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La traductibilité de la métaphore coranique George Grigore L’étude qui suit concerne les métaphores coraniques et la possibilité de les transposer dans un autre code linguistique, dans notre cas, la langue française. La base de notre recherche a été constituée, d’une part, par le texte coranique, et d’autre part, par ses traductions publiées en fran- çais. Nous avons prêté une attention spéciale à la traduction de D. Masson qui nous a offert la matière nécessaire pour mettre en évi- dence les aspects qui pourraient passer pour significatifs du point de vue de la traductibilité de la métaphore coranique. La préférence du Coran pour l’utilisation fréquente de la méta- phore s’explique par le fait que celle-ci est employée pour communi- quer des réalités d’un plan idéatique en se rapportant aux éléments d’un autre plan, par leur traduction d’un type de langage, celui de l’absolu, du transcendent, dans un autre, celui du relatif, du fini, du compréhensible. Au lieu d’aspirer à la création d’un système d’abstractions expri- mé par une série de signes linéaires ainsi qu’il arrive dans les sciences exactes, le Coran crée un système de mots unique, inimi- table par l’intermédiaire des embranchements et des connexions multiples, chaque vocable qui lui est englobé ayant un aspect neutre, informationnel et un aspect symbolique. Ce dernier côté est rendu d’habitude par la métaphore qui, par ses reprises obsédantes de présentations et de représentations, devient un élément fondamental de ce système mythique-religieux qui est le Coran. Au fond, ce sys- tème n’est pas autre chose qu’une amplification de la métaphore jus- qu’à la généralisation. La métaphore est une figure de style par laquelle on transfère ou on prête la signification d’un mot à un autre mot, à partir d’une Caietele Institutului Catolic II (2001, 1) 88-106

Caiete 2001-1 Grigore

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La traductibilité de la métaphore coranique

George Grigore

L’étude qui suit concerne les métaphores coraniques et la possibilité de les transposer dans un autre code linguistique, dans notre cas, la langue française.

La base de notre recherche a été constituée, d’une part, par le texte coranique, et d’autre part, par ses traductions publiées en fran-çais. Nous avons prêté une attention spéciale à la traduction de D. Masson qui nous a offert la matière nécessaire pour mettre en évi-dence les aspects qui pourraient passer pour significatifs du point de vue de la traductibilité de la métaphore coranique.

La préférence du Coran pour l’utilisation fréquente de la méta-phore s’explique par le fait que celle-ci est employée pour communi-quer des réalités d’un plan idéatique en se rapportant aux éléments d’un autre plan, par leur traduction d’un type de langage, celui de l’absolu, du transcendent, dans un autre, celui du relatif, du fini, du compréhensible.

Au lieu d’aspirer à la création d’un système d’abstractions expri-mé par une série de signes linéaires ainsi qu’il arrive dans les sciences exactes, le Coran crée un système de mots unique, inimi-table par l’intermédiaire des embranchements et des connexions multiples, chaque vocable qui lui est englobé ayant un aspect neutre, informationnel et un aspect symbolique. Ce dernier côté est rendu d’habitude par la métaphore qui, par ses reprises obsédantes de présentations et de représentations, devient un élément fondamental de ce système mythique-religieux qui est le Coran. Au fond, ce sys-tème n’est pas autre chose qu’une amplification de la métaphore jus-qu’à la généralisation.

La métaphore est une figure de style par laquelle on transfère ou on prête la signification d’un mot à un autre mot, à partir d’une

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comparaison qui se maintient au niveau mental. Ce transfert concerne seulement certains plans des significations des mots que l’on pourrait ranger en deux grandes catégories:

a) la signification dénotative ou référentielle, c’est à dire la signi-fication de base, telle qu’elle se trouve consignée dans le diction-naire;

b) la signification connotative-métaphorique, c’est à dire la signi-fication acquise par le vocable dans un context déterminé;

Il y a des mots qui, dans des circonstances déterminées, ajoutent à la signification dénotative (référentielle, factuelle) un ni-veau métaphorique qui apporte au dénoté un surplus d’information valorisatrice. La métaphore est toujours une image de l’objet reflétée par la configuration d’un autre objet, et la connexion entre ces deux objets est un fait de conscience, une activité de valorisation esthé-tique et cognitive. Ainsi, l’image véritable, complète, ne peut pas être devinée que d’après son reflet. Le déchiffrement de l’image totale, cachée, dont parlent les commentateurs musulmans, à partir de ses reflets evidents dans les mots du texte coranique, est un processus continuel, parce que les valences métaphoriques de chaque mot peuvent réverbérer au niveau de l’esprit des significations d’une grande diversité dès que l’on sort de l’univocité des vocables pour se rendre attentif aux diverses acceptions selon un même mot est em-ployé dans divers sens métaphoriques. À ce niveau de la significa-tion, le dénoté est détaché de son immédiat phénoménologique et placé, à la limite, entre les connaissances existentes sur le monde et les intuitions qui n’ont pas un contour précis dans le réseau d’abs-tractions et de vérités vérifiables dans un certain moment historique. Ce sens suit les lignes générales de la pensée humaine, ce qui faci-lite, en grande mesure, le transcodage de la métaphore coranique dans une autre langue.

