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Contents / Table des matières NUMÉRO SPÉCIAL / SPECIAL ISSUE: LE MUSÉE ET L’ÉDUCATION / MUSEUMS AND EDUCATION Colette Dufresne-Tassé 251 Introduction: L’éducation muséale, son rôle, sa spécificité, sa place parmi les autres fonctions du musée Articles RÔLE ET SPÉCIFICITÉ DE LÉDUCATION MUSÉALE Pierre Ansart 258 Sur les finalités de l’utilisation pédagogique des musées FONCTIONNEMENT PSYCHOLOGIQUE DU VISITEUR Andrea Weltzl-Fairchild 267 Describing Aesthetic Experience: Creating a Model Colette Dufresne-Tassé, Thérèse Lapointe, Carole Morelli et Estelle Chamberland 281 L’apprentissage de l’adulte au musée et l’instrument pour l’étudier Estelle Chamberland 292 Les thèmes de la contextualisation chez les visiteurs de musée André Lefebvre 313 Une visite guidée par les pairs dans le Vieux Montréal Bernard Lefebvre et Hélène Lefebvre 331 Le visiteur, le guide et l’éducation

Canadian Journal of Education Vol 16 n 3 1991

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Contents /Table des matières

NUMÉRO SPÉCIAL /SPECIAL ISSUE:LE MUSÉE ET L’ÉDUCATION /MUSEUMS AND EDUCATION

Colette Dufresne-Tassé 251 Introduction: L’éducation muséale,son rôle, sa spécificité, sa placeparmi les autres fonctions dumusée

Articles

RÔLE ET SPÉCIFICITÉ DE L’ÉDUCATION

MUSÉALE

Pierre Ansart 258 Sur les finalités de l’utilisationpédagogique des musées

FONCTIONNEMENT PSYCHOLOGIQUE DU

VISITEUR

Andrea Weltzl-Fairchild 267 Describing Aesthetic Experience:Creating a Model

Colette Dufresne-Tassé,Thérèse Lapointe,Carole Morelli et

Estelle Chamberland

281 L’apprentissage de l’adulte aumusée et l’instrument pourl’étudier

Estelle Chamberland 292 Les thèmes de la contextualisationchez les visiteurs de musée

André Lefebvre 313 Une visite guidée par les pairs dansle Vieux Montréal

Bernard Lefebvre etHélène Lefebvre

331 Le visiteur, le guide et l’éducation

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INTERVENTION ÉDUCATIVE ET

ÉVALUATION AU MUSÉE

Céline Du Sablon etGeneviève Racette

338 Les effets d’un programme éducatifmuséal chez des élèves du primaire

Suzanne Boucher 352 Essai d’applicabilité du modèled’enseignement de Bruner enmilieu muséal

Anne Newlands 361 The National Gallery of Canada’sTheme Rooms: Exploring theEducational Exhibition

Janet Gail Donald 371 The Measurement of Learning inthe Museum

INTÉGRATION DE LA FONCTION

ÉDUCATIVE PARMI LES AUTRES

FONCTIONS DE L’INSTITUTION MUSÉALE

Jean Trudel 383 L’intégration de la fonctionéducative au musée

Book Reviews / Recensions

Nadia Banna 392 Museum Education, History,Theory and Practice par N. Berryet S. Mayer

Marie-Andrée Brière 394 Rethinking the Museum parStephen E. Weil

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Introduction

L’éducation muséale, son rôle,sa spécificité, sa place parmiles autres fonctions du musée

Colette Dufresne-Tasséuniversité de montréal

Le numéro qu’on va lire est consacré au musée et à l’éducation. Quinzechercheurs des milieux universitaire et muséal y ont contribué. Ces cher-cheurs utilisent des approches quantitatives et qualitatives. Leurs études sontempiriques, expérimentales ou critiques. Elles sont réalisées tantôt auprèsd’enfants, tantôt auprès d’adultes. Elles traitent de quatre problèmes:—le rôle de l’éducation muséale, la spécificité de celle-ci;—le fonctionnement psychologique du visiteur;—l’intervention éducative au musée, son évaluation;—l’intégration de la fonction éducative parmi les autres fonctions del’institution muséale.

Je décrirai brièvement la façon dont chacun des onze textes abordent cesproblèmes, puis je montrerai la nouveauté des solutions esquissées et lesimplications de celles-ci pour l’éducation dans les musées.

RÔLE ET SPÉCIFICITÉ DE L’ÉDUCATION MUSÉALE

Dès leurs débuts, on reconnaît aux musées un rôle éducatif. À preuve, cettelettre de Roland à David à propos de la création du Louvre, un des premiersmusées publics.

Il est question [. . .] de faire un Muséum aux Galeries du Louvre. Il est décrété,et comme ministre de l’intérieur, j’en suis l’ordonnateur et le surveillant. J’endois compte à la nation, tel est l’esprit de la loi. C’en est aussi la lettre. LeMuséum doit être le développement des grandes richesses que possède la nationen dessins, peintures, sculptures et autres monuments de l’art. Ainsi que je leconçois, il doit attirer les étrangers et fixer leur attention. Il doit nourrir le goûtdes beaux-arts, récréer les amateurs et servir d’école aux artistes. Il doit êtreouvert à tout le monde. Ce monument sera national. Il ne sera pas un individuqui n’ait le droit d’en jouir. Il aura un tel degré d’ascendant sur les esprits, ilélèvera tellement les âmes, il réchauffera tellement les coeurs, qu’il sera un des

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plus puissants moyens d’illustrer la “République française.” (extrait d’une lettredatée du 17 octobre 1792, citée par Blum, 1946)

Maintenant, ce rôle est si important qu’il fait l’objet d’une description parl’UNESCO et que la plupart des états occidentaux le précisent dans leurpolitique sur les musées. Il varie selon que l’on considère la muséologietraditionnelle ou la nouvelle muséologie. La première vise le développementgénéral de l’individu, la seconde, la transmission d’idées, d’attitudes, devaleurs sur les problèmes importants de l’heure.

Dans son texte, P. Ansart adopte une position originale, inspirée destravaux psychologiques et sociologiques contemporains. Il envisage tour àtour l’individu et la société. À certains égards, les buts de l’éducationmuséale ressemblent à ceux de l’éducation scolaire. Il n’en existe pas moinsune distinction de situation. Le musée rassemble dans un même temps et enun même lieu des publics variés, attirés, dans la plupart des cas par le plaisirde la visite, et par la liberté de fonctionnement psychologique allouée. Pourse convaincre de l’exactitude de cette affirmation, il suffit de songer auxmilliers de visiteurs qui entrent chaque jour dans des musées comme leMétropolitan Museum de New York, ou le British Museum de Londres. Ilest donc normal que les approches pédagogiques développées pour le mondeacadémique ne soient pas adéquates dans le monde muséal et que la plupartdes muséologues reconnaissent la spécificité de la pédagogie muséale(Boissan et Hitier, 1982; Carr, 1985; Falk et Balling, 1982; Hooper-Green-hill, 1983; Lewis, 1980; Miles, Alt, Gosling, Lewis, & Tout, 1982). Cettespécificité est implicite dans les onze textes présentés dans ce numéro et toutà fait explicite dans celui de S. Boucher qui, elle, décrit les adaptationsnécessaires à l’utilisation d’une stratégie scolaire au musée.

FONCTIONNEMENT PSYCHOLOGIQUE DU VISITEUR

Si l’éducation muséale vise des clientèles aux attentes particulières dans dessituations précises, on ne peut concevoir d’interventions auprès de cesclientèles sans en connaître le fonctionnement psychologique.

On possède de nombreuses données sur les caractéristiques socio-écono-miques des visiteurs de musée. On connaît, par exemple, le niveau d’instruc-tion des gens qui fréquentent les musées d’art (Bourdieu et Darbel, 1969),le nombre de visites annuelles qu’ils y font, le temps qu’ils y passent etl’importance qu’ils accordent à l’institution muséale (Bourdieu, 1979).

On a de plus identifié des comportements types durant la visite (Veron etLevasseur, 1983), comme parcourir systématiquement toutes les salles d’uneexposition en commençant par la droite ou, au contraire, en choisissant desobjets ici et là, en sautant littéralement d’un mur à l’autre.

On connaît quand même mal l’expérience psychologique du visiteursous-jacente aux comportements observés. On ne connaît pas son fonction-nement rationnel. On ne sait pas s’il se contente d’identifier les objets qu’ilvoit ou s’il utilise cette identification pour faire des comparaisons, des

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INTRODUCTION 253

déductions, des vérifications. On ne connaît guère plus son fonctionnementimaginaire et la relation de celui-ci avec son fonctionnement rationnel. Àquoi servent les souvenirs du visiteur ou ses voyages dans l’imaginaire?Enfin, on connaît mal le fonctionnement affectif et le rôle de ce fonction-nement dans l’économie psychologique du visiteur.

Cinq textes traitent de l’expérience psychologique du visiteur adulte.A. Weltzl-Fairchild ainsi que C. Dufresne-Tassé, T. Lapointe, C. Morelli etE. Chamberland offrent des outils d’analyse. Celui d’A. Weltzl-Fairchildpermet d’étudier la réaction esthétique du visiteur, la façon dont celle-ciévolue dans le temps et dans l’espace, celui de C. Dufresne-Tassé, T.Lapointe, C. Morelli et E. Chamberland permet un examen microscopiquedu fonctionnement général du visiteur à travers les opérations mentales quirégissent les composantes rationnelles, imaginaires et affectives de cefonctionnement.

En entrant au musée, un objet perd son contexte et, de ce fait, une grandepartie de sa signification. Le visiteur doit donc donner un sens à cet objet.Ce phénomène devient évident quand on entre dans les réserves d’un muséed’ethnologie comme le Musée de l’homme de Paris, qui contiennent desobjets de toutes sortes provenant des cinq continents. Ces objets ne portentsouvent que des codes. À moins d’être un connaisseur averti, il est difficilede les identifier, donc de leur donner une signification au-delà de ce quesuggèrent leur forme et notre réaction à celle-ci. E. Chamberland décrit lafaçon dont le visiteur utilise les trois composantes précédentes pour élaborerdes contextes autour des objets qu’il observe, en d’autres mots, pour donnerde la signification à ces objets.

A. Lefebvre retrace comment des enseignants-visiteurs élaborent descontextes autour des objets observés, il identifie les apprentissages queprovoquent cette élaboration et les gains personnels qui en découlent. B. etH. Lefebvre étudient la réaction des mêmes visiteurs aux guides muséaux.Ils soulignent qu’une présentation prématurée d’information les prive d’uncontact direct avec les objets et appauvrit d’autant leur expérience.

Pour ces huit auteurs, les connaissances précédentes sont nécessaires,mais non suffisantes à la création d’interventions éducatives. Elles permet-tent tout au plus de connaître les attentes du visiteur, sa façon d’aborder lesobjets muséaux et les gains qu’il peut en tirer. En d’autres termes, elles nesont qu’un repère pour créer un niveau de tension optimal chez le visiteur.Pour compléter l’intervention, il faudrait trouver le moyen de créer cettetension et de l’utiliser au bénéfice du visiteur.

INTERVENTION ÉDUCATIVE ET ÉVALUATION AU MUSÉE

Un débat célèbre oppose au début du siècle Benjamin Ives Gilman, secré-taire du Boston Museum of Fine Arts à John Cotton Dana, directeur duNewark Museum: suffit-il de montrer les objets muséaux pour améliorer les

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moeurs et le goût des visiteurs ou faut-il, en plus, souligner certains aspectsde ces objets et fournir de l’information sur leur signification?

La position de Dana est maintenant acceptée dans presque tous lesmusées, qu’il s’agisse de musées de science, d’anthropologie, d’histoire oumême d’art. L’objet muséal ne possède toute sa valeur éducative que si leconcepteur d’exposition permet au visiteur de relier l’objet qu’il regarde à cequ’il sait déjà (Hooper-Greenhill, 1983). Ce lien peut être facilité de plu-sieurs façons, entre autres par l’information écrite ou par l’intervention d’unguide. B. et H. Lefebvre étudient l’influence de cinq types de guide sur lasatisfaction de visiteurs adultes.

C. Du Sablon et G. Racette ainsi que S. Boucher considèrent l’interven-tion éducative dans un contexte beaucoup plus large, soit celui des visitesscolaires d’écoliers et l’intégration des programmes muséaux aux pro-grammes scolaires. Leurs études décrivent les rôles respectifs du musée et del’école, les éléments fondamentaux d’un programme conjoint, une concep-tion de la pédagogie propre à un tel programme et des critères d’évaluationdes gains cognitifs et affectifs des écoliers. Puis, C. Du Sablon et G. Racetteexplorent les résultats d’une expérience tentée auprès de classes de cin-quième année.

La composante évaluative du texte de C. Du Sablon et G. Racette reflèteune préoccupation du milieu muséal. Comme le milieu scolaire, celui-ci veutsaisir l’influence de ses interventions éducatives sur les publics qu’il ac-cueille. Mais à cause de la spécificité de sa situation, le musée ne peututiliser directement les critères et les outils d’évaluation élaborés par l’école.

A. Newlands aborde le problème de l’évaluation dans un musée d’art etexpose les difficultés inhérentes à l’identification de ce qui doit y êtreévalué. Elle décrit les moyens pris par le Musée des beaux-arts du Canadapour connaître l’efficacité des dispositifs pédagogiques utilisés dans lessalles canadiennes et les gains des visiteurs dans celles-ci.

J.G. Donald n’envisage que l’évaluation de l’apprentissage. Elle examinedeux indicateurs développés dans les musées: le pouvoir d’attraction d’unobjet (attracting power) et son pouvoir de retenir le visiteur (retainingpower), puis elle suggère une série d’indicateurs empruntés à l’éducationscolaire qu’elle critique en fonction des exigences du milieu muséal.

INTÉGRATION DE LA FONCTION ÉDUCATIVE PARMI LES AUTRES FONCTIONSDE L’INSTITUTION MUSÉALE

La place occupée par l’éducation dans un musée dépend du rôle de celui-cidans la société, mais aussi de l’importance accordée par le musée respective-ment à l’éducation, à la collection, à la conservation et à l’étude des objets.

J. Trudel analyse les facteurs organisationnels responsables de l’intégra-tion de l’éducation parmi les autres fonctions du musée. Il note que cetteintégration demeure, encore maintenant, “un problème majeur,” parce quel’éducation, “c’est plus que la somme des compétences de ses éducateurs ou

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INTRODUCTION 255

que le nombre des autobus scolaires qui s’arrêtent à sa porte; c’est avanttout un état d’esprit, une conscientisation profonde qui doit imprégner tousceux qui y oeuvrent. C’est (. . .) savoir se dégager de ses propres intérêtspour être empathique aux publics visés.” “Le degré d’intégration de lafonction éducative dans un musée” est attesté par “les techniques de présen-tation des expositions” et “par les textes et le matériel de soutien fourni auxvisiteurs.” Il transparaît même dans le choix des publications et des objetsvendus dans la librairie ou la boutique du musée.

IMPLICATIONS

Dans les onze textes présentés, on retrouve une approche globale, structuraleet dynamique du fonctionnement du visiteur adulte ou enfant. Cette ap-proche est tantôt implicite, tantôt explicite.

L’expérience du visiteur, un phénomène à considérer dans sa globalitéet dans sa structure

S. Boucher, E. Chamberland, C. Dufresne-Tassé, C. Du Sablon, T. Lapointe,A. Lefebvre, C. Morelli, G. Racette et A. Weltzl-Fairchild considèrentexplicitement le fonctionnement du visiteur comme un phénomène global ettraitent son apprentissage comme un sous-produit de ce fonctionnement.E. Chamberland, C. Dufresne-Tassé, T. Lapointe, C. Morelli ainsi queA. Weltzl-Fairchild décrivent des outils qui permettent d’analyser le fonc-tionnement du visiteur dans cette optique et selon sa structure.

Cette approche globale et structurale est l’une des issues à l’impasse crééepar les conceptions behavioristes et phénoménologiques qui dominentprésentement l’éducation muséale. Selon la conception behavioriste, l’éduca-teur est responsable des apprentissages du visiteur. Ce dernier ne devraitdonc apprendre que ce qu’on a prévu pour lui. C’est, de toute évidence,prêter à l’éducateur un pouvoir qu’il n’a pas. Au musée, les visiteursapprennent mille choses imprévues et ne retiennent guère ce que l’on tentede leur enseigner. Selon la conception phénoménologique, l’éducateur nepeut influencer les visiteurs de façon importante ni prévisible si ceux-ci sontlibres de leur fonctionnement parce que leurs réactions, déterminées par desconnaissances et des expériences différentes, forment en quelque sorte unesérie infinie.

Toute intervention pédagogique basée sur l’une ou l’autre de ces concep-tions doit contraindre le visiteur. Une intervention d’inspiration behavioristecontraint le visiteur en vertu du rôle prêté à l’éducateur, une interventiond’inspiration phénoménologique, pour gérer l’exubérance du visiteur. Dansles deux cas, l’intervention va à l’encontre de la situation muséale et desdésirs du visiteur (au moins, de ceux du visiteur adulte, comme l’a observéDufresne-Tassé, 1990).

Ce problème a des causes différentes dans les deux approches. Dansl’approche behavioriste, il tient à la place centrale accordée à un sous-

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produit du fonctionnement global du visiteur, l’apprentissage, plutôt qu’aufonctionnement lui-même. Dans l’approche phénoménologique, il tient àl’importance accordée au contenu de l’expérience du visiteur plutôt qu’à sastructure.

Si, comme l’a observé Dufresne-Tassé (1990), un fonctionnement psycho-logique harmonieux et productif s’avère le bénéfice le plus important d’unevisite au musée, du moins pour un adulte, il n’est plus nécessaire de con-traindre le visiteur à réaliser des séries d’apprentissages. Si l’on ramènel’expérience du visiteur à sa structure, à des activités comme décrire,structurer, interpréter (voir A. Weltzl-Fairchild) ou à des opérations commeidentifier, saisir, évaluer (voir C. Dufresne-Tassé, T. Lapointe, C. Morelli etE. Chamberland), cette expérience peut être délimitée et prévue. Uneapproche globale et structurale du fonctionnement du visiteur semble doncune conception de rechange intéressante pour l’éducation muséale.

L’expérience du visiteur, un élément dynamisant pour le musée

On a vu que l’intervention éducative ne saurait se limiter à supporter lefonctionnement du visiteur. Tout en respectant les capacités et les besoins decelui-ci, elle doit créer une tension. La création de cette tension est possibleparce que l’institution muséale regroupe une série d’experts dont la fonctionest de formuler les multiples significations que possèdent les objets de sescollections (Prince, 1985). Cette expertise multiforme suppose une rechercheincessante et originale sur les objets à acquérir et à conserver, sur la façonde les préserver et de les interpréter. Comme le montre Pearce (1985, 1986a,1986b, 1986c) dans son étude du travail du conservateur, la recherchemuséale est une recherche originale, du fait qu’elle porte avant tout sur desobjets.

L’éducation est la synthèse des résultats de cette recherche. L’utilisationde cette synthèse est au profit du public visiteur, de ceux qui ont participéà son élaboration et des institutions avec lesquelles le musée est en rapport.L’éducation ne saurait donc se substituer aux autres fonctions du musée.Elle ne peut que profiter de leur vitalité.

RÉFÉRENCES

Blum, A. (1946). Le Louvre, du Palais au musée. Genève-Paris-Montréal:Éditions du milieu du monde.

Bourdieu, P. (1979). La distinction, critique sociale du jugement. Paris: LesÉditions de Minuit.

Bourdieu, P. et Darbel, A. (1969). L’amour de l’art: les musées européens etleur public. Paris: Les Éditions de Minuit.

Boissan, J. et Hitier, G. (1982). La vulgarisation dans les musées scientifiques:résultats d’une enquête au Palais de la Découverte. Revue française depédagogie, 61, 29–44.

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INTRODUCTION 257

Carr, D. (1985). Self-directed learning in cultural institutions. In S. Brookfield(Ed.), Self-directed learning: From theory to practice (New Directions forContinuing Education No. 25) (pp. 51–61). San Francisco: Jossey-Bass.

Dufresne-Tassé, C. (1990, novembre). Approches didactiques et âge des visiteurs.Communication présentée au colloque “À propos des approches didactiques aumusée,” Montréal.

Falk, J.H., & Balling, J.D. (1982). The field trip milieu: Learning and behavioras a function of contextual events. Journal of Educational Research, 76,22–38.

Hooper-Greenhill, E. (1983). Some basic principles and issues relating tomuseum education. Museums Journal, 83, 151–156.

Lewis, B.N. (1980). The museum as an educational facility. Museums Journal,80, 151–155.

Miles, R.S., Alt, M.B., Gosling, D.C., Lewis, B.N., & Tout, A.F. (1982). Thedesign of educational exhibits. London: George Allen and Unwin.

Pearce, S. (1985). Thinking about things. Museums Journal, 85, 198–201.Pearce, S. (1986a). Objects, high and low. Museums Journal, 86, 79–82.Pearce, S. (1986b). Objects as signs and symbols. Museums Journal, 86, 131–

135.Pearce, S. (1986c). Objects in structures. Museums Journal, 86, 178–181.Prince, D.R. (1985). The museum as dreamland. International Journal of

Museum Management and Curatorship, 4, 243–251.Veron, E. et Levasseur, M. (1983). Ethnographie de l’exposition: l’espace, le

corps, le sens. Paris: B.P.I./Centre Pompidou.

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Sur les finalitésde l’utilisation pédagogique des musées

Pierre Ansartuniversité paris VII

La pédagogie muséale vise, entre autres, à ouvrir le musée à tous les enfants afinde leur faire découvrir des univers différents sur le mode actif. Mais la finalitésur laquelle cet article s’attarde est celle qui consiste à former la sensibilité del’enfant. Ainsi, l’auteur montre comment une visite au musée bien réalisée peutcontribuer à développer chez l’enfant des sentiments positifs à l’égard des objetsprésentés et, plus largement, à l’égard du monde humain présenté. Le musée peuten outre favoriser le développement d’attitudes affectives par rapport au temps demême qu’il peut aider à façonner des identités individuelles et collectives.Finalement, la didactique muséale initie l’enfant à l’autodiscipline dans le plaisiren lui apprenant simultanément à être actif au musée et à respecter les objets quis’y trouvent.

Museum education seeks to open up the museum to children, inviting them todiscover whole new worlds. Among the objectives of museum education, I wishparticularly to consider the formation of children’s sensibilities. A well-plannedmuseum visit encourages children to have positive feelings for objects seen, andmore broadly speaking, to acquire a sense of what it is to be human. Themuseum may also promote certain attitudes to time, and to identity, whethercollective or individual. In short, museum education initiates children intopleasurable self-discipline, helping them to be active while in the museum and torespect the objects found there.

Ce sont assurément les spécialistes de muséologie, qu’ils soient enseignants,conservateurs ou responsables de services éducatifs dans les musées, quisont les mieux à même de réfléchir sur les finalités de l’utilisation péda-gogique des musées et d’en analyser les difficultés de réalisation et, par là,d’en mesurer l’applicabilité.

Néanmoins, s’agissant des finalités de la muséologie dans leur généralité,il n’est pas paradoxal de penser que tout citoyen, intéressé par les questionsde la culture, peut valablement être consulté sur un tel sujet. Le musée est,en effet, un lieu éminent de la culture, ce lieu où se réalisent de multipleschoix et projets hautement significatifs, et un relai permanent de significa-tions culturelles. À ce niveau, tout citoyen, soucieux de la culture et s’inter-rogeant sur la diffusion des savoirs et des images, est concerné par lesmusées et par les modèles didactiques d’utilisation des musées. C’est donc

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FINALITÉS DES MUSÉES 259

à ce titre, en tant qu’amateur éclairé que j’interviens sur ce vaste sujet, etsans prétendre solliciter la compétence des muséologues.

De plus, le regard sociologique, attentif à observer les pratiques socialeset les comportements de fréquentation, peut apporter quelques insistancesutiles en la matière, même s’il ne s’agit là que d’une entrée parmi d’autresapproches. C’est donc à ce double titre d’amateur des musées et de socio-logue que je proposerai quelques réflexions sur la didactique muséale.

À la fin du mois d’octobre 1985, s’est déroulé à l’Université du Québecà Montréal un colloque sur Les modèles didactiques d’utilisation desmusées. Ce fut un lieu de débats, d’échanges entre conservateurs et ensei-gnants, entre éducateurs de musée et historiens d’art, et tous, selon leurpropre perspective, ont nécessairement rencontré, directement ou indirecte-ment, cette question permanente—et, en quelque sorte, préliminaire—desfinalités, des buts généraux, des raisons d’être des utilisations des muséespar les élèves du primaire et du secondaire. Depuis cette date, les actes dece colloque ont été publiés (Racette, 1986); ils contiennent quelque trenteinterventions qui ouvrent de nombreuses pistes de réflexion, posent desproblèmes ou exposent directement des modèles didactiques. On trouveradans ce volume les matériaux d’une large réflexion sur les finalités desdidactiques muséales. J’avais été invité alors à réfléchir sur ce thème: jesouhaiterais reprendre ici certaines réflexions que j’avais alors exposées etprofiter de l’occasion qui m’est offerte pour les poursuivre.

