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Mensuel de la Confédération paysanne Mensuel de la Confédération paysanne Campagnes solidaires N° 362 juin 2020 – 6 – ISSN 945863 Et maintenant, l’après ! Dossier spécial 16 pages

Campagnes solidaires€¦ · N° 362 juin 2020 – 6 • – ISSN 945863 Et maintenant, l’après! Dossier spécial 16 pages. Les textes publiés dans Campagnes solidaires peuvent

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Mensuel de la Confédération paysanneMensuel de la Confédération paysanneCampagnes solidaires

N° 362 juin 2020 – 6 € – ISSN 945863

Et maintenant, l’après !Dossier spécial 16 pages

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Les textes publiés dans Campagnes solidaires peuvent être reproduits avec indication d’origine à l’exception de ceux de larubrique Point de vue qui sont de la responsabilité de leurs auteurs et pour lesquels un accord préalable est requis.

Campagnes solidaires est imprimé sur du papier recyclé

Min

es

de

plo

mb

sSommaireDossier Et maintenant, l’après !

Vie syndicaleLa Conf’ de demain

ActualitéLes abattoirs, foyers de contamination par le Covid-19

Vu des fermes « L’impact de cette crise va nous coûter

un quart de notre chiffre d’affaires annuel »

Vu des fermes D’autres modèles plus cohérents sont à

inventer

Tribune La souveraineté alimentaire sera paysanne ou ne

sera pas

InternationalesLes paysan·nes du monde face au coronavirus

En Afrique de l’Ouest : résilience, ingéniosité et solidarités

D’Afrique du Sud

Inde « Face à cette pandémie, nous sommes complètement

abandonnés »

AnnoncesAbonnement#PlusQueJamaisLe1erMai

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Jérôme, 3 ans aprèsLes 23 et 24 mai, hommage a été rendu dans son vil-

lage et sur sa ferme de Trivy (Saône-et-Loire) à JérômeLaronze, éleveur tué il y a 3 ans par les balles tiréespar un gendarme.

L’hommage était organisé par la famille et l’associa-tion Justice et vérité pour Jérôme Laronze (sur deuxjours pour « respecter les règles de distanciation »régissant les rassemblements réduits).

Ce troisième anniversaire était également l’occasionpour l’association faire un point sur l’instruction du dos-sier. Officiellement, l’enquête sur les circonstances deson décès se poursuit mais l’association regrette « unvéritable enlisement du traitement de ce dossier,dont l’état d’urgence sanitaire et l’arrêt momentanédes tribunaux ne peuvent être une explication suffi-sante ».

Selon elle, les deux plaintes déposées « n’ont à ce jourdonné lieu à aucune information auprès de la famillede Jérôme sur les suites données et actes accomplis, bienqu’elles soient jointes au dossier d’instruction depuisplus de 18 mois ».

Un lien pour l’association Justice et vérité pour JérômeLaronze : fr-fr.facebook.com/JusticepourJerome

2 \ Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020

L’Altertour et un parcours à vélo pour la transition écologiqueet sociale, à la rencontre des alternatives et qui cherche à :

• Valoriser des initiatives porteuses de solutions :agriculture, économie, énergie, transport,habitat, travail, éducation.• Soutenir des lieux de résistance, où descollectifs dénoncent des projets clima-ticides, menaçant terres agricoles, bio-diversité ou site naturels.• Promouvoir le vélo, accessible à tous• Expérimenter la simplicité volontaire et l’auto-gestion3 à 4 heures de vélo par jour, de 0 à 99 ans,pour un jour, une semaine, tout le parcours…

altercampagne.net

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On l’ouvreNous en sommes capables

Sur le marché de Privas, sept stands vendent des Picodons. Cette année, apeuré·es

par un discours contradictoire, les consommatrices et consommateurs optent pour

l’hygiénisme et le suremballage. Le fromage au lait cru et sa belle flore se retrouvent

suspects, les ventes chutent. Les cahiers des charges de certaines appellations fromagères

s’assouplissent au détriment de la qualité, les laiteries prennent moins, l’Union européenne

aide au stockage des fromages. Chez les éleveurs et les éleveuses qui ne réduisent pas

les rations, le lait finit aux égouts. Ici on le donne aux cabris qui sont restés à la ferme au lieu

d’aller chez l’engraisseur. Celui-ci a mis la clé sous la porte et euthanasié 5 000 têtes qui

ne pouvaient plus être exportées. C’était bien le moment de réintégrer dans les fermes

caprines cette production – la viande de chevreau – qui était jusque-là externalisée, voire

considérée comme un déchet.

Depuis leur maison de campagne fleurie, les « grand-bien-vous-fasse » se rassurent

d’un retour aux produits locaux, chacun·e (re)découvrant son petit paysan ou sa petite

paysanne du coin. C’est toujours ça de vendu, mais comment nourrir les autres ? Le clivage

risque de se creuser entre les localistes bien lotis et des populations pauvres consommant

des produits industriels au profit des grandes marques.

Ne nous leurrons pas, la pandémie actuelle révèle les inégalités d’un système à bout

de souffle. L’OMS, la FAO et l’OMC mettent en garde contre un risque de pénurie et de crise

alimentaire mondiale. Il ne s’agit pourtant pas d’une crise de production. Nos systèmes

alimentaires sont sur le fil du rasoir depuis des décennies : monde agro-industriel dépendant

de main-d’œuvre venue d’ailleurs, « libres » marchés perturbés, stocks et spéculation

sur les matières premières…

Le déconfinement ne doit ressembler ni à une décongélation ni à un réchauffé d’un vieux

monde en déliquescence. Il n’y aura pas de changement de l’intérieur de ce système.

C’est le moment de mettre un coup de fourche dans la fourmilière pour créer des systèmes

agroalimentaires résilients et enfin atteindre la démocratique souveraineté alimentaire,

sans qu’elle soit galvaudée

Ne laissons pas le virus faire le jeu des régimes autoritaires. Avec le spectre du loup, facile

d’affoler le troupeau pour ensuite le rendre docile et le dominer. Plus difficile de sortir de ces

pouvoirs d’urgence. Pourtant la dégradation de la situation économique comporte les germes

d’une explosion sociale. De nouvelles formes de luttes fleurissent pour faire surgir l’après.

Nous en sommes capables. Retrouvons ce que la génération d’Act Up face à une précédente

pandémie nous a appris : Silence = Mort.

Céline Berthier,paysanne en Ardèche

Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020 / 3

Mensuel édité par : l’association Média Pays104, rue Robespierre – 93170 BagnoletTél. : 0143628282 – fax : [email protected]

confederationpaysanne.fr

facebook.com/confederationpaysanne

Twitter : @ConfPaysanne

Abonnements : [email protected]

Directeur de la publication : Nicolas Girod

Rédaction : Benoît Ducasse et Sophie Chapelle

Secrétariat de rédaction : Benoît Ducasse

Maquette : Pierre Rauzy

Dessins : Samson, Denys Moreau

Diffusion : Anne Burth et Jean-Pierre Edin

Comité de publication : Christian Boisgontier,Michel Curade, Joël Feydel, Florine Hamelin,Véronique Léon, Jean-Claude Moreau,Michèle Roux

Impression : Chevillon26, boulevard KennedyBP 136 – 89101 Sens Cedex

CPPAP n° 1121 G 88580

N° 362 juin 2020

Dépôt légal : à parution

Bouclage : 27 mai 2020

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Bien sûr, le premier jour sepose la question de la dyna-mique syndicale et de la

pertinence d’un groupe « jeunes »au sein de la Confédération pay-sanne : qu’est-ce que j’en attends,qu’est-ce qui me donnerait envied’y participer ? Action, rencontreet ouverture sont les trois axes quise dégagent : action pour boule-verser le ronron et être percutants,rencontre pour trouver d’autresjeunes paysan·nes avec qui parta-ger les valeurs que nous défen-dons sur nos fermes – mais aussifaire la fête ! – et ouverture pourfaire infuser l’agriculture paysannechez nos collègues et voisin·es.Développer une formation poli-tique est un souhait collectif, toutcomme la mise en place d’uneplate-forme collaboratived’échange d’expériences.

Nicolas Girod, notre porte-parole national, rappelle qu’unfonds de soutien peut être solli-cité pour des initiatives localesde formation des « nouveaux syn-diqués ». Et que de belles actionsont été réalisées au cours des moisprécédents, avec la participationde nombreux jeunes militantspaysans, notamment à Hendaye,fin août 2019, pour le contre-G7,ou au Salon Space, à Rennes enseptembre, contre les OGMcachés.

Les échanges permettent un tourd’horizon des dynamiques locales,de ce qui fonctionne bien. Onretient l’importance des synergiesavec les associations départe-mentales pour le développementde l’emploi agricole et rural(Adear) et les coopératives pourl’installation en agriculture pay-sanne (Ciap). Mais aussi l’impor-tance du partage et de la rotationdes responsabilités, des rôles tour-nants dans le groupe pour ne pasque la charge mentale repose tou-jours sur les mêmes. Globalement,les participant·es pensent qu’ilvaut mieux se réunir sur desfermes que dans des bureaux etpointent l’importance deséchanges avec les ancien·nes pourles partages d’expérience.

Débattre et faire la fêteDes débats parfois passionnés

(mention spéciale au groupe « Cli-mat ») qui ne négligent pas la fête !

Le lendemain matin, MathieuLersteau, paysan en Indre-et-Loire,nous présente son choix d’instal-lation avec quatre autres associé·esgérant·es de la Scop (Société coopé-rative et participative) de la fermede Belêtre. Face à l’impasse desmodèles dominants et de la capi-talisation qui en découle, le statutde Scop revêt de nombreux avan-tages : un salaire mensuel stable,

une retraite et une protectionsociale décentes, une « entreprise »facilement transmissible… Commetoute innovation, la Scop en agri-culture est méconnue par les pou-voirs publics et travailler en Scopne permet pas d’accéder au statutde chef d’exploitation, donc aufonds de formation professionnelVivea. En tout cas pour l’instant,car ces revendications seront pro-chainement portées devant leministère de l’Agriculture par laConfédération paysanne.

Les deux jours de rencontre seterminent par la visite de la fermede Camille et Jean-Benoît Baudens,locataires d’une trentaine d’hectaresentourant le château. Ils y produi-sent yaourts et tommes en trans-formant le lait de leurs 70 brebis.

Ultimes échanges de mails, der-nières discussions souriantes,grand ménage de départ et c’estdéjà la fin d’une excellente cuvéede nos rencontres. n

Thibaut Grimand,

paysan en Haute-Vienne

(1) chateau-de-ligoure.blogspot.com

NB : Vous êtes jeunes paysan·nes, installé·essur la ferme familiale ou « hors cadre fami-lial », en cours d’installation ou porteurs deprojet, et vous souhaitez vous renseigner sur leGroupe Jeunes de la Confédération paysanne,au niveau local ou au niveau national : [email protected]

Le ruraleur

FliquésCet œil de cyclope-caméra au-

dessus de nos têtes, multiplié

par milliers dans les rues de

nos villes nous observe, nous

surveille. Il a déjà percé nos

intimités, nos mouvements, la

main qui nous accompagne.

Aujourd’hui, il compare notre

bouille avec d’autres, il prend

notre température…

Votre pied a foulé le sable de

cette plage déserte : une bri-

gade, venue dont on ne sait

où, vous verbalise. Vous n’aviez

pas vu le drone, ce gros insecte

mécanique dans l’immensité

du ciel, auxiliaire discipliné, la

vue de son maître. Ailleurs vers

le soleil levant, en Afghanistan

ou au Yémen par exemple, des

êtres confinés dans des ruines

ont déjà testé ces libellules qui

peuvent mettre fin à leur

angoisse en crachant des par-

ticules de mort.

Il y a aussi ces petits objets

dont même les enfants de

maternelle ne peuvent plus se

passer et qui sont des mou-

chards très discrets : les télé-

phones mobiles. Déjà les

grandes oreilles des services

secrets faisaient leurs délices

de toutes les informations

qu’ils transmettaient dans

l’ignorance de leur propriétaire.

Les derniers perfectionnements

justifiés par le Covid-19 pour-

ront repérer si vous avez des

signes significatifs d’infection

et tous les gens qui vous auront

approché. Pour l’instant le sys-

tème n’est pas encore capable

de transmettre votre adresse

à ces quidams pour qu’ils puis-

sent vous maudire…

Si notre responsabilité indivi-

duelle est engagée, celle du pou-

voir est entière pour la suite de

la gestion de cette pandémie.

Il doit s’engager à lever toutes

les mesures liberticides, réta-

blir la justice sociale et – pour-

quoi pas? – instaurer un revenu

suffisant pour protéger des

incertitudes les plus fragiles

d’entre nous.

On peut rêver, mais il faudra

continuer de lutter.

Le

ru

rale

ur

4 \ Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020

Vie syndicale

La Conf’ de demainLes 7 et 8 février se sont tenues au château de Ligoure (Haute-Vienne) (1) les 12èmes rencontresdu Groupe Jeunes de la Confédération paysanne, avec une quarantaine de participant·es,du viticulteur alsacien aux nouveaux installé·es sur l’ex-Zad de Notre-Dame-des-Landes.

Dans le parc du château de Ligoure (Haute-Vienne), le 8 février : une rencontre pour « partager les valeurs que nous défendons surnos fermes, mais aussi faire la fête ! »

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Actualité

En France, trois abattoirsétaient concernés au 19 mai :un abattoir de volailles du

groupe LDC en Vendée, un« multi-espèces » (mais orientéporc) propriété de Leclerc dansles Côtes-d’Armor, le troisièmedans le Loiret appartenant augroupe Sicarev.

Les abattoirs semblent donc par-ticulièrement concernés puisqu’ondénombre déjà plusieurscentaines de personnescontaminées par leCovid-19. Ce phénomèneest bien documenté auxÉtats-Unis où les cas dansl’industrie de la viandereprésentent le troisièmeposte le plus important decontamination, après lessoignants et les prisons. Lasituation est très grave dansce pays où la productionagricole est hyperindus-trialisée et hyperconcen-trée : 115 abattoirs sonttouchés. Les plus grossesusines de transformationde la viande, particulière-ment porcine, sont viséesau point de craindre desruptures d’approvisionnement.Mais d’autres pays sont concernés :Allemagne, Danemark, Espagne,Irlande, et maintenant la France.

Le risque était bien sûr connu :depuis le début de la pandémie,les filières de production animaletiraient la sonnette d’alarme. Lescraintes d’une contamination mas-sive des personnels faisaient pla-ner le doute sur les capacités dece modèle agro-industriel à sup-porter les crises sanitaires.

Mais pourquoi les abattoirsseraient-ils si touchés, plus qued’autres secteurs de la transfor-mation agricole ? Le systèmedéfaillant de santé au travail auxÉtats-Unis est derrière l’ampleurdu phénomène : 25 % des capa-

cités de transformation de viandeseraient concernées. La négationde la gravité de l’épidémie et lavolonté de continuer à produireà tout prix ont conduit les patronsde ces entreprises à des mesuresd’incitation à la présence sur site :des primes étaient distribuées etles salarié·es encouragé·es à venirtravailler, même malades. De plus,il semblerait que les directions

n’ont pas équipé les équipes avecle matériel de protection néces-saire. Évidemment, la précaritédes conditions de travail, la pau-vreté du personnel (souvent issude l’immigration), une popula-tion plus vulnérable au coronavi-rus, sont des facteurs aggravants.Mais ces considérations généralesne sont pas une particularité del’industrie de la viande.

De manière plus précise, lesconditions de travail spécifiquesà l’industrie de la viande semblenten cause. Tout d’abord, ce sont deslieux climatisés, ce qui favorise lacirculation et la persistance duvirus dans l’air. De plus, les sala-rié·es se retrouvent sur des postesspécifiques en contact étroit avec

leurs collègues, ce qui rend com-pliqué le respect des gestes bar-rières. Mais les analyses venantdes États-Unis mettent en avant unfacteur très précis : les salarié·es desabattoirs ont un risque de mala-die professionnelle respiratoiresupplémentaire puisque ladécoupe de la viande crée des par-ticules en suspension dans l’air.Nous savons maintenant que la

création de tels aérosols sur les-quels s’agrège le Covid-19 favo-rise sa contagiosité.

Une combinaison de facteurs derisque rend donc les contamina-tions presque inéluctables.

Si la climatisation ne semble pasun facteur sur lequel on puisseagir, tous les autres sont de fait desconséquences de l’industrialisa-tion de la production animale. Lesprojets d’abattoirs mobiles à laferme, ainsi que les abattoirs deproximité, apparaissent à lalumière de ces éléments beaucoupplus robustes d’un point de vuesanitaire. n

Roxanne Mitralias,

animatrice nationale

du dossier sanitaire

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ÉcobrèvesPlan pipeau

Entre 2009 et 2018, les ventesd’insecticides ont été multi-pliées par 3,5, celles des fon-gicides ont progressé de 41 %,tandis que celles des herbi-cides ont augmenté de 23 %.Ces données sont issues d’uneétude publiée en mai 2020 parle ministère de la Transitionécologique et solidaire. Unéchec cuisant du plan Écophytolancé en 2008, puis relancé en2016 (Écophyto II), qui vise àune réduction de l’utilisationdes pesticides. La moyenne desquantités de substances activesvendues a augmenté de 22 %entre 2009-2011 et 2016-2018. Toujours selon l’étude,près d’un quart des substancesachetées sont particulièrementpréoccupantes pour la santéhumaine. Pas gagné, ce monded’après...

DérouteL’armée des champs est endéroute, son élan coupé par lareprise du travail et les nom-breuses défections. En mars, laplateforme Des bras pour monassiette, créée par la Fnsea pourcompenser l’absence des tra-vailleurs étrangers retenus dansleurs pays pour cause de pan-démie du Covid-19, compta-bilisait bien 300 000 candida-tures pour des emploissaisonniers agricoles à pour-voir en France. À l’arrivée,seules 45 000 personnes ontbien été opérationnelles.L’« armée » devait pallier l’ab-sence de 100 000 salariésétrangers qui viennent chaqueannée pour les récoltes sai-sonnières de Pologne, d’Es-pagne, du Portugal, de Rou-manie ou encore du Maroc, deTunisie ou d’Amérique latine,et qui sont cette année bloquéschez eux par la fermeture desfrontières. La compétitivité denos agrimanagers va enprendre un coup.

Salut Un salut à la mémoire deMichel Tibon-Cornillot, mortdu Covid-19 à 83 ans. Philo-sophe et anthropologue, il abeaucoup travaillé sur l’évolu-tion des techniques dans ledomaine de la biologie. Dansles années 2000, il a plusieursfois été le témoin des militantsde la Conf’ et des Faucheursvolontaires pour leurs procèssuite aux actions contre lescultures d’OGM dans leschamps français.

Les abattoirs, foyers de contaminationpar le Covid-19Depuis la mi-mai, de nouveaux foyers épidémiques de Covid-19 apparaissent en France dansdes abattoirs. Des foyers importants qu’on retrouve dans les abattoirs d’autres pays. Ce n’estpas un hasard.

Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020 / 5

En mai, plusieurs abattoirs allemands ont décidé de fermer temporairement, plus de 800 tra-vailleurs ayant été testés positifs au Covid-19. Les mauvaises conditions de travail sont poin-tées du doigt par le syndicat allemand de l’alimentaire NGG, ainsi que le recours massif à desentreprises sous-traitantes pour l’embauche de travailleurs d’Europe de l’Est, obligés de vivreet travailler dans des conditions d’hygiène douteuses.

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Comme quasiment toutesles filières agricoles

et rurales, les fermeséquestres subissent

durement les effets des deuxmois de confinement

de ce printemps. 5 à 10 %des 6 500 centres équestres

français seraient menacésde faillite.

Installés depuis 1995 à proxi-mité de Saint-Marcellin, aucœur de l’AOP Noix de Gre-

noble, notre poney-cheval clubaccueille aujourd’hui sa deuxièmegénération de cavaliers : les enfantsdes premiers jeunes cavaliers etcavalières de la maison.

Jusqu’en 2003, le statut agricolen’existait pas pour les centreséquestres. L’activité n’était pas régiepar un cadre prédéfini fiscal et social.Avec la réforme du diplôme d’en-seignant devenant brevet profes-sionnel, le statut agricole est devenula référence pour la majorité desactivités équestres. La filière s’estdynamisée, les centres équestres sesont multipliés. La décennie 2003-2013 était favorable au développe-ment. Nous avons renouvelé notrecavalerie à ce moment-là, en 2014.Nosquatre enfants ont grandi et par-ticipe désormais aux activités.

En 2014, le passage à un taux deTVA élevé de 20 % (il était aupa-ravant de 7 %), a considérable-ment grevé notre activité.

Et ici, malgré un statut agricole,il est très compliqué, avec la pres-sion foncière de la noix, de récu-pérer des terrains.

Nos chevaux vivent sur un espacede 2 hectares et sont nourris aufoin en permanence, pour un coûtannuel moyen de 18000 euros.L’investissement en équipementpour faire fonctionner la structurereste important (manège, carrière,cavalerie, matériel roulant…). Enparallèle, le prix des leçons n’aguère évolué (aux alentours de

65 francs dans les années 1980,15 euros en moyenne aujourd’hui),alors que toutes les charges ontaugmenté dans des proportionsbien plus importantes.