Pour synthétiser, on peut dire que le point de départ de la méta-phore réside dans une construction comparative du type: x est simi-laire à y. Pour arriver à la métaphore, le terme x et, implicitement, le relatif de comparaison seront éliminés, tandis que certains traits sé-mantiques du terme x, telle la réflexion d’une image dont nous ve-nons de parler, passeront sur le terme y. La comparaison peut être reconstituée à partir de ces traits sémantiques transférables pour conduire, finalement, au déchiffrement de la métaphore.

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Dans la pensée mythique-religieuse cristallisée dans le Coran, la métaphore ne se limite pas à indiquer une certaine chose, mais, bien davantage, elle s’y substitue pour entrer dans une relation de con-substantialité avec le référent, ce qui conduit à une coïncidence entre les deux plans idéatiques, celui de l’absolu et celui du rélatif. C’est précisément à ce point que commencent, dirait-on, les pro-blèmes soulevés par toute traduction de la métaphore coranique.

En suivant le critère de leur traductibilité en français, nous pro-posons la classification des métaphores coraniques en deux grandes catégories:

a) métaphores à équivalent métaphorique du même type;b) métaphores sans équivalent métaphorique du même type

Métaphores à équivalent métaphorique du même type

Les métaphores coraniques à équivalent métaphorique du même type en français sont:

a) les métaphores révélatrices;b) les métaphores artistiques universelles;Nous avons adopté cette répartition des métaphores d’après

l’ouvrage de Lucian Blaga, “Geneza metaforei şi sensul culturii” (“La genèse de la métaphore et le sens de la culture”) publié en 1935 à Bucarest, en remplaçant seulement son terme “plasticisant” par “ar-tistique”.

a. Les métaphores révélatricesLes métaphores révélatrices prennent naissance du mode spé-

cifiquement humain d’exister dans l’horizon du mystère et de la révé-lation. Ces métaphores se réfèrent aux dimensions fondamentales de l’existence, aux aspects essentiels de l’existence de toute com-munauté humaine (v. Blaga; 42). Les réalités exprimées à l’aide des métaphores révélatrices sont toujours des zones qui attirent l’intérêt des gens, autrement dit, elles renferment des idées obsessionnelles de l’esprit collectif. Puisqu’elles reflètent une image chiffrée des réali-tés absolues, elles représenteront les points de repère pour toute œuvre religieuse (v. Marino; 185). Ce type de métaphore donne naissance aux thèmes centraux religieux qui se répètent de manière insistante, afin de s’imprimer dans la mémoire et, surtout, dans l’es-

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prit des fidèles, en tant que les motifs principaux d’une symphonie, se manifestant dans les moments importants.

Ces métaphores ont comme point de départ des éléments concrets, généralement connus par tout le monde, et renferment des idées abstraites, difficile à définir telles celles qui se trouvent, par exemple, derrière des mots comme la lumière, les ténèbres, la voie etc. Etant le résultat d’une compréhension généralement humaine de la réalité, ces métaphores se retrouvent dans les cultures les plus di-verses, ce qui rend assez facile leur transposition d’une langue à l’autre. L’équivalence interlexicale des termes qui constituent les mé-taphores révélatrices conduit implicitement à l’équivalence de leurs champs sémantiques, du moment qu’ils ont la même auréole méta-phorique, les mêmes significations connotatives.

Dans ce type de métaphore, le mouvement mental glisse du concret à l’abstrait, du connu à l’inconnu. En conséquence, les formes physiques du monde extérieur – des objets et des phéno-mènes réels – acquièrent par l’analogie des sens métaphoriques illustrant des notions abstraites. Plus le terme de départ de ces mé-taphores est ancré dans la réalité immédiate, plus les sens qu’il re-cevra par le mouvement métaphorique seront abstraits (v.Slave; 26 ).

A leur tour, les métaphores révélatrices peuvent étre réparties, en plusieurs groupes, en fonction de la classe sémantique du terme qui les introduit: 1) cosmogoniques; 2) cosmo-anthropomorphiques; 3) anthropomorphiques; 4) concrétives.

a-1) Les métaphores révélatrices cosmogoniquesLa pensée humaine a élaboré, le long du temps, un modèle

dualiste qui incorpore un grand nombre de principes opposés et complémentaires se trouvant à l’origine de la création du monde (le ciel/la terre; la vie/la mort; la lumière/l’obscurité etc.). Ce modèle dualiste suivi par les métaphores révélatrices cosmogoniques est spécifique à toutes les cultures. Il peut être rencontré chez tous les peuples, quel que soit leur degré de développement social ou cultu-rel, ce qui rend plus facile le transcodage de ces métaphores d’une langue à l’autre (v. Lévi-Strauss,164).