André Lefebvre, dans l’intervention qu’il avait faite au cours de cecolloque, avait mis en relief les Difficultés de la pédagogie muséale. Dif-ficultés multiples, en effet, et dont certaines apparaissent clairement si l’onconfronte cette pédagogie muséale et la fréquentation effective desmusées. . . . Si l’on confronte les finalités de cette pédagogie et le contextesocial qui est celui des enfants d’aujourd’hui. De ce point de vue, lesfinalités de la pédagogie muséale ont bien un véritable caractère polémi-que—au meilleur sens du terme; elles ont une vocation culturelle spécifique.

Dans l’intervention que j’avais proposée lors de ce colloque, j’avais prispour point de départ les simples constats de la fréquentation des musées.C’est, en effet, ce que les sociologues ont le mieux étudié et analysé: quivisite les différents musées? Comment? Avec quelles fréquences et durées?Dans quelles conditions?

Or ce que nous vérifions dans toutes les enquêtes de ce genre, que ce soiten Europe ou dans les Amériques, c’est combien cette fréquentation desmusées est inégale selon les milieux sociaux, selon les niveaux culturels,selon les classes sociales. L’enquête de Pierre Bourdieu, en France, publiéesous le titre L’amour de l’art était tout à fait éclairante sur ce point (Bour-dieu et Darbel, 1966).

C’est pourquoi le simple fait d’ouvrir le musée aux enfants, c’est-à-direà tous les enfants (et c’est au principe même des pédagogies muséales)s’inscrit dans une véritable action culturelle.

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260 PIERRE ANSART

Ce simple projet—de faire découvrir l’univers des musées aux élèves—est bien, malgré son apparente évidence, un projet qui va à contre-courant dela réalité quotidienne. Nous entraînons les enfants là où nombre de parentsne vont pas ou même refusent d’aller. Et, en cela, nous pourrions dire quenous défendons une cause que nous croyons bonne, une sorte d’idéologie—au sens positif du terme—, si nous entendons par là un système de valeurset de finalités pratiques, une vision des fins, pouvant dépasser la réalité etses limites.

Nous militons, pourrait-on dire, pour le droit au musée, pour que lesélèves, tous les élèves, aient le droit d’entrer effectivement dans ces lieuxétranges, comme peuvent le faire les privilégiés de la culture, les détenteursde capital culturel, comme disent les sociologues.

Et, comme nous savons bien qu’en atteignant les enfants, nous atteignonsaussi les parents, les familles, nous préparons ainsi une diffusion, uneextension, de la fréquentation des musées—les didacticiens en muséologieoeuvrent pour que les musées entrent dans la vie quotidienne future—pourque la fréquentation des oeuvres d’art, des oeuvres scientifiques, techniques,cesse d’être exceptionnelle et pour qu’elle devienne l’une des formes de lavie quotidienne de demain.

D’autre part, la pédagogie muséale vise à faire découvrir des universdifférents, des mondes éloignés ou très éloignés de l’expérience dans letemps et dans l’espace: faire découvrir les arts ou les techniques de la Chineancienne ou de la Nouvelle France. Cette multiplication des découvertes estencore plus étendue qu’elle ne l’était voici trente ans; de nouveaux thèmesde musées ont été élaborés et permettent de faire découvrir des personnagesdu passé, des moments ou des évolutions historiques, des sciences, destechniques, des costumes, des arts dits populaires. Ces musées nous en-traînent en de multiples univers-autres.

On pourrait dire que les médias actuels (et le cinéma) font aussi découvriraux enfants des sociétés lointaines, des arts ou des modes de vie d’autrefois.Mais, là encore, la finalité de l’utilisation des musées va à contre-courant;elle se différencie de cette consommation médiatique et peut y rencontrerplutôt un véritable obstacle. Car, si l’enfant est habitué par le cinéma ou latélévision à voir un temple grec ou une technique agricole du XVIIIèmesiècle, c’est en tant que consommateur d’images, spectateur passif et docile,habitué à subir le défilé des images faciles et rapidement oubliées.

La découverte pédagogique du musée s’inscrit dans une relation profondé-ment différente: dans un rapport actif, mobile, personnel. Il est dans lalogique de l’utilisation du musée de placer l’enfant dans une démarcheactive, de lui permettre de comprendre et de voir par lui-même, de s’interro-ger et de poser de nouvelles questions.

Les modèles didactiques ont ainsi à lutter contre des habitudes de con-sommation journellement renouvelées. Apprendre non seulement à voir, maisbien à regarder, à s’arrêter, à s’interroger sur ces objets éventuellementinsolites, à faire de cet objet le point de départ d’un cheminement dans

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FINALITÉS DES MUSÉES 261

l’imaginaire. L’objet de musée, qu’il s’agisse d’une oeuvre d’art ou d’unattelage au Musée du Cheval à Chantilly, est éminemment propice à cesvoyages imaginaires en ce qu’il exclut son usage direct, son maniement etsa destruction. L’objet impose distance, il rompt la fonctionnalité commune,et tout l’art de la présentation, de l’exhibition, participe à cette mise enoeuvre de l’imaginaire et à son enrichissement.

Il s’agit bien de faire découvrir des univers, d’autres univers, de faireaccomplir des voyages imaginaires, mais sur le mode actif, sur le mode dela découverte et de la démarche personnelles. Et en cela des méthodesdidactiques élaborées sont indispensables pour faire accomplir ces rupturespar rapport à la passivité habituelle.

La troisième finalité que je souhaiterais évoquer est celle qui est souventexprimée dans les déclarations d’intention lorsque l’on souligne que lesdidactiques muséales visent à éduquer, à former la sensibilité des enfants. Etnous souhaitons, en effet, par les visites des musées, communiquer à l’enfantde nouvelles émotions, face à une architecture, face à un instrument dutravail rural d’autrefois, face à une poterie antique.

Et c’est bien, en effet, ce qui se produit au cours de ces découvertes desmusées (ou en dehors des pratiques organisées, bien entendu); nous voyonstel enfant s’extasier, être comme fasciné par la nouveauté, par l’énormité,par l’étrangeté de telle machine, de telle oeuvre d’art, ou par le caractèreinsolite d’une sculpture moderne. Dans son intervention au colloque de1985, Geneviève Racette donnait d’admirables exemples de ces cris, de cesémotions d’enfants devant tel objet ou tel monument (Racette, 1986).

Et c’est sur cette dernière finalité—que l’on peut qualifier d’affective—que je voudrais maintenant m’attarder, sans prétendre épuiser un sujet aussicomplexe, mais seulement pour poser quelques jalons pour la réflexion.

Retenons tout d’abord que les musées d’aujourd’hui (si éloignés dessombres galeries d’autrefois) ont aussi pour but majeur de susciter desémotions positives. C’est bien l’un des buts essentiels de tous ces effortsfaits pour rendre les musées plus agréables, plus confortables, plus sédui-sants. C’est bien du plaisir qu’il s’agit et l’on vise à susciter tous les plaisirsesthétiques et intellectuels.

Et, s’agissant de pédagogies muséales, c’est bien le plaisir, l’émotionheureuse que l’on cherche à susciter, même si d’autres fins, plus cognitives,sont aussi poursuivies. Mais nous pouvons valablement supposer qu’encommuniquant ces émotions ponctuelles, nous favorisons aussi la formationde la sensibilité de l’enfant. Nous pouvons supposer que nous participons àla formation d’attitudes affectives qui auront quelque prolongement dans lavie de l’enfant devenu adulte, dans la formation de ce que certaines socio-logues appellent, d’un vieux mot latin, l’Habitus, système de connaissanceet de perception, mais aussi système d’attitudes affectives que l’adultereproduira, en quelque sorte inconsciemment, dans les situations nouvellesqu’il rencontrera.

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262 PIERRE ANSART

Ce terme d’Habitus est surtout utilisé par Pierre Bourdieu pour désignerles systèmes de perception et de pensée que nous acquérons de façoninformelle dans l’enfance et qui est propre, selon cet auteur, à chaque classesociale. L’enfant des milieux populaires acquiert tout un ensemble demanières d’être et d’agir, différent des manières d’être et d’agir de l’enfantélevé dans un milieu bourgeois.

Ce n’est pas ici le lieu de discuter les thèses de Pierre Bourdieu, maisnous pouvons très librement reprendre cette idée d’Habitus en l’appliquantaux attitudes affectives et réfléchir sur ces manières de sentir, d’éprouver etde réagir, qui sont largement répandues dans un groupe social. Nous prenonsvivement conscience de ces sensibilités collectives lorsque nous découvrons,en d’autres sociétés que la nôtre, des réactions ou des sentiments quiheurtent notre sensibilité. Nous pouvons ainsi, avec bien des nuances et dessubtilités, repérer dans notre milieu social, une sensibilité commune, unensemble d’attitudes affectives qui nous portent à aimer, à tolérer, à nousindigner de façons relativement comparables et compatibles. Toute culturetransmet ainsi un ensemble organisé d’attitudes affectives: attachementà . . ., respect de . . ., hostilité contre. . . . Assurément, les sociétés d’autre-fois, les sociétés sans écriture transmettaient des habitus affectifs plushomogènes, beaucoup moins diversifiés que ceux de nos sociétés plurielleset hétérogènes.

Or l’une des leçons essentielles de Freud fut précisément de montrercombien le contexte affectif, combien les expériences émotionnelles danslesquels l’enfant se développe—durant les dix premières années de sa vie—sont essentielles, déterminantes, pour son développement intérieur; et com-bien les traumatismes subis pendant l’enfance marquent la totalité de la per-sonne, et qu’au contraire, un contexte affectif équilibré fournit à l’enfant lesmeilleures conditions pour son équilibre ultérieur.

Ce bref détour par la sociologie et la psychanalyse nous permet de nousrappeler combien importent ces expériences affectives initiales, ces contextesrelationnels et affectifs de l’enfance. Il nous rappelle toute l’importance decette formation progressive de la sensibilité. Or la pédagogie muséale a aussipour finalité de procurer à l’enfant des expériences émotionnelles positives,des moments heureux—ou, à tout le moins d’agrément et de plaisir—et, sipossible et pour certains, des moments d’émerveillement. Disons, d’un mot,que l’utilisation du musée vise (aussi et parmi d’autres finalités, bienentendu) à procurer des plaisirs, et, par là, à favoriser des attachements; elletend à faire apprécier, à faire aimer.

Que les moyens didactiques de qualité visent bien à réaliser cette finalité,tendent à favoriser les attachements, à faire aimer . . . j’en prendrai pourpreuve le guide pédagogique, pour visiter le Musée historique de l’IleSainte-Hélène, édité par Michel Allard et Suzanne Boucher (Allard etBoucher, 1988). Il s’agit, assurément, par ce guide, de faire connaître,d’éveiller la curiosité, de développer des connaissances, mais ce n’est pascet aspect cognitif que j’ai choisi de souligner. Ce que je voudrais mettre en

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FINALITÉS DES MUSÉES 263

relief c’est bien cette orientation des textes et des images qui tend à favo-riser la formation des sentiments—de sentiments positifs à l’égard des objetsprésentés, à l’égard des exhibits, et, plus largement, à l’égard du mondehumain présenté.

En reprenant très librement les métaphores de la psychanalyste MélanieKlein, on pourrait dire que le guide pédagogique vise à faire aimer, à faireintérioriser de bons objets. Dans ce vocabulaire, le terme d’objet doit, certes,être pris dans un sens très général et métaphorique. On dira que la mère doitêtre pour l’enfant un bon objet et qu’il est urgent que les premières expé-riences de l’enfant soient affectivement positives et marquées par cetteintériorisation du bon objet. Mais l’on peut, je pense, reprendre cette indica-tion,—sur le cas, certes, moins décisif pour l’enfant qu’est l’apprentissagemuséal—et dire que le guide vise à faire, des objets du musée, de bonsobjets à admirer, à aimer, à intérioriser.

Dans le cas présent, les sentiments positifs que l’on vise à susciter sontd’autant plus importants qu’il s’agit de la question des origines (d’oùvenons-nous?). On sait combien les mythes et les idéologies ont répondu defaçon enchantée à ce problème de l’origine (nous sommes fils de la Terre ditun mythe—fils de Dieu dit la religion—ou descendants des Gaulois, pourune idéologie nationale). Mais nous savons aussi combien la bonne réponseest essentielle pour chacun, essentielle pour l’équilibre, pour la confiance ensoi, pour la constitution de la bonne image de soi.

Ce guide vise bien à réaliser cette finalité: donner à l’enfant une bonneimage de sa propre origine historique, image poétique et conciliée, et, par là,une bonne image de soi. Le titre même est significatif de la réalisation decette finalité: La descouverture du chemin qui marche, titre qui contient à lafois la poésie de l’étrangeté rendue familière (la descouverture), la poésie del’image du chemin—mais dont l’enfant saura qu’il s’agit de l’appellation dufleuve Saint-Laurent par les Amérindiens; titre qui annonce la rencontreentre les Amérindiens et les nouveaux arrivants, sur le mode de la concilia-tion.

Et tout au long de ces pages, ces objets, ces traces, vont s’animer, êtrerendus significatifs, étranges mais compréhensibles, différents et familiers,rendus aimables. Ce guide illustre bien, me semble-t-il, cette finalité affec-tive dans ce domaine si important qu’est la conciliation avec la propreorigine. Et, peut-être, est-ce l’un des devoirs des adultes que de donner àl’enfant une bonne image de son origine?

Une autre dimension de cette formation de la sensibilité concerne ce quenous pourrions appeler l’appréhension affective du temps.

Là encore, nous pouvons dire que chaque culture inculque, de façonexplicite et, plus encore, de manière implicite, un ensemble d’attitudesaffectives par rapport au passé, au présent et au futur. Des religions pou-vaient favoriser une attitude positive à l’égard d’un futur lointain de parousieet de réconciliation universelle. Les philosophies du progrès participaient àla formation d’une sensibilité très optimiste à l’égard du futur et dévaluatrice

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264 PIERRE ANSART

à l’égard du passé. Récemment, nous avons entendu de multiples discoursalarmistes qui annonçaient la catastrophe nucléaire, la crise mondiale ou lesdésastres de la pollution. Ainsi ne cessent de se former des attitudes heu-reuses ou angoissées à l’égard du passé et du futur.

Les musées ne cessent d’évoquer le temps. La plupart évoquent le passé,les oeuvres ou les objets familiers des temps passés; d’autres, moins nom-breux, évoquent le futur par le biais des possibilités scientifiques ou tech-niques.

Dans cette éducation des sensibilités face au temps, le musée peut avoirdes fonctions importantes. Certes, le musée peut contribuer à faire compren-dre les successions et les chronologies, mais il peut aussi contribuer à formerles attitudes affectives par rapport au temps et aux temporalités.

On pourrait dire, d’un mot, que les musées apprennent à aimer le passé.Ils rendent intéressant, rassurant aussi pour l’enfant, ce passé où les hu-mains, peut-être ses ancêtres, ont produit, inventé, surmonté des défis. Onpeut dire que chaque visite au musée réactive en nous notre intérêt pour lesoeuvres du passé. Mais il ne s’agit pas seulement d’amener l’enfant àreconnaître des fragments du passé, il s’agit de lui permettre d’apprivoiserle temps, de charger de positivité son rapport au passé avec toutes lesconséquences multiples de cette attitude rassurée et positive.

Et, de même, de façon peut-être volontariste, les musées de sciences et detechniques visent à concilier l’enfant avec son futur, à lui procurer uneattitude de curiosité positive vis-à-vis des pouvoirs et des possibilitéshumaines. Et, à travers ces éducations informelles, sont évidemment enquestion les attitudes existentielles de chacun, et l’aptitude au bonheur.

Nous touchons aussi, et inéluctablement, à la question des identitésindividuelles et collectives. S’agissant des identités individuelles, la péda-gogie muséale y participe nécessairement par le biais des identificationsqu’elle suscite. On le voit, par exemple, dans notre guide pédagogique quimet en scène deux personnages imaginaires (Alexis Hébert et RosalieFontaine) auxquels les garçons et les filles ne manqueront pas de s’identifierprovisoirement. Il s’agira bien d’identifications positives à des personnagesqualifiés sympathiquement. Il s’agit ici, et de façon particulièrement clairepuisqu’il s’agit d’un musée historique, d’amener l’enfant à faire des expé-riences identificatoires positives, et, dans une certaine mesure structu-rantes—de l’aider, de façon, certes limitée, mais dont nous ne saurionsmesurer toutes les conséquences, proches ou lointaines—à se former uneidentité favorable, à parvenir à la constitution d’une bonne image de soi.

Du point de vue des identités collectives, il est clair que ce guide pédago-gique y contribue aussi, non de façon ostentatoire, mais sur le mode familieret, pourrait-on dire, convivial. Il s’agit de découvrir d’autres usages de laNouvelle France et les enfants vont renforcer ce référent commun que seraleur connaissance, leur familiarité positive avec la Nouvelle France.

Nous rappelions au début de ce texte que la fréquentation des musées estune pratique très inégalement répartie dans nos sociétés; elle reste une

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FINALITÉS DES MUSÉES 265

pratique distinctive. Et, en amenant tous les enfants à utiliser les musées,nous allons à l’encontre de ces différenciations, nous leur donnons à tousune pratique commune.

Nous favorisons la formation de référents communs, de souvenirs com-muns, mais aussi de goûts communs. La visite du musée prend place danscette formation délicate et surtout informelle qu’est la formation du goût.Nous favorisons la formation de goûts communs qui favoriseront les sociali-tés, les complicités et les ententes tacites.

Cependant, si nous favorisons la formation d’une communauté de sensibi-lité, il ne s’agira pas d’une identité simple inculquée à des sujets passifs. Lelieu même du musée, par la variété de ses objets favorise la diversité desintérêts. Le guide est aussi construit pour réaliser cette finalité; on peutprévoir que certains garçons seront plus sensibles à tels exhibits, quecertaines filles le seront à d’autres, et que se formeront des petits groupesaux réactions différentes. Ainsi la formation d’une sensibilité communepermet aussi à chacun de réagir personnellement et conduit donc à l’enri-chissement des sensibilités individuelles.

Au-delà de l’éducation des attachements et des identités, une troisièmedimension affective pourrait être évoquée, celle qui concerne l’éducation durapport actif et à son contrôle. En effet, la didactique muséale insiste surl’activité de l’enfant, elle insiste sur la découverte et sur le cheminement,mais en lui apprenant simultanément à contenir son action par le respect desobjets.

Notre guide pédagogique le rappelle à plusieurs reprises: ‘‘—Sois prudentet manipule les objets avec grand soin’’ (Allard et Boucher, 1988, p. 47 etsuivantes).

Cette invite est riche d’implications: elle rappelle que l’objet de musée estbien particulier. Ce n’est pas un objet jetable; ce n’est pas une marchandisequ’on achète et qu’on jette après usage. C’est un objet exceptionnel que l’ona décidé de conserver et de protéger, d’arracher au temps et à l’usure, quiest, à des degrés divers, précieux.

‘‘—Sois prudent . . .,’’ c’est-à-dire respecte les objets (et, implicitement,respecte les significations qu’ils incarnent), ne te laisse pas aller à tesmouvements impulsifs, à tes curiosités incontrôlées. Il y a des choses qu’ilfaut savoir respecter, il y a des gestes impulsifs qu’il ne faut pas avoir.L’objet d’art, de science ou de technique, est là pour être admiré, aimé, àcondition d’une autodiscipline.

Et, certes, le musée n’est pas le seul lieu où s’apprend le respect, lecontrôle de soi, l’autodiscipline. Mais le musée procure un ensemble desituations différentes puisqu’il s’agit de respecter au sein d’une expérienced’agrément, au sein d’une expérience hédoniste, de mêler le contrôle auplaisir, le respect à la satisfaction. Il s’agit, en quelque sorte, d’introduirel’autodiscipline dans le plaisir, ce qui est, pourrait-on dire l’enfance de l’artet une éducation du plaisir.

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266 PIERRE ANSART

Enfin, on peut ajouter que ces expériences, si elle sont réussies, pourraientêtre, pour beaucoup, des sources de satisfactions futures. Si ces expériencesréussissent à fournir des occasions de plaisir, on peut prévoir que beaucouples retrouveront plus tard, et les renouvelleront avec d’autant plus de facilitéqu’ils retrouveront des satisfactions familières et déjà ressenties. Ainsi leuraura-t-on créé aussi une mémoire heureuse pour leurs lendemains.

RÉFÉRENCES

Allard, M. et Boucher, S. (1988). La descouverture du chemin qui marche.Montréal: Les éditions Noir sur Blanc.

Bourdieu, P. et Darbel, A. (1966). L’amour de l’art: les musées et leur public.Paris: Éditions de Minuit.

Racette, G. (dir.) (1986). Musée et éducation: modèles didactiques d’utilisationdes musées. Montréal: Société des musées québécois.

Pierre Ansart est professeur à l’U.F.R. Didactique des disciplines et à l’U.F.R. deSciences Sociales, Université Paris VII, 2 place Jussieu, 75251 Paris Cedex 05.

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Describing Aesthetic Experience:Creating a Model

Andrea Weltzl Fairchildconcordia university

As part of a large research project on visitors’ response to and benefits frommuseum experiences, this study considered different paradigms of aestheticexperience. Applying various models, it analyzed transcripts of adults’ remarksduring their visit to a fine arts museum. Three of the models are empirical, andtwo come from a developmental perspective. Research shows that age andexposure to art are significant factors in aesthetic response. A fourth, theoreticalmodel charts individuals’ sequences of responses. Having assessed these models,I propose an alternative model that incorporates some features of the theoreticalmodel into the empirically constructed ones.

S’inscrivant dans une vaste recherche sur la réaction des visiteurs à des expé-riences muséales et les avantages qu’ils en retirent, cette étude a porté sur diversparadigmes d’expérience esthétique. À l’aide de divers modèles, j’ai analysé lespropos d’adultes en visite dans un musée des beaux-arts. Trois des modèles sontempiriques et deux sont issus d’une perspective développementale. La recherchedémontre que l’âge et les contacts avec l’art jouent un rôle important dans laréponse esthétique. Un quatrième modèle, théorique, permet d’établir lesséquences de réponses des visiteurs. Après avoir évalué ces modèles, j’enpropose un autre, qui intègre certaines caractéristiques du modèle théorique.

Recently, art educationists have shown interest in revising the art curriculumin Quebec (ministère de l’Éducation du Québec, 1981), in the United States(Beyond Creating: A Place For Art in America’s Schools, 1985), and in theBritish Isles (The Arts in the Schools, 1982). These proposals call for anextended art curriculum including art history and aesthetics as well as artmaking.

Earlier research in art education emphasized development as shown inchildren’s drawing and painting. Lowenfeld (1947) proposed stages ofgraphic development linked to Piaget’s stages of cognitive development.However, not much research has been carried out on how people respond toworks of art. A more recent conception of art teaching relies on new modelsof curricula and new models of behaviour: specifically, art curricula shouldembody not only the model of working artist but also that of art historian,art critic, and aesthetician. This is referred to as ‘‘Discipline Based ArtEducation’’ in the United States (Smith, 1989). This recent shift of emphasis

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to responding to art as well as to art making, raises the questions of whatconstitutes an aesthetic experience, whether there is a similar developmentalsequence in aesthetic response as in graphic development, and what thefactors are that influence change when it occurs.

During research on adult visitors’ responses in different museum settings,I had access to transcripts of adults’ remarks during their visits to theMontreal Museum of Fine Arts. These data contributed to the attainment ofone of the goals outlined above—to investigate the constituents of anaesthetic experience. The aim of this paper is to review models of aestheticexperience in the literature, to assess the application of these models to thisresearch, and to propose an alternative model based on the results of theassessment.

PARSONS’ MODEL

For some time, Parsons (1986) has been trying to account developmentallyfor viewers’ aesthetic responses, but without leaning too heavily on Piaget’scognitive theory or on Kohlberg’s moral development theory. He proposesthat the arts are sui generis and do not need another discipline to explainthem. He bases his theory on the writings of such philosophers as Habermas,who has suggested that each of moral, empirical, and aesthetic areas consti-tutes a domain with its own developmental history. Parsons states that hisaesthetic model is normatively oriented, each response level showing anunderstanding of art that is ‘‘of increasing adequacy’’ (p. 109). He defines anaesthetic response as one in which cognition and emotion are ‘‘intricatelyrelated’’ (p. 108). However, he has chosen to emphasize cognition because‘‘cognitions give shape to emotions and for that reason are the better focusfor developmental analysis’’ (p. 108). Parsons also uses cognition to meana kind of thinking in the arts different from the empirical or scientificcognition of Piaget. He does not define an aesthetic response in its totality;he is concerned to elicit responses to selected topics he thinks important inaesthetic experience.

