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sommaire Revue trimestrielle - octobre 2012
n°21
Éditorial ............................................................................................................................................................ 5
Dossier
La sécurité énergétique, enjeu majeur de souveraineté pour les États du XXIe siècleChristophe-Alexandre PAILLARD ................................................................................................... 7
Sécurité économique : de la théorie à la pratique - Antoine-Tristan MOCILNIKAR .............15
Modernité et obsolescence du concept de sécurité énergétique - J. Peter BURGESS .............. 29
Transparence et perception du risque en matière nucléaire - Alain DELMESTRE.................. 39
La sécurité des centrales nucléaires : un enjeu majeur pour EDF Caroline BERNARD, Hervé BOLL ................................................................................................. 45
La coproduction État-secteur privé dans la sécurisation des infrastructures énergétiquesEntretien avec Jean-Philippe BERILLON ....................................................................................... 52
Le développement de la production nationale d’hydrocarbures : une contribution majeure à la sécurité énergétique - Philippe PERREAU, Sylvie LE BRUN ............................... 56
Les tra cs de déchets : une menace émergente - Bruno MANIN................................................ 63
Politiques énergétiques comparées de l’Inde et de la Chine : contexte et approche régionale - Marie-Hélène SCHWOOB, Paul CAUSSAT ............................................. 70
Énergies 2050 - Centre d’analyse stratégique ................................................................................... 84
Focus international
L’uranium congolais : une rétrospective et une vision vers l’avenir vues dans le cadre des renseignements et de la sécurité - Marc COOLS, Veerle PASHLEY .................................. 95
Politique énergétique et sécurité. L’exemple russe - Vitali V. BOUCHOUYEV ....................... 99
La sécurité énergétique en Russie : le cas de l’industrie électrique Catherine de LA ROBERTIE, Leonid GITELMAN, Semyon DANILOV .............................. 104
Souveraineté et développement durable. Le débat sur l’énergie au Chili - Andrés SUAREZ ....... 110
F
F
FFFF
F
F
F
F
F
F
Suite...
La sécurité énergétiqueSécurité énergétique et souveraineté
Sécurité énergétique : de la théorie à la pratique
La sécurité des centrales nucléaires
Les politiques énergétiques régionales de l’Inde et de la Chine
Cahiers de la
sécurité n°21Revue de l’Institut national des hautes études
de la sécurité et de la justice
et de la justice
Institut national des hautes Études
de la sécurité
Revue trimestrielle - octobre 2012
FF
F
ENTR
ETIE
N
5 2
La coproduction État-secteur privé
dans la sécurisa
tion des infrastru
ctures
énergétiques
Entretien avec Jean-Philippe BERILLON *
Cahiers de la sécurité : Les entreprises privées
ont-elles toujours noué des liens avec les États, où
s’agit-il d’un phénomène récent?
Jean-Philippe Berillo
n : Il me semble que ces « p
artena-
riats » ont toujours existé ; n’était-
ce pas déjà le
cas au VIe
siècle lorsque des milices bourgeoises ont été créées pour
sécuriser les villes, là où se tro
uvait alors l’essentiel de
l’activité économique ? Car ce sont bien les commerçants
et artisan
s qui contribuent à les ar
mer et à les organiser ;
on leur donnait même le nom de « g
uet des métiers »
;
les corsaires dès le Moyen Âge mettent à l
a disposition
du roi, des navires civils armés, au
torisés par une lettre
« de marque » ou « de course » à
attaquer, en temps de
guerre, les navires battant pavillon d’États
ennemis. On
peut y voir le début des so
ciété s privées de sécurité, qui
sont aussi a
ujourd’hui des acteurs im
portants de la c
opro-
duction de sécurité.
La constante, c’est qu’il s’
agit bien, pour des États, de fair
e
face à une menace et de trouver les moyens d’une réponse
adaptée, mais il s’a
git dans le même temps d’assu
rer la
sécurité et la croissan
ce de l’activité économique, et donc
d’intérêts privés. C
e qui change, c’est le type et le niveau
de la menace, l’objectif q
u’elle recherche, les techniques et
technologies utilisées.
Il est cla
ir qu’elle est
aujourd’hui plus importan
te qu’elle ne
l’était par le
passé et devrait
malheureusement continuer à
s’intensi er. Cette
menace, typ
ique du con it asym
étrique,
se traduit, p
ar ailleurs, p
ar des modes d’action au meilleur
rapport coût ef cacité, dont l’e
ffet nal recherché est
de stigmatiser l’incapacité, la défaillance et donc la
responsabilité
des gouvernements et
des États.
L’ef cacité
relevant de la capacité à c
réer la terreur la
plus forte au
sein des populations.
CS : Et quelle est la
position du secteur in
dustriel
dans tout cela ?
JPhB : Si les populations constituent bien une cible
centrale de cette stra
tégie du faible au fort, il
est clair que
les infrastru
ctures industrie
lles et énergétiques tiennent
une place particulière. Elles combinent, en effet, le
double avantage, en cas de destru
ction totale ou partielle,
de pouvoir, d’une part, d
ésorganiser tout ou partie de
l’activité économique et, d’autre part, de déclencher des
catastrophes in
dustrielles dont les populatio
ns seront les
premières victimes.
Il s’agit donc bien pour les opérate
urs de passe
r du stade
de cibles identi ées à
celui d’acteur intégré, et donc de
coproducteur de sécurité au sein d’un dispositif natio
nal
ou régional donné ; c’est-à
-dire de créer un partenaria
t
(*) Jean-philippe Berillo
n, senior vice-president security & safety de GDFSUEZ Global Gaz & GNL, est e
n charge de la santé, de la sécurité
et de la sûreté ainsi que de la gestio
n de crise et de la protection des in
formations sensibles. L
ieutenant-colonel de gendarmerie, il
est breveté du Collège interarmées de défense, diplôme du Centre d’études diplomatiques et str
atégiques et titulaire d’un DEA de
l’institut d’études politiq
ues d’Aix-en-Provence.
4 5
DO
SSIER
La sécurité des centrales nucléaires :
un enjeu majeur pour EDF
Caroline BERNARD, Hervé BOLL
L’accident de la centrale japonaise de Fukushima a
dramatiquement mis en lumière l’importance de la prise
en compte des risques majeurs pour les installations
nucléaires tant par les autorités publiques compétentes
que par les entreprises qui gèrent ces installations. Cet
article présente la démarche adoptée en France par le
groupe EDF pour inscrire l’exigence de sécurité dans
l’élaboration de ses programmes et dans la conception
et la gestion des installations qui constituent son parc
nucléaire. Cette démarche se développe à de multiples
niveaux où la mise en œuvre de processus de sécurité
spécifi ques intègre une globalité de champs d’action dans
des domaines scientifi ques et techniques, mais également
managériaux.
© Minerva Studio - Fotolia.com
Caroline Bernard Directrice déléguée en charge de la sûreté à la division production nucléaire d’EDF.
Hervé Boll Délégué de l’état-major en charge de la prévention contre les incendies et les agressions à la division production
nucléaire d’EDF.
Security of nuclear power stations: an important issue for EDF
The accident at the Japanese power station, in dramatic circumstances, threw light on the importance of being
aware of the major risks associated with nuclear facilities. This awareness is important for both public authorities
and the companies which manage these facilities. This article presents the initiative adopted in France by EDF
to incorporate security demands into the development of its programmes and into the design and management
of facilities in its nuclear power stations. This initiative is developing at several levels where the implementation
of specifi c security processes includes different types of action in scientifi c, technical and also managerial fi elds.
École militaire - 1 Place JoffreCase 39
75700 Paris 07 SPTél : +33 (0)1 76 64 89 00Fax :+33 (0)1 76 64 89 31
www.inhesj.fr
La sécurité énergétiquen°21
Cahiers de la
sécurité Revue de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice
et de la justice
Institut national des hautes Études
de la sécurité
Retour sur l’actualité
Insécurité et sécurité privée en Côte d’Ivoire - Boah Cofy Pascal-Henri YEBOUET ............. 118
Repères
Protéger les actifs numériques : le Digital Legal ManagementPhilippe BLOT LEFEVRE ................................................................................................................ 127
Police et prévention - Jean-Louis LOUBET DEL BAYLE .......................................................... 132
La Médiation : un outil de résilience pour l’espace publicJean-Yves GÉRARD, Richard OLSZEWSKI ................................................................................ 137
La sécurité intérieure de l’Union européenne, un chef-d’œuvre impressionniste ?Pierre BERTHELET ........................................................................................................................... 142
Notes de lecture
Prisons en europe - Elsa GAUSSIN ................................................................................................. 150
La dangerosité saisie par le droit pénal - Frédérique DUBOST ................................................... 150
Grands principes constitutionnels. Institutions publiques françaises - Manuel PALACIO ............. 151
Bête noire. « Condamné à plaider » Frédérique DUBOST ............................................................ 152
Mes points sur les « i ». Propos sur la présidentielle et la crise - Jean Michel LE MENN ....... 153
Soudain la revolution - Anaïs BERANGER .................................................................................... 153
***
Procédure scienti que pour la réception et la publication des articles. Conformément au Règlement Intérieur de la revue « Cahiers de la sécurité » ................................................ 154
retour
F
F
F
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F
REPÈ
RES
1 4 2
La sécurité intérieure de l’Union
européenne, un chef-d’œuvre
impressionniste ? *
Pierre BERTHELET **
a politique européenne de sécurité
intérieure connaît depuis quelques mois
un développement sans précédent.
Cependant, ce changement s’opère par
petites touches, à l’image d’un tableau des
maîtres impressionnistes.
L’action de l’UE est fondée sur un document directeur :
la Stratégie européenne de sécurité intérieure 2 . Cette
stratégie, approuvée par les vingt-sept chefs d’État et
de gouvernement le 25 mars 2010, constitue le corpus
doctrinal de la sécurité intérieure européenne. Elle
s’apparente à un fond de toile, en exposant les lignes
d’action face à une série de menaces auxquelles sont
confrontés l’Union et les États membres 3 . Elle a été
complétée par un Plan d’action approuvé par les ministres
des vingt-sept États membres de février 2011 4 . Ce
document concrétise la Stratégie autour d’un ensemble
de mesures concrètes à mettre en œuvre, elles-mêmes
organisées autour d’une série d’objectifs opérationnels.