Le confinement de ce printempsest resté un moment suspendu,comme hors du temps. Avec uncôté très agréable, celui de prendrele temps de faire les choses. Parcontre, nous avons eu beaucoup detravail avec les soins aux animaux:les parages des pieds des 40 équi-dés, par exemple, le maréchal-fer-rant n’ayant plus le droit de venir…

Manque de trésorerieNous avons ensuite dû faire face

au manque de trésorerie et placerdes chevaux et poneys chez desparticuliers.

Cette période de 8 semaines repré-sente un manque à gagner de21000 euros par rapport à l’année2019 sur le même temps. Je penseque l’impact de cette crise va nouscoûter un quart de notre chiffred’affaires annuel. Nous ne bénéfi-cions d’aucune sorte de subven-tion et l’aide perçue actuelle a étécelle de 1500 euros, une fois.

Il est probable que l’impact sur lafilière sera très important. Un articleparu dans Le Parisien, fin avril, esti-mait que 5 à 10 % des 6500 centreséquestres français risquaient lafaillite. Avant le confinement, lescentres séquestres français faisaienttravailler plus de 30000 personnes.

Nous souhaitons aujourd’huidiminuer notre cavalerie (de toutefaçon, il est ici impossible de récu-pérer des terrains) et recentrer l’ac-tivité autour du dressage de hauteécole, en accueillant un publicadulte en recherche de technique.

Depuis la mi-mai, les centreséquestres peuvent reprendre leuractivité, une reprise très encadréeet très progressive selon les direc-tives gouvernementales, avecnotamment des groupes de dixpersonnes maximum pouvant êtreaccueillis sur des zones différentesau sein d’une même structure.

On attend avec impatience leseffets positifs de la réouverture,l’été étant – avec le printemps – lasaison la plus importante, écono-miquement, pour nous. n

Isabelle Ghesquiers, centre équestre

de la Cavalcade, en Isère

Écobrèves

Terre(s)Le 16 mai, le « Collectif pay-san contre la zone logistique del’Ouest Rhodanien » a remis enculture une parcelle abandon-née depuis deux ans suite à lavente des terres à la Commu-nauté d’agglomération del’Ouest Rhodanien (COR).47 hectares sont promis aubétonnage pour l’implantationd’une immense zone logistiqueentre Lyon et Tarare, 110 hec-tares en tout sont concernés.Un des derniers monstres dumonde d’avant? Du maïs a étésemé et des pommes de terreplantées pour une récolteattendue cet automne et unelutte qui s’intensifie plus quejamais pour la préservation desterres nourricières.

AgroparcLe monde d’avant s’accrocheun peu partout. La Confédéra-tion paysanne de Haute-Savoieet l’Association de concertationpour l’aménagement et lestransports (Acpat), soutenus parun collectif citoyen se battentcontre un projet d’un autretemps et très mal nommé: l’Éco-parc du Genevois. Quand la crisedu Covid-19 démontre la néces-sité de préserver les terres agri-coles et de restaurer les circuitslocaux d’approvisionnement ali-mentaire, 25 hectares de bonnesterres sont menacés par unegrande surface d’équipementssportifs, une autre de jardinage…La Confédération paysanne etses partenaires ont déposé unrecours devant le tribunal admi-nistratif de Grenoble fin 2019contre le permis d’aménager. Ilsse préparent maintenant à atta-quer l’autorisation environne-mentale : « À la place de l’Éco-parc, nous voulons unAgroparc ! »

PrioritésLa Confédération paysanne del’Hérault demande un change-ment radical de politique fon-cière à l’échelle départemen-tale. Dans des courriers adressésle 7 mai au président du dépar-tement, aux représentants del’État et aux élu·es des com-munes concernées, le syndicatréaffirme qu’« il est temps d’at-tribuer le foncier aux projets agri-coles plutôt qu’à la spéculationet à l’urbanisation ». Il demandenotamment l’abandon du pro-jet Oxylane à Saint-Clément-de-Rivière, un complexe com-mercial sur 23 hectares de terresagricoles de qualité et demilieux naturels.

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6 \ Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020

Actualité

Isabelle Ghesquiers : « Le confinement de ce printemps est resté un moment suspendu,comme hors du temps ». Mais les conséquences sur la ferme équestre sont importantes.

Vu des fermes « L’impact de cette criseva nous coûter un quart de notre chiffred’affaires annuel »

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Actualité

François Soulard, 35 ans, estéleveur de brebis laitièreset de vaches allaitantes,en bio, à Mareuil (Dordogne).Il s’est installé sur sa ferme il ya cinq ans, hors-cadre familial.Il témoigne de son vécu etde ses réflexions surl’agriculture au tempsde la pandémie de Covid-19.

La période que nous vivonsactuellement met en lumière– et même accentue – les

inégalités déjà présentes ausein du monde agricole. Elleoffre tout de même des pers-pectives encourageantespour développer les circuitscourts et toutes les autresopportunités qui rappro-chent les consommateurs etconsommatrices de celles etceux qui produisent leur ali-mentation.

Le chemin est encore long.Les paysans et les consom-mateurs doivent se réconci-lier, voire se rééduquer à denouveaux modes d’alimen-tation.

Au long de mon parcoursde paysan, et surtout cetteannée, je vois que certainesde nos pratiques manquentde résilience. Mes brebismettent bas pendant ce moisde mai pluvieux et confiné.Je vends d’habitude mesagneaux à l’âge de quinzejours à un autre éleveur quis’occupe d’eux jusqu’ausevrage puis les revend lui-même à un autre éleveur qui lesélève jusqu’à la fin de leur engrais-sement. Du coup, cette année,tous ces paysans, moi compris,sommes impactés chacun notretour par les conséquences de lapandémie.

Surtout depuis 2019, à la Confé-dération paysanne de Dordogne,nous sommes au fait de ces ques-tions qui remettent en cause cesmodèles. Nous nous sommes vive-

ment interrogés et avons essuyé devives critiques sur notre posi-tionnement face à ce qui s’est passéà l’entreprise Sobeval, à Boulazac.Ce grand groupe industriel, filialedu groupe néerlandais Van Drie,abat et commercialise en grandepartie des veaux de boucherie(1 100 élevages de veaux enEurope) mais ses méthodes d’éle-vage et d’abattage sont clairementcontestables aux yeux du grandpublic et des paysans eux-mêmes (1).

Mais comment faire :• pour des éleveuses et éleveurs

laitiers qui n’ont que peu d’autressolutions pour vendre leurs petitsveaux ?

• pour un département où cesinstallations, hors-sol ou presque,ont permis de maintenir unnombre important d’élevages avecdes surfaces modestes ?

Et comment interpeller nos poli-tiques sur ces sujets, avec des cen-

taines d’emplois en jeu dans undépartement rural qui a déjà perduune grande partie de ses petitesentreprises industrielles face à laconcurrence des pays low-cost ?

D’autres modèles plus cohérentssont à inventer et les chemins poury arriver sont multiples.

Certains éleveurs et éleveuses,avec des fermes de taille souventmodeste, tentent de court-circui-ter ce système contestable. Ilsessaient de finir eux-mêmes leursanimaux et de les vendre en direct

ou en circuit plus long. Cesefforts font souvent fi d’unequelconque rentabilité maisils mettent plutôt l’accentsur une réflexion vers unmode d’élevage plus éthique.

Au vu de ces interrogations,nous voyons bien qu’uneévolution positive ne se ferapas sans les principauxacteurs de la société :

• les consommateurs et lesconsommatrices qui sou-haitent concilier leurs choixéthiques avec leur porte-monnaie ;

• les éleveurs et les éle-veuses qui souhaitent conci-lier les choix techniques deleur exploitation avec leurmain-d’œuvre et leurs exi-gences économiques ;

• les responsables poli-tiques qui doivent ménagerla chèvre et le chou : il fautles interpeller, et même lesmettre en demeure de s’em-parer de ces sujets, révéla-teurs d’une agriculture ima-

ginée pour faire vivre lesindustriels au détriment des pay-san·nes et des consommateurs etconsommatrices. n

François Soulard,

paysan en Dordogne

(1) Le procureur de la République de Péri-gueux a ordonné une enquête préliminairepour mauvais traitements à animaux visantl’abattoir de veaux de Boulazac, après la diffu-sion d’une vidéo, le 20 février, et une plaintedéposée par l’association L214.

Éc

ob

rèv

es Écobrèves

BiocarburantsLe monde d’avant… Devant lesdéputés des commissions duDéveloppement durable et desAffaires économiques, Élisa-beth Borne, ministre de la Tran-sition écologique, a répondule 30 avril aux inquiétudes desproducteurs de biocarburanten annonçant des mesurespour sauvegarder la produc-tion française. On va donc pou-voir continuer à consacrer desmilliers d’hectares de culturesde céréales et d’oléagineuxpour produire, moyennantaides publiques, de l’alcool etdes diesters à mettre dans lesbagnoles…

Maïs and coLa Fnsea a réclamé, le 22 avril,au profit du maïs, « la possibi-lité de déroger à la mesure dediversification des assolementslorsque les semis des cultures deprintemps n’ont pu être réali-sés », appelant aussi de sesvœux « une ambition réelle enmatière de stockage d’eau etd’irrigation ». « Stocker plusd’eau, préconiser la culture dumaïs : des solutions datées etinadaptées », a répondu le6 mai France Nature Environ-nement (FNE) qui critique l’in-tention de la Fnsea de « s’ac-caparer une ressource de plus enplus rare » et de promouvoir lemaïs, « alors même que l’ur-gence de l’autonomie protéiqueexigerait de remplacer immé-diatement le maïs par le soja,culture d’été dont le besoin eneau est deux fois moindre ».

SécheressePlus de la moitié des départe-ments français sont exposés àdes degrés divers à un risquede sécheresse estivale, selonune prévision rendue publiquele 14 mai par le ministère dela Transition écologique. Leministère a présenté en maiune carte qui classe 53 dépar-tements, principalement dansla moitié Est et le centre dupays, en risque de sécheresseentre juin et septembre. Risque« très probable » pour11 départements (grand Mas-sif central, Haute-Saône etHaut-Rhin), « probable » pour24 autres et « possible »pour 18.

Vu des fermes D’autres modèlesplus cohérents sont à inventer

Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020 / 7

François Soulard : « Au long de mon parcours de paysan,et surtout cette année, je vois que certaines de nos pratiquesmanquent de résilience. »

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Pendant la crise sanitaire que nous tra-versons, nous entendons souvent par-ler de souveraineté alimentaire. Mais

de quoi s’agit-il vraiment et comment sedonner les moyens de la construire ? Cetteexpression est souvent utilisée de manièrecreuse par celles et ceux qui ont été ousont nos décideurs politiques et n’ont jamaisposé des actes permettant sa réalisation.Même l’industrie agroalimentaire et lagrande distribution disent la défendre. Maiscomment espérer qu’ellescontribuent à la concrétiseralors qu’elles ont toujours pré-féré les marchés mondialisés,la mise en concurrence despaysan·nes, les exportationsincontrôlées de produits à bascoûts, la fragilisation des agri-cultures locales ? Ces acteurscomptent parmi les respon-sables de notre dépendance etde nos difficultés actuelles et,pour eux, la souveraineté ali-mentaire est d’abord la promesse d’un nou-veau marché à conquérir.

Pour nous, la souveraineté alimentaireest beaucoup plus qu’une simple réponseau besoin de nourriture (1). Elle se pense ets’initie collectivement, en solidarité entreles peuples, et peut devenir l’une des basessur lesquelles refonder notre démocratie.Elle incarne l’aspiration, la capacité et le droitdes populations d’un territoire à décider deleur alimentation, et donc à déterminer lesystème alimentaire depuis les champs jus-qu’à la table, sans nuire aux agricultures desautres.

La souveraineté alimentaire est une démo-cratie d’initiative qui écrit son propre des-tin alimentaire et agricole, en maîtrisant sonlien au territoire, à la santé, à l’environne-ment, à l’emploi et au climat, avec la fina-lité claire de servir l’intérêt commun, en ren-dant accessible à toutes et tous unealimentation de qualité.

Pour écrire l’histoire d’une véritable sou-veraineté alimentaire et agricole ici etailleurs, nous estimons qu’il est temps dereconnaître le rôle central des paysanneset des paysans. Ce sont elles et eux quinous permettront de faire face collective-ment aux crises alimentaires, climatiques

et écologiques de nos territoires et de notreplanète. Par leur savoir-faire, l’autonomiesur leurs fermes, le lien au sol et au vivant,ainsi que la résilience d’une polyculture-élevage diversifiée, du pastoralisme ouencore de l’agroforesterie et des systèmesherbagers, ils et elles produisent une ali-mentation de qualité et saine, qui permetune gestion des écosystèmes de notre pla-nète adaptée à leur diversité et aux trans-formations du climat.

Le métier de paysan·ne constitue en outreune réponse importante à l’urgence sociale.Avec des paysannes et des paysans nom-breux, installés sur des fermes de petitesdimensions, de nouvelles dynamiquesrurales se dessinent, une économie locales’organise à l’échelle de tout un territoire.Ce sont des milliers d’emplois paysans quireviennent et en génèrent d’autres, de qua-lité, dans la transformation agroalimen-taire et la distribution. Ce sont partout desinitiatives collectives, solidaires et coopé-ratives qui se recréent. Toute une vie quireprend dans des pays jusqu’ici délaisséset oubliés, avec des services publics, desécoles, des hôpitaux, la culture… Mainte-nant, construisons l’après de l’alimenta-tion !

Voilà pourquoi nous avons besoin de beau-coup plus de paysans et de paysannes. Nousen voulons un million demain, et certaine-ment encore davantage après-demain. Pourarriver à cet objectif, nous exigeons que desdécisions soient prises dès maintenant quisoient clairement en rupture avec la dicta-ture économique des marchés que nousimpose l’agro-industrie, et qui reconnaissentla valeur de l’agriculture paysanne et dumétier de paysan·ne. Nous avons besoin

d’une loi foncière qui préserve et répartisseles terres, d’une politique d’installation mas-sive, d’une politique agricole commune quisoutienne les emplois plutôt que les hec-tares, de paysan·nes rémunéré·es digne-ment avec la mise en place d’une régulationdes volumes et des marchés afin d’assurerdes prix justes et stables, d’un arbitragepublic des relations commerciales garantd’un droit au revenu des paysannes et pay-sans, de paysan·nes protégé·es et reconnu·es

avec l’arrêt immédiat de tousles accords de libre-échange, del’arrêt des soutiens à l’indus-trialisation de l’agriculture, desoutiens financiers importantsà la transition agroécologiquevers des fermes autonomes etéconomes, de la mise en placed’une politique agricole et ali-mentaire commune afin derelier dans la durée les pay-san·nes et les consommateurset consommatrices.

La crise liée à la pandémie de Covid-19doit nous ouvrir les yeux sur l’importancedu travail des paysannes et des paysans. Toutcomme celle des métiers de l’éducation etde la santé, l’utilité publique du métier depaysan est une évidence qui s’impose. Cesmétiers ont le pouvoir de structurer notrevie collective sur tous les territoires. Ilsdoivent être la base sur laquelle bâtir unesociété plus juste socialement et écologi-quement : une société nouvelle. n

Ce texte, initialement publié le 12 mai sur lesite liberation.fr a été cosigné par les repré-sentants des organisations suivantes : Abiosol,Amis de la Terre France, Attac France, CCFD-TerreSolidaire, Réseau Civam, Confédération pay-sanne, Fadear, Fondation Nicolas-Hulot, FSU,Greenpeace France, Miramap, Notre Affaire àTous, Oxfam France, Slow food France, SOL,Fédération nationale Terre de liens, Terre &Humanisme, Union syndicale Solidaires, Francenature environnement (FNE).

(1) Le concept a été développé par La Via campesina etporté au débat public à l’occasion du Sommet mondial del’alimentation en 1996. Depuis son origine, il présente unealternative aux politiques néolibérales appliquées au sec-teur agricole. La souveraineté alimentaire désigne en effetle droit des populations, de leurs États ou unions à définirleur politique agricole et alimentaire sans détruire celle despays tiers.

Tribune La souveraineté alimentaire sera paysanneou ne sera pasFace à la crise sanitaire et contre la dictature économique des marchés qu’impose l’agro-industrie, l’agriculturepaysanne doit être protégée et reconnue d’utilité publique.

Actualité

8 \ Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020

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Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020 / I

Dossier

Conscient·es depuis des années de l’impact del’économie libérale sur la dégradation de notre envi-ronnement – notamment le climat et la biodiver-sité – et l’altération des conditions de vie de nom-breuses personnes, nous, paysans et paysannes dela Confédération paysanne, n’avons eu decesse d’alerter sur la nécessité deréorienter le modèle agricoledominant pour garderun monde vivable.Le premier grand coup

de semonce est doncune pandémie quitrouve ses originesdans les atteintesà la biodiversité.Sera-t-il suffisantpour prendreconscience del’urgence de reve-nir à l’essentiel etd’entamer ladécroissance denotre folle économie?En quelques semaines,

la crise sanitaire liée auCovid-19 a profondémentbouleversé nos vies quotidienneset le fonctionnement de nos sociétés.Rapidement, des secteurs d’activité relégués dans

l’ombre – santé, agriculture, alimentation, soins auxpersonnes, nettoyage, industries, etc. – sont réap-parus en pleine lumière, indispensables pour satis-faire nos besoins vitaux. La nécessité de les pré-server et de les protéger d’une concurrence âprequi avait fait fondre les effectifs s’est soudainimposée.L’agriculture, mais pas n’importe laquelle, l’agricul-

ture paysanne qui répond aux enjeux immédiats d’ali-mentation et à plus long terme de préservation et degestion des ressources, doit bénéficier d’une attentionparticulière à l’issue de cette crise.

Syndicalisme et développement : nous devons mar-cher sur nos deux jambes pour porter et faire vivre cetteagriculture au bénéfice du plus grand nombre.Nous devons agir sur le cadre politique qui régit l’agri-

culture par l’abandon des accords de libre-échange, larévision des règles commerciales et du droit de

la concurrence, la conditionnalité socialeet environnementale des aides

publiques, une loi foncièreconsidérant la terre

comme un commun…Nous devons accen-tuer la relocalisationet permettre latransition de notreagriculture via desi n s t a l l a t i o n snombreuses, desformations adap-tées, la reconsti-

tution de filièreslocales en adéqua-

tion avec les besoinsalimentaires des popu-

lations, une coopérationréinventée…

Le projet d’agriculture quenous portons depuis des décennies

et qui se révèle évident, avec encore plusd’acuité à la lumière de cette crise sanitaire, ne pourraexister qu’avec des paysannes et des paysans nombreuxsur tous les territoires. Le monde doit changer et notreagriculture doit participer à cette (r)évolution. Nousle revendiquons avec de nombreux acteurs de la sociétécivile et pour ce faire, déjà, il ne faut pas un·e paysan·neen moins aujourd’hui pour un autre monde demain.

Véronique Marchesseau,

paysanne dans le Morbihan, secretaire générale de la Confédération paysanne

Et maintenant, l’après !

« Pour l’après, nous voulons plus de paysan·nes » : réalisé parMathieu Eisinger, le clip de 4 mn diffusé en mai sur les chaînes deFrance Télévision dans le cadre de l’émission Expression directe :youtu.be/1su5HFOt1AM

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« Ce minuscule virus mondialisé peutservir de gigantesque claquepédagogique », dites vous. Quels sontles principaux enseignements à tirervis-à-vis de notre alimentation ?

La non-territorialisation de la productionet de la consommation alimentaire fait queles populations sont totalement dépen-dantes des flux. La plus grosse vulnérabilitéde notre système mondialisé et de seschaînes d’approvisionnement, ce sont lestransports. Avec le Covid-19, on a frisé la cor-rectionnelle. Combien de temps peut-ontenir avec un nombre de paysans et de pay-sannes qui a fondu, trois jours de stocks dansles grandes surfaces, l’absence de stocksdans les collectivités locales et de stock ali-mentaire stratégique d’État ? On a zérorésilience alimentaire, dans un contexte oùles populations non préparées sont deve-nues intolérantes à la frustration. Il n’existepas de cartographie des flux alimentaires enFrance et les pouvoirs publics eux-mêmesne les connaissent pas.

Selon une étude publiée en 2017 parle cabinet de conseil Utopies,l’autonomie des cent premièresagglomérations françaises s’élèveraità 2 % en moyenne. Que vous inspirecette donnée ?

2 % de ce qui est consommé dans les airesurbaines est produit sur ce même périmètre.En parallèle, 97 % de ce qui est produit dansces aires urbaines est exporté ailleurs, dans

d’autres régions ou d’autres pays. Il n’y a pasd’aménagement alimentaire des territoiresen France. Ils ne sont autonomes sur rien,ils dépendent de perfusions. L’alimentationet la sécurité, le plus vieux sujet du monde,sont aujourd’hui un impensé du monde poli-tique. Il s’agit de transformer cette crisesanitaire en crise salutaire.

