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Violaine Colonna d’Istria, Paola Consonni, Adrien Larcade, Pierre Mercier, Halima Rhaoui, Amandine Vidal.
Atelier d’Urbanisme Cap Haïtien - Université Paris-Sorbonne Paris IV - 2010Sous la direction de François Dumail
Cahier 0 – Contexte général
De la République haïtienne au Cap Haïtien
Janvier 2010
2 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
3Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
Sommaire
Haïti : une île au coeur des Caraïbes p. 5Situation géographique p. 6
Un site contrasté : topographie/Géologie/Climat p. 8
L’exposition aux risques naturels et écologiques p. 9
Synthèse p. 11
Le cadre socio-économique p. 13Le dimension économique d’Haïti depuis les années 1945 p. 14
Les indicateurs sociaux, miroir d’une pauvreté humaine p. 16
L’évolution de la démographie p. 18
Synthèse p. 20
La rencontre d’une population et d’une île p. 22De la colonisation à l’indépendance : importation de
populations et exploitation de l’île p. 23
Conquête et préservation de l’ndépendance : Haïti,
première république noire «indépendante» p. 26
La mise en place balbutiante de la République Haïtienne p. 27
Synthèse p. 29
Une gouvernance encore fragile p. 35Une organisation démocratique parlementaire récente p. 36
Des institutions autonomes aides à la décision de l’Etat p. 37
L’administration locale : une décentralisation inachevée... p. 38
... Et une autonomie financière insuffisante p. 40
La société civile face au pouvoir : entre méfiance et
revendications p. 41
Une présence importante de la communauté
internationale p. 42
Synthèse p. 43
Le tourisme p. 42Evolution des années 1960 à nos jours p. 43
Typologie du tourisme p. 45
Stratégie, politique et programme p. 47
La région nord pour relancer le tourisme p. 48
Synthèse p. 51
Cap Haïtien p. 52Un site favorisé mais étroit p. 53
La ville coloniale: une implantation appropriée par
la population p. 55
Catastrophes et reconstructions : conservation du plan
d’origine, modification des règles de construction p. 57
Les phases de l’urbanisation p. 59
Architecture du centre ancien p. 61
Un fort potentiel touristique à exploiter p. 66
Synthèse p. 67
Bibliographie p. 69
4 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
5Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
Haïti : une île au coeur des Caraïbes
La situation de l’ïle d’Hispaniola imprime fortement son ca-
ractère sur la République Haïtienne.
Cet espace d’insularité en archipel se trouve au coeur des
Caraïbes dont les îles sont en relation les unes aux autres. La si-
tuation tropicale d’Hispaniola est donc le vecteur d’une identité
caribéenne.
Les éléments du site (topographie, climat) sont spéficiques
à chaque région du pays. Les risques naturels sont nombreux et
présents partout. Les populations résidentes y sont habituées et
ont appris à y faire face autant qu’à s’en relever.
Ainsi l’insularité spécifique d’Haïti ne saurait être réduite à
la contingence d’une donnée purement morphologique. En Haïti
le paysage est culturel, la nature est un personnage central de
son histoire, avec lequel les populations implantées ont dû com-
poser et qui a formé ses habitants autant que ses habitants l’ont
déformée.
6 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
Haïti : une île au coeur des CaraïbesSituation géographique
I. Quelle place dans les Antilles ?
L’île d’Hispaniola se trouve dans les Grandes
Antilles, à proximité du tropique du Cancer. Comme
l’ensemble de l’archipel antillais, elle marque la sé-
paration entre la mer des Caraïbes de l’océan Atlan-
tique nord.
La situation générale de l’île est favorisée à
l’échelle de l’archipel puisqu’elle n’est séparée de
Cuba et de la Jamaïque que par le canal du Vent, et
de Porto Rico par le canal de Mona.
A l’échelle des Amériques, à moins de 1.000 km
tant des Etats-Unis que du Mexique ou de l’Amé-
rique du Sud, Hispaniola peut faire figure de char-
nière entre les deux continents. Cependant, à la
différence de Cuba, Haïti est à l’écart du Golfe du
Mexique qui offre une polarité forte.
De cette situation résulte tout d’abord une
identité tropicale, marquée par un climat dont la
saisonnalité va de pair avec les épisodes cycloni-
ques.
Il en résulte dans un second temps une insula-
rité particulière : l’archipel se compose d’îles appa-
remment isolées, mais qui sont visibles les unes des
autres. Les barrières maritimes s’effacent devant
une identité caribéenne qui a pour corollaire la ca-
pacité des peuples à marquer leurs différences.
II. Un territoire fragmenté
L’Etat Haïtien occupe la moitié ouest de l’ïle,
l’autre moitié étant le territoire de la République
Dominicaine. Cette division territoriale est rare pour
un espace insulaire de cette dimension, particuliè-
rement dans des espaces anciennement coloniaux.
L’orientation générale du relief, sud-est nord-
ouest, reprend celle de l’arc antillais. Cela contri-
bue à isoler Haïti de sa voisine, la République Do-
minicaine qui, pour l’essentiel se trouve sur l’autre
versant.
Si la République Dominicaine s’est enracinée
profondément dans les terres, au point d’occuper
à certaines époque plus de 80% de l’île, Haïti s’est
ouverte sur le littoral. L’implantation des différen-
tes villes côtières, la profonde ruralité de l’espace
central et sa désertification s’expliquent ainsi.
De cette fragmentation résultent des relations
complexes entre deux pays partageant un territoire
contrasté : les histoires respectives de ces pays ont
profondément influencé une évolution bipolaire du
territoire.
III. Cap Haïtien : une ouverture vers l’extérieur.
La ville est implantée à l’embouchure de la
rivière Mapou, au bord d’une petite baie ouverte
sur l’Atlantique. Cette situation offre un site de port
favorable, directement ouvert sur l’océan. Le climat,
inversé par rapport au reste de l’île, est nettement
plus clément que sur la face Est de l’île même s’il
demeure assez venteux. Les précipitations y sont
bien moindres, de même que l’exposition aux cyclo-
nes.
Néanmoins, la ville est isolée du reste du
pays à la fois par une frontière montagneuse mais
aussi par son développement orienté vers la mer.
Aujourd’hui, Cap Haïtien est mieux relié à la Répu-
blique Dominicaine qu’au reste d’Haïti.
7Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
ENCART
Carte situation :Bien distinguer - Haïti- Cap Haïtien
Haïti dans les Caraïbes - Source : Logitour
8 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
La topographie ne favorisent pas les échanges
et fragmente le territoire en isolant les différentes
vallées les unes des autres. De plus, le versant At-
lantique est dissocié du versant Caraïbes puisque la
majorité des plaines se trouve au nord.
L’espace haïtien comprend également des îles
dont la plupart ne sont que des reliquats de terre,
proches des côtes. Font exception les îles de Gonâve
et de la Tortue qui offrent des postes avancés en
pleine mer, ce qui leur a valu des rôles historiques
spécifiques.
II. Un sol riche et une hygrométrie importante
Le sol est principalement composé de calcaires
et d’alluvions. Quant au réseau hydrographique, le
bassin versant du Cap Haïtien, d’une superficie de
190 km², concentre l’arrivée de plusieurs rivières de
plaines dont le principal collecteur est le Haut Cap.
De plus, les eaux souterraines sont nombreuses
dans la plaine alluviale.
La nature rocailleuse du sol favorise les cultu-
res et l’élevage. De plus, l’important réseau hydro-
graphique offre des possibilités d’irrigation inté-
ressantes. Combinées au climat de la région, ces
Haïti : une île au coeur des CaraïbesUn site contrasté : Topographie/Géologie/Climat
Ayiti (terre montagneuse en langue indienne)
est une île caractérisée par des zones montagneu-
ses ne laissant que peu de place aux plaines litto-
rales.
I. Une topographie accidentée qui induit un espace fragmenté
L’île d’Haiti, et notamment la région Nord, est
caractérisée par des versants raides et des vallées
encaissées. Au Cap, le morne Gris Mango atteint
1.028 m par exemple.
La prédominance de ces massifs (80% du ter-
ritoire) est renforcée par une faible proportion de
plaines. Pourtant, dans le département du Nord, les
plaines ont une superficie de 950 km², soit 31,87%
du département. Il n’est pas étonnant, dès lors, que
ces plaines et fonds de vallées concentrent une part
très importante de la population.
caractéristiques ont permis le développement de la
production de café, de cacao et de l’arboriculture
fruitière.
III. Un climat tropical singulier
Bien qu’en zone tropicale, Haïti jouit d’un climat
régulé par les vents Alyzés et Nordés (courant froid)
venant des Açores. Ils sont à l’origine des pluies et
d’une certaine fraîcheur. Néanmoins, le rythme des
saisons est propre à chaque région selon la mor-
phologie et l’exposition aux vents.
La région nord est plutôt humide, même si les
précipitations sont moins intenses en plaine que
dans les Mornes. Les vents sont, quant à eux, carac-
térisés par leur régularité en direction et en inten-
sité (soufflant de mai à septembre).
Climatologie région Nord :
Deux saisons pluvieuses : la principale qui s’étend de septembre à décembre, l’autre généralement moins marquée d’avril à juinDeux saisons sèches : la principale de janvier à mars, une saison sèche secondaire de juillet à aoûtTempérature moyenne de 26°C et évapotranspiration potentielle annuelle entre 1400 et 1500 mm
Plaine du Nord, Haïti Source : Panoramia
9Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
plus dangereux qu’à proximité des côtes, ils entraî-
nent également des raz-de-marées.
Mais ce sont surtout les crues qui affectent la
ville du Cap Haïtien. En effet, le réseau hydrogra-
phique venant s’ajouter à de fortes pentes, produit
un ravinement charriant dépôts et coulées jusqu’au
coeur de la ville.
II. Le déboisement entraîne une érosion accélérée des pentes
Les cultures érosives pratiquées sur les mornes
ainsi que l’exploitation immodérée des zones
boisées restantes (déforestation et défrichement)
entraînent une érosion irréversible des pentes.
L’érosion est chiffrée à 42 millions de m3 de
terre par an sous la forme d’avalas, avalanches de
boues et d’eaux. Combinée aux fortes précipita-
tions, l’érosion est la cause de l’ensevelissement
de villes ou de l’affaissement de terrains et/ou de
routes ainsi que de la disparition de micro-systèmes
et d’espèces.
L’activité humaine, dans ses conditions actuel-
les, renforce ainsi les risques naturels déjà particu-
lièrement menaçants.
La dégradation environnementale a atteint un
seuil critique affectant la qualité de vie et les condi-
tions d’existence des citoyens.
I. De nombreux risques naturels
Haïti se trouve sur le chemin des cyclones
formés dans l’Atlantique et remontant vers le Golfe
du Mexique pendant la saison des pluies. Néan-
moins le département du Nord, par sa topographie
est peu exposé aux cyclones tropicaux.
Par ailleurs, située à la frontière entre la plaque
caraïbe et la plaque américaine, Haïti connaît une
forte activité sismique. Les séismes sont d’autant
Haïti : une île au coeur des Caraïbes L’exposition aux risques naturels et écologiques
III. Un patrimoine biologique en voie d’extinction
On estime que près de 30% des espèces vé-
gétales et 70% des espèces animales sont endo-
gènes. Pourtant, cette diversité est en fort recul
et de nombreuses espèces sont en voie de dis-
parition. A l’époque coloniale, les espèces vé-
gétales nobles ont été systématiquement ex-
ploitées ce qui a déjà réduit la forêt primaire.
Aujourd’hui, le couvert végétal est d’abord perçu
comme une ressource consommable (charbon
Désertification de la région du Nord, HaïtiSource : internet
Bassin Rhodo, Cap HaïtienSource : Rémi Kaupp
10 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
1978 2192
1987 21321994 1658
Carte de la végétationSource : Réalisation personnelle
Km² de mangrove au Cap HaïtienSource : Livre blanc du Nord
Gonaïves
Saint-Louis du Nord
Anse à Foleur
Le Borgne
Bas-LimbéPort Margot
LimbéAcul du Nord
Plaine du Nord
Cap Haïtien
Quartier Morin
LimonadeMilot
Grande Rivière du Nord
CaracolTerrier Rouge
Trou du Nord
Sainte-Suzanne
Perches
Plaisance
MarmeladeDondonEnnery
Saint-Raphaël
Ferrier
Ouanaminthe
Fort Liberté
5km
N
Aujourd'hui
5km
N
Avant la colonisation...
Ville importante
Ville secondaire
Forêt
Savane
Mangrove
Surface cultivée
Carte de la végétation
ou bois de chauffe) et non comme un patrimoine. Si bien que certaines plaines s’ap-
parentent désormais à des savanes désolées.
L’exemple des mangroves est significatif. En tant que lieu de vie et de reproduc-
tion de nombreuses espèces, cet écosystème est le plus menacé en raison du déboi-
sement et de l’extension urbaine. La diminution spatiale et qualitative de la mangro-
ve entraîne aussi une diminution des ressources halieutiques côtières (la mangrove
servant de frayères à de nombreuses espèces de poissons).
Au Cap Haïtien, elle est surtout exploitée pour le bois de chauffage dans les bou-
langeries et laveries à sec. Le bassin Rhodo a été successivement remblayé sous l’effet
de la pression urbaine.
Toutefois, Haïti n’est pas désertique. Subsistent pêle-mêle goyaves, oranges,
raisins, mûres, citrons verts, mangues... Certaines forêts sont protégées sous la forme
de parcs et offrent une formidable diversité de plantes notamment médicinales re-
cherchées par la population et par les prêtres vaudous. De même, pour les espèces
animales, on retrouve amphibiens, reptiles, papillons, rongeurs, oiseaux et de nom-
breuses espèces d’insectes.
La pollution du littoral, des nappes phréatiques, par la prolifération des ordures
ménagères et des vidanges, la destruction du massif corallien, les problèmes de drai-
nage et d’assainissement constituent autant de problèmes sanitaires au Cap Haïtien
qui viennent s’ajouter aux risques qu’il convient de prendre en compte.
11Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
Situation géographique
Un espace d’insularité en archipel au sein des Caraïbes •
Une identité tropicale marquée par un contraste Atlantique/ Mer des Ca-•
raïbes
Haïti est situé sur la partie ouest de l’île d’Hispaniola qu’elle partage avec la •
République Dominicaine.
Cap Haïtien : Une situation privilégiée sur le littoral nord du pays à proximité •
de la frontière avec la République Dominicaine
Un site contrasté : Topographie/Géologie/Climat
Une topographie accidentée qui isole Haïti de la République Dominicaine et •
fragmente le territoire
La région du Nord : Un sol riche, une hygrométrie importante et un climat •
tropical singulier qui ont permis le développement d’une agriculture prospère
L’exposition aux risques naturels et technologiques
Des risques naturels nombreux : une île à la frontière des plaques sur le •
passage des cyclones
La région du Nord est préservée comparativement au reste du pays, ce qui •
révèle un potentiel touristique, malgré les risques naturels qui le malmènent
Cap Haïtien : une érosion des pentes qui se transforme en coulée de boue •
et un patrimoine biologique en voie d’extinction (mangrove)
Synthèse - Haïti : une île au coeur des Caraïbes
12 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
13Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
Le contexte socio-économique en Haïti
Comprendre le fonctionnement d’une ville passe par l’ana-
lyse de sa situation économique et sociale. Mais dans un pays
aussi complexe qu’Haïti qui connaît des difficultés sur le plan po-
litique, économique et social. Il nous apparaît primordial de fixer
le contexte socio-économique de l’Etat haïten pour comprendre
la situation du pays et de la ville du Cap Haïtien.
A l’échelle de la ville, on retrouve les grands traits de la situa-
tion du pays. Pauvreté, surpopulation, sous-emploi et chômage,
dégradation du centre ville, bidonvilisation, exclusion sociale,
migration sont les problèmes que la municipalité du Cap Haïtien
doit appréhender.
Néanmoins la ville bénéficie de potentialités en termes de
développement économique (artisanat, tourisme) et social (en-
traide solidaire, projet Prepep) qui ne sont pas suffisamment va-
lorisées.
14 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006Agriculture 28 29 28 28 27 27 26Industrie 16 17 17 16 16 16 16Services 55 55 55 55 57 57 58
Composition du PIB par secteur d'activités, 2000-2006 (%)
Le cadre socio-économiqueLa dimension économique d’Haïti depuis les années 1945
I. De l’ouverture à la crise économique
La période de l’après guerre (1945-1956) se ca-
ractérise par une activité économique qui se traduit
par la hausse des prix des produits d’exportation :
café, sucre, cacao, pite, figue, banane. L’économie
haïtienne bénéficie d’un double effet lié de volume
et de prix. A cette époque le commerce interna-
tional représente alors 14% du PIB du pays. Le PIB
passe de 262 millions USD à 307 millions USD entre
1950 et 1956.