Dans les systèmes religieux, le monde prend naissance non seulement des éléments ou des phénomènes antagoniques, tels le

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froid/le chaud, la lumière/l’obscurité, mais encore de leurs principes correspondants dans le plan moral par une translation métaphorique tels le bien/le mal, croyance/l’incroyance etc. Par exemple, le terme “lumière” se trouve en opposition avec le terme “obscurité” aussi bien dans son sens propre, que dans son sens métaphorique: si la lumière signifie enseignement, culture, éducation, croyance, le bien, son antonyme signifiera ignorance, inculture, péché, incredulité, le mal (v. Slave, 51).

Au sens du bien absolu, la lumière (ar.:“nûrun”) est – dans le Co-ran – une métaphore qui désigne Dieu même. Cette idée est pré-sente dans toute la mystique religieuse, ayant pour fondement l’identification spontanée, instinctive de Dieu avec les éléments indis-pensables à la vie: la lumière, la chaleur, l’eau etc.

allahu nûru-s-samawati wa-l-’ardi (Q 24/35)“Dieu est la lumière des cieux et de la terre!” (M 464)Une autre signification du mot “nûrun” (fr.: “lumière”) est celle de

“sagesse”, “raison”, “pouvoir de compréhension en tant qu’aptitude divine:

wa man lam yað‘al allahu nûran fa-ma la-hu min nûrin (Q 24/40)“Celui à qui Dieu ne donne pas de lumière n’a pas de lumière.”

(M 465) La lumière en tant que métaphore de la vie en croyance s’op-

pose aux ténèbres comme métaphore de la vie en péché: li-yuhriða al-ladina ’amanû wa ‘amilû as-salihati min az-zulumati ’ila-n-nûr (Q 65/11)“[...] pour faire sortir des ténèbres vers la lumière ceux qui

croient et qui accomplissent des œuvres bonnes.” (M 751)En arabe, zulumatun (“ténèbres”), est un pluriel du nom d’une

fois zulmatun - une manifestation de l’obscurité, une obscurité. Zulu-matun signifie, par conséquent, des “manifestations de l’obscurité”, et au sens métaphorique, du “péché”. Tandis que l’obscurité peut exis-ter sous de nombreuses formes, la lumière – nûrun – est singulière, parce qu’elle représente la Vérité absolue, la Croyance en Dieu dont la manifestation est unique (Al- Muntahab, 85). A l’appui de cette idée, on peut citer le mystique Muqatil qui réduit ces deux méta-phores à leur signification immédiate et abstraite, en traduisant nûrun

(lumière) par ’imanun (foi monothéiste) et zulumatun (ténèbres) par šir-kun (polythéisme; idolâtrie) (v. Nwyia; 71).

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Dans la traduction de Masson, cette nuance importante est mar-quée aussi, le mot zulumatun étant équivalé à un vocable au pluriel “ténèbres”. Je signale ce détail afin de suggérer qu’il est important de rendre toutes les informations qu’un mot véhicule dans un texte religieux. Chaque information de ce genre peut constituer, à son tour, l’échafaudage de toute une série d’interprétations, comme dans l’exemple mentionné.

La métaphore révélatrice cosmogonique la plus fréquemment rencontrée dans le Coran est celle introduite par le mot sabilun (fr.: ”voie”– 177 occurrences) et par ses synonymes siratun (fr.: “voie”, “pont” – 44 occurrences), tariqun (fr. “chemin frayé” – 3 occurrences), sababu” (fr.: “corde” – 5 occurrences), šari‘atun (fr.: “sentier”, étymolo-giquement:“sentier qui mène à l’eau”) bien qu’elle apparaisse une seule fois, cette dernière représente, selon les commentateurs, le terme de référence de toute autre métaphore construite sur la base du mot “la voie”.

La voie, le chemin, constituent une représentation analogique de l’écoulement du temps au niveau de l’espace concret. Ainsi, la voie signifie la durée de la vie, le temps vécu par quelqu’un entre le moment de sa naissance et le moment de sa mort. Elle indique, sur-tout quand elle est associée à certains épithètes tels que “mustaqi-mun” (fr.: “droit”) les règles lesquelles doivent être observées pour garder l’harmonie entre l’homme et Dieu:

’inna-na hadayna-hu as-sabila ’imma šakiran wa ’imma kafûran(Q 76/3)“Nous l’avons dirigé sur le chemin droit, qu’il soit reconnaissant,

ou qu’il soit ingrat.” (M 782)Le cheminement sur la voie droite représente l’idéal vers lequel

aspirent tous les fidèles; c’est, d’ailleurs, l’unique chose qu’ils de-mandent à Dieu dans leurs invocations:

ihdi-na as-sirata-l-mustaqima (Q 1/5)“Dirige-nous dans le chemin droit!” (M 3)Pour suggérer le surnaturel, l’Au-delà, on recourt à la métaphore

qui reproduit les sens de certains mots liés à la réalité extérieure dans celle métaphysique. Des notions fondamentales concernant l’Au-delà sont forgées de métaphores renfermées dans des mots tels que le jardin, le jardin où coulent les ruisseaux, l’ombre épaisse, les sources de l’eau, d’une part, et le feu, la fournaise, le brasier, la bois-