Parsons interviewed children in grades 1 to 12, questioning them onthese selected topics. Their responses were then analyzed according to senseunits and assigned to certain developmental levels. The topics he investi-gated were Semblance, Subject Matter, Feelings, Colour, Artist’s Properties,and Judgement. Based on this material, he identified five stages of aestheticdevelopment:

Favouritism, where paintings are experienced as direct stimuli of pleasure,particularly their colour and subject matter.

Subject, where realism of the subject is the important consideration. Certainsubjects are rejected on idiosyncratic moral grounds.

Expression, where paintings are understood as metaphors for ideas and emotionsand are valued for the emotions they inspire. A distinction is made between theviewer’s feelings and those in the painting.

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DESCRIBING AESTHETIC EXPERIENCE 269

Medium/form/style, where consideration of the artist’s intent is important. Styleis a carrier of historical thought and feeling and has public significance. Knowl-edge of these is more important than the feelings evoked.

Judgment, where the personal meaning a painting elicits is weighed within thetradition to which it belongs. This is an ongoing process of testing the values ofsociety and those of the viewer.

It was not possible to use those categories since the material collected atthe Montreal Museum of Fine Arts was gathered in a non-interventionistway, and since some of them were not broached by the visitors. Also, hisresearch was developmental and so lies somewhat outside the aim of thisstudy. Nevertheless, Parsons’ research has opened new avenues for thinkingabout aesthetic response and has proved valuable in developing a philosoph-ical-psychological theory. In this study, his model is used to developcategories of thought about aesthetic experience.

HOUSEN’S MODEL

Housen (1983) was dissatisfied with the methodologies of previousresearchers as they used preselected questions on issues the researcher foundinteresting or relevant while ignoring other data. Thus she used a stream-of-consciousness interview technique designed to elicit the totality of theparticipant’s aesthetic experience, hoping that spontaneous affective andcognitive categories would emerge. Housen developed a scoring manual foraesthetic response based on the categories that emerged during her research.She identified 9 domains, that is, modes of response, and 62 issues indicat-ing either a different topic or a different level of complexity of responsewithin a domain.

In her study, participants aged from 14 to 62 years were asked torespond freely and to associate ideas while they looked at reproductions ofart works. These responses were analyzed to identify categories of thoughtthat would reveal the complex and multiple levels of response ‘‘within thecontext of a growing and developing mind’’ (p. 3). Thus, Housen identifiedfive stages of aesthetic development:

1. Accountive. The viewer is egocentric. (Deals with what is in the work of art.)

2. Constructive. The viewer is aware of language of art but has no theoreticalframework. (Interest is in how it was made.)

3. Classifying. The viewer has theory and decodes according to knowledge.(Deals with who and why.)

4. Reflective. The viewer searches for symbols to support emotional reactions.(Deals with the self in relation to art work.)

5. Re-creative. The viewer integrates all previous levels. (Searches for problemsand offers own solution.)

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TABLE 1

Housen’s Model*

Domains Issues

Observation 1. randomly of objects, colour, and people2. generally of colours, sizes3. of reality based on personal criteria4. of photographic realism5. of similar groups6. of particular aspects of things7. of formal elements, and placement8. of relationships between formal elements9. of cognitive effect on viewer10. of affective effect on viewer11. of animism in the work12. of junction of affect in viewer and work

Preference 1. based on general preference2. based on random preference3. based on idiosyncratic criteria4. based on skill, technique5. based on the interrelation of formal elements6. based on meaning or concept in work7. based on viewer satisfaction with formal elements

Association 1. random, idiosyncratic2. personal recollection3. personal aesthetic history4. public domain5. with art history facts6. feelings in viewer’s past7. universal feelings8. universal conditions9. “in-dwelling” state10. empathy with work/identification

Evaluation Based on criteria that are:1. personal and idiosyncratic2. related to proficiency of artist3. related to a single formal element4. related to interaction of several formal elements5. of meaning of the work6. of emotional response to work

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DESCRIBING AESTHETIC EXPERIENCE 271

TABLE 1 (continued)

Domains Issues

Comprehension 1. positive and negative comments about self-worth2. positive and negative comments about

understanding

Questioning 1. about presence or absence of elements2. about technique of artist3. about function of elements4. about rhetorical question to listener5. about progress of interview6. about underlying message

Assertion 1. about uncontestable personal opinion2. about perceived reality3. about a single formal element4. about formal analysis and summarization5. about aesthetic history of viewer6. about meaning of work7. about what will happen in work

Comparison 1. general, like/unlike, same/different2. of a single element3. of several properties of a category4. of paradoxes or dichotomies5. complex contrasts6. work and classifications outside of it7. different meanings and interpretations8. of feelings created by different parts of work

Interpretation 1. how the work signifies2. of significance of objects in work3. of suppositions about contrasting elements4. based on integrating metaphoric observations

*Note: Summary of Housen’s scoring manual headings, 1983

When Housen’s scoring manual was used to analyze visitors’ remarksduring their visit to the Montreal Museum of Fine Arts, it was reasonablyeasy to place their comments in appropriate domains (see Table 1), as thedeconstruction of the statements is based on a semantical structure. Forexample, the comments beginning with ‘‘I see/note . . .’’ belong to theObservation domain, those starting with ‘‘I like/prefer . . .’’ to the Preferencedomain, and so on. However, comments that were not stated in a clear

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272 ANDREA WELTZL-FAIRCHILD

grammatical form and which ranged over many concepts and feelings werehard to classify as to domain or issues. Pulling these types of commentsapart seemed to lose the totality and sense of what was meant by the personand, it can be contended, was at variance with Housen’s stated intent toexamine the whole of the aesthetic experience.

The scoring manual is open to criticism since it fails to show a phase ofresponse indicating that the viewer is in a state of identification with thework of art. In the material I studied, this state is marked by pauses, diffi-culty in finding the right words, and often a feeling of joy. After passingthrough this state, the viewer is ready to make statements and ask questions.An example of this would be:

[silence 12 sec.] Hum! Des petites couleurs claires . . . très joli! . . . Ça donne. . . euh . . . il me semble que j’entends les sons de cloches de vaches. (Extraitsde propos de 90 visiteurs adultes au Musée des beaux-arts de Montréal, 1989)

Here we can see the pause, an observation, an incoherence, and only then astatement about being present in the work, hearing sounds as well as seeingforms.

It can be argued that Housen’s five-stage developmental model isessentially an hierachical one with the implication that the Recreative stageis the final and best one. In her study, viewers come to terms with feelingsthey have about the work, understand the rules of style and form, but feelfree to disregard these rules and to recreate their own versions. Althoughonly mature viewers, well informed about art, and connaisseurs of museumsachieved this level of response in Housen’s research, this model somehowmisses an important point about aesthetic experience. Although we can onlyrespond to an art work with the material we bring to the encounter, appar-ently naïve viewers can also have rich and fulfilling experiences to theextent of their potential and their openness to art. These viewers do show alack of formal knowledge about art and are often painfully aware of this:

Je me demandais que c’est qu’elle faisait là, elle, là, cette toile-là, t’sais . . . c’estparce qu’il doit y avoir quelque chose, hein? . . . que moi je ne peux pas . . . jene peux pas voir, que je ne détecte pas . . . je suis ignorant par rapport àl’art . . . [sic] (Extraits de propos de 90 visiteurs adultes au Musée des beaux-arts de Montréal, 1989)

Nonetheless they are experiencing an aesthetic response. By contrast, Housen’smodel tends to support the view that responding to works of art in a meaningfulway is possible only for an educated and knowlegeable élite.

HORNER’S MODEL

Moving away from empirically-defined models of aesthetic experience, we turnto a theoretical model that describes the different levels of response a viewermight experience while involved with a work of art. Horner (1988) was

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DESCRIBING AESTHETIC EXPERIENCE 273

interested in describing the specific and idiosyncratic response of the individualrather than in proposing a developmental model. His theory is in thePost-Modernist tradition that argues that aesthetic experience should focus ondiscovering what the viewer brings to the experience as well as what the viewercan discover about the fixed meanings embedded in the work of art. ‘‘Meaningdoes not pre-exist in art works; nor does it pre-exist in a viewer; . . . responsecomes to life within the inner image-outer image fusion’’ (p. 4). Horner soughtto trace the experience of the individual person when faced with a work of art;his is not a normative model. He has developed an eight-phase theoretical modelbased on the writings of Husserl (1964) and Winnicott (1971). This model (seeTable 2) differs from others in its stress on a phase of identification with thework of art in order to achieve a balanced and integrated response.

Horner suggests that the aesthetic experience offers the viewer greaterself-understanding by eliciting personal, subjective, and internal responses. Thisis an important step in order to arrive at commitment and involvment with thework of art. The initial step of this contemplative approach is one of lettingoneself go, of entering into a state of fusion or identification with the art work.After this has occurred, the viewer is able to reflect on the experience, to recallissues that were of interest or repugnance, to think about the experience, and topropose any changes. These comprise the subjective or internal phases. After thesubjective phase is over, the viewer can deal with the art object from anhistorical, cultural, or social perspective. But this external phase is groundedclearly and firmly in an understanding about where the viewer stands emotionallyand psychologically with regard to the work of art.

TABLE 2Horner’s Model

Internal

Forgetting entering into a fusion/dialogue with art workRemembering recalling the journey into the workReflecting thinking about the whys of the journeyRevealing becoming aware of one’s desires, fears

External

Describing decontextualizing the parts of the workStructuring noting the patterns of space and timeInterpreting becoming aware of the social discourseRetro-activating assessing the experience contextually

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Horner’s model of the different levels of aesthetic response is such thathe has suggested that one might be able to plot it onto a theory of humandevelopment, as his model ‘‘makes an implicit proposal that a paradigm ofchild development and a paradigm of developmental responding can bemapped onto each other’’ (p. 5). However, his main concern was to describethe different phases of the ‘‘responding dialogue.’’ It is important to notethat these phases of response deal with an aesthetic experience in a time-and-space sequence. A viewer might move through all of these if soinclined. Thus, the verbalizations are a record of that person’s aestheticjourney at that particular time. It should also be kept in mind that a personmight make a different journey at different times because of differentchoices or circumstances.

DUFRESNE-TASSÉ’S MODEL

As a preliminary step to building a model of aesthetic response, Dufresne-Tassé’s research team identified certain operations that visitors performwhile talking about their experience while looking at an object.

TABLE 3

Dufresne-Tassé’s Model

Operational verb Cognition Emotion Imagination

to manifest — * *to note, to state * * *to identify * — —to recall * * *to associate * * *to compare * * *to comprehend * * *to justify, to explain * * *to resolve problems * — —to situate oneself * — *to verify * — *to evaluate * — *to suggest improvements,

different usage in museum * * —

* Operation used by the visitor— Operation not used by the visitor

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DESCRIBING AESTHETIC EXPERIENCE 275

These operations are represented by a series of verbs. These verbs, drawnfrom the transcripts of what adults said during a museum visit, cover threedomains of the visitor experience: cognition (rationnel), emotion (affectivo-émotif) and imagination (imaginaire). The domain of cognition is one wherethe logical, rational, and cognitive powers of the brain are used; the domainof feelings and emotions is the affective and emotive one; the domain ofimagination is that of invention, memories, and fantasy—imagination beingthe capacity not only to reproduce but also to create new connections. Thegrid in Table 3 shows how these operational verbs manifest themselves inthe three domains of fact, feeling, and imagination according to the findingsto date.

It is possible to see similarities between Housen’s categories of thoughtand the model of Dufresne-Tassé’s research team. By re-organizing Hou-sen’s issues as in Table 4, we can see that there is a correspondence, andpoints of interest emerge. First, there is great similarity between Dufresne-Tassé’s operational verbs and Housen’s domains of thought. Second, thereare operational verbs that do not correspond. Unlike Housen’s domains,Dufresne-Tassé’s verbs can deal with activities in which the viewer isorienting herself in relation to the work of art and in which other solutionsare being offered to a perceived problem, new links, usages, and elementsare being made, or new insight may perhaps be gained. Third, neither ofthese two models gives place to the non-verbal state of identification orfusion proposed by Horner and found in our transcripts.

TABLE 4

Housen’s Issues Grouped According to Dufresne-Tassé’s Domains

Dufresne-Tassé’s domains

Housen’s domains Cognition Emotion Imagination

Observation 1,2,3,7 4,6,8,9,11 10,12Preference 4,5 3 1,2,6,7Association 4,5 1,2,3,9 6,7,8,10Evaluation 2,3,4 5,1 6Comprehension 2 — 1Questioning 1,2,3,4,5 6 —Assertion 1,3,4,5 2,6,7 —Comparison 2,3,5 4,6,7 1,8Interpretation 1,2,3 — 4

Note: Numbers refer to issues within domains identified in Table 1.

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276 ANDREA WELTZL-FAIRCHILD

FAIRCHILD’S MODEL

None of the preceding models was suitable for analyzing the research datafrom the Montreal Museum of Fine Arts, as some of the subjects’ state-ments—specifically, those arising from the state of identification discussedearlier—did not fit. But adding a preliminary state to the model aboveresolves much of the disjunction. This preliminary state can be the onesuggested by Horner, where the viewer is in a state of fusion with the workof art. Often this state is initially non-verbal, then encompasses a searchingfor words to express emotions. Table 5 offers an expanded alternative modelfor describing the experience of a visitor looking at a work of art, a modelthat would not only analyze the verbal expressions but also describe thesequence of responses and viewer’s psychological distance from the work ofart. This model uses the same operational verbs (or their synonyms) as doesDufresne-Tassé’s, and the phases correspond to Housen’s domains but hereare linked to modes of response suggested by Horner and are sequentiallyordered. Each researcher essentially organized a different part of the aes-thetic response: Horner, psychological states; Housen, categories of speech;and Dufresne-Tassé, operations the visitor performed while looking at anobject. My model additionally includes the modes of response, which serveto regroup all the material produced by the visitor.

Modes of response were originally studied in a pilot project (Horner,Sherman, & Fairchild, 1986) at three different types of museum (MontrealMuseum of Fine Arts, McCord Museum, and Maison de la Culture). Theobjectives were to identify the expectations and psychological approachesvisitors used to appropriate meaning in a museum visit. The theory wasbased on the work of a social geographer, Annis (1980), who suggested thatmuseums provide for their visitors a symbolic space in which to act in avariety of ways. This pilot project identified four different modes ofresponse: Dream, Play, Metaphor, and Concept.

The first, the Dream State, encompasses the levels of identification withthe art object (forgetting), remembering, and reflecting on this identification.In this mode, the viewer experiences directly the art object. There are pausesand an incoherence, a searching for right words, a sorting through ofmemories, and a recalling of the experience that one has undergone. Thismode of identification can be recovered from the transcripts:

C’est comme je sais où je serais bien, comme t’ai dit, là, être Fanfreluche, rentrerdans le tableau . . . euh . . . juste pour aller m’effoirer dans l’herbe pis . . .relaxer . . .

Ça j’aime . . . Ça m’a fait des petites émotions et euh . . . tous ceux qui ont de laluminosité ça me . . . fait ‘‘Ting’’ je ne sais pas comment dire, là . . .

Mais il y a une espèce de magie qui se produit qui fait que ça m’éveille ou çam’attire, ça me . . . je ne peux pas expliquer c’est quoi là, mais c’est . . . comme trèsirrationnel peut-être, fait qu’il y a comme pas des mots . . .

. . . c’est j’aime, . . . j’aime ça . . . j’en aurais partout des styles de tableaux trèslumineux comme ça . . . [sic] (Extraits de propos de 90 visiteurs adultes au Muséedes beaux-arts de Montréal, 1989)

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DESCRIBING AESTHETIC EXPERIENCE 277

TABLE 5

Fairchild’s Model

Modes Phases Operational verbs

Dream Forgetting to fuse withto orient oneselfto show feelingto manifest emotion

Remembering to like, to disliketo recallto noteto associateto stateto identify

Reflecting to separate fromto differentiateto be aware of

Play Self-revelation to note significanceto re-orderto change signifierto modifyto invent

Metaphor Describing to note, to describeto associate meaningto deconstructto note symbols

Structuring to orderto mapto structureto categorizeto compare

Interpreting to explainto discourseto grasp meaningto infer meaning

Concept Assessing to judgeto evaluateto critiqueto assess

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278 ANDREA WELTZL-FAIRCHILD

This viewer speaks of a desire to enter the work of art like Fanfreluche (aTV character) and to relax by sitting on the grass. She recognizes a feelingevoked by the luminosity of the painting, a feeling of ‘‘Ting,’’ and she hasdifficulty finding words to explain this. She ends by realizing somethingabout herself, that she would have luminous paintings everywhere becauseshe loves them.

The Play State is one wherein the viewer can, in a spirit of play, suggestother versions, solutions, or variations of the work of art. These changesbring about a self-knowledge, a revelation of what the viewer is like andwhat she values.

Ça donne la . . . la possibilité de voir plein de choses pis à la fois, euh . . . on. . . on personnifie le tableau . . . [silence 11 sec.] c’est comme plein de chosesque je ne connaissais pas encore, là . . . je découvre . . . oui! au niveau, euh, . . .ben au niveau peut-être de moi, mes goûts face aux peintures . . . [sic] (Extraitsde propos de 90 visiteurs adultes au Musée des beaux-arts de Montréal, 1989)

The Metaphor State is a way of being external to the experience. Theviewer looks at the work of art and now connects it to her world of knowl-edge about art. By describing perceived forms, colours, and symbols, and bybuilding theories that explain the work according to her knowledge of arthistory, styles, and visual language, the viewer places the aesthetic experi-ence in a cognitive context.

Ah, oui! Ça je connais! [silence 6 sec.] . . . Adrien Herbert . . . J’ai travaillé avecça dans un de mes . . . un stage que j’ai fait avec des reproductions de Boulerice. . . Ça je me suis toujours demandé: quel est le fond de ces oeuvres-là? Pour-quoi ils font ça? . . . Hum . . . comme . . . des coups de pinceau blancs, c’estjoli, là, comme coup d’oeil, j’imagine dans un grand hall ou quelque chose dugenre c’est superbe! Quel est le but, la mode derrière tout ça? [sic] (Extraits depropos de 90 visiteurs adultes au Musée des beaux-arts de Montréal, 1989)

The viewer shows a memory of past involvement with works of art, aquestioning about the artist’s intention, a noting of the formal qualities ofthe painting, and an evaluation followed by a questioning about styles andfashion in art.

The last mode of the experience, the Concept State, brings closure to theexperience. The viewer now reviews the whole experience and makes anassessment. This is much more than the liking and disliking of the DreamState, as it is based on all the previous states that the viewer has undergone.The final evaluation may override an initial dislike because of cognitiveinformation. Or the viewer may decide that, in spite of all the informationfrom external sources, she still does not feel that the work is successful,meaningful, or important:

C’est trop statique . . . trop photo, là . . . Ce qui est bien de voir c’est lescostumes . . .

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DESCRIBING AESTHETIC EXPERIENCE 279

Moi j’aime pas trop cette peinture, c’est pas trop eh . . . Ça fait en même tempsnaïf et en même temps je trouve que c’est dur et c’est des faux visagesd’enfants . . . [sic] (Extraits de propos de 90 visiteurs adultes au Musée desbeaux-arts de Montréal, 1989)

In effect, one can use this model to chart a visitor’s individual aestheticresponse through a temporal sequence. It allows the researcher to notewhether a person begins at a conceptual level and stays there, or whetherthere is first a level of fusion and openness, then revelation, and so on. Theemphasis is on understanding what an aesthetic experience is for an individ-ual viewer and what the viewer brings to the experience that affects herunderstanding of the work.

The addition of modes of response to the existing models allows greaterunderstanding of the variety of psychological stances that viewers bring tothe experience of looking at art objects. Not all viewers will necessarilymove through all the modes at any one time. However, it is important forour understanding of the aesthetic experience to note what possibilities existand which are favoured by viewers. This will lead to further questions aboutwhat correlations can be made between modes of aesthetic response andother factors such as age, education, and exposure to museums.

So the model proposed integrates all the aspects of the models reviewedin this article that were found to be useful in dealing with the comments ofvisitors looking at art objects. In addition, it contains an element missing inthe others.

SUMMARY

One aim of this article was to review some models of aesthetic response thatdescribed how museum visitors respond to and benefit from their museumvisits. This necessitated identifying and describing viewers’ experienceswhen faced with a work of art, and developing a grid that would yield amodel of aesthetic experience. Transcripts of several viewers’ spontaneousresponses were initially analyzed according to certain models suggested byParsons and Housen. But, as these models of aesthetic experience tended tobe organized in a developmental fashion, certain difficulties that arose withthe application of each model made it necessary to develop a new and morecomprehensive one.

The suggested new model incorporates major qualities from previousmodels: in essence, it not only shows Dufresne-Tassé’s operational verbsand Housen’s domains (phases of response), but also links them to Horner’smodes of response. The model proves helpful in analyzing the transcribedinterviews of the experience of museum visitors and places the elementsidentified in a useful interpretive perspective. It provides a better under-standing of the aesthetic experience so that museum educators and curatorscan plan their activities to take into consideration viewers’ different modesof response. Finally, the model also provides a context in which to explain

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those immanent feelings about art that have often been described in philos-ophy but rarely in research.

REFERENCES

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Getty Center for Education in the Arts.Extraits de propos de 90 visiteurs adultes au Musée des beaux-arts de Montréal.

(1989). Propos recueillis dans le cadre du projet de recherche intitulé:“Contribution à l’étude du fonctionnement intellectuel et affectif du visiteuradulte et des bénéfices d’une visite.”

Horner, S. (1988). 2B and Not 2C: That is not the question. Unpublished manu-script.

Horner, S., Sherman, L., & Fairchild, A. (1986). The meaning of the art objectfor the museum visitor. Unpublished manuscript, Concordia University,Montreal.

Housen, A. (1983).The eye of the beholder: Measuring aesthetic development.Unpublished doctoral dissertation, Harvard Graduate School of Education,Boston.

Husserl, E. (1964). The idea of phenomenology. The Hague: Geo. Nakhinikian.Lowenfeld, V. (1947). Creative and mental growth. New York: MacMillan.Ministère de l’Éducation du Québec. (1981). Programme d’études: art. Québec:

Gouvernement du Québec.Parsons, M. (1986). The place of a cognitive approach to aesthetic response.

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Andrea Weltzl-Fairchild is a lecturer in the Department of Art Education and ArtTherapy, Concordia University, 1455 De Maisonneuve Boulevard, Montreal,Quebec, H3G 1M8.

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L’apprentissage de l’adulte au muséeet l’instrument pour l’étudier*

Colette Dufresne-TasséThérèse LapointeCarole MorelliEstelle Chamberlanduniversité de montréal

L’apprentissage de l’adulte au musée est une réalité difficile à saisir. Son étudepar le biais de l’expérience psychologique du visiteur présente de multiplesavantages. Nous décrivons l’instrument développé pour analyser cette expérienceet nous exposons la conception de l’apprentissage sur laquelle s’appuie cetinstrument.

Although it is not easy to get at the ways adults learn in museums, an examin-ation of visitors’ psychological experience may be helpful. We describe aninstrument developed to analyze that experience, and we tell about the conceptionof learning underlying our instrument.

Désireux de s’adapter aux besoins de leur clientèle adulte, les musées de laplupart des pays occidentaux ont accumulé sur cette clientèle des donnéessocioéconomiques nombreuses. Ces données leur semblent utiles pourdonner une orientation générale à leur action, mais insuffisantes pourdévelopper une pédagogie ou, pour être plus précis, une andragogie quicontribue au développement culturel du visiteur (Collins, 1981; Hansen,1984; Knox, 1981; Zetterberg, 1970). L’élaboration d’une telle andragogiesuppose la connaissance de l’apprentissage de l’adulte au musée (Bloom,Powell, Hicks, & Munley, 1984; Borun, 1982; Miles, 1986; Miles, Alt,Gosling, Lewis, & Tout, 1982; Porter & Martin, 1985). Il faut savoir, parexemple, comment cet apprentissage se déroule, et s’il se limite, comme lecroient quelques-uns, à l’acquisition de faits ou de dates, ou s’il revêt desformes plus variées et plus complexes (Carr, 1985; Chase, 1975; Diamond,1982; Dubos, 1973; Harrison, 1960; Kimche, 1978; Miles, 1986; Sebolt,1980; Thier & Linn, 1976; Tressel, 1980).

*Cette recherche a été rendue possible grâce à des subventions du Fonds pour laformation de chercheurs et l’aide à la recherche du Québec et du Conseil derecherches en sciences humaines du Canada.

281 REVUE CANADIENNE DE L’ÉDUCATION 16:3 (1991)

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282 DUFRESNE-TASSÉ, LAPOINTE, MORELLI ET CHAMBERLAND

Il nous semblait intéressant d’examiner l’apprentissage de l’adulte aumusée. Il représente une variété mal connue, qui survient alors que l’indi-vidu est laissé à lui-même devant les offres d’une institution, libre de sesréactions, de ses pensées, de l’orientation de son action.