Faut-il viser un objectif en matièred’autonomie alimentaire au niveaudes territoires ?

Il faut viser le maximum. Si on prend laloi SRU (relative à la solidarité et au renou-vellement urbain), c’est 20 % de logementssociaux à atteindre. Pourquoi pas 50 %d’autonomie alimentaire par grand terri-toire, à l’échelle d’un bassin versant hydro-logique ? Il faut se donner un objectif deproduction localement et identifier ce quel’on ne peut pas produire. La solidarité entreles territoires existe déjà mais c’est lorsqueleur spécialisation est poussée à l’extrêmequ’ils sont vulnérables. À faire uniquementdu blé dans la Beauce, on s’est fragilisés. Ilfaut refaire des ceintures maraîchères par-tout au niveau des villes.

Dans les documents de planification sontquantifiés les besoins en logements, encrèches, en zones commerciales... maisjamais les besoins en nourriture. Les projetsalimentaires territoriaux doivent être ren-dus obligatoires et conditionner les autresdocuments de planification (Scot, PLU, etc.)(cf. p. XII). Faire de l’alimentation la base

de tout, c’est remettre le regard et la pyra-mide de Maslow à l’endroit (1). La questionde la sécurité alimentaire des territoiresdoit aussi être mise sur la table des négo-ciations de la future Pac (2).

Par où commencer ?Installer des paysans et des paysannes est

une évidence. La biodiversité de savoirs et deproductions sur un territoire est la meilleureassurance-vie. Les collectivités locales doi-vent aussi mettre à disposition du foncier pourque les populations produisent une part deleur nourriture. Sans quoi, on s’acheminevers de très gros conflits sociaux liés à « uneffet ciseau alimentaire », entre le chômaged’un côté et, de l’autre, l’augmentation descours alimentaires mondiaux qui risquentde se répercuter sur les prix d’achat.

Il faut aussi en finir avec les grands pro-jets inutiles et imposés et réellement « flé-cher » nos consommations alimentairesindividuelles et collectives vers nos « infra-structures nourricières », incarnées par nospaysans et paysannes, car c’est une ques-tion de sécurité publique. Aujourd’hui, lefoncier nourricier n’est pas protégé : oncontinue d’artificialiser l’équivalent d’undépartement tous les dix ans. Le foncier etla production agricole doivent être recon-nus comme « activité d’importance vitale »et les agriculteurs comme des « opérateursd’importance vitale ». n

Recueilli par Sophie Chapelle

(1) La pyramide des besoins, ou pyramide de Maslow, estune représentation pyramidale de la hiérarchie des besoins,réalisée dans les années 1940 par le psychologue AbrahamMaslow. Les besoins physiologiques en sont la base.(2) Stéphane Linou a organisé le 4 mai depuis son salonune réunion publique en visioconférence dans le cadre dudébat national sur la réforme de la PAC. Un rendez-vouslabellisé par la Commission nationale du débat public.actu.fr/occitanie/castelnaudary_11076/lauragais-ste-phane-linou-animera-dans-salon-debat-public-sur-poli-tique-agricole-commune_33382651.html

NB : Stéphane Linou est l’auteur de Résiliencealimentaire et sécurité nationale, publié en 2019.

Pendant les 50 dernières années, l’étalementurbain a eu lieu au mépris du respect des zonesde production de nourriture autourdes villes. Celles-ci, qui auparavant étaient quasiautosuffisantes, dépendent désormais de la chaînealimentaire mondialisée pour se nourrir.Elles ne disposent plus que de trois jours de stockd’aliments en moyenne.

Plus jamais ça !

« On a zéro résilience alimentaire »Stéphane Linou est pionnier du mouvement locavore en France. Il a relevé le défi, de 2008 à 2009, de se nourriruniquement avec des produits issus d’un rayon de 150 km autour de son domicile, à Castelnaudary (Aude).

Dossier

II \ Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020

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L’histoire de l’humanité a de touttemps été marquée par une suc-cession d’épidémies plus mortelles

les unes que les autres. On a en mémoirela peste, si dévastatrice. La variole et la rou-geole, apparues bien avant Jésus-Christ,n’auront été vaincues que dans les années1960 à 1980.

En quelques décennies, avec les progrès dela médecine, l’état de santé global de l’hu-manité s’est considérablement amélioré,l’espérance de vie s’est bien allongée. Notrecivilisation moderne a pu se croire à l’abrides crises sanitaires ravageuses. Mais lamultiplication des épidémies aux quatrecoins du monde, ces 20 dernières années,aurait dû alerter sur notre vulnérabilité :Zika, dengue, Ebola, grippe aviaire puis grippeporcine, et aujourd’hui le Covid-19… La plu-part de ces maladies ont un point com-mun : ce sont des zoonoses, des maladiesinfectieuses qui se transmettent à un rythmesans précédent entre vertébrés, dont l’êtrehumain fait partie.

La Plateforme intergouvernementale scien-tifique et politique sur la biodiversité et lesservices écosystémiques (IPBES), créé en2012 par 94 gouvernements, est le « Giecde la biodiversité ». En mai 2019, elle publieson premier rapport. Basé sur 15000 étudesscientifiques et rapports gouvernementaux,c’est une alerte majeure sur la perte de bio-diversité, affirmant que la santé des éco-systèmes dont nous dépendons se dégradeplus vite que jamais et qu’un million d’es-pèces animales et végétales – soit une surhuit – risquent de disparaître à brèveéchéance.

DéforestationDepuis 1970, la croissance démogra-

phique (1) et le développement technolo-gique ont poussé à la hausse la productionagricole. En 20 ans, 100 millions d’hectaresde forêts tropicales ont été perdus dans lemonde, principalement à cause de la mono-culture du maïs et du soja ainsi que del’élevage bovin en Amérique latine (envi-

ron 42 millions d’hectares) et desplantations industrielles en Asie duSud-Est (7,5 millions d’hectares)dont 80 % sont destinées à la pro-duction d’huile de palme.

Dans les élevages industriels, ladiversité génétique s’est égalementconsidérablement affaiblie. Une épi-démie passe facilement d’un animalà l’autre. Preuve en est que la grippeaviaire et la peste porcine africainesont très difficiles à contrôler. Coïn-cidence? C’est en Chine – pays le pluspeuplé du monde et d’où sont par-ties plusieurs épidémies – que l’agri-culture industrielle pousse le modèleà son paroxysme avec ses élevagesde 10 000 vaches et ses porcheriesà plus de 10 étages. Pourtant, àchaque crise, les autorités adminis-tratives pointent… la faune sauvage.Mais ça ne trompe personne : à force

de vouloir uniformiser et concentrer à toutprix, ces élevages industriels sont des bombessanitaires.

L’agriculture industrielle vit aussi en sym-biose avec le libre-échange. Les autoroutesdu commerce sont le vecteur de propaga-tion des virus, des bactéries et des plantesinvasives. La multiplication des accords delibre-échange va à l’opposé des décisionsqui s’imposent pour « le jour d’après ».

Le Haut Conseil pour le Climat, créé enFrance en mai 2019, publie dans son rapportspécial d’avril 2020 : « La plupart des causesstructurelles de la pandémie de Covid-19sont aussi à l’origine du changement clima-tique. » C’est dire à quel point nous devonsremettre en cause nos modes de vie, nos habi-tudes alimentaires et notre agriculture.

Nous avons laissé une minorité de pion-nier·es le soin de creuser les voies de l’ave-nir. Mais aujourd’hui les solutions existent.L’agriculture bio ne cesse de se développeret l’agroécologie s’impose comme une voieprometteuse. Une chose est sûre : pour sepasser de l’agriculture industrielle, notrealimentation devra limiter les protéinesd’origine animale. Le lien au sol redonnerases lettres de noblesse à la prairie et à l’éle-vage herbager. Pour la Bretagne, par exemple,les objectifs pour 2040 supposent une baissedu nombre de vaches laitières de 29 %, desautres bovins de 26 %, des porcins de 16 %,des volailles de 6 % et une augmentationdes ovins et caprins de 13 %. La baisse dunombre de têtes de cheptel permettra laréduction de 20 % des émissions non éner-gétiques de l’agriculture.

Qu’attend-on désormais pour mettre enœuvre les scénarios de transition écolo-gique ? n

Jean-Marc Thomas,

paysan dans les Côtes-d’Armor, porte-parole

de la Confédération paysanne de Bretagne

(1) Depuis 1970, la population mondiale est passée de 3,7à 7,6 milliards d’humains.

Plus jamais ça !

Les apprentis sorciers de la mondialisationL’industrialisation de l’agriculture et l’effondrement de la biodiversité sur laquelle elle prospère mettent en dangerla santé de l’humanité et de ses écosystèmes. Un problème bel et bien global quand la plupart des causes structurellesde la pandémie de Covid-19 sont aussi à l’origine du changement climatique.

Dossier

Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020 / III

La biodiversité à la ferme : ce livret souhaite approfondir etvaloriser le lien qui existe entre le maintien de la biodiversitéanimale domestique et la sauvegarde de petites fermes nom-breuses et variées. À télécharger sur : confederationpaysanne.fr/mc_nos_positions.php?mc=368

Sources :• Serge Morand, directeur de recherche au CNRS et au Cirad, a publié La prochainePeste en novembre 2016• Dominique Bourg, philosophe à l’université de Lausanne a publié Le marché contrel’humanité en 2019.

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En sait-on plus aujourd’hui surles victimes du Covid-19 ? Des étudesrelativisent le poids des pathologiesantérieures et mettent en évidencele rôle prépondérant de l’âge dansles facteurs de comorbidité.

André Cicolella : L’âge est un facteurdéterminant. Mais le raisonnement qui nousest proposé consiste à dire : âge = maladie.C’est faux. Les victimes du Covid-19 sontles malades chroniques, les personnesatteintes de maladies cardiovascu-laires, d’obésité, de diabète, d’hyper-tension, de maladies respiratoireschroniques et de cancer. La crise ducoronavirus n’a pu se développer queparce que les maladies chroniquesont pris une importance épidémique.

Pourquoi dites-vous que sil’épidémie de Covid-19 avait eulieu en 2003, elle aurait faitnettement moins de victimes ?

Selon les données de l’AssuranceMaladie, l’incidence en France – c’est-à-dire le nombre de nouveaux cas – desaffections de longue durée (ALD) pour l’en-semble « maladies cardiovasculaires +diabète+ cancer » a doublé entre2003 et2017(2). Desmilliers de morts auraient été évités si l’épi-démie de maladies chroniques en était res-tée au stade de 2003. Une personne sur deuxaujourd’hui en France est en surpoids. Sur lenombre de personnes en ALD diabète, on estpassés d’1,3 millions à 2,7 millions entre 2004et 2017. Une population fragilisée par lesmaladies chroniques est une population beau-coup plus sensible à l’activité des virus.

Vous insistez sur l’importancede mettre la santé environnementaleau centre des politiques de santé.Qu’entendez-vous par là ?

Notre système de santé est un système bio-médical. Il s’intéresse à la maladie quand lesgens sont malades, sans vraiment se préoc-cuper de ce qui se passe avant. Actuellement,les gens sont touchés par cette maladie infec-tieuse, ils vont à l’hôpital et on essaie de lessauver. Cela marche mais pas toujours. L’en-

jeu est de s’intéresser à la vie avant, ça s’ap-pelle la santé environnementale : on va agirsur l’environnement pour diminuer les fac-teurs qui génèrent la maladie.

C’est agir notammentsur l’alimentation ?

L’alimentation fait, bien sûr, partie de l’en-vironnement. C’est une cause importante del’obésité, mais ce n’est pas la seule. La séden-tarité, les perturbateurs endocriniens sont

aussi des causes majeures, mais c’est surtoutl’alimentation ultra-transformée, « la mal-bouffe », qui est en cause. L’étude Nutrinetmenée sur environ 15000 personnes montrebien que la consommation d’aliments ultra-transformés augmente le taux d’obésité. Lesjeunes obèses sont très touchés par leCovid-19(3). Le Bassin parisien et l’Est, régionsfortement impactées par le coronavirus, sontaussi celles qui, avec les Hauts-de-France, sontles plus touchées par l’épidémie d’obésité (4).

L’agronome Pierre Weill, auteurde Tous gros demain ?, explique quel’alimentation des animaux d’élevagesindustriels a un effet direct sur laqualité de ce que nous mangeons…

Le type d’agriculture a évidemment unimpact qualitatif sur la nutrition. L’autreélément, c’est la contamination de l’ali-mentation, que ce soit par les pesticides enconventionnel, mais aussi lors de la trans-formation. Si on met de l’alimentation biodans des boîtes de conserve à base de bis-

phénol A, ou si on la transforme dans desinstallations en PVC, on la contamine pardes phtalates. Il ne faut pas voir l’alimen-tation séparée du reste de l’environnement.

Pour le Covid-19, comment expliquerce focus sur l’âge ?

C’est un problème politique. Si on considèreque c’est l’âge, la conclusion est que vous n’ypouvez rien : vous êtes vieux, point. Si c’estl’environnement par contre, on peut faire

quelque chose. C’est absurde de nes’intéresser à la maladie seulementune fois que les gens sont malades, enpensant que les médicaments vontsuffire à la faire reculer.

Quelles mesures prioritairespréconisez-vous dans la gestionde l’après Covid-19 ?

La question est de savoir commenton soigne l’environnement pour évi-ter que les prochaines épidémies infec-tieuses – dont la probabilité est trèsvraisemblable – aient cette ampleur oupire encore. L’enjeu est de faire émer-

ger la santé environnementale comme unepolitique majeure, ayant la même impor-tance que celle du soin. Nous demandons ungrand débat national sur la santé environne-mentale, avec des forums décentralisés defaçon à ce que ce débat soit mené avec toutela société, dans toutes ses composantes. C’estune révolution de la santé à mener. n

Recueilli par Sophie Chapelle

Cet entretien est à retrouver en intégralité surle site d’information indépendant bastamag.net

(1) reseau-environnement-sante.fr(2) En 2017, près de 1,7 million de pathologies ont étédéclarées au titre d’admissions au dispositif des affectionsde longue durée, pour le compte des affiliés au régimegénéral de l’Assurance Maladie, contre 947 771 en 2003.(3) La première publication française sur les comorbidités a étépubliée le 9 avril dans la revue Obesity par les équipes du CHUde Lille. L’étude a porté sur 124 malades admis en soin intensif.47,6 % étaient obèses, 28,2 % étant au stade obésité sévère.85,7 % de ces derniers ont été mis sous ventilation, soit un taux7 fois plus élevé que pour les patients de poids normal. Source: ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/32271993(4) 21,5 % de la population en 2012 selon la dernière esti-mation de l’étude Obépi, avec une progression de 61,5 %depuis 1997.

Plus jamais ça !

En finir avec la malbouffe, cause importante de l’obésitéL’état de santé est un facteur déterminant de comorbidité du Covid-19. Or, le nombre de personnes affectées pardes maladies chroniques comme l’obésité a explosé ces dernières années. Entretien avec le chimiste et toxicologueAndré Cicolella, président du Réseau environnement santé (1).

Dossier

IV \ Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020

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Le confinement s’est traduit par la sup-pression quasi immédiate de la majo-rité des marchés de plein-vent. Sauf

exceptions de communes rurales, les muni-cipalités ont voté à la mi-mars des arrêtésd’annulation des marchés avant même queles préfectures ne les interdisent : pour nousprotéger des risques sanitaires, par manquede personnel, parce que les règles de sécu-rité sont trop difficiles à mettre en appli-cation… On aurait pu croire que les com-munes assumeraient un rôle de servicepublic et se préoccuperaient de l’approvi-sionnement alimentaire et donc des mar-chés : non !

Mais on nous a répondu : « Passez par lesSuper Marchés, ils manquent de marchandise,ils vont vous AIDER ! »

Ce qui vaut pour les marchés de plein-ventne vaut donc pas pour les grandes etmoyennes surfaces (GMS). Elles, elles saventgérer : pas de problème de personnel, ni degestion des contraintes, les risques sani-taires sont maîtrisés (quelques bandes ausol, du gel alcoolique à l’entrée, parfois dela limitation par comptage – mais rien deplus). Pas de contrôle de gendarmerie surles parkings ni dans les rayons. On peuttout trouver, tout acheter, pas de restrictionsaux premières nécessités. Le Super Marché

sera devenu le Sauveur, la Sortie Autoriséeet Sécurisante.

L’absurde n’a pas de limite. D’un cotéinterdiction d’accéder aux plages, auxforêts et aux montagnes vivifiantes, auxmarchés de plein-vent ; de l’autre, obliga-tion d’acheter dans les Super Marchés,lieux de promiscuité, donc à haut risque,avec en prime l’air conditionné poten-tiellement contaminé et contaminant.

Le gouvernement n’a su exceller qu’àdonner le monopole de la distribution ali-mentaire à l’agro-industrie et aux GMS,allant même jusqu’à persuader que seulela carte bancaire était le geste-paiement-

barrière au coronavirus. On s’en dou-tait quand même un peu :MM. Auchan, Carrefour et consortsont les bons numéros à l’Élysée etdans les ministères. Si coronavirusrime avec détresse, malheur, misèrepour certain·es, le gouvernementaura bien œuvré pour que sescopines et copains fortunés en tirent,encore, les plus grands profits pos-sibles ! n

Josie Riffaud,

paysanne en Gironde

La presse s’est fait l’écho de recherchesfrançaises engagées sur les coronavi-rus il y a 40 ans… et arrêtées il y a

23 ans ! Le principal artisan de ces travaux,ayant par exemple permis de décoder lecoronavirus responsable de la gastro-enté-rite porcine, s’appelle Hubert Laude, vété-rinaire virologue et chercheur à l’Inrae jus-qu’à sa retraite. Son équipe sera amoindrie,et les priorités réorientées vers les prions :l’ESB était passée par là. Pour H. Laude lapilule a été amère, regrettant que « lesmécanismes d’interaction entre le virus et sacible, capitaux, n’intéressaient pas trop [ses]responsables » (Le Monde du 18 avril). Autre-ment dit : si un coronavirus est capabled’évoluer, comment et quels types de fac-teurs favorables permettront son appari-

tion et sa dissémination ? Avec quels typesde risques ?

La recherche fondamentale pose des ques-tions incontournables pour comprendre tousles types de coronavirus, situer les modes d’ac-tions et non pas se bloquer sur « LE » vac-cin contre le coronavirus du jour. Les tra-vaux effectués par des chercheurs commel’écologue Serge Morand s’appliquent eux àcomprendre les facteurs favorables et défa-vorables de l’apparition et dissémination deces infections. Et paradoxe peut-être, maisavancée fondamentale, ses études montrentque plus on respecte la biodiversité, plus onse sépare d’un modèle unique d’élevage, pluson se protège (1).

Le sociologue Sylvain Laurens – qui avaitdéjà travaillé sur les liens entre politique

européenne et milieu d’affaires – plaidepour une indispensable reprise en main :« L’autonomie (scientifique) est menacéepar des technostructures à qui est confié lesoin de définir les finalités de la recherche.Nous devons retrouver une conception enga-gée et politique du métier de savant qui doitpermettre de maintenir l’universalité de lascience : cela passe par des postes, dessalaires, mais aussi la reprise en main desoutils administratifs sur lesquels notre auto-nomie était fondée » (Le Monde du 25 jan-vier). n

Jean-Claude Moreau,

paysan retraité dans l’Indre

(1) Voir l’entretien dans Campagnes solidaires (n° 361,mai 2020)

Super Marchés

Sciences et autonomie Tu cherches quoi ?

Dossier

Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020 / V

Une queue devant un supermarché, lieu de promiscuité, donc à haut risque.

À noter : sur Facebook « Boycott des

supermarchés? » (où sont postés des

articles dans ce sens) :

fr-fr.facebook.com/pages/cate-

gory/Community/boycott-des-

supermarchés--326212947417720

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La pandémie de Covid-19 a fini de décil-ler les yeux du plus grand nombre àpropos des vulnérabilités générées par

la mondialisation néolibérale et producti-viste. L’opinion a désormais basculé : prèsde 90 % des personnes interrogées appel-lent les pouvoirs publics à relocaliser lemaximum de filières de production dissé-minées aux quatre coins de la planète.

La Commission européenne ne l’entendpourtant pas ainsi. Le 28 avril 2020, enpleine pandémie, elle annonçait avoir fina-lisé un accord commercial avec le Mexiquequi devrait faciliter l’importation de plus deproduits agricoles et d’énergies fossiles enEurope, mais aussi déstabiliser de nom-breux marchés locaux mexicains(1). Quelquesjours plus tard, comme pour entériner cettestratégie surannée, Phil Hogan, commis-saire européen au Commerce, déclarait« avoir besoin de davantage d’accords delibre-échange ». Nouvelle-Zélande et Aus-tralie sont les prochains sur la liste alors queBruxelles a toujours la volonté d’amadouerDonald Trump avec des concessions enmatière alimentaire et sanitaire (2).