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son brûlante et fétide, d’autre part. Ces métaphores, partiellement déjà lexicalisées, nous sont familières de la Bible, ce qui rend plus aisé la transposition de leurs connotations, grosso modo, les mêmes en arabe et en français. Nous choisissons un seul exemple de ce type pour illustrer notre commentaire:

wa qulna ya adamu uskun ’anta wa zawðu-ka al-ðannata (Q 2/35) “Nous avons dit: O Adam! Habite avec ton épouse dans le jar-din!” (M 9)

Dans cet exemple, le mot ðannatun (fr.: “jardin”) est employé au sens métaphorique de paradis, de même que dans la Bible.

a-2) Les métaphores révélatrices cosmo-anthropomorphiquesAyant comme point de départ des éléments cosmiques, tels que

ceux déjà énoncés ci-dessus, on arrivera, par un glissement de sens vers les éléments du corps, à d’autres métaphores nommées cos-mo-anthropomorphiques qui représentent le point de rencontre des métaphores cosmogoniques et de celles anthropomorphiques.

Nous rappelons, à cet égard, les sens métaphoriques de la main droite et de la main gauche, si prégnants dans toutes les cultures traditionnelles. Ces sens dérivent de l’axiologie des points cardinaux et sont directement liés à l’évolution zodiacale du soleil. L’un des termes en sera toujours valorisé positivement et l’autre négativement.

Les connotations positives caractérisent l’Orient, le lieu du lever du soleil – source de chaleur et de lumière. Tourné vers l’Orient, ain-si que l’on procédait dans tous les rituels magiques, l’homme aura à droite le Sud et à gauche le Nord. Le Nord est associé au froid, aux ténèbres, à la mort, tandis que le Sud évoque la chaleur, la lumière, la vie. Par transfocalisation, dans le Coran, la main gauche indiquera les défauts c’est à dire les défaillances morales: l’incroyance, le pé-ché sous toutes ses formes, alors que la main droite symbolisera: la dévotion, la croyance, la vertu.

En conséquence, les gens seront divisés en deux catégories: ceux du côté droit et ceux du côté gauche de Dieu:

fa-’ashabu-l-maymanati ma ’ashabu-l-maymanati wa ’ashabu-l-maš‘amati ma ’ashabu-l- maš‘amati (Q 56/8-9)

“ Les compagnons de la droite! - Quels sont donc le compa-gnons de la droite? Les compagnons de la gauche! - Quels sont donc les compagnons de la gauche?” (M 714)

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Le vocable “maymanatun” (fr.: “droite”) renvoie à la notion de bonheur – “yaminun” ainsi que le vocable “maš‘amatun” (fr.: “gauche”) renferme la notion de “šu‘mun” (fr.: “malheur”).

Dans les remarques accompagnant sa propre traduction, Mas-son identifie les compagnons de la droite aux bienheureux et les compagnons de la gauche, aux damnés, conformément aux com-mentaires des théologiens arabes à ce sujet. Il faut bien remarquer que Jésus se trouve également assis à la droite de Dieu (Matthieu; 20/23).

a-3) Les métaphores révélatrices anthropomorphiquesPar les métaphores plus haut qui rattachent les métaphores

cosmogoniques à celles anthropomorphiques, nous entrons dans le domaine de ces dernières.

Comme tout langage religieux qui touche aux aspects du mys-tère divin, le langage coranique contient un grand nombre de méta-phores anthropomorphiques par lesquelles celui-ci est rendu.

Par conséquent, en Coran, on parle de Dieu en se référant aux parties de son corps, soit par une indication directe comme la main, le visage, les yeux etc., soit par une mention indirecte c’est à dire par des actions qui supposent l’existence de ceux-ci: entendre, voir, ap-peler etc. Ce mode de présentation de la divinité nous est connu de la Bible, selon laquelle l’homme a été créé à l’image de Dieu (La Ge-nèse; 1/27).

Mais Dieu est, avant tout, ésprit et en conséquence les caracté-ristiques humaines qui lui sont attribuées doivent être comprises seulement au sens métaphorique ou métonymique. En outre, dans le Coran toute analogie entre l’homme et Dieu est exclue et on sou-ligne le fait que Dieu est sans égal, incomparable:

wa lam yakun la-hu kufuwan ’ahadun (Q 112/4)“Nul n’est égal à lui!” (M 827) Par ces métaphores anthropomorphiques concernant la divinité,

on comprendra les fonctions et les caractéristiques de ces parties de l’organisme humain qu’elles représentent (v.Nida;110). Ces qualités sont attribuées à Dieu pour le faire accessible à l’intellect humain, qui a toujours besoin d’analogies pour connaître et comprendre (Al-Ðurðani; 96).

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Les métaphores anthropomorphiques, ayant comme point de départ l’homme avec ses caractéristiques universellement valables, auront la même gamme de significations en langues et cultures bien différentes. “La main” en arabe “yadun” est largement utilisée comme métaphore du pouvoir, de l’autorité, de la protection et du conseil:

yadu allahi fawqa ’aydi-him (Q 48/10)“La main de Dieu est posée sur leurs mains.” (M.680)L’origine de cette métaphore, également fréquente dans la

Sainte Bible, se trouve dans l’habitude des instituteurs de guider leur disciples en train apprendre à écrire, en conduisant la main de ceux-ci par leur main, pour dessiner correctement les lettres (Barclay; 102-110).