Il nous est vite apparu que cet apprentissage ne saurait être étudié conve-nablement que par rapport à l’ensemble du fonctionnement psychologique duvisiteur. Nous présentons ici la grille d’analyse élaborée pour réaliser cetteétude. Nous voyons d’abord l’approche employée pour recueillir des don-nées sur l’apprentissage de l’adulte, puis les taxonomies utilisables dansl’étude de ces données, les problèmes qu’elles posent et, enfin, la façon dontnous avons procédé pour élaborer un instrument d’analyse, la description decet outil, ses propriétés et quelques réflexions sur celles-ci.

L’APPRENTISSAGE TEL QU’IL APPARAÎT DANS LES PROPOS DU VISITEUR

Afin de nous familiariser avec l’apprentissage de l’adulte au musée, nousavons invité une dizaine de personnes à visiter un musée de sciencesnaturelles, le Musée Georges-Préfontaine de l’Université de Montréal. Cesadultes, aussi différents les uns des autres que possible en termes de caracté-ristiques socioéconomiques, nous ont relaté leur expérience de visiteur etnous en avons fait le bilan: a) l’apprentissage, conçu comme un ensembled’acquisitions s’apparentant aux six catégories supérieures de Gagné (1965)est rare au musée; b) les apprentissages réalisés n’ont de sens que parrapport au reste du fonctionnement psychologique du visiteur; c) le fonction-nement psychologique, qui est intense, comprend des aspects rationnels,imaginatifs et affectifs; d) le visiteur attache une grande importance à sonpropre fonctionnement et y trouve le plus clair de son plaisir; e) le visiteurse dit intéressé à apprendre, mais montre de l’agacement ou beaucoup dedifficulté à répondre à des questions sur ses apprentissages.

L’apprentissage nous est alors apparu comme rien d’autre que le produitde certaines opérations intellectuelles, telles constater ou saisir, lorsque leproduit des ces opérations est nouveau pour l’individu. Ainsi conçu, ildevient à la fois un moment parmi d’autres du fonctionnement psycholo-gique du visiteur et un élément de ce fonctionnement en interaction cons-tante avec les autres composantes de celui-ci. Si donc ce fonctionnementdoit être conçu comme le contexte de l’apprentissage, il ne peut l’être qu’ausens où les contextualistes contemporains envisagent les relations figure-fondet nous ne pouvons étudier l’apprentissage qu’en rapport avec ce fonction-nement.

Pour éprouver ces idées, nous sommes retournées au Musée Georges-Préfontaine et nous y avons recueilli de façon systématique les propos de 45adultes pendant qu’ils visitaient une exposition de mollusques. Hommes etfemmes, âgés de 25 à 65 ans, ces personnes appartenaient à trois niveaux deformation et avaient des habitudes de visite allant de jamais auparavant àsouvent. Les propos de ces visiteurs ont été enregistrés sur bande magné-tique, puis dactylographiés pour en faciliter l’étude.

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L’APPRENTISSAGE DE L’ADULTE AU MUSÉE 283

Il fallait une grille d’analyse pour donner forme et signification au maté-riel fourni par ces visiteurs. Cette grille devait satisfaire aux exigencessuivantes: a) assurer une étude exhaustive des propos des visiteurs; b) offrirdes unités d’analyse correspondant à toutes les opérations réalisées par lesvisiteurs; c) exclure l’apprentissage des opérations, l’apprentissage étant leproduit de certaines de celles-ci; d) permettre le rattachement de chaque ap-prentissage à des opérations précises.

LES TAXONOMIES EXISTANTES COMME GUIDE D’ÉTUDE

Il existe bon nombre de taxonomies des fonctionnements intellectuel etaffectif. Voici les principales. Bloom, Engelhart, Furst, Hill et Krathwohl(1975): taxonomie du domaine cognitif. Burns (1975): taxonomie desdomaines cognitif, affectif et psychomoteur. D’Hainaut (1983): taxonomiedu domaine affectif. D’Hainaut, Lawton, Ochs et Super (1979): typologieinterdisciplinaire des démarches intellectuelles. Donald (1985): Operationsand Intellectual Skills in Higher Education. Gagné (1965): Types of Intellec-tual Skills. Guilford (1967): The Structure-of-Intellect Model. Klopfer(1971): Specifications for Science Education. Orlandi (1971): Specificationsfor Selected Social Studies. Palkiewicz (1988): taxonomie du domainecognitif. Wilson (1971): Specifications for Art Education.

Ces taxonomies possèdent l’une ou l’autre des caractéristiques suivantes:a) elles supposent connues les intentions de l’individu quand celui-ci réaliseune opération (Palkiewicz, 1988). Or, dans le musée, le visiteur ne livre querarement ses intentions et le contexte ne permet que rarement au chercheurde les identifier; b) elles visent des phénomènes comme les attitudes (Burns,1975) ou des fonctionnements comme les fonctionnements convergent etdivergent (Guilford, 1967), que l’on doit dégager d’un ensemble de compor-tements qui ne se manifestent pas toujours dans la situation muséale; c) ellesvisent une exploration des connaissances de l’individu (Bloom, Engelhart,Furst, Hill et Krathwohl, 1975; Klopfer, 1971; Orlandi, 1971; Wilson, 1971),la maîtrise de celles-ci, leur utilisation ou leur évaluation (Bloom, Engelhart,Furst, Hill et Krathwohl, 1975), plutôt que l’ensemble du fonctionnementpsychologique de cet individu; d) elles visent des activités comme laproduction d’objets tangibles (Wilson, 1971) et la mise en oeuvre de mo-dèles qui n’apparaissent que rarement dans la situation muséale (D’Hainaut,Lawton, Ochs et Super, 1979) ou l’évaluation d’un aspect du fonctionnementde l’individu, l’aspect moral (D’Hainaut, 1983), qui n’est pas pertinent danscette situation; e) elles visent des activités comme l’analyse et la synthèse(Burns, 1975), des habiletés comme celle de faire de la recherche (Orlandi,1971), ou des changements, comme le développement d’un humanisme(Klopfer, 1971), qui nécessitent une variété d’opérations non identifiées.

En somme, ces taxonomies sont inadéquates, soit parce qu’elles visent desphénomènes qui ne se produisent que rarement au musée, ou qui s’y étu-dient mal, soit parce qu’elles conduisent à une vue trop partielle ou trop

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générale du fonctionnement du visiteur, ou à l’étude d’aspects non pertinentsde ce fonctionnement.

L’ÉLABORATION D’UN INSTRUMENT D’ANALYSE

Cependant, chaque taxonomie possédait au moins un aspect pertinent et nousavons été tentées de combiner ces aspects. Nous avons toutefois abandonnérapidement l’idée parce que nous avons réalisé que ces taxonomies traitaientles fonctionnements intellectuel et affectif à des niveaux ou sous des anglestrès différents et amenaient ainsi des incohérences, des recouvrements et,surtout, des perspectives d’analyse incompatibles.

Devant ces difficultés, nous avons opté pour l’élaboration d’un nouvelinstrument d’analyse. Nous avons repris les exigences mentionnées plushaut, qui garantissaient à la grille une forme satisfaisante, et nous avonsprocédé de façon inductive. Nous avons tiré de l’un des 45 rapports écrits devisite une liste d’opérations qui permettait une analyse exhaustive de cerapport. Puis, nous en avons choisi cinq autres parmi les plus riches et lesplus dissemblables.

L’étude de ces six rapports a permis d’observer les faits suivants: a)comme nous l’avions pressenti, le fonctionnement du visiteur comporte desaspects rationnel, imaginatif et affectif; b) ces trois aspects du fonction-nement sont adéquatement analysés par une étude des opérations du visiteur;c) ces opérations sont au nombre de 12; d) mais toutes ne sont pas néces-saires à l’analyse de chaque aspect du fonctionnement; e) exclure l’appren-tissage des 12 catégories d’opérations ne gêne pas l’analyse; au contraire,cette exclusion la facilite et les apprentissages identifiés correspondent defaçon constante à des catégories d’opérations; f) il y a intérêt à traiter lesquestions et les hypothèses du visiteur comme ses apprentissages, et à nepas en faire des catégories d’opérations. Le rattachement d’une question oud’une hypothèse à une catégorie en permet alors une première identification.

LES COMPOSANTES DU NOUVEL INSTRUMENT

La grille d’analyse élaborée à l’issue de l’examen des six premiers rapportsavait acquis une stabilité qui ne s’est pas démentie par la suite. De plus,appliquée aux 39 rapports restants, cette grille a semblé posséder la validitéet la fidélité que l’on attend habituellement de ce type d’instrument. Cescatégories sont vraiment indépendantes et s’excluent mutuellement, ellesentretiennent une relation harmonieuse avec le matériel à traiter et ellespermettent une analyse constante par un même chercheur à travers plusieursrapports ou par plusieurs chercheurs qui étudient le même rapport (dans lesdeux cas, le taux de désaccord ne dépasse pas 5%).

Les 12 opérations de cette grille sont les suivantes:manifesterconstateridentifier

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L’APPRENTISSAGE DE L’ADULTE AU MUSÉE 285

se rappelerassocierdistinguer-comparersaisirexpliquer-justifierrésoudre-modifier-suggérers’orientervérifierévaluer.

Le sens que nous accordons au terme opération est le même que celui quelui attribue Piaget: “action intériorisée réversible et coordonnée à d’autresselon une structure d’ensemble” (Piéron, 1963).

L’utilisation des 12 opérations par les visiteurs est résumée dans le tableau1. Leur emploi est limité à 11 dans le cas du fonctionnement rationnel, à 8,dans le cas du fonctionnement imaginatif et à 7, dans le cas du fonction-nement affectif. En effet, les visiteurs ne se servent pas de l’opérationmanifester pour traiter leur production rationnelle, des opérations identifier,s’orienter, vérifier et évaluer pour traiter leur production imaginative et desopérations identifier, résoudre, s’orienter, vérifier et évaluer pour traiter leurproduction affective.

TABLEAU 1Les opérations utilisées par le visiteur adulte de musée

Utilisation

Fonctionnement Fonctionnement FonctionnementOpérations rationnel imaginatif affectif

manifester X Xconstater X X Xidentifier Xse rappeler X X Xassocier X X Xdistinguer-comparer X X Xsaisir X X Xexpliquer-justifier X X Xrésoudre-modifier-suggérer X Xs’orienter Xvérifier Xévaluer X

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Voici la signification de chacune des 12 opérations:

Manifester: exprimer, donner des marques de, laisser paraître ou donnerlibre cours à ce que l’on est en train de vivre. Exemples: a) “Tu me parlesd’un pays! je l’imagine instantanément” (matériel imaginaire); b) “Çaserait le fun d’avoir la perle qui va dans le milieu de ça” (matériel affec-tif).

Constater: a) Noter simplement, exprimer qu’on a vu, regardé, observé,enregistré, accorder une attention rapide; b) considérer attentivement, lire,décrire, exprimer qu’on a pris connaissance, remarqué, examiné. Exem-ples: a) “Je vois que c’est aux Caraïbes . . .” (matériel rationnel); b) “Oui,des dessins en dessous comme ça probablement” (matériel imaginaire); c)“C’est beau le reflet” (matériel affectif).

Identifier: reconnaître la nature d’une chose, préciser son appartenance, sonorigine, lui donner un nom, lui attribuer un concept, la considérer commeidentique à autre chose. Exemple: “La porcelaine? la porcelaine tigrée. EnHaïti, on l’appelle la lambris” (matériel rationnel).

Se rappeler: reconnaître, se remémorer. Exemples: a) “Je me suis dit: mondieu, c’est le même que ma mère a sur sa télévision” (matériel rationnel);b) “Ça me fait penser, dans un voyage, il y a deux ans, on était sur lebord de la Méditerranée” (matériel imaginaire); c) “Je me rappelle, je mesuis dit: c’est des pauvres petites bêtes dans le fond” (matériel affectif).

Associer: rassembler des éléments, les réunir dans une même catégorie, lesrendre solidaires. Exemples: a) “Celui-ci, il me fait penser au premier quej’ai vu, un bivalve” (matériel rationnel); b) “Un des coquillages qui mefaisait ben gros penser à Shell” (matériel imaginaire); c) “Ça me faitpenser aux vacances, à vouloir l’aventure” (matériel affectif).

Distinguer-comparer: examiner simultanément ou successivement en vue dejuger des similitudes ou des différences, mettre en parallèle, démêler,séparer, différencier, rapprocher, souligner une ressemblance. Exemples:a) “Ceux-là ont été travaillés, ont été polis, ont été nettoyés . . . ilssemblent plus naturels, plus vrais” (matériel rationnel); b) “On dirait quec’est comme des dents” (matériel imaginaire); c) “J’en trouve des beaux,mais ça m’étonne moins (matériel affectif).

Saisir: s’apercevoir, pénétrer le sens, la nature, la raison, réaliser que, sefaire une idée claire. Exemples: a) “Le couteau, c’est un nom, ça sert pasde couteau. En tous cas, c’est un nom qu’on lui a donné à cause de saforme, qu’on l’a identifié par rapport à ça . . .” (matériel rationnel); b)“Ben j’imagine que ça se mange, à moins qu’ils aient été empoisonnés”(matériel imaginaire); c) “Nous on les voit comme ça, c’est de toutebeauté, c’est tranquillisant” (matériel affectif).

Expliquer-justifier: faire connaître en détail, exposer, montrer par un déve-loppement, démontrer, prouver le caractère, le bien- fondé, la légitimité

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d’une chose, d’une idée, d’une position, interpréter. Exemples: a) “Unpeintre très connu, ben évidemment, c’est facile de se documenter pourvoir ce qu’il a fait, le comparer avec d’autres de la même époque poursavoir qui il est” (matériel rationnel); b) “A cause de ça, ça ressemble plusà un bibelot qu’à un objet dans la nature” (matériel imaginaire); c)“J’aime les regarder, ça représente de la beauté, pour moi, c’est l’har-monie, c’est tellement régulier dans les petits dessins, dans les petiteslignes, t’sais, c’est tellement tout pareil que tu t’dis c’est finalement uneoeuvre d’art” (matériel affectif).

Résoudre-modifier-suggérer: trouver une solution à un problème théoriqueou pratique, à une incohérence, suggérer une amélioration, transformer,reformuler, corriger, rectifier. Exemples: a) “. . . qu’il y ait des gens dansun musée qui posent ce genre de question-là pour permettre aux gens depas seulement regarder les vitrines” (matériel rationnel); b) “. . . la façonqu’il est dessiné, tu peux imaginer le son qui coule dessus. Pour moi, lesronds, c’est le son qui coule dessus. Bien sûr, il y a le nom, la harpe, maispour moi, c’est le son” (matériel imaginaire).

S’orienter: déterminer la position que l’on occupe, se repérer, inscrire sonactivité dans une direction. Exemples: a) “Faut tu apprendre toute ça parcoeur?” (matériel rationnel); b) “On les expose . . . est-ce qu’ils ont prisdes coquillages qui étaient déjà vides ou est-ce qu’ils les ont pris neufs?(matériel rationnel).

Vérifier: contrôler l’exactitude, reconnaître pour vrai, confirmer (sansraisonnement), admettre. Exemple: “C’est dans ça qu’il y a une perle?”(matériel rationnel).

Évaluer: mesurer, estimer, déterminer la valeur, l’importance, juger, donnerune opinion. Exemple: “Ça me prendrait plus de fiche technique queça . . .” (matériel rationnel).

LES PROPRIÉTÉS DU NOUVEL INSTRUMENT

Notre grille, on l’a vu, permet une analyse intégrée des fonctionnementscognitif, imaginatif et affectif du visiteur. Elle permet aussi de traiterl’apprentissage, les hypothèses et les questions comme des modalitésd’apparition des opérations. À ces propriétés s’en ajoutent une série d’autresdont les principales sont les suivantes.

Premièrement, notre grille permet d’analyser l’activité psychologique duvisiteur en autant que celle-ci est mise en forme par le visiteur à travers desopérations. Face à cette propriété, on peut se demander quelle partie del’activité totale représente l’activité ainsi mise en forme? Il n’est probable-ment pas possible de répondre à cette question parce qu’on ne sait pas, etqu’on ne saura probablement jamais, s’il existe chez l’adulte une activité quine soit pas informée par une opération, même fort simple. En conséquence,nous considérons que la grille présentée offre une analyse adéquate de la

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production rationnelle, imaginative et émotive d’un visiteur placé dans lasituation où se trouvaient les 45 adultes qui ont collaboré à cette recherche.

Cette question sur la validité de la grille en appelle une sur la validité dumatériel qui a servi à la construire. Les propos du visiteur représentent-ilsbien son fonctionnement? Dans l’état actuel de la recherche, nous nepouvons nous prononcer sur ce point. En effet, notre recherche est, à notreconnaissance, la première où l’on ait tenté de saisir le fonctionnementpsychologique du visiteur dans sa totalité au moment même de la visite. Ilfaut donc attendre d’autres recherches qui auront procédé différemment pourse faire une idée du rapport qui existe entre ce que livre le visiteur et cequ’il vit.

Deuxièmement, notre grille permet d’identifier aussi bien des opérationstrès simples comme constater, que des opérations complexes comme expli-quer. À notre avis, cette propriété est d’un grand intérêt, car elle aide à saisirl’importance qualitative des unes et des autres et, éventuellement, les liensqu’elles entretiennent entre elles ou avec l’apprentissage. Notre grille fournitainsi un moyen de vérifier si le visiteur n’est actif que lorsqu’il s’adonneaux opérations les plus complexes, comme on le croit dans beaucoup demilieux muséaux. Elle constitue également un moyen de qualifier et decomparer le fonctionnement adopté par le visiteur devant des exhibits1 denature ou de présentation différentes.

Troisièmement, notre grille facilite le repérage des opérations de base dufonctionnement du visiteur. Par là, elle s’avère un instrument indispensableà l’étude systématique de mégaopérations comme l’analyse et la synthèse,ou d’activités complexes comme l’activité esthétique ou l’activité épistémo-logique (voir dans cette livraison de la Revue canadienne de l’éducation,l’utilisation qu’en font Chamberland et Weltzl-Fairchild).

Quatrièmement, à travers des opérations comme s’orienter, vérifier,évaluer ou constater, notre grille permet l’exploration de la métacognition duvisiteur. Elle facilite l’étude de ses stratégies et celle des rapports de cesstratégies avec des comportements typiques comme ceux qu’ont identifiésVeron et Levasseur (1983) au Musée d’art moderne Georges Pompidou.

LES PREMIÈRES IMPLICATIONS À ÉTUDIER

Peut-on utiliser la grille qui vient d’être décrite pour étudier d’autres ma-tériels que les propos du visiteur en train d’observer des objets ou pourcomparer le fonctionnement occasionné par divers types de musées? Laréponse à la première question est affirmative et simple. Chamberland(1990) l’a fait. La réponse à la seconde est plus complexe. Depuis quelquesannées, des sociologues (Boudon, 1984; Crozier et Friedberg, 1981; Gid-dens, 1987) ont souligné l’incapacité des lois et même des propositionsgénérales à expliquer et à prédire le fonctionnement social. Ils ont parailleurs montré l’importance d’étudier un phénomène pour lui-même et de lerattacher à un temps et à un espace précis. Cette position est-elle valable

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quand les phénomènes étudiés ne sont pas sociologiques mais psycholo-giques? Plus précisément, un musée de beaux-arts, un musée de sciencesnaturelles et un musée d’histoire et d’ethnologie sont-ils des entités sidifférentes qu’ils provoquent chez leurs visiteurs des fonctionnements qu’onne doit pas confondre et étudier avec une grille unique?

Même si notre grille ne peut être utilisée dans une grande variété desituations, nous croyons qu’elle donne accès à une série de recherchespermettant de sortir de l’impasse créée par l’application des approchesbehavioriste et phénoménologique aux problèmes d’intervention éducativedans le milieu muséal. Les behavioristes soutiennent que toute personneresponsable de la réalisation d’un exhibit est également responsable dufonctionnement du visiteur, car ce fonctionnement est déterminé par ce quecelui-ci voit. Par contre, les phénoménologistes prétendent que, malgré lesefforts du réalisateur d’exhibits, les visiteurs réagissent tous différemmentparce qu’ils ont tous une expérience différente. En d’autres mots, dans lecontexte behavioriste, le réalisateur est tout puissant, il ne se produit rien endehors de ce qu’il provoque, et dans le contexte phénoménologique, il esttotalement impuissant, il n’a aucun contrôle sur les réactions des visiteurs.

Quand on considère le contenu de l’expérience du visiteur, on ne perçoitque différences, quand on considère la structure de celle-ci, des similitudesimportantes apparaissent. Par exemple, l’activité imaginaire de deux visiteursobservant des coquillages diffère dans ses détails, l’un d’eux évoquant sonenfance, l’autre, un voyage récent, mais elle est semblable en ce qu’ellecomprend dans les deux cas un rappel du passé.

Par ailleurs, s’il est impossible de provoquer tout ce que vit un adulte aumusée, il est probablement possible de l’aider à réaliser certaines opérations,comme identifier, comparer ou expliquer. L’existence de séquences defonctionnement semblables chez beaucoup de personnes, c’est-à-dire deséries d’opérations comme celles qui sont identifiées par la grille décrite icisemble donc un élément crucial. Connaissant ces séquences, le réalisateurd’exposition peut, s’il les croit bénéfiques, en favoriser l’apparition ou lemaintien. Elles deviennent ainsi l’une des bases de son intervention éduca-tive.

Cette intervention doit-elle être fonction directe des opérations du visiteur?Nous ne le croyons pas. Le musée est une institution et, comme tel, il doitrépondre aux demandes de la société dans laquelle il se trouve. Mais saréponse ne saurait être calquée sur les demandes parce qu’il est un systèmesoumis à des contraintes internes et externes. De plus, sa fonction est derassembler, de conserver les objets les plus beaux ou les plus importants, dedévelopper sur eux le maximum de connaissances et d’en faire profiter lepublic.

La compréhension du fonctionnement du visiteur n’est donc qu’un élé-ment dans le développement d’une andragogie muséale. Elle sert à créer unetension optimale entre les attentes du visiteur et l’offre du musée. À notre

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avis, la connaissance des composantes de cette tension et de la façon del’obtenir sont deux autres éléments essentiels au développement de cetteandragogie.

NOTE

1 Ce terme est un anglicisme souvent employé en l’absence d’un bon équivalentfrançais.

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Colette Dufresne-Tassé est professeure, Thérèse Lapointe et Estelle Chamberlandsont assistantes de recherche à la Faculté des sciences de l’éducation, Universitéde Montréal, case postale 6128, succursale A, Montréal (Québec) H3C 3J7.Carole Morelli est conseillère pédagogique à la Commission scolaire Baldwin-Cartier, 10 des Sources, Pointe-Claire (Québec) H9S 5K8.

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Les thèmes de la contextualisationchez les visiteurs de musée*

Estelle Chamberlanduniversité de montréal

Malgré les nombreuses études effectuées sur le visiteur de musée, les donnéesconcernant l’expérience vécue par ce dernier dans son contact avec l’objet et cequi compte réellement pour lui dans sa démarche pour donner un sens à ce qu’ilvoit sont pratiquement inexistantes. Une recherche exploratoire et qualitative aété menée dans le but de découvrir quels sont les aspects de l’objet et du contactavec celui-ci qui entrent dans la contextualisation qu’effectuent les visiteurs ainsique l’importance qu’ils accordent à chacun d’eux. Nous avons identifié dixthèmes autour desquels s’effectue la contextualisation. L’importance et larépartition de ceux-ci semblent relever d’un choix personnel de l’individu selonses préoccupations et son style cognitif. La diversité de ces thèmes et la placequ’ils occupent dans la démarche des visiteurs viennent nuancer la vision partrop focalisée que certains auteurs ont eue jusqu’à ce jour sur ce phénomène. Ilapparaît également qu’une approche quantitative, bien qu’utile pour indiquercertaines tendances, ne peut rendre compte à elle seule de la portée réelle d’unthème dans la contextualisation.

Although museum visitors have often been studied, we know little about theirlived experience, or about how they make sense of what they see. This prelimi-nary qualitative study shows how museum visitors decide which features ofobjects they consider when putting those objects in context, and the relativeimportance of each feature. We found ten approaches that typify visitors’ waysof contextualizing. To what extent a visitor uses any one approach depends onher or his interests and cognitive style. The diversity of visitors’ responses oughtto lead researchers to take a broad view of studies of museum education. Quanti-tative research, although helpful in pointing out patterns, cannot by itself accountfor people’s ways of contextualizing.

On conçoit de plus en plus la connaissance non comme un état, mais commeun acte créateur (Rosnow,1986). On sait que rien n’est jamais perçu etcompris isolément en soi et pour soi dans une sorte de vacuum matériel,social ou psychologique, mais que, ce que nous percevons, ce sont des

*Cette recherche a été rendue possible grâce à des subventions du Fonds pour laformation de chercheurs et l’aide à la recherche du Québec et du Conseil derecherches en sciences humaines du Canada.