Quelle relocalisation ?Alors, stop ou encore? C’est l’un des enjeux

majeurs des mois à venir. Si le mot « relo-calisation » est désormais dans toutes lesbouches, il est minimaliste et cosmétiquedans sa version néolibérale afin de sauverles règles du jeu mondialisé, tandis qu’ilprend une tournure haineuse et xénophobedans sa version nationaliste qui rabat tousles sujets sur la frontière nationale. De notrecapacité à nourrir ces nouvelles aspirationsà la relocalisation dépendra le résultat : entrela civilisation du marché mondial des néo-libéraux et le nationalisme xénophobe del’extrême droite, il existe une troisième voie,celle de la relocalisation écologique et socialeà forte solidarité internationale (3).

Car l’enjeu n’est pas de rapatrier sur le ter-ritoire national les activités nocives pour laplanète et les populations implantées dansles pays du Sud ou d’Asie, mais bien de fairedécroître les flux de capitaux et de mar-chandises et de réduire la place des secteurstoxiques pour la biosphère (énergies fossiles,chimie et agro-industrie, électronique…).

Dans sa version altermondialiste, relocali-ser c’est passer du « produire plus, toujoursplus vite, n’importe où, avec moins de tra-vail et moins de contraintes environne-mentales » à « produire mieux, pour satis-faire les besoins essentiels des populations,via des circuits courts, plus d’emplois dequalité et des processus de production adap-tés aux écosystèmes ».

Cela ne se fera pas tout seul en regardantEmmanuel Macron et la Commission euro-péenne nous parler d’autonomie stratégique,le nouveau terme à la mode à Bruxelles. Ilest une condition nécessaire qui ne peut êtremise de côté : stopper la spirale de libérali-sation du commerce et de l’investissementen cessant les négociations commercialesen cours et en ajournant la conclusion de nou-veaux accords, aussi bien à Bruxelles qu’à l’Or-ganisation mondiale du commerce (OMC).

On ne peut prétendre « relocaliser » et, enmême temps, ratifier le Ceta en France,signer les accords avec le Japon, Singapouret le Vietnam à Bruxelles ou encore tenterde finaliser celui avec les pays sud-améri-cains du Mercosur. Comment parler de « relo-calisation » quand les actes conduisent àapprofondir la mondialisation des échanges,déstabiliser un peu plus les marchés locaux,notamment agricoles, et donner de nou-velles protections aux investisseurs au détri-ment des populations? Lever les barrières

tarifaires et non tarifaires au commerce,faire gagner de nouveaux marchés aux« champions européens » que sont les mul-tinationales, y compris les mastodontes del’industrie agroalimentaire, et capter lesapprovisionnements en ressources natu-relles stratégiques, y compris agricoles, telleest la politique que l’UE et ses États membrespoursuivent depuis plus de vingt ans.

Il nous faut y mettre un terme. Non qu’ilfaille renoncer aux échanges internationauxet se désolidariser du reste du monde. Aucontraire. La reconquête d’une autonomieproductive doit concerner aussi les pays duSud qui doivent pouvoir se passer de notreagriculture ou de notre industrie.

Le chemin de la relocalisation écologiqueet solidaire est escarpé et semé d’embûches,mais c’est le seul à la hauteur des défis quisont les nôtres. n

Maxime Combes,

économiste et porte-parole d’Attac France

(1) Nouvel accord de commerce UE-Mexique : Loin de« relocaliser », Bruxelles veut approfondir une mondialisa-tion insoutenable, collectifstoptafta.org/actu/article/nou-vel-accord-de-commerce-ue-mexique-loin-de-relocali-ser-bruxelles-veut(2) Bruxelles ne doit pas faciliter l’importation d’OGM desÉtats-Unis – collectifstoptafta.org/actu/article/bruxelles-ne-doit-pas-faciliter-l-importation-d-ogm-des-etats-unis(3) Voir le Manifeste pour une relocalisation écologique etsolidaire, à l’initiative d’Attac France et auquel la Confédé-ration paysanne a contribué, qui sera publié en ce mois dejuin aux éditions Les Liens qui Libèrent.

Ce que l’on veut pour le monde d’après

En finir avec les accords de libre-échangeEn pleine pandémie de Covid-19, un accord commercial a été finalisé entre l’Union européenne et le Mexique.Or, stopper la spirale de libéralisation du commerce et de l’investissement est une condition incontournable pourune véritable relocalisation écologique et solidaire.

Dossier

VI \ Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020

Sur le port de Veracruz, au Mexique. L’Union européenne et le Mexique ont annoncé ce 21 avril avoir concluun accord pour « moderniser » le traité de libre-échange qui régit leurs relations commerciales depuis 2000.Une modernisation qui devrait lever la quasi-totalité des droits de douane sur les produits échangés.

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C’est bien plus qu’une affaire dechiffres : la dette tue. Ainsi, dans46 pays classés « à faible revenu »,

le budget annuel affecté au paiement de ladette est supérieur aux dépenses publiquesde santé. En 2018, ces pays consacraient enmoyenne 7,8 % de leur produit intérieurbrut au remboursement de la dette contre1,8 % pour la santé, soit près de quatrefois plus. Des pays obligés d’empruntertoujours plus pour tenter de rembour-ser et répondre aux injonctions de laBanque mondiale, du Fonds monétaireinternational (FMI) et de leurs relais régio-naux comme, en Afrique, la Banque afri-caine de développement. Ces grandsbailleurs de fonds conditionnent leursprêts à des politiques qui ont détérioréles systèmes de santé publique en impo-sant des coupes budgétaires brutales.Sans que la dette ne finisse rembourséeou réduite, au contraire : entre 2000et 2017, celle des pays pauvres a mêmedoublé (d’après les données de la Banquemondiale) avec comme conséquence denouvelles augmentations de la part desrecettes publiques dédiée à son paie-ment (1).

Et pour les pays dits « riches »? Lorsquela crise du coronavirus sera derrière nous,tous les États se retrouveront alourdisd’une dette publique colossale. Avant2008, celle des pays développés tournaitautour de 75 % du produit intérieur brut(PIB). Avec la grande crise financière, ellea grimpé à un peu plus de 100 %, se sta-bilisant à ce niveau pendant une décen-nie. L’impact des mesures de confine-ment et les plans de relance vont la fairebondir à 120 % du PIB d’ici à la fin de l’an-née, selon le FMI (2).

Alors, annuler la dette des pays du Nordcomme des pays du Sud, utopie ou pistecrédible? L’histoire nous révèle que des payssont passés par des mécanismes d’effacementde dettes aux montants devenus non rem-boursables. En 1923, l’Allemagne se retrouveavec une dette de guerre (3) de 132 milliardsde Reichsmark Or, soit 300 % de son pro-

duit national brut (PNB). Le gouvernementde la république de Weimar fait marcher fol-lement la planche à billets, entraînant uneinflation gigantesque : le dollar qui s’échan-geait 420 marks en juillet 1922 va s’échan-ger 4,2 milliards de marks en novembre 1923,

des billets de 100000 milliards de markssont en circulation. Histoire plus récente : le20 avril 1948, 25 experts et économistesfinanciers allemands sont convoqués par legénéral américain Lucius Clay. Le but duvoyage est de ne pas laisser l’Allemagnesombrer dans la grande pauvreté alors queStaline vient de mettre la main sur la moi-tié orientale de l’Europe. Une réforme moné-taire est concoctée par Washington : 23000caisses de billets imprimés aux États-Unis arri-

vent en Allemagne le 18 juin 1948. La radioannonce la réforme. Le 20 juin a lieu l’échangedes billets : tous les comptes d’épargne sontéchangés à 6 % de leur valeur et les empruntsd’État sont échangés au dixième de leurvaleur. Les anciens billets sont sans valeur. Le

nouveau mark est né, les épargnants etpréteurs sont ruinés.

En transposant un mécanisme similairepour la France (les Français·es ont 5000milliards d’épargne monétaire), avec uneopération similaire à 50 % de la valeurde l’épargne, la France se retrouveraitsans dette. Mais, pour partager l’ardoise,tous ceux et toutes celles disposant d’unpatrimoine mobilier et immobilierdevraient être mis à contribution.

Encore plus récemment, en 2002, l’Ar-gentine entérine le plus grand défaut depaiement de l’histoire vis-à-vis de créan-ciers privés (95 milliards de dollars), aprèss’être déclarée en faillite et avoir mis leFMI dehors. 76 % des détendeurs d’obli-gations spoliés acceptent d’être rem-boursés à un tiers de la valeur de départde celles-ci. L’économie argentineretrouve des couleurs. Suez et EDF – quis’étaient précipités dans la vague de pri-vatisation des années 1990 dans le pays– auront beaucoup perdu.

La question de l’effacement de la dettese pose prioritairement pour les payslatino-américains et africains, la chargeannuelle de cette dette représentant de15 à 30 % de leurs recettes d’exporta-tion. Que risqueraient de pire tous cespays s’ils passaient par la case faillite, toutcomme la Grèce qui a fait trembler de

peur le système bancaire européen et n’apas osé ? Une peur bien plus conséquenteque celle du coronavirus. n

Christian Boisgontier

(1) Source : Renaud Vivien, CADTM (Comité pour l’aboli-tion des dettes illégitimes) : cadtm.org/La-gestion-calami-teuse-du-coronavirus-par-la-Banque-mondiale-et-le-FMI(2) Source : Le Monde, 28/04/2020(3) Inscrite dans le traité de Versailles, signé en 1919, traitéde « paix » entre l’Allemagne vaincue et les vainqueursalliés de la Première Guerre mondiale : USA, Royaume-Uni,France, Italie et Japon.

Ce que l’on veut pour le monde d’après

Annuler les dettes : nécessaire, possible et d’ailleurs déjà faitVingt ans déjà qu’une grande campagne d’annulation de la dette des pays pauvres (Jubilee 2 000) avait été conduite àl’initiative d’un vaste rassemblement d’ONG, dans un contexte de changement du millénaire. Aujourd’hui, la questionrefait surface, plus que jamais d’actualité, au Nord comme au Sud, pour atténuer les conséquences de l’arrêt de toutesles activités économiques.

Dossier

Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020 / VII

Depuis 40 ans, la dette frappe au Sud, empêchant toute formed’émancipation des peuples, les broyant dans l’étau de l’ajus-tement structurel, répandant corruption et misère. Depuis la crisefinancière de 2008-2009, la dette publique a fait irruption auNord. Ce livre, publié en 2011, analyse l’enchaînement des pro-cessus ayant submergé le Nord, tout en examinant les consé-quences pour le Sud. Depuis, les ravages de la dette s’aggravent.

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En ce mois d’avril, dans les ports du Viet-nam, les cargos de poulets congelésaméricains stationnent en attendant

la réouverture des ports chinois (1). En Sibé-rie, 33 000 ouvriers agricoles chinois man-quent à l’appel et de l’autre côté du conti-nent, des charters de saisonniers roumainssont affrétés pour tenter de sauver la récolted’asperge allemande. Notre économie mon-dialisée à flux tendus de produits et demain-d’œuvre se « grippe » vite.

Nos gouvernants, qui n’avaient à la bouchequ’exportation, externalisation, délocalisa-tion, optimisation, spécialisation, avantagescomparatifs, nous abreuvent d’autonomie,d’indépendance, d’autosuffisance, voire desouveraineté alimentaire(2). Discours confussans lendemain ou révolution des esprits?« De tout temps, les plus grandes remises àplat ont résulté des chocs les plus sévères. »(3)

Il faut dire que le commerce internationalagricole marche sur la tête et pourrait nousjouer des tours dans les prochains mois. Sesrègles, qui datent de 1994 (création de l’OMC,Organisation mondiales du commerce) et for-matent notre Politique agricole commune(4),favorisent les exportations/importations etdéfont les mesures de sécurité alimentairecomme la constitution de stocks ou la régu-lation des marchés. Importer du soja du Bré-sil, transformé en porc dans de grands élevagesdanois surendettés, puis exporté au Japon enlaissant le lisier sur place, est un non-sens quiproduit beaucoup d’externalités négatives etde fragilité économique. Mondialiser les prixagricoles à des niveaux inférieurs aux coûtsde production et verser des sucettes aux pay-san·nes pour qu’ils continuent à produirequand même a été criminel.

L’heure est venue d’en tirer les leçons :mettre le commerce international à sa justeplace, ni plus, ni moins, pour changer les prio-rités de la Pac et garantir la sécurité ali-mentaire de manière souveraine, restaurer labiodiversité, enrayer l’emballement climatiqueet faire vivre nos terroirs ruraux riches de leurspaysan·nes et de leurs produits : voilà le chan-tier politique. Comment faire, alors que le mul-tilatéralisme semble à l’agonie?

L’Union européenne, première importa-trice et exportatrice alimentaire au monde,

doit prendre l’initiative, le commissaire auCommerce Phil Hogan, encore droit dans sesbottes, dût-il avaler son chapeau. L’alimen-tation est trop vitale et stratégique pour lalaisser entre les mains des traders.

Priorité donc au commerce local et régio-nal pour assurer notre sécurité alimentaire,et laissons au commerce international le rôled’échanger des produits régionaux spéci-fiques et à haute valeur ajoutée pour les pro-ducteurs et productrices.

Une autre PacFaut-il encore qu’il reste des paysans et des

paysannes en Europe pour produire ! Pourcela, les prix agricoles doivent payer les coûtsde production et le travail, ce qui supposede maîtriser la production européenne et defixer des droits de douane variables aux fron-tières de l’UE, au niveau du coût de pro-duction durable moyen dans l’Union. Enéchange, toute exportation à un prix infé-rieur à ce niveau serait taxée. C’est l’une desbases de la souveraineté alimentaire : pas deprotection sans mettre fin au dumping.

La grande partie du budget actuel de la Pac,consacrée aux aides sucettes à l’hectare,serait libérée pour soutenir, dans des pro-portions à discuter :• les exploitations durables des zones défa-vorisées (coûts de production plus élevés),• la transition agroécologique des fermes,

• les transitions vers des circuits courts géné-ralisés,• la restauration collective bio et locale,• la consommation alimentaire des pluspauvres,• la constitution de stocks européens desécurité pour les produits de base.

Si toutefois l’UE, malgré les défis actuels,n’arrive pas à impulser de nouvelles règlesdu commerce international, alors elle devramettre en œuvre unilatéralement lesmesures proposées. Elle ne serait pas la pre-mière à oublier les vieilles règles de l’OMC !

Ces mesures ne suffiront pas bien sûr si,entre autres, on n’arrête pas le dumpingfiscal, social, et environnemental entre Étatsmembres, si on ne modifie pas les règles dela concurrence et si on n’engage pas une poli-tique structurelle en faveur des petites etmoyennes exploitations.

Chiche ? nGérard Choplin, ancien animateur

de la Coordination paysanne européenne (CPE,

devenue ECVC), analyste-rédacteur indépendant

sur les politiques agricoles, commerciales

et alimentaires – gerardchoplin.wordpress.com

(1) Arc2020.eu – 9/4/2020.(2) Emmanuel Macron – intervention télévisée du12/3/2020.(3) Walter Scheidel – cité par Le Monde Diplomatique –4/2020 – p. 21.(4) Accord GATT/OMC de Marrakech – voir chapitre VI –Paysans mutins, paysans demain – G. Choplin – 2017.

Ce que l’on veut pour le monde d’après

Mettre le commerce international à sa juste placepour changer de politique agricolePriorité au commerce local et régional pour assurer notre sécurité alimentaire. L’Union européenne, premièreimportatrice et exportatrice alimentaire au monde, doit prendre l’initiative.

Dossier

VIII \ Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020

Gérard Longuet, ministre français du Commerce extérieur, signe à Marrakech, le 15 avril 1994, l’accord ins-tituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC). L’OMC a pour but principal de favoriser l’ouverturecommerciale et, pour cela, de réduire les obstacles au « libre »-échange. Son siège est à Genève, en Suisse.164 pays en sont membres.

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En perturbant gravement la productionet les flux, la crise liée au Covid-19 amis en relief notre dépendance aux

importations dans de nombreux domaines,faisant d’une nécessaire « relocalisation » unaxe majeur du débat public. Concernant l’agri-culture et l’alimentation, deux lectures conser-vatrices de cet enjeu, faussement contradic-toires, dominent le débat… pour l’instant.

Caractéristique de l’imaginaire individua-liste de l’époque, le discours qui domineest celui de nombreux éditoriaux, blogs, etdes diverses alternatives au Café du Com-merce, fermé pour confinement : le succèsdes « drive fermiers » et autres circuitscourts ces dernières semaines signerait unevaste « prise de conscience » des « consom-mateurs », privilégiant désormais l’offre« locale » et « de qualité ». Cette demande« responsable » spontanée n’attendrait plusque l’offre adéquate de la part des pay-san·nes à nouveau invité·es à « s’adapter »,éventuellement soutenu·es dans ce senspar des politiques locales. Partageons iciune pensée pour le Dr Coué, dont c’est unenouvelle heure de gloire. Car nous l’avonstous observé : la clientèle directe sous confi-nement, tout au moins sociologiquementest la même qu’avant, défalquée pour caused’« héroïsme » d’une bonne partie des caté-gories populaires habituées aux marchésde plein-vent.

Un autre discours se fait entendre, plusconstruit et déterminé, c’est celui du sec-teur productiviste et de ses relais politiques.Il a le mérite de souligner qu’il est incon-cevable de relocaliser sans traiter la ques-tion des « distorsions de concurrence »(droits sociaux, salaires, normes…) qui sai-gnent l’agriculture française sur les mar-chés dérégulés tels le marché unique euro-péen. Face à ce problème, ceux-là défendentl’harmonisation par le bas, c’est-à-dire ladérégulation à l’intérieur de nos frontièresnationales, comme « solution » aux effetsde la dérégulation internationale.

Colibris et rapaces défendentune même vision systémique

Tout bien considéré, colibris et rapacesdéfendent une même vision systémique :celle d’une agriculture et d’une alimenta-tion déjà en place depuis longtemps, frag-mentées en segments selon une logiqueinégalitaire. Mais chacun ne s’exprime,concernant la « relocalisation », que sur lapartie du système qui le concerne directe-ment : les uns pour fantasmer la puissancetransformatrice de la (ou de leur…)conscience individuelle, et souligner toutela gloire qu’il y a à « bien manger » ; les autrespar convoitise pour la manne perdue dansla compétition internationale pour l’ap-provisionnement en productions indus-

trielles de l’« entrée de gamme » du mar-ché national, c’est-à-dire, tendanciellement,des catégories populaires.

De notre côté, à la Confédération pay-sanne, nous voulons le meilleur pour touteset tous, paysans comme mangeurs : nousvoulons généraliser l’agriculture paysanneet cela implique de neutraliser la guerre desprix que permettent en particulier les « dis-torsions de concurrence » internationales.C’est pourquoi nous réclamons l’instaura-tion de prix minimums d’entrée (PMdE) surle marché français : pour chaque produit, nepourraient accéder au marché national queles lots dont le prix serait égal ou supérieurau coût de production dans les conditionssociales, salariales et réglementaires fran-çaises. Nos partenaires commerciauxseraient invités à faire de même, de sorteque les PMdE agiraient également commeoutil d’harmonisation sociale par le haut enEurope (cf. CS n° 351), contournant l’in-terdiction de ce principe gravé, on l’ignoresouvent, dans le marbre des traités.

Nous n’avons plus ni le temps, ni la naï-veté requise pour attendre plus longtempsdes dirigeants de l’UE les changements dontnous avons besoin. Du reste, ils sont fon-damentalement opposés à son projet mer-cantile : que fait la Commission en ces tempsde crise ? Elle conclut un accord de libre-échange avec le Mexique et fait tout cequ’elle peut contre le démon qui sedéchaîne : des États membres envisage-raient de nationaliser certaines entreprisesprivées… n

Manu Aze,

paysan dans le Lot-et-Garonne

NB : Lire et télécharger le dossier Un prix mini-mum d’entrée pour les fruits et légumes impor-tés : confederationpaysanne.fr/sites/1/cs/docu-ments/CS%20343%20dossier.pdf

Le 16 mai 2019, au Boulou (Pyrénées-orientales),la Confédération paysanne manifestait pourdéfendre l’instauration de prix minimum d’entréepour les fruits et légumes importés en France.« Nos partenaires commerciaux seraient invitésà faire de même, de sorte que les prix minimumsd’entrée agiraient également comme outild’harmonisation sociale par le haut en Europe. »

Ce que l’on veut pour le monde d’après

Relocalisation : un débat entre inconsistanceet cynismePour relocaliser les productions agricoles et généraliser l’agriculture paysanne, il faut d’abord pouvoir en vivreet assurer un revenu à des productrices et producteurs nombreux. Cela implique de neutraliser la guerre des prixque permettent en particulier les « distorsions de concurrence » internationales.

Dossier

Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020 / IX

Page 18: Campagnes solidaires€¦ · N° 362 juin 2020 – 6 • – ISSN 945863 Et maintenant, l’après! Dossier spécial 16 pages. Les textes publiés dans Campagnes solidaires peuvent

Après ce temps suspendu, cettepériode si particulière qui, du hautde mes 32 ans m’a permis d’obser-

ver, d’analyser, d’agir, de réfléchir, mainte-nant est venu le temps d’écrire, de parta-ger, pour pouvoir tirer des conclusions maisaussi et surtout proposer. La Confédérationpaysanne aura un rôle précieux dans lesmois à venir pour faire entendre la voix despaysan·nes et de l’agriculture paysanne. Ilest essentiel que ses propositions soientreprises par les décideurs, c’est ce qui don-nera de la valeur à nos travaux. Il y a tantà dire mais je vais ici vous parler du lait.