“La main” – “yadun” – peut avoir également le sens métaphorique de “possession” ou “contrôle sur quelqu’un ou sur quelque chose”:

bi-yadi-ka al-hayru (Q 3/26)“ Le bonheur est dans ta main [...] (M 68)Le développement métaphorique du mot “yadun” est très large en

arabe, de même que “main“ en français; donc, la série d’exemples pourrait continuer sans ajouter quelque chose de nouveau aux ob-servations que nous avons déjà faites.

La signification métaphorique du mot “waðhun” (fr.: “face”) est celle de “bienveillance”, “bénédiction”, “amabilité”, “grâce”:

dalika hayrun li-l-ladina yuridûna waðha allahi (Q 30/38)“C’est un bien pour ceux qui recherchent la Face de Dieu.”

(M.536)Comme expression de l’esprit, le visage de Dieu peut renvoyer

à l’éternité même du visage divin:la ’ilaha ’illa huwa kullu šay’in halikûna ’illa waðha-hu (Q 28/88)“Il n’y a de Dieu que lui! Toute chose périt, à l’exception de sa

Face.” (M.521)

a-4)Les métaphores révélatrices concrétivesCes métaphores supposent une transmission des qualités des

objets au monde réel. Le Coran insiste plusieurs fois sur l’insensibili-té des infidèles à l’égard de l’enseignement divin, par l’apposition des scellés à leur cœur. Le cœur est considéré par les sémites comme l’organe des aptitudes intellectuelles telles que la raison, la mémoire, l’attention, l’intelligence, la sagesse. C’est pourquoi, la ma-

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nière coranique la plus fréquente par laquelle la divinité s’adresse aux gens est la suivante:

’ûlû-l-’albabi (Q 2/269) “Lubbun”, avec le pluriel “’albabun”, signifie en français, d’une part,

“noyau”, “cœur”, et d’autre part, par la métonymie: “raison”, “intelli-gence”. En conséquence il y a deux traductions possibles de ce mot qui associe deux sens, la sensibilité et l’intelligence, nettement diffé-renciés en français :

– ceux qui sont doués de cœur, de sensibilité – ceux qui sont doués d’intelligenceLa métaphore du cœur scellé renvoie à une pratique commer-

ciale, bien connue dans l’antiquité, qui consistait à sceller les réci-pients contenant de l’huile, des aromates etc., afin d’empêcher le remplacement de leur contenu. La comparaison de ce type de pot avec le cœur est éloquente car, de même que l’on ne peut pas chan-ger le contenu d’un pot scellé, de la même manière ne peut-on pas modifier le contenu du cœur scellé, la raison, puisqu’il ne reçoit au-cune idée de dehors:

hatama allahu ‘ala qulûbi-him wa ‘ala sam‘i-him wa ‘ala ’absari-him ghašawatun (Q 2/7)

Le verbe français ”sceller” a le même sens métaphorique que son correspondant arabe “hatama”: “rendre une situation définitive”, “établir une destinée”, “fixer” etc. Le scellé signifiera alors la fin, le bout, l’extrémité, l’ultime. La signification de la métaphore coranique “hatamu-n-nabiyina” (Q 33/ 40), c’est à dire “le sceau des prophètes” se rapportant au prophète Muhammad, n’a plus besoin d’explications pour être comprise.

Une autre métaphore concernant le cœur opaque aux enseigne-ments est celle du cœur endurci par Dieu. La même métaphore, au même sens, peut être rencontrée aussi dans la Bible (l’Exode, 8/9):

rabba-na itmis ‘ala ’amwali-him wa-šdud ‘ala qulûbi-him fa-la yu’minû hatta yaraw (Q 10/88)

“Notre Seigneur! Anéantis leurs richesses; Endurcis leurs cœurs, afin qu’ils ne croient pas jusqu’au moment ou ils verront le châtiment douloureux.”(Masson; 281)

Cette métaphore part de l’analogie entre le cœur et les tablettes en argile sur lesquelles on écrivait dans l’Orient antique. Après le sé-chage de la tablette, celle-ci devenait tellement dure que son conte-

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nu ne pouvait plus être modifié par l’impression d’un autre signe. Le cœur qui ne reçoit aucun message de l’extérieur est, donc, pareil à ces tablettes, solidifiées, durcies. (v.Barclay, 123)

b) Les métaphores artistiques universelles Le Coran contient toute une série de métaphores révélatrices

qui sont répetées, de manière obsédante, plusieurs fois. Pourtant le texte coranique renferme aussi quelques métaphores artistiques, qui semblent adoucir son style sévère; ce sont des métaphores qui res-tent expressement en suspens, pour ne pas détourner l’attention du dévot des grands thèmes de la religion (v.Jomier; 11-12).

