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La naissance du train en Belgique C’est un véritable plaisir pour moi, Léopold, premier roi des Belges, de vous
relater mon histoire. J’ai eu la chance d’être aux premières loges de la
révolution industrielle. La Grande-Bretagne m’a inspiré et je me suis plus
particulièrement intéressé à un homme : George Stephenson. Un génie !
Nous sommes le 5 mai 1835 : pour la première fois en Belgique et sur tout le continent européen,
roule le train. La Belgique est la première à s’investir dans un projet ferroviaire. Ce projet va changer la
vie des Belges. Les locomotives utilisées viennent d’Angleterre, livrées par Robert Stephenson and
Company.
Cette première ligne relie Bruxelles-Allée-Verte et Malines (d’une longueur de 22 kilomètres). Pour
l’inauguration trois convois parcourent la ligne avec des locomotives importées d’Angleterre, elles
sont dénommées : « La Flèche » (parce que c’était la plus rapide), « Stephenson » (pour rappeler son
inventeur) et « l’Éléphant » (parce qu’elle était très lourde).
Deux locomotives s’ajoutent un peu plus tard : en juillet « La Rapide » et en aout « l’Éclair ».
Le Belge est le nom donné à la première locomotive à
vapeur construite en Belgique et en Europe continentale,
elle a été réalisée par les ateliers John Cokerill de Seraing
sous licence Robert Stephenson and Company. Elle a une
conception identique aux premières venant d’Angleterre
(par exemple « la Flèche »).
C’est la sixième locomotive mise en service en Belgique,
en décembre 1835.
George Stephenson était mécanicien en Angleterre (il travaillait dans une mine).
Il a obtenu la permission de faire des expériences sur la machine à vapeur. Sa
première locomotive à vapeur date de 1814 : elle pouvait transporter 30 tonnes
de charbon à environ 6 km/h.
Sa création qui fut réellement considérée comme une locomotive fut The
Locomotion : en 1825. Elle pouvait transporter 80 tonnes de charbon et
atteindre la vitesse jamais égalée à cette époque de 15 km/h.
Léopold Ier
George Stephenson
C’est Léopold premier qui inaugura la ligne de chemin de fer. Bruxelles était la première capitale au monde à être équipée d’une liaison ferroviaire. Cet évènement a attiré une foule énorme. Les gens avaient mis leurs beaux vêtements du dimanche. Le train inspirait aussi de la peur. Certaines personnes imaginaient que les vaches cesseraient de produire du lait à cause de la vitesse du train. Des études ont été réalisées à cette époque pour s’assurer que de telles vitesses (60 km/h) n’étaient pas
dangereuses : « même à cette vitesse, la respiration n’est nullement gênée, même sur les wagons découverts ». Les enfants ne pouvaient d’ailleurs pas monter dans les trains à cette époque. Pour donner le signal de départ, non pas un petit coup de sifflet comme aujourd’hui, mais une salve d’artillerie !
Le réseau ferroviaire
À partir de ce jour, les trains n’ont cessé d’évoluer. La modernité a apporté la vitesse, le confort et
l’utilisation d’énergies plus efficaces ou moins polluantes. L’utilisation du train était un changement
pour la vie de tout le monde, mais jouait un rôle important également au niveau du pays : pour
transporter, par exemple, de grandes quantités de matières. C’est le moteur de la révolution
industrielle.
L’État belge et des entreprises privées investissent dans l’aménagement du réseau. En 1900, le réseau
compte déjà plus de 3 000 kilomètres de voies. La SNCB (société nationale des chemins de fer belges)
voit le jour en 1926. À partir des années 30, les lignes ferroviaires électrifiées commencent à
s’installer.
2017
Témoignage disponible sur le site du musée du train (http://www.trainworld.be/fr/histoires/on-travaille-dur-a-la-sncb)
La vie de Jean Dubuffet La SNCB, c’est ma vie. J’y suis entré comme apprenti et y ai travaillé jusqu’à ma retraite. J’ai fait une
belle carrière, mais le principal pour moi est d’avoir pu conduire des trains. Quel formidable sentiment
de liberté !
Apprenti, un métier difficile
Je suis né en 1932 et j’ai commencé à travailler à la SNCB à 15 ans. J’ai débuté comme apprenti à
Cuesmes. C’était bien plus difficile que je ne l’imaginais. Les journées étaient longues et fatigantes.
Chaque semaine, 24 heures de cours et 21 heures de pratique en atelier. Nous y réalisions des
maquettes de wagons de marchandises pour apprendre la technique. Certains de ces modèles réduits
sont exposés au musée Train World. Aujourd’hui encore, je suis fier de les voir. Ils sont vraiment
élaborés jusque dans les moindres détails. Après mes longues journées, je suivais encore des cours du
soir et j’avais aussi cours le dimanche matin. Et ceci, semaine après semaine. Nous avons beaucoup
travaillé, mais cela en valait la peine, car nous avons beaucoup appris.
Le principal ennui, c’est que nous avions très peu de pauses. Nous commencions à 8 h, sans arrêt
avant midi. Pour un garçon de 15 ans, il était très difficile de se lever si tôt et de travailler quatre
heures d’affilée sans même pouvoir manger ! J’étais donc très jaloux des chauffeurs de locomotives à
vapeur : je les voyais chaque jour par la fenêtre s’arrêter à 10 h pour manger leurs tartines. J’ai alors
décidé de faire la même chose qu’eux !