Dès la fin des années 1950 et jusqu’aux années
1970, la situation économique se ralentit. La crois-
sance se détermine à partir du secteur de l’expor-
tation ; le PIB peine à croître et la part des exporta-
tions s’affaiblit suite à la chute des cours. Au même
moment le pays doit faire face à une réduction de
l’aide internationale et à une quasi disparition des
investissements étrangers.
La reprise des années 1970 est marquée par
un retour de l’aide internationale et des investisse-
ments étrangers (qui représentent jusqu’à 10% du
PIB) et le développement rapide des industries d’as-
semblage pour l’exportation. Au même moment les
transferts étrangers de la diaspora haïtienne aug-
mentent.
La crise économique est amorcée dès 1981, dans
un contexte de récession internationale (deuxième
choc pétrolier, chute des cours du café), de désastre
politique et économique (déficit de la balance com-
merciale, dépenses publiques mal orientées), ce qui
conduit à la dépréciation de la monnaie haïtienne et
à la mise en place de programmes de stabilisation
financière par le FMI. Dans ce contexte, la migration
(interne et externe) joue un rôle important.
II. L’économie contemporaine (1986-2001)
Durant cette période on peut dire que l’écono-
mie haïtienne souffre d’une production intérieure
atonique, d’une croissance des activités producti-
ves informelles, d’une forte dépendance de l’exté-
rieur (notamment de l’aide au développement), et
d’inégalités dans la répartition des revenus.
Le secteur primaire ne cesse de voir sa part
diminuer dans le PIB ; il représente 35% en 1980
contre 30% en 2000. L’embargo a ralenti la produc-
tion agricole. La valeur des exportations (principa-
lement du café) a quasiment été divisée par deux
(25,3 millions USD en 1995 contre 13,4 millions USD
en 2000), alors que les importations alimentaires
progressent (de 211 millions USD à 248 millions
USD sur la même période).
L’agriculture haïtienne est très peu productive
car la production se fait sur de petites parcelles (1
hectare), avec un outillage traditionnel datant du
XIXème siècle. Néanmoins, le secteur agricole est le
plus grand pourvoyeur d’emplois (60%).
Le secteur secondaire voit sa part du PIB aug-
menter. On doit cette croissance au sous-secteur
‘’bâtiments, travaux publics’’ qui représente 62 %.
Les industries d’assemblage, très affectées par l’em-
bargo, restent stagnantes depuis les années 2000
(principalement pour des raisons d’instabilité poli-
tique) malgré un bond des exportations entre 1995
15Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
et 1999.
Le secteur tertiaire contribue pour moitié au
PIB (contre 36,5% dans les années 1970). L’admi-
nistration publique (sous-secteur des services non
marchands) et le commerce sont les postes les plus
dynamiques du secteur tertiaire mais leur valeur
ajoutée reste très faible (0,2% en 2000 contre 2,3%
en 1990).
Le secteur privé est structuré par trois niveaux.
Au sommet, on trouve quelques grandes entreprises
de l’industrie textile, agro-alimentaire, technologies
et communication, construction, et du secteur pé-
5
4
3
2
1
0
-1
-2
-3
-4
-5
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005
Evolution du PIB (%), 1995-2005
III. La croissance du secteur informel
L’emploi informel est présent dans tous les sec-
teurs d’activités en Haïti, et représente 9/10e de la
population active.
Le secteur informel n’est pourtant pas homo-
gène, on y trouve des micro-entreprises, des tra-
vailleurs indépendants, des aides familiaux. Les
secteurs secondaires et tertiaires (tourisme) ont
une tendance à l’informalisation du marché, dû à
la migration interne et à la baisse de la production
nationale. La hantise du chômage motive la quasi-
totalité de la population active à intégrer ce secteur.
De plus, il représente un moyen de subsistance non
négligeable.
L’analyse de l’emploi informel est difficile du
fait du caractère insaisissable statistiquement du
secteur et de l’incertitude des données sur l’emploi
et la population.
Plus que le chômage, le sous-emploi est domi-
nant. Le taux officiel indique que 32,7% de la po-
pulation est au chômage (mais 70% des jeunes de
moins de 30 ans sont au chômage). Mais les orga-
nisations internationales estiment à plus de 80% la
population touchée par le chômage ou le sous-em-
ploi.
trolier et bancaire. Au centre, on a quelques PME de
l’industrie touristique, de la construction, du trans-
port et de l’artisanat. A la base de la pyramide, de
nombreuses entreprises individuelles d’artisanat,
textile, commerce et service.
En ce qui concerne le marché local, il a été
affecté par la libéralisation du marché international
survenue au début des années 1990. Des indus-
triels qui avaient investi dans des entreprises pour
se substituer aux importations sont finalement
devenus des commerçants importateurs.
16 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
Le cadre socio-économiqueDes indicateurs sociaux miroir d’une pauvreté humaine
Population de 15 ans et plus
Evolution du taux d'analphabétisme1970-2000
40
78
64
68
61
1970
1990
2000
II. Santé, une situation préoccupante
Le système de santé comporte 650 établisse-
ments divisés en quatre sous-secteur ; public (30%),
privé à but non lucratif (30%), mixte public-privé
(30%), privé à but lucratif (10%). Les intervenants
privés sont principalement des ONG qui ont permis
le maintien d’un niveau de soin pendant l’instabi-
lité politique entre 1986 et 1994. Les financements
publics et privés sont très insuffisants donc le niveau
de qualité du service est bas. De plus la mauvaise
répartition géographique des services détériore le
système de santé déjà fragile. La santé représente
environ 7% du PIB, mais l’Etat ne finance que 0,7%
du PIB et les ménages 3,4% (soit 4 fois plus).
Malgré une baisse de la mortalité infantile ces
25 dernières années, Haïti accuse un retard impor-
Haïti
GuatemalaRép.Dom.
Costa Rica
80
60
40
20
0
Mortalité infantile dans 4 pays voisins (nombres de décès pour 1 000 naissances)
tant par rapport à ses voisins. Au cours de la période
1995-2000, on enregistre 80 décès pour 1000 nais-
sances, contre 25 décès pour 1000 naissances en
République dominicaine. La mortalité infantile est
4 fois plus élevée en Haïti qu’en République domi-
nicaine.
La mortalité maternelle montre que les condi-
tions sanitaires sont catastrophiques (absences de
soins prénataux, personnel non formé). Ce taux
n’a pas diminué depuis ces 20 dernières années
(523 décès pour 100 000 naissances entre 1994 et
2000).
Le SIDA apparaît comme la première cause de
mortalité, il semblerait que 5% de la population
I. Education, des progrès mais une insuffisance qualitative
Le système d’enseignement actuel montre
la difficulté des pouvoirs publics à répondre à la
demande d’éducation, ce qui implique une explo-
sion du secteur privé d’écoles religieuses et laïques.
En effet on compte 17 812 écoles en 2005, dont
seulement 1431 publiques (8%) qui accueillent 20%
des effectifs. 92% des écoles appartiennent donc au
secteur privé.
Le taux de scolarisation a progressé (22% en
1990 à 67% en 2000). Néanmoins le problème de
la qualité de l’éducation (insuffisance de formation
des enseignants, inadaptation des locaux) et la di-
minution de la durée de scolarisation est préoccu-
pante. Le poste éducation ne représente que 2% du
PIB alors que les ménages supportent 85% des coûts
associés à la scolarisation des enfants, soit 12% du
PIB. De plus près de 600 000 enfants de 6 à 12 ans
ne sont pas scolarisés.
Le rapport de l’Unesco (2000) rappelle que
l’éducation doit être un concept permanent (édu-
cation pour tous, tout au long de la vie) ; et dans
ce domaine le processus est très long à mettre en
place en Haïti.
17Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
serait affectée par le VIH et 12% par des MST.
De plus, l’accès à l’eau potable s’est forte-
ment améliorée mais des progrès restent à faire
en matière d’assainissement. Près de deux tiers de
la population semble avoir accès à l’eau potable
depuis les années 2000.
III. La pauvreté
Depuis 1991, le pays est dans un cycle de pau-
périsation avec une production nationale qui n’arri-
ve pas à augmenter pour répondre à une demande
de biens d’une population grandissante. Cette pau-
périsation peut être attribuée à une instabilité insti-
tutionnelle (néfaste pour l’économie puisque aucun
investissement national et étranger n’y est réalisé).
C’est depuis cette époque que le pays est
devenu fortement tributaire de l’aide internationale
au développement.
Les deux tiers de la population vivent dans l’in-
digence (moins de 2 USD/jour/habitant, 50 % de la
population survivant même avec moins de 1 USD/
jour) alors que 1% de la population détient 50% de
60
301987 1994-95 2000
Population ayant accès à l'eau potable (%)
la richesse du pays.
Ainsi le PIB moyen par habitant est passé de
500 USD/habitant en 1990 à 332 USD/habitant en
2003. En d’autres termes, 90 cents/jour/habitant
contre 5.81 USD en Jamaïque ou 5.70 USD/jour/ha-
bitant en République Dominicaine.
Haïti a donc reculé dans l’absolu mais aussi par
rapport à ses voisins qui avaient les revenus les plus
bas de la Caraïbes.
1980
1982
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
4 500
4 000
3 500
3 000
2 500
2 000
1 500
1 000
500
00
Mexique
Jamaïque
Haïti
Rép. Dom.
Costa Rica
PIB par habitants, comparaison avec Haïti, 1980-2003
18 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
0
1 000
2 000
3 000
4 000
5 000
6 000
7 000
8 000
9 000
10 000
1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005
Le cadre socio-économiqueL’évolution de la démographie
I. La structure de la population haïtienne
La population a doublée entre 1970 et 2003,
50% de la population a moins de 20 ans, 6,3% de
la population a plus de 65 ans et le taux d’urbanisa-
tion s’élève à 36% (22% pour l’aire métropolitaine
de Port-au-Prince).
II. La structure de la population du Cap Haïtien
Le département du Nord a été parmi les dépar-
tements les plus peuplés à l’époque coloniale et il
garde cette caractéristique. Evolution de la population haïtienne depuis 1950
Grande-Anse
Ouest
Nord-est
Nord-
oues
t
Aribonite
NordSud
Sud-est
Centre500 000
1 000 000
1 500 000
2 000 000
2 500 000
0 0.0
0.5
1.0
1.5
2.0
2.5
3.0
3.5
4.0
Population rurale
Population urbaineCroissance démographique
Croissance démographique en Haïti et dans les régions, 1982-2003 Avant les années 1960, le département est à
dominante rurale; seulement 12% de la population
est urbaine.
La ville du Cap Haïtien devient le destination
d’un fort exode rural à partir des années 1950. Sa
population augmente alors de 107% entre 1950 et
1970, avec un taux d’urbanisation de 45%.
Après le recensement de 1982, Cap Haïtien
absorbe 50% de la population du département et
est urbanisée à 87,55%.
Le dernier recensement (2002) estime entre
500 000 et 800 000 habitants à Cap Haïtien.
0
20 000
40 000
60 000
80 000
100 000
120 000
140 000
1900 1950 1971 1982 1996
Evolution de la population du Cap Haïtien (1900-1996)
III. Une longue tradition migratoire
La population haïtienne est caractérisée par sa
mobilité. L’immigration a toujours été particulière-
ment active ; entre 1950 et 1985 la part des migra-
tions nette (2,3% pour 1 000 haïtiens) était supé-
rieure à la croissance de la population (2,2%).
En 2001, 12,1% de la population ne vit pas
dans son département d’origine. La proportion des
migrants est très élevée dans le département de
l’Ouest (36,7%), l’Aire Métropolitaine étant le point
d’attraction.
On compte plus de 75 000 haïtiens aux
19Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
d’offrir un cadre suffisant au développement éco-
nomique et social. L’absence d’investissement, le
chômage et le sous-emploi sont devenus caracté-
ristiques d’une économie en mal de production et
n’est pas en mesure de satisfaire une demande de
consommation de plus en plus croissante.
Finalement, l’absence de stratégie économique
empêche de s’attaquer aux problèmes de produc-
tion, d’inflation et de baisse du pouvoir d’achat, qui
nuisent gravement au développement du pays. De
fait la communauté internationale est très présente
sur l’ensemble du territoire haïtien pour tenter de
solutionner ces problèmes (près de 1.6 Mds USD
ont été mobilisés pour le pays entre 1990 et 2004).
Bahamas, 500 000 en République Dominicaine, 2
millions aux Etats-Unis, sans compter les haïtiens de
Cuba et dans des Antilles françaises. Ces expatriés
transfèrent à Haïti entre 700 et 900 millions de USD
par an (chiffres de la Banque mondiale, 2002).
L’instabilité économique et politique, la faible •
croissance et la hausse des inégalités et de la pau-
vreté sont les challenges auxquels doit faire face
l’Etat haïtien. Le pays se trouve dans une situation
où la pauvreté s’exerce de manière triangulaire :
le politique implique l’économique qui impacte le
social.
Le pays doit revoir sa gouvernance car elle a
des conséquences directes sur la situation écono-
mique et sociale.
L’instabilité politique n’a pas été en mesure
700 0000
600 0000
500 0000
400 0000
300 0000
200 0000
100 0000
1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001
Transferts privés (millions USD)
20 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
Evolution de l’économie depuis 1945
A la sortie de la seconde Guerre Mondiale, Haïti bénéficie de la hausse des •
prix des produits d’exportation, mais dès le début des années 1960 l’activité
économique ralentit suite à la chute des cours et à la fin de la période des
Trente Glorieuses pour les pays occidentaux.
La monnaie haïtienne est dévalorisée dans les années 1980 et le FMI va •
mettre en place des programmes de stabilisation financière.
Aujourd’hui, le pays est fortement dépendant de l’aide internationale et •
connaît une croissance des activités informelles.
L’éducation
L’Etat n’a pas encore réussi à prendre en charge l’éducation (seulement 8% •
des écoles sont publiques)
Néanmoins le taux de scolarisation a augmenté (de 22% en 1990 à 67% en •
2000) et le taux d’analphabétisme a diminué même s’il reste encore fort (de
68% en 1990 à 40% en 2000).
La santé
En ce qui concerne la santé, les établissements sont à dominante privée •
(40% pour le privé et à 30% de partenariats privé/public), parmi lesquels les
ONG jouent un rôle important, notamment sur le maintien de services dans les
zones rurales et en période d’instabilité politique.
Le taux de mortalité infantile reste élevé en absolu et comparativement à la •
République Dominicaine (4 fois moins élevé). Le sida est la première cause de
mortalité.
La pauvreté
Depuis 1991, le pays est dans un cycle de paupérisation et dépend largement •
de l’aide internationale. La population vit dans la pauvreté et 50% des
richesses sont détenues par 1% de la population.
La démographie
L’accroissement de la population (elle a doublé entre 1970 et 2003) a été •
accompagné par un phénomène d’urbanisation (+ 36%) majoritairement
concentré sur l’agglomération de Port-au-Prince.
Cependant Cap Haïtien n’est pas en reste avec une absorption de 50% de •
la population du département et un taux de 87.55% en 1982. Aujourd’hui,
on estime sa population entre 500 000 et 800 000 habitants.
Les graphiques et les chiffres sont tirés des de données de la Banque Mondiale•
Synthèse - Le contexte socio-économique d’Haïti
21Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
22 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
La rencontre d’une population et d’une île
L’histoire d’Haïti résulte de la formation d’un syncrétisme
culturel et identitaire. Dès l’arrivée des Espagnols en 1492, l’île
devient un point de convergence des rivalités entre puissances
européennes.
Le Nord est représentatif des différentes époques qu’a connu
Haïti. Berceau de la colonisation du pays ainsi que des luttes de
libération des esclaves, les périodes indienne, espagnole, fran-
çaise et post-indépendance font partie de l’identité régionale.
Toutes ces périodes ont contribué à la formation d’un potentiel
unique dont la richesse est à la fois culturelle, naturelle et histo-
rique.
Forte de son indépendance, la République Haïtienne fait ses
premiers pas en alimentant les tensions internes préexistantes
(conflits entre classes sociales et groupes d’origines culturelles
ou ethniques différents).
23Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
La rencontre d’une population et d’une îleDe la colonisation à l’indépendance : importation de populations et exploitation de l’île
I. Une île soumise aux intérêts européens (1492 - 1789)
L’histoire de l’île ne commence pas en 1492
mais cette date marque un tournant majeur aussi
bien en termes historique qu’historiographique.
L’île d’Ayiti, terre montagneuse, est alors composée
de 5 régions, les caciques. Les Tainos (populations
indigènes) sont installés près des côtes et notam-
ment à proximité du site du Cap Haïtien. Ce peuple
vit essentiellement d’agriculture, de pêche et d’ar-
tisanat. La vie culturelle est dominée par un poly-
théisme diffus (mythologie, cosmogonie).
L’arrivée de Christophe Colomb en 1492 marque
le début de la colonisation du Nouveau Monde.
Les Espagnols se concentrent sur l’exploitation des
mines d’or, par une mise en esclavage et un mas-
sacre des habitants de l’île. De plus, le choc micro-
bien achève de décimer la population. Les colons
mettent alors en place la traite négrière pour pallier
au besoin de main d’oeuvre. Les mines sont taries
très rapidement et les colons abandonnent progres-
sivement la partie occidentale de l’île en laissant un
espace dévasté au début du XVIème siècle. Cette
partie devient le domaine des cochons sauvages et
des boeufs.
Des pirates français de haute mer (les flibus-
tiers) s’installent sur l’île de la Tortue puis sur les
côtes nord-ouest d’Haïti au début du XVIIème
siècle. Ce début de colonisation s’organise entre les
boucaniers, qui chassent les porcs abandonnés par
les Espagnols puis les font sécher sur un boucan, et
les flibustiers qui leur achètent viandes et cuir. Les
boucaniers développent ensuite des plantations de
tabac dont le fonctionnement prend progressive-
ment la forme du commerce triangulaire. La colonie
prend de l’essor grâce à l’émancipation et la séden-
tarisation d’une partie de la population. La liberalité
des moeurs sur l’île entraîne un métissage impor-
tant des populations. Les individus de sang-mêlés
sont de plus en plus nombreux.
En 1670, la ville du Cap Français est fondée. Elle
constitue alors un port d’échanges important pour
le commerce triangulaire. L’incitation à la planta-
tion (canne à sucre, indigo) et la traite des noirs
permettent un essor économique de l’île. La culture
des esclaves imprègne toute la société, le créole par
exemple est parlé par l’ensemble de la population.
La musique et la danse, d’inspiration africaine,
servent d’échappatoire à la condition d’esclave. Les
pratiques artistiques se développent en réaction à
la colonisation dans le but n’est pas de crier ou de
se révolter, mais d’atteindre la libération par la créa-
tion artistique.
La présence française dans la partie occiden-
tale de l’île est officialisée en 1697 par le traité de
Ryswick, la partie orientale restant sous la domina-
tion espagnole. La paix dans les Caraïbes permet
l’arrivée de nombreux colons multipliant le besoin
de main d’oeuvre et la colonie d’Haïti prospère tout
au long du XVIIème siècle, on la considère même
comme «une île qui vaut un empire». Le sucre re-
présente alors la majeure partie de la production
avec une émergence du café en fin de siècle.
La colonisation française, par opposition à celle
espagnole, est une colonisation de peuplement. Les
Français aménagent l’espace de façon à attirer des
colons tandis que les Espagnols cherchent à tirer un
profit immédiat des richesses notamment minières
de l’île. Une seule et même réalité s’impose pour
autant de part et d’autre de l’île : l’esclavage.
Le Code Noir, qui organise l’esclavage, est pro-
mulgué par le roi de France en 1685. La police des
esclaves prévoit que les affranchis ont les mêmes
droits que les Blancs. De fait deux classes d’hom-
mes sont distinguées : les libres et les esclaves.
24 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
Religion Vaudou (Bénin)
Point de rencontre des cultures africaines - langue - religion - musique
Musique Architecture
Organisation politiqueArchitectureLangue
Culture importéeSource: Production personnelle
Un grand nombre de pratiques culturelles sont issues de l’époque coloniale :
La langue créole, composée à partir de dialectes africains, de la langue française et d’inspirations hispaniques, se développe comme outil de communication entre les colonisateurs et les colonisés.La musique est scindée en deux classes, de même que la danse. Du côté des esclaves, rythmes et danses africaines sont réinterprétées par le rassemblement d’ethnies, du côté des colons, les modes métropolitaines sont importées et cohabitent avec les pratiques locales.La religion vaudou se développe en marge des religions officielles. Les pratiques culturelles des populations noires sont traquées par les colons et alimentées par les esclaves comme une forme de libération spirituelle de l’emprise coloniale qui n’a, dès lors, d’impact que corporel.
25Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
1807
Capitale du royaume du nord dirigé par Christophe :Cap Henri
CAP
HAITIEN
HAITI
1er janvier : Proclamation de l'indépendance par Dessalines
14 août 1791
Cérémonie vaudou du Bois-Caïman : soulève-ment des esclaves dans le Nord contre les colons blancs
Révolte des a�ranchis
1790
1804Assasinat de DessalinesScission du pays
1806
Le commissaire Sandonax abolit l'esclavage au nord
29 août 1793
Insurrection générale des esclaves, dans le nord puis le sud et l'ouest
22 août 1791
ConstitutionToussaint-Louverture : abolition de l'esclavage
1801
Expédition LeclercDébarquement de Napoléon
1802
18 novembre 1802
Combat des VertièresLe Cap est occupé
par les insurgés
Mort de Tous-saint-Louverture (fort de Joux)
1803Pétion se fait élire président : OuestChristophe établit son royaume : Nord
février 1791
Exécution d'Ogé et de Chavannes
chefs des a�ranchis
1811
Couronnement du roi
Alliance deToussaint-Louverture
avec les espagnols
Toussaint-Louverturecombat pour la
France
Union des forces contre les colons
Agitation politique
1789
: Rév
olut
ion
franç
aise
Ralliement des esclaves autour de Toussaint-Louverture
Victoire de Toussaint-Louverture
Guerre de libérationRévoltes
1804
Changement de nomCap Haïtien
Scission du paysVers l'indépendance
Les français se retournent contre
Toussaint-Louverture
Une union de pays de courte durée
Processus d’indépendance d’HaïtiSource : Production personnelle
II. Des révoltes aux révolutions (1789-1804)
Dès 1789, l’agitation politique en métropole
met le feux aux poudres dans l’île. En 1791, après
quelques révoltes écrasées dans le nord de l’île
(exécution d’Ogé et de Chavanne, cérémonie du
Bois-Caïman), on assiste à une insurrection généra-
le qui ne réussit pas à aboutir face à la domination
militaire française.
L’arrivée de Toussaint-Louverture marque un
tournant dans le passage des révoltes à une guerre
de libération. En effet, il s’allie avec les Espagnols
alors en guerre avec la France pour la conquête de
l’île. Lorsque le commissaire français Sandonax pro-
clame l’abolition de l’esclavage, Toussaint-Louvertu-
re se retourne contre les Espagnols et combat pour
la France.
En 1801, il se fait nommer gouverneur de l’île
et confirme l’abolition de l’esclavage. Face à cette
crise politique, Napoléon envoie une expédition
pour rétablir l’ordre. Elle échoue malgré la capture
du héros de la révolution et Haïti devient indépen-
dante.
26 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
La rencontre d’une population et d’une îleConquête et préservation de l’indépendance : Haïti, première république noire «indépendante»
III. Une nation qui n’arrive pas à s’unir (1804 - 1915)
De fortes divisions internes apparaissent entre
les noirs (esclaves) et les mulâtres (affranchis). Ces
divisions s’ajoutent à celles qui opposent les noirs
aux blancs. Les tensions entre différents groupes
socioculturels alimenteront l’instabilité politique et
les affrontements récurrents des deux siècles sui-
vants.
Dessalines, qui s’autoproclame empereur en
1804, tente de mettre en place une réforme agraire
sans grands résultats. Après son assassinat en 1806,
Haïti se divise entre un royaume dirigé par Henri
Christophe au nord et une République au sud dont
Pétion est élu président. La caporalisme agraire
au nord s’oppose à la redistribution des terres par
Pétion au sud. A sa mort, Boyer lui succède et unifie
le pays en s’appuyant sur l’insurrection contre Henri
au nord. Il devient président en 1820.
Haïti est caractérisé par une instabilité politi-
que chronique. Boyer envahit la partie orientale de
l’île, lutte pour la reconnaissance de l’indépendance
en payant des indemnités faramineuses et tente de
mettre en place un code rural (caporalisme agraire).
Son impopularité le pousse à l’exil.
De nombreux soulèvements violents s’ensui-
vent avec la succession rapide de dirigeants plus ou
moins efficaces : « l’empereur » Soulouque 1847-
1859 ; le général puis président mulâtre Geffrard
1859-1867 ; le président Salnave plonge le pays
dans un chaos total ; le sanguinaire Salomon s’exile
en 1888 ; Hypolite résiste aux pressions américaines
et aux violences intérieures jusqu’en 1896. Ensuite,
les luttes entre factions militaires reprennent. Les
présidents se succèdent très rapidement : entre
1908 et 1915, il y en aura neuf.
Parallèlement, l’économie de l’île se modernise
et les villes évoluent. Les structures en acier préfa-
briquées et importées de France permettent de faci-
liter la construction des infrastructures. Dans la ville
du Cap Haïtien, le marché de Cluny est construit en
1896 selon ces techniques de constructions.
L’agriculture est alors très présente dans l’éco-
nomie de l’île avec la multiplication de la produc-
tion de café. La réforme agraire de 1883 permet une
distribution des terres après 5 ans d’exploitation.
IV. Haïti sous influence américaine (1915 - 1934)
La fin de la croissance économique s’amorce
du fait de la chute des cours du café. Des difficul-
tés économiques et politiques apparaissent (diffi-
culté à rembourser les emprunts). La crise implique
une réorganisation de la structure spatiale par le
pouvoir politique : on entre dans une période de
centralisation.
Dès 1908, les américains achètent des conces-
sions en Haïti, mais ils décident d’occuper l’île mili-
tairement en 1915 suite au lynchage du président.
Le but à peine dissimulé est d’empêcher l’Allema-
gne de développer son implantation commerciale
en Haïti, ce qui lui assurerait une position dange-
reuse dans les Caraïbes. L’impulsion américaine
entraîne une amélioration des équipements, une
organisation de l’administration et de l’instruction.
Parallèlement, l’armée haïtienne est dissoute et les
insurrections se multiplient.
Les travaux sont marqués par la brutalité de la
répression américaine face aux travailleurs forcés
mais aussi par les affrontements sanglants entre
les «cacos» (milices paysannes haïtiennes) et les
Américains. En 1922, les Etats-Unis s’engagent à
apporter une aide économique en contrepartie de
l’occupation. C’est pendant cette période que Cap
Haïtien est équipé d’un nouveau wharf. La crise de
1929 réduit les exportations et les paysans haïtiens,
frappés par les taxes, protestent. Les Américains se
retirent finalement en 1934.
27Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
La rencontre d’une population et d’une îleLa mise en place balbutiante de la République Haïtienne
IV. Le retour des troubles et des présidents dictateurs (1934 - 1990)
Les Américains laissent derrière eux une démo-
cratie chancelante qui fait place à des querelles de
familles ou de clans pour obtenir la présidence du
pays.
En 1950, l’armée destitue le populaire Jean
Dumarsais Estimé et organise des élections qui
donnent la présidence au colonel Magloire à 99%.
Quand celui-ci doit abandonner le pouvoir face aux
grèves en 1956, l’armée réorganise plusieurs élec-
tions jusqu’à ce que Duvalier soit élu fin 1957.
L’élection de François Duvalier marque le début
du régime dictatorial en Haïti. La mise en place de
son pouvoir personnel s’appuie sur une milice pa-
ramilitaire (les «tontons macoutes») et l’épuration
de l’armée. Il interdit les partis d’opposition et
écarte l’ancienne élite mulâtre du pouvoir. Son fils
lui succède en 1971 mais il laisse la corruption pro-
gresser et se refuse à être aussi répressif que son
père. Il est contraint à l’exil à 1990.
La dynastie des Duvalier s’est fondée sur le
recours aux superstitions vaudous et aux références
locales (image du macoute notamment). Ce faisant,
elle a contribué à alimenter les tensions internes au
pays.
VI. Une démocratie qui peine à s’installer (1990 - aujourd’hui)
De nombreux troubles parasitent les tradition-
nelles élections organisées par l’armée, jusqu’à ce
que les Etats-Unis réussissent à imposer des élec-
tions. En 1990, les Haïtiens élisent Aristide, prêtre
qui se fait l’avocat des pauvres. Il est renversé
l’année suivante par un putsch militaire. Les Nations
Unies décrètent un embargo. Le pays est plongé
dans l’instabilité et l’autoritarisme.
Les Américains interviennent avec le soutien
du Conseil de sécurité de l’ONU en 1994 en débar-
quant 20 000 soldats. Aristide est rétabli dans ses
fonctions mais son mandat se termine l’année sui-
vante et René Préval lui succède. En 2000, Aristide
revient au pouvoir mais le pays est alors contesta-
taire et la répression violente. L’opposition s’orga-
nise (groupe des 184) et sous la pression des forces
de l’ONU, Aristide est contraint à l’exil en 2004.
Les élections de 2006 donnent la victoire au
successeur d’Aristide : René Préval. Les Nations
Unies prolongent la mission des casques bleus de la
MINUSTAH. Haïti est aujourd’hui dans une situation
économique difficile. Ce pays peu urbanisé pour
l’instant est en plein exode rural...
L’accession à l’indépendance, à partir d’une interprétation locale de la Révolution Française, marque fortement les esprits et institue la notion de liberté comme valeur fondatrice.
Cependant, ce goût de la liberté ne se double pas d’une rancune envers les colonisateurs et les échanges culturels sont nombreux. De France, des missions haïtiennes rapportent une architecture balnéaire et des techniques constructives modernes par exemple.
la période d’occupation américaine a également enrichit la culture haïtienne. Le jazz afro-américain vient s’ajouter aux rythmes cubains et africains déjà présents sur l’île, renforçant un syncrétisme marquant l’identité locale
28 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
Election de François Duvalier
1957
Election d'Aristide
1990
Coup d'étatExil d'Aristide
1991
Succession de son �ls Jean-Claude
1971
1987
adoption d'une nouvelle
Constitution
Election de Leslie Manigat
Coup d'état
1988
Election de René Préval
1995
Election d'Aristide
2000
1993
Embargo des Etats-Unis sur Haïti
Retour d'Aristide
1994
Dictature Troubles et violences
Exil d'Aristide
2004
1996
Création d'un Fond de gestion des collectivités
territoriales
Instabilité et autoritarisme
Intervention des Américains :Envoi de 20 000 soldats
Rétablissementde l'ordre
Organisation de l'opposition :Groupe des 184
2004
Pression des forces
de l'ONU
Election de René Préval
2006
2006
Prolongement de la mission des casques
bleus
Contestationpopulaire
L’histoire politique récenteSource: Production personnelle
29Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
Synthèse - La rencontre d’une population et d’une île
De la colonisation à l’indépendance (1492-1789)Présence de peuples Taïnos vivant dans la région du Cap Haïtien•
Découverte de l’île d’Ayiti en 1492 par Christophe Colomb. •
Exploitation des mines d’or de l’île par les colons espagnols, mise en • esclavage des populations indigènes puis importation de populations.
Abandon de la partie occidentale de l’île•
Colonisation française de peuplement et développement économique tout •
au long du XVIIème siècle. La ville du Cap Haïtien est créée en 1670 et devient
un port important.
Des pratiques culturelles qui fondent l’identité créole (langue, danses • et rythmes, religion vaudou...)
La conquête de l’indépendance (1789-1804)
Une révolte d’esclaves menée par Toussaint-Louverture pour obtenir l’indé-•
pendance de cette partie de l’île et l’abolition de l’esclavage.
Haïti devient en 1804 le premier pays indépendant de population majoritai-•
rement noire.
Une nation divisée (1804-1915)
Division du pays en différents Etats (royaume d’Henri Christophe dans le •
nord du Pays)
En 1820, Boyer réunifie le pays mais laisse place à l’instabilité politique •
chronique due à des tensions internes préexistantes
Modernisation de l’économie durant la deuxième moitié du XIXème•
L’occupation américaine (1915-1934)
Mise sous influence américaine et lancement d’une série de grands travaux de •
modernisation (nouveau wharf au Cap Haïtien)
Crise de 1929 et nouvelles taxes sur les paysans entraîne des protesta-•
tions. Les Américains se retirent finalement en 1934.