Entre tons clairs et teintes
plus obscures
La Commission européenne avait quali é de promet-
teurs les progrès réalisés dans la mise en œuvre du Plan
d’action 5 . Elle avait constaté, à ce propos, des avancées
(*) L’auteur remercie vivement Jean-François Gayraud, commissaire divisionnaire et essayiste, pour sa relecture attentive du texte et ses
précieux conseils.
(**) Diplômé de l’Université catholique de Louvain, Pierre Berthelet a été conseiller pour les questions européennes auprès du ministre
fédéral de la Justice sous la présidence belge de l’UE (2001). Enseignant à l’Institut politique (IEP) de Lille, il e
st spécialisé sur les
questions de sécurité intérieure. Il est l’a
uteur du Paysage européen de la sécurité intérieure (Peter Lang, 2009) et administre le site
www.securiteinterieure.fr
(1) Cet article fait suite aux réfl exions exposées dans : « La sécurité intérieure européenne, sa stra
tégie et son architecture : regard imagé
sur une construction originale », Sécurité globale, n° 19, printemps 2012, p. 77-90 ; « Union européenne : réfl exions sur la sécurité
intérieure », Revue de la Défense nationale, Tribune n° 261, 27 septembre 2012, p. 1-5.
(2) http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/librairie/PDF/QC3010313FRC.pdf
(3) À savoir le terrorisme, la grande criminalité et la criminalité organisée, la cybercriminalité, la criminalité locale transfrontalière, les
atteintes à la sécurité routière, la violence en elle-même (id est la violence juvénile et celle causée par le hooliganisme), ainsi que les
catastrophes d’origine naturelle ou humaine.
(4) Conseil « justice et affaires intérieures » d
es 25 et 26 février 2011 (doc. du Conseil du 21.02.2011 (n° 6699/11)).
(5) COM(2011) 790 du 25.11.2011.
La sécurité intérieu
re européenne s’apparente à une œuvre picturale. Le tableau, loin d’être a
chevé, prend néanmoins form
e sur un mode
impressionniste :
une série de touches qui se su
perposent, des couleurs viv
es, des jeux d’ombre et
de lumière… Ces tou
ches constituent un
ensemble cohérent même s’il
est dif cile encore d
e cerner tou
tes les form
es et tous les p
ersonnages composant l’œuvre.
Cela étant dit, cette sécu
rité intérieu
re européenne s’apparente-t-elle à un chef-d’œuvre des maîtres i
mpressionnistes ?
Tout dépend du point de
vue où l’on se place pour regarder le t
ableau : ses admirateurs y ve
rront le travail d’un peintre à la main encore m
al assurée, mais dont les tr
aits
de génie sont incontestables. L
es plus critiques ne manqueront pas de mettre e
n exergue une juxtaposition maladroite d
e couches de couleur bien
loin des règles issu
es des traditions étatiques. Quoi qu’il en soit,
la sécurité intérieu
re européenne s’apparente bien à ce que fut l’impressio
nnisme
en tant que courant artistique il y
a plus d’un siècle : un renouvellem
ent de la peinture avec la remise en
cause des codes éta
blis 1 .
L
9 5
L’uranium congolais :
une rétrospective et une vision vers
l’avenir vues dans le cadre
des renseignements et de la sécurité
Marc COOLS, Veerle PASHLEY
Dans l’évolution de l’ancienne colonie belge du Congo
jusqu’à son indépendance, la possession d’uranium a joué
un rôle fondamental dans les processus politiques qui
l’ont menée à l’indépendance. Après la décolonisation,
l’uranium continue à jouer un rôle stratégique et introduit
de nouvelles questions qui se posent aujourd’hui encore,
par-delà sa dimension économique, dans le monde de la
sécurité et du renseignement.
DO
SSIE
R
© Boris - Fotolia.com
Marc CoolsProfesseur de criminologie à l’Université de Gand et à l’Université Libre de Bruxelles.
Veerle Pashley Veerle Pashley est criminologue et chercheuse en criminologie à la ‘Vrije Universiteit Brussel’.
Congolese uranium: a look back on and a look towards the future
in the framework of information and security
In the development of the former Belgian colony the Congo towards its independence, the possession of
uranium has played an important role in political processes leading to independence. After decolonization,
uranium continues to play a strategic role and introduces new questions which are still asked today, in addition
to the economic aspect, regarding security and information.
RETO
UR
SU
R L
AC
TUA
LITÉ
1 1 8
Insécurité et sécurité privée
en Côte-d’Ivoire
Boah Cofy Pascal-Henry YEBOUET
Les activités de sécurité privée ne sont pas récentes en
Côte d’Ivoire. Toutefois, l’essor fulgurant qu’elles ont
connu est à mettre en relation avec la recrudescence du
phénomène criminel et l’incapacité de l’État à assumer
pleinement sa mission régalienne de protection des
personnes et des biens. Cette sécurité privée prend
également une dimension multiforme, du fait des crises
successives que le pays traverse et de la volonté des
populations de participer activement à leur propre
sécurisation.
Boah Cofy Pascal-Henry Yebouet
UFR Criminologie, Université de Cocody en Côte d’Ivoire, CERP - IEP Toulouse Capitole.
© VIPDesign - Fotolia.com
Insecurity and private security on the Ivory Coast
The activities of private safety are not recent in Côte d’Ivoire. However, fulgurating rise that they knew, is to be
put in relation to the recrudescence of the criminal phenomenon and with the incapacity of the state to fully
assume the kingly mission of protection of the persons and the goods. This private safety, moreover, take on a
multiform dimension because of the successive crises that the country crosses and with L will of the populations
to take an active part in their own security.
9 9
FOC
US
Politique énergétique et sécurité.
L’exemple russe
Vitali V. BOUCHOUYEV
La Russie et la sécurité
énergétique globale
Des relations stables avec les consommateurs
traditionnels des ressources énergétiques russes et avec
les consommateurs des nouveaux marchés constituent
les directions les plus importantes de la politique visant
à assurer la sécurité énergétique globale conformément
aux intérêts du pays. La politique et l’activité de la Russie
dans le domaine indiqué se réalisent conformément aux
décisions et au plan d’action adoptés en 2006 au sommet
du G8 à Saint-Pétersbourg. Il prévoit l’activité de l’État
dans sept directions de base de la politique énergétique
intérieure aussi bien qu’extérieure :
- l’augmentation de la transparence, de la prévisibilité
et de la stabilité des marchés énergétiques globaux ;
- la diversi cation des types d’énergie ; l’assurance de
la sécurité physique des infrastructures énergétiques
les plus importantes ; la diminution des échelles de
la pauvreté énergétique ; la solution du problème du
changement du climat et du développement durable.
La plupart des dispositions du Plan d’action du « Groupe
des huit » se re ètent dans les priorités du SE-2030. De
plus, à tous les niveaux de la politique nationale russe dans
le domaine de l’assurance de la sécurité énergétique globale
certains résultats, cités dans le Rapport national correspondant
de la Fédération de Russie, ont déjà été atteints.
Ainsi, s’agissant de l’augmentation de la transparence, de
la prévisibilité et de la stabilité des marchés énergétiques,
la partie russe a présenté en 2009 à la communauté
mondiale le document « Approche conceptuelle de la
nouvelle base juridique de la collaboration internationale
dans le domaine énergétique ». Pour préparer un nouveau
document international contraignant, une équipe de travail
interministérielle a été mise en place. Elle comprend les
représentants des autorités fédérales du pouvoir exécutif
et des grandes sociétés russes du CCE aussi bien que
les représentants du milieu scienti que. L’équipe de
travail a préparé un projet de Convention de l’assurance
de la sécurité énergétique qui, après l’approbation du
Gouvernement de Russie, sera proposé à la communauté
internationale en vue d’être complété et amélioré.
Au niveau européen, dans le cadre du dialogue
énergétique Russie-UE, les instances concernées
travaillent sur l’harmonisation des stratégies énergétiques
des parties. Les consultations des institutions d’État et des
activités commerciales se réalisent dans différents groupes
thématiques, notamment le groupe de la coordination des
stratégies énergétiques, des pronostics et des scénarios, le
groupe des marchés et de l’infrastructure et le groupe de
l’ef cacité énergétique .Pour mieux coordonner les actions des fabricants et des
consommateurs d’énergie lors de situations critiques, le
« Mémorandum sur le Mécanisme de la prévention précoce
dans le domaine énergétique dans le cadre du Dialogue
énergétique Russie-UE » a été signé en 2009. Son caractère
actuel a été con rmé quand les livraisons du pétrole russe
sont arrivées à destination des consommateurs européens
via l’Ukraine.En ce qui concerne l’amélioration du climat
d’investissements dans le secteur énergétique, une loi
fédérale a été adoptée relative aux investissements
Vitali V. Bouchouyev
Directeur Général de l’Institut de stratégie de l’énergie de la Fédération de Russie.
DO
SSIE
R
1 1 0
Souveraineté et
développement durable
Le débat sur l’énergie au Chili
Andrés SUAREZ
L’économie chilienne repose sur des secteurs industrie
ls,
comme le secteur minier, largement consommateurs
d’énergie. L’énergie hydroélectrique constitue la
principale ressource énergétique du pays, ce qui a conduit
les gouvernements successifs à développer des projets
d’ampleur. L’article fait état des confl its générés par la
mise en œuvre desdits projets au regard des exigences
croissantes de protection de l’environnement, mais
également de respect des modes de vie de populations
autochtones.
Andrés Suarez
Chercheur au Centre d’éthique et professeur à la Faculté d´économie et d’administration de l’université
Alberto Hurtado
au Chili. Licencié en Sciences de l’administration publique et titu
laire d’un Master en Gestion publique de l´université de
Santiago du Chili, il travaille sur les thèmes de l´éthique et de la responsabilité sociale des entreprises. Il e
st coauteur avec
Gonzalo Arroyo de deux livres sur l’entreprise et sa responsabilité sociale (2006 et 2011).
© maudcharton - Fotolia.com
Sovereignty and sustainable development
The debate about energy in Chile
The Chilean economy is based on industrial fi elds such as the mining sector, and mainly on energy consumers.