Par rapport à la fréquence des métaphores révélatrices dans le Coran, les métaphores artistiques ou poétiques y sont beaucoup plus rares. On pourrait expliquer ce phénomène par un verset cora-nique, selon lequel le prophète Muhammad n’a pas été initié à la poésie et, en conséquence, le message divin qu’il transmet n’a au-cune liaison avec celle-ci:

wa ma ‘allamna-hu aš-ši‘ra wa ma yanbaghi la-hu (Q 36/79) “Nous ne lui avons pas enseigné la poésie car cela ne lui conve-

nait pas.” (M 586)Partant, nous ne trouverons pas en Coran des métaphores artis-

tiques choquantes, qui puissent ramener expressement à la poésie.Les métaphores artistiques peuvent étre réparties en deux

groupes, selon leur degré de traductibilité: universelles et locales.Les métaphores artistiques universelles, tout comme les méta-

phores révélatrices, sont des métaphores à équivalent direct en fran-çais. Les métaphores artistiques universelles sont semblables aux métaphores révélatrices par leur manière même de construction, ayant pour fondement des mots dont le sens dénotatif, par sa nature, les entourent des connotations métaphoriques universelles telles que les notions généralement connues de divers domaines: élé-ments du monde réel, sentiments, sensations etc. La différence entre ces deux catégories de métaphores dérive dans leur force cog-nitive - métaphorique, à laquelle s’ajoute la fréquence de leur occu-rence dans le texte coranique.

Les métaphores artistiques universelles ont pour base de ré-férence:

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b-1) des éléments du monde bio-géographique environnant;Par exemple, le vocable “l’aile” (ar.: “ðanahun”)symbolise le vol,

l’élévation, la fierté ou, tout au contraire, la descente, l’humilité, en fonction du mouvement ascendant ou descendant qu’elle effectue:

ihfid ðanaha-ka (Q 15/88)“Abaisse ton aile [...]” (M 345)Bien que cette métaphore ait été traduite en français ad litteram,

son sens “sois humble” (v.Penrice; 29) est intelligible grâce à ces universaux métaphoriques, basés sur un niveau méta-sémantique commun à toutes les langues, qui accompagnent certaines notions.

b-2) des sentiments, sensations;Le verbe arabe “daqa” (fr.: “goûter”) signifie “essayer un aliment

ou une boisson pour lui déterminer la qualité”. La signification de ce mot est transferée par l’intermédiaire de la métaphore de la sphère du goût à toute la gamme des sensations:

hatta daqû ba’sa-na (Q 6/148)“[...] jusqu’au moment où ils ont goûté notre rigueur.” (M 189)

En français, cette métaphore s’assimile à une série déjà exis-tante, qui part de la même extension du verbe “goûter” sur les autres sens: “goûter la musique”, “goûter la poésie”, “goûter la peinture”.

Pour souligner l’universalité de cette métaphore, nous spécifions qu’en anglais également, le verset ci-dessus a été reproduit ad litte-ram à partir de la similitude des connotations métaphoriques du verbe arabe “daqa” et, respectivement, de son correspondant déno-tatif anglais “to taste”:

“[…] until they tasted our severity.” (Penrice, 32)Un autre exemple d’extension du sens d’un mot au delà de sa

sphère sémantique initiale est offert par le vocable “sakratun” (fr.: “ivresse”). Ce mot renverra au plan métaphorique à tout état de ver-tige, de hallucination, ayant également d’autres causes que l’alcool. En français, le nom “ivresse” acquiert le même usage métaphorique dont il jouit dans les syntagmes arabes: “sakratu-l-intisari” -”l’ivresse de la victoire”; “sakratu-l-hubbi” - “l’ivresse de l’amour” etc.

C’est également dans cette série que s’inscrit la métaphore co-ranique “sakratu-l-mawti” qui bénéficie d’un correspondant parfait

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français, ”l’ivresse de la mort”, se réfèrant à l’agitation qui saisit l’or-ganisme peu avant la mort:

sakratu-l-mawti bi-l-haqqi (Q 50/18) “L’ivresse de la mort fait apparaître la Vérité...!” (M 691)

b-3) Métaphores artistiques anthropomorphiquesCe type de métaphore contient aussi des exemples de méta-

phores anthropomorphiques par lesquelles on attribue des caracté-ristiques humaines au monde environnant. Les métaphores les plus connues en arabe, de même qu’en français, sont celles dont le point de départ est le corps humain. Par exemple, en arabe et, aussi, en français, “ra’sun”, respectivement “tête” acquiert le sens de “chef”, “di-rigeant”, “commandant”, en raison de sa position et sa fonction. De même, le terme “sa‘idun” a les mêmes connotations métaphoriques que son correspondant français “bras” (v. Q 18/51).