Nouvelles périodes de troubles et dictature Duvalier (1934-1986)
Le pays entre dans une nouvelle période de troubles où les coup d’états militai-•
res laissent finalement place à la dictature de François Duvalier et celle de son fils
de 1957 à 1986.
Une nation créole Réinstallation de la démocratie menacée par les crises (1990-aujourd’hui)
La dictature laisse le pays dans le chaos et le retour de la démocratie est imposée •
par la communauté internationale avec l’aide de l’ONU.
Une démocratie qui peine à s’installer•
Depuis 2006, le René Préval est le président de la fragile République haïtienne.•
30 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
31Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
Après des décennies de systèmes politiques plus ou moins
autoritaire, la Constitution de 1987 pose les bases de la nouvelle
République Haïtienne.
Le pays a entamé une réforme de décentralisation afin de
donner un véritable pouvoir aux collectivités locales. La réforme
n’étant pas achevé à ce jour, les compétences des collectivités ne
sont pas clairement définies.
Le pays, marqué par des problèmes de corruption ainsi
qu’une faible prise en compte de l’intérêt général, la population
haïtienne exprime une certaine méfiance à l’égard du nouveau
gouvernement.
L’Etat d’Haïti qui connaît depuis plus d’un quart de siècle
des difficultés de tout ordre peine à trouver son équilibre malgré
la présence et le soutien de la communauté internationale.
Une gouvernance encore fragile
32 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
Une gouvernance encore fragileUne organisation démocratique parlementaire récente
Depuis la fin des régimes Duvalier en 1986, Haïti
a connu une situation particulièrement mouvemen-
tée entre périodes de crise politique et tentatives
d’instauration d’un Etat démocratique.
Cependant, depuis 2006, une stabilité relative
a été instaurée avec le soutien de la communauté
internationale.
Les institutions actuelles sont régies par la
Constitution du 29 mars 1987, fortement inspirée
de la Constitution française de 1958. Elle consacre
une démocratie basée sur la séparation des pou-
voirs exécutif, législatif et judiciaire. Tout comme
la Constitution française, elle instaure un régime
parlementaire dans lequel l’exécutif doit disposer
de la confiance de la majorité parlementaire pour
gouverner, qui peut le contraindre à démissionner
en cas contraire (vote de censure, article 129-4,
Constitution 1987). Cependant, l’exécutif n’a pas
le pouvoir de dissoudre le pouvoir législatif (article
119, Constitution 1987).
L’exécutif est donc scindé en deux. D’une part,
le chef de l’Etat, élu au suffrage universel pour cinq
ans renouvelable une fois, représente la continui-
té de l’Etat. Il s’agit de René Préval depuis 2006.
D’autre part, le gouvernement mené par le premier
ministre assume la conduite de la politique natio-
nale sous le contrôle de l’assemblée parlementaire.
L’Etat, aujourd’hui fragile, doit se prémunir
contre le risque de l’instabilité gouvernementale.
Depuis le renversement d’Aristide en 2004, quatre
premiers ministres se sont succédés. Le dernier,
Mme Michèle Pierre-Louis a été destituée par le
Sénat le 30 octobre dernier par le vote de la motion
de censure. Lors de la destitution du premier mi-
nistre Jacques-Edouard Alexis, il avait fallu 6 mois
avant de lui trouver un remplaçant et le vide du
pouvoir avait paralysé l’aide internationale. C’est
Jean-Max Bellerive, ancien ministre de la planifica-
tion de la coopération externe qui a succédé à Mme
Pierre-Louis.
Le pouvoir législatif est composé de deux cham-
bres, la chambre des députés élue au suffrage uni-
versel direct pour 4 ans renouvelée intégralement,
et le Sénat élu au suffrage universel direct pour 6
ans renouvelée au tiers tous les deux ans. Il vote
les lois dont l’initiative revient aussi bien à chacune
des deux chambres qu’au pouvoir exécutif. Les deux
chambres ne peuvent en aucun cas être dissoutes.
La constitution garantit l’indépendance judi-
ciaire. Le système judiciaire est organisé en trois ju-
ridictions : le tribunal de première instance, la Cour
d’appel en deuxième instance et enfin la Cour de
cassation, qui juge sur la forme.
Les juges sont nommés par le Président de la
République à partir d’une liste fournie par le Sénat
pour les juges de la Cour de Cassation et ceux des 5
cours d’appel, et à partir d’une liste fournie par les
assemblées départementales et communales pour
les 15 tribunaux de première instance et les 200 tri-
bunaux de paix.
René Préval, Préseident de la République d’HaïtiSource : Xinhua/Reuters
33Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
L’Etat est assisté par diverses institutions natio-
nales spécialisées autonomes qui font des recher-
ches dans différents domaines, ou qui gèrent des
services publics. Parmi elles, l’Institut de sauvegar-
de du patrimoine national (ISPAN) nous intéresse
tout particulièrement.
I. Une institution de sauvegarde du patimoine national, l’ISPAN
L’ISPAN, placé sous la tutelle du Ministère de
la Culture et de la Communication, a été créé en
octobre 1979 par arrêté présidentiel.
Il a pour mission de réaliser l’inventaire des
monuments et des sites historiques, de mener des
actions de restauration, de conservation et de mise
en valeur des Monuments historiques, et enfin de
promouvoir le patrimoine historique immobilier na-
tional et international.
II. Les actions menées par l’ISPAN
Depuis 1979, l’ISPAN a mis en oeuvre différents
chantiers de restauration (Palais Sans Souci et de la
Citadelle Henri) et a réalisé un inventaire du patri-
moine national. Par ailleurs, depuis juin 2009, il fait
paraître une revue mensuelle, Le Bulletin électro-
Carnet d’adresses des institutions et services de l’Etat :- Institut haïtien des statistiques et de l’informatique (Port-au-Prince) - Centre National de l’Information de Géo-Spatial (Port-au-Prince)- Laboratoire national du bâtiment et des travaux publics (LNBTP)- Service National Eau Potable (Port-au-Prince)- Electricité d’Haïti (Port-au-Prince)- Chambre de commerce et de l’industrie du Nord- Autorité portuaire nationale (Port-au-Prince, Cap Haïtien)- Institut de sauvegarde du patrimoine national, (Port-au-Prince, Cap Haïtien)- Archives nationales d’Haïti (Port-au-Prince)- Bibliothèque nationale d’Haïti (Port-au-Prince)- Direction générale des impôts (Port-au-Prince, Cap Haïtien)- Banque de la République d’Haïti (Port-au-Prince)
Une gouvernance encore fragileDes institutions autonomes aides à la décision de l’Etat
nique, traitant des sites et monuments historiques
d’Haïti.
III. Des moyens financiers insuffisants pour mener des actions
Dans son dernier bulletin de novembre 2009,
l’ISPAN fait part de ses inquiétudes face au budget
octroyé par l’Etat pour l’année 2009-2010.
En effet, l’enveloppe budgétaire pour l’exercice
2009-2010 attribuée pour le fonctionnement de
l’ISPAN est de 15.487.065 Gourdes dont 96 % seront
allouées aux salaires. En revanche, il n’a pas été at-
tribué de budget d’investissement.
L’ISPAN se voit contraint à trouver d’autres
moyens de financement par le biais de dons et
subventions pour pouvoir continuer à mener des
actions en faveur de la protection du patrimoine.
Un bulletin électronique,à la sauvegarde du patrimoine nationalL’Institut de Sauvegarde du Patrimoine National (ISPAN) lance aujourd’hui le premier numéro de BULLETIN DE L’ISPAN. Cette modeste publication paraît dans un contexte particulièrement difficile : graves problèmes économiques, conflits sociaux, mise en place longue et difficile des institutions démocratiques, dysfonctionnement de l’administration publique, dérèglements en-vironnementaux entraînant des inondations à répétition, causant des pertes de vies et de biens, y compris de biens immobiliers à haute valeur culturelle, ...Les esprits sont ailleurs, l’avenir inquiète… à juste titre.La crise a également des conséquences
particulièrement sévères sur la vie de nos institutions culturelles : coupure drastique de leur budget, perte en ressources humaines, moyens de fonctionnement extrêmement réduits, …En dépit de toutes sortes de difficultés tant financières que logistiques qu’il traverse, l’Institut de Sauvegarde du Patrimoine National espère fermement que la publication régulière de ce media traitant de nos sites et monuments historiques permettra de garder en mémoire et à l’esprit l’importance de la sauvegarde du Patrimoine pour le développement de notre pays et d’en tenir compte dans les réflexions et les décisions, afin que les choix qui en découleront soient
intelligents et durables. Pour leur valeur culturelle, artistique, historique et cognitive, certes, mais également pour l’apport fondamental que le patrimoine culturel est appelé à jouer dans le développement économique par le biais du tourisme.Depuis sa création en 1979, en plus des importants travaux de restauration réalisés à la Citadelle Henry, au Palais de Sans-Souci,
Sommaire• Un bulletin électronique à la sauvegarde
du patrimoine national.• Le centre historique de Jérémie, un
patrimoine en péril.• La chronique des monuments historiques
BULLETIN DE L’ISPAN est une publication de l’Institut de Sauvegarde du Patrimoine National destiné à informer le public sur l’actualité de la protection et la mise en valeur des biens immobiliers à valeur culturelle et historique de la République d’Haïti. Communiquez votre adresse électronique à [email protected] pour recevoir régulièrement le BULLETIN DE L’ISPAN. Vos critiques et suggestions seront grandement appréciées. Merci.
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• Le 79 de la rue Monseigneur-Beaugé, Place des Trois-Dumas, centre historique de Jérémie.
BULLETIN DE L’ISPAN • No 1 • 1er juin 2009 • 1
ISPANAngle des rues Chériez et Alix-Roy
Port-au-Prince HT 6117
Haïti
24.45.31.18
24.45.32.11
34 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
La constitution de 1987 crée trois catégories
de Collectivités Territoriales constituant autant de
paliers territoriaux de représentation politique,
de décision et de gestion des affaires publiques
locales. Le cadre juridique de la décentralisation a
été précisé avec l’adoption, le 1er février 2006, de
la Charte des Collectivités Territoriales (5 décrets)
sous le gouvernement de transition. Il s’agit du
cadre de référence actuel, malgré les controverses
qu’il continue de susciter.
I. Un niveau de représentation des intérêts locaux : la section communale
Le Conseil administratif de la section commu-
nale (CASEC), composé de trois membres (un pré-
sident et deux adjoints) élus au suffrage universel
direct pour un mandat de quatre ans, exécute les
décisions prises par l’Assemblée de la section com-
munale (ASEC). Il existe en tout 565 sections com-
munales.
La Section Communale, selon la Charte des Col-
lectivités Territoriales, « est le premier cadre de re-
groupement, de mobilisation et de participation de
la population. Elle est le premier échelon de prise
de décision collective et de prise en charge directe
des services publics de proximité, de planification et
de gestion des ressources locales ».
II. Un niveau de mise en oeuvre des politiques : la commune
La commune est une entité territoriale inter-
médiaire englobant plusieurs sections communa-
les. L’exécutif est entre les mains d’un Conseil muni-
cipal, composé de trois membres (un maire et deux
maires adjoints) élus au suffrage universel direct
pour quatre ans. Il met en oeuvre les décisions
votées par l’Assemblée municipale, véritable parle-
ment local formé par les représentants des sections
communales. Il existe 133 communes.
Selon la Charte des Collectivités Territoriales,
la « Commune a pour vocation d’assurer la priori-
sation et l’harmonisation des intérêts collectifs des
Sections Communales qu’elle regroupe. Elle prend
en charge les services collectifs de proximité dont
la loi lui confie la responsabilité ainsi que ceux qui
pour une raison ou pour une autre ne peuvent être
assurées par les Sections Communales. Elle assure
également la planification stratégique du dévelop-
pement communal ».
Ainsi, le Conseil municipal, dans les limites de
son territoire, intervient en matière de développe-
ment et d’aménagement du territoire ; de gestion
du domaine foncier ; de gestion de l’environnement
; de la santé ; de l’éducation et la formation profes-
sionnelle ; de la culture, des sports et des loisirs ; de
la protection civile et de la sécurité publique ; des
pompes funèbres et des cimetières ; de l’eau et de
l’électricité ; des marchés et des abattoirs.
La population de la commune du Cap Haïtien,
située dans le département du Nord, a élu à la tête
du conseil municipal Michel Saint-Croix et ses deux
adjoints Philoclès Saint-Fleur et Fritz Joseph. L’équi-
pe municipale est entrée en fonction le 27 mars
2007.
III. Un niveau de planification et de stratégie : le département
Le département est l’entité territoriale la plus
grande. Il est administré par un Conseil départe-
mental, composé de trois membres élus pour quatre
ans par l’Assemblée départementale, formée par un
représentant de chaque assemblée municipale. Les
départements assument des compétences d’ordre
politique et stratégique. Il existe 10 départements.
Une gouvernance encore fragileL’administration locale : une décentralisation inachevée...
35Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
Ouest
Sud EstSud
NippesGrande Anse
Centre
Artibonite
Nord Ouest
Nord
Nord Est
Mirogoâne
Les Cayes
Jérémie
Jacmel
Port-au-Prince
Hinche
Gonaïve
Fort Liberté
Cap Haïtien
Port-de-Paix
N
Selon la Charte des Collectivités Territoriales
, le Département doit assurer « la priorisation et
l’harmonisation des intérêts collectifs des commu-
nes qu’il regroupe. Il coordonne la définition et la
mise en oeuvre des politiques de développement
et d’aménagement du territoire élaborées par les
collectivités qui le constituent ».
La Constitution introduit également un organe
de représentation commun des collectivités ter-
ritoriales, le Conseil Interdépartemental (CID) qui
assiste le pouvoir exécutif dans la définition des po-
litiques de développement du pays.
IV. D’autres entités administratives pour l’accueil des services déconcentrés
Deux autres divisions administratives ont éga-
lement été mises en place : l’arrondissement (41),
intermédiaire entre la commune et le département,
qui, sous le contrôle du vice-délégué, gère et coor-
donne des services de l’Etat ; et le quartier, entre
la section communale et la commune qui ne joue
aucun rôle dans l’organisation politico-administra-
tive.
Une décentralisation a bien été introduite dans
la Constitution de 1987, mais dans les faits, le fonc-
tionnement des collectivités territoriales se heurte
à la question de la formation des agents et aux
lacunes, voire aux contradictions, des textes de loi
les encadrant.
Département
Commune
Capitale
Chef-lieu de département
Limites administrativesOrganisation administrativeSource : internet
36 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
Les collectivités territoriales jouissent d’une
autonomie administrative et financière qui découle
directement de leur statut de personne morale. Les
ressources financières sont de deux natures : la fis-
calité locale et les dotations de l’Etat.
I. La fiscalité locale, l’apanage des communes
La fiscalité locale a été établie depuis le début
du XIXe siècle pour permettre aux communes de
disposer de ressources. Elle est composée d’une
série de taxes, d’impôts et de redevances.
En fait, deux impôts rassemblent la majeure
partie des recettes de la fiscalité des communes. Il
s’agit de la patente, taxe sur les activités économi-
ques, et de la contribution financière sur les pro-
priétés bâties (CFPT). Pour l’exercice 2000-2001,
elles représentaient 80 à 95 % des recettes de la
fiscalité des communes.
Cependant, la fiscalité locale n’apporte que de
faibles recettes. En effet, la réticence des maires à
taxer leurs administrés, l’obsolescence de certaines
taxes ou encore la pauvreté de la population sont
quelques unes des raisons qui expliquent la faibles-
se des recettes fiscales.
D’autre part, la concentration des activités et
de la population dans la région capitale rend de
Les ressources à la disposition des collectivités
territoriales sont encore assez limitées et la plus
grande partie est soumise à des fluctuations de
rentrée (dotations de l’Etat). Pour 2000-2001, elles
représentaient seulement 3% du budget national.
De ce fait, les collectivités territoriales sont
dans l’incapacité de fournir les services de base es-
sentiels à la population.
toute façon les recettes de la plupart des commu-
nes dérisoires. En effet, pour 2000-2001, les quatre
communes de l’agglomération de Port-au-Prince
collectaient les 3/4 des recettes fiscales totales des
communes.
En fait, les dépenses des communes ainsi que
des départements et des sections communales sont
largement financées par des subventions de l’Etat.
II. Les dotations de l’Etat
La création d’un Fond de gestion et de dévelop-
pement des collectivités territoriales (FGDCT) par
la loi du 28 mars 1996 a permis de pérenniser et
d’augmenter les subventions de l’Etat vers les col-
lectivités territoriales.