Hydro electrical energy constitutes the main energy resource in the country and has led successive governments
to the development of large scale projects in this fi e
ld. This article deals with the confl ict generated by the
implementation of such projects, given the growing demand for environmental protection and respect for the
way of life of native populations.
1 5 1
ous vivons une époque
marquée par la tension
entre un mouvement de
globalisation, entraîné
par la dynamique d’échanges des
marchés, et une recherche de cadre
susceptible de garantir la finalité
humaine face à des processus
économiques, scientifiques et
techniques de plus en plus animés par
leur logique propre. Cette nouvelle
donne amène à penser en termes
nouveaux la question de la régulation,
ce qui remet en selle le rôle des
États, qu’il s’agisse des États-nation
actuels ou de la recherche de formes
institutionnelles supranationales,
de leur légitimité et de leur pouvoir
d’intervenir. Pour autant, si la
question se pose avec acuité, en
particulier depuis la crise économique
mondiale de 2008, on ne peut parler
d’un retour en force de l’État et de
ses capacités de régulation ; celui-ci
reste pris dans une évolution
contradictoire où s’affrontent les
forces qui s’appuient sur lui et celles
qui visent sa régression. Les États existent à l’intérieur de
l’histoire de la nation qu’ils organisent
et sur une base de droit qui évolue
parallèlement à la société elle-même.
En France cette base de droit est
codi ée par la Constitution qui édicte
les principes fondamentaux qui vont
garantir le cadre de vie commun à
tous les citoyens. La Constitution
française est un « organisme vivant »
dans le sens où il est amené à se
transformer en fonction des grandes
évolutions sociales et de l’impact des
grands courants d’idées qui traversent
l’histoire du pays. Cet ouvrage allie
une présentation détaillée des grands
principes constitutionnels à une
analyse des récents mouvements,
nationaux et internationaux, qui sont
venus impacter l’édi ce législatif. Il
propose ainsi une vision originale
de la constitution française à partir
du ternaire républicain, liberté,
égalité, fraternité, et au travers d’une
approche complète des institutions
françaises. Il aborde les grandes
doctrines politiques à l’origine de
l’actuelle Cinquième République ; il
est à jour de la dernière révision de
la Constitution de 1958 réalisée en
juillet 2008 et couvre une période qui
va jusqu’aux élections présidentielles
et législatives de 2012.
Manuel PALACIO
Chargé de mission Prévention
auprès du directeur de l’INHESJ
2012, l’Harmattan,
Coll. Pour com-prendre, 302 p., 28,00 €
plus lointains (Canada, États-Unis) :
la tendance outre-Atlantique est de
déterminer une peine en se fondant
sur un calcul actuariel du risque
(le prononcé de la peine est fonction
des prévisions de récidive issues de
calculs mathématiques de probabilité,
la mesure du risque) ; sur notre
continent, le droit pénal traditionnel
cohabite avec celui de la dangerosité.
Mais se développent en parallèle des
mesures contraignantes de droit civil,
à l’égard du malade mental, individu
« porteur d’un péril ».Enfin, les auteurs s’interrogent
sur la conciliation dans nos sociétés
modernes du principe de liberté
individuelle et du risque zéro. Cette
évolution du droit vise à préserver
notre société de la récidive, mais
aussi de toute éventualité de premier
passage à l’acte criminel. Si la peine
ne peut frapper l’irresponsable pénal,
la mesure de sûreté atteindra le
malade mental : cette idée gouverne
la dangerosité dans le droit pénal
moderne.
Frédérique DUBOST
Magistrate et chef du Département
Justice et droit de l’INHESJ
Grands principes constitutionnels
Institutions publiques françaises
Nouvelle édition revue et augmentée
Gérard PardiniN
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TES D
E LE
CTU
RE
REPÈ
RES
1 3 2
Police et prévention
Jean-Louis LOUBET DEL BAYLE *
n débat, aujourd’hui récurrent dans la
plupart des sociétés, porte sur les
modalités « répres sives » ou « préventives »
de l’intervention de la police pour assurer
l’observation et l’application des lois et le maintien de
l’ordre qu’elles contribuent à instaurer ou garantir. La
question se pose d’autant plus que ces termes font l’objet
de manière quasi universelle, depuis le dernier quart du XXe
siècle particulièrement, d’une valorisation unilatérale, avec
la distinction quelque peu manichéenne et simpli catrice
– issue pour une part de la tradition policière anglaise –
tendant à opposer de « bonnes » polices, qui seraient
caractérisées par leur action préventive, et de « mauvaises »
polices, caractérisées par leur aspect répressif.
En fait, les
choses sont plus complexes et supposent tout d’abord que
l’on précise la signi cation des termes utilisés dans ce débat.
Prévention et répression
On peut considérer que l’orientation « répressive » de
l’action policière se caractérise par des interventions a
posteriori, lo
rsqu’une infraction ou un acte délictueux a été
commis, lorsqu’un « dé sordre » ou une « désobéissance »
se sont produits. Dès lors, l’action policière apparaît
comme essen tiellement « réactive », en répondant à des
situations de mise en cause des normes régulant la vie
sociale. Par opposition, l’action préventive est celle qui a
pour but d’empêcher les infractions de se commettre et
donc, ainsi, de prévenir les dommages qu’elles peuvent
entraîner, d’éviter les désordres avant que ceux-ci ne
se produisent. Le comportement de la police est alors
« proactif », la police pre nant l’initiative des mesures
destinées à empêcher le développement par exemple de
la délinquance ou de la criminalité.
À partir de ces dé nitions, on peut d’abord observer
qu’aucune police n’a qu’un aspect purement répressif.
Toute activité policière a aussi des conséquences
préventives, dans la mesure où l’existence de la police
et son action ont pour but, à travers la répression et
la sanction a posteriori des comportements déviants,
d’empêcher à l’avenir la réitération et le développement
de comportements de même nature. La dimension
répressive de l’action policière comporte donc, par son
exemplarité, une dimension dissuasive et préventive.
La « peur du gendarme » est une illustration de cette
perspective préventive, pour empêcher les infractions de
se commettre. On la retrouve aussi dans l’organisation
de la visibilité sociale de la police et des policiers, dans
l’importance accordée à l’uniforme ou, éventuellement, au
port ostensible d’une arme. « Montrer sa force pour ne pas
avoir à s’en servir » est une stratégie policière à caractère
préventif et il est évident que ce que l’on peut appeler
la dimension idéologique et symbolique liée à l’existence
même de la police, et à la menace, réelle ou supposée,
qu’elle représente n’a de sens que dans cette perspective.
On peut alors parler de « prévention répressive » ou d’une
« répression préventive ».
Dans les hypothèses que l’on vient d’évoquer, on
a affaire à une prévention qui est donc fondée sur la
crainte de la sanction, sur la peur de la répression chez
les déviants potentiels. Toutefois, cette activité préventive
peut aussi s’entendre – et c’est so
uvent implicitement le
cas dans les débats actuels – comme une action destinée à
avoir une in uence sur les causes possibles de la déviance
et de la victimisation. Ainsi en est-il d’abord avec ce que
les Anglo-Saxons appellent la « prévention situation-
nelle », en désignant par là « les mesures non pénales, a
yant
pour but d’empêcher le passage à l’acte en
modi ant les circonstances
particulières dans lesquelles
des délits semblables sont commis
ou pourraient l’être »
1 . D’où, par exemple, les campagnes
invitant particuliers et entreprises à prendre des mesures
d’autoprotection contre les cambriolages, ou les incitations
à réorganiser tel ou tel site, a n de rendre plus dif ciles,
moins productifs, et moins attractifs, l
es comportements
U
(*) Professeur émérite de science politique à l’Université des sciences sociales de Toulouse-Capitole.
(1) M. Cusson, Criminologie, 2002, Paris, Hachette, p. 128.
1 5 3
évolté par la médiocrité du
débat politique devant les
urgences sociales, écolo-
giques et économiques
qui menacent notre pays, Michel
Rocard cherche à dresser la vision
de ce que l’Occident et le monde
sont en train de devenir dans ce
livre de propositions et d’analyse.
L’ouvrage met en perspective les
différentes dimensions de la crise
plurielle amorcée en 2008 : remise
en question d’une modernité qui au
delà des développements certains a
accru les inégalités économiques et
sociales, affaibli les Etats. Malgré ce
tableau plutôt obscur, l’ancien pre-
mier ministre demeure optimiste
tout au long des chapitres et ce livre
s’inscrit bien dans une «démarche de
partage». En neuf chapitres, il balaie
les principaux problèmes auxquels la
France est confrontée aujourd’hui et
propose des solutions pour en sortir.
Ainsi à titre d’exemple, Michel
Rocard défend l’abandon de l’arme
nucléaire - coûteuse et dangereuse -
conjugué au maintien - au dévelop-
pement, même - du nucléaire comme
source énergétique. C’est pour lui
un moyen indispensable de parer à
la dépression énergétique qui suivra
les pics pétrolier et gazier ; c’est aussi
une source d’énergie qui, af rme-t-il
non sans cynisme, “tue sensiblement
moins” que le charbon - et qui n’ag-
grave pas l’effet de serre. De même
il défend ardemment une réduction
supplémentaire du temps de tra-
vail visant à le porter à trente-deux
heures hebdomadaires. Alors qu’une
partie de l’opinion publique stigma-
tise à outrance les 35 heures comme
responsables de tous les maux de ces
dix dernières années, l’auteur passe
outre ces critiques pour défendre
une réforme qu’il considère natu-
relle, la réduction du temps de tra-
vail allant dans le sens de l’Histoire.Jean Michel LE MENN
Chargé de mission
Département Sécurité économique de l’INHESJ
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TES D
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CTU
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2012, Odile Jacob,Coll. Document,
268 p., 20,20 €
Mes points sur les i
Propos sur la présidentielle et la crise
Michel ROCARD, préface de François HOLLANDER
oudain la révolution, ouvrage de
Fethi Benslama, apporte une
analyse philo-psychanalytique
de la révolution tunisienne
déclenchée en décembre 2010.
Cet essai tente de décrypter et
d’appréhender les racines profondes
de ce soulèvement sans se limiter à
l’approche socio-économique que
l’auteur juge insuf sante et restrictive.