Les métaphores sans équivalent métaphorique du même type

Les métaphores artistiques locales reposent sur des mots qui dénomment des réalités inconnues dans la langue-cible. La résis-tance de ces métaphores au transfert n’est pas due à la combinaison inédite qu’elles renferment, mais au sens dénotatif des mots ou des syntagmes qui les introduisent; ce sens est organiquement lié au mi-lieu géo-culturel où l’œuvre en cause – dans notre cas précis, le Co-ran – est paru. Leur adhérence au complexe de ce contexte peut être si solide, qu’il semble inutile d’en chercher des synonimes dans d’autres langues, elles restent inévitablement liées à l’original arabe.

a) Ces métaphores sont fondées sur des mots qui signent des mœurs, des occupations, des concepts spécifiques au milieu social, comme dans la métaphore suivante, dont le point de départ est constitué par le vêtement des habitants de La Mecque et par leur règles sociales:

yawma yukšafu ‘an saqin (Q 68/42) “Le jour où les jambes seront mises à nu...” (M 761)Les habitants de La Mecque portaient d’habitude une sorte de

robe ample, longue jusqu’à la cheville – vêtement qui n’a pas changé essentiellement de nos jours non plus. Conformément à la coutume, il était défendu de decouvrir ses jambes en public. Seulement à l’oc-

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casion des grands désastres – tels ceux précédant le jour du Juge-ment – les gens sont enclins à ne plus tenir compte de cet usage et à retrousser leurs soutanes, afin de pouvoir courir plus vite. “Le jour où les jambes seront mises à nu...” est une métaphore pour le jour des calamités épouvantables.Traduite de manière linéaire en fran-çais, cette métaphore restera obscure pour le lecteur non-informé.

Une autre métaphore ayant comme point de départ un usage de la région mecquoise est la suivante:

fa-’ida waðabat ðunubû-ha(Q 22/36)L’expression ci-dessus, qui peut être traduite en français par

“quand ils gissent les pattes alignées”, signifie “quand ils [les ani-maux] sont sacrifiés”. La source de cette métaphore se trouve dans l’habitude arabe de ligoter les pattes des animaux à sacrifier, deux par deux, pour les empêcher de s’agiter et de maculer de sang leur fourrure. La traduction linéaire de cette métaphore, ainsi qu’il advient dans l’exemple ci-dessus, conduit aux syntagmes qui doivent être, à leur tour, clarifiés.

Certains facteurs sociaux peuvent également constituer des mé-taphores difficile à exprimer dans les langues d’autres communau-tés, qui n’ont pas connu les mêmes expériences:

ma malakat ’aymanu-hum (Q 23/6)Ainsi que nous l’avons remarqué, la main droite suggère aussi

ce qui est juste, équitable. Ainsi, le syntagme “ma malakat ’aymanu-hum” (“celle qui est acquise par leur main droite”) a le sens propre de “celle qui est acquise justement”; cette expression métaphorique est arrivée à déssigner, ensuite, par restriction, et de façon euphé-mistique, les esclaves concubines prises à la guerre ou achetées (v.Na hla; 30). Cette métaphore, traduite de manière linéaire en français, donne naisssance, ainsi que l’on peut facilement observer, à une expression tout à fait obscure.

Les occupations usuelles d’une communauté constituent tou-jours une source inépuisable de métaphores. L’une des activités les plus importantes en milieu arabe preislamique – le dressage de la tente – se trouve reflétée dans de nombreuses métaphores cora-niques, comme celles qui suit, par exemple:

duribat ‘alay-him ad-dillatu (Q 2/61)“Ils furent frappés par l’humiliation.(M.13)

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Le verbe “daraba” (en notre texte “duriba”, à la voix passive; “être battu”, “être frappé”) signifie aussi “fixer les broches d’une tente” (v. Misbah, 243). Utilisé métaphoriquement dans le verset ci-dessus, il revêt le sens selon lequel “l’humiliation est fixée sur les vi-sages de la manière que la tente est fixée par ses broches”. Par conséquent, on comprend que les infidèles sont stigmatisés pour toujours. Cette métaphore fondée sur une notion spécifique au milieu bédouin a été impossible à traduire dans d’autres langues, on s’est contenté de l’expliquer. En français, à la place du verbe “duriba”, qui exprime la durabilité de l’action, on a utilisé le verbe “frapper” afin d’indiquer une action temporaire.

b) des éléments spécifiques au milieu bio-géographique, comme dans le cas de certaines realités agraires :

fa-ða‘alna-ha hasidan ka’anna lam taghni bi-l-’amsi (Q 10/24)“[...] Nous le transformons en chaume, comme s’il n’est pas

riche la veille.” (n.t.)Le mot “hasidun” qui signifie “glèbe d’où on a enlevé toute la

moisson” (v. Mahlûf; 108) est employé métaphoriquement pour dé-crire la terre dévastée, peu avant le jour du Jugement. On peut l’équivaler avec “chaume”, mais, en dépit de l’apparente identité sé-mantique des deux termes, ils renvoient à des réalités bien diffé-rentes. Dans les zones désertiques, les glèbes d’où on a ramassé la récolte, n’étant plus irrigués, se transforment en quelques jours en sol aride, dépourvu de toute végétation. En échange, les chaumes se recouvrent d’une végétation abondante, qui est employée comme pâturage pour les animaux. Désignant une notion spécifique à la zone du désert, “hasidun” est un mot intraductible, ainsi que son équi-valence à “chaume”, diminue jusqu’à l’annulation l’effet d’apocalypse illustré suggestivement par le texte coranique.