Il est alimenté par un ensemble de différentes
taxes pas toujours liées à l’activité des collectivités,
parmi lesquelles les taxes sur le prix de vente du
paquet de cigarettes, sur les primes d’assurance,
sur les plaques ou vignettes d’immatriculation de
véhicules, etc.
Le FGDCT est ensuite réparti entre les différen-
tes collectivités. Une bonne moitié revient d’abord
aux conseils municipaux, puis une autre part im-
portante (environ 30%) aux CASEC, et le reste est
partagé entre les différentes assemblées et le
conseil départemental.
Une gouvernance encore fragile... Et une autonomie financière insuffisante
Les impôts et taxes perçus par les communes :- la patente- la contribution foncière sur les propriétés bâties- les certificats de vente de bétail- les droits d’alignement- la taxe d’étalonnage- les concessions de terrain dans les cimetières- la vente des animaux épaves- la taxe sur les animaux épaves- la taxe sur les échoppes, tonnelles, ajoupas- les certificats de bonne vie et moeurs- la taxe sur les matériaux et denrées sur la voie publique.- la taxe sur le numérotage des maisons- les droits d’abattage des animaux- le produit de l’expédition d’actes administratifs- la taxe sur les jeux autorisés- le produit de certaines amendes.
37Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
I. Le sentiment de méfiance du peuple haïtien vis-à-vis des élites politiques
Suite aux décennies de corruption et d’abus
de pouvoir de la part de l’élite politique, la popula-
tion haïtienne est extrêmement méfiante vis-à-vis
de ses représentants politiques et a du mal à croire
au changement. Même si depuis quelques années,
des efforts ont été réalisés par l’Etat afin de lutter
contre ce problème majeur. En 2004, une unité an-
ticorruption, une unité d’investigation financière
et une commission pour l’examen des transactions
réalisées par le gouvernement entre 2001 et 2004
ont été créées.
Néanmoins, d’après l’indice de perception
de corruption élaboré par l’ONG Transparence In-
ternationale, les dysfonctionnements liés à la cor-
ruption de l’Etat haïtien sont encore nombreux, il
occupe une des dernières places au classement et
son indice a même légèrement chuté entre 2006
et 2008. En 2006, Haïti occupe la 163e et dernière
place avec un indice de 1,8/10 et en 2008, la 177e
place sur 180 avec un indice de 1,4/10.
II. Le faible rôle des intellectuels dans la politisation de la population
Devant les agissements de l’élite politique, la
population se montre parfois découragée, n’atten-
dant plus rien des pouvoirs publics. C’est le cas des
plus petits et des plus pauvres, qui sont peu mobi-
lisés et organisés politiquement. D’autant plus que
les intellectuels n’ont pas réussi pendant longtemps
à jouer leur rôle d’agitateurs d’idées et à peser sur
les décisions politiques.
Ils n’ont pas toujours réussi à partager leur
point de vue et à débattre avec la population. En
premier lieu, ils ont bien souvent utilisé le fran-
çais comme vecteur de communication alors que
le peuple connait quasi exclusivement le créole.
D’autre part, la forme écrite est leur mode d’expres-
sion privilégiée, or le pays comprend plus de 80%
d’analphabètes. Cependant les nouveaux médias,
radios et télévisions, semble atténuer légèrement
cette incompréhension entre le peuple et les intel-
lectuels.
Mais c’est surtout le pouvoir, se méfiant des
intellectuels, qui a cherché à éviter que le mou-
vement d’idée ait un impact sur la population, et
n’a longtemps admis que les discours partisans. De
ce fait, le peuple se méfie des intellectuels perçus
comme élément constitutif du pouvoir.
De plus, les intellectuels sont concurrencés
dans leur rôle de leader d’opinion par d’autres per-
sonnalités, en particulier religieuses, prêtres, pas-
teurs ou hougans et mambos (prêtres et prêtresses
vaudous) selon les cas.
Cependant, il a toujours existé une littérature
engagée : romans, poésies, essais dont les auteurs
ont été persécutés, bannis ou assassinés. La dias-
pora a, en outre, joué un rôle important dans cette
littérature d’opposition.
III. La montée des associations militantes
L’histoire d’Haïti montre que la population n’a
pas toujours été docile et absente des débats. Une
partie du peuple a bel et bien tenté de s’organiser
et de se révolter.
Chassés des terres ayant appartenues aux
colons par les militaires, les paysans dès l’indépen-
dance ont mené des révoltes. Dans les années 1940,
le monde ouvrier et les classes populaires urbaines
ont organisé une revendication générale. Les syndi-
cats ont alors été reconnus constitutionnellement
en 1946.
Les associations militantes, longtemps inter-
dites par le pouvoir, prennent aujourd’hui de plus
en plus d’importance dans l’espace public et parti-
cipent au débat. On peut citer en exemple, Initia-
tive Citoyenne, une association du nord du pays qui
cherche à rassembler les organisations démocrati-
ques.
Une gouvernance encore fragileLa société civile face au pouvoir : entre méfiance et revendications
38 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
(DCP) entre la France et Haïti, guide de l’action de
la coopération française pour les cinq prochaines
années (2008-2012).
Celle-ci couvre un large champ : appui aux ins-
titutions (police, justice, décentralisation), aide aux
développement économique et social (infrastruc-
tures de transport, agriculture, éducation, santé).
La France s’appuie sur différents organismes pour
mener ces actions et notamment sur l’Agence Fran-
çaise de Développement (AFD).
Neuf opérations sont engagées à ce jour dont
la plus importante en volume (38,5 M€) est la
construction du tronçon routier de 44 km entre
Hinche et Saint Raphaël, sur la future route reliant
Port-au-Prince au Cap Haïtien.
L’Union Européenne s’est également inscrite
dans cette démarche en apportant un soutien fi-
nancier aux PME, au développement rural, et en
finançant la construction d’infrastructures, notam-
ment la réhabilitation de la route liant Cap Haïtien à
Dajabon qui longe le littoral et établit une liaison de
qualité avec Saint-Domingue. En 2007, 28 millions
d’euros ont été affectés à un programme d’entre-
tien routier et 26 millions d’euros à une aide bud-
gétaire.
En général, les ONG jouent un rôle crucial pour
l’élargissement de l’accès de la population, rurale
en particulier, aux différents services sociaux. Elles
représentent un secteur d’acteurs très variés.
En effet, on retrouve toutes les grandes ONG in-
ternationales sur le territoire haïtien oeuvrant dans
un panel de domaines très larges. Mais les ONG
haïtiennes sont très actives également, comme par
exemple Zanmi Lasante, qui procure des soins de
très grande qualité aux séropositifs dans le milieu
rural.
Les ONG sont extrêmement actives dans les
domaines de l’éducation et de la santé.
III. L’action de la coopération bilatérale
Certains Etats ont adopté des programmes
d’aide au développement avec Haïti. On retrouve
parmi eux les Etats-Unis (premier bailleur bilaté-
ral avec 150 à 200 millions USD d’engagements
annuels), le Canada (deuxième bailleur bilatéral
avec 520 millions USD prévus pour la période 2006-
2011) ou encore l’Espagne (12 millions de USD en
2007).
La France s’est engagée à hauteur de 30 millions
d’euros à travers le Document Cadre de Partenariat
Les crises politiques des vingt dernières années
ont affaiblis le pays et aujourd’hui l’Etat a besoin
d’un accompagnement pour fournir les services
publics essentiels à la population, lutter contre la
pauvreté, et relancer la croissance économique.
Ainsi on constate la présence sur le territoire
haïtien d’un nombre important d’acteurs gouverne-
mentaux issus de coopérations bilatérales ou mul-
tilatérales et d’acteurs issus des organisations non
gouvernementales.
I. La constitution d’un cadre général de coopération
Au cours de l’année 2007, le Gouvernement
haïtien a élaboré en concertation avec la société
civile et le secteur privé un Document de Stratégie
Nationale pour la Croissance et pour la Réduction
de la Pauvreté (DSNCRP) en novembre 2007.
Il constitue le document cadre de la politique
de développement du pays et s’articule autour de
trois piliers : la croissance économique, le dévelop-
pement humain et la gouvernance démocratique.
Afin de mieux coordonner les différentes
actions des partenaires d’Haïti, ceux-ci devront ins-
crire leur démarche dans le cadre du DSNCRP.
II. L’action des ONG
Une gouvernance encore fragileUne présence importante de la communauté internationale
39Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
agit dans de nombreux secteurs et en particulier sur
l’éducation de base, les transports, l’aménagement
du territoire et l’énergie et a consacré 62 millions
de dollars US en 2006-2007. Le FMI apporte une
assistance technique et financière dans différents
domaines.
IV. L’action de la coopération multilatérale
De nombreux organismes de coopération mul-
tilatérale sont à l’oeuvre sur le territoire haïtien de
l’Organisation des Nations Unies (ONU) au Fonds
Monétaire International (FMI) en passant par la
Banque Interaméricaine de Développement (BID).
Ainsi, l’ONU a mandaté pas moins de 9 de ses
agences : l’Organisation des Nations Unies pour
l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Fonds des
Nations unies pour l’enfance (UNICEF), le Pro-
gramme des Nations Unies pour le développement
(PNUD), l’Organisation des Nations Unies pour
l’éducation, la science et la culture (UNESCO), le
Bureau de la coordination des affaires humanitaires
(OCHA), le Programme commun des Nations Unies
sur le VIH/sida (ONUSIDA), le Fonds des Nations
Unies pour la population (UNFPA), l’organisation de
la santé panaméricaine (PAHO) et le Programme ali-
mentaire mondial (PAM).
L’ONU a également engagé une mission pour la
stabilisation d’Haïti, la MINUSTAH.
Une première mission de maintien de la paix
avait été engagée en octobre 1994, la UNMIH
(United Nation Mission in Haïti). La période de crise
de la fin des années 1990 a mis fin à la UNMIH, et il
faudra attendre 2004 pour voir un retour de l’ONU
et des bailleurs de fonds en général.
La MINUSTAH a donc été établie le 1er juin 2004
pour assurer un climat sûr et stable et apporter une
aide opérationnelle à la Police Nationale d’Haïti qui
dans la fin des années 1990 avait été infiltrée par
des gangs.
Chacune des organisations de coopération mul-
tilatérale finance un certain nombre de program-
mes dans des domaines variés.
La BID est un des partenaires financiers de
premier plan d’Haïti, elle a participé à hauteur de
150 millions de dollars US en 2006-2007 au finan-
cement d’infrastructures et à l’aide à la relance
économique par l’agriculture. La Banque Mondiale
La MINUSTAH à Cap HaïtienSource : Google image
40 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
Synthèse - Une gouvernance encore fragile
Un Etat démocratique parlementaire
Depuis 2006, la Constitution de 1987 est appliquée. Elle consacre un régime •
parlementaire fondé sur la séparation des pouvoirs exécutif, législatif, et judi-
ciaire.
Parmi les institutions autonomes au service de l’Etat, l’Institut de Sauvegar-•
de du Patrimoine National (ISPAN) chargé de l’inventaire, de la conservation et
de la protection du patrimoine haïtien est un de nos interlocuteurs privilégiés.
Les collectivités territoriales
Une décentralisation des pouvoirs a été organisée par la Constitution en •
faveur de 3 collectivités territoriales : le département, la commune et la section
communale.
Concrètement, les collectivités bien qu’elles jouissent d’une autonomie ad-•
ministrative et financière manquent de moyens financier, matériel et humain
et souffrent d’une mauvaise définition de la répartition des compétences.
La présence des acteurs internationaux
La communauté internationale vient en aide à l’Etat haïtien dans de nom-•
breux domaines (de la gouvernance à la construction d’infrastructures) et sous
différentes formes (financier, appui technique).
On distingue trois types d’acteurs : ceux issus de la coopération multilaté-•
rale (ONU, FMI, Europe...), ceux issus de la coopération bilatérale (Etats-Unis,
Canada, France) et enfin les ONG.
41Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
42 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
Le Tourisme
Parc National Historique
N
Point d'intérêtPlageParc National Historique
Atouts touristiques
Aéroport international
Aérodrome
Pont RougeFort
Mission Batiste
Arcahaie
Baie de Petit GoâveRelais de l'empereur
Côte des Arcadin
Mont BiennacTemples
Ravine à Couleuvre
Palais aux 365 portesCrète à Pierrot
Grottes deSaint Francisque
BassinZime
Grotte deCerca-la-Source
Saut d'Eau
Fort et BatterieForts
Forts Français
Grotte de Trou Bon DieuGrotte de Gremelle
Fort Français
Grotte du Bassin
Forts
Saut de Baril
Fort Français
Fort MarfancFort Télémarque
Parc National Macaya
Gratte dePort-à-Piment
Musée du Paysan
Forteresse des Platons
Saut Mathurine
Grotte Kounoubois
AnseDufour
Fort des Anglais
Bassin bleu
Manoir Alexandra Maison Vital
Plagela Saline
Fort ogéMoulin Price
Grotte Troin MarassaForêt des Pins
Cascade Pichon
Parc national de la visite
Grotte du Bassin
Port au Prince
Jacmel
Palais Sans SouciCitadelle la Ferrière
Cap Haïtien
Hinche
De part son histoire, ses caractéristiques géographiques et climatiques, Haïti présente de nombreux atouts
et notamment dans la région du nord. La situation politique et sociale du pays n’a cependant pas permis au
tourisme de se développer comme dans le reste des Caraïbes.
Cependant le potentiel de développement touristique est une des réponses choisies par le gouvernement
aux problèmes économiques du pays. Ainsi, il semble s’accélérer et les projets se multiplient bien que les
moyens nécessaires à leur réalisation ne soient pas toujours réunis.
Source : Réalisation personnelle
43Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
Le tourismeEvolution des années 1960 à nos jours
Le tourisme en Haïti se décline en deux grandes
catégories : les touristes de séjour passant plus de
24 heures dans le pays et les excursionnistes ou
croisiéristes qui passent moins de 24 heures dans
le pays.
I. Le tourisme de séjour
Durant les années 1960-1970, Haïti figure
parmi les destinations les plus prisées de la Caraïbe
et attire des personnalités importantes originaires
du Canada, d’Allemagne, de Suisse et des Etat-Unis
notamment pour la culture, l’art, l’artisanat, l’histoi-
re, les produits de luxe (bijoux, parfums) ainsi que
pour le trio plage, mer, soleil. Par conséquent, l’île
a développé plusieurs établissements touristiques
(hôtels, restaurants, boutiques, casinos, galeries)
ainsi que des activités et services professionnels as-
sociés (tours opérateurs, guides, transporteurs).
Les années 1980 sont marquées par une sta-
gnation du tourisme en Haïti alors qu’il est en pleine
croissance dans le reste des pays des Caraïbes du
fait de l’inadéquation des structures d’accueil
vieillissantes, de la publicité néfaste autour du Sida
et des problèmes d’insalubrité et d’instabilité po-
litique, vecteurs d’insécurité. La clientèle interna-
tionale est alors progressivement remplacée par la
diaspora haïtienne.
Les années 1990 sont marquées par une accen-
tuation du retard en terme de développement tou-
ristique s’expliquant notamment par une instabilité
politique et un isolement du pays (embargo de 1992
à 1994), qui l’empêche de mettre en place les nou-
velles bases nécessaires à la relance du tourisme.
On observe également une mutation des struc-
tures d’accueil. En 1980, les hôtels accueillaient 65%
des touristes. A partir de 1985, les maisons privées
(offrant un standing plus bas) accueillent la majorité
des touristes, 53% en 1985, 82% en 1995.
0
20000
40000
60000
80000
100000
120000
140000
160000
1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005
Evolution du nombre de tourisme en Haïti de 1960 à 2005Source : Réalisation personnelle
Origine des touristes en 2005Source : Réalisation personnelle
Etats-Unis
Canada
France
République dominicaine
Des Antilles
Autre
44 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
Les croisières Royal Caribbean passant par Haïti (Labadie)Source : Réalisation personnelle
II. La diminution de l’offre de service
La baisse de l’activité touristique durant ces
années a eu pour conséquence une diminution
de la qualité des services offerts qui s’est manifes-
tée à travers un manque de prise en charge, une
mauvaise qualité d’information, une inefficacité du
mode de transport et une absence de commodités
dans les sites touristiques. La tendance des opéra-
teurs locaux à délaisser le secteur s’illustre notam-
ment avec une diminution de la capacité hôtelière
passant de 3000 chambres dans les années 1980 à
2800 en 1999 et 1100 aujourd’hui. Une majorité de
ces chambres se trouvent à proximité de Port-au-
Prince et sur la côte des Arcadins.