Si l’immolation de Mohammed
Bouazizi a été condamnée par les
diverses autorités religieuses du pays
comme enfreignant les préceptes de
l’islam, elle a, en revanche, suscité
une vive émotion au sein de la
population révélant l’« inespoir » de
tout un peuple. Ce suicide a ainsi constitué un
des facteurs déclencheurs de la
révolution. Cette dernière ne peut
cependant pas se résumer à ce
drame humain mais trouve plus
largement son origine dans l’histoire
de la Tunisie. A cet égard, l’auteur
revient sur les mutations profondes
vécues par ce pays depuis les années
1970 en analysant les particularités
de la révolution d’un point de vue
psychanalytique et philosophique.
Ces deux angles d’études sont en effet
indispensables pour comprendre
comment est survenu cet évènement
auquel personne ne s’attendait. Anaïs BERANGERChargée d’études
Département Sécurité économique de l’INHESJ
Soudain la revolution
Fethi BENSLAMAS
2011, DenoëlColl. Médiations,
117 p., 9,64 €
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Énergies 2050
Note n°263 de février 2012 du Centre d’analyse stratégique *
A la demande du ministère de l’Industrie, de l’Énergie et de l’Économie numérique, une commissio
n
pluraliste et ouverte a été mise en place en octobre 2011, afi n de produire une analyse des différents
scénarios possibles de politique énergétique pour la France à l’horizon 2050. Celle-ci vise à éclairer la
programmation pluriannuelle des investissements que le ministre
chargé de l’Énergie présentera devant le
Parlement en 2013. Les travaux de cette commissio
n ont conduit à la rédaction du rapport « Énergies 2050 »
dont l’article qui suit présente les grandes lignes directrices en matière d’analyse et de propositions.
Nous remercions le Centre d’Analyses Stratégiques de nous avoir autorisé à publier ce travail qui explore
les enjeux stratégiques en matière d’énergie dans ce numéro des Cahiers de la sécurité consacré
à la sécurité énergétique.
(*) Cette note de synthèse du CAS fait suite au rapport Énergies 2050 rédigé par Jacques Percebois et Claude Mandil, avec l’aide de
Dominique Auverlot (CAS), Étienne Beeker (CAS), Johanne Buba (CAS), Stéphanie Combes (DGT), Raphaël Contamin (DGT), Jean-
Guy Devezeaux de Lavergne (CEA), Timothée Furois (DGEC), Richard Lavergne (DGEC), Guy Maisonnier (IFPEN), François Perfezou
(DGEC).
En savoir plus: www.strategie.gouv.fr
Les principaux enseignements
Le contexte énergétique mondial
et européen
u niveau mondial, la demande énergétique est
tendanciellement en forte augmentation. Sous
l’effet de la croissance de la population et
de l’économie, tirée principalement par les
pays émergents, notamment la Chine et, à
moyen terme, l’Inde compte tenu de sa démographie, elle
pourrait doubler à l’horizon 2050. Ces pays, notamment
les quatre grands émergents qui constituent les BASIC
(Brésil, Afrique du Sud, Inde et Chine), mais aussi ceux du
Moyen-Orient, bien plus que les pays de l’OCDE, « feront »
les marchés de l’énergie et les prix qui deviendront donc
de plus en plus exogènes à nos propres politiques. Les
énergies fossiles, au premier rang desquelles le pétrole,
assurent aujourd’hui plus de 80 % de l’offre. Cette situation
marque la dépendance mondiale aux énergies carbonées
et pose la question de sa soutenabilité, tant sur le plan
environnemental que sur celui de l’approvisionnement en
matières premières. Si les réserves mondiales d’énergies
fossiles apparaissent abondantes au regard des besoins
futurs, les conditions de leur accès sont de plus en
plus dif ciles : les investissements en infrastructures
nécessaires pour l’utilisation des ressources sont massifs
et le contexte géopolitique est par nature incertain. La
contrainte climatique devrait par ailleurs apparaître plus
tôt que la contrainte géologique.
Au niveau européen, la dynamique est différente,
notamment car la croissance de la population et de
l’économie y est plus faible. Ainsi, la consommation
énergétique y est relativement stable depuis les deux
premiers chocs pétroliers. La part des énergies fossiles
dans le mix énergétique y est toutefois trè
s proche de
celle constatée au niveau mondial et pose les mêmes
questions de soutenabilité, auxquelles s’ajoute celle de la
dépendance vis-à-vis du reste du monde puisque l’Europe
est très largement importatrice d’énergie. Pour tenter de
répondre à ces enjeux, l’Union européenne a notamment
mis en œuvre le paquet « énergie–climat » qui xe à 2020
des objectifs contraignants. Au-delà, la Commissio
n
européenne a produit une “feuille de route Énergies
2050”, évaluant différents scénarios compatibles avec
l’objectif de division par quatre des émissio
ns de CO2
(appelé « facteur 4 ») à cet horizon. Cet exercice montre A
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Modernité et obsolescence du
concept de sécurité énergétique
J. Peter BURGESS
Le concept de sécurité énergétique est un concept
ambivalent du fait du statut de l’énergie qui est à la
fois une ressource indispensable à toute communauté
humaine et un facteur potentiel de confl it et de guerre
entre ces mêmes communautés. Il s’agit également d’un
concept récent, possédant son histoire propre qui se
décline sur différentes périodes et différents contextes
où, à chaque fois, des contenus distincts lui sont affectés.
C’est cette évolution à la fois sémantique et stratégique
dont cet article fournit l’analyse.
J. Peter BurgessInstitut de recherche pour la paix (PRIO) d’Oslo & Université Vrije universiteit de Bruxelles.
© adimas - Fotolia.com
Modernity and energy security concepts which are becoming obsolete
The concept of energy security is an ambivalent concept given the status of energy which is both an essential
resource for all human beings and a potential factor in confl ict and war between communities. It is also a
recent concept, with its own history which changes across different periods and contexts. In every case, distinct
contents are attributed to it. This article seeks to provide analysis of this development, which is both semantic
and strategic.
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n consacrant son dossier central à la sécurité énergétique, ce numéro des Cahiers de la Sécurité évoque une question cruciale qui renvoie à des questions fondamentales : la richesse et la puissance des nations mais, également, à la protection de la planète et à celle de ses habitants.
La production d’énergie et la chaine de valeur qui lui est attachée constituent des enjeux cruciaux d’autant plus que les risques et menaces qui y sont attachés concernent tout autant les dimensions politiques que technologiques.
La sécurité énergétique suscite ainsi une pluralité de questions environnementales, économiques, politiques et géopolitiques, mais aussi historiques que ce dossier tente de poser sans prétendre à l’exhaustivité mais en ayant l’envie d’être le plus complet possible.
Les politiques énergétiques des nations reposent sur deux objectifs intriqués : l’indépendance (énergétique) et la sécurité (des infrastructures). Cette sécurité est pour les pays producteurs l’une des conditions essentielles de leur prospérité économique, mais aussi un facteur d’infl uence et de puissance politique. Quant aux pays importateurs, il leur est nécessaire de disposer de garanties suffi santes de sécurité qui viendront consolider la stabilité sociale et la résilience en cas de crise.
La compréhension de ce que représente la sécurité énergétique est aussi enrichie par les articles qui entrent de plain-pied dans les politiques publiques d’un pays ou d’une zone géopolitique ou géoéconomique. La relation d’échange entre pays producteurs et pays consommateurs n’est à aucun moment une relation d’égal à égal ; elle suppose confrontations et, parfois, crises qui aboutissent le plus souvent à des compromis dont la vertu principale est de dénouer le confl it existant. Le nouveau cadre géopolitique mondial reste profondément marqué par les enjeux énergétiques, eux-mêmes fortement déterminés par les stratégies de sécurité.
Cette évolution est particulièrement mise en évidence dans les articles portant sur les exemples internationaux, à commencer par la relation entre la Chine et l’Inde analysée à travers leurs politiques énergétiques respectives. L’exemple de la Russie montre également comment, dans le nouvel ordre mondial, ce pays a su utiliser ses ressources et ses infrastructures énergétiques pour occuper une place incontournable dans les nouveaux rapports de force qui façonnent le monde que nous connaissons.
La France, en ce qui la concerne, est confrontée à cette question de manière particulière. Son choix du recours au nucléaire pour assurer majoritairement la production de l’énergie électrique, contribue à garantir un prix d’accès compétitif à cette énergie. Toutefois, ce choix ne peut à lui seul assurer les besoins énergétiques du pays. Le défi cit de la balance
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La sécurité énergétique, enjeu majeur de souveraineté pour les États du XXIe siècleChristophe-Alexandre PAILLARD
Christophe-Alexandre Paillard
Adjoint au directeur des affaires stratégiques du ministère de la Défense. Il a été directeur au sein de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) jusqu’en avril 2012 et, précédemment, responsable des questions économiques et industrielles à la direction des Affaires internationales et stratégiques du SGDN et chef du bureau « prospective technologique et industrielle » de la Délégation aux affaires stratégiques du ministère de la Défense. Il est chercheur associé de l’Université Bernardo O’higgins de Santiago du Chili et directeur de recherche à l’Institut Choiseul. Il est l’auteur d’ouvrages et d’articles sur les questions économiques, industrielles et technologiques de défense, l’énergie et les minerais.
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Les prix élevés du baril de pétrole montre qu’au-delà de l’impact de la crise fi nancière internationale, la question des déséquilibres énergétiques mondiaux reste posée pour le plus long terme, pour le secteur du pétrole comme pour les autres formes d’énergie. Les besoins de la population mondiale en énergie et les déséquilibres qui en découlent expliquent que cette question restera l’un des grands thèmes géopolitiques du XXIe siècle. La France, comme tous les États européens, ne peut faire l’économie d’une stratégie globale sur la préservation de son autonomie énergétique, à l’heure où le nucléaire est remis en cause sur le continent européen et où la concurrence des pays émergents pour la maîtrise des grandes sources d’énergie va croissante.
Energy security is a major issue for governments around the world in the 21st centuryThe high price of oil shows that beyond the impact of the international fi nancial crisis, the issue of global energy imbalances will be debated about for a long time yet. This is the case both for oil and also other energy forms. The needs of the world population for energy and the imbalances which arise from this explain why this issue will remain one of the major geopolitical issues of the 21st century. France and other European countries require a global strategy on the preservation of energy autonomy for the planet. In recent times, across Europe, ques-tions have been raised about nuclear energy. Competition is growing between emerging countries for increasing control over energy sources.