c) des éléments spécifiques déploiement de la mission prophè-tique de Muhammad:

fa-sda‘ bi-ma tu’maru (Q 15/94)“Brise par ce qui t’est ordonné!” (n. t.)Le verbe arabe “sada‘a” (en notre texte, l’impératif: isda‘) qui, a

été traduit en français par “annoncer”, “communiquer”, signifie au propre “briser”, “fendre”, “casser”, “percer” ayant le sens métapho-rique de “briser, percer l’ignorance des gens par ce qui a été révélé dans le Coran“, ou bien “enfreindre l’entêtement de ceux qui reje-

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taient la vérité révélée”(v. Al-Ðalalayni). Ce verbe auquel on n’a pas pu trouver de correspondant illustre avec éloquence l’impact violent que la nouvelle croyance avait sur les habitants de La Mecque, alors que le verbe “a vesti” (annoncer, communiquer), dont il a été ques-tion, ne suggère pas les tensions existantes entre le prophète et la communauté mecquoise au debut de l’islam.

d) des attitudes envers le milieu environnantPour les arabes vivant dans un climat torride, la chaleur prend

l’aspect d’ennemi acharné, tandis que la fraîcheur représente un ve-ritable idéal. Cette perception s’observe aussi au plan métaphorique, où la fraîcheur sera assimilée à la quiétude, au bonheur, y inclus ce-lui paradisiaque, alors que la chaleur désignera, au contraire, un état d’inquiétude, de supplice, y compris celui infernal. Les métaphores fondées sur ces deux éléments sont nombreuses dans le Coran, et leur traduction dans une langue tel le français, qui les perçoit différemment, suppose toute une série de difficultés:

kay taqarra ‘aynu-ha (Q 20/40)“[...] pour rafraîchir ses yeux [...]” (Chouraqui; 622)Le sens de cette métaphore, ambigu dans la traduction français,

est de “se rejouir”, “être heureux”, “ne pas pleurer” ainsi qu’il a été transposé par D. Masson:

“[…] pour qu’elle cesse de pleurer” (M 410)

On peut conclure que la métaphore coranique, dans sa grande diversité et richesse, peut être traduite dans autre langue, comme elle l’a été aussi en français. On peut expliquer cette compatibilité par le fait que les métaphores révélatrices, qui ont généré les grands thèmes du Coran, étant le résultat d’une compréhension générale-ment humaine de la réalité, représentent des universaux métapho-riques, ce qui rend assez facile leur transposition d’une langue à l’autre. L’équivalence interlexicale des termes qui constituent ces métaphores mène implicitement à l’équivalence de leurs champs sé-mantiques, du moment qu’ils ont la même charge métaphorique. En outre, ces métaphores révélatrices sont communes à la langue du Coran et à celle de la Bible, tels qu’en lisant l’arabe coranique on dé-couvre par transparence les textes hébraïques nés d’une même ins-piration. Comme ceux-ci derniers ont été traduits en français deve-

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nant partie integrante de la spiritualité française, l’horizon d’attente pour les métaphores coraniques est, donc, déjà préparé.

Peu des métaphores coraniques, et seulement de la categorie de celles artistiques, n’ont pas un équivalent direct en français et, par conséquent, ses sens restent liés au texte original, ce qui ra-mène à la nécessité des explications extratextuelles, pour les rendre intelligibles.

S i g l e s e m p l o y é s :

M = la traduction de D. Masson (en français).Q = Al-Qur’an (Le Coran) (en arabe).

B i b l i o g r a p h i e :

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T r a d u c t i b i l i t a t e a m e t a f o r e i c o r a n i c e( R e z u m a t )

Studiul de faţă se referă la metaforele coranice şi la posibilitatea de a le transpune într-un alt cod lingvistic. Pentru a putea întreprinde analiza res-pectivă, s-a luat ca punct de plecare clasificarea metaforelor făcută de Lu-cian Blaga, în funcţie de importanţa lor, în: metafore revelatorii şi metafore plasticizante (artistice). Concluzia este că metaforele revelatorii, cele prin care se cristalizează vocabularul coranic de bază, precum cele legate de lu-mină, întuneric, cale, rătăcire, inimă etc., fac parte din aşa-numitele univer-salii metaforice care pot fi echivalate fără probleme în orice limbă. De ase-menea, metaforele artistice, în marea lor majoritate, îşi pot găsi un echiva-lent de acelaşi tip într-o altă limbă şi puţine dintre acestea, şi anume cele le-gate strîns de mediul bio-geografic în care a apărut Coranul, de obiceiurile comunităţii respective, nu îşi găsesc un echivalent de acelaşi tip într-o altă limbă.

Aşadar, acest studiu încearcă să dea un răspuns la întrebarea privi-toare la posibilitatea traducerii Coranului, răspuns care este afirmativ: trans-punerea textului coranic – inclusiv a cheilor sale metaforice – într-o altă limbă este posibilă.

Universitatea din BucureştiFacultatea de Limbi şi literaturi străineStr. Edgar Quinet 5-7, Bucureşti