Le marché à l’export a fermé dans un pre-mier temps, du fait des possibilités de cir-culation du virus. Cela s’est accompagné dela fermeture des cantines et de l’ensemblede la restauration hors domicile. Le marchés’est tendu et on a vu plusieurs coopéra-tives et transformateurs annoncer desbaisses de prix payé aux producteurs et pro-ductrices. On a rapidement eu trop de lait.Et à côté de ça, plusieurs grandes surfacesou des Biocoop ont rationné ou se sontretrouvées avec des rayons vides…

On a tellement centralisé qu’on ne peut plus réagir

Comment a-t-on pu en arriver là ? Com-ment, alors que « la profession agricole »parle de compétitivité, de réactivité ? L’Ille-et-Vilaine est par exemple le premier dépar-tement producteur de lait en France : nousn’avons pourtant pas su faire face. J’ai étéplacée dans une situation où l’on m’ademandé de réduire ma production alors quela grande surface à quatre kilomètres de chezmoi manquait de lait – situation complè-tement paradoxale ! On a tellement cen-tralisé, regroupé, qu’on ne peut plus réagir.Les outils de transformation étaient euxaussi à saturation. Et pourtant, la demandedans les grandes surfaces était en aug-mentation de 30 %, certes pour des raisonsmultiples et sans certitude que cela dure,mais on aurait dû être capables de saisir cemarché. Au lieu de ça, on regarde le trainpasser et les conséquences sont désas-treuses pour les paysan·nes.

Le confinement est par ailleurs tombédurant la période où l’on produit le plus delait dans l’année (et le meilleur !), dû à la

pousse de l’herbe. La dégradation du mar-ché s’est donc accélérée. Et comme depuisla fin des quotas nous n’avons plus la mainsur la gestion des volumes, cette dégrada-tion a empiré. J’ai profité de la présence deChristiane Lambert, la présidente de la Fnsea,pour la énième fois sur France Inter, pourl’interpeller sur le sujet. Je lui ai demandé

comment elle voyait la réduction de la pro-duction de lait de vache et, surtout, com-ment elle comptait protéger les petits pro-ducteurs et productrices ? Car oui, celles etceux qui maîtrisent leurs volumes tout aulong de l’année permettent aux plus grosvolumes de produire : la solidarité doit êtredans les deux sens ! Hélas, elle a botté entouche, en disant que la France et « la pro-fession agricole » étaient les derniers à avoirpoussé pour la fin des quotas. Foutaises ! Ici,Marcel Denieul (président de la chambred’agriculture d´Ille-et-Vilaine, NDLR) décla-rait alors dans la presse : « Enfin libres ! »

Qu’en conclure ? Il faut des outils de ges-tion des volumes, des tunnels de prix, pro-téger les premiers volumes par UTH (1) encas de baisse des prix. Et surtout maîtriserla production, car tant qu’il n’y aura pasd’équilibre entre l’offre et la demande, lespaysan·nes à travers les organisations de pro-ducteurs (OP) n’auront jamais le pouvoir denégocier des prix, d’intégrer les coûts de pro-

duction et d’autres revendications. Ils res-teront la variable d’ajustement.

Parallèlement, il faut reconquérir le mar-ché intérieur, mais surtout relocaliser. Lasituation que nous avons vécue ne doit plusse reproduire. Il faut, même en circuits longs,que les produits qui sortent des fermessoient vendus au plus près dans un premier

temps. Créer des plateformes de distributionau niveau des « pays » par exemple, commeici le pays de Vitré, des légumeries, des labo-ratoires de transformation à cette mêmeéchelle aussi : c’est du bon sens, et cela per-met aussi de réduire les transports, et doncnotre impact écologique. C’est aussi bien sûrréorienter le modèle agricole en fléchantles aides publiques (Pac) sur des fermes quipratiquent le pâturage, l’autonomie, avecdes systèmes qui maintiennent la biodiver-sité, plus respectueux de l’environnement.

Alors, donnons-nous les moyens de chan-ger les choses pour, demain, redynamiser lesterritoires et surtout installer et avoir despaysan·nes en nombre. Les paysan·nes sontprêt·es, les réseaux ont de nombreux outils,il faut les accompagner. n

Charlotte Kerglonou,

paysanne en Ille-et-Vilaine

(1) UTH : Unité de Travailleur Humain, soit l’équivalent d’untemps complet sur une ferme.

Ce que l’on veut pour le monde d’après

Ajuster la production et relocaliserDurant l’épidémie de Covid-19, la difficulté d’adaptation des filières longues, notamment en lait, révèle la nécessitéde remettre en place des outils de régulation, de répartition, de maîtrise de volume, mais aussi de relocalisation.

Dossier

X \ Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020

« Compétitivité » : le nombre moyen de vaches laitières présentes dans un élevage français est passé de35,9 en 2000 à 62,6 en 2016.

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Lorsqu’en mars, le ministre de l’Agri-culture lance son appel à venir aider« la grande armée de l’agriculture fran-

çaise » en allant travailler aux champs, plusde 300 000 personnes s’inscrivent sur laplateforme de recrutement. La déception aété à la mesure de l’enthousiasme, avecmoins de 7 000 embauches. L’échec de cedispositif pour pallier l’absence de la main-d’œuvre immigrée n’en est pas moins révé-lateur de l’attrait pour les métiersde l’agriculture.

Ces « volontaires » sont la plu-part du temps des jeunes non-issus du milieu agricole, dans desformations et métiers très divers,se posant des questions sur l’ave-nir, angoissés par la catastropheclimatique, à la recherche de tra-vaux et de métiers porteurs desens. Le confinement a laissé dutemps à la réflexion pour celles etceux qui veulent « changer devie ».

Ainsi nombre de nos conci-toyen·nes envisagent un avenirpaysan. Dans nos fermes, enmaraîchage notamment, nousavons reçu des dizaines d’appels.Nous avons entendu à la fois ladétresse de saisonniers de secteurs écono-miques à l’arrêt, mais aussi l’envie de renoueravec un travail utile, gage de plus d’auto-nomie et de sécurité pour l’avenir. Nousavons dû expliquer que sur nos petitesfermes il n’y avait pas de manque de main-d’œuvre puisque nous ne dépendons pas detravailleurs détachés, mais nous les avonsaussi encouragés à se former en agriculturepour pouvoir ensuite s’installer.

Car, oui, nous avons besoin de bien plusde paysans et de paysannes ! Dans les sixannées à venir, 30 % des agriculteurs fran-çais seront en âge de prendre leur retraite.C’est donc à minima 150 000 personnesqu’il faut remplacer, juste pour ne pas lais-ser l’hémorragie se poursuivre. Mais nousvoyons que pour répondre à la demandemassive de produits locaux et plus naturels,

pour reconstruire la souveraineté alimen-taire, pour produire des aliments en cessantde détruire la biodiversité et en se libérantde la dépendance aux énergies fossiles, cesont de bien plus de paysan·nes dont nousavons besoin. En fruits et légumes, près dela moitié de ce que les Français consom-ment est importé. Pour être plus autonomesdans ces productions, des centaines de mil-liers d’installations sont nécessaires !

Le rythme actuel de 14000 installations paran, aidées ou non, est bien trop bas, et enplus à la baisse. La Fnsea et les JA se satis-font de ces chiffres. Ils considèrent que laconcentration des exploitations et les nou-velles technologies suffiront à compenser laperte de travailleurs. Des paysans nombreuxseraient, selon eux, le signe d’une agriculturepasséiste. Mais ce sont malheureusementeux qui disposent des clés des Points Info Ins-tallation dans la plupart des départements.Le risque est grand qu’ils utilisent ces outilspour décourager les bonnes volontés, plus quepour les orienter utilement.

Nous avons donc à la Confédération pay-sanne trois grands défis à relever pour cesprochains mois.

• D’une part, accompagner toutes celles etceux qui s’intéressent à l’agriculture

paysanne . Beaucoup connaissent mal lesréalités de l’agriculture, mais nous avonsbesoin de ces personnes non-issues dumilieu agricole. Toutes ne s’installeront pas,mais nous devons les prendre au sérieux etleur donner les moyens de progresser « del’idée au projet ». Le travail des Adear et desCivam (1) est de ce point de vue essentiel. Làoù ces structures n’existent pas, il faut trou-ver les moyens d’accueillir, par des forma-

tions courtes, des ateliers dedécouverte, des fermes ouvertesou des réunions d’information, cespersonnes qui se cherchent.

• D’autre part, défendre l’accèsà la formation agricole. EnBretagne , les chambres d’agricul-ture ont décidé de se désengagerde la formation agricole. Descentres de formation vont doncfermer à un moment où ils sontplus nécessaires que jamais. Danstout l’argent qui va être déversésur l’économie pour assurer la« relance », nous devons militer,auprès des régions notamment,pour que les fonds destinés à laformation soient maintenus, etmême augmentés.

• Enfin, défendre l’accès à laterre. La mise à mal du contrôle des struc-tures, la généralisation du phénomènesociétaire et l’affaiblissement du statutdu fermage facilitent l’accaparement desterres par les plus gros exploitants et desinvestisseurs, au détriment des futur·espaysan·nes. Nous réclamons depuis desannées une loi de refondation de la régu-lation foncière, pour que les terres soientattribuées en fonction de leur utilité socialeet pas à celui qui a le plus gros porte-feuille. Cette loi n’est pas encore à l’ordredu jour. Rappelons l’urgence aux parle-mentaires ! n

Morgan Ody,

paysanne dans le Morbihan

(1) Associations pour le développement de l’emploi agri-cole et rural ( jeminstallepaysan.org) et Centres d’initiativespour valoriser l’agriculture et le milieu rural (civam.org).

Ce que l’on veut pour le monde d’après

Oui, nous avons besoin de bien plus de paysanset de paysannes !Le confinement a laissé du temps à la réflexion pour celles et ceux qui veulent « changer de vie » et ressententle besoin et l’envie de renouer avec un travail utile, gage de plus d’autonomie et de sécurité pour l’avenir.Pour les accueillir, les accompagner, les former et leur permettre de s’installer, la Confédération paysanne va devoirrelever trois grands défis.

Dossier

Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020 / XI

Les Associations pour le développement de l’emploi agricole et rural (Adear)ont vocation à accueillir tous les porteurs de projet et à leur proposer unaccompagnement global où le projet de vie doit être pleinement intégré auprojet professionnel. Pour trouver l’association près de chez vous : agriculturepaysanne.org/reseau.php

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Le Covid-19 est particulièrement viru-lent pour les personnes souffrant demaladies alimentaires chroniques,

comme le diabète de type 2 ou autrespathologies issues de la malbouffe, de l’in-gestion de produits ultra-transformés, enri-chis de pesticides ou d’additifs cancérigènesou mutagènes. Aux États-Unis, dans lesquartiers pauvres de New York où les pro-duits frais ont depuis longtemps disparu auprofit des chaînes de distribution indus-trielles, la population subit de plein fouetcette pandémie, et à tout âge.

Mais ce Covid-19, propagé àgrande vitesse à travers la planète,est aussi natif d’un écosystème quia subi de fortes transformationsindustrielles et culturelles. Peu detemps avant lui, la grippe porcine –qui préoccupe nombre d’élevageseuropéens actuellement – s’étaitdéveloppée au Mexique dans desélevages industriels confinés où lesantibiotiques étaient utilisés commeengraisseur.

En Italie, France, Espagne, le Covid-19 est très virulent sur des écosys-tèmes ultra-transformés. La Lom-bardie est en Italie la zone oùl’agriculture s’est le plus industria-lisée, le Grand-Est est la premièrezone céréalière française, idem pourla région de Madrid.

La question du lien entre alimen-tation, santé et territoire est logi-quement à l’ordre du jour des tra-vaux du Conseil national del’alimentation (CNA). Nous avonsainsi participé à l’écriture de l’articlesur l’ancrage territorial de l’ali-mentation dans la loi d’avenir agri-cole votée en octobre 2014. Ce futdécliné avec les Projets alimentairesterritoriaux (PAT), portés à l’As-semblée nationale par la députéeBrigitte Allain, ancienne porte-parolede la Confédération paysanne. Mais fautede budget et de réelle ambition politiquegouvernementale, faute aussi d’énergie surle terrain, on ne dénombre à ce jour qu’unecentaine de ces PAT. L’occasion d’y revenir ?

Officiellement, les projets alimentairesterritoriaux ont pour objectif de relocaliser

l’agriculture et l’alimentation dans les ter-ritoires en soutenant l’installation agricole,les circuits courts ou les produits locauxdans les cantines. II faut concevoir le PATcomme lui-même intégré à l’écosystème duterritoire. Élabore avec tous les acteurslocaux, il intègre les impératifs du respectde cet écosystème.

D’autant que l’écosystème extérieur faitl’écosystème intérieur, celui des habitant·es,mangeurs et mangeuses de la productionlocale. En d’autres termes, la qualité et ladiversité des aliments consommés sont le

miroir de la qualité ou de la diversité de nosmicrobiotes, et donc de celle de notre immu-nité face aux virus agresseurs.

Notons que la production nourricière dequalité dépend aussi des modes de trans-formation, d’où l’intérêt ici aussi d’avoirune maîtrise locale du sujet afin d’éviter l’ul-

tra-transformation industrielle. Localement,nous avons des exemples de petites coopé-ratives de producteurs qui produisent, trans-forment et livrent la restauration collectiveou les épiceries. Ces unités collectivesembauchent et créent des emplois durablesancrés au territoire.

Les PAT passent aussi par la prise encompte de l’aide alimentaire : aujourd’hui,on se contente de distribuer les surplus del’industrie agroalimentaire alors que l’ob-jectif premier doit être la sortie de la pré-carité par la création d’emplois durables

et locaux et non l’aide alimentaireen soi.

De même, la réflexion globale doitporter sur les coproduits des pro-ductions nourricières, comme lalaine ou le cuir, qui ne trouvent pluspreneurs de nos jours, la transfor-mation de ces coproduits ayant étédélocalisée dans d’autres régionsdu monde à bas coût économiqueet social. D’où là encore l’intérêtmajeur de recréer des emploislocaux, avec des métiers artisanauxqui ont du sens.

Quant à l’accès au foncier, les PATdoivent aussi s’en emparer. Car sanspaysans et paysannes assez nom-breux et nombreuses sur ces terri-toires, ces projets ne pourrontrépondre à leurs objectifs.

Un des facteurs de réussite desPAT, c’est la diversité des acteurs etactrices qui composent leur gou-vernance, associée à une forte impli-cation citoyenne qui doit nous enga-ger, militant·es de la Conf’ etpartenaires de l’agriculture pay-sanne.

Cette vision de l’ancrage territo-rial est de plus en plus partagée ausein du Conseil national de l’ali-mentation. Ce sera le message quel’on va porter au Conseil écono-

mique, social et environnemental (Cese)qui devrait rendre en septembre une éva-luation et un avis sur les PAT. n

Jean-Jacques Mathieu,

paysan dans l’Aude, représentant

de la Confédération paysanne

au Conseil national de l’alimentation

Ce que l’on veut pour le monde d’après

Des projets locaux pour la souveraineté alimentaireEn ces temps de pandémie de Covid-19, la notion de souveraineté alimentaire revient au premier rang des prioritéspour le « monde d’après ». Et remet en avant, notamment, les projets alimentaires territoriaux (PAT).

Dossier

XII \ Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020

En février 2018, la Via campesina publiait un guide détaillé de 34 pages surla souveraineté alimentaire. Ce guide est à lire et à télécharger sur :viacampesina.org/fr/souverainete-alimentaire-de-suite-guide-detaille

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Le monde paysan est tiraillé entre savolonté « d’indépendance » et sondésir de participer à la protection

sociale commune. Nous confondons (enl’entendant répéter ad nauseam) cotisa-tions et charges, nous pensons que le salaireest un avatar de la soumission quand il peutêtre le socle de l’émancipation.

Pourquoi pas une carte vitale pour l’ali-mentation? Les professions conventionnéesseraient celles de la production alimentaire.Envisager une sécurité sociale de l’alimen-tation (SSA), c’est d’abord pour nous, accep-ter d’éclairer la protection sociale et sonfinancement sous d’autres angles. C’est, au-delà des incantations à la souveraineté ali-mentaire, commencer à construire un sys-tème vertueux pour l’alimentation danstoutes ses dimensions : production, trans-formation, distribution, accès « universel » !

L’accès à la santé, les grands principes fon-dateurs de l’accès aux soins et aux presta-tions sont parfois contre-intuitifs. Parexemple, si nous envisageons la mise enplace d’une SSA pour les plus démunis, pourles pauvres, ce serait oublier que l’accèspour tou·tes est un fondement à ne jamaisperdre de vue. Si nous mettons en place unepolitique pour les pauvres, c’est que nous

acceptons une politique en faveur des riches.« En 1945, dans une économie pourtantexsangue, des hommes et des femmesengagé·es pour des “jours heureux” ont penséun monde où toutes et tous pourraient se soi-gner sans distinction de classe. » (1)

Plusieurs millions de personnessont encore dépendant·esde l’aide alimentaire

La France ne sait pas encore mettre toutesa population à l’abri de la faim. Plusieurs mil-lions de personnes sont encore dépendantesde l’aide alimentaire, et 70 % d’entre elles sontdes femmes! Pendant le confinement et après,elles étaient pourtant en première ligne, pre-mières de corvée, en caisse, en service deréanimation, au ménage, au fourneau à lamaison, en classe, dans les queues des super-marchés ou des centres d’aide alimentaire (etelles devraient suivre de surcroît les injonc-tions au bonheur et aux crèmes de soins bio!)« Il y a donc, en France comme ailleurs, unenjeu fondamental à penser la place des femmeslorsqu’on parle d’alimentation car ce sont ellesqui portent la charge de nourrir. »(2)

Penser et construire une SSA, c’est aussirespecter les fondamentaux d’une démo-cratie alimentaire. Tout comme la sécurité

sociale permet le droit à la santé et l’accèsaux soins, la SSA donnera le droit à une ali-mentation saine et durable pour tou·tes. Ladélibération démocratique et locale doitêtre la base du fonctionnement et duconventionnement. Les productrices et pro-ducteurs d’alimentation (paysan·nes, tech-nicien·nes sur les chaînes de transformation,chauffeurs de collecte…) seront considéré·escomme le sont les médecins de ville par leconventionnement. Ces derniers sont assu-rés d’une patientèle mais soumis à un pla-fond d’exercice des prix. Une piste trèssérieuse pour le revenu (définitivementconsidéré comme un salaire) des paysan·nes.

Seule la cotisation peut permettre definancer une SSA. Croire en la vertu de l’im-pôt pour cela, c’est déjà donner une placetrop importante au capital. Seul le fruit denotre travail – que nous devons contrôlerde sa production à sa distribution – nouspermettra de nous émanciper des action-naires de l’agro-industrie.

Le chantier de la Sécurité sociale de l’ali-mentation trouve ses fondations dans le« déjà-là » existant de la Sécurité sociale etsur les travaux des réseaux Civam, Ingénieursans frontière-Agrista, Miramap, l’Ardeur, lecollectif démocratie alimentaire, les Ami·esde la Conf’, le Réseau salariat, auxquels s’as-socie la Confédération paysanne. Ce groupede travail est appelé à s’élargir. Pour l’heure,au sein de notre syndicat, nous devons nousemparer du sujet et lui donner corps grâceà l’agriculture paysanne. n

Emmanuel Marie, paysan dans le Calvados

(1) Voir l’article du Réseau Salariat concernant le projet desécurité sociale de l’alimentation bit.ly/3fLTDN1(2) ibid.

Ce que l’on veut pour le monde d’après

La sécurité sociale, notre meilleure arme pourla souveraineté alimentaireLa carte vitale : qui ne s’en n’est jamais servi ? La MSA cristallise toutes nos critiques sur la collecte des cotisations etla redistribution des prestations, bien souvent à raison. Mais qui, en geste de protestation, jettera sa carte vitale ?

Dossier

Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020 / XIII

Pour aller plus loin :• Le Vent se Lève, Penser l’après-crise: pour uneSécurité sociale de l’alimentation : lvsl.fr/pen-ser-lapres-crise-pour-une-securite-sociale-de-lalimentation (9 avril 2020).• Les ouvrages de Bernard Friot dont VaincreMacron (2017) et Emanciper le travail (2014)aux éditions La dispute, ainsi que Abolir la detteaux éditions Atelier de création libertaire (2019).• Pierre-André Juven, Frédéric Pierru et FannyVincent, La casse du siècle, Raisons d’agir (2019).