© Tomas Sereda - Fotolia.com
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La sécurité énergétique fonde nos politiques énergétiques. Chaque pays, chaque région, tente de trouver sa propre réponse à ce défi en fonction de ses atouts, son histoire, ses relations internationales et ses intérêts. Le contexte énergétique change fortement. Le développement des ressources fossiles non conventionnelles, mais aussi les efforts entrepris dans les domaines de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables vont détendre à moyen terme le marché de l’énergie. Les risques vont se concentrer sur les aspects purement sécuritaires liés à une situation géopolitique heurtée, une dynamique terroriste très forte ainsi qu’à la répétition de phénomènes météorologiques graves.
Antoine-Tristan Mocilnikar
Ingénieur en Chef des Mines et Doctorat de l’Université Paris IX. Auditeur de la 24e session nationale « Justice et sécurité » de l’INHESJ.
Sécurité énergétique : de la théorie à la pratiqueAntoine-Tristan MOCILNIKAR
© Sergej Khackimullin - Fotolia.com
Energy security: from theory to practiceEnergy security is at the heart of energy policies in our countries. Every country and region is trying to find its own response to this challenge, according to its strengths, history, international relations and interests. The energy situation is changing significantly with the development of unconventional fossil fuels, but also efforts made in the field of energy efficiency and renewable energy. These changes, in the long term, are going to place less of a strain on the energy market. The risks will mainly be related to security aspects in particular, linked to the unstable geopolitical situation, a very strong risk of terrorism and repetition of serious meteorological phenomena.
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Modernité et obsolescence du concept de sécurité énergétiqueJ. Peter BURGESS
Le concept de sécurité énergétique est un concept ambivalent du fait du statut de l’énergie qui est à la fois une ressource indispensable à toute communauté humaine et un facteur potentiel de confl it et de guerre entre ces mêmes communautés. Il s’agit également d’un concept récent, possédant son histoire propre qui se décline sur différentes périodes et différents contextes où, à chaque fois, des contenus distincts lui sont affectés. C’est cette évolution à la fois sémantique et stratégique dont cet article fournit l’analyse.
J. Peter Burgess
Institut de recherche pour la paix (PRIO) d’Oslo & Université Vrije universiteit de Bruxelles.
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Modernity and energy security concepts which are becoming obsoleteThe concept of energy security is an ambivalent concept given the status of energy which is both an essential resource for all human beings and a potential factor in confl ict and war between communities. It is also a recent concept, with its own history which changes across different periods and contexts. In every case, distinct contents are attributed to it. This article seeks to provide analysis of this development, which is both semantic and strategic.
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Transparence et perception du risque en matière nucléaireAlain DELMESTRE
Depuis quelques années, la prise de conscience des risques que font peser les activités humaines sur l’environnement s’est accrue dans l’opinion. Les atteintes à l’environnement sont devenues un sujet sensible. Récemment, l’accident de la centrale de Fukushima a mis la sûreté nucléaire au premier plan de l’actualité, ravivant des craintes et interrogations déjà exprimées à la suite de l’accident de Tchernobyl. Cet événement a suscité un vif intérêt de la part des médias et du public. Plus d’un an après cet événement, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) analyse la perception des Français sur les sujets nucléaires et rappelle les moyens d’information mis à leur disposition.
Alain Delmestre
Directeur général adjoint et membre du comité exécutif de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Il est également directeur de la communication et de l’information des publics de l’ASN. Il a occupé différentes responsabilités dans le domaine de la communication au sein de l’administration (ministère de l’Industrie, ministère des PTT). Alain Delmestre est administrateur civil hors classe.
© N.Robin - ASN
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Transparency and risk perception regarding nuclear energyEnvironmental damage has become a sensitive subject. Recently, the accident at Fukushima power station was fi rst page news, reviving fears and questions which had already been apparent at the time of Chernobyl. Both the media and the public were very concerned about this incident. More than a year later, the French nuclear safety authority is analysing the opinion of French people regarding nuclear energy and calling upon information means available to it.
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La sécurité des centrales nucléaires : un enjeu majeur pour EDFCaroline BERNARD, Hervé BOLL
L’accident de la centrale japonaise de Fukushima a dramatiquement mis en lumière l’importance de la prise en compte des risques majeurs pour les installations nucléaires tant par les autorités publiques compétentes que par les entreprises qui gèrent ces installations. Cet article présente la démarche adoptée en France par le groupe EDF pour inscrire l’exigence de sécurité dans l’élaboration de ses programmes et dans la conception et la gestion des installations qui constituent son parc nucléaire. Cette démarche se développe à de multiples niveaux où la mise en œuvre de processus de sécurité spécifi ques intègre une globalité de champs d’action dans des domaines scientifi ques et techniques, mais également managériaux.
© Minerva Studio - Fotolia.com
Caroline Bernard
Directrice déléguée en charge de la sûreté à la division production nucléaire d’EDF.
Hervé Boll
Délégué de l’état-major en charge de la prévention contre les incendies et les agressions à la division production nucléaire d’EDF.
Security of nuclear power stations: an important issue for EDF The accident at the Japanese power station, in dramatic circumstances, threw light on the importance of being aware of the major risks associated with nuclear facilities. This awareness is important for both public authorities and the companies which manage these facilities. This article presents the initiative adopted in France by EDF to incorporate security demands into the development of its programmes and into the design and management of facilities in its nuclear power stations. This initiative is developing at several levels where the implementation of specifi c security processes includes different types of action in scientifi c, technical and also managerial fi elds.
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La coproduction État-secteur privé dans la sécurisation des infrastructures énergétiques
Entretien avec Jean-Philippe BERILLON *
Cahiers de la sécurité : Les entreprises privées ont-elles toujours noué des liens avec les États, où s’agit-il d’un phénomène récent?
Jean-Philippe Berillon : Il me semble que ces « partena-riats » ont toujours existé ; n’était-ce pas déjà le cas au VIe siècle lorsque des milices bourgeoises ont été créées pour sécuriser les villes, là où se trouvait alors l’essentiel de l’activité économique ? Car ce sont bien les commerçants et artisans qui contribuent à les armer et à les organiser ; on leur donnait même le nom de « guet des métiers » ; les corsaires dès le Moyen Âge mettent à la disposition du roi, des navires civils armés, autorisés par une lettre « de marque » ou « de course » à attaquer, en temps de guerre, les navires battant pavillon d’États ennemis. On peut y voir le début des sociétés privées de sécurité, qui sont aussi aujourd’hui des acteurs importants de la copro-duction de sécurité.
La constante, c’est qu’il s’agit bien, pour des États, de faire face à une menace et de trouver les moyens d’une réponse adaptée, mais il s’agit dans le même temps d’assurer la sécurité et la croissance de l’activité économique, et donc d’intérêts privés. Ce qui change, c’est le type et le niveau de la menace, l’objectif qu’elle recherche, les techniques et technologies utilisées.
Il est clair qu’elle est aujourd’hui plus importante qu’elle ne l’était par le passé et devrait malheureusement continuer à
se traduit, par ailleurs, par des modes d’action au meilleur
de stigmatiser l’incapacité, la défaillance et donc la
relevant de la capacité à créer la terreur la plus forte au sein des populations.
CS : Et quelle est la position du secteur industriel dans tout cela ?
JPhB : Si les populations constituent bien une cible centrale de cette stratégie du faible au fort, il est clair que les infrastructures industrielles et énergétiques tiennent une place particulière. Elles combinent, en effet, le double avantage, en cas de destruction totale ou partielle, de pouvoir, d’une part, désorganiser tout ou partie de l’activité économique et, d’autre part, de déclencher des catastrophes industrielles dont les populations seront les premières victimes.
Il s’agit donc bien pour les opérateurs de passer du stade
coproducteur de sécurité au sein d’un dispositif national ou régional donné ; c’est-à-dire de créer un partenariat
(*) Jean-philippe Berillon, senior vice-president security & safety de GDFSUEZ Global Gaz & GNL, est en charge de la santé, de la sécurité et de la sûreté ainsi que de la gestion de crise et de la protection des informations sensibles. Lieutenant-colonel de gendarmerie, il est breveté du Collège interarmées de défense, diplôme du Centre d’études diplomatiques et stratégiques et titulaire d’un DEA de l’institut d’études politiques d’Aix-en-Provence.
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Le développement de la production nationale d’hydrocarbures : une contribution majeure à la sécurité énergétiquePhilippe PERREAU, Sylvie LE BRUN
Les énergies fossiles assurent aujourd’hui 80 % des besoins de la population mondiale en énergie. Si cette dépendance est souvent mise en cause dans la protection environnementale, elle n’en reste pas moins un véritable défi pour la sécurité d’approvisionnement.
Sylvie Le Brun
Depuis juin 2011 chargée des relations publiques de GEP-AFTP. Rédactrice en chef de Pétrole et Gaz Informations. Chef de projet Enerfi nance bureau, d’études économiques spécialisé dans l’énergie.
© Andrei Merkulov - Fotolia.com
Philippe Perreau
Directeur Technologies Innovations Projets au GEP-AFTP depuis 2009. Précédemment Directeur des relations PME-PMI à l’IFP Energies nouvelles.
The development of national production of hydrocarbon: a major contribution to energy securityFossil fuels ensure 80 % of the world population’s energy needs. This dependence is often debated about in terms of environmental protection and it is also a real challenge for ensuring energy provision for everyone.
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Les trafi cs de déchets : une menace émergenteBruno MANIN
La nécessité de protéger l’environnement a conduit à introduire une réglementation du traitement des déchets. Ce souci de contrôle a fait apparaître, à côté des fi lières légales, un secteur construit sur le contournement de cette réglementation et qui gère une activité ouvertement délinquante. La lutte contre ces fi lières illégales constitue un enjeu de sécurité spécifi que pour les pays de l’Union européenne. L’article développe plus particulièrement les exemples italien et français.
Bruno Manin
Colonel de gendarmerie, Bruno Manin est chef de l’Offi ce central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP). Il intervient dans divers groupes de travail au sein de l’Union européenne ainsi qu’auprès d’organismes des Nations unies. Il est auditeur de la 23e Session nationale de l’INHESJ.