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LA CONTEXTUALISATION CHEZ LES VISITEURS DE MUSÉE 293

relations. (Bateson et al., 1981; De Rosnay, 1975; Watzlawick, Beavin etJackson, 1972). Comprendre, accéder au sens consiste à structurer cesrelations pour former un contexte, une image cohérente d’une situation.Bref, comprendre consiste à contextualiser. Il est reconnu que déjà, aupremier niveau de la perception, il y a interprétation, donc construction etinférence de la part de l’individu (Gibson, 1977; Hoffman, 1986; Jenkins,1974; Neisser, 1976; Rosnow & Georgoudi, 1986; Weimer, 1977). Cetteconstruction implique un investissement personnel de l’individu; la défi-nition même de ce qui constitue un événement et de ce qui compte réelle-ment dans celui-ci revient à l’individu qui y est impliqué (Bateson et al.,1981). La contextualisation est donc une activité naturelle, fondamentale etspontanée et elle répond à des besoins multiples dans tous les secteurs de lavie (Arnheim, 1969, 1976; Bateson, 1972/1977; Bransford, McCarrel, &Nitsch, 1976; De Rosnay, 1975; Koestler, 1964; McGuire, 1986; Watzla-wick, Beavin et Jackson, 1972; Weimer, 1977). L’utilité d’une telle notionn’est donc plus à établir. On ne manque pas non plus d’idées sur sesfonctions. Cependant, on n’est pas encore parvenu à spécifier comments’opère la contextualisation, et c’est sur ce point que porte notre recherche.

Nous verrons d’abord sous quels angles la contextualisation a été étudiéeet l’état actuel des connaissances sur ce phénomène dans divers domaines,et plus particulièrement dans celui de la muséologie. Nous aborderons plusspécifiquement un aspect de ce processus, celui des thèmes à l’aide desquelsl’individu contextualise un objet, et nous exposerons les résultats obtenusdans une étude exploratoire que nous avons menée sur le processus decontextualisation chez le visiteur de musée.

ÉTAT DES CONNAISSANCES SUR LA CONTEXTUALISATION

De nombreuses études ont envisagé les effets du contexte situationnelexterne (information de source extérieure à l’individu et liée à une situationdonnée: lieu, matériel, message) sur la perception, la compréhension et lecomportement d’un individu. Ces recherches tenaient d’une vision mécanistedu fonctionnement humain et s’appuyaient sur une conception de la notionde contexte qui se réduisait généralement à l’environnement physique oumatériel (Davies, 1986; Hoffman, 1986; Tiberghien, 1986). Peu à peu, lanotion de contexte s’élargissant, l’intérêt s’est déplacé vers le contexteinterne (conditions et aspects internes de l’individu). Mais en parlant decontexte interne, on ne se référait en réalité qu’aux indices intraorganiquesdont la définition se limitait bien souvent à l’état émotif du sujet seulement.Les études qui s’y sont consacrées visaient à découvrir l’impact des condi-tions internes (en l’occurence de l’état émotionnel provoqué chez un indi-vidu par des drogues ou des techniques behaviorales) sur les perceptions etle comportement de l’individu (Teasdale, 1983; Teasdale, Taylor, & Fogarty,1980). La définition du contexte interne s’est élargie depuis: on y inclut lesconnaissances de l’individu, les formes d’organisation de celles-ci, les

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habiletés de toutes sortes, l’état organique, l’orientation de l’attention et lesdispositions mentales et émotionnelles (Tiberghien, 1986). L’intérêt deschercheurs s’est déplacé de façon importante vers les représentationsmentales que l’individu construit pour donner un sens au monde qui l’en-toure.

Pour certains (Kaplan & Kaplan, 1982; Mancuso & Sarbin, 1983; Sarbin& McKechnie, 1986), la construction de la signification consiste à ancrerune chose, une information, dans un schéma interactif, une structure drama-tique, car l’être humain pense, perçoit et imagine selon une structure narra-tive. En somme, l’image cohérente est celle qui s’inscrit dans un scénario,celui que raconte une histoire. D’autres (Bruner, 1973, 1984; Hupet etCostermans, 1982) voient dans la contextualisation une traduction d’événe-ment sous forme symbolique. De son côté, Gibson (1977) affirme que ceque nous percevons, ce sont les valeurs d’utilisation de l’objet, c’est-à-direce qu’il peut nous apporter, comment il convient à nos besoins et à nosattentes (“theory of affordances”); ce sont elles qui constituent le véritablesens de l’objet. Pour cet auteur, la perception de l’environnement est insépa-rable de la proprioception (perception de son propre corps) et c’est ce quiferait que les possibilités de correspondance de l’objet avec les besoins dela personne sont perçues par cette dernière de façon immédiate et directe.Cette théorie donne à penser que la contextualisation se fonderait principale-ment sur la perception de ce type particulier de relation. Par ailleurs, dans sathéorie de la pensée intuitive, Bastik (1982) souligne l’importance de laperception de la structure émotionnelle liée à une situation (“emotional set”).Les relations que l’individu établit avec l’objet extérieur sont empreintesd’une qualité émotionnelle particulière et c’est sur la base de cette qualitéqu’elles sont encodées. La résonance affective des contextes que l’individuconstruit mentalement est donc essentielle à ce mode de conscience et decompréhension du monde. Il faut enfin souligner que les études portantspécifiquement sur la construction de la représentation sémantique se sonteffectuées surtout dans le domaine de la compréhension du langage, de larésolution de problème et de la mémoire (Bransford & Franks, 1971;Bransford, Barclay, & Franks, 1972; Ehrlich, 1985a, 1985b; Richard, 1984,1985).

Mais qu’en est-il dans une situation de grande liberté comme celle quicaractérise une visite au musée où le visiteur n’est pas contraint par desobjectifs précis ou un problème à résoudre? La contextualisation qu’il fait del’objet tourne-t-elle autour du thème des valeurs d’utilisation ou de la valeursymbolique de l’objet? Sa structure est-elle narrative ou émotionnelle?

Pour certains muséologues, la construction d’exhibits qui replacent l’objetdans son environnement naturel est une condition des plus importantes pourun contact enrichissant avec celui-ci. Cette façon de contextualiser pourraitmême, selon eux, être la seule façon valable pour le visiteur de trouver unesignification à l’objet (Doré, 1985; Pezet, 1985). Si tel est le cas, on pourraits’attendre à ce que la contextualisation que le visiteur fait de l’objet soit une

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tentative de reproduction du contexte d’origine de l’objet. Pour d’autresauteurs, il existe un fossé entre le visiteur et l’objet, et le rôle du muséo-logue en est un d’interprète. Ce dernier doit, pour ainsi dire, traduire l’objetpour le visiteur en attirant son attention sur des caractéristiques et desaspects particuliers (Giraudy et Bouilhet, 1977; Porter & Martin, 1985;Screven, 1969; Shettel, 1973). Cette position repose sur l’idée que la con-textualisation consiste principalement à accumuler des informations spéci-fiques sur l’objet.

De nombreuses études ont été menées pour tenter de connaître le visiteurde musée. Elles ont abouti à en faire une description assez détaillée (caracté-ristiques propres, comportements, attentes et besoins, apprentissages mesurésd’après des objectifs préalablement fixés par le muséologue) (Griggs & Alt,1982; Hayward & Larkin, 1983; Loomis, 1973; Washburne & Wagar, 1972).Par contre, les données concernant l’expérience vécue par le visiteur aucontact de l’objet, ce qui compte réellement pour lui dans la construction dusens, sont pratiquement inexistantes. Les décisions des concepteurs d’exhi-bits s’appuient donc en fait sur une connaissance partielle et somme toutesuperficielle du visiteur. Que produit donc le visiteur lorsqu’il contextualisel’objet de musée? À partir de quelles perspectives se forme-t-il une représen-tation sémantique de l’objet? Pour répondre à ces questions, il faut de touteévidence explorer le point de vue du visiteur (Alt & Griggs, 1984; Scrutton,1969; Trudel, 1985).

DESCRIPTION D’UNE ÉTUDE EMPIRIQUE

C’est dans cette perspective que nous avons mené l’étude dont nous présen-tons ici les résultats. Notre recherche fut essentiellement exploratoire etqualitative, tentant de suivre au plus près ce qui se passe chez une personnequi tente de donner un sens aux objets qui lui sont présentés. Une tellerecherche était à notre avis nécessaire pour départager entre les opinionsexistantes et pour faire émerger, le cas échéant, une conception plus appro-priée de la contextualisation.

Nous avons accompagné et recueilli les propos de 45 adultes visitant uneexposition de mollusques dans un musée de sciences naturelles, le MuséeGeorges-Préfontaine de Montréal. La conception des exhibits se caractérisaitpar une grande simplicité et une parcimonie des informations fournies auvisiteur: chaque vitrine contenait cinq coquillages disposés sur un fond detissu bleu uni et accompagnés d’une étiquette sur laquelle on pouvait lire lesappellations communes et scientifiques du coquillage, sa famille d’apparte-nance et son aire de distribution géographique.

Les sujets étaient des personnes issues de milieux divers qui avaientaccepté de collaborer à notre recherche. Ils étaient donc informés au départde la procédure de cueillette des données et de ce qui était attendu d’eux,c’est-à-dire communiquer verbalement leur expérience au fur et à mesure dela visite. Il s’agissait de 20 hommes et de 25 femmes ayant entre 21 et 61

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ans et présentant des caractéristiques diverses (niveau d’instruction, pro-fession, fréquentation muséale), caractéristiques qui ont été compilées àpartir des informations recueillies à l’aide d’un court questionnaire adminis-tré à chaque sujet avant la visite.

Chaque personne effectuait sa visite individuellement avec un accom-pagnateur qui se limitait à l’écouter et à l’encourager à la verbalisation pardes signes de tête ou quelques paroles laconiques. Les données sont consti-tuées des verbalisations des visiteurs recueillies sur bande magnétique. Ellessont de trois types: a) les verbalisations spontanées livrées par le sujet aumoment de la visite, b) les verbalisations fournies en réaction à un instru-ment projectif simple (présentation d’une photographie d’un visiteuranonyme devant les mêmes vitrines, à laquelle était jointe la questionsuivante: “Que pensez-vous qu’il se passe chez cette personne au momentoù elle regarde ces coquillages?” c) les propos du visiteur recueillis endernier lieu au cours d’un entretien semi-structuré avec l’accompagnateur.

Une analyse qualitative de ces données a permis d’identifier les thèmes dela contextualisation. Une première lecture des comptes rendus visait à faireressortir les points saillants de l’expérience du visiteur. Il est alors apparuévident que le visiteur ne procédait pas à la construction d’un produit detype mini-contextes aux contours définis s’enchaînant les uns aux autres dansune séquence linéaire. La pensée du visiteur est plutôt vagabonde, effectuantde fréquents va et vient d’un aspect à un autre et des répétitions plus oumoins modulées. La perception de cette redondance dans les propos desvisiteurs a permis de déceler les motifs et les accents qui donnent à lacontextualisation sa couleur particulière. Les thèmes de la contextualisationsont donc en réalité les angles sous lesquels l’individu aborde l’objet. Dansun deuxième temps, une classification des verbalisations attribuables àchaque thème, leur compilation et l’utilisation de pourcentages a permis devoir quelle place chaque thème occupait dans la contextualisation desvisiteurs. Enfin, dans un troisième temps, une analyse du contenu de cesthèmes et de leur influence sur la contextualisation a été effectuée en regarddes différentes étapes de la cueillette de données.

RÉSULTATS

Nous présentons d’abord une description générale des thèmes identifiés.Nous voyons ensuite quelle importance et quelle place les visiteurs ac-cordent à chaque thème. Nous abordons enfin la répartition des thèmes sousdeux angles. Premièrement, nous tentons de voir s’il existe une différencedans le nombre de thèmes et la place accordée à chacun d’eux dans lesverbalisations spontanées recueillies durant la visite par rapport à ce que l’ona obtenu dans l’ensemble de la cueillette (visite + instrument projectif +entretien). Deuxièmement, nous voyons combien de thèmes entrent en jeudans la démarche des visiteurs pour donner un sens à l’objet.

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LA CONTEXTUALISATION CHEZ LES VISITEURS DE MUSÉE 297

Les thèmes de la contextualisation

Nous avons identifié dix thèmes autour desquels s’effectue la contextualisa-tion et que nous avons nommés l’ambiance, l’aura émotionnelle, le symbo-lisme, l’identification, la description, les aspects biologiques, les aspectsécologiques, les valeurs d’utilisation, les séquences d’interaction et lescomparaisons de contextes.

L’ambiance

À la vue des objets exposés (coquillages), il arrive que le visiteur se trans-porte dans des lieux, des paysages, des moments qu’il associe la plupart dutemps à la mer et à l’eau et qui le plongent dans une atmosphère particu-lière. Il en tire des impressions, la plupart du temps globales qui se réfèrentà la détente, au dépaysement, aux vacances, impressions qui naissent au-delàdu contact sensoriel, dans la sensualité et la formation d’images intérieures.C’est en termes de sensations et d’impressions unifiant l’ensemble deséléments d’un décor et de l’événement que les sujets décrivent l’ambiancedans laquelle ils se sont plongés en pensée à la vue des coquillages: “J’ima-gine la chaleur, je sens l’odeur des algues et l’air salin . . . il me sembleentendre le bruit du ressac . . . c’est calme, c’est relaxant.” L’oeil n’est plusuniquement l’organe qui voit, c’est aussi l’oeil qui touche, qui sent, quientend. L’ambiance n’est pas étrangère à l’état affectif du visiteur et elle metassez rapidement ce dernier en contact avec son univers symbolique person-nel.

L’aura émotionnelle

Lorsqu’à la vue de l’objet le visiteur entre en contact avec ses émotions, onpeut dire qu’une sorte d’aura émotionnelle enveloppe la rencontre dans satotalité. Les émotions qu’éprouve la personne au contact de l’objet agissentcomme des facteurs de syntonisation: “Je ressens de la nostalgie. Ça atouché quelque chose de tendre.” “Ces teintes me ravissent. Ah! l’émerveil-lement!” À ce moment, la personne est touchée directement sans qu’inter-vienne la raison. Les émotions exprimées par le visiteur peuvent êtrepositives ou négatives, liées à des expériences passées ou vécues sur-le-champ et elles contribuent à donner à l’événement ce que Jenkins (1974) aappelé sa qualité ou sa texture.

Le symbolisme

Le thème du symbolisme se distingue de celui de l’aura émotionnelle bienqu’on puisse éprouver des émotions au contact des symboles. Ce thèmeporte au-delà de la perception sensorielle, de la sensation, de l’identificationet de l’explication. Il transcende la réalité concrète pour offrir une vision

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élargie et pressentie de ce qui relie l’être à l’univers: “Je trouve ça apaisantcomme une mère.” “Grandeur et solitude.” Le symbolisme atteint une sortede synthèse qui révèle le sens intime et profond que la personne attache àl’univers où l’objet la transporte: “Les coquillages, c’est la mer, la force, lamajesté, c’est grandiose.” À l’instar de l’ambiance et de l’aura émotionnelle,le symbolisme agit de façon enveloppante et procède d’une résonancedirecte entre la personne et l’objet.

L’identification

L’identification est une façon pour le visiteur de savoir à quoi il a affaire.Elle consiste souvent à déterminer d’abord le degré de familiarité d’un objet,à le situer dans son univers personnel. Elle peut être globale et se limiter àclasser les objets en deux catégories: ceux que l’on reconnaît et ceux quel’on ne connaît pas. L’identification peut aussi se faire plus précise: nommerl’objet, le distinguant ainsi des autres tout en le rattachant à une classespécifique, le localiser, c’est-à-dire identifier son lieu d’origine et sa dis-tribution géographique, et repérer en même temps les endroits connus oùl’on est susceptible de le rencontrer. Tout contribue à assigner à l’objet uneplace particulière et unique dans une image personnelle du monde.

La description

La description provenant d’une appréhension sensorielle immédiate ou deperceptions d’analogies et d’associations diverses est davantage une façond’apprivoiser l’objet, de se l’approprier mentalement. Elle est une façond’approcher l’objet par ses caractéristiques physiques, donc les plus acces-sibles, et d’en composer un portrait, une image pleine de vie. Le visiteursélectionne ainsi parmi de multiples sensations celles qui le frappent et quiont une signification particulière pour lui. Même s’il ne s’agit que d’uneesquisse, cette description sera souvent mémorisée plus efficacement que lenom de l’objet auquel d’ailleurs il pourra se substituer pour désigner l’objet.Par exemple, le visiteur oubliant le nom de Pleuroploca désignera ce coquil-lage comme “Celui qui ressemble à un animal préhistorique” ou encoredésignera l’huître perlière par ces mots: “La belle dorée toute douce.”

Les aspects biologiques et les aspects écologiques

Les aspects biologiques et écologiques sont deux thèmes plus spécifiques autype de musée choisi et au domaine visé par l’exposition, en l’occurrence lessciences naturelles et les coquillages. Les aspects biologiques visent laconstitution et la vie du coquillage: comment il se déplace, de quoi etcomment il se nourrit, comment il se reproduit. L’écologie vise le milieudans lequel il vit, les éléments qui composent son environnement et lesrapports que le coquillage entretient avec les autres organismes. Le visiteur

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tente ici de se faire une image plausible du milieu naturel des coquillages enposant des questions, en faisant des hypothèses, des déductions, en tentantde se représenter ce milieu à partir d’éléments tirés de souvenirs personnelset de connaissances antérieures.

Les valeurs d’utilisation

Les visiteurs s’intéressent aussi aux utilisations générales des objets et àcelles qu’ils pourraient eux-mêmes en faire. Que font les pêcheurs descoquilles une fois que l’animal en a été retiré et vendu? Quelles utilisationsles indigènes de tel pays faisaient-ils de ces coquillages? Tel coquillage a laforme d’un vase et serait un joli bibelot dans le salon. Quelle utilisation enfaire en classe avec les élèves?

Les séquences d’interactions

Parfois aussi, le visiteur imagine des séquences d’interactions qui se dé-roulent comme dans un film intérieur. Ainsi sont mis en scène des person-nages divers: parents, amis, connaissances, peuplades et ce, en présence ounon de l’objet. On peut également retrouver dans ces scènes certains person-nages en interaction avec le sujet lui-même, ou encore, le sujet seul avecl’objet. Souvenirs, reportages que l’on a vus, histoires que l’on a entenduesalimentent ces scénarios. Parfois aussi ces derniers sont inventés sur-le-champ, dans une sorte de rêverie. Ce thème se distingue de celui des valeursd’utilisation car il ne vise pas uniquement l’aspect fonctionnel de l’objet,mais les diverses facettes de l’expérience que le visiteur en a.

La comparaison de contextes

À partir du contexte global de la visite au musée, du musée lui-même ou dutype de présentation des objets, le visiteur perçoit des analogies avecd’autres musées ou d’autres types de contextes: le laboratoire de biologie oùdes objets semblables sont examinés, classifiés, préservés et rangés, lavitrine de bijoutier ou la galerie d’art où les objets, comme dans un écrin,sont posés sur un tissu dont la teinte souligne leur beauté, le bateau à fondde verre à partir duquel le visiteur a déjà pu observer des poissons, descoraux et des coquillages. Ces comparaisons de contextes se font par le biaisde souvenirs d’événements précis ou à partir d’images familières et in-diquent dans quelle perspective le visiteur approche l’objet.

Tous ces thèmes offrent des angles d’exploration différents et constituentles accents qui donnent à la composition sa qualité particulière. Devant leurnombre et leur diversité, on se rend compte que la contextualisation est un

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processus complexe, une exploration qui se fait dans divers sens; deux outrois types de relations ne suffiraient pas à illustrer la diversité des goûts,des intérêts, des besoins, des sensibilités et des préoccupations, non seule-ment d’un individu à un autre, mais aussi chez une même personne.

Importance accordée aux thèmes dans la contextualisation

Les divers thèmes que nous venons de décrire peuvent être comparés auxfibres qui composent une étoffe. Ce qui donne à une étoffe sa couleur, satexture et sa qualité particulières, c’est bien sûr le type de fibres qui lacomposent, mais aussi la place qui est accordée à chacune d’elles et lesproportions dans lesquelles elles se trouvent tissées ensemble. Quelle placeles visiteurs accordent-ils à chaque thème dans la contextualisation qu’ilsfont de l’objet? La figure 1 illustre les proportions dans lesquelles chaquethème apparaît dans les verbalisations des visiteurs.

Les thèmes dominants

Les thèmes les plus souvent abordés sont l’identification et la description.Que faut-il en penser? On comprend aisément que le mouvement spontanéenvers une chose, particulièrement s’il s’agit d’une chose nouvelle, soit del’identifier. Identifier est une façon pour l’individu de savoir à quoi il aaffaire et de déterminer le degré de familiarité de l’objet.

FIGURE 1Proportion des verbalisations pour chaque thème

de la contextualisation

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Mais les visiteurs ont également mentionné d’autres finalités à l’identifica-tion: pour certains, elle est “une façon de mettre de l’ordre dans la fouled’impressions qui se présentent,” pour d’autres elle permet de “vérifier oude confirmer ses connaissances, d’étendre l’éventail de sa documentationpersonnelle” ou encore “de montrer ses connaissances à l’accompagnateur.”Il n’est donc pas surprenant que le thème de l’identification revienne sisouvent, d’autant plus qu’au musée, l’objet est non seulement montré auvisiteur, mais il lui est pour ainsi dire “présenté.” Pourtant, fait paradoxal,bien que les visiteurs investissent beaucoup d’énergie dans l’identificationdes objets, ils ne retiennent que très peu, parfois rien de l’informationrecueillie. Les diverses finalités que nous venons de mentionner, ainsi quecertaines études faites sur la mémoire (Bransford, Barclay, & Franks, 1972;Jenkins, 1974), et plus particulièrement sur la notion de spécificité d’enco-dage (Tulving & Thomson, 1973) permettent de comprendre ce fait. Lesconditions particulières au moment de l’encodage déterminent la mémorisa-tion et le rappel de l’information. Au-delà des mots inscrits sur les étiquet-tes, c’est leur implication sémantique qui importe; celle-ci constitue laspécificité de l’encodage, c’est elle donc qui sera retenue (Bransford,Barclay, & Franks, 1972; Jenkins, 1974; Tulving & Thomson, 1973). C’estpourquoi les noms scientifiques peuvent dire quelque chose à l’expert ou àcelui qui a fait du latin, mais pas aux autres. Les noms vulgaires sont plusprès de la majorité des visiteurs parce qu’ils sont généralement redondants,ils se réfèrent à l’aspect physique ou fonctionnel que l’on est à même depercevoir (Couteau de l’Atlantique, Olive porphyre, Huître perlière). Ce quisera retenu de cette information, c’est souvent l’élément qui saura le plusrendre l’objet familier, celui qui se réfère à ou qui décrit la relation qui a étéétablie, car c’est elle qui porte le sens. On comprend ainsi pourquoi le thèmede la description occupe presque autant de place que celui de l’identifica-tion. Si l’information fournie par l’étiquette ne permet pas d’établir unerelation assez frappante pour le sujet, celle-ci sera supplantée par une autre:c’est le cas pour cette visiteuse qui parle de ces “coquillages torturés” plutôtque de Strombe, de Murex ou de Busycon poire.

Les thèmes à caractère particulier

Les proportions d’utilisation des thèmes ne doivent être envisagées qu’entant qu’indices d’une tendance; l’importance de ceux-ci dans la contextuali-sation ne saurait être jaugée sur l’unique base de la fréquence d’utilisation,car un thème peu employé peut avoir un rôle très important à cause de sonimplication sémantique. À cet égard, la contextualisation peut être comparéeà une peinture et les thèmes à ses couleurs; qu’on retranche une couleur etle tableau n’est plus le même, une couleur peut apparaître par touchesparcimonieuses et cela suffit à faire vibrer l’ensemble du tableau. Il en estainsi des thèmes de l’ambiance, de l’aura émotionnelle, du symbolisme et dela comparaison de contextes.

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Parce qu’ils résultent d’un effet de résonance directe et qu’ils agissentessentiellement au niveau du ressenti, ils sont des plus difficiles à traduireen mots. De plus, ces thèmes se caractérisent par le fait qu’ils enveloppentlittéralement le contact avec l’objet, le visiteur ne les évoque donc pasdevant chaque coquillage—comme c’est le cas, par exemple, pour l’identifi-cation et la description—et par le fait qu’ils ne s’évanouissent pas néces-sairement une fois qu’ils ont été exprimés verbalement. Enfin, il est possibleque le visiteur se retienne parfois de s’exprimer totalement sur ces thèmesà cause d’une certaine pudeur à livrer à une personne étrangère (l’accom-pagnateur) ce qu’ils peuvent révéler d’intime; comme pour toute chosechargée d’affectivité ou de merveilleux, s’exprimer sur ces thèmes exige unesorte de rite d’entrée.