Ce que pourrait être la carte Vitale d’assurance alimentaire. L’association Ingénieurs sans frontière présenteun argumentaire complet « Pour une sécurité sociale alimentaire » (avec document téléchargeable de32 pages) sur son site : isf-france.org/articles/pour-une-securite-sociale-de-lalimentation

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Depuis un siècle, l’eugénisme est lefil conducteur de la chaîne ali-mentaire industrielle : sélectionner

l’individu-élite et le multiplier à l’identiqueen éradiquant les hors-type. Résultat : sansdiversité dans des fermes, si une plante ouun animal est malade ou si un micro-orga-nisme devient pathogène, tous les autres lesont aussi. Des plantes, des animaux et desmicro-organismes ainsi uniformisés ne sontpas adaptés aux conditions locales, toutesdifférentes d’un terroir à l’autre, ni à lavariabilité exponentielle des changementsclimatiques. Cette inadaptation génère desmaladies, combattues à coup d’engrais etde pesticides chimiques, de manipulationsgénétiques et de micro-organismes cultivésen laboratoire, tous plus toxiques et polluantsles uns que les autres.

Solution paysanne : sélectionner et adap-ter localement dans les fermes des « popu-lations » de plantes, d’animaux, de micro-organismes les plus diversifiés possibles.Outil : droit collectif des paysan·nes d’uti-liser principalement leurs propres récoltescomme semences, de sélectionner leursanimaux reproducteurs, leurs micro-orga-nismes et autres préparations naturelles,de les échanger et de les vendre sans êtrecontraints par des normes industrielles quiinterdisent toute diversité et toute adap-tation locale.

Le deuxième principe de la rationalitéindustrielle consiste à concentrer en unmême lieu des milliers d’organismes vivantidentiques : spécialisations régionales, mono-cultures et élevages industriels. Résultat :1/en cas de maladie contagieuse, aucunebarrière écologique ne l’arrête, tout le mondey passe ; 2/on fabrique de véritables bombesà micro-organismes pathogènes.

Aucun organisme vivant ne se nourrit deses propres déjections (excréments, sueur,respiration, exsudats racinaires…) qui sontpour lui des poisons. Ceux-ci nourrissentdes organismes différents, comme les déjec-tions animales qui nourrissent les sols. Maissi ces déjections se concentrent au-delàdes capacités d’être ainsi recyclées, lesmicro-organismes qui s’y développentdeviennent très rapidement pathogènespour les organismes qui les ont produites.

Plus la chimie de synthèse et les modifica-tions génétiques tentent alors d’éliminer cespathogènes, plus ceux-ci évoluent pourcontourner ces barrières et devenir tou-jours plus virulents… jusqu’à se transmettreparfois à l’être humain.

Solution paysanne : les petites fermesdiversifiées de polyculture associée au pas-toralisme (qui entretient les espaces non cul-tivés tout en assurant un important trans-fert de fertilité vers les cultures) ;l’interdiction d’élever sur un territoire plus

d’animaux qu’il ne peut en nourrir ; les cul-tures associées, les rotations longues, l’agro-foresterie. Outil : des paysannes et paysansnombreux pour remplacer les énergies fos-siles et la chimie. L’abandon de la dépen-dance aux fossiles peut financer cinq mil-lions d’emplois agricoles en France.

Interdire les manipulationsgénétiques

Pour innover toujours plus vite, la rechercheindustrielle veut accélérer l’évolution natu-relle. Le Covid-19 pourrait être le résultatde cette dérive. Lorsque le biologiste-viro-logue Luc Montagnier a déclaré que leCovid-19 résulterait de manipulations géné-tiques au laboratoire (1), des mandarins dela recherche académique ont rétorquéqu’une telle manipulation aurait laissé des« traces » qui n’ont pas été identifiées. Cesmandarins devraient pourtant connaître la

technique dite de « gain de fonction » quiconsiste à accélérer les mutations adapta-tives d’un virus par passages successifs dansde nombreux animaux de laboratoire. C’estainsi que des chercheurs hollandais onttransformé le virus de la grippe aviaireA/H5N1, hautement pathogène mais nontransmissible entre humains, en un nou-veau virus transmissible par la respiration (2).La composition hétérogène du Covid-19induit la possibilité d’une telle accélérationau laboratoire de mutations et de recom-

binaisons complexes, mais ne la prouve pas.La guerre de communication entre les États-Unis (qui accusent un laboratoire chinoisconstruit et sécurisé avec le soutien de laFrance) et la Chine (qui accuse un labora-toire américain mystérieusement fermé enjuillet dernier) pourrait ne jamais permettred’éclaircir l’origine de ce virus. Le coûthumain et économique de la pandémieactuelle nous rappelle que le principe de pré-caution impose l’interdiction des manipu-lations génétiques, jamais sécurisées à100 % (3). n

Guy Kastler,

commission « Semences et OGM »

de la Confédération paysanne

(1) co-découvreur nobellisé du virus du sida.(2) science.sciencemag.org/content/336/6088/1534.full(3) independentsciencenews.org/commentaries/did-this-virus-come-from-a-lab-maybe-not-but-it-exposes-the-threat-of-a-biowarfare-arms-race

Ce que l’on veut pour le monde d’après

Solutions paysannes et principe de précautionL’industrialisation de l’agriculture et la volonté de la recherche industrielle d’accélérer l’évolution naturelle montrentpleinement leurs dangers au regard de la pandémie de Covid-19. On ne résout pas une crise avec les recettes qui l’ontcréée : il faut rejeter celles de l’agriculture industrielle et adopter une série de solutions paysannes.

Dossier

XIV \ Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020

Solution paysanne : ne pas élever sur un territoire plus d’animaux qu’il ne peut en nourrir.

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« Pour rebondir après la récession quenous traversons, nous aurons plusque jamais besoin du commerce

international » : dans un entretien publié le7 mai dans Le Monde, le commissaire euro-péen au Commerce, Phil Hogan (par ailleursancien commissaire à l’Agriculture) réaf-firme ses convictions libre-échangistes, etannonce vouloir signer encore plus d’accordscommerciaux afin de bénéficier de la crois-sance économique qui, « à 85 % se fera endehors de l’Europe ». Il reconnaît briève-ment la santé comme une exception pos-sible, mais pas question d’alimentation.

Dans ce contexte où les convictions néo-libérales imprègnent encore de nombreuseset nombreux dirigeants européens, l’annonceen décembre 2019 du Pacte vert (EuropeanGreen Deal)(1) comme grand projet de la pré-sidente de la Commission européenne, UrsulaVon der Leyen, apparaît comme une avan-cée certaine, même s’il ne s’agit pas d’un pro-jet révolutionnaire comme le montre lerecours (jugé indispensable) à la croissance.

Ainsi que l’indique le site de la Commission:«Le changement climatique et la dégradationde l’environnement constituent une menaceexistentielle pour l’Europe et le reste du monde.Pour y faire face, l’Europe a besoin d’une nou-velle stratégie de croissance qui transformel’Union en une économie moderne, compé-titive et efficace dans l’utilisation des res-sources, dont les émissions nettes de gaz àeffet de serre seront devenues nulles en 2050,où la croissance est dissociée de l’utilisation desressources, où personne n’est laissé de côté. »

Dans ce plan, deux chapitres concernentparticulièrement l’agriculture : la stratégie« De la Ferme à la table » (Farm to Fork ouF2F pour les intimes) et la stratégie pour laprotection de la biodiversité, dont les mesuresdevaient être précisées le 20 mai par le com-missaire Franz Timmermans, en charge duGreen deal. Les lobbies s’activent, prétextantla crise du Covid-19 pour demander unreport de ces stratégies qui visent notam-ment à réduire l’usage des pesticides et desengrais, et à laisser plus d’espace aux élé-ments naturels dans les paysages agricoles.Les Plans stratégiques nationaux, éléments

structurants de la nouvelle Pac en discussion,devraient s’y conformer, ce qui fâche lestenants du productivisme, toujours très actifsà Bruxelles comme à Paris.

Pour la Coordination européenne Via cam-pesina (ECVC), il n’est pas question d’attendreplus longtemps une réorientation des politiqueseuropéennes vers une agriculture au servicede l’alimentation des citoyen·nes, selon lasouveraineté alimentaire telle que la Via cam-pesina l’a construite avec le mouvement social.

L’alimentation comme un commun

Le « service scientifique de conseil » de laCommission européenne, le SAM (2), a juste-ment réalisé une étude importante sur lespolitiques concernant les systèmes alimentairesdurables. Le sous-titre de l’étude est en soi unepetite révolution: « Évoluer de l’alimentationcomme une marchandise vers l’alimentationcomme un commun ». Le Comité économiqueet social européen – l’équivalent du Cese fran-çais – a également émis plusieurs avis pourdemander des systèmes alimentaires durableset une gouvernance démocratique de l’ali-mentation, notamment au niveau européen.

Ce rapide aperçu montre que les idéesavancent, y compris au sein des institu-

tions. Avec une plateforme d’organisationsrassemblées afin de promouvoir une poli-tique alimentaire européenne(3), ainsi qu’avecle réseau Nyeleni Europe et Asie Centralepour la souveraineté alimentaire (4), ECVCpousse ces idées auprès des décideurs etdécideuses.

L’agriculture et l’alimentation ne sont pasles seuls secteurs concernés par la néces-saire reconstruction écologique et sociale.Transport, énergie, travail, santé, finance :tout est à réfléchir pour que l’activitéhumaine respecte les limites des capacitésde régénération de notre planète tout enréduisant drastiquement les inégalités. Làaussi, des réflexions existent au niveau euro-péen : elles doivent être partagées, multi-pliées dans toute la société afin d’être réel-lement mises en œuvre en Europe. n

Geneviève Savigny, paysanne dans

les Alpes-de-Haute-Provence, membre du Comité

économique et social européen

(1) ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/european-green-deal_fr(2) ec.europa.eu/info/research-and-innovation/strategy/support-policy-making/scientific-support-eu-policies/group-chief-scientific-advisors/towards-sustainable-food-system_en(3) La FPC, Food and Farming platform.(4) eurovia.org/fr/campagne/nyeleni

Ce que l’on veut pour le monde d’après

Alimentation et agriculture : les politiques européennes vont-elles progresser ?Les tenants du productivisme sont toujours très actifs à Bruxelles comme à Paris et l’annonce, fin 2019par la présidente de la Commission européenne, d’un Pacte vert ne cache pas le recours toujours jugé indispensableà « la croissance ». Mais des portes s’ouvrent et l’urgence est là.

Dossier

Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020 / XV

Manifestation devant le Parlement européen, à Strasbourg le 22 octobre 2019 pour réclamer « une autre Pac ».Le 17 avril, la Coordination européenne Via campesina adressait une lettre ouverte à la Commission euro-péenne, au Parlement européen et aux ministres de l’Agriculture des États membres de l’UE, présentant 9 prio-rités pour la sortie de crise liée à la pandémie de Covid-19 : eurovia.org/fr/lettre-ouverte-a-la-commission-europeenne-au-parlement-europeen-et-aux-ministres-de-lagriculture-des-etats-membres-de-lue

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La pandémie du Covid-19 arévélé un certain nombrede paradoxes de notre civi-

lisation. D’une part, on réalisequ’en plus d’être mortifère, ellen’est peut-être pas éternelle. Quiaurait pensé que cette frénésie detransports et d’échanges inter-nationaux, élevés au rang demodernité incontournable, nousvaudrait le confinement de lamoitié de l’humanité ? Qui pou-vait imaginer que la famine loin-taine entrevue dans nos journauxtélévisés s’inviterait à la table desplus défavorisés à nos portes ?Comment comprendre que le cin-quième exportateur de blé aumonde vienne à manquer defarine en petit conditionnement?Et alors que tous les pays se sontrefermés comme des huîtres,comment accepter ce monde oùun certain type d’agriculturedépend de l’exploitation de lamain-d’œuvre immigrée ? Desannées de mise en pratique de lathéorie économique de l’avan-tage comparatif développée parRicardo (1) nous ont amenés àcette situation. Mais elle n’estpas inéluctable !

Les pouvoirs publics ont mon-tré lors de cette crise que quandils veulent, ils peuvent trouverdes moyens et s’asseoir sur desprincipes hier intangibles. À lasortie de cette expérience inédite,nous n’en attendrons pas moinsd’eux pour remettre dans l’ordre les priori-tés. À ce petit jeu, l’agriculture, au même titreque la santé ou l’enseignement (formation),devrait se retrouver en haut de la pile !

Par agriculture, nous n’entendons pasfermes-usines (des 1000 vaches ou autres),OGM, agrandissement, compétition éco-nomique ou vocation exportatrice. Non,nous parlons d’une agriculture paysannecompétitive en terme de durabilité et d’em-plois. Des emplois non délocalisables etrépartis sur l’ensemble des territoires –contrairement au système actuel où la France

attend les travailleurs de l’Est, où la Pologneattend les Ukrainiens, l’Espagne les Maro-cains ou les USA les Mexicains. Des tra-vailleuses et travailleurs qui en majorité sontdes paysan·nes chassé·es de leur terre pourdévelopper des cultures d’exportation.

Pour avoir des paysannes et des paysansnombreux, encore faut-il qu’ils aient unrevenu, et ce n’est pas en les mettant encompétition tou·tes contre tou·tes que cesera possible. Cela passe par la souverainetéalimentaire pour chaque pays ou groupe depays, et la réflexion nous amène vite à la

maîtrise de la production et, ducoup, à sa répartition. Cela passeaussi par une harmonisationsociale dans ces groupes de payset par une évolution des fiscali-tés qui n’incite pas à un inves-tissement dispendieux.

Non seulement les productions– et donc les travailleuses et tra-vailleurs – doivent être répartiessur tous les territoires, mais lesoutils de transformation aussi(abattoirs, légumeries, laiteries…).Notre alimentation ne peut pasdépendre à ce point d’une chaînelogistique ubuesque où lesdiverses composantes d’un yaourtfont en tout 3000 km avant d’ar-river sur notre table. Là aussi, lespouvoirs publics auront un rôle àjouer. Les productions et leursmodes de production devrontnaturellement être variés et adap-tés à leur territoire, avec un impactenvironnemental aussi réduit quepossible.

La Confédération paysanne met-tra toute sa détermination àenclencher et accompagner cettemutation du système agricole,mais seule elle n’y arrivera pas. Etl’intervention publique indispen-sable à sa réussite ne viendra passpontanément. C’est pourquoi,nous devons nous appuyer sur lescitoyennes et citoyens sensibilisésde longue date ou alertés par cettesituation inédite (à travers l’asso-ciation des Amis de la Conf’, par

exemple) (2) et en associant à notre combattoutes les organisations de bonne volonté,comme c’est le cas à travers le collectif «Plusjamais ça ! » n

Denis Perreau,

paysan en Côte-d’Or, secrétaire national

(1) David Ricardo (1772-1823) est un économiste et phi-losophe britannique, également agent de change etdéputé. Il est considéré comme l’un des économistes libé-raux les plus influents de l’école classique aux côtésd’Adam Smith et de Thomas Malthus.(2) Pour celles et ceux qui ne sont pas paysan·nes et vou-draient rejoindre l’association des Amis de la Confédérationpaysanne : lesamisdelaconf.org – 01 43 62 18 70

Ce que l’on veut pour le monde d’après

Faire muter le système agricole, maintenant !En finir avec la mise en pratique de la théorie économique des avantages comparatifs, des yaourts qui font 3 000 kmavant d’être mangés, d’une main-d’œuvre agricole exploitée, c’est possible ! La Confédération paysanne, avec et au seinde la société civile, ne manque pas de propositions.

Dossier

XVI \ Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020

Le 26 mai, 20 organisations associatives et syndicales – dont la Confédérationpaysanne – ont publié un plan de sortie de crise. Dans un document détaillé de24 pages, elles défendent 34 mesures pour répondre de concert aux enjeux sani-taires, sociaux, économiques et écologiques auxquels font face nos sociétés. Etainsi « faire la démonstration qu’il y a des alternatives au capitalisme néolibéral,productiviste et autoritaire, et que ces alternatives sont crédibles, désirables etréalisables, à condition que les moyens politiques soient mis au service des objec-tifs de transformation sociale et de préservation de l’environnement. »Le document est à lire et à télécharger sur :confederationpaysanne.fr/actu.php?id=10241

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Arrivé le 14 février par l’Égypte surle continent africain (1), le Covid-19n’a pas de frontière et touche tout

le monde sans discrimination, même si cesont d’abord les classes dirigeantes, ceuxet celles qui voyagent, qui ont été les pre-mières contaminées et contaminantes. Ellesqui avaient l’habitude de se soigner ailleursse retrouvent face à leurs propres éléphantsblancs, avec un système de santé fragile.

D’après les chiffres officiels, l’Afrique del’Ouest est peu atteinte : au 9 mai, 16980 caset 360 décès (pour le Mali, au 8 mai : 700et 35). Avertis, les pays subsahariens ontrapidement réagi, vite fermé frontières,écoles et universités. Le Mali a fermé avantle premier cas recensé, le 24 mars, diffusél’ensemble des gestes barrières (relayés parde nombreuses initiatives citoyennes etartistiques), interdit les rassemblements etappelé au confinement avec couvre-feu,très controversé, levé depuis le 10 mai.Mais les consignes sont difficiles à appli-quer au quotidien : d’un côté un fort scep-ticisme sur cette maladie – dite des Blancs –et la position du Haut conseil islamiquemalien qui n’a pas interdit les mosquées(d’autant plus risqué en période de rama-dan), de l’autre des conditions inadaptées(la vie est dans la rue, le logement inadé-quat, l’accès à l’eau restreint, la distancia-tion sociale contre-culturelle). L’économieinformelle, vitale, est maintenue, même auralenti.

Le Covid-19 se propage quand même,mais lentement et sans explosion des cas.

Certains facteurs pourraient jouer : 60 % dela population a moins de 25 ans, la fortechaleur qui ralentirait sa progression, uneimmunité naturelle à cause des traitementsdu paludisme (qui fait plus de 400 000morts par an en Afrique et ne mobiliseguère). De plus, la vie collective permet derepérer rapidement les cas et de prendre soindes ancien·nes. L’Afrique est habituée auxépreuves (guerre, changement climatique,accaparements de terres, spirale de la dette,plans de restructurations désossant les ser-vices publics, corruption…) et a acquis uncertain degré de résilience, mais aussi d’in-géniosité et de solidarités quotidiennes.

À la mi-mai, les prix n’avaient pas flambéet tant bien que mal les marchés sont appro-visionnés. Par contre l’élevage (3e posted’exportation du Mali, principal pays ouestafricain à fournir en ovins, bovins et caprinsles pays limitrophes) est entravé par unetranshumance restreinte qui va poser desproblèmes pour nourrir et soigner tous lestroupeaux sur place : les conflits entre éle-veurs et agriculteurs risquent d’augmenter.La baisse du cours du coton (2e poste d’ex-portation) s’ajoute aux problèmes : le cotonouest africain ne trouve plus de débouché,concurrencé par le coton américain forte-ment subventionné et priorisé dans les der-niers accords de partenariats économiquesUSA/Chine.

Le regard des pays riches sur l’Afriquereste condescendant. Ce rapport de domi-nation, entretenu par une vision misérabi-liste, aggravant sans cesse les inégalités, ne

peut plus continuer, n’en déplaise au busi-ness de l’assistanat. Et ce n’est pas le mora-toire annoncé de six mois sur la dette quiva améliorer cette situation. La pandémiede Covid-19 pourrait être l’occasion d’unnouveau départ, ici comme ailleurs, avecune Afrique plus indépendante, digne,confiante en ses savoirs et dans la capacitéformidable des Africain·es à aller toujoursde l’avant, bravant les difficultés.

Un nouveau départIl est plus que temps d’un nouveau départ

pour le Mali et pour l’Afrique en général,avec ses 60 % de terres arables révélant leurpréciosité lors des accaparements de terrespar de nombreux pays riches, élites et spé-culateurs financiers. Il est temps que les gou-vernements mettent en place, sans influenceoccidentale, des législations ancrées dansleurs valeurs culturelles pour protéger leurspeuples : sécurisation des terres des com-munautés, relocalisation des productionsadaptées aux conditions spécifiques agro-nomiques et culturelles et valorisation deleur diversité et nutritivité. Il est temps deréellement soutenir l’agriculture familialequi nourrit ici plus de 80 % de la popula-tion et représente plus de 40 % des emplois,en encourageant le développement de ter-roirs en agroécologie paysanne (2), pour lasouveraineté alimentaire tout en s’appuyantsur les gouvernances locales et les mouve-ments de base (3).

Entre l’écriture de cet article et sa parutiondans Campagnes solidaires, quatre semainesseront passées, de nombreuses évolutionsauront eu lieu : espérons que cela soit dansle bon sens, que l’Afrique continuera à réus-sir à déjouer le coronavirus. nChantal Jacovetti, personne ressource en Afrique

de l’Ouest sur le foncier, l’agroécologie paysanne,

les droits paysan·nes, ancienne secrétaire nationale

de la Confédération paysanne

(1) Le Maghreb, notamment l’Algérie, et l’Afrique du Sudsont les plus touchés.(2) viacampesina.org/fr/mali-manifeste-de-l-agroecolo-gie-paysanne(3) Comme la CMAT (Convergence Malienne contre lesAccaparements de Terres) et la CGLTEOA (ConvergenceGlobale des Luttes pour la Terre et l’Eau Ouest Africaine).