© picsfi ve - Fotolia.com
Waste traffi cking: a new threatThe need to protect the environment has led to the introduction of rules regarding waste treatment. Regarding regarding control of this has led to the appearance, alongside legal fi elds, of a sector built on violation of these rules and which openly manages criminal activity. The fi ght against illegal sectors is a specifi c security issue for countries in the European Union. This article looks into French and Italian examples in particular.
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Politiques énergétiques comparées de l’Inde et de la Chine : contexte et approche régionaleMarie-Hélène SCHWOOB, Paul CAUSSAT
La dynamique de la consommation mondiale d’énergie est désormais portée par les économies émergentes et, en particulier, par l’Inde et la Chine. En plein développement, les deux géants asiatiques pourraient être responsables de plus de la moitié de la croissance de la demande en énergie primaire d’ici à 2030. Mais surtout, l’Inde et la Chine porteront l’augmentation des demandes mondiales en charbon (dont la combustion est fortement émettrice de gaz à effet de serre) et en pétrole (pour lequel les deux territoires sont fortement dépendants de l’extérieur). Afi n de réduire leurs émissions et leur dépendance énergétique, les deux gouvernements publieront cette année leurs douzièmes plans quinquennaux qui mettent l’accent sur l’effi cacité énergétique et sur les ressources énergétiques non carbonées. Cet article se propose d’examiner la situation énergétique des deux pays, les nouvelles mesures et les obstacles qui persistent dans leur mise en oeuvre, avant de se concentrer sur les conséquences que ce contexte implique pour les relations indo-chinoises au niveau bilatéral, régional et international.
Marie-Hélène Schwoob
Chercheur Asia Centre.
Paul Caussat
Chercheur Asia Centre.
Comparison of energy policies in India and china: context and regional approach
The world energy consumption trends are now led by the emerging economies, chief among them India and China. The two booming Asian giants could account for about half of the growth in primary energy demand by 2030. Furthermore, India and China will lead the increase in the world demand for coal, which is responsible for a signifi cant share of greenhouse gas emissions, and also the increase in the world demand for oil, a resource for which the two countries are highly dependent on external countries. In order to reduce their carbon emissions and their energy dependency, the two countries will release their own fi ve-year national plan, emphasizing energy effi ciency gains and non-carbon energy resources. This paper will fi rst attempt to study the two countries’ energy situation, the new measures and the challenges arising from their implementation, and will then focus on the consequences of their internal context on the Sino-Indian relations at the bilateral, regional and international level.
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Énergies 2050 Note n°263 de février 2012 du Centre d’analyse stratégique *
A la demande du ministère de l’Industrie, de l’Énergie et de l’Économie numérique, une commission pluraliste et ouverte a été mise en place en octobre 2011, afi n de produire une analyse des différents scénarios possibles de politique énergétique pour la France à l’horizon 2050. Celle-ci vise à éclairer la programmation pluriannuelle des investissements que le ministre chargé de l’Énergie présentera devant le Parlement en 2013. Les travaux de cette commission ont conduit à la rédaction du rapport « Énergies 2050 » dont l’article qui suit présente les grandes lignes directrices en matière d’analyse et de propositions. Nous remercions le Centre d’Analyses Stratégiques de nous avoir autorisé à publier ce travail qui explore les enjeux stratégiques en matière d’énergie dans ce numéro des Cahiers de la sécurité consacré à la sécurité énergétique.
(*) Cette note de synthèse du CAS fait suite au rapport Énergies 2050 rédigé par Jacques Percebois et Claude Mandil, avec l’aide de Dominique Auverlot (CAS), Étienne Beeker (CAS), Johanne Buba (CAS), Stéphanie Combes (DGT), Raphaël Contamin (DGT), Jean-Guy Devezeaux de Lavergne (CEA), Timothée Furois (DGEC), Richard Lavergne (DGEC), Guy Maisonnier (IFPEN), François Perfezou (DGEC).En savoir plus: www.strategie.gouv.fr
Les principaux enseignements
Le contexte énergétique mondial et européen
u niveau mondial, la demande énergétique est tendanciellement en forte augmentation. Sous l’effet de la croissance de la population et de l’économie, tirée principalement par les pays émergents, notamment la Chine et, à
moyen terme, l’Inde compte tenu de sa démographie, elle pourrait doubler à l’horizon 2050. Ces pays, notamment les quatre grands émergents qui constituent les BASIC (Brésil, Afrique du Sud, Inde et Chine), mais aussi ceux du Moyen-Orient, bien plus que les pays de l’OCDE, « feront » les marchés de l’énergie et les prix qui deviendront donc de plus en plus exogènes à nos propres politiques. Les énergies fossiles, au premier rang desquelles le pétrole, assurent aujourd’hui plus de 80 % de l’offre. Cette situation marque la dépendance mondiale aux énergies carbonées et pose la question de sa soutenabilité, tant sur le plan environnemental que sur celui de l’approvisionnement en matières premières. Si les réserves mondiales d’énergies
fossiles apparaissent abondantes au regard des besoins futurs, les conditions de leur accès sont de plus en plus dif ciles : les investissements en infrastructures nécessaires pour l’utilisation des ressources sont massifs et le contexte géopolitique est par nature incertain. La contrainte climatique devrait par ailleurs apparaître plus tôt que la contrainte géologique.
Au niveau européen, la dynamique est différente, notamment car la croissance de la population et de l’économie y est plus faible. Ainsi, la consommation énergétique y est relativement stable depuis les deux premiers chocs pétroliers. La part des énergies fossiles dans le mix énergétique y est toutefois très proche de celle constatée au niveau mondial et pose les mêmes questions de soutenabilité, auxquelles s’ajoute celle de la dépendance vis-à-vis du reste du monde puisque l’Europe est très largement importatrice d’énergie. Pour tenter de répondre à ces enjeux, l’Union européenne a notamment mis en œuvre le paquet « énergie–climat » qui xe à 2020 des objectifs contraignants. Au-delà, la Commission européenne a produit une “feuille de route Énergies 2050”, évaluant différents scénarios compatibles avec l’objectif de division par quatre des émissions de CO2 (appelé « facteur 4 ») à cet horizon. Cet exercice montre
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L’uranium congolais : une rétrospective et une vision vers l’avenir vues dans le cadre des renseignements et de la sécurité Marc COOLS, Veerle PASHLEY
Dans l’évolution de l’ancienne colonie belge du Congo jusqu’à son indépendance, la possession d’uranium a joué un rôle fondamental dans les processus politiques qui l’ont menée à l’indépendance. Après la décolonisation, l’uranium continue à jouer un rôle stratégique et introduit de nouvelles questions qui se posent aujourd’hui encore, par-delà sa dimension économique, dans le monde de la sécurité et du renseignement.
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Marc Cools
Professeur de criminologie à l’Université de Gand et à l’Université Libre de Bruxelles.
Veerle Pashley
Veerle Pashley est criminologue et chercheuse en criminologie à la ‘Vrije Universiteit Brussel’.
Congolese uranium: a look back on and a look towards the future in the framework of information and securityIn the development of the former Belgian colony the Congo towards its independence, the possession of uranium has played an important role in political processes leading to independence. After decolonization, uranium continues to play a strategic role and introduces new questions which are still asked today, in addition to the economic aspect, regarding security and information.
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Politique énergétique et sécurité. L’exemple russeVitali V. BOUCHOUYEV
La Russie et la sécurité énergétique globale
Des relations stables avec les consommateurs traditionnels des ressources énergétiques russes et avec les consommateurs des nouveaux marchés constituent les directions les plus importantes de la politique visant à assurer la sécurité énergétique globale conformément aux intérêts du pays. La politique et l’activité de la Russie dans le domaine indiqué se réalisent conformément aux décisions et au plan d’action adoptés en 2006 au sommet du G8 à Saint-Pétersbourg. Il prévoit l’activité de l’État dans sept directions de base de la politique énergétique intérieure aussi bien qu’extérieure :
- l’augmentation de la transparence, de la prévisibilité et de la stabilité des marchés énergétiques globaux ;
- la diversi cation des types d’énergie ; l’assurance de la sécurité physique des infrastructures énergétiques les plus importantes ; la diminution des échelles de la pauvreté énergétique ; la solution du problème du changement du climat et du développement durable.
La plupart des dispositions du Plan d’action du « Groupe des huit » se re ètent dans les priorités du SE-2030. De plus, à tous les niveaux de la politique nationale russe dans le domaine de l’assurance de la sécurité énergétique globale certains résultats, cités dans le Rapport national correspondant de la Fédération de Russie, ont déjà été atteints.
Ainsi, s’agissant de l’augmentation de la transparence, de la prévisibilité et de la stabilité des marchés énergétiques, la partie russe a présenté en 2009 à la communauté
mondiale le document « Approche conceptuelle de la nouvelle base juridique de la collaboration internationale dans le domaine énergétique ». Pour préparer un nouveau document international contraignant, une équipe de travail interministérielle a été mise en place. Elle comprend les représentants des autorités fédérales du pouvoir exécutif et des grandes sociétés russes du CCE aussi bien que les représentants du milieu scienti que. L’équipe de travail a préparé un projet de Convention de l’assurance de la sécurité énergétique qui, après l’approbation du Gouvernement de Russie, sera proposé à la communauté internationale en vue d’être complété et amélioré.
Au niveau européen, dans le cadre du dialogue énergétique Russie-UE, les instances concernées travaillent sur l’harmonisation des stratégies énergétiques des parties. Les consultations des institutions d’État et des activités commerciales se réalisent dans différents groupes thématiques, notamment le groupe de la coordination des stratégies énergétiques, des pronostics et des scénarios, le groupe des marchés et de l’infrastructure et le groupe de l’ef cacité énergétique .
Pour mieux coordonner les actions des fabricants et des consommateurs d’énergie lors de situations critiques, le « Mémorandum sur le Mécanisme de la prévention précoce dans le domaine énergétique dans le cadre du Dialogue énergétique Russie-UE » a été signé en 2009. Son caractère actuel a été con rmé quand les livraisons du pétrole russe sont arrivées à destination des consommateurs européens via l’Ukraine.
En ce qui concerne l’amélioration du climat d’investissements dans le secteur énergétique, une loi fédérale a été adoptée relative aux investissements
Vitali V. Bouchouyev
Directeur Général de l’Institut de stratégie de l’énergie de la Fédération de Russie.