III. Tourisme et économie
Période % du PIB
1985-1991 4,3
1992-1995 2,8
1995-2003 1
Tableau de l’évolution des dépenses des touristesdans le PIB
Il existe plus d’une vingtaine de taxes et droits
perçus sur les activités touristiques. Ces taxes ont
augmenté, notamment pour faire face à la baisse
de la fréquentation touristique. Le budget générale-
ment alloué au secteur touristique reste insuffisant
pour répondre aux besoins du secteur. Le tourisme
a contribué à la création d’emplois directs (hôtels,
agence de voyages, tours opérateurs, restaurants,
transports etc.) et indirects (agriculture, bâtiments,
services public, banques etc.). Cependant, le pays
souffre aujourd’hui d’un manque de ressource
humaine qualifiée nécessaire aux exigences du
secteur.
IV. Le tourisme de croisière
Du milieu des années 1980 au début des
années 2000, le tourisme de croisière connaît une
hausse importante. Le pays comptait 80.000 ex-
cursionnistes en 1985 et 357.442 en 2001. Le tou-
risme de croisière a connu un baisse dans le début
des années 2000 puis a repris sa progression en ne
cessant de s’accroître (480.000 personnes en 2007).
Toutes les croisières proposant une escale sur l’île
d’Haïti accostent dans la baie de Labadie, une plage
située au nord du pays, à 6 km du Cap Haïtien.
45Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
Développement touristiqueTypologie du tourisme
Le tourisme d’affaire
Cette forme de tourisme est favorisée
par l’organisation de congrès, de sémi-
naire, de colloques et de réunion d’af-
faire. Il se concentre dans les grandes
villes qui ont la capacité d’accueillir
d’organiser ces manifestations qui gé-
néralement regroupent les administra-
tions centrales et les grandes usines de
fabrication, de transformation.
Le tourisme sportif
Ce type de tourisme attire une popula-
tion assez jeune et s’organise dans des
régions bénéficiant d’équipements im-
portants mais surtout d’un cadre pro-
pice à l’activité sportive en question.
Le tourisme culturel
Ce type de tourisme s’adresse à des
personnes intéressées par des visi-
tes culturelles (sites, expositions,...).
Le patrimoine dans tous les sens du
terme est également un élément re-
cherché. Ce créneau est fortement
représenté par des personnes du
3éme âge mais pas seulement.
Le tourisme balnéaire
Considéré comme le tourisme classique, le
tourisme balnéaire draine un tourisme de
masse. Les critères primordiaux sont, au-delà
du contexte paysager et climatique, la sécuri-
té, la qualité des prestations, l’animation et la
tranquillité absolue. Le tourisme balnéaire est
une destination pour les baigneurs, mais peut
également concerner les sportifs. La concur-
rence internationale est importante et offrir
des prestations de qualité (hygiène, sécurité,
prix abordables, avec un hébergement de
proximité) est le moyen pour être compétitif.
Le tourisme de montagne
Les touristes de montagne s’intéres-
sent aux excursions de type randon-
nées. Ce type de tourisme n’a pas
besoin d’un grand confort en ce qui
concerne le logement mais demande
un effort particulier pour l’accès des si-
tes. Il peut prendre la forme d’un tou-
risme dit durable.
Le tourisme éducatif ou d’étude
Présent dans les grandes villes où se
trouvent les grandes écoles et univer-
sités, ce tourisme concerne les parti-
cipants aux conférences, séminaires,
colloques et particulièrement les étu-
diants et les chercheurs. Ce tourisme
se produit tout au long de l’année et
peut représenter des masses impor-
tantes.
Le tourisme de croisière
Ces touristes sont logés sur des
bateaux souvent de grande capa-
cité et font escale chaque jour dans
des régions ou pays différents. Ces
escales sont l’occasion de faire des
excursions sportives, culturelles, de
découverte de paysages et sites sin-
guliers ou de profiter des plages et
de la mer.
Le tourisme de loisir et de dépaysement
Ces touristes apprécient particulièrement évo-
luer loin des bruits, loin de la pollution, dormir
sous les étoiles, en bivouac. C’est un tourisme
d’aventure recherché par une catégorie bien
précise de clientèle qui aime l’évasion pour
s’oublier durant leur vacances, pour se ressai-
sir et pour être prêt à reprendre le travail avec
un sang nouveau. Ce tourisme connaît une
croissance importante.
46 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
Développement touristiqueTypologie du tourisme durable
Le tourisme vert / rural
Il est le seul moyen qui peut permettre la création d’une
économie rurale durable capable de sédentariser les
habitants des campagnes, par la création d’auberges,
de gîtes ruraux, de fermes auberges offrant un mini-
mum de confort à la clientèle de cette cible. Ce genre
de tourisme devient de plus en plus important d’où la
nécessité de multiplier les efforts pour la satisfaire. A ce
titre il est primordial d’améliorer les accès menant vers
ces zones touristiques et d’y installer une infrastructure
de base (eau potable, électricité...). De même qu’il est
souhaitable de garantir aux touristes la sécurité et la
qualité des prestations.
Le tourisme social
Il a pour but de permettre l’ac-
cès de tous aux vacances. Il cor-
respond à des personnes à bas
revenus qui partent en voyage
par le biais d’association ou
d’organisme à caractère social.
Ce créneau s’intéresse égale-
ment aux jeunes qui organi-
sent des voyages d’études. Les
jeunes représentent une partie
importante ce cette catégorie.
Le tourisme solidaire, équitable
Le tourisme solidaire se caracté-
rise par la mise en place d’actions
de solidarité prenant la forme de
projets touristiques qui sont en
même temps de véritables projets
de développement local : leurs res-
sources sont reversées en grande
partie aux populations locales.
Idéalement, ces projets sont gérés
par celles-ci.
Tourisme éthique, responsable
Le tourisme éthique à pour objectif de
développer des pratiques socialement
et écologiquement plus respectueuses
par les acteurs traditionnels du tou-
risme.
L’écotourisme
L’écotourisme est un tourisme axé sur la recherche du
contact avec la nature avec notamment des observa-
tions de la faune et de la flore, et des cultures tradi-
tionnelles. Il cherche à restreindre ses retombées sur
l’environnement naturel et socioculturel.
Le tourisme durable
Il doit être un outil économique,
social et écologique avec une pri-
se en compte des écosystèmes et
des populations locales tout en
développant leur économie. C’est
un concept de compromis, parfois
contradictoires.
47Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
Le tourismeStratégie, politique et programme
I. Jusqu’aux années 1990
La politique de l’Etat haïtien en matière de
développement touristique était principalement
orientée vers la promotion, dans le but d’assurer
une présence du pays sur les marchés internatio-
naux. Cette orientation politique n’a pas permis la
mise en place des bases d’un tourisme pérenne.
Suite à la baisse de l’activité touristique, les années
1980 sont marquées par la prise de conscience de
la nécessité d’une planification du développement
du secteur.
II. Le plan directeur 1996-2003
En 1994, le gouvernement haïtien définit
comme prioritaire la question du tourisme. Un Plan
Directeur du Tourisme sera publié en 1996. Ce plan
identifiait deux catégories de produit touristique :
le naturel (l’écotourisme, les découvertes marines,
les sports nautiques, les parcs naturels et les ran-
données) et le culturel (l’histoire, les monuments,
les traditions, les croyances et les productions ar-
tistiques). Partant de ce constat, le plan d’aména-
gement préconisait trois types de tourismes : bal-
néaire, de croisière et intérieur.
L’objectif principal du plan était d’attirer le tou-
riste côtier vers l’intérieur des terres avec la création
de circuits à thème partant des stations balnéaires
vers l’intérieur des terres pour une expérience de
découverte ou de retour aux sources. Jusqu’en
2001, seulement trois des recommandations du
Plan Directeur ont été réalisées. Des actions de pro-
motion ont été entreprises auprès de la diaspora
haïtienne, des études et des plans d’aménagement
ont été réalisés pour la Côte des Arcadins (mais pas
appliqués) et une équipe d’experts a travaillé sur un
rapport relatif à l’établissement de l’Institut de For-
mation Touristique d’Haïti.
Suite à ce constat, en mars 2001, le gouver-
nement haïtien a reformulé sa stratégie pour les
années 2001-2006 en définissant trois axes de dé-
veloppement.
Le premier concernait l’investissement touris-
tique, notamment l’amélioration du cadre normatif,
la recherche de partenaires investisseurs, le déve-
loppement des infrastructures d’accueil, la mise en
valeur du patrimoine touristique.
Le second était la promotion, notamment pour
la réhabilitation et la restauration de l’image du
pays.
Le troisième portait l’éducation pour améliorer
le savoir-faire en matière de gestion du tourisme
et le dernier était la gouvernance avec le renforce-
ment institutionnel.
Suite à cette actualisation du plan directeur,
ont notamment été réalisés : la promulgation du
Code des Investissements, l’inventaire des lois et
normes constituant le cadre légal du secteur, la
création du Ministère du Tourisme, les campagnes
de sensibilisation auprès des communautés locales,
des médias et des touristes nationaux, l’établisse-
ment d’une base de collaboration pour un partena-
riat secteur public/secteur privé, l’encadrement des
communautés locales, l’élaboration des procédures
administratives pour l’examen des dossiers d’inves-
tissement.
Toutes ces réalisations ont permis aux opéra-
teurs du secteur touristique d’Haïti d’avoir confian-
ce en la capacité de l’Etat et de ses institutions à
développer le tourisme. Par conséquent, une tren-
taine de projets d’investissement ont été entrepris
par la population qui présentait un intérêt croissant
pour le secteur du tourisme.
48 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
Le tourismeLa région nord pour relancer le tourisme
Le schéma d’aménagement touristique de
la région Nord est une version révisée du Plan de
Développement Touristique de 1996. Les mesures
énoncées ci-après on été mises en forme en 2007
suite à la stabilisation de la situation politique du
pays.
I. La baie de Labadie
La baie de Labadie où se trouve le port de croi-
sière de Labadie est, selon le Ministère du Touris-
me, avec le Parc National Historique et la Citadelle
le point de départ vers le retour d’Haïti sur la carte
du Tourisme mondial. Destination de tourisme bal-
néaire avec cette plage, la région nord du pays a
les potentialités pour développer et diversifier le
tourisme du pays. Elle est d’ailleurs déclarée zone
touristique prioritaire puisqu’elle est prédisposée à
attirer les différents types de tourismes.
En 2008, l’Etat s’est engagé à protéger les
bassins versants menant à la baie de Labadie. Un
wharf qui permet l’accostage des nouveaux bateaux
de capacité plus importante a été construit. L’ouvra-
ge est cofinancé par l’Etat haïtien et la Royal Carib-
bean Cruises (l’exploitant) à hauteur de 50% chacun.
Les projections concernant la visite du Parc Histori-
que par les croisiéristes avancent un chiffre de 20%
de passagers. Par conséquent, le Plan Directeur de
Tourisme prévoit le développement important d’in-
frastructures répondant à ce développement.
II. L’accès au parc historique depuis Labadie
Le parc national historique est crée le 23 août
1978, il couvre une superficie de 25 km². Il comprend
le plus important complexe monumental historique
de la Caraïbe : La Citadelle Laferrière, le Palais Sans
Souci et les Sites Fortifiés des Ramiers.
Deux circuits principaux d’excursions sont pro-
posés :
Un premier circuit ira de Labadie au Parc Natio-
nal Historique, en passant par la Baie de l’Acul où il
est prévu la construction d’un débarcadère. La route
devrait être accompagnée d’un aménagement qui
revaloriserait l’habitat et le paysage tout en évitant
de dénaturer la zone.
Le deuxième circuit est celui de Labadie - Cap
Haïtien. L’état de congestion actuel de la ville re-
quiert la création d’autres pôles urbains de dévelop-
pement ainsi que la réalisation des travaux d’assai-
nissement. Un nouveau système de transport des
touristes permettant d’atteindre Milot (commune
sur laquelle se trouve la Citadelle) depuis Labadie
est en projet.
Plage de LabadieSource : www. wehaitians.com
49Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
III. La Citadelle La Ferrière
Un funiculaire prendrait la relève en déposant
les visiteurs à l’entrée de la Citadelle. Parallèlement
sont prévues des infrastructures d’attractions tout
le long du parcours et notamment un belvédère, un
amphithéâtre et une salle de projection fournissant
des informations sur le Parc. Un restaurant (200 et
300 personnes) et d’importantes attractions sont
programmées à la Citadelle.
IV. Le Palais Sans Souci
Le Plan Directeur du Tourisme prévoit égale-
ment la construction d’un centre d’accueil à l’en-
trée du Palais Royal Sans Souci afin d’améliorer les
conditions sanitaires et d’accueil des visiteurs, de
protéger et entretenir le monument patrimonial. Un
parking public, des espaces verts, un bloc sanitaire,
Le tourisme est le secteur d’activité amené à jouer un rôle central dans le développement économique d’Haïti.La beauté des paysages, la richesse de la flore et des fonds marins et la diversité patrimoniale et culturelle constituent les atouts majeurs pour un développement touristique, s’appuyant sur le tourisme de masse présent dans les Caraïbes.Cependant, « Touristifier » un espace insulaire n’est pas neutre, surtout sur des territoires aux sociétés fragiles ; fragilité identitaire, fragilité du patrimoine naturel et historique.Le respect et la mise en valeur de tous les patrimoines et par conséquent la mise en cohérence de l’activité touristique et des sources environnementales sont indispensables pour s’adapter aux demandes touristiques actuelles et pour favoriser un développement local durable et viable permettant une pérennisation de l’activité.
un espace multifonctionnel culturel, un pavillon
d’accueil, des salles de projection, une médiathè-
que, une boutique de souvenirs, un café terrasse,
une salle d’infirmerie et un bureau de gestion sont
également prévus.
V. Des difficultés dans la réalisation
L’exécution des projets a subi des revers suite
au passage des intempéries en 2008 poussant le
gouvernement à orienter les fonds vers d’autres
priorités en termes d’infrastructures. Au cas où les
perspectives de financement et de construction
des infrastructures précitées du Parc national histo-
rique se matérialisaient, une relance économique
d’importance dans la zone pourrait s’en suivre. Les
visiteurs étrangers, ceux de la diaspora et la clien-
tèle locale pourraient découvrir ou redécouvrir un
patrimoine historique convenablement aménagé
La Citadelle La FerrièreSource : Google Image
Le Palais Sans SouciSource : Google Image
50 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
Synthèse - Le tourisme
Evolution du tourisme
Dans les années 1960-1970, Haïti est une des destinations les plus prisées •
du tourisme et les structures d’accueil se sont développées en conséquence.
A partir des années 1980, le tourisme décline en raison du climat politique •
instable. Parallèlement, les structures disparaissent et les infrastructures et la
qualité des services se dégradent.
Les potentiels de développement
Pourtant, le tourisme est un formidable levier pour le développement éco-•
nomique d’autant plus que Haïti possède des richesses naturelles, culturelles
et historiques.
La baie de Labadie, à 6 km du Cap Haïtien, accueille un tourisme de croi-•
sière essentiellement américain. Actuellement, il s’agit d’un pôle touristique
hermétique puisque les touristes ne s’aventurent pas en dehors des structures
d’accueil et de la plage.
La stratégie : développer le tourisme en s’appuyant sur le département du nord
L’Etat a engagé une réorganisation normative en matière de tourisme à partir de •
2001 pour rassurer les investisseurs.
La nouvelle stratégie repose sur le développement du tourisme dans la région du •
nord dans laquelle plusieurs pôles de développement ont été identifiés (Labadie, le
Parc Historique National, la Citadelle la Ferrière et le Palais Sans Souci). Il est ques-
tion de créer des circuits reliant ces différents sites.
Cap Haïtien, avec son patrimoine historique colonial, pourrait constituer l’un de •
ces pôles.
51Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
52 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
Cap Haïtien
Cap Haïtien bénéficie d’une situation privilégiée de par sa
localisation sur les bords d’une baie protégée par une barrière
de corail, qui accuse aujourd’hui une destruction importante.
Cette situation en bord de mer a permis le développement d’une
ville portuaire isolée du reste du pays par une topographie ac-
cidentée. Cap Haïtien est ainsi plus tournée vers la République
Dominicaine que vers Port-au-Prince et le reste d’Haïti.