Les paysan·nes du monde face au coronavirus

En Afrique de l’Ouest : résilience, ingéniosité et solidaritésÀ la mi-mai, la pandémie de Covid-19 était bien contenue au Mali et en Afrique de l’Ouest. Pour l’Afrique,comme ailleurs, l’après Covid-19 pourrait être l’occasion d’un nouveau départ.

Internationales

Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020 / 9

À Bamako : à la mi-mai,les prix n’avaient pasflambé et tant bien quemal les marchés étaientapprovisionnés.

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Des semaines avant qu’apparaisse lepremier cas de Covid-19 en Afriquedu Sud, nous, petits pêcheurs de

la côte ouest, avions déjà subi les consé-quences dramatiques de la crise. Nos com-munautés dépendent en grande partie dela pêche artisanale. Et la saison des homards,qui s’étend de la mi-novembre à la mi-mars, constitue une part importante denotre revenu annuel.

L’année dernière, 95 % de nos homardsont été exportés vers la Chine. Mais cetteannée, l’épidémie de coronavirus ayantforcé la Chine à fermer les marchés, lesintermédiaires ont décidé de nous payer noshomards 4,80 euros le kg au lieu des16 euros habituels. La plupart ont été expor-tés en Europe, aux États-Unis, une petitequantité a été vendue aux restaurants sud-africains, mais la population ici ne fait paspartie des acheteurs car, malgré les risquesencourus, la plupart des gens ici tentent detrouver des homards au noir, beaucoupmoins chers que ceux provenant du mar-ché légal.

Nous nous sommes donc retrouvés avecdes revenus extrêmement faibles pendantplusieurs mois. Pour pouvoir nourrir nosfamilles et payer l’école à nos enfants, beau-coup d’entre nous ont défié la loi en conti-nuant à pêcher la nuit, même s’il a fallu bra-der les prix et malgré les risques derépression.

C’est dans ce contexte économique catas-trophique qu’on a dû ensuite faire face àl’arrivée du Covid-19 dans le pays.

Il faut savoir que notre pays compte le plusgrand nombre de malades du sida au mondeet nous détenons un des plus forts tauxmondiaux de cas de tuberculose. L’arrivéedu Covid-19 a donc fait trembler notre gou-vernement. Il a pris des mesures drastiquespour un confinement total du pays,déployant tout un éventail de mesures sani-taires avec dépistage massif, recrutementde personnel soignant… pour tenter d’en-diguer la catastrophe, en particulier dansles townships (1) où les conditions de vie sontinsalubres et où les gens vivent nombreuxdans de tout petits baraquements.

Il a aussi décidé de prohiber l’alcool et letabac. Le tabac pour tenter de ralentir lesmouvements dans les rues et de stopper lacontagion car ici les gens se partagent leurs

cigarettes, l’alcool pour diminuer le nombrede crimes… parce que nous détenons aussiun des taux les plus élevés de criminalitéau monde (2) et que la corrélation entrel’usage d’alcool et la violence n’est plus àdémontrer.

Toutes ces restrictions ont entraîné l’ar-rêt de l’économie informelle et la perte derevenu sans contrepartie pour la majoritédes Sud-Africains. Malgré l’approvision-nement de colis de nourriture distribuéspar l’État, les townships ont vite crié famineet les pillages, les confrontations avec lapolice et les scènes de guérillas se sontmultipliés.

Faire face au quotidienMalgré ce contexte infernal, nous avons

réussi à créer un partenariat efficace avecle ministère de la Pêche qui a tout de suitereconnu le caractère essentiel de notre acti-vité. Les négociations ont été longues afinque les mesures soient vraiment adaptéesaux réalités de terrain, mais nous sommessatisfaits de la manière dont nos revendi-cations ont été entendues. Nous avons doncgagné le droit de pouvoir pêcher, de pou-voir voyager d’un port à l’autre, de main-tenir les hébergements pour les pêcheursle long de la côte… Belles victoires tem-poraires qui nous permettent de faire faceau quotidien, même si les prix d’achat des

poissons que nous pêchions début avril(de la famille des barracudas) sont extrê-mement bas (les intermédiaires fixent lesprix selon leur bon vouloir et continuentde s’en mettre plein les poches).

Après des décennies d’Apartheid où toutesles initiatives pour nous organiser, créer desréseaux de vente, des coopératives, ont étéempêchées ou détruites, il est difficile defaire évoluer les mentalités. C’est commesi les notions de solidarité et de collectifavaient été effacées de nos mémoires. Unsystème basé sur la haine de l’autre, laségrégation et le développement du profitpersonnel entraîne forcément un repli indi-vidualiste et égoïste, seule façon de se pro-téger et de fuir la réalité.

La route est longue encore et les stigmatesde notre histoire avec toutes ses souffrances,ses inégalités, sa violence vont nécessiterencore beaucoup de remises en question,de courage et de force pour vivre ensembleet construire un avenir plus lumineux etvivable. n

Propos recueillis

par Fanny Métrat, paysanne en Ardèche

(1) Quartiers pauvres, en marge des villes, héritages del’Apartheid.(2) Entre avril 2018 et avril 2019, plus de 20 000 personnesont été assassinées en Afrique du Sud, plus de la moitié desmeurtres ont été commis les week-ends entre 21 heures et3 heures du matin…

D’Afrique du SudChristian Adams est pêcheur artisanal en Afrique du Sud, un des responsables du syndicat des petits pêcheurs du pays(The South African Small Scale Fisheries Collective). Il témoigne de la vie dans son pays et dans son métier en ces tempsde pandémie de Covid-19.

Internationales

10 \ Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020

Christian Adams à Paris, fin 2015, lors de la Cop 21. Son syndicat de petits pêcheurs sud-africains est membre,tout comme la Confédération paysanne, de la Via campesina.

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Kannaiyan Subramaniam estproducteur de légumes dans l’Étatindien du Karnataka. Il est secrétairegénéral d’une coordinationde mouvements paysans du Sudde l’Inde, membre de la Viacampesina.

«Le pays a été confiné le 25 mars. Lachaîne d’approvisionnement entreles producteurs et les consomma-

teurs a été sévèrement endommagée. Dèsle départ, le gouvernement n’a pas claire-ment organisé le confinement. En quelquesheures, il a imposé aux paysans de resterdans leur ferme et a sommé les citadins derester chez eux, sans aucune organisationni anticipation. Pour celles et ceux qui nerespectent pas les mesures, la répression esttrès violente et la police n’hésite pas à uti-liser la force. Il y a beaucoup de confusion.Sachant qu’en Inde près de 90 % des tra-vailleurs dépendent du secteur informel,l’immense majorité s’est retrouvée du jourau lendemain sans aucun revenu ni res-sources et des centaines de millions de tra-vailleurs migrants (d’un État à un autre oudes campagnes vers les villes) ont cherché

et cherchent toujours à retourner chez euxà la campagne, longeant les routes dans leplus grand dénuement, propageant le virusd’un État à l’autre…

Les producteurs de légumes comme moiont vu les prix s’effondrer. Sur ma fermepar exemple, j’ai près de cent tonnes dechoux sur les bras (1) car les négociants neviennent pas ou alors me proposent des prixdérisoires : 3 roupies le kg de chou alorsque les gens en ville le paient 30 à 40 rou-pies ! Du coup, les consommateurs arrêtentde consommer des légumes ou réduisentfortement leur consommation.

La situation pour les éleveurs laitiers estbien meilleure car ils peuvent encore conti-nuer à vendre leur lait via les coopérativesqui ont maintenu les collectes, ainsi que lesecteur privé.

Une situation difficile aussi pour les éleveurs

Par contre, pour ceux qui produisent dela viande, c’est plus compliqué. Il y a euau début de l’épidémie une rumeur quidisait que l’on pouvait attraper le corona-virus en mangeant du poulet. Les magasinscommunautaires qui vendent la viande ont

dû fermer. Donc de nombreuses personnesn’ont plus du tout accès aux protéines ani-males alors que les stocks dans les élevagesde poulets ne font qu’augmenter.

Le gouvernement fédéral n’a pas géré cor-rectement le problème, il ne pense qu’àrésoudre la crise sanitaire et à maintenirl’ordre. Il n’a pas pris conscience du carac-tère essentiel de l’activité agricole et de lacrise alimentaire à venir.

Avant le confinement, le gouvernementn’aidait que la grande industrie agroali-mentaire, pas les petits producteurs. Avecla crise et le confinement, on réalise quece sont les petits producteurs qui alimen-tent les gens, pas McDonald’s, pas KFC, pasla grande industrie. C’est nous !

Mais nous ne pouvons pas être seuls res-ponsables de la souveraineté alimentaire dupays. Il faut qu’il y ait une politique derefonte de la chaîne d’approvisionnementpour supprimer les intermédiaires et réor-ganiser la distribution en ville avec les pro-duits en direct de nos fermes. Nos politiquesne parlent jamais du marché local, ils neparlent que du marché international.

Les productrices et producteurs n’ontjamais été protégés d’une façon générale,mais face à cette pandémie, nous sommescomplètement abandonnés. J’en appelle augouvernement, aux consommateurs et auxpolitiques, internationaux et locaux : s’ilvous plaît, ne faites pas d’erreur avec la pro-duction agricole. Je ne sais pas si la pandé-mie fera des morts, mais ce qui est certain,c’est que si rien n’est fait pour que nos pro-duits soient vendus au juste prix et pour queles populations puissent en bénéficier, c’estévident que des gens vont mourir. n

Propos recueillis par Fanny Métrat

et traduits par Marcelline Peglion

et Martin Texier,

tou·tes trois paysan·nes en Ardèche

(1) Depuis que ce témoignage a été collecté, début avril, àforce de crier sa colère à travers les réseaux sociaux, Kan-naiyan a été contacté par plusieurs compagnies qui ontdécidé d’acheter ses choux, mais à bas prix. Un élu et desONG qui ont eu vent de ses cris d’alarme ont acheté deschoux afin qu’ils soient redistribués aux populations affa-mées des bidonvilles. Face à l’incompétence du gouverne-ment, la solidarité tente tant bien que mal de faire face à lacrise. Mais Kannaiyan a perdu 35 tonnes de choux qui ontpourri dans le champ faute de débouchés, il n’a pu rem-bourser qu’un quart de ses investissements. Et il ne sait tou-jours pas s’il va falloir qu’il détruise sa production à venir decéréales et de tomates, ce que de nombreux collèguesautour de lui se retrouvent contraints de faire…

« Face à cette pandémie, nous sommes complètement abandonnés »

Internationales

Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020 / 11

Pour Kannaiyan Subramania, le gouvernement indien « n’a pas pris conscience du caractère essentiel de l’ac-tivité agricole et de la crise alimentaire à venir ».

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Emploi - stages - formation

Offres

• Côtes-d’Armor - La Confédéra-tion paysanne des Côtes-d’Armorrecrute son animateur ou anima-trice, CDI 35 h/semaine, poste baséà Saint-Brieuc au sein d’une équipede 4 salarié·es - Animation de la viedu syndicat (dont réunions), appuilogistique à l’organisation des évé-nements syndicaux, information etcommunication interne et externe,appui à la gestion financière etadministrative de la structure enlien avec le trésorier - Bac + 2, for-mation adaptée, connaissancemilieu agricole et associatif - Per-mis B indispensable et véhicule per-sonnel - Rémunération selonconvention collective de la Confé-dération paysanne (pour indica-tion, échelon 1 = 2 143,89 €brut/mois pour un temps plein) -Poste à pourvoir au 17/8 - CV+ Lettre de motivation avant le 5/7à [email protected]• Lot - L’Association départemen-tale pour le développement de l’em-ploi agricole et rural (Adear) recruteun animateur ou une animatricechargé·e des formations et de lacommunication - Mise en place,suivi et gestion de formations agri-coles (40 par an environ), suiviadministratif des dossiers avec lesfinanceurs, mise à jour régulière du

blog et du site internet de l’asso-ciation, parution de la lettre d’an-nonces bimensuelle, organisationd’événements de promotion del’agriculture paysanne (3 à 4 par an)- Bac + 2, bonne connaissance del’agriculture paysanne, permis B -CDI à 30 h/semaine (négociationpossible, base 2168,79 € brut/moispour 35 h/semaine) - Poste à pour-voir au 1/9, basé à Assier - CV etlettre de motivation avant le 15/6à : [email protected]• Lot - L’Adear du Lot recrute éga-lement un animateur ou une ani-matrice chargé·e des missions Trans-mission et Collectivités -Accompagnement à la transmis-sion agricole (dont sensibilisationet repérage des agriculteurs appro-chant de la retraite), organisationde formations à destination descédants, contact avec les repre-neurs potentiels et mise en relationcédants-repreneurs, communica-tion et sensibilisation auprès desélus locaux, accompagnement aumontage et au suivi de projets -Bac + 2, bonne connaissance del’agriculture paysanne, permis B -CDI à 30 h/semaine (négociationpossible, base 2168,79 € brut/moispour 35 h/semaine) - Poste à pour-voir au 1/9, basé à Assier - CV etlettre de motivation avant le 15/6à : [email protected]

• Limousin - L’Association régio-nale pour le développement del’emploi agricole et rural (Ardear)propose une mission de servicecivique - Idéalement à compter dumois de juillet - Sensibilisation àl’agriculture paysanne et à la tran-sition écologique, organisation derencontres sur l’agriculture pay-sanne et le changement de pra-tiques agricoles, actions de sensi-bilisation auprès des établissementsscolaires, du grand public ou desagriculteurs, créer des espaces derencontres entre les personnesayant un projet d’installation agri-cole (porteurs de projet) et lesacteurs locaux - Moins de 26 ans,sensibilité pour l’agriculture pay-sanne - Durée : 7 mois, de 24 à28 h/semaine, indemnités selon laconvention service civique - Baséà Limoges - Lettre de motivation+ CV à [email protected](merci d’indiquer en objet : « Can-didatureSC - Nom »)• Côtes-d’Armor - Éleveuse instal-lée en brebis allaitantes (240)cherche salarié·e pour les vacancesd’été, 3 semaines courant août(dates modulables) - Maison surplace - Connaissance des brebis etautonomie souhaitées -0681465576• Drôme - Exploitation arboricolebio (pommes, poires, petits fruits)sur 20 ha recherche pour seconderson chef d’exploitation un ouvrierqualifié (H/F) - Évolution vers unposte de « chef de culture » pos-sible - Travaux d’entretien des cul-tures et encadrement d’une équipede 5 à 10 personnes - Niveau Bac+2 à +5, permis B, expérience enarboriculture, certiphyto - CDI,

horaires de travail selon saison,annualisés - Salaire à négocier selonexpérience - Candidature avec CVà [email protected]• Aude - Recherche de stagiaires enapiculture - Aide aux ruchers, enmiellerie ou en atelier mais aussipour la vente ou même la gestioncomptable - Les 300 ruches biosont en transhumance dans l’Audeet l’Ariège - [email protected]• Haute-Vienne - Recherche sta-giaire ou salarié·e en vue de la ces-sion de ma ferme - J’élève desbovins viande en bio sur 53 ha enzone de montagne près d’Eymou-tiers, avec production de veaux delait et veaux rosés. 45 vaches limou-sines et quelques vaches de raceslaitières. L’essentiel de la surface esten prairies temporaires et perma-nentes, avec 2 à 4 ha de céréales/an- Mon compagnon qui travaille avecmoi a l’âge de la retraite et jecherche un/une stagiaire ou sala-rié, en vue de reprise si affinités, oude création d’une autre activité -0555692645 - 0608115388• Aveyron - Ferme bovin lait en biosur le plateau de l’Aubrac, avectransformation du lait en LaguioleAOP Fermier, recherche salarié agri-cole avec possibilité d’associationpar la suite - Pour plus de rensei-gnements : 0688960246Demandes

• Aveyron, Lozère, Hérault ou Tarn- Titulaire d’un Bac Sciences et Tech-niques de l’Agronomie et du Vivant(STAV), j’ai des connaissances debase en élevage (1ère A. de BTSProductions Animales, stages) - Jecherche un contrat d’apprentissagechez un éleveur d’ovins lait ou domi-

nante lait en vue de la préparationd’un BPREA option polyculture éle-vage ovin, à partir de septembre -J’ai 20 ans, je suis motivé, mobileet autonome, actuellement en Ser-vice Civique dans une Ferme Péda-gogique (Écolothèque de Saint-Jean-de-Védas) - 06 29 70 16 27 [email protected]

Association - installationtransmission

Offres

• Aveyron - La Société Civile desTerres du Larzac (SCTL) et la SC GFALarzac procèdent à un appel à can-didatures pour l’attribution d’uneferme au lieu-dit “La Borie” (La-Roque-Ste-Marguerite) - La SCTL etla SC GFA mettent à dispositionsous la forme d’un bail rural à longterme une ferme composée d’unemaison d’habitation, de bâtimentsd’exploitation et d’un parcellairede 257 ha - Bâti : habitation de159 m², bâtiments d’exploitationen pierre de 123 m² - Non bâti :38,35 ha de terres, 156 ha de par-cours, 63,24 ha de bois pacageables- Valeur de la reprise de la ferme(valeur d’usage bâti SCTL et clô-tures) : 19633 € - Les candidaturesseront closes le 30/6 - Pour rensei-gnements et visites de la ferme :0565621339 ou [email protected] -Plus d’infos : www.larzac.org• Aveyron - Ferme à transmettreavant départ à la retraite - Instal-lation envisageable dès janvier 2021- Sur 2 sites : 17 ha en propriété et11,5 ha en fermage (6 à 7 ha labou-rables) + 13 ha en propriété (9 hade prairie et 4 ha de bois) et 8,5 haen fermage - Bâtiments (stabulation,étable, hangar de stockage) et maté-

riel nécessaire - Actuellement bovinsviande (25 vaches Aubrac,8 génisses de renouvellement et 1taureau), autonomie fourragère -Transformation locale et ventedirecte - Les propriétaires privilé-gient une transmission sur le mêmesystème mais n’excluent pas uneréorientation de la production - AFirmi - Contact : 0769251396 [email protected]• Aveyron - Vends ferme, idéalepour maraîchage, PPAM et/ou agri-tourisme - 3 logements (uneancienne maison restaurée, uneancienne grange restaurée et unebergerie à restaurer) et 4 ha deterres attenants - Avec four à pain,puits et hangar de stockage - Lespropriétaires souhaitent trans-mettre et permettre l’installationd’un couple de jeunes - Installa-tion possible à partir de janvier 2021- A Almont-les-Junies (secteur tou-ristique) - Contact : 0769251396ou [email protected]• Tarn - Ferme de 33 ha dans leSégala, avec habitation, à trans-mettre en fermage fin 2022 (départà la retraite) - Actuellement30 bovins viande en label « veaud’Aveyron et du Ségala » et canardsgras en vente directe (450/an) - Salled’abattage canards sur place et pos-sibilité de reprise à plusieurs d’unatelier collectif pour la transforma-tion - Matériel sur la ferme et enCuma - 10 ha prairies naturelles,18 ha prairies temporaires et 5 hacéréales - Haies plantées - Conver-sion en AB possible rapidement -Bâtiments d’élevage et stockage1000 m² - Ouverts à autres pro-ductions ou projets avec de préfé-rence un élevage (au regard de la

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Je vous prie de bien vouloir présenter en faveur de Média Pays sur le compteréférence ci-dessous les sommes correspondant à mon abonnement:Tous les quatre mois r 15 € ou r 20 € Soutien, collectivité et étranger(le 15ème jour du premier mois)

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Avec le bulletin d’abonnement à retourner sous enveloppe timbrée avec votre chèqueà l’ordre de Campagnes solidaires au 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLET

Tél. : 0143628282 – [email protected] informations contenues dans la présente demande ne seront utilisées que pour les seules nécessités de gestion de l’association

et pourront donner lieu à l’exercice du droit individuel d’accès aux informations dans les conditions prévues par la délibération N°80 du 1/4/80 de la CNIL.