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La sécurité énergétique en Russie : le cas de l’industrie électriqueCatherine de LA ROBERTIE, Leonid GITELMAN, Semyon DANILOV
La recherche de la sécurité énergétique est aujourd’hui au centre du débat stratégique conduit par les nations sans cesse préoccupées par l’approvisionnement versus la demande en énergie et leurs importantes répercussions aussi bien aux plans politique, économique, social, environnemental et commercial. L’objectif de cet article est de tenter de poser un diagnostic et de proposer des pistes de réfl exion afi n d’optimiser la nouvelle organisation du secteur électrique en Russie suite aux réformes, pour contribuer à la sauvegarde de la sécurité énergétique électrique.
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Catherine de La Robertie
Professeur des Universités, Rennes I, Présidente de l’AFUDRIS.
Leonid Gitelman
Professeur, directeur du département « gestion du secteur énergétique », Université fédérale de l’Oural Boris Eltsine (Russie).
Semyon Danilov
Docteur de l’Université de Rennes 1, directeur des investissements dans l’industrie électrique, Agence des prévisions énergétiques (Russie).
Security energy in Russia: the electrical industryEnergy security research is nowadays at the centre of a strategic debate led constantly by nations regarding the supply and demand of energy, and the important repercussions of this at a political, economic, social, environ-mental and commercial level.
The aim of this article is trying to carry out analysis and suggest ideas to refl ect upon in order to make the best of new organisation of the electrical sector in Russia following reforms, to contribute to the protection of electrical energy security.
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Souveraineté et développement durableLe débat sur l’énergie au Chili
Andrés SUAREZ
L’économie chilienne repose sur des secteurs industriels, comme le secteur minier, largement consommateurs d’énergie. L’énergie hydroélectrique constitue la principale ressource énergétique du pays, ce qui a conduit les gouvernements successifs à développer des projets d’ampleur. L’article fait état des confl its générés par la mise en œuvre desdits projets au regard des exigences croissantes de protection de l’environnement, mais également de respect des modes de vie de populations autochtones.
Andrés Suarez
Chercheur au Centre d’éthique et professeur à la Faculté d´économie et d’administration de l’université Alberto Hurtado au Chili. Licencié en Sciences de l’administration publique et titulaire d’un Master en Gestion publique de l´université de Santiago du Chili, il travaille sur les thèmes de l´éthique et de la responsabilité sociale des entreprises. Il est coauteur avec Gonzalo Arroyo de deux livres sur l’entreprise et sa responsabilité sociale (2006 et 2011).
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Sovereignty and sustainable developmentThe debate about energy in Chile
The Chilean economy is based on industrial fi elds such as the mining sector, and mainly on energy consumers. Hydro electrical energy constitutes the main energy resource in the country and has led successive governments to the development of large scale projects in this fi eld. This article deals with the confl ict generated by the implementation of such projects, given the growing demand for environmental protection and respect for the way of life of native populations.
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Insécurité et sécurité privée en Côte-d’IvoireBoah Cofy Pascal-Henry YEBOUET
Les activités de sécurité privée ne sont pas récentes en Côte d’Ivoire. Toutefois, l’essor fulgurant qu’elles ont connu est à mettre en relation avec la recrudescence du phénomène criminel et l’incapacité de l’État à assumer pleinement sa mission régalienne de protection des personnes et des biens. Cette sécurité privée prend également une dimension multiforme, du fait des crises successives que le pays traverse et de la volonté des populations de participer activement à leur propre sécurisation.
Boah Cofy Pascal-Henry Yebouet
UFR Criminologie, Université de Cocody en Côte d’Ivoire, CERP - IEP Toulouse Capitole.
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Insecurity and private security on the Ivory CoastThe activities of private safety are not recent in Côte d’Ivoire. However, fulgurating rise that they knew, is to be put in relation to the recrudescence of the criminal phenomenon and with the incapacity of the state to fully assume the kingly mission of protection of the persons and the goods. This private safety, moreover, take on a multiform dimension because of the successive crises that the country crosses and with L will of the populations to take an active part in their own security.
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Protéger les actifs numériques : le Digital Legal Management Philippe BLOT LEFEVRE *
e Digital Legal Management (DLM) consiste à maîtriser l’usage fait par les tiers des docu-ments et informations (D&I) que nous leur con ons 1, qu’il s’agisse d’actifs immatériels
ou de données personnelles numériques. L’objectif du DLM est d’améliorer le ltrage des accès pour ne pas blo-quer les processus métiers 2 et de contrôler l’usage du D&I entre les mains des utilisateurs successifs éventuels.
La valeur « travail » découle toujours d’une décision prise à partir d’informations ables, c’est-à-dire fondées sur la confiance entre responsables de spécialités complémentaires. La valeur de l’information tient donc plus de l’usage qui en est fait par le responsable que du document lui-même.
Depuis une douzaine d’années que l’on parle d’autoroutes de l’information, les technologies de communication se sont développées dans deux sens diamétralement opposés : d’un côté, l’accélération des moyens de communication et l’accroissement exponentiel du nombre des informations mises à disposition et, de l’autre, la sécurisation de ces systèmes à un point tel qu’ils entravent les processus métiers jusqu’à contourner souvent les protections mises en place. En n, la surabondance d’informations livrées par les moteurs de recherche nit par noyer le décideur !
Une étude récente sur l’usage de l’information en entreprise recense les principales dif cultés informationnelles du
professionnel : « l’évaluation de la qualité de l’information (38 %), la dif culté à identi er les sources pertinentes (43 %), la surabondance d’information (84 %) et celle de capitaliser l’information en interne (85 %) ». 3
Jusqu’à maintenant, deux individus communiquant à l’appui du numérique le faisaient selon une logique « Information/individu ». Cette logique atteint des limites que la gestion du droit d’usage (Digital Legal Management) va relayer. Le couple informationnel « droit d’usage/rôle de l’individu » est beaucoup plus vertueux à bien des égards. Tout d’abord, il permet de ltrer l’information en fonction de critères métiers : le comptable modi e les données, mais ne les publie en aucun cas ; le responsable nancier ne modi e pas les montants, mais il a le devoir
de les publier à certaines échéances. Cette situation trouve son équivalent dans tous les métiers, de la médecine à la diplomatie, de la production artistique au secret défense dont le « besoin d’en connaître » doit permettre de faire tout ou son contraire en fonction du contexte.
Nouveaux modes complémentaires de collaboration de l’entreprise, les réseaux sociaux d’entreprise (RSE) 4 sont des communautés d’intérêts interactives numériques. Les RSE prennent de l’ampleur sous le regard souvent suspicieux du management. C’est regrettable, car associés au DLM, les RSE sont justement le moyen le plus sûr de partager de l’information à forte valeur ajoutée et de rationaliser les coûts de sécurité. Le DLM relève le dé de cette apparente contradiction.
(*) Consultant-expert en Digital Legal Management (www.hub2b.com), vice-président de la fi -D&IM, Fédération des documents & Informations Managers (www.fi dim.eu), membre de l’Académie de l’intelligence économique. Il est l’auteur en 2007 de Droit d’usage et protection de l’information numérique aux éditions Editea (Lire aussi l’article présenté à l’Assemblée nationale par Remy Pautrat, au sujet de Wikileaks et du DLM : https://docs.google.com/fi le/d/0B-tKAo-gebyxYTM0NWJkMmMtZTNhMy00MTljLThiOTYtZDJiZTQwMzRmZTI5/edit?pli=1 ) et a collaboré à Introduction à la sécurité économique de Gérard PARDINI, directeur adjoint de l’INHESJ.
(1) Le lecteur retiendra les sens induits de ce verbe qui intègre les notions de confi dence et surtout de confi ance, cette relation interin-dividuelle qu’aucune compensation matérielle n’assure. Ainsi, est-il notamment impropre de parler d’« Internet de confi ance », mais plutôt de relations de confi ance avec (/en dépit de ?) Internet.
(2) Processus métier : l’élaboration professionnelle d’un produit ou d’un service consiste à exploiter en aval, ce qui a été conçu ou réalisé en amont. La mise en jeu de systèmes de sécurité dont le rôle est de bloquer les accès non autorisés vers l’amont, est une entrave au travail des utilisateurs en aval, dont la conséquence est un ralentissement de la chaîne de travail considérée, dite « processus métier ».
(3) Etude pilotée par l’Association des professionnels de l’information et de la documentation (ADBS) et Veille magazine, mars 2012.(4) RSE : http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9seau_social_d’entreprise
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Police et préventionJean-Louis LOUBET DEL BAYLE *
n débat, aujourd’hui récurrent dans la plupart des sociétés, porte sur les
modalités « répres sives » ou « préventives » de l’intervention de la police pour assurer
l’observation et l’application des lois et le maintien de l’ordre qu’elles contribuent à instaurer ou garantir. La question se pose d’autant plus que ces termes font l’objet de manière quasi universelle, depuis le dernier quart du XXe siècle particulièrement, d’une valorisation unilatérale, avec la distinction quelque peu manichéenne et simpli catrice – issue pour une part de la tradition policière anglaise – tendant à opposer de « bonnes » polices, qui seraient caractérisées par leur action préventive, et de « mauvaises » polices, caractérisées par leur aspect répressif. En fait, les choses sont plus complexes et supposent tout d’abord que l’on précise la signi cation des termes utilisés dans ce débat.
Prévention et répression
On peut considérer que l’orientation « répressive » de l’action policière se caractérise par des interventions a posteriori, lorsqu’une infraction ou un acte délictueux a été commis, lorsqu’un « dé sordre » ou une « désobéissance » se sont produits. Dès lors, l’action policière apparaît comme essen tiellement « réactive », en répondant à des situations de mise en cause des normes régulant la vie sociale. Par opposition, l’action préventive est celle qui a pour but d’empêcher les infractions de se commettre et donc, ainsi, de prévenir les dommages qu’elles peuvent entraîner, d’éviter les désordres avant que ceux-ci ne se produisent. Le comportement de la police est alors « proactif », la police pre nant l’initiative des mesures destinées à empêcher le développement par exemple de la délinquance ou de la criminalité.
À partir de ces dé nitions, on peut d’abord observer qu’aucune police n’a qu’un aspect purement répressif.