On comprend dès lors que le pourcentage des verbalisations où apparais-sent ces thèmes soit assez faible. Leur importance dans la contextualisationet leur impact dans l’expérience du visiteur n’en est pas pour autant négli-geable. Les visiteurs rapportent par exemple que l’ambiance joue un rôle detremplin: elle déclenche des images familières, des souvenirs, des émotions.Elle est aussi un facteur déterminant de la syntonisation de l’individu àl’objet: lorsqu’elle est perçue négativement, elle sape l’intérêt et la curiositéalors que, perçue positivement, elle met l’individu dans de bonnes disposi-tions. Les comparaisons de contextes indiquent dans quelle optique levisiteur approche l’objet: avec un regard curieux et scrutateur, comme dansun laboratoire de biologie, avec un oeil charmé par la beauté des objets ouun oeil impressionné par l’aspect précieux et rare de l’objet, comme dansune galerie d’art ou chez un bijoutier; cette optique pourrait éventuellementêtre déterminante dans la relation qui s’établit entre la personne et l’objet.Par ailleurs, les liens les plus intimes de l’individu avec l’objet résident dansl’aura émotionnelle dont il entoure celui-ci et dans les rapports symboliquesqui les unissent. Ces thèmes ramènent la personne à elle-même dans uneexpérience totalisante et condensent l’expérience en une impression profondequi donne à la relation avec l’objet sa qualité particulière. Se baser unique-ment sur l’information que donne une mesure quantitative risque doncd’affadir la vision de la contribution réelle de ces thèmes qui gagnent à êtreapprochés et pénétrés par la voie des saveurs et des intensités.

Les diverses positions théoriques

Les thèmes des séquences d’interaction (9,7% des verbalisations) et desvaleurs d’utilisation (3,8%) ont fait l’objet d’études dans des domainesdifférents du nôtre (perception, communication, relations interpersonnelles)tandis que ceux des aspects biologiques (5%) et écologiques (3,7%), plusspécifiques au domaine visé par notre étude, rejoignent davantage lespréoccupations des muséologues et des concepteurs d’exhibits de musées. Laplace accordée à chaque thème par les visiteurs est-elle à la mesure de celleque les muséologues leur accordent dans un bon nombre d’exhibits demusées, et est-elle aussi à l’image de celle que les auteurs leur accordentdans la vision qu’ils ont développée du phénomène de construction du sens?

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FIGURE 2Proportion des verbalisations accordée aux thèmes

après restructuration des données permettantde former le nouveau thème fiche spécifique

Le musée qui a servi de cadre à notre recherche concerne le domaine dessciences naturelles. Les informations spécifiques à l’objet fournies dans lesexhibits que nous avons utilisés sont du type de celles que l’on trouve dansbon nombre d’exhibits de musées de sciences naturelles sur les étiquettes,les panneaux, les dépliants; elles comprennent les noms de l’objet, celui dela famille à laquelle il appartient et sa localisation (informations contenuesdans le thème identification). Si nous ajoutons à ces informations les aspectsbiologiques, nous obtenons un thème que nous avons appelé fiche spéci-fique.

Nous avons comparé la proportion des verbalisations consacrées à cethème par rapport aux autres thèmes (figure 2). On constate que l’intérêt desvisiteurs pour les informations spécifiques à l’objet est important mais qu’ilne constitue pas à lui seul la totalité, ni même la plus grande partie despréoccupations. Par ailleurs, comme les exhibits ne fournissaient pas d’infor-mations sur le cadre naturel de l’objet, si celui-ci avait été une conditionessentielle ou très importante pour trouver un sens à l’objet, comme lesupposent certains auteurs (Doré, 1985; Pezet, 1985), le visiteur auraitsurtout tenté de se faire une représentation fidèle ou tout au moins plausible

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du milieu d’origine de l’objet: fond marin, fond des lacs et des rivières,littoral, tous lieux qui voient naître et se développer les coquillages. C’est lethème aspects écologiques qui regroupe ce type d’informations. Or ce thèmene se retrouve que dans 3,7% des verbalisations. Ce pourcentage, ainsi quela diversité des thèmes abordés par les sujets, indiquent que la reconstitutiondu contexte d’origine est loin d’être la principale préoccupation du visiteur.

Si on regroupait les thèmes de l’ambiance et celui des aspects écologiques,on rejoindrait peut-être la position des auteurs concernant la reproduction ducadre d’origine de l’objet. En effet, lorsque le visiteur fait allusion au bordde mer, on peut considérer celui-ci comme le milieu d’origine de l’objet,puisqu’il est le lieu naturel où les coquillages viennent souvent s’échouer etoù on en fait la cueillette lorsque la marée se retire. La figure 3 illustre lesproportions des verbalisations obtenues à la suite de ce regroupement et laplace qu’occuperait le thème cadre d’origine par rapport aux autre thèmes.

Ainsi regroupés, les thèmes de l’ambiance et des aspects écologiquesoccuperaient 10,1% des verbalisations. Une telle proportion ne suffit paspour affirmer que c’est principalement par la représentation ou lareconstitution du cadre d’origine de l’objet que le visiteur trouve un sens àl’objet qu’il observe.

FIGURE 3Proportion des verbalisations accordée aux thèmes après restructuration

permettant de former le nouveau thème cadre d’origine

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Nos résultats viennent également nuancer les façons de voir des auteursd’autres domaines que celui de la muséologie. La diversité des perspectivesainsi que le nombre de thèmes utilisés par le visiteur dépassent l’idée que sefont les auteurs de ce qui compte aux yeux de la personne dans sa quête desens. La contextualisation que les visiteurs font de l’objet déborde ainsilargement le champ des intérêts et des préoccupations qu’on leur prête etauxquels on tente de répondre dans la construction des exhibits au musée.Les différents points de vue qui ont tendance à mettre toute l’importance surun seul aspect de la construction du sens n’ont trouvé, dans l’expérience duvisiteur, aucun écho assez fort pour confirmer la suprématie de l’un d’euxdans la contextualisation, qu’il s’agisse des valeurs d’utilisation (thème misde l’avant par Gibson, 1977), des séquences d’interaction ou de la structuredramatique (aspect mis de l’avant par Kaplan & Kaplan, 1982; Mancuso &Sarbin, 1983) ou même de la structure émotionnelle (aspect développé parBastik, 1982).

Il importe toutefois de souligner que les théories dont nous nous sommesservi en guise de point de comparaison ont été élaborées dans des situationsfort différentes de la nôtre. Il s’agissait alors d’études portant sur la percep-tion, sur la personnalité ou sur l’intuition, où les sujets étaient placés devantdes problèmes à résoudre, dans des situations de communication interperson-nelle, ou de témoignage à donner sur des événements précis. Aussi neprétendons-nous pas réfuter les théories de ces auteurs. Nous tenons seule-ment à souligner que celles-ci ne peuvent s’étendre à toute situation deconstruction de la signification, particulièrement à une situation offrant unplus grand degré de liberté au sujet. De plus, ces comparaisons permettentde constater que la contextualisation ne peut être réduite à un seul aspect,une seule perspective.

Répartition des thèmes

Selon les étapes de la cueillette

La cueillette de données a été effectuée à des moments différents: d’abord,au moment même de la visite, puis au cours d’un entretien avec l’accom-pagnateur. Le fonctionnement du visiteur n’est pas le même dans les deuxcas. Au cours de la visite, il est spontané, le visiteur est livré à lui-mêmepuisque l’accompagnateur n’est, à toute fin pratique qu’une oreille sympa-thique. Au moment de l’entretien, par contre, le fonctionnement est réflexifet le visiteur jouit du support de la conversation et des questions qui lui sontposées. On peut donc se demander s’il y a une différence dans la répartitiondes thèmes ainsi que dans l’importance qui leur est accordée entre lematériel livré spontanément et l’ensemble du matériel recueilli. Si oui, quelest le sens de cette différence? La figure 4 illustre la proportion des verbali-sations consacrées à chaque thème lors de la visite (verbalisations spon-tanées) et lorsque l’on additionne la visite et l’entretien.

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FIGURE 4Proportion des verbalisations relatives aux thèmes

de la contextualisation au cours de la visite etquand on additionne visite et entretien

Sauf en ce qui concerne les thèmes de l’ambiance et les séquencesd’interaction, les deux portraits sont à peu près semblables. Par ailleurs, sitous les thèmes apparaissent déjà au cours de la visite, certains y sont trèsfaiblement représentés (symbolisme, comparaison de contextes, ambiance).

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Selon les résultats obtenus quand on met ensemble toutes les donnéesrecueillies, on peut croire que c’est grâce au support fourni par l’entretienque ces thèmes ont pris plus de poids; apparaissent, en tous cas, chezplusieurs sujets, des thèmes qu’ils n’avaient pas abordés à haute voix durantla visite.

Selon le nombre de thèmes utilisés par le visiteur

La diversité des thèmes observée chez l’ensemble des visiteurs se retrouve-t-elle dans l’expérience individuelle? Le visiteur aborde-t-il tous ces thèmespour contextualiser l’objet? Le tableau 1 indique le nombre et la proportionde sujets en rapport au nombre de thèmes utilisés pour contextualiser lesobjets.

On constate que la plupart des sujets, 86,7% au total, n’abordent pas plusde la moitié des thèmes (de 0 à 5 thèmes) lors de la visite. Mais enregardant l’ensemble des données recueillies, on constate que cette propor-tion se réduit à 19,9%. L’analyse des comptes rendus individuels montrequ’il arrive qu’un visiteur s’en tienne uniquement aux thèmes qu’il aabordés spontanément et que l’entretien n’apporte qu’une infime modifica-tion de l’amplitude donnée à chacun.

TABLEAU 1

Proportion de sujets utilisant chaque nombre dethèmes pour contextualiser les objets

Nombre de thèmes abordés dans la contextualisation

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

VisiteNombre/sujets 2 1 2 10 15 9 3 2 0 1 0Pourcentage 4,4 2,2 4,4 22,2 33,3 20 6,7 4,4 0 2,2 0

Visite etentretienNombre/sujets 0 0 0 2 2 5 6 15 8 5 1Pourcentage 0 0 0 4,4 4,4 11,1 13,3 33,3 17,8 11,1 2,2

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Mais il arrive aussi qu’une personne n’aborde qu’un seul thème durant lavisite et qu’elle lui greffe par la suite, mais en très faible proportion, un oudeux autres thèmes. Cela représente un type extrême. À l’autre extrémité setrouve la personne qui aborde tous les thèmes sans exception. Somme toute,il apparaît qu’en général la contextualisation est réalisée à partir de plusieursthèmes dont la répartition semble relever d’un choix du visiteur selon sespréoccupations et son style cognitif.

Ces résultats suscitent une réflexion méthodologique. L’observation d’unprocessus comme celui de la construction du sens pose une difficultéparticulière du fait qu’elle repose sur ce que les sujets peuvent et acceptentde livrer de leurs pensées et de leurs sentiments. De plus, le jugement qu’ilsportent sur la pertinence et la valeur de leurs pensées pour la recherche àlaquelle ils participent limite le matériel qu’ils livrent. Une cueillette dedonnées en trois parties et le recours à des techniques différentes (accom-pagnement silencieux, utilisation d’un instrument projectif, entretien semi-structuré), se sont avérés un choix judicieux. Nos résultats confirmentl’importance de procéder de cette manière. Nous croyons que le chercheurne devrait pas se fier uniquement aux réponses que fournit le visiteurlorsqu’il est soumis à un questionnaire d’enquête à sa sortie du musée, ou àla seule observation des faits et gestes de ce dernier, parce que certainsaspects de son expérience demandent, pour être révélés, une mise en confi-ance, des circonstances favorables (intimité, disponibilité) et la possibilité des’exprimer par voie indirecte (instrument projectif). La valeur de cetteméthode réside non seulement dans le fait qu’elle permet de recueillir desinformations plus complètes, plus détaillées et plus variées que celles qu’onaurait pu obtenir en n’utilisant qu’une seule de ces techniques, mais égale-ment dans le fait qu’elle fournit un meilleur aperçu de ce qui se passeréellement au cours de la visite, en favorisant, chez le visiteur, la mise aujour d’aspects parfois très intimes de son expérience et délicats à exprimer.

Une remarque équivalente pourrait être faite sur la méthode d’analyse desdonnées. Une mesure quantitative permet de déceler des tendances, maisnous avons vu que la valeur de certains thèmes de la contextualisation(ambiance, aura émotionnelle, symbolisme, comparaison de contextes) résidedans leur rayonnement, leur intensité et leur profondeur. Une mesurepurement quantitative (fréquence d’apparition) ne saurait donc rendre justiceà ces thèmes, ni en indiquer la véritable portée dans le processus de contex-tualisation.

CONCLUSION

La quantité et la diversité des thèmes décelés dans la démarche des visiteursont permis de nuancer et d’élargir la vision par trop focalisée que plusieursauteurs avaient développée du phénomène de construction du sens. On serend compte qu’en mettant l’accent sur un seul thème (valeurs d’utilisation,structure dramatique) et en concluant que ce thème constitue le noyau

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central de la contextualisation ou sa forme naturelle, la complexité duphénomène étudié s’en trouve considérablement réduite, et, du même coup,on en perd la richesse et on n’aboutit qu’à une compréhension partielle.

Par ailleurs, nos résultats mettent en lumière une réalité qui contredit laposition de certains auteurs. En premier lieu, la position qui affirme qu’unexhibit est éducatif en autant qu’il transmet un message clair, précis, saisi etretenu par un public défini (Screven, 1974; Shettel, 1973). L’idéal serait,selon ces auteurs, de partir d’objectifs bien définis, afin de couper court àl’ambiguïté. Cette position peut être rassurante pour le muséologue, car s’ilse fixe des objectifs précis, il peut prétendre ensuite pouvoir effectuer desévaluations apparemment objectives de l’impact de son action sur le visiteur.Nos résultats permettent de croire que c’est là une vision assez étroite et fortlimitée de l’expérience du visiteur et des bénéfices qu’il peut tirer de savisite au musée. Avec une telle vision, le risque est grand de passer à côtéde ce qui compte réellement pour le visiteur dans son contact avec l’objet.En second lieu, on conçoit généralement la visite au musée comme unecommunication entre le muséologue (émetteur d’un message) et le visiteur(récepteur du message) (Borun & Miller, 1980; Cameron, 1967; Screven,1969; Scrutton, 1969; Shettel, 1973). Or, nos résultats montrent que cetteperception n’est pas partagée par les visiteurs: même si les intentions et lesobjectifs des exhibits ne sont pas clairement définis, même si le sujetdemeure seul face à l’objet, il peut se passer beaucoup de choses à traversce contact et on peut penser, vu la diversité des thèmes abordés, que lesbénéfices que le visiteur retire de son expérience ne se réduisent pas à unseul aspect, celui d’une augmentation d’un savoir théorique sur l’objet.

Nos résultats s’opposent également à une position extrême, que l’onretrouve dans la nouvelle muséologie, et qui propose la désacralisation del’objet muséal par l’archivage systématique (Deloche, 1985). Cette approchequi se veut hautement objective, en privant l’individu de l’objet pour ne luilivrer que des informations choisies sur celui-ci, aseptise la démarche duvisiteur de toutes résonances subjectives, et indique une volonté de contrôlerl’expérience du visiteur. Cette position comporte un danger majeur: ellerisque de ne livrer de l’objet que des aspects dont on ne sait pas s’ils ont unsens véritable pour la personne. Or nous croyons pouvoir dire de la signifi-cation qui résulte de la contextualisation de l’objet ce que Chevalier etGheerbrant (1982) disent à propos du symbole: elle “n’est pas simplephotographie d’une realité toute extérieure, [elle] est convergence d’affecti-vité, communication vibratoire” (p. xxii). Quelques réflexions livrées par nossujets sont révélatrices:

“C’est comme si les choses passaient toujours à travers soi.”“Ça me parle davantage parce que je me projette là-dedans.”“Ça me fait quelque chose parce que j’ai l’impression qu’il y a une partiede moi dans ça.”

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Ces exemples, joints aux résultats exposés, illustrent le besoin de l’indi-vidu de faire sa propre expérience du contact avec l’objet et non de saisiruniquement ce que d’autres ont perçu et jugé pertinent ou de grande valeurpour lui.

L’intérêt d’une démarche comme la nôtre est de préciser les anglesd’attaque d’un domaine peu exploré dans le milieu que nous avons choisi,celui des musées. Nos résultats suggèrent plusieurs pistes intéressantes pourdes recherches futures. Par exemple, les thèmes de la contextualisationsont-ils les mêmes, quelles que soient les circonstances de la visite et le typede musées? Devant des présentations d’objets différentes, les thèmes de lacontextualisation sont-ils les mêmes et les accents portent-ils sur les mêmesaspects?

RÉFÉRENCES

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L’adresse d’Estelle Chamberland est la suivante: Faculté des sciences del’éducation, Université de Montréal, case postale 6128, succursale A, Montréal(Québec) H3C 3J7.

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Une visite guidée par les pairsdans le Vieux Montréal*

André Lefebvreuniversité de montréal

Un avis au Ministre de l’Éducation du Québec souligne l’importance des res-sources éducatives qui ne sont pas des institutions d’enseignement. Les ensei-gnants du primaire et du secondaire peuvent sensibiliser la population jeune auxpossibilités offertes par ces ressources. Encore faut-il qu’ils les saisissent bien.Une façon d’y arriver est qu’ils en deviennent les utilisateurs. L’expérience a ététentée à l’intérieur d’un séminaire de maîtrise. Les enseignants-participants ontexploré le monde muséal. Ils parlent ici de l’intérêt qu’a suscité chez eux lavisite du Vieux Montréal dont ils ont été les guides. Ils disent combien ils ontappris ainsi et ce qu’ils ont appris. Ils parlent de l’insécurité qu’ils ont éprouvéecomme guides et montrent comment l’atmosphère s’est détendue au cours de lajournée. Ils décrivent le rôle de la personne-ressource.

A recent document from the Quebec Ministry of Education emphasized theimportance of educational resources outside the school. Elementary and second-ary teachers must know such resources well if they are in turn to persuade youngpersons of their value. As part of a Master’s degree seminar, teacher-participantsexplored the world of museums, then gave guided tours of Old Montréal. Herethey tell how much they learned by doing so; they also describe the insecuritythey initially felt and how their feelings changed during the day. Finally, theyanalyze the role of resource-person.

LE COURS ÉDUCATION ET RESSOURCES COMMUNAUTAIRES

En 1986, le Conseil supérieur de l’Éducation du Québec adoptait un avis auMinistre intitulé Les nouveaux lieux éducatifs, avis qui ne devait toutefoispas paraître avant 1987. Il explique:

*Cette recherche a été rendue possible grâce à des subventions du Fonds pour laformation de chercheurs et l’aide à la recherche du Québec et du Conseil derecherches en sciences humaines du Canada.

313 REVUE CANADIENNE DE L’ÉDUCATION 16:3 (1991)

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314 ANDRÉ LEFEBVRE

Dans quelque sphère que ce soit, la participation des personnes à la vie commu-nautaire et sociale, dans une société démocratique, repose sur l’information. Elleréclame aussi la formation et le perfectionnement d’habiletés particulières et elleexige l’acceptation d’un certain nombre de valeurs. Un tel bagage n’est pas inné;dans certaines formes de société, il se transmet et s’acquiert uniquement parl’imitation, l’exemple et l’expérience. Mise à part la socialisation des personnes,qui se réalise régulièrement selon ces processus, c’est-à-dire d’une manièrelargement inconsciente et informelle, tous les autres éléments nécessaires à la viedans une société complexe s’acquièrent selon des modes et en des lieux précis,généralement en certaines périodes particulières de l’existence. Il y faut deséquipements et des méthodes adaptés à la nature des savoirs à transmettre et auxcapacités individuelles des sujets. À cette fin, le regroupement des ressourceshumaines et matérielles requises a pris forme dans l’institution scolaire et c’estsur la période de jeunesse que se sont concentrés les efforts d’éducation de lasociété. Tous les besoins n’ont pas été satisfaits pour autant, car en même tempsd’autres sources éducatives sont apparues, ou certaines déjà en place ont adaptéou ont modifié leurs objectifs et leurs moyens d’action, le tout pour répondre auxattentes qui ne pouvaient être satisfaites par l’école. (Conseil supérieur del’Éducation, 1987, p. 1.)

Le Conseil évoque ‘‘l’importance du réservoir de ressources éducativesdisponibles au Québec dans de nombreuses institutions ou organisations,publiques ou privées, en dehors du système d’enseignement’’ (p. 1). Cesinstitutions ou organisations, il les regroupe dans les ‘‘quatre sphères où seconcentrent principalement les activités humaines: 1. la sphère sociocul-turelle, 2. la sphère sociopolitique, 3. la sphère économique, 4. la sphère descommunications’’ (p. 4.).

Les nouveaux lieux éducatifs du Conseil supérieur sont-ils vraimentnouveaux? Le seraient-ils parce qu’on viendrait seulement de songer à lesutiliser en l’éducation? Mais on les utilise naturellement depuis toujours, etMonsieur Jourdain a parlé en prose avant de savoir que prose il y avait. Leseraient-ils parce qu’on viendrait seulement de songer à les utiliser à l’école?Mes maîtres d’autrefois, avant la Réforme de l’éducation, au temps de lagrande noirceur, eux qui n’avaient pas bénéficié des prestigieuses sciencesde l’éducation, ni même, souvent, de la pauvre école normale, je peux entémoigner, les utilisaient autant que possible. Et l’on sait de reste que lesnouveaux lieux éducatifs du Conseil font partie depuis toujours des moyenspédagogiques mis de l’avant à toutes les époques par les tenants du courantpédagogique qu’on fait remonter à Socrate. Je n’en veux pour preuve quel’exploitation du bureau de poste suggérée, je ne me souviens plus où, parl’éminent Roger Cousinet.

Loin de moi, toutefois, l’idée de reprocher au Conseil de découvrir aprèstout le monde les lieux d’éducation et d’enseignement qui existent en dehorsde l’école. Si ces lieux font partie depuis toujours de la pratique pédago-gique au Québec, si la formation des maîtres, au Québec, aussi bien dans lesécoles normales que dans les facultés et départements des sciences del’éducation de nos universités,—je puis l’attester ayant oeuvré dans les deux

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UNE VISITE GUIDÉE PAR LES PAIRS 315

types d’institutions au cours des trente-cinq dernières années,—il est vraiqu’on vient à peine de les institutionnaliser à l’Université de Montréal dansle cours Éducation et ressources communautaires de la maîtrise profession-nelle de ma faculté. Ce cours, dont j’ai proposé la création, est cependantantérieur à l’Avis du Conseil, puisque je le fais depuis l’automne de 1985.

Le cours Éducation et ressources communautaires a été conçu selonl’optique même qui allait inspirer le Conseil supérieur de l’Éducation, qui

1. rappelle que la mission éducative de la société déborde largement lescadres de l’institution scolaire et trouve dans un nombre croissant delieux des voies valables d’approfondissement et de diffusion;

2. attire l’attention des éducateurs des établissements scolaires sur l’op-portunité et la nécessité de mettre à profit le potentiel des lieux nonscolaires de formation dans le cheminement éducatif des citoyens, jeuneset adultes;

3. recommande aux établissements d’enseignement d’accroître leurcollaboration avec les autres lieux de formation en particulier par l’accèsréciproque à leurs ressources respectives;

4. recommande aux éducateurs d’intégrer l’initiation aux langages desmédias comme un élément de formation de base, dont l’objectif est lacompréhension et l’utilisation critique de ces moyens partout présents.(Conseil supérieur de l’Éducation, p. 4)

Le cours Éducation et ressources communautaires, toutefois, comme il estnormal, poursuit ces fins en les appliquant au travail même de l’enseignant.Le plan de cours explique:

Le cours prend pour acquis que la classe, à tous les niveaux et dans toutes lesdisciplines, doit être le point de départ et d’arrivée des explorations de l’élèvedans l’espace et le temps, explorations au cours desquelles il s’approprie lemonde et ses richesses dans un incessant va-et-vient entre l’ici et l’ailleurs, entrel’aujourd’hui, le demain et l’autrefois.

Le cours porte tout spécialement sur les ressources communautaires (sur lesbiens culturels tout particulièrement) dont peut se servir l’élève dans ses explora-tions. Ces ressources sont nombreuses et variées. Elles peuvent être d’ordrehistorique ou géographique; d’ordre politique, économique ou culturel. Il peuts’agir du quartier ou de la ville, du village ou de la campagne; de sites oud’immeubles; d’églises, de théâtres, de maisons de la culture, d’écoles ou demusées. Dans le cas des musées, il peut s’agir de musées historiques (d’histoire,d’archéologie, d’anthropologie, d’ethnographie), de musées de sciences et detechnologie (les planétariums et les observatoires en sont), de musées de la vieanimale ou végétale (aquariums, jardins botaniques, arboretums, serres).