De chauffeur à machiniste
En 1951, alors que j’avais 19 ans, j’ai réussi l’examen de chauffeur. J’ai été engagé au dépôt de Saint-
Ghislain, où je travaillais sur des locomotives à vapeur de type 16.
Le chauffeur n’était pas celui qui conduisait le train. C’était le machiniste. Le chauffeur, lui, s’occupait
du feu. Cela ne semble pas grand-chose, mais faire un bon feu était tout un art ! Selon la quantité de
charbon ajoutée au feu, la pression augmentait ou diminuait dans la chaudière, ce qui faisait avancer
le train plus ou moins vite. Par ailleurs, nous aidions aussi le machiniste à entretenir la locomotive et à
effectuer de petites réparations. Et, par mauvais temps, quand la visibilité était réduite, nous aidions à
surveiller les signaux.
Alors que je roulais avec le train royal, la reine Fabiola m’a un jour demandé « C’est vous le chauffeur ?
» et le roi Baudouin lui a répondu « Non, ce n’est pas le chauffeur, c’est le machiniste. » Ces deux
termes portent à confusion, car, dans le domaine ferroviaire, le « chauffeur » est celui qui s’occupe du
feu, pas le machiniste.
Après mon service militaire comme paracommando, j’ai commencé à travailler au dépôt de Mons. J’ai
eu l’occasion d’y côtoyer différentes locomotives à vapeur, notamment les types 29, 40, 53, 51 et 31.
C’était une période intéressante pour les chemins de fer. Nous étions en pleine période de transition :
la vapeur coexistait avec le diésel et l’électricité. Je rêvais de conduire moi-même un train et j’ai pensé
qu’il vaudrait mieux apprendre à conduire les trois types de traction. Après quatre ans de travail
comme chauffeur à Mons, j’ai réussi l’examen de machiniste pour les locomotives tant à vapeur que
diésel et électriques.
Quand je rentrais chez moi, ma femme savait toujours quel type de locomotive j’avais conduit ce jour-
là. Si j’avais des traces noires autour des yeux, c’était une locomotive à vapeur. Si je n’avais pas mangé
toutes mes tartines, c’était une diésel. En effet, l’odeur du diésel pénétrait jusque dans mes tartines et
ce n’était pas très appétissant ! Si je n’avais ni traces ni odeurs, c’est que j’avais roulé avec une
locomotive électrique. Moi, cela m’était égal, j’aimais rouler avec les trois !
Longues journées de travail, peu de temps à la maison
En tant qu’apprenti, j’étais habitué à travailler dur et cela n’a pas changé lorsque je suis devenu
machiniste. Je travaillais parfois 3 mois d’affilée sans un weekend de libre. Je ne me plaignais pas, car
j’aimais mon travail. C’était celui que j’avais choisi, personne ne m’y avait forcé. Il faut voir les bons et
les mauvais côtés. À mes yeux, il y en avait surtout de bons !
Lorsque je me suis marié, j’ai dit à ma femme : « Faisons avec ce que nous avons. Je préfère que tu
restes à la maison. » Avec mes longues journées et mes horaires irréguliers... Quand je travaillais très
tôt, j’allais dormir à 18 h et je me levais à 2 h du matin. Si ma femme avait travaillé à l’extérieur, nous
ne nous serions jamais vus.
La situation n’était quand même pas toujours idéale. Cela m’a motivé à recommencer à étudier pour
monter plus vite les échelons à la SNCB. L’objectif était d’avoir plus de temps pour ma famille et de
mieux gagner ma vie.
Plein de possibilités de carrière !
J’aimais conduire un train ! J’aimais surtout le sentiment de liberté et d’indépendance que cela
donnait. Le conducteur est vraiment le patron de sa locomotive. Mais à la longue, c’était difficile à
concilier avec ma vie de famille. J’ai donc décidé de me tourner vers le travail d’instructeur. J’ai réussi
mon examen d’instructeur pour la traction électrique et je suis même devenu plus tard chef
instructeur.
La vie de conducteur me manquait un peu. Mais j’étais content de voir beaucoup plus ma femme et
mes enfants ! Heureusement, en tant qu’instructeur, j’encadrais les premiers trajets des nouveaux
conducteurs. Je passais ainsi encore régulièrement du temps au poste de conduite de mes chères
locomotives.
Le Roi Baudouin comme passager !
J’ai beaucoup de bons souvenirs, mais conduire le train royal fut tout de même une expérience
mémorable. Pour le 150e anniversaire de la Belgique, j’ai conduit le train du roi Baudouin. Un homme
très sympathique ! Il est même venu s’excuser, car il m’avait parlé en néerlandais et non en français
lors de la présentation du personnel du train.
Les consignes étaient très strictes. Le protocole interdisait, par exemple, au roi de monter dans le
poste de conduite. Le personnel devait littéralement bloquer le passage pour empêcher le roi d’y
accéder.
Mais ce n’est pas la seule fois où j’ai conduit le train royal ! Apparemment, on appréciait mon travail et
j’ai pu le conduire en d’autres occasions : pour rendre visite à la famille au Grand-Duché de
Luxembourg, ou pour d’autres visites de souverains étrangers en Belgique. J’ai même effectué le tout
dernier trajet du train royal en 1976.