Toute activité policière a aussi des conséquences préventives, dans la mesure où l’existence de la police et son action ont pour but, à travers la répression et la sanction a posteriori des comportements déviants, d’empêcher à l’avenir la réitération et le développement de comportements de même nature. La dimension répressive de l’action policière comporte donc, par son exemplarité, une dimension dissuasive et préventive. La « peur du gendarme » est une illustration de cette perspective préventive, pour empêcher les infractions de se commettre. On la retrouve aussi dans l’organisation de la visibilité sociale de la police et des policiers, dans l’importance accordée à l’uniforme ou, éventuellement, au port ostensible d’une arme. « Montrer sa force pour ne pas avoir à s’en servir » est une stratégie policière à caractère préventif et il est évident que ce que l’on peut appeler la dimension idéologique et symbolique liée à l’existence même de la police, et à la menace, réelle ou supposée, qu’elle représente n’a de sens que dans cette perspective. On peut alors parler de « prévention répressive » ou d’une « répression préventive ».
Dans les hypothèses que l’on vient d’évoquer, on a affaire à une prévention qui est donc fondée sur la crainte de la sanction, sur la peur de la répression chez les déviants potentiels. Toutefois, cette activité préventive peut aussi s’entendre – et c’est souvent implicitement le cas dans les débats actuels – comme une action destinée à avoir une in uence sur les causes possibles de la déviance et de la victimisation. Ainsi en est-il d’abord avec ce que les Anglo-Saxons appellent la « prévention situation-nelle », en désignant par là « les mesures non pénales, ayant pour but d’empêcher le passage à l’acte en modi ant les circonstances particulières dans lesquelles des délits semblables sont commis ou pourraient l’être » 1. D’où, par exemple, les campagnes invitant particuliers et entreprises à prendre des mesures d’autoprotection contre les cambriolages, ou les incitations à réorganiser tel ou tel site, a n de rendre plus dif ciles, moins productifs, et moins attractifs, les comportements
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(*) Professeur émérite de science politique à l’Université des sciences sociales de Toulouse-Capitole. (1) M. Cusson, Criminologie, 2002, Paris, Hachette, p. 128.
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(*) Président du réseau des Correspondants de Nuit. Ancien adjoint au maire de Rennes. (**) Professeur responsable pédagogique, mastère gestion des risques grandes écoles. Élu local (Lille Métropole).
La Médiation : un outil de résilience pour l’espace publicJean-Yves GÉRARD *, Richard OLSZEWSKI **
a plus grande beauté d’une ville n’est pas dans les édi ces, elle est dans l’espace libre entre les édi ces. Les grands artisans des villes sont des sculpteurs d’espaces », c’est ainsi que Georges Duhamel, dans sa Chronique des Pasquiers,
résumait l’histoire des villes, histoire marquée aujourd’hui de changements accélérés et de recompositions profondes ? Ces transformations suivent un cours marqué par une pluralité d’usages, mais aussi par des tensions entre des appropriations contradictoires. L’État, les élus, les bailleurs, voire les acteurs économiques y répondent par des mesures connues : présence de la police nationale, développement de la police municipale, vidéoprotection, résidentialisation, montée en charge de la sécurité privée. Notre ré exion est fondée sur l’expérimentation de quatre villes, Châtellerault, Orléans, le 20e arrondissement de Paris et Roubaix, il s’est agi de tirer des éléments de méthode et éventuellement trouver des complémentarités avec la sécurité privée.
Quatre parties composeront cet article. La présentation des quatre villes ci-dessus qui conduira logiquement à une mise en scène de l’organisation, et des interventions des médiateurs d’espaces publics et des correspondants de nuit, ceux-ci répondant à des missions exigeant des compétences spéci ques ; en n, il apparaît que ces missions varient entre les sites et les villes, comme changent également les relations qui unissent les correspondants de nuit et les médiateurs d’espaces publics à leurs partenaires.
Comment les services de correspondants de nuit et
de médiateurs d’espaces publics sont-ils organisés ?
D’un côté, un dispositif de médiation a été mis en place directement par la mairie avec emploi direct par la
municipalité ; c’est le cas à Paris et Orléans. Néanmoins, des différences existent entre ces deux villes : à Orléans, les encadrants sont salariés de la mairie, et les médiateurs sont employés sur des contrats aidés divers. À Paris, les correspondants de Nuit sont employés directement par la mairie et ont donc le statut de fonctionnaire. Ils sont organisés en huit secteurs. Les zones sont généralement assez mixtes, couvrant zones commerçantes, habitat social, voire gares ou quartiers résidentiels. Ce sont des quartiers qui comptent entre 12 000 et 25 000 habitants. Les équipes sont composées de 15 à 25 agents qui interviennent sur des quartiers ciblés. Les correspondants de nuit travaillent de 16 heures à 24 heures tous les jours de l’année. Les encadrants sont issus d’autres services de la ville.
De l’autre côté, on trouve un dispositif de médiateurs délégués à une association qui les emploie. Ce sont donc les cas de Roubaix et de Châtellerault. L’association de Roubaix a 25 ans et est née grâce à des volontaires retraités qui sécurisaient les sorties des écoles. Elle fonctionne grâce aux emplois aidés mis en place par l’État. Les médiateurs, qui assurent la sécurisation des sorties des écoles, s’occupent aussi le dimanche des abords des marchés, et sont présents dans un parc public de cœur d’agglomération où leur mission consiste à prévenir des incivilités, et à éviter les con its. À Châtellerault, les correspondants de nuit sont salariés de l’association d’employeurs pour le développement des services au public.
Les avantages et les inconvénients de ces deux formules sont connus. La première permet une prise en charge plus directe par l’institution de l’action des médiateurs, ainsi que, potentiellement, une meilleure identi cation par les autres services publics. À Orléans, les médiateurs béné cient de l’appartenance à l’institution municipale, en ce qu’elle assure une double reconnaissance vis-à-vis des autres services publics et vis-à-vis de la population.
Au titre de la seconde logique, il est notable que les médiateurs puissent plus facilement s’extraire de situations
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La sécurité intérieure de l’Union européenne, un chef-d’œuvre impressionniste ? *Pierre BERTHELET **
a politique européenne de sécurité intérieure connaît depuis quelques mois un développement sans précédent. Cependant, ce changement s’opère par petites touches, à l’image d’un tableau des
maîtres impressionnistes.
L’action de l’UE est fondée sur un document directeur : la Stratégie européenne de sécurité intérieure 2. Cette stratégie, approuvée par les vingt-sept chefs d’État et de gouvernement le 25 mars 2010, constitue le corpus doctrinal de la sécurité intérieure européenne. Elle s’apparente à un fond de toile, en exposant les lignes d’action face à une série de menaces auxquelles sont confrontés l’Union et les États membres 3. Elle a été
complétée par un Plan d’action approuvé par les ministres des vingt-sept États membres de février 2011 4. Ce document concrétise la Stratégie autour d’un ensemble de mesures concrètes à mettre en œuvre, elles-mêmes organisées autour d’une série d’objectifs opérationnels.
Entre tons clairs et teintes plus obscures
La Commission européenne avait quali é de promet-teurs les progrès réalisés dans la mise en œuvre du Plan d’action 5. Elle avait constaté, à ce propos, des avancées
(*) L’auteur remercie vivement Jean-François Gayraud, commissaire divisionnaire et essayiste, pour sa relecture attentive du texte et ses précieux conseils.
(**) Diplômé de l’Université catholique de Louvain, Pierre Berthelet a été conseiller pour les questions européennes auprès du ministre fédéral de la Justice sous la présidence belge de l’UE (2001). Enseignant à l’Institut politique (IEP) de Lille, il est spécialisé sur les questions de sécurité intérieure. Il est l’auteur du Paysage européen de la sécurité intérieure (Peter Lang, 2009) et administre le site www.securiteinterieure.fr
(1) Cet article fait suite aux réfl exions exposées dans : « La sécurité intérieure européenne, sa stratégie et son architecture : regard imagé sur une construction originale », Sécurité globale, n° 19, printemps 2012, p. 77-90 ; « Union européenne : réfl exions sur la sécurité intérieure », Revue de la Défense nationale, Tribune n° 261, 27 septembre 2012, p. 1-5.
(2) http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/librairie/PDF/QC3010313FRC.pdf (3) À savoir le terrorisme, la grande criminalité et la criminalité organisée, la cybercriminalité, la criminalité locale transfrontalière, les
atteintes à la sécurité routière, la violence en elle-même (id est la violence juvénile et celle causée par le hooliganisme), ainsi que les catastrophes d’origine naturelle ou humaine.
(4) Conseil « justice et affaires intérieures » des 25 et 26 février 2011 (doc. du Conseil du 21.02.2011 (n° 6699/11)).(5) COM(2011) 790 du 25.11.2011.
La sécurité intérieure européenne s’apparente à une œuvre picturale. Le tableau, loin d’être achevé, prend néanmoins forme sur un mode impressionniste : une série de touches qui se superposent, des couleurs vives, des jeux d’ombre et de lumière… Ces touches constituent un ensemble cohérent même s’il est dif cile encore de cerner toutes les formes et tous les personnages composant l’œuvre.
Cela étant dit, cette sécurité intérieure européenne s’apparente-t-elle à un chef-d’œuvre des maîtres impressionnistes ? Tout dépend du point de vue où l’on se place pour regarder le tableau : ses admirateurs y verront le travail d’un peintre à la main encore mal assurée, mais dont les traits de génie sont incontestables. Les plus critiques ne manqueront pas de mettre en exergue une juxtaposition maladroite de couches de couleur bien loin des règles issues des traditions étatiques. Quoi qu’il en soit, la sécurité intérieure européenne s’apparente bien à ce que fut l’impressionnisme en tant que courant artistique il y a plus d’un siècle : un renouvellement de la peinture avec la remise en cause des codes établis 1.
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La sécurité énergétique
Sécurité énergétique et souveraineté
Sécurité énergétique : de la théorie à la pratique
La sécurité des centrales nucléaires
Les politiques énergétiques régionales
de l’Inde et de la Chine
Cahiers de la
sécurité n°21
Revue de l’Institut national des hautes études
de la sécurité et de la justice
et de la justiceInstitut national des hautes Études
de la sécurité
Revue trimestrielle - octobre 2012
Chaque trimestre
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