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316 ANDRÉ LEFEBVRE

Cette notion de ressources communautaires est à peine moins compré-hensive que celle de lieux éducatifs, sans toutefois avoir l’extension de ladéfinition de la chose muséale que j’élaborais pour le colloque Musée etéducation tenu à l’Université du Québec à Montréal à l’automne de 1985(Lefebvre, 1986). Même alors, pourtant, je croyais déborder à peine lacatégorisation des musées de Statistiques Canada (1979):

Dans les tableaux, la catégorie des musées historiques comprend les muséesd’histoire, d’archéologie, d’anthropologie et d’ethnographie. Les musées desciences et de technologie désignent outre les établissements qui portent ce nom,les planétariums et les observatoires. Quant aux aquariums, aux jardins zoolo-giques, aux jardins botaniques, aux arboretums et aux serres, ils font partie desmusées de vie animale et végétale. Les bâtiments et lieux historiques restauréssont classés parmi les restaurations. Enfin, les parcs ou centres naturels ont étépris en compte dans la catégorie ‘‘autres établissements.’’

Dans les graphiques, les établissements ont été regroupés selon des catégoriesplus générales à titre indicatif. Les musées d’intérêt historique désignent lesbâtiments ou lieux historiques restaurés, les musées généraux, les muséesd’intérêt local et les musées historiques proprement dits. Les musées de scienceet de technologie ainsi que les musées de vie animale et végétale forment uneseule catégorie et les ‘‘autres établissements’’ comprennent les archives. (p. 5)

Le cours Éducation et ressources communautaires est devenu un labora-toire privilégié pour le Groupe de recherche sur l’adulte et les lieux muséauxde l’Université de Montréal. Plusieurs projets ont été réalisés dans ce courset ont même donné lieu à des publications (Lefebvre, H., 1988). Personnel-lement, je m’emploie actuellement à dégager des comptes rendus des visitesréalisées durant ce cours une sorte de portrait de l’enseignant visiteur delieux muséaux, et c’est la partie de cette étude concernant la visite guidéepar les pairs avec personne-ressource que je présente ici.

Mais d’abord, quelle est la clientèle du cours Éducation et ressourcescommunautaires? Donné à cinq reprises jusqu’à présent, le cours a compté56 participants âgés de 25 à 55 ans environ. Ces enseignants appartiennentà tous les ordres du système d’enseignement, au primaire même et aussi aupréscolaire, au collégial encore et même à l’enseignement supérieur, s’ilssont surtout du secondaire. Du secondaire et du collégial, ils sont aussi biendu secteur professionnel que du secteur général, et ils représentent toutes lesdisciplines.

Chaque groupe a visité 5, 6 ou 7 lieux muséaux. En tout, 20 lieux l’ontété:

–L’Oratoire St-Joseph et le Vieux Montréal;–L’Atelier d’histoire Hochelaga-Maisonneuve et le Centre d’histoire de

Montréal;–Le Jardin botanique et le Parc archéologique de Pointe-du-Buisson (à

Melocheville);–La salle de muséologie Marius-Barbeau du Département d’anthropologie

de l’Université de Montréal et la Maison de la culture de Notre-Dame deGrâce;

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UNE VISITE GUIDÉE PAR LES PAIRS 317

–La Maison de Mère Youville, la Maison de George-Etienne Cartier;–Le Château Ramesay et le Château Dufresne;–L’archibus du Musée des beaux-arts de Montréal et la Salle des décou-

vertes de l’École Westmount Park;–Le Musée des beaux-arts de Montréal, le Musée McCord d’histoire

canadienne, le Musée d’histoire David-M. Stewart, le Musée d’histoirenaturelle Georges-Préfontaine et le Musée Marie-Rose Durocher des Soeursdes Saints-Noms-de-Jésus-et-de-Marie.

Le Vieux Montréal a été visité à quatre reprises, le Musée des beaux-artset le musée Georges-Préfontaine, à trois reprises, et le Musée David-M.Stewart, à deux reprises.

Les visites effectuées par les participants sont de plusieurs types: visiteguidée par un guide professionnel, visite guidée par les pairs avec la partici-pation d’une personne-ressource, visite avec audio-guide, visite libre avec ousans personne-ressource.

Les participants ont rédigé des comptes rendus de visites, chacun commeil l’entendait. Aucune directive particulière n’a été donnée sur la façon de lefaire. À diverses reprises, des participants ont demandé des consignesprécises, demande qui est toujours restée sans réponse.

Une grille d’analyse a été développée et chacun des comptes rendus a étéanalysé suivant les principes de l’analyse de contenu. Il ne saurait êtrequestion de présenter ici l’ensemble des résultats de cette analyse. Nous n’enverrons que ceux qui ont le rapport le plus étroit avec la formation deséducateurs. J’ai cru qu’une présentation où je laisserais parler ces derniersserait plus éloquente qu’une présentation traditionnelle. J’ai tenté de limiterle plus possible mon intervention, me bornant la plupart du temps à intro-duire des témoignages que j’ai regroupés sous 16 thèmes. Ces témoignagessont si riches, les gestes posés sont si souvent expliqués par leurs auteurs etceux-ci ont une si grande intuition de leurs effets qu’il me semblait superflude proposer mes propres interprétations.

DONNÉES DÉGAGÉES DE L’ÉTUDE DES COMPTES RENDUSDE LA VISITE DU VIEUX MONTRÉAL

La visite du Vieux Montréal commence à neuf heures du matin pour seterminer à quatre heures de l’après-midi. Elle se fait à pied et elle est guidéepar les étudiants avec l’assistance du professeur jouant le rôle de personne-ressource.

La visite, occasion de participation active

Sur le plan de l’activité personnelle, on compare la visite du Vieux Montréalà une autre visite, celle du Musée des beaux-arts, que l’on a faite avec unguide professionnel.

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318 ANDRÉ LEFEBVRE

–La visite du Vieux Montréal se caractérisait par une participation activede la part du groupe, contrairement au rôle passif que nous avions tenu lorsde la visite du Musée des beaux-arts.

En quoi la visite du Vieux Montréal est-elle active?–La participation à la visite du Vieux Montréal fut active dans le sens

que chaque membre du groupe devait présenter un site. Cela permettait àchacun d’être à la fois animateur et observateur. Chaque participant faitconnaître d’une façon originale une partie du Vieux Montréal et augmentesa connaissance des autres parties.

Actif, on est davantage intéressé par la visite du Vieux Montréal que parcelle du Musée des beaux-arts.

–La formule adoptée pour effectuer la visite du Vieux Montréal, à monavis, était beaucoup plus valable en ce qui concerne l’apprentissage que lavisite guidée du Musée des beaux-arts, parce que nous avons eu une partactive dans son déroulement. Cette formule a suscité beaucoup d’intérêt.

–J’ai beaucoup aimé la façon de cheminer dans la découverte du quartier,chacun ayant une partie du terrain à couvrir. Je pense que cela a suscitél’intérêt de tous et chacun. Sur le plan didactique, c’est une méthode que jeretiens, car elle permet une visite plus vivante et dynamique que la tradition-nelle visite guidée pour touristes.

Cet intérêt, justement, doit beaucoup au fait que chacun est impliquépersonnellement.

–Responsable de la présentation d’un site, chacun a dû effectuer untravail de recherche. Le fait d’avoir à présenter un site a accru ma moti-vation. J’étais directement impliquée.

On le voit, on est impliqué du fait de devoir se préparer à présenter unsite.

–La présentation d’un lieu en particulier que nous devions faire nous aobligés à faire une petite recherche.

On est même impliqué du seul fait qu’il faut marcher, et toute unejournée.

–Bien sûr, le fait que j’aie eu à préparer et à présenter un site me forçaitdéjà à m’impliquer dans la visite, mais il y avait aussi que j’étais trèsimpliquée physiquement.

La variété des présentations comme élément dynamique

Chaque présentation, forcément, est personnelle.–Le fait que nous étions guides à tour de rôle a conféré à la visite un

petit côté personnel.

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UNE VISITE GUIDÉE PAR LES PAIRS 319

On s’y attend.–J’attendais du groupe une recherche bien documentée et une présentation

originale.

D’ailleurs, on peut être d’autant plus original qu’on est libre de fairecomme bon nous semble.

–Très peu d’informations nous ont été données concernant les modalitésde présentation du site. Nous avions comme seul document la brochurepubliée par la Ville de Montréal: Montréal. Le Vieux Montréal à pied. Nousavions donc pleine liberté d’action. Cela me plaisait beaucoup, car je sentaisque je pouvais mettre dans mon exposé la dose d’originalité nécessaire pourle rendre intéressant. Trop de consignes auraient rendu la visite monotone.

Une telle liberté, évidemment, comporte des risques, mais qui valent lapeine d’être courus.

–Il est vrai que le manque d’encadrement peut provoquer l’insécurité, et,dans certaines circonstances, le désordre. Dans notre cas, cela aura permis àchacun d’agir en toute liberté et d’orienter ses recherches selon ses intérêts.Les présentations en étaient d’autant plus personnalisées. Un cadre troprigide ne risque-t-il pas de diminuer l’intérêt, le désir de se dépasser?

Des présentations marquées au coin de la personnalité du présentateur nepeuvent qu’être très diverses.

–J’ai bien apprécié la participation de tous les membres du groupe. Celaa permis des approches variées. Entre autres, j’ai bien aimé le petit guidepréparé par Odette, l’exposé de Louise sur la vie de tous les jours auChâteau Ramesay à l’époque du gouverneur, la documentation supplémen-taire apportée par Sylvia, l’album de photos d’autrefois que nous montraRobert, la carte de Montréal au XVIIIe siècle qu’arborait Hélène.

Le tout, partant, doit être pittoresque.–La diversité des exposés rendait la visite très colorée.

Par suite, la variété des présentations entraîne la variété des réactions.–C’est étonnant la variété des approches adoptées, celle des commentaires

provoqués, des émotions ressenties.

La variété, l’originalité des présentations sont de nature à soutenir l’atten-tion, à renouveler l’intérêt.

–L’originalité de la présentation du guide improvisé polarise mon atten-tion et soutient la démarche du groupe, émerveillé de voir comment chacunsait se tirer d’affaire.

–Voici une façon très originale de visiter un quartier. Chacun, à tour derôle, agit comme guide et nous entretient sur un site. C’est plus intéressantqu’une visite guidée par un guide professionnel, car chacun, avec sa person-

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320 ANDRÉ LEFEBVRE

nalité propre, ajoute aux renseignements une note personnelle qui fait quel’intérêt de tous est sans cesse stimulé.

L’attention, l’intérêt sont aussi fonction de l’émulation, d’une certainerivalité même.

–Chacun devant s’impliquer, se crée une sorte de ‘‘challenge,’’ chacuncherchant à faire de son mieux.

Mais les présentations sont-elles toutes aussi stimulantes, indépendammentdu site? Les opinions varient.

–Les différents guides ont capté mon attention et maintenu mon intérêttout au long du parcours.

–Certains exposés m’ont paru plus intéressants que d’autres, et cet intérêtn’était pas conséquence du site présenté, mais de l’animateur et de ce qu’ilavait préparé sur son site.

L’apprentissage et ses modalités

Actif, intéressé, on apprend, c’est forcé, du moins si la pédagogie ne mentpas.

–L’idée d’utiliser nos talents de guide m’a beaucoup plu. J’ai apprisénormément de choses au cours de la visite.

On apprend beaucoup parce qu’on s’est bien préparé.–J’ai eu l’impression d’apprendre plus de choses lors de la visite du

Vieux Montréal qu’ailleurs parce que je m’y étais bien préparée. J’avaismême lu une histoire de Montréal durant la semaine précédant la visite.

On apprend beaucoup aussi parce que tous vivent la même aventure dansl’ordre du savoir.

–J’ai appris bien des choses malgré la chaleur. Pourquoi? Peut-être parcequ’il est agréable d’apprendre avec des gens qui partagent les mêmesintérêts que nous.

–I was always very keen about Old Montreal, but this visit has left mefour times more keen. I now understand four times more what Old Montrealis all about. I had participated in very informative tours of Old Montreal,this one had a very special flavour. I felt the whole group was one and wehad one aim; that is to find out as much as possible about the Old Montrealcommunity. It is incredible how a professor can create such a beautiful pieceof art work. I could not help observing and reflecting on some of his morediscrete behaviours.

Tout en marchant d’un site à l’autre, on apprend les uns des autres.–Nous marchons par deux, par trois. Les commentaires des uns et des

autres sont presque tous intéressants. Quels échanges! Que d’échangesenrichissants!

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UNE VISITE GUIDÉE PAR LES PAIRS 321

Justement, on apprend les uns des autres, et non pas seulement du présen-tateur.

–Cette visite a pris l’allure d’une rencontre à plusieurs, d’un échange deconnaissances. Nous devenions tous des personnes-ressources.

–Chacun veut faire connaître aux autres quelque chose du Vieux Mon-tréal, d’où vient que l’intérêt pour cette visite est très grand.

Tout en marchant, on apprend même d’un guide des choses dont il n’apas parlé dans sa présentation.

–Tout au long du parcours, j’ai parlé avec différentes personnes qui m’ontapporté des informations complémentaires à leurs exposés. Par exemple,Hélène m’a parlé du livre qu’elle a commencé à lire sur l’histoire deMontréal.

On apprend comme malgré soi.–Dans un cadre informel et non directif, j’ai appris sans m’en rendre

compte.

L’atmosphère de détente propre au type de visite favorise l’assimilationdes connaissances.

–J’adore ce genre de visite, parce que nous apprenons tout en relaxant.–Mon intérêt est très soutenu, car je dois surveiller les informations qui

fusent de toutes parts. Dans une atmosphère de détente, j’enregistre assezfacilement plusieurs notions qui m’étaient jusqu’alors inconnues.

–Il y a aussi le climat de confiance qui s’installe peu à peu entre nous.

Ah! le plaisir de s’instruire pour instruire!–Quelle belle journée, et combien enrichissante! Toutefois, ce qui m’a le

plus emballée, c’est la préparation des deux sites qui m’étaient assignés. Jesuis passée des dizaines de fois par la Place Jacques-Cartier, et jamais je nel’ai vue comme maintenant. J’ai visité seule mes deux sites. À plusieursreprises, j’ai fouillé dans des livres pour les connaître mieux. Quand jeretournerai dans le Vieux Montréal, ce sera avec un regard différent que jeverrai le quartier, les rues, les édifices qui ont tant à raconter.

Et on apprend d’autant mieux que chacun a plaisir à apprendre quelquechose aux autres, mes enseignants le savent, qui donnent une chance à leursélèves de s’entre-instruire.

–Je me promets de revivre cette expérience avec des amis, et, je l’espère,avec des élèves, et en reprenant la même recette, afin que chacun ait la joied’apprendre quelque chose aux autres. C’est très important pour moi, en tantqu’élève, d’apporter quelque chose au groupe. D’ailleurs, de plus en plus, entant qu’enseignante, j’essaie d’impliquer les élèves afin de garder en éveilleur intérêt, leur goût d’apprendre.

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Au fait, apprend-on mieux de ses pairs que des guides professionnels, quine sont jamais nos pairs? Ah! oui, je me le rappelle: ‘‘Demande à Pierre det’expliquer cela,’’ disait l’instituteur à Paul dans le temps, constatant sonéchec et à bout de patience. Combien de Paul ont alors compris, qui . . . ?Ah! les discours que tiennent des élèves à d’autres élèves, leurs contempo-rains, usant du vocabulaire de leur génération, utilisant des exemplesempruntés au monde qui est le leur !

–La visite guidée par des pairs me semble des plus intéressantes, mêmesi elle risque d’être moins ‘‘scientifique’’ (entre guillemets) que celle guidéepar un professionnel, parce qu’il n’y a pas de décalage entre le guideimprovisé et le visiteur et qu’elle engage davantage les sentiments desparticipants, qui doivent forcément s’impliquer.

Le groupe, on en est persuadé, favorise l’apprentissage.–Je constate que les contacts avec les gens constituent un élément favo-

rable à mon apprentissage, soit par les informations qu’on acquiert, soitmême seulement par l’atmosphère qui règne.

–Cette attitude positive face au groupe influence sûrement ma perceptiond’une activité qui, normalement, ne fait pas partie de mes choix de sorties.J’ai trouvé accessible, et même agréable, le contenu historique de la visite.

Quelqu’un, reprenant des éléments déjà relevés (préparation personnelle,variété des présentations, atmosphère de détente, motivation, émulation)explique avec un bonheur certain le haut niveau d’apprentissage atteint aucours de la visite.

–Selon ce que j’ai pu vivre, je crois que l’auto-animation permet unemeilleure assimilation du savoir, et ceci pour plusieurs raisons. Première-ment, afin d’être en mesure de donner le maximum d’informations auxcamarades, chacun se doit de se documenter et d’effectuer les recherchesnécessaires pour ce faire. De plus, la variété des styles d’animation faitqu’on ne s’ennuie pas, contrairement à ce qui arrive quand il n’y a qu’unseul et même guide. Il y a aussi que, dans ce genre de visite, l’orgueilaidant, chacun voulant faire mieux que l’autre, permet d’obtenir des rensei-gnements d’une haute qualité.

Utilisant plusieurs éléments évoqués par le témoin précédent, quelqu’und’autre, d’une tout autre manière, tente son explication du riche apprentis-sage réalisé par le groupe dans le Vieux Montréal.

–Il faut dire que je n’étais pas tant intéressée par la matière que par ledéroulement général de la visite. J’ai trouvé la formule très sympathique.J’étais curieuse de voir comment les autres se présenteraient et s’expri-meraient. Ceci permettait de connaître certains traits de caractère comme lapersonnalité de chacun. Le caractère très personnalisé de la visite toutempreinte de camaraderie, cela ne fait aucun doute pour moi, est un facteurde motivation et d’apprentissage des plus importants.

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UNE VISITE GUIDÉE PAR LES PAIRS 323

Les liens réalisés, leur origine et leur fonction

Ainsi, tout en marchant, on apprend à établir des liens entre les sites.Établissant des liens entre les différents sites, on en arrive à apercevoir untout.

–En tant qu’expert, le guide nous fait remarquer des éléments nouveauxpour nous. Il nous aide et son exposé est porteur d’une interprétationhistorique. Établissant des liens entre les différents sites, il nous amène àpercevoir peu à peu un tout.

On apprend aussi à établir des liens entre les sites et les acteurs del’histoire.

–Les exposés et les commentaires m’ont permis d’établir des liens entreles différents sites et les personnages qui y ont vécu, qui les ont animés dansle passé.

On apprend à établir des liens entre les divers sites et les faits historiques.–Comme le faisait remarquer un membre du groupe, parce que nous nous

étions préalablement documentés, il nous était plus facile de relier les sitesavec les événements de l’histoire. D’ailleurs, quand on est quelque peusensibilisé à un sujet, on apprend beaucoup mieux.

On ressuscite le passé, selon l’ambition de Michelet, en évoquant lesancêtres dans les lieux où ils ont vécu!

–L’observation de ce quartier historique appuyée par les courts exposésde nos camarades a fait resurgir des personnages qu’une présentationlivresque en classe ne serait pas parvenue à nous faire apparaître.

Mais le passé ainsi ressuscité peut être très récent, qui surgit grâce à unacteur d’à peine trente ans qui fait partie du groupe.

–Ce qui fut très apprécié, c’est qu’une certaine personne du groupe(Carole) a déjà habité le quartier, est allée à l’école dans ce bâtiment qui neloge plus d’école. Quels commentaires intéressants! Que d’anecdotespalpitantes! Mais la fille, je l’ai peut-être vue jouant dans la cour de récréa-tion sous les fenêtres de grand-mère.

Ces gens qui ne sont pas passés par un département d’histoire réussissentpourtant à parler de témoignage oral et de documentation vivante.

–Un autre élément qui m’a conquise, c’est la redécouverte de l’inesti-mable document oral: c’est la documentation vivante. Notre camaradeCarole nous en a donné un fameux exemple.

Les difficultés du rôle de guide ponctuel

Et la journée passe si vite à ainsi apprendre.–Le temps de la visite (toute une journée) nous a paru plus court que les

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deux heures passées au Musée des beaux-arts, car, dans le Vieux Montréal,chacun était actif, présent de corps et d’esprit. On avait hâte de vérifier surplace ce qu’on avait lu. Parce que nous étions intéressés, le temps filait, etaucune lassitude.

Ce n’est pas que la tâche soit facile.–Être guide semble une tâche pénible à accomplir. Je n’ai pas hâte de

vivre une telle expérience.

Comme le maître qui a le trac parce qu’il débute dans la profession, parceque l’année commence, se prépare pour sa première leçon comme si elledevait durer tout un jour, l’apprenti guide se tue à préparer la présentationde son site.

–Se produire en public est souvent une épreuve insécurisante pour quimanque de confiance en soi. C’est peut-être justement pour vaincre cetteinsécurité que nous avons tous travaillé très fort pour préparer notre présen-tation.

Même tremblant, on est fier de s’exécuter.–Nous étions chacun le petit spécialiste de quelque chose, et j’ai cru

percevoir que, malgré la nervosité, la plupart d’entre nous étions bien fiersde divulguer le résultat de nos recherches.

Au cours de la matinée, chacun n’en est pas moins dans ses petits sou-liers.

–Le matin, nous sentions tous (en supposant que tous ressentaient lamême chose que moi) une certaine inquiétude quant à la valeur des re-cherches auxquelles nous nous étions livrés, quant au déroulement même del’activité. Ceci, selon moi toujours, a fait que chacun se sentait solidaire desautres. Ainsi, au début au moins, il n’était pas difficile d’obtenir l’attentionde tous, car chacun était désireux de savoir comment les autres allaient sedébrouiller, si ce que chacun avait préparé se comparait avantageusementavec ce qu’avaient fait les autres. Mais, au fur et à mesure que l’avant-midiavançait, l’atmosphère se détendait, se réchauffait (ce qu’on ne peut pas direde nos mains et de nos pieds).

On peut voir les choses en plus sombre.–Au cours de l’avant-midi, les guides semblaient très nerveux. Il régnait

une grande tension que l’on pourrait attribuer à une certaine crainte d’êtremal jugé.

–La visite du matin m’a laissé une impression de malaise général. Uncours magistral donné en plein air: on pourrait qualifier ainsi l’avant-midi.Vu l’atmosphère, je craignais le moment où je serais en vedette tout enayant très hâte de faire mon exposé. J’étais donc très tendue, très nerveuseau moment de présenter la petite rue Saint-Vincent. J’avais l’impression

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UNE VISITE GUIDÉE PAR LES PAIRS 325

d’être devant des robots qui jugeaient ma façon de présenter le site plutôtque la valeur des renseignements que je donnais.

Dès le début de la journée toutefois, on est dans le jeu, car c’en est un, eton cherche, et on apprend.

–Par un temps plutôt inclément, le groupe se rend à la Place d’Armes, oùs’exécute notre première guide. La nervosité est grande, mais une sorted’état de grâce se développe peu à peu. Chacun s’efforce d’observer,d’apercevoir les choses dont parle la guide. Des camarades complètentl’information reçue: identification d’institutions, de styles architecturaux, desculptures; contexte historique.

Mais l’heure du lunch est vraiment le point tournant de la journée.–Le dîner est venu rendre cette visite plus ‘‘humaine.’’

Après le déjeuner, la visite s’effectue avec moins de formalisme, plus denaturel.

–L’après-midi, on pouvait observer une certaine détente du groupe. Toutle groupe participait activement à la présentation des camarades, dont lesexposés, souvent, furent ainsi enrichis.

–Après le dîner, l’atmosphère s’est détendue. Chacun y allait de son petitcommentaire. J’avais plus envie d’échanger mes impressions sur ce que jevoyais et vivais que de suivre la visite religieusement comme je l’avais faitle matin. C’était moins scolaire et le groupe était plus indiscipliné.

–La glace est brisée. On rit, on parle; on écoute tout de même. Le fait depasser la journée ensemble nous lie, journée pleine d’amitié. Je pense que cequi rapproche ainsi les gens, c’est le but commun.

Et plus on est à l’aise dans le groupe, plus la visite est fructueuse.–Dans le Vieux Montréal, la dynamique du groupe a été pour beaucoup

dans le succès de notre visite. Chacun a perdu un peu de ses inhibitions eton était plus à l’aise les uns avec les autres.

Et plus d’un, sinon tous, ont adoré être guides.–J’ai aimé jouer le rôle de guide, mais j’avais senti le besoin d’être bien

préparée avant de me présenter devant le groupe.

Reprenant des éléments déjà relevés (styles de présentation, personnalitédu guide, aptitudes de la personne et de l’enseignant), quelqu’un essaied’expliquer pourquoi les guides ont formé une équipe exceptionnelle.

–L’information transmise par les divers guides le fut sous diverses formesexprimant la personnalité de chacun. Chacun, avec ses aptitudes personnelleset professionnelles, à mon avis, a su allier son rôle de pédagogue soucieuxde bien transmettre l’information à celui d’animateur.

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Le rôle de la personne-ressource

Quant au professeur jouant le rôle de personne-ressource, il aurait rassuréchacun, complété l’information fournie par tous.