Mensuel de la Confédération paysanneCampagnes solidaires

Ou avec le mandat de prélèvements sepa ci-dessousà retourner en y joignant un relevé bancaire (RlB) ou postal (RIP)

Média Pays – 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLET

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Association bénéficiaire : Média pays – Numéro national d’émetteur : FR96ZZZ492109

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qualité agronomique des terres), etde la vente directe - Proposition CEFIsur 12 à 24 mois pour accompagnerla transmission - [email protected]• Gard - Maraîcher proche de Som-mières cherche remplaçant expéri-menté avant départ à la retraite -Possibilité vente directe - Pas debâtiments - 0782272238• Haute-Loire - Recherche candi-dat·e à l’installation pour reprendreen fermage une ferme comprenant24 ha, dont 3 ha labourables -1000 m d’altitude, à Venteuges -30 vaches allaitantes de race Aubrac- Adaptation possible pour des pro-jets chèvres, brebis laitières ouautres - 0471776261 (à midi oule soir après 21 h)• Puy-de-Dôme - Nous recherchonsun·e associé·e pour cause départen retraite au sein du Gaec (4 asso-ciés, dont 3 jeunes installés) - Fermeen bio depuis 2000, 65 vaches lai-tières de races différentes, autono-mie alimentaire du troupeau, par-cellaire regroupé, outil de travailfonctionnel (bâtiment, matériel, fro-magerie récente) - Le lait produit estvendu en coopérative ou transforméen produits frais et fromages affi-nés vendu en direct - Le travail estorganisé par ateliers dont chacun ala responsabilité, tout en étant rem-plaçable pour permettre la gestiondes week-ends et vacances - Nousrecherchons plutôt un éleveur, expé-rimenté ou non mais surtout motivé,sensibilisé à l’agriculture bio -Reprise du capital accessible dansla volonté de pérenniser et trans-mettre l’outil de travail en place -Ferme active dans le milieu asso-ciatif local [email protected] -06 84 10 79 71 - 06 79 97 48 60 -www.fermedelaterrasse.fr• Lot-et-Garonne - Proposition fon-cier - Je mets 12 ha de terres à dis-position pour un (ou des) candidat·sà l’installation: maraîchage, petitsfruits (irrigation) ou élevage, au choix- Je produits des fruits secs (pru-neaux, noix, noisettes), installédepuis un an et cherche à favoriserl’installation de jeunes en agriculturepaysanne - Les terres sont situées à

Hautefage-la-Tour - 0645352834 [email protected]• Vienne - Cherche un repreneurpour une exploitation céréalière dansle nord de la Vienne, en AB depuis1998 - SAU de 140 ha en location(bail long terme) en agriculture biouniquement et reprise des bâtimentsavec habitation (210000 €) ainsique du matériel (175000 €) - Fermepour un projet de vie durable - Pre-mier contact par courriel pour infor-mations supplémentaires :[email protected]• Vienne (Sud) - Location d’uneferme pour petit projet en élevageet/ou maraîchage - Pour départretraite début 2021 - 12 ha en pro-priété (5 ha de prés traversés d’unruisseau et 7 ha cultivables) + 28 haen location avec accord probable dupropriétaire pour la reprise par unporteur de projet (15 ha de pâtu-rage et foin + 13 ha cultivables) -Un petit élevage (ovin, caprin…)et/ou un atelier maraîchage sontenvisageables - Bâtiments agricolesdisponibles à la location: une grangede 300 m² et un hangar solaire de500 m² - Un bâtiment est aména-geable pour habiter sur le lieu oudes logements sont à louer dans levillage - Pour plus d’infos et visiterle site: [email protected] 0687005785• Limousin - Ferme à vendre ou àlouer dans la vallée de la PetiteCreuse - Parcellaire regroupé enquatre îlots, surfaces pour 2/3 enfaire valoir direct, 1/3 en locationet mise à disposition, en tout 150 hade prairies permanentes et terrescultivables - Avec grange en pierre,hangar charpente bois, grand bâti-ment mono-pente avec auvent, unemaison d’habitation - Actuellementen élevage extensif de bovins allai-tants, certifié bio, nous contribuonsà la sauvegarde de bovins d’unesouche ancienne - Vente directedes produits et travail en Cuma -La grande diversité des sols et orien-tations permet d’envisager de nom-breuses autres productions - L’idéeque cette transmission permetteune ou plusieurs installations nousmotive particulièrement - Trèsouverts - 07 88 36 43 48 - [email protected]

• Nord (proche Valenciennes) -Couple doubles actifs cherche repre-neur (vente) - SAU: 14 ha - Activitéactuelle : élevage de porcs, devolailles, de bovins viande, pensionéquestre - Ferme dimensionnée pourune quarantaine de porcs à l’en-graissement, 7 boxes chevaux, 4 à6 vaches allaitantes avec la suite,volailles - Magasin à la ferme(fichiers clients de plus de1500 habitué·es, la production estécoulée essentiellement en ventedirecte) - Ouverts à tout projet dereprise - La ferme permet de déve-lopper vente directe et d’envisagerune diversification en agrotourisme- Le logement est compris dans lavente - La ferme offre aussi la pos-sibilité d’installation d’un collectifde producteurs (éleveurs de porcs,de chèvres, de vaches allaitantes,maraîchage, brasserie ancienne acti-vité de la ferme, boulanger…), avecune très grande maison divisible etdes annexes aménageables en loge-ments - [email protected] -0769596627• Manche - A Percy - A céder pro-priété sur 4 ha d’un seul tenantexposé plein sud, avec maison d’ha-bitation (intérieur à rénover), dépen-dances, four à pain/pizza, écurie2/3 boxes, pressoir - Pourrait conve-nir pour installation en maraîchageou élevage caprin - 0682473800• Manche - A Saint-Amand - Acéder ferme polyculture élevage enbio - Activités possibles : élevage(bovin, ovin, volaille…), maraî-chage, paysan boulanger - 17 hagroupés autour du bâti, 65 % desterres sont labourables - Bâtimentsde corps de ferme comprenant :grenier à foin, unité de transfor-mation céréales, étables, hangarstockage fourrages - Terrains équi-pés d’un réseau d’abreuvage desanimaux à partir d’un puits faisantpartie de la ferme - Maison T5immédiatement habitable, chauf-fage central au bois - Vente sou-haitée de la maison d’habitationet des bâtiments, terres en loca-tion - 0633761190 - 0233569820- [email protected]• Mayenne - Recherche d’associé·esen maraîchage et/ou diversification- Un associé du Gaec souhaite par-tir fin décembre 2020 pour de nou-veaux projets familiaux - Nous avonstoujours veillé à construire une struc-ture transmissible (taille humaine,système mixte, investissements etendettement limités) afin de péren-niser notre production de légumesen vente directe - SAU 7 ha, 1,4 haen légumes (dont 1000 m2 tunnels)et bâtiments fonctionnels -Guillaume est a priori là pourquelques années encore (3 à 10 ans)et souhaite accueillir un (ou plu-sieurs) nouveau·x associé·s au seindu Gaec, mais tout reste ouvert pourtransmettre complètement le caséchéant - L’activité est aujourd’hui100 % maraîchère mais cela peutévoluer au gré des projets - A Saint-Denis-d’Anjou - Contact, rensei-gnements, rencontre: 0647129834- [email protected]• Orne - A transmettre, dans leDomfrontais, cause départ enretraite - Vente d’un atelier de confi-tures avec local de vente, corps deferme et 1 à 3 ha de terre - Possi-bilité de louer 23 ha dont 6 ha plan-tés en poiriers et pommiers hautetige (pour poiré, cidre, confitures etjus de fruit) et 12 ha labourables,le reste en prairie - Certains bâti-ments peuvent être aménagés pour

faire de l’accueil - 0615743665 [email protected]• Orne - A céder, région Domfront,ferme AB laitière et cidricole, terreset ensemble bâtiments en location,à reprendre en 2022 - Peu de maté-riel individuel, utilisation de maté-riel en Cuma - 65 ha en prairiesdont 55 ha groupés - 50 VL,234000 l livrés à Biolait, 6 ha devergers traditionnels jeunes et fabri-cation de 30000 bouteilles de poiré,cidre, jus de pommes et poires, apé-ritifs - Vente à la ferme, amap,magasins locaux - Environnementpréservé avec haies bocagères -Conviendrait pour projet à plusieurs- 0233301689 - 0686964120 [email protected]• Maine-et-Loire (Mauges) - Laretraite approchant, je souhaitetransmettre ma ferme prochaine-ment, à une date à définir avec lerepreneur - 38 ha de terres grou-pées et en partie irriguées, fermecertifiée bio depuis 2009 - 30 à 35vaches Holstein et Jersiaises,230000 litres de lait/an commer-cialisés en circuit long - La bonnerentabilité du système de produc-tion permet l’emploi d’un salarié àtemps partiel - Maillage bocagerpréservé (60 pommiers à cidre plan-tés depuis 2 ans) - Outre la ferme,je souhaite transmettre mon savoir-faire acquis depuis 30 ans, notam-ment concernant les médecinesalternatives - Le foncier sera loué,mais les bâtiments peuvent êtrevendus, un logement se trouveradisponible - Une période de tuilageassez longue souhaitable, à envi-sager par un stage « paysan-créa-tif » (Ciap) ou autre type de contrat- 0241785524• Maine-et-Loire - Ferme bio àreprendre - 44 ha groupés, àYzer-nay, dans un cadre préservé avecruisseaux et haies bocagères - Pro-ductions actuelles : ovins viande(Solognot et Belle-île) et PPAM,vendus principalement en circuitcourt - Tissu rural dynamique etentraide - Une location du foncieret des bâtiments, dont un séchoir,est envisagée - Possibilité d’habi-ter sur place à terme - Départ prévuen juillet 2022 - 0624752015• Alsace - Appel à manifestationd’intérêt - La ferme Saint-André estsituée à Cernay : le projet envisagela mutation d’un grand domaineagricole céréalier de 131 ha enagroécologie - Le dossier de pré-candidature est à déposer au plustard le 30 juin - Infos et réponse à :[email protected]• Moselle - La propriétaire d’un ter-rain agricole de 1 ha 70 rechercheun paysan pour s’installer en agri-culture bio - Le terrain est situé àGondrexange - Contact : PatriciaChapoutot, [email protected]• Meuse - Ferme d’élevage à trans-mettre, à Louppy-sur-Loison - 136 hadont 90 ha de prairies, avec bâti-ments, matériel, cheptel, DPB etmaison d’habitation - 20 ha en venteet 118 ha en location (dont 90 haen bail de 18 ans) - Une candida-ture peut être déposée à la Saferavant d’étudier en profondeur leprojet (étude technico-économique,visite de la ferme, attestation ban-caire) - L’objectif est une reprisepossible pour l’automne - Contactet candidatures après de GwenaëlCousin : [email protected]• Nièvre - Propose reprise et vented’une ferme d’élevage en AB depuis1989, pour un départ en retraite en2020 - Parrainage possible - 90 ha

en SAU - Troupeau de 400 brebisLacaune - Bergerie avec tapis d’ali-mentation et salle de traite - Trou-peau de 20 vaches Montbéliardes(bâtiment intrabois, possibilité detransformation en stabulation libre)- Petite porcherie (constructionrécente), élevage de 120 porcsconsommant le lactosérum de la fro-magerie - Fromagerie (norme CE)spacieuse et fonctionnelle (chauf-fage au bois déchiqueté) - Bonneclientèle locale et sur région pari-sienne - Gîte spacieux 12 places -Maison d’habitation confortable(250 m2) (chauffage central au boispour gîte et maison) - Bonne renta-bilité - Prix de cession: 500000 €(hors stock) (avec location des terres)- [email protected] - fermeducreuset.comDemandes

• Sud - Nous sommes Nicolas etÉmilie, couple de trentenaires, dési-rant s’installer en agriculture biodans une ferme caprine laitière avecatelier fromager (départements: 38,26, 43, 48, 12, 34, 30, 11, 66, 05, 15)- Notre projet est une reconversion(dans notre première vie, nous étionschef cuisinier et journaliste audio-visuelle) - Nous avons réalisé une for-mation agricole en Haute-Savoie(BPREA) en 2018-2019 - Depuis,nous sommes salariés dans deuxfermes caprines du Tarn-et-Garonne- Idéalement, nous cherchons unbâtiment d’élevage pouvantaccueillir 80 bêtes environ, une fro-magerie (ou local aménageable),une habitation sur place, du foncierpermettant l’alimentation en par-cours (et/ou pâturages) des ani-maux, la possibilité de développerun atelier maraîcher dans un secondtemps - Dans la conjoncture actuellede départ à la retraite ou arrêt d’ac-tivité de nombreux paysans, lareprise d’une ferme fait, selon nous,sens - [email protected] -0674236066• Grand Est - Couple de paysansavec 2 enfants cherche une fermemini 10 ha pour réaliser un projetaux productions diversifiées en bio-dynamie (élevage de vaches et bre-bis laitières, poules pondeuses, frui-tiers et petit fruits) et à rôle

pédagogique et de transmission(accueil de stagiaires, wwoofeurs,animations et séjours à la ferme) -Souhait de s’associer à un maraî-cher et/ou d’autres paysan·nes pourtendre vers un organisme agricolecomplet et autonome, mutualiserles forces de travail et les compé-tences, et pour le plaisir de tra-vailler à plusieurs dans uneambiance conviviale - Besoin d’ha-biter sur place - Contact pour plusde renseignements : 0674155188• Meuse ou Meurthe-et-Moselle -Collectif de 5 maraîcher·es bio pro+ groupe de citoyen·nes cherchentdes terres - 2 à 20 ha, location ouachat - [email protected] -0769875490• Auvergne-Rhone-Alpes, Occita-nie, Limousin ou Dordogne - Noussommes Emmanuelle et David, uncouple de bergers - Nous souhai-tons nous installer en élevage ovinviande avec diversifications (à voiren fonction du lieu : porc plein air,caprin lait, arbres fruitiers…) enbio et circuits courts - Nous cher-chons un lieu avec maison d’habi-tation et bâtiments agricoles, plu-tôt isolé, avec points d’eau - SAUmini 25 ha - Le secteur de notrerecherche est assez large - Noussouhaitons nous installer dès quepossible - Préférence pour l’achatmais nous étudions toutes les pro-positions - 05 47 94 10 39 -06 85 89 79 19 [email protected]

Divers

• Côte-d’Or - Transmission d’un four-nil et de la maison d’habitation - Dis-ponible en décembre 2020, à Clery -Le fournil est composé d’une piècede stockage de 20 m2 et d’un labo-ratoire de 50 m2 pour une productionde 400 kg de pain et viennoiserie endeux productions par semaine - Venteen direct, dans les amaps et maga-sins bio - La maison d’habitation de185 m² est comprise dans l’offre. Letout (équipement compris) s’évalueà 260000 € - Photos : vente-fournil-maison-clery.sitew.fr -0624371815 - [email protected]

Solidarité

Un incendie accidentel a ravagé la grange de

la ferme de Laprade à Cailla, dans l'Aude, le

16 avril. Phil et Fanette, éleveur et fromagère

en bio ont perdu des veaux, une partie de leur

production, du foin et un outil de travail dans

ces flammes. Un appel à soutien a été lancé

pour qu'ils puissent rapidement se relever de

ce coup dur en attendant les expertises et

autres tracasseries administratives.

Nous connaissons l'engagement bénévole de

Phil et Fanette pour des causes collectives :

dans le fonctionnement de l'abattoir de

Quillan, dans l'Épicerie Paysanne Ambulante

et Solidaire de la Haute Vallée de l'Aude (cf. CS

n° 361), à la Conf’…

On peut les aider à passer ce mauvais temps,

par chèque à adresser à : Mme Boscus ou

M. Guitard - Adresse : Boscus - Guitard - Ferme

de Laprade - 11 440 Cailla

Contact : [email protected]

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Campagnes solidaires • N° 362 juin 2020 / 13

Le n°237/238 de la Revue POUR vient de paraître.En savoir plus, l'acheter et le lire : www.revuepour.fr

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BILAN DE CONSOMMATION 2019 DES FRUITS ET LÉGUMES FRAIS

Retrouvez l’intégralité du bilan de consommation des fruits et légumes frais 2019 depuis votre espace cotisant sur

https://www.interfel.com/plateforme-numerique

Comme chaque année, Interfel, l’interprofession des fruits et

légumes frais publie le bilan de consommation des fruits et

légumes frais, en collaboration avec le Ctifl. Cette étude permet de

mieux comprendre et connaitre les tendances de consommation

(prix, consommation en volume, en valeur, focus bio, focus circuits,

etc), afin de mieux y répondre.

Les sommes dépensées en fruits et légumes frais par les ménages ont progressé en 2019 par rapport à 2018,

en raison à la fois de la progression des achats en volume et du prix moyen payé à l’achat.

Au cours de l’année 2019, tous les indicateurs de consommation

en bio ont poursuivi leur progression par rapport à 2018. La hausse

des achats en volume et valeur a été permise par la hausse de

la fréquence d’achat (traduisant une fidélisation des achats) et le

recrutement de nouveaux acheteurs en 2019, après une hausse

marquée observée en 2018.

*Panel Kantar de 15 fruits et légumes bio : carotte, tomate, salade, courgette, oignon, poireau,

concombre, melon, chou-fleur, pomme, kiwi, poire, pêche, nectarine, banane

Fruits et légumes frais : une progression par ménage en volume et en valeur

Fruits et légumes bio : une poursuite du développement des achats

Les parts de marché des F&L frais

bio* dans les achats de F&L frais

en 2019 sont de

8,5%en volume

10,5%en valeur

POUR PLUS D’INFORMATIONS :

[email protected]

Interfel - Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais

97 boulevard Pereire 75017 Paris - Tél. 01 49 49 15 15

www.interfel.com - www.lesfruitsetlegumesfrais.com

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LETTRE OUVERTE DE GROUPAMA À SES SOCIÉTAIRES AGRICULTRICES ET AGRICULTEURS

Chères Sociétaires, Chers Sociétaires,

Depuis plusieurs semaines, notre pays fait face à une crise sanitaire sans précédent. Nos pensées les plus chaleureuses vont tout particulièrement vers ceux qui sont, ou ont été confrontés à la maladie.

Notre pays subit également une crise économique hors norme qui, chaque jour, affaiblit un peu plus nos entreprises. Ainsi, près de la moitié des salariés du secteur privé sont aujourd’hui au chômage partiel en raison de la forte, voire très forte baisse d’activité dans de nombreuses filières.

Dans ce contexte d’extrêmes difficultés, vous, agricultrices et agriculteurs, êtes au rendez-vous des attentes des Français ! Ainsi, que vous soyez en circuits courts, de proximité ou traditionnels, vous êtes pleinement mobilisés pour permettre à chacun d’entre nous de se nourrir. La deuxième ligne de défense, telle que l’a qualifiée le Président de la République, tient !

Depuis toujours, Groupama est convaincu que les agriculteurs sont indispensables au monde et que la souveraineté alimentaire est un enjeu stratégique. Cette crise en apporte, s’il en était besoin, la preuve irréfutable ! En effet, dans quelle situation serions-nous si nous avions dû dépendre d’autres pays pour notre alimentation, comme nous en dépendons pour l’achat de masques ?

En tant que premier assureur de l’agriculture française, nous voulons vous dire notre immense fierté. En remerciement de votre engagement au service de tous, nous avons décidé de vous rembourser 2 mois de cotisation d’assurance de vos tracteurs. Nous sommes également à vos côtés pour soutenir et accompagner les initiatives qui vous permettent de poursuivre votre production, notamment celles favorisant les services de remplacement et le recrutement de main-d’œuvre.

Cependant, nous ne devons pas oublier que de nombreuses filières agricoles seront impactées cette année, non seulement par cette terrible crise économique, mais également par des aléas que nous savons toujours plus nombreux et toujours plus intenses sous l’effet du dérèglement climatique. La sécheresse qui menace la moitié nord de la France est à ce titre une grande source d’inquiétude.

Depuis le début de cette pandémie, Groupama est totalement engagé !

• Ainsi, en dépit du confinement, notre gouvernance mutualiste reste pleinement active. Nous sommes à votre écoute au sein de chacune de nos Caisses régionales pour vous apporter les réponses individualisées dont vous avez besoin pour surmonter les effets de cette crise sanitaire et économique.

• Nous sommes également pleinement impliqués pour élaborer avec le Gouvernement un régime d’assurance contre les risques sanitaires majeurs, comme pour améliorer la gestion du risque climatique. Car, au fond, crise sanitaire et crise climatique répondent aux mêmes exigences, à savoir la nécessaire mobilisation de tous !

• Enfin, nous n’oublions pas non plus que notre premier devoir est d’être toujours en capacité de vous servir les prestations pour lesquelles vous nous faites confiance et que nous vous devons. Cela concerne vos assurances dommages comme vos assurances vie.

Nous vous remercions pour votre confiance. Soyez assurés que tous vos élus et tous nos collaborateurs sont mobilisés pour en être dignes.Prenez bien soin de vous et de vos proches. Nous sommes impatients de vous retrouver.

Avec nos salutations mutualistes les plus cordiales.

COMMUNIQUÉ

Le Président Jean-Yves DAGES

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#PlusQueJamaisLe1erMaiC’était un 1er mai confiné. Et pourtant, nous l’avons crié tous et toutesensemble :• Nous sommes en colère• Nous ne voulons plus jamais du travail spolié et rabaissé• Nous voulons une alimentation de qualité pour toutes et tous• Nous voulons plus de paysans et de paysannes• Nous savons qu’il n’y a pas de pays sans paysans• Nous voulons la sécurité sociale alimentaire• Nous voulons la souveraineté alimentaire pour tous les peuples !Nous le savions déjà. Nous n’en sommes que plus sûrs : l’agriculturepaysanne est l’un des grands chemins vers la justice sociale etécologique. La crise du Covid-19 nous donne la certitude de l’importancede notre travail : paysan, paysanne, métier d’utilité publique !Ce n’est que le début. Nousn’arrêterons pas de nous battreet le 1er mai prochain, nousnous retrouverons pour nousembrasser – les paysan·nes ettou·tes les autres – et fêterensemble nos victoires !

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