La forme urbaine des villes dépend largement de la pré-
sence de règlements façonnant leur développement. Ainsi, au
Cap Haïtien, après chaque catastrophe, la ville a été reconstruite
selon un plan identique mais avec des styles et techniques diffé-
rentes.
Actuellement, l’explosion démographique tend à détériorer
le site originel de la ville autant que ses abords. Le développe-
ment spontané constitue par conséquent un risque réel pour le
patrimoine du centre-ancien comme pour sa préservation.
53Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
Carte des ventsSource : Réalisation personnelle
Cap HaïtienUn site favorisé mais étroit
Le centre historique et l’ensemble des mornes
de la partie ouest de la baie reposent sur une pile
volcano-sédimentaire du crétacé dont l’épaisseur
est estimée à plusieurs milliers de mètres. Cette
structure s’avère nettement plus stable que la zone
orientale composées de cônes d’épandages fluvia-
tiles fruits de l’érosion passée des montagnes mais
dont le processus n’est pas achevé.
1km
N
O c é a n A t l a n t i q u e
L e Mo r n e d
u C a p B a i e
d u
C a p - H a ï t i e n
La Petite Anse
Le Bas-Cap
Ri v
i èr e
M a n g r o v eM a n g r o v e
La baie du Cap Haïtien et les sites d’implantations d’origine
Source : Réalisation personnelleGéologie du Cap Haïtien
Source : Réalisation personnelle
La sédentarisation sur le site du Cap Haïtien est
due aux boucaniers et au commerce qu’ils ont ins-
tauré avec les flibustiers sur l’île de la Tortue. Deux
sites émergent où se concentrent les populations.
Le Bas-Cap, au pied du Morne du Cap à l’ouest de
la baie et la Petite Anse qui se trouve, quant à elle,
en fond de baie. Les mangroves constituent des
terrains difficilement utilisables. Les colons français
privilégieront, quant à eux, le site du Bas-Cap qui
deviendra le Cap Français.
I. Le choix du site d’implantation II. Des vents cléments, un climat favorisé
Le site jouit d’un vent du large qui, sans être
trop fort, apporte une agréable fraîcheur et rend
les températures tropicales plus supportables. Si ce
vent provoque sur les mornes environnantes des
précipitations parfois abondantes qui ruissellent
et ravinent dangereusement les flancs dominant
la ville, il n’en demeure pas moins que les précipi-
tations annuelles sont dans la région nord près de
trois fois inférieures à celles de Port-Au-Prince.
III. Un sous-sol stable
Roches sédimentaires
Calcaires : terrasses d'abrasion marine
Conglomérats et calcaires
Andésites
Argiles et roches volcaniques
Cap Haïtien
Vents (m/s)
< 4
4 - 4,5
4,6 - 5
5,1 - 5,5
5,6 - 6
6,1 - 6,5
6,6 - 7
7,1 - 7,5
7,6 - 8
> 8 Cap Haïtien
54 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
Cap HaïtienChronologie de la ville
Durant cette période, Cap haïtien est la première ville
d'Haiti, son activité commer-ciale, culturelle... sont
1807
Capitale du royaume du nord dirigé par Chris-tophe
Proclamation de l'indépendance
1670 - 1711Création de la ville
1697
Premier tracé de la ville :
Plan en échéquier
1694 Incendie
Nouveaux quartiers en périphérie de la ville qui font éclater ses limites
Partage de l'île entre la France et l'Espagne.
1697 Instabilité politique, succession de régimes repressifs et de régimes de tutelle
Apprentissage des techniques constructives européennes : architecture balnéaire
1995
Cap Haitien est classée comme
patrimoinenational
1804
1915 - 1934Occupation américaine
1957 - 1986Duvalier1712 - 1804
La ville coloniale
1739
du fort Picolet
1820
Boyer conquiert le Cap
1807 - 1820Cap-Henri
Scission du pays
1806
Boyer rétablit l'unité
1820
1842Séisme
1821 - 1842Développement rural
1843 - 1890Reconstruction
1870
Lancement de projets d'équipement
1890 - 1915Ouverture
Chute de Boyer
1843
1734 Incendie
1793 Incendie
1802 Incendie provoqué par Christophe
1865 Incendie du port et de l'arsenal
Election d'Aristide
2000
CATASTROPHES
Source : Production personnelle
55Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
Cap HaïtienLa ville coloniale : une implantation appropriée par la population
I. Une forme urbaine coloniale
Si Cap Haïtien est proche de l’un des premiers
sites découverts lors des expéditions de Colomb,
la première cité urbanisée par les colons fut San-
to-Domingo en 1586. C’est alors qu’est choisie la
forme de ville qui sera appliquée dans la politique
de colonisation. Le caractère dominant en est l’im-
plantation d’îlots orthogonaux selon un plan hippo-
damien inspiré de l’efficacité et de la régularité de
la ville antique.
Implanté au fond de la baie, le Cap Haïtien a
déployé ce même type de damier sur la totalité
d’une plaine de 120 hectares, de forme trapézoïda-
le, bordée à l’est par la mer et au nord par les escar-
pements du Poirier, du morne Lory et Bel-Air. A la
pointe sud, la plaine est fermée par les marécages
de la rivière. La ville a connu depuis sa fondation de
nombreux changements mais ce principe originel a
été respecté dans le centre historique. Le plan ainsi
dessiné occupait dès sa mise en place l’ensemble
des terrains urbanisables de qualité. Ne restaient
donc que les marécages ou les flancs des mornes.
II. Rôle de l’économie dans le développement de la ville
Assez vite, une économie très structurée va
succéder au commerce des boucaniers et engen-
drer une infrastructure urbaine plus complexe.
L’agriculture se développe, le gouvernement colo-
nial encourage le système de grandes plantations
de l’indigo et de la canne à sucre (premier moulin à
sucre créé en 1685).
Même si la ville, conçue selon un principe d’ex-
traterritorialité, n’est qu’une rotule entre la colonie
et la métropole, le commerce nécessite des équipe-
ments spécifiques, à commencer par le port, et des
entrepôts. Par ailleurs, le développement d’une ad-
ministration coloniale implique la construction d’un
conseil supérieur, d’un palais du gouvernement et
de casernes et, surtout, la résidentialisation d’une
partie de la ville par les administrateurs.
L’émergence de cette vie urbaine va s’accom-
pagner de la création de places et d’un début de
hiérarchisation de l’espace. Se dessinent peu à peu
une zone portuaire, une zone de grand commerce,
une zone de moyen et petit commerce et une zone
fortifiée.
III. Morphologie urbaine du centre ancien
Les îlots du Cap Haïtien sont plus larges que les
îlots parisiens à la même époque ; les rues font 7.60
m contre 2 ou 3 à Paris.
La trame est très dense, réduisant le rapport
de l’espace privé sur l’espace public. Les îlots sont
à l’origine divisés en quatre, chaque angle étant
occupé par une construction mitoyenne en L, gé-
néralement à un étage marqué par un corridor en
façade.
L’architecture civile manifeste sans doute plus
vite une adaptation à l’environnement antillais. Le
corridor en façade en est un exemple de même que
l’organisation de la vie de l’îlot autour d’une cour
équipée d’un puits.
En 1711, une ordonnance royale officialise
l’existence de la ville coloniale du Cap-Français qui
devient ainsi la capitale de la colonie de Saint-Do-
mingue (alors partie occidentale de l’île). L’espace
est alors le domaine de la couronne de France. A
cette époque la tendance, déjà existante, d’une
reprise des modes d’urbanisation européens va se
développer.
56 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
Malgré les destructions successives qui ont affecté la ville, le plan de naissance du Cap Haitien a toujours été conservé.Les matériaux sont recyclés dans la reconstruction lorsque cela est possible.
Plan du Cap, XVIIIème siècleSource : Gallica
57Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
I. Modernisation sous Henry Christophe
Le Cap est alors la deuxième ville après Port-
au-Prince. C’est le seul port de l’Atlantique pendant
plusieurs années, au centre d’une région fertile.
Le Roi Henry Christophe en fera sa capitale et y
construira tout selon les techniques du XVIIIème
siècle (caserne, arsenal, administration). Quelques
ruines coloniales seront réutilisées. Des oeuvres
architecturales remarquables (construction de la
citadelle, du Palais Sans Souci), des travaux d’urba-
nisme (pavage des rues, restauration de l’église, de
l’hôpital) vont rythmer son règne.
L’établissement d’un règlement urbain permet
Cap HaïtienCatastrophes et reconstructions : conservation du plan d’origine, modification des règles de construction
A l’origine largement construite en bois ou en
palme et théâtre d’une intense activité, la ville subit
une série de catastrophes, particulièrement des in-
cendies, parfois des séismes accompagnés de raz-
de-marées.
En 1694, un incendie détruit la ville. C’est à la
suite de cet événement que la ville a adopté le tracé
en damier encore visible aujourd’hui. L’alignement
des constructions qui en découle permet un déve-
loppement architectural homogène.
En 1721, une ordonnance interdit de couvrir les
constructions de taches ou de tête de cannes pour
prévenir les incendies
une homogénéisation des constructions. Le Code
Henry définit la distance des ouvrages, les vues sur
la propriété voisine, l’évacuation des gouttières.
Si ce n’est par l’ampleur et l’ambition des travaux
conduits, le Cap, devenu haïtien, reprend les mêmes
principes d’aménagement que la ville coloniale.
En 1802, lors de la lutte pour l’indépendance,
Henry Christophe n’hésitera pas à brûler la ville
plutôt que de capituler.
II. De la ruine à l’industrialisation
En 1842, la quasi-totalité de la ville est détruite
dans un séisme. Ce séisme est suivi d’épidémies qui
dévastent la population - 5000 morts - laissant place
à une ville fantôme. La majorité des matériaux dé-
blayés est ré-employée dans les reconstructions et
la plupart des îlots seront reconstruits sur le tracé
et les anciennes fondations de la ville coloniale.
La ville mettra plus de trente ans à se remettre de
cette tabula rasa.
Ce n’est en effet qu’avec l’industrialisation
que la croissance économique et démographique
Les ruines du palais Sans SouciSource : Google Image
Gravure représentant l’un des incendies (1723)Source :
58 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
repart. Des industries agro-alimentaires se dévelop-
pent, des manufactures, un réseau de chemin de
fer. L’embourgeoisement de la population permet
une évolution de l’architecture domestique. Les
traditionnels corridors en façade se parent de fer-
ronneries et les balcons deviennent le support d’un
nouvel art ornemental. Si le principe de l’aligne-
ment sur rue est alors abandonné, de même que la
mitoyenneté, la morphologie de la ville conserve le
plan antérieur au séisme, toujours cantonné dans la
modeste plaine côtière.
III. L’ouverture au commerce international
La guerre de Sécession aux Etats-Unis a permis
l’ouverture d’un marché avec Haïti. Des échanges
commerciaux et technologiques s’instaurent entre
les deux pays. Plusieurs travaux d’infrastructures
sont engagés notamment l’exportation de café à
prix élevé. Les installations portuaires sont moder-
nisées (construction d’un wharf en 1878), l’éclaira-
ge urbain, des bâtiments de douanes, des marchés
(marché de Clugny, construit par Eiffel, en 1896)
sont établis. Les liaisons vers l’intérieur sont amé-
liorées par la mise en place du chemin de fer, ainsi
que part la construction d’un pont sur la rivière du
Haut Cap. A la fin du XIXème siècle, la ville semble
s’être relevée.500 m
N
Ri v
i èr e
Mornes >50 m
Plaine côtière
Baie du Cap et rivière
Equipement
Places publiques principales
Port
Mairie
Cathédrale
Marché
Plan du Centre du Cap HaïtienSource : Production personnelle
59Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
Si la ville a connu alors de nombreuses phases,
la cohérence de l’ensemble urbain n’a jusqu’alors
pas été mise à mal, le «modernisme» s’associant
harmonieusement avec l’ancien style colonial en
usant un langage architectural fait de porches sous
arcades, de balcons sur fenêtres et de petites cours.
La ville ne se serait alors pas étendue de plus de
30% depuis le début du XVIIIème. Elle ne dépas-
sait sans doute pas les 20 000 habitants avant les
années 1940.
III. L’explosion urbaine
Ce n’est que depuis les années 1960 que le site
s’est trouvé bouleversé par une explosion démo-
graphique qui n’a pu être canalisée par une urbani-
sation planifiée. Les données des trois derniers re-
censements indiquent que la population de la ville
est passée de 24.423 habitants en 1950, à 45.688
habitants en 1971 puis à 64 406 habitants en 1982.
Depuis la croissance s’est accélérée et les estima-
tions fluctuent entre 300.000 habitants et 800.000
pour les plus généreuses.
Sur la carte des phases d’urbanisation, on voit
clairement que la surface urbanisée a explosé à une
date récente. Pourtant, cette extension n’est pas du
I. Le berceau de l’indépendance
La ville connaît les premiers affrontements de
la guerre d’indépendance, symbole de la libération
des esclaves. Sandonax y reconnaît l’abolition de
l’esclavage en 1793. Les troubles révolutionnaires
conduisent à un exode massif des colons hors de
l’île croisé avec une arrivée massive des anciens es-
claves. La population est donc bouleversée.
L’organisation spatiale coloniale avec ces
espaces fermés éclatent et on assiste à une nouvel-
le organisation plus tournée vers la région. Après la
déclaration d’indépendance, le Cap Français devient
Cap Haïtien.
II. L’occupation américaine
L’occupation américaine se traduit par l’implan-
tation de grandes entreprises agro-alimentaires ; le
Cap doit faire face à un afflux massif de paysans dans
les quartiers populaires, tandis que la bourgeoisie
gagne les zones du Bel-Air et du Haut-du-Cap ainsi
que la bande du nord. L’urbanisation se développe
et de nouveaux quartiers émergent. C’est de cette
époque que date la pratique de désigner les rues
par des chiffres et des lettres de même que le style
victorien de certaines maisons.
Cap HaïtienLes phases de l’urbanisation
tout à la mesure de la progression démographique
annoncée.
IV. Le développement des bidonvilles
Si le site jouissait à l’origine de nombreux
atouts, aujourd’hui, Cap Haïtien apparaît d’abord
comme un site bouleversé et exsangue.
Le défrichement intensif et l’explosion démo-
graphique récente ont induit une dégradation de
l’environnement et un développement des bidon-
villes. Les versants pentus des mornes ont imposé
à la ville une croissance en longueur. Les terrains
marécageux des mangroves, seules opportunités
d’extension mais exposés aux inondations sont
envahis par les constructions. Ces constructions
spontanées accélèrent le ravinement et l’érosion
des sols. La question de la gestion des déchets n’est
pas résolue et la ville croule sous les «fatras».
L’explosion démographique s’explique par
des raisons familiales (le chef de famille parti à la
ville est rejoint par le reste de la famille), écono-
miques (l’agriculture étant en déclin, les paysans
viennent tenter leur chance en ville), de santé (les
zones de provenance des nouveaux habitants sont
60 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
dépourvues d’hôpitaux ou de centre de santé) et
d’éducation (les familles souhaitent scolariser leurs
enfants).
Le tissu urbain des bidonvilles se caractérise
par des constructions rapprochées constitué le
plus souvent en béton sans aucune fondation. Il
est parfois nécessaire de passer dans certains loge-
ments pour en atteindre d’autres. De plus, la plupart
des habitations sont en état de surpeuplement. Il
n’y a pas d’évacuation des eaux de pluies, ni de sa-
nitaires. Les déjections ainsi que tous les déchets
sont mis dans des sacs plastiques jetés à la mer. La
ville n’est pas équipée d’un réseau d’eau potable et
la population est sujette à la propagation de nom-
breuses maladies comme la tuberculose.
En matière de construction, aucune loi spécifi-
que ne porte sur la limitation des hauteurs et la dis-
tribution spatiale. Les constructions de cinq étages
sont les plus courantes. Le permis de construire
n’est jamais exigé car ignoré. De fait, il n’y a pas
de censure architecturale ou urbanistique (hormis
l’obligation de payer la taxe d’alignement). L’ab-
sence des services publics en matière de contrôle,
d’organisation, de formalisation conduit à une dé-
gradation croissante de la situation urbaine.
1723
1734
1780
1788
1963
1994
Aujourd'hui
1km
N
Phases de l’urbanisation du Cap Source: Production personnelle
61Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
I. L’émergence d’un style colonial
A première vue la morphologie du Cap Haïtien,
par son architecture importée de la métropole,
peut sembler comme plaquée sur un territoire sans
prise en compte de ses spécificités et de sa culture
locale.
