepeux même vous le dire, en faisant passer lecortège de mariage devant la belle-famille(nouveaux rires dans la salle).

Outre la rapidité et la simplicité de la pro-cédure, mais peut-être aussi du fait d'unemeilleure protection des hommes par leslois des pays d’origine ( et notamment dansle code de la famille algérien), le recours àla loi du pays d'origine (dans cet exemplecomme dans bien d'autres) est davantage àrelier à quelque chose de l'ordre de l'im-portance de l'honneur. Si ce Monsieur estparti divorcer en Algérie, c'est surtout pourreprendre l'initiative d'un acte aussi impor-tant que le divorce, qui pour lui relève del'honneur ou du déshonneur.

D'ailleurs, lorsque nous avons rencontrécette famille dans notre service de média-tion familiale (où elle avait été orientée parun Juge aux Affaires Familiales deBobigny) la première chose qu'a dit le mariétait : “Je ne comprends pas pourquoi je viens ici,moi je suis déjà divorcé”. Il me montre alorsson jugement de divorce. Et il ajoute : “jen'ai plus rien à voir avec cette personne qui a tentéde me déshonorer devant un tribunal français, c'estune harki” (harki étant ici pris dans le sensde quelqu'un qui trahit son système devaleur d'origine et qui est à la solde d'unautre). Lorsqu'il apprend que ses filles sonthébergées dans un foyer de jeunes majeurs(placées par décision de justice par suited’un signalement), il s'exclame : “chez moi iln'y a pas de majeurs”. Et il conclut : “en Algérieaussi il y a des juges”. De son côté, l'épouse ales mêmes difficultés à utiliser la loi poursoutenir ses filles dans leur refus de voirleur père ; la seule chose qu'elle peut leurdire c'est : “c'est votre père, quoi qu'il ait fait”.

L'interférence des spécificités culturellesest permanente lorsqu'on travaille avec despopulations migrantes : la confrontationdes systèmes juridiques des pays d'origine

et des pays d'accueil pose avec beaucoupd'acuité le problème de communicationentre ces systèmes. Pour les remettre face àla réalité de leur situation, ici et maintenant,l'aide d'un tiers semble nécessaire à cesfamilles.

Je vais finir en concluant que, générale-ment, les caractéristiques culturelles sontpeu intégrées dans la compréhension despopulations de migrants : tout se passecomme si les spécificités n'étaient que desimples fioritures, des aspects superficielsd'une personne, des traditions peu impor-tantes dans une pratique professionnelledavantage fondée sur la psychologie(notamment en matière d'aide sociale).

Or l'expérience nous apprend que la recon-naissance de la spécificité culturelle,lorsque l'on est dans une relation d'aideavec les populations de migrants, est unecondition essentielle de la compréhensionde ces difficultés ; de même que le profes-sionnel est en permanence renvoyé à sespropres modèles et valeurs culturels deréférence, il y a donc lieu d’être au fait de cequi se joue dans la relation comme trans-

ferts et contre-transferts pour ne pas impo-ser son désir de corriger, de changer ou defaire évoluer les façons de faire des popula-tions migrantes. Car plus que de change-ment, il est ici question de compréhension,et de travail pour atténuer la souffrance.

Tout processus d’aide des familles migran-tes doit être fondé sur le respect de la per-sonne, de sa vision du monde, et de sonsystème de valeurs. C’est cela la tolérance etle respect de l’identité, une identité en évo-lution permanente et en changement cons-tant dans le pays d’accueil.

Maître GOURION :Je vous remercie.Il est temps de conclure ce colloque. Jeremercie donc encore une fois tous lesintervenants et les participants pour cettejournée.

Dernière MinuteLe troisième avenant à l’accord franco-algérien du 27.12.1968 a été signé le 11.07.2001. Ce texte va permettred’aligner, à quelques réserves près, le statut des Algériens sur celui des autres étrangers prévu dans l’ordonnan-ce du 2 novembre 1945 modifiée. Toutefois, il n’entrera en vigueur qu’après ratification par le parlement fran-çais.Concernant la délivrance des certificats de résidence : les conjoints de français Algériens se verront déliv-rer une carte de séjour temporaire s’ils justifient d’une entrée régulière (suppression de l’obligation de visa longséjour) ; les parents d’enfants français mineurs, ainsi que les ascendants à charge, pourront se voir délivrer unecarte de séjour temporaire “vie privée et familiale”, à l’instar du régime général.Concernant le regroupement familial, seront désormais applicables aux Algériens:-la condition de résidence régulière d’un an imposée au demandeur avant de pouvoir entreprendre un regrou-pement familial-l’exclusion des prestations familiales dans le décompte des ressources nécessaires-l’interdiction du regroupement familial partiel, sauf motifs tenant à l’intérêt des enfants-l’interdiction du regroupement familial polygamique.Les Algériens continueront à bénéficier de la possibilité de faire venir par regroupement familial les enfantsmineurs “dont ils ont juridiquement la charge en vertu d’une décision de l’autorité judiciaire algérienne” (kafala judiciaire).Les apports favorables de l’avenant de juillet 2001 en matière de regroupement familial concernent :-le titre de séjour délivré aux membres de famille rejoignant un titulaire d’un certificat d’un an, qui recevront uncertificat portant la mention “vie privée et familiale”, au lieu de “membre de famille” actuellement (qui ne permet pasde travailler directement).-la limitation du nombre de maladies pouvant justifier un refus de regroupement familial à celles inscrites auRèglement sanitaire international, et non plus celles (plus nombreuses) qui figurent en annexe de l’accord (cetteannexe sera abrogée).

Le Bulletin du Barreau est une publication éditée par L’ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU

DE LA SEINE-SAINT-DENISPalais de Justice de Bobigny

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“Ce colloque est un vecteur pour la réalisation des objectifs du protocole de jumelage. Les intervenantsméritent des encouragements à persévérer dans cet élan pour promouvoir davantage la coopérationentre les deux Barreaux.”

Eli Hadj SEBAHI, Vice-Consul d’Algérie à Aubervilliers

“Cette initiative importante est à poursuivre et à élargir endirection des particuliers et des élus. C’est un appel à la tolé-rance.” Marguerite POULET-PARRES,Membre de la Coordination 93 de lutte des sans-papiers

“Une matinée tout à fait passion-nante: les questions d’ordre cultu-rel qu’a suscité le débat étaienttrès intéressantes. L’après-midi,plus centré sur des aspects pure-ment juridiques, était plus difficileà suivre pour les profanes !”

Sophie CROMBEZ,Assistante Sociale

à Romainville

“Une initiative à renouveler pour renforcer les liensavec nos confrères algériens”.

Me Catherine RENAUX-HEMET,Avocate au Barreau de la Seine-Saint-Denis

“Un colloque très instructif sur l’avancement des rela-tions entre l’Algérie et la France sur le plan juridique.”

Amine GHOUADNI, Etudiant à Paris

“Ce très intéressant colloque a fait ressortir la nécessité de réviser le code de la famille algérienne,actuellement très défavorable à l’épouse. En tant que travailleur social, j’observe une évolution desmoeurs en matière de mariage en Algérie et un décalage dans certaines familles en France, attachéesà des traditions n’ayant plus cours dans leur pays d’origine.”

Colette TA NINGA, Assistante Sociale à Bondy

Vos réactions.....

Plusieurs participants au Colloque nous ont fait part de leurs appréciations.Morceaux choisis :