L’architecture s’inspirant des modèles euro-
péens prend donc une forme néoclassique répé-
titive qui se singularise portant par des toitures
végétales (taches) mais également mansardées. Si
les constructions sont le plus souvent en bois, elles
miment la pierre par la peinture ou des ornements
tels que des pilastres.
A partir de 1718, la ville cherche à se moderni-
ser. Ainsi la maçonnerie apparaît avec la construc-
tion d’une église et en 1721, une ordonnance in-
terdit de couvrir les constructions de taches ou de
tête de cannes afin de prévenir les incendies. le bois
sera encore longtemps utilisé mais cette ordonnan-
ce témoigne d’une volonté de prendre l’architec-
ture européenne pour modèle. Florissante, la ville
est alors surnommée le Paris de Saint-Domingue,
comme si la qualité de l’urbanité tenait à la ressem-
blance avec la capitale de la métropole. Les rues au
tracé viaire à la recherche d’une pureté classique
sont constituées de trottoirs en briques et portent
des noms de saints ou d’administrateurs mais pas
de personnalités locales. Il en est de même pour les
places dont la toponymie est constitutive du phéno-
mène d’aculturation urbaine.
Cependant la ville est avant tout un centre
urbain où les échanges maritimes ont une impor-
tance prépondérante. Ainsi le tissu urbain se den-
sifie autour du port révélant une vocation écono-
mique qui se caractérise naturellement par les
activités portuaires et le négoce.
II. L’architecture coloniale tropicale
Alors que les codes stylistiques sont propre-
ment européens, le recours à des matériaux locaux
ainsi que le nécessité des dispositifs architecturaux
pour pallier à l’humidité et à la chaleur caractéris-
tiques du climat ont permis à l’architecture de se
constituer une identité propre.
Cap HaïtienArchitecture du centre ancien
62 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
III. Le code Henry et les mutations archi-tecturales
L’indépendance est suivie d’une scission du
pays. La ville devient la capitale de la partie nord
et prend le nom de Cap Henry. Cette époque voit
la construction de monuments importants dont le
palais sans souci. Le roi Henry met en place tout un
ensemble de réglementations équivalentes au code
civil : le Code Henry.
La première moitié du XIXe siècle est marquée
par une mutation architecturale en Europe. Le
langage architectural moderne emprunte des élé-
ments issus de styles antérieurs divers et donne
naissance à différentes tendances : néo-gothiques,
néo-classiques, revivals, etc. Parallèlement, la bour-
geoisie haïtienne confirme son pouvoir économi-
que et politique et stimule le développement de ces
styles architecturaux comme moyen de valorisation
sociale, se conformant ainsi à l’usage européen de
l’architecture, tout en cherchant à les faire s’adap-
ter au contexte haïtien. Ainsi la ville voit apparaitre
des constructions en dentelle de bois (apparenté au
style victorien) aussi bien que des édifices en fer.
A la faveur de la révolution industrielle euro-
péenne du XIXe siècle, les usines anglaises, françai-
ses et belges produisent des éléments d’architecture
modulaire, tels que balcons, frises, vérandas, esca-
liers, etc., ou même des édifices entiers tels que ré-
Règles d’urbanisme du code Henry
Règles d’urbanisme et de construction :
- «de la distance des ouvrages intermédiai-
res requise pour certaines constructions
- des vues sur la propriété d’un voisin
- de l’égout des sols»
Règlement sur les servitudes :
- «le propriétaire d’un fonds inférieur est
obligé de recevoir les eaux qui découlent natu-
rellement d’un fonds plus élevé
- servitude d’utilité publique (réparation des
chemins et autres ouvrages publics)
- murs et autres clôtures = contribution à son
entretien
- distance minimum de 5 pieds du mur mi-
toyens pour tout puits creusé, 1/2 pieds pour
construction de fours, cheminée
- pas de fenêtre et ouverture pour les murs
mitoyens
- écoulements des eaux ne peuvent s’écouler
chez le voisin
- droit de passage»
sidences, gares de chemins de fer, marchés, halles,
églises, théâtres, ou encore kiosques à musique, tri-
bunes, phares, miradors, réservoirs, ect., tous pré-
fabriqués, démontables, transportables et proposés
à la clientèle du monde entier sur catalogue.
IV. L’après tremblement de terre de 1842
Le tremblement de terre de 1842 marque un
tournant, la ville est presque entièrement détruite.
Les maisons seront reconstruites avec les décom-
bres. Les matériaux sont donc réinsérés dans les
nouvelles constructions. La plupart des îlots sont
reconstruits sur le tracé de la cité coloniale. Par
ailleurs, les maisons basses et les rez-de-chaus-
sée des maisons à étages sont refaits de la même
manière.
A la fin du XIXe siècle, beaucoup de balcons
couverts sont ajoutés sur les façades. Certains élé-
ments industrialisés apparaissent sur ces balcons.
Des architectes haïtiens ayant fait leur étude en
France apporte alors de nouvelles possibilités au
Cap Haïtien avec un développement d’une forme
d’architecture dite balnéaire en vogue à l’époque.
Cette architecture est caractérisée par une volumé-
trie verticale, qui inclue balcons et galeries exté-
rieurs, par des éléments de charpente très affirmés,
mais aussi par l’utilisation d’une ornementation en
bois découpé ou tourné.
63Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
VI. L’essor économique (1890-1915)
Les exceptionnelles récoltes de café permet-
tront à la ville du Cap de s’engager sur la voie de
l’équipement. Les services publics sont conforta-
blement installés et cette époque voit la construc-
tion de demeures particulières inspirées des hôtels
particuliers construits en France sous Napoléon III.
Ainsi, c’est une architecture plus compliquée qui
caractérise cette période : comble mansardés, lu-
carnes, jardins privatifs sont les premiers signes de
cela.
Des entreprises de constructions comme celles
de Godard Phaeton et Alciné Balthazar joueront un
rôle particulièrement important à cette époque.
Parmi les constructions à noter : la maison d’Anté-
nor Firmin, celle du général Papillon, l’Hôpital justi-
Mais cette époque est surtout marquée par un
équipement de la ville important. Ces équipements
sont préfabriqués en France (structure métallique)
et permettent de lutter contre les incendies.
Le début du XXème siècle voit émerger le
béton armé et la tôle ondulée. Les charpentes
sont plus légère et les pentes de toits plus faible.
Des industries de briqueteries s’installent au Cap.
De plus, l’équipement moderne de la ville continue
pendant l’occupation américaine. L’architecture des
constructions se rapprochent du «wood siding» très
répandu aux Etats-Unis.
V. L’ouverture vers l’extérieur (1861-1890)
A l’occasion de la guerre de Sécession aux Etats
Unis, des relations sont établies avec la Louisiane.
Un incendie dévaste une centaine des maisons
des quartiers du port et de l’arsenal en 1865, et près
de 150 autres autour du marché et le long de la rue
espagnole.
nien ainsi que l’évêché (détruit par un incendie puis
reconstuit à l’identique en 1908) sont des lieux re-
présentatifs du moment.
Du point de vue des matériaux, la tôle ondulée
modifiera la volumétrie des toits en permettant
des constructions plus légères, les constructions les
plus conservatrices la masqueront côté rue par un
bandeau mouluré. La tuile mécanique est impor-
tée.
Le béton armé arrive en 1905 à Port-au-Prince.
Il ne sera utilisé au Cap que plus tardivement. L’ar-
chitecture de dentelle de bois, importée de France
par les premiers haïtiens diplômés sur place ne
sera que peu utilisée au Cap. Ca et là, on rencon-
tre cependant des éléments de garde-corps et de
planches de rive de bois découpés qui évoquent ce
style.
64 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
La dégradation (1950 à nos jours)
Les contraintes administratives (dépôt du
permis de construire) sont simples mais ne sont ce-
pendant pas suivies.
La seule obligation constitue à payer une taxe
d’alignement.
Peu de constructeurs sont disponibles et l’on fait
appel à des «boss», à des petits artisans locaux.
Les constructions se libèrent de toutes contrain-
tes et utilisent les techniques modernes. Ainsi, on ne
conserve des anciennes pratiques que la culture des
galeries sur la rue. Cependant les étages construits
plus bas qu’auparavant vont rompre le rythme ar-
chitectural de la rue et la volumétrie générale. Les
maisons seront également construites de plus en
plus haut.
VII. L’occupation américaine (1915-1934)
Les difficultés issue de la crise du café abou-
tissent à l’occupation américaine. Des travaux d’in-
frastructure urbaine seront les premiers réalisés
(pavage de rues, égouts...).
C’est au début des années 1930 que l’architec-
ture du Cap sera la plus harmonieuse.
Des maisons basses et de nouveaux étages sur
rez-de-chaussée seront érigés en bois. La technique
des bardage de planches feuillurées ou wood-siding
est alors très répandue aux Etats-Unis.
Tous les balcons sont posés sur les solives du
planchers hauts et les gardes corps sont en bois
tourné.
On trouvera aussi quelques maisons en rez-de-
chaussée avec galeries et colonnades sur la rue ou
sur un petit jardin. Le terme de «style gingerbread»
ne sera utilisé qu’à partir des années 1950.
Les mosaïques apparaissent et l’on casse le pro-
longement des toitures pour protéger les entrées
des bâtiments de la pluie.
Le modernisme (1935-1950)
A cette époque, on rompt avec le passé. On
s’attache alors au «style international». Cependant,
l’échelle de la ville sera respectée.
De l’ancien vocabulaire, on retient la hauteur
des constructions, le rythme des ouvertures, les ga-
leries et balcons sont supprimés.
Ces bâtiments recevront souvent des services
publics ou des locaux commerciaux. Les toitures
sont en tôle ou en béton, dissimulées par un acro-
tère élevé.
On commence à centrer les constructions sur
les terrains. Beaucoup de demeures seront implan-
tées à l’angle des îlots avec un pan coupé.
On trouvera aussi quelques exemples du style
«espagnol-colonial-modernisé» avec un jardin
en enclos sur la rue. Elles se caractérisent par un
porche d’entrée sous arcades,
des petits balcons à auvents
devant les fenêtres et surtout
par l’utilisation de tuiles
rondes.
65Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
"Le Paris de Saint-Domingue"Durant cette période, Cap haïtien est la
première ville d'Haiti par son activité commerciale et culturelle
URBANISATION
1670 - 1711Création de la ville
coloniale
1697
Tracé de la ville selon un planhippodamien
Explosion urbaine :Constitution de nouveaux quartiers
en périphérie et bidonvillisation
1995
Cap Haitien est classée comme
patrimoine national
1915 - 1934Occupationaméricaine
1712 - 1804Modernisation et
essor urbain
1718
Edi�cation de l'Eglise
1805 - 1842Mutation architecturale
1843 - 1915Reconstruction et ouverture
1870
Projets d'équipement important en structure métallique préfabriquée
1750-60
Densi�cation autour du port
1915
Modernisation de la ville : égouts, pavage des rues
Séisme dévastateur
1842
1934 - aujourd'huiModernisme et dégradation
1811
Construction du palais Sans-Souci
1694 1734 1793 1802 1865
Réglementationincendie
1721
Code Henry :premier règlement d'urbanisme
1810
Incendies
RISQUES
ARCHITECTURE
Apprentissage des techniques construc-tives européennes :
architecture balnéaire
Inspiration des modèles européens
néoclassique
Apparition de spéci�cités
architecturales locale
Adoption du style international :
construction en béton armé
Vers une architecture haïtienne... De nouveaux procédés de construction
Frise Evolution urbaine Source: Production personnelle
66 Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - cahier 0 - Diagnostic
Cap HaïtienUn fort potentiel touristique à exploiter
Cap Haïtien
Fort Liberté
Rep
. Dom
inic
aine
Limbé
Acul du Nord
Plaine du Nord
Quartier Morin
Limonade
Bas-Limbé
Trou du Nord
Caracol
Terrier Rouge
Ouanaminthe
FerrierGrande Rivière du Nord
Milot
Dondon
Plaisance
Perches
Sainte-Suzanne
Marmelade
Port Margot
Parc
National
Historique
Citadelle La Ferrière
Palais de Sans-Souci
Labadie
10km
N
Point d’intérêt
Pôle d’attraction touristique e�ectif
Pôle d’attraction touristique à développer
Pôle d’attraction touristique potentiel
Ville importante
Chef-Lieu
Route principale
Route secondaire
Aéroport, port
Frontière
Parc Naturel
Pôle d’attraction touristique potentiel
I. La proximité de pôles d’attraction
L’évolution urbaine du Cap est inquiétante.
Pourtant, l’environnement régional comporte de
nombreux atouts dans l’hypothèse d’une tentative
de développement touristique.
D’une part, le site de Labadie, attirant des mil-
liers de touristes en croisière chaque semaine, est à
proximité immédiate de la ville.
D’autre part, le parc naturel regroupant les
sites UNESCO de la citadelle et du palais Sans-Souci,
se situe à moins de 30 Km. Certes, les infrastruc-
tures routières sont mauvaises. Mais le fait d’être
le seul pôle urbain entre deux pôles de tourismes
-l’un effectif, l’autre à valoriser- est indéniablement
un atout.
II. Quelles relations avec la République Dominicaine ?
Enfin, le réaménagement récent de la route en
direction de la République Dominicaine, qui est el-
le-même un pôle de tourisme important soulève la
question de ce voisinage.
L’aéroport du Cap est une infrastructure lourde
qui pourrait sans doute profiter aux Dominicains
frontaliers. De la même manière, les touristes fron-
taliers pourraient être attirés par le parc ou la ville
du Cap, profitant d’une route à la qualité rare dans
la région.
Malgré cette proximité, les relations entre la
République Haïtienne et la République Dominicaine
sont tendues. L’émigration massive des haïtiens en
direction de la République Dominicaine, ainsi que
le rejet de ces populations émigrées, n’est pas sans
incidence sur ces tensions.
Les potentiels touristiques Source: Production Personnelle
67Atelier Cap Haitien - Université Paris IV Sorbonne - Institut d’urbanisme et d’aménagement - 2009-2010 - François Dumail - Cahier 0 - Diagnostic
La conservation des formes d’origine
Dès l’origine, Cap Haïtien est construite sur 120 ha aux pieds du morne du •
Cap, occupant tout l’espace disponible, bornée à l’Est par la mer, au Nord et à
l’Ouest par les mornes et au Sud par les marécages.
Au départ, elle est créée selon les règles et les modes d’urbanisation colonia-•
le (plan hippodamien) et continue aussi d’importer des matériaux de la France,
mais peu à peu elle s’adapte à la situation locale et à la culture tropicale (jalousie,
corridor en façade).
L’évolution de la ville est marquée par une série de catastrophes (incendies •
et séismes), et des mesures urbanistiques sont prises pour limiter les dégâts en
cas de nouveaux désastres (interdiction d’utiliser des têtes de cannes à sucre
pour les toits après l’incendie de 1694). Mais on cherche à conserver les formes
urbaines d’origine, ainsi après le séisme de 1842, la ville est reconstruite sur les
anciens tracés et les matériaux sont réutilisés.
L’évolution de son patrimoine au fils du temps
Ville portuaire, Cap Haïtien multiplie les échanges économiques avec la mé-•
tropole. Port et entrepôts sont construits ainsi que les bâtiments représentant
l’administration coloniale (palais du gouverneur et caserne). Elle devient la capi-
tale de la colonie française de Saint-Domingue en 1711.
Le patrimoine s’enrichit sous le règne de Henry Christophe (construction de •
casernes, arsenal et administrations) et un règlement urbain est mis en place.
A partir du milieu du XIXème siècle, la richesse de la ville se base sur les ac-•
tivités industrielles, on modernise le port (construction d’un wharf en 1878), le
marché de Clugny est construit en 1896, l’éclairage urbain installé, les habitations
sont ornementées (ferronneries sur les balcons).
Synthèse - Cap Haïtien
L’urbanisation galopante et la dégradation du patrimoine
La ville (centre historique) avait été conçue pour accueillir environ 40 000 ha-•
bitants. En 1940, elle ne dépassait pas les 20 000 habitants.
Depuis les années 1960, on assiste à une explosion urbaine et démocratique. •
Aujourd’hui, elle compterait entre 500 000 et 800 000 habitants. Avec l’exode
rural massif, les bidonvilles prennent de l’ampleur accueillant cette nouvelle po-
pulation urbaine sur la mangrove, seule opportunité foncière.
Face aux manques de moyens financiers de la commune et à ses difficultés à •
faire respecter les règlements urbanistiques, le patrimoine de la ville est en cours
de dégradation.
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