–The fact that I had to present one of the sites to my fellow students,fellow teachers, did not create any insecurity. Our resource-person is verysupportive and fills in any missing information.

–J’ai perçu le rôle du professeur comme essentiel pour faire le lien entreles différents sites et pour compléter les exposés.

Le professeur aurait aussi aidé chacun à comprendre que chaque membredu groupe est personne-ressource.

–Au début de cette grande visite, les interventions du professeur memettaient un peu mal à l’aise. Je les percevais comme une critique et uneévaluation de la recherche des guides. Je me suis vite rendu compte que jeme trompais et j’ai compris qu’il agissait vraiment en personne-ressource.Ses interventions venaient compléter l’exposé du guide, rendant ainsi lavisite doublement intéressante. De la sorte, grâce à lui, j’ai pris consciencedu fait que nous étions tous des personnes-ressources, chacun pouvantapporter quelque chose au groupe. Personnellement, j’ai beaucoup appréciéses interventions.

Il semblerait que, par ses interventions, le professeur arrive à donner unecertaine unité aux présentations des ‘‘marcheurs de l’histoire.’’ (Quelle belleexpression! Surtout qu’on est en histoire et que le grand Raoul Blancharddisait que la géographie, ‘‘ça s’apprend par les pieds.’’ Mais l’histoire sepasse dans la géographie.)

–Je crois percevoir un élément important sans cesse présent au coeur denotre démarche (de notre marche). Le rôle de catalyseur et de personne-res-source joué par le professeur assure une continuité à notre visite. Discret,mais combien présent, on sent que chacun peut compter sur lui pour uncomplément d’information au fil des sites. Sa vaste culture sert d’intégrateuret permet une réelle continuité entre les présentations souvent sommaires des‘‘marcheurs de l’histoire.’’ En fait, de par sa maîtrise du sujet, notre spécia-liste apporte et donne une unité à la diversité des présentations.

En manière de conclusion

Beaumarchais a sous-titré son Mariage ‘‘La Folle Journée,’’ et la follejournée que vivent mes enseignants dans le Vieux Montréal est si vitepassée.

–Cette visite, malgré sa durée, fut très intéressante.–En deux mots, la journée m’a paru courte parce que intéressante.

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UNE VISITE GUIDÉE PAR LES PAIRS 327

Ah! la journée mémorable!–C’est la visite qui est encore la plus présente à mon esprit, même après

tout ce temps.

Journée mémorable à cause du groupe.–Ce fut une journée mémorable par la fraternité qui se développa parmi

les membres du groupe malgré la chaleur.–Le fait de se déplacer en groupe, marchant tantôt avec l’un tantôt avec

l’autre, m’a permis de prendre contact avec toutes les personnes du groupe,ce qui, naturellement, est difficile, parfois même impossible, dans uneclasse.

On se doutait de la chose.–Vivre une journée dans le Vieux Montréal avec mes collègues, n’est-ce

pas merveilleux? J’échangerai des points de vue, j’essaierai de percevoir lesréactions du groupe, surtout lorsque ce sera mon tour de jouer le rôle deguide.

Les participants à la visite guidée par les pairs dont on vient de lire lestémoignages , on se le rappelle, ont aussi expérimenté la visite guidée par unprofessionnel, la visite avec audio-guide ainsi que la visite libre avec ousans personne-ressource. Plus que toutes les autres, la visite guidée par lespairs semble favoriser la participation active du visiteur. On comprendaisément que la participation du visiteur soit moins active dans le cas de lavisite libre avec personne-ressource, moins active encore dans le cas devisite avec guide professionnel, encore moins active dans le cas de la visiteavec audio-guide. Dans le cas de la visite libre sans personne-ressource, sile visiteur a toute liberté de s’impliquer à cent pour cent, il n’est pas aussistimulé à agir que dans le cas de la visite guidée par les pairs parce qu’il estseul ou avec quelques visiteurs seulement; de plus, le fait qu’il soit laisséainsi plus ou moins à lui-même est de nature à l’insécuriser, ce qui peut leparalyser plus ou moins.

C’est seulement dans le cas de la visite guidée par les pairs que le visiteurdoit obligatoirement se préparer à la visite, ce qui, dès le départ, l’oblige àêtre actif. Dans le cas de la visite avec audio-guide, dans celui de la visiteguidée par un professionnel et dans celui de la visite libre avec personne-ressource, on a tout préparé pour lui, et, dans tous les cas, il doit être rarequ’il croit nécessaire de se préparer d’une manière ou d’une autre. Dans lecas de la visite libre sans personne-ressource, rien ne l’empêche de le faire,mais rien ne l’y oblige non plus.

L’intérêt suscité par la visite guidée par les pairs doit être grand dusimple fait de l’implication du visiteur; il doit l’être également à cause de lavariété et de l’originalité des présentations, qui sont le fait de plusieurs. Cequi nuit à la présentation du guide professionnel, et, à moindre degré, à cellede la personne-ressource, qui ne s’exprime que sur demande, c’est qu’elles

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sont le fait d’une seule et même personne, même si elles sont normalementplus variées et originales que celles des pairs. Le caractère toujours un peuimpersonnel et mécanique des présentations de l’audio-guide suscite évidem-ment un intérêt moindre que les trois autres types de visite. Dans le cas dela visite libre, le visiteur, livré à lui-même, est soumis aux hauts et aux basde son intérêt pour la chose muséale.

Avec la visite guidée par les pairs, il est probable que le visiteur apprenddavantage qu’avec les autres types de visite du simple fait que le visiteur estplus actif, plus motivé avec celle-là qu’avec les autres, qu’il se sent embar-qué dans une aventure collective, même si la qualité du savoir dispensé parle guide professionnel, par l’audio-guide, par la personne-ressource de lavisite libre est normalement supérieure à celle du savoir présenté par lespairs. Avec la visite libre sans personne-ressource, le visiteur ne peutcompter que sur son savoir, parfois sur celui de quelques visiteurs, sur lachose muséale elle-même et sur les renseignements disponibles sur celle-ci,qui sont d’ordinaire peu nombreux. Il est évident que, dans son apprentis-sage, le visiteur profite de l’atmosphère de détente qui règne lors d’unevisite guidée par les pairs, atmosphère qui n’existe pas au même degré dansles autres types de visite, parce qu’on est toujours plus ou moins prisonnierdu guide, quel qu’il soit, parce qu’on est plus ou moins insécurisé par lavisite libre sans personne-ressource.

Produisant lui-même son savoir lors d’une visite guidée par les pairs, levisiteur est dans de bonnes conditions pour améliorer son attitude envers lesavoir en général et tirer de son apprentissage la plus grande satisfactionpossible. Dans le cas de la visite avec audio-guide, il se trouve dans lasituation de l’élève soumis à un enseignement magistral; il l’est encore,évidemment, quoique à un moindre degré, dans le cas de la visite guidée parun professionnel, et, à un degré moindre encore, dans celui de la visite libreavec personne-ressource, et c’est tout dire. Dans le cas de la visite libre sanspersonne-ressource, le visiteur, pour produire son savoir, ne peut compter, làencore, que sur lui-même, parfois sur quelques visiteurs, sur la chosemuséale elle-même et sur les maigres renseignements disponibles surcelle-ci, et c’est tout dire encore.

Dans l’apprentissage à l’école, on sait toute l’importance des apports dugroupe, et la visite guidée par les pairs favorise très évidemment ces apports.Théoriquement, le visiteur devrait apprendre davantage et plus sûrement duguide professionnel, de l’audio-guide et de la personne-ressource de la visitelibre que des pairs, mais la distance qui le sépare du spécialiste, distanceanalogue à celle qui sépare l’élève de l’enseignant à l’école, et l’état dedépendance et d’isolement plus ou moins relatif où il se trouve par consé-quent presque fatalement fait plus ou moins obstacle à son apprentissage.Dans le cas de la visite libre sans personne-ressource, le visiteur est toujoursplus ou moins isolé par définition.

Le guide professionnel, comme l’audio-guide, comme la personne-res-source de la visite libre, établissent des liens entre les choses et s’efforcent

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de faire apparaître des ensembles, mais cela, le visiteur ne se l’approprie pasnécessairement, comme l’élève, à l’école, ne retient pas nécessairement lesleçons du même type. Même si le visiteur de la visite guidée par les pairs sefait de lui-même une moins bonne idée, en soi, des liens existant entre leschoses et des ensembles dont elles font partie que le guide, l’audio-guide oula personne-ressource de la visite libre, fort de la préparation qu’il a faited’une partie de la visite (il s’est parfois renseigné sur l’ensemble) et avecl’aide de ses pairs, il s’en fait pour lui-même une meilleure idée. Dans le casde la visite libre sans personne-ressource, le visiteur a moins de chance dese faire une bonne idée des liens existant entre les choses et des ensemblesdont elles font partie que dans celui de la visite guidée par les pairs parcequ’il doit tout faire seul, ou avec l’aide de quelques personnes seulement, nilui ni les autres, la plupart du temps, ne s’étant préparés d’aucune manièreà la visite.

La visite guidée par les pairs étant la chose du visiteur, mais appuyé parles autres visiteurs, il est normal que, pour lui, le temps semble passer plusvite que lors d’une visite avec un guide professionnel ou avec un audio-guide, qu’il lui faut suivre, que lors d’une visite libre, même avec unepersonne-ressource, où l’on est toujours plus ou moins insécure, encore unefois. De plus, la vie de groupe, on le sait, permet de se donner du bontemps, et le bon temps, on le sait aussi, ça file, et cela de plus en plus viteà mesure que l’on se connaît mieux que, se connaissant mieux, on est plusà l’aise dans le groupe; cette vie de groupe, évidemment, n’existe pas aumême degré dans le cas de la visite libre avec ou sans personne-ressource,encore moins dans le cas de la visite guidée, et moins encore dans celui dela visite avec audio-guide.

Lors d’une visite guidée par les pairs, la personne-ressource, contraire-ment au professionnel, à l’audio-guide, à la personne-ressource de la visitelibre, n’est pas un maître, et, s’il l’est, du moins n’est-il pas le seul maître,tous les visiteurs jouant ce rôle. À cause de cela, il peut, plus facilement queles autres, aider le visiteur à avoir confiance en soi et à se trouver bien dansle groupe, tant sur le plan affectif que sur le plan cognitif, de manière à cequ’il profite au mieux du groupe de sorte qu’il puisse bénéficier au mieuxde la chose muséale.

Comment s’étonner, après tout cela, que la visite guidée par les pairs soitsi prisée des visiteurs? On l’aura peut-être mieux compris, à lire les limpidestémoignages des participants plutôt que la conclusion de l’auteur. Mais,après tout, il est légitime de demander à l’auteur d’un texte, même tissu detémoignages, ce qu’il en pense.

RÉFÉRENCES

Conseil supérieur de l’Éducation. (1987). Les nouveaux lieux éducatifs: avis auministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur et de la Science.Québec: Gouvernement du Québec.

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330 ANDRÉ LEFEBVRE

Lefebvre, A. (1986). Prolégomènes à une didactique muséale en histoire. In G.Racette (dir.), Musée et éducation: modèles didactiques d’utilisation desmusées (p. 12–15). Montréal: Société des musées québécois.

Lefebvre, H. (1988). Réflexion au sujet des bénéfices du visiteur de musée. InJames L. McLellan et William H. Taylor (dir.), Les Actes du 7e Congrèsannuel de l’Association canadienne pour l’étude de l’éducation des adultes (p.182–186). Calgary: University of Calgary, Faculty of Continuing Education.

Statistiques Canada. (1979). Statistiques de la culture: musées, galeries d’art etétablissements assimilés, grands établissements. Ottawa: Gouvernement duCanada.

André Lefebvre est professeur à la Faculté des sciences de l’éducation, Universitéde Montréal, case postale 6128, succursale A, Montréal (Québec) H3C 3J7.

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Le visiteur, le guide et l’éducation*

Bernard Lefebvreuniversité du québec à montréal

Hélène Lefebvrecollège montmorency

Le musée est l’une des nombreuses institutions qui remplissent une missionéducative à l’égard de la population. Ses visiteurs se répartissent en diversescatégories, mais tous se laissent informer et former au contact des objets présen-tés. Les formules utilisées pour guider le visiteur à travers une expositionexercent sur lui une influence éducative. Ce sujet a été étudié par le dépouille-ment systématique de rapports de visites de musées effectuées par des étudiants.L’appréciation de plusieurs types de visites et de guides fait voir les attentesexprimées à l’égard de ceux-ci. Par leur habileté, ils font appel à l’intelligence,sollicitent l’affectivité et favorisent la participation du public.

One of many popular educational institutions, the museum attracts a diverseclientele expecting to be informed and educated by contact with the objects itcontains. The written and oral information that guides visitors through displayshas an educational influence. Using students’ accounts of museum visits, wedescribe the effects on visitors of several types of information and guides,showing how they appeal to the public’s intelligence and feelings, and how theystimulate public participation.

Selon leur taille, les musées se dotent de structures organisationnelles plusou moins complexes. Les directions se multiplient et les tâches se spécia-lisent. Il n’en reste pas moins que toute cette superstructure, souvent invisi-ble au visiteur, n’a sa raison d’être que dans la présence de ce dernier aumusée.

Le musée est une institution qui protège et conserve des témoignages quiconstituent la mémoire d’une communauté (Actes de la 10ième Conférencegénérale de l’ICOM, 1975). Il demeure essentiel qu’il assure la relation entrele public et les objets exposés. Pour aider à maintenir une communicationaussi efficace que possible, le guide, sous de multiples apparences, établit

*Cette recherche a été rendue possible grâce à des subventions du Fonds pour la

formation de chercheurs et l’aide à la recherche du Québec et du Conseil derecherches en sciences humaines du Canada.

331 REVUE CANADIENNE DE L’ÉDUCATION 16:3 (1991)

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332 BERNARD LEFEBVRE ET HÉLÈNE LEFEBVRE

habituellement un lien entre les personnes et les pièces de la collection. Parsa médiation, le musée remplit un rôle d’éducation populaire.

Dans un premier temps, nous décrirons brièvement le musée, sa clientèleet certaines de ses fonctions majeures. En deuxième lieu, nous présenteronsles réactions de visiteurs à l’égard de guides de divers types. Enfin, noustenterons de caractériser le guide de musée tel que souhaité par un groupede visiteurs.

LE MUSÉE

Avant d’aborder la classification des clientèles et des fonctions exercées parle musée, définissons ce dernier. C’est une institution permanente, sans butlucratif, au service de la société, qui acquiert, conserve et présente des objetset où l’on fait des recherches à leur sujet. Elle a pour but la connaissance etla jouissance des objets relatifs à l’homme et à son environnement, le toutcontribuant à son éducation (Actes de la 10ième Conférence générale del’ICOM, 1975). Cette notion descriptive laisse entrevoir la complexité deséléments en cause et leurs interactions, qu’il s’agisse de l’objet et de sontraitement ou du sujet en éducation continue réagissant aux plans intellectuelet émotif.

La clientèle des musées

Qui est le visiteur de musée? Malheureusement, les personnes ne se classentpas facilement. Plusieurs auteurs s’y sont pratiqués selon des points de vuedivers. Le Royal Ontario Museum (1976) établit, selon leurs intérêts, cinqgroupes de visiteurs: les connaisseurs, les gens à l’aise et possédant uneéducation classique, les artistes et les designers, les spécialistes en scienceset les étudiants et, enfin, le public en général. Patt (1963), pour sa part, enprésente trois: celui qui recherche une expérience esthétique, celui qui veutsatisfaire sa soif de connaissance et celui qui veut voir la réalité. Hudson(1977) distingue ceux qui désirent apprendre et ceux qui désirent simplementaller au musée pour le plaisir de se divertir.

Se basant plutôt sur la fréquence des visites, on identifie le visiteur “parhasard” (touriste), ponctuel ou occasionnel (une à trois visites par année) etle visiteur habituel ou régulier (plus de trois visites par année) (Hudson,1977; Morris, 1962). Pour le Musée de la civilisation de Québec (1986), ilexiste le public régulier, le public occasionnel et le public potentiel.

Certaines fonctions majeures du musée

Les musées remplissent de nombreuses fonctions, mais nous ne retiendronsici que celles qui ont trait au public en excluant la clientèle scolaire.

Le musée n’est pas une école. Les gens y entrent et en sortent à volonté.On ne peut forcer quiconque à y apprendre à tout prix (Thompson, 1984).

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LE VISITEUR, LE GUIDE ET L’ÉDUCATION 333

Ceux qui préparent les expositions doivent tenir compte du public avec sesattentes, ses buts et ses comportements. La nouveauté et le familier doivents’entremêler pour susciter des apprentissages sans insécuriser le visiteur. Ony respecte simplement le vieux principe de pédagogie qui préconise deprocéder du connu à l’inconnu. Helman (1958) reprend la même idée endisant que le visiteur moyen va au musée pour recevoir un enseignementconventionnel. L’adulte d’éducation moyenne considère le musée comme unamusement supérieur, une aventure intellectuelle ou artistique (Zygulski,1972). Parmi les motifs qui amènent les gens au musée, Morris (1962)évoque la curiosité provoquée par l’aspect sensationnel d’une exposition,l’ambition sociale ou le prestige attaché à la fréquentation d’un musée, ledésir de parfaire son éducation et l’enthousiasme naissant du contact avecles arts. Pour sa part, Bunning (1974) insiste lui aussi sur l’utilisation dutemps libre, uniquement pour le plaisir et pour la valeur intrinsèque desbénéfices de l’expérience. Il ajoute les motifs à caractère social, familial ouamical. Dans la même foulée, le Musée de la civilisation de Québec (1986)considère l’usager comme une personne en situation de loisir culturel,c’est-à-dire dans un moment de temps libre où il se consacre à une activitéde son choix.

Il ressort de ce qui précède que l’adulte fréquentant les musées y va pourson agrément; le musée est un lieu d’apprentissage récréatif, propice àl’exploration, à l’aventure et à la découverte; l’apprentissage y est informel,impulsif et non-géré par l’institution (Tressel, 1984).

RÉACTIONS DES VISITEURS À L’ÉGARD DES GUIDES

Étant donné la diversité des clientèles du musée et les fonctions exercées parcelui-ci, nous étudierons les réactions des visiteurs à l’égard des guides, enexaminant les rapports rédigés par quinze étudiants à la suite de la visite desix musées montréalais dans le cadre du cours Éducation et ressourcescommunautaires de la maîtrise en éducation de l’Université de Montréal.

À chaque endroit, la formule utilisée pour guider le groupe fut différente.Il y eut l’intervention du guide conventionnel dans un musée des beaux-arts,celle du directeur d’une maison de la culture qui se chargea de la visite,d’une personne-ressource qui répondit aux questions dans un musée d’his-toire naturelle, celle d’un audio-guide au Jardin botanique et le partage de latâche entre le professeur et les étudiants lors de la visite du Vieux Montréal.Les étudiants firent aussi une visite sans l’assistance d’un guide.

L’analyse du contenu des rapports fait voir les opinions émises sur lestypes de guides offerts aux étudiants.

Le guide conventionnel

Il est curieux de constater que le guide conventionnel ne semble pas avoirété apprécié. Ce procédé exige une trop grande concentration. L’attention

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tombe, le regard et l’esprit voguent à la dérive. Un participant se sent obligéde prendre des notes. Mais, quand les autres laissent tomber le crayon, il enest soulagé. Les commentaires du guide ne font pas apprécier les oeuvres.On aimerait se laisser attirer par elles, prendre le temps de les regarder, maisil faut suivre le groupe, à son rythme, d’une toile à l’autre. Les comporte-ments sont plutôt négatifs, la fatigue se fait sentir, on entend mal, on seplaint de ne rien voir en groupe. On n’ose pas poser de questions, ce quin’empêche pas un individu de donner parfois ses impressions sur une oeuvreet de provoquer une discussion intéressante.

Le guide directeur d’un centre culturel

Le guide directeur d’un centre culturel a fait partager à ses visiteurs sa phi-losophie de l’institution. Il a présenté avec enthousiasme les collections deson établissement et a même confié à ses interlocuteurs certaines de sespréoccupations. Les visiteurs s’étaient vu remettre au préalable un guideécrit. En général, les étudiants ont donné une appréciation positive de cegenre de visite. Leurs commentaires se lisent ainsi. Le directeur indique lavocation de la maison; il ajoute des éléments supplémentaires au guide écritet donne le goût de vérifier les activités dont il parle et d’y prendre part.D’autres déclarent: il est loisible d’entrer en contact directement avec lesoeuvres; le directeur sollicite des opinions; on prend le temps de passer et derepasser, de regarder, d’écouter et même de toucher.

Le guide personne-ressource

Au musée de sciences naturelles, le guide agit comme personne-ressource etconseiller. Deux remarques reviennent à plusieurs reprises. Il respecte lerythme de chacun, laisse observer et découvrir, est à l’écoute et essaie decomprendre. Plusieurs aiment rester seuls pour effectuer la visite, mais onapprécie les échanges libres avec d’autres. On pose des questions selon lebesoin. Cependant, même si quelques-uns craignent de le faire, ils tendentl’oreille lorsque des explications se donnent. À l’occasion, on s’échange desinformations. Le guide ne dirige pas le groupe. Il profite des questionsposées pour provoquer le contact avec les visiteurs et stimuler l’intérêt. Audire des participants, c’est plus intéressant que d’entendre le discours d’unguide officiel.

L’audio-guide

Quant à l’audio-guide, utilisé dans les serres du Jardin botanique, il a étéapprécié de diverses manières. Certains sont satisfaits du calme, du senti-ment de solitude et même de la détente créés par l’écoute individuelle dumagnétophone. Ce moyen d’autodidaxie fournit des connaissances de façonindividualisée. Le support auditif appuie les éléments visuels. Le solo-guide

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LE VISITEUR, LE GUIDE ET L’ÉDUCATION 335

respecte le rythme individuel d’apprentissage. On peut s’attarder où l’onveut et prendre le temps de regarder, à condition d’arrêter la cassette.

Par contre, pour d’autres, l’isolement dû aux écouteurs semble exagérerle sentiment de solitude. Pour lutter contre cela, on s’associe à une ouplusieurs personnes. On préfère échanger en petits groupes plutôt qued’écouter de savantes explications en botanique. Une visiteuse se fait mêmetransmettre les principaux renseignements par une autre qui écoute le rubanmagnétique plutôt que d’utiliser elle-même l’appareil. Plusieurs se plaignentqu’il empêche l’utilisation des habiletés intellectuelles, physiques et mêmesensorielles. On oublie de voir: impossible d’apprécier ce qui tombe sous lavue. Fréquemment, on invoque l’impossibilité de laisser libre cours à sesémotions. On a peur de rater un renseignement important. Le rythmeindividuel n’est pas respecté; celui de la machine s’exerce en maître, lit-onà maintes reprises dans les rapports. Ce guide encombrant ne correspond pasnécessairement au besoin des auditeurs. Quelqu’un rejette carrément leprocédé et un autre projette de retourner visiter le Jardin botanique sansaudio-guide.

Le visiteur guide

Pour la visite du Vieux Montréal, chacun des membres du groupe préparaitla présentation d’un site particulier. Le professeur complétait ou enrichissaitles informations fournies par les étudiants. Sont soulignés l’esprit de groupe,le développement du sentiment d’appartenance et l’attitude positive face augroupe. On loue l’atmosphère de détente et de camaraderie qui habite lesgens. Le facteur social est prédominant: les gens se connaissent mieux, lessous-groupes se forment, les échanges et les commentaires s’intensifientparticulièrement lors des diverses haltes. Chacun se veut donc responsabledu succès de l’entreprise, malgré le caractère plutôt informel et plus oumoins non directif de la visite.

La visite sans guide

Curieuse réaction de la part du groupe: on s’est félicité d’avoir pu visiter unmusée sans l’assistance d’un guide, car il y avait place pour l’imagination etpour le contact direct avec les objets. On savourait à loisir les exhibits et onétait libre de les examiner à sa guise. La liberté de mouvement fut souli-gnée. Aussi surprenant que cela puisse paraître, on a apprécié de ne pas voirinterférer un guide, de ne pas être distrait par lui et de ne pas avoir àl’écouter.

LE GUIDE SOUHAITÉ

La critique est facile mais les remarques qui précèdent indiquent commentl’art de guider des visites est chose difficile. Loin de nous la pensée de jeter

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336 BERNARD LEFEBVRE ET HÉLÈNE LEFEBVRE

le blâme à qui que ce soit. La compétence des responsables de musée et labonne volonté de ceux qui y travaillent ne sont pas mises en cause. Il nefaudrait pas davantage croire que les étudiants qui ont fait l’expérience devisiter six musées formaient un groupe réfractaire. Au contraire, l’activité futévaluée positivement.

Quelles sont les attentes à l’égard du guide de musée? Au plan de laconnaissance, il doit être compétent, expert en arts et posséder des connais-sances historiques. Considéré comme une personne-ressource, on souhaitequ’il soit bien préparé à sa tâche, selon le programme des expositions de sonmusée.

Quant aux attitudes qui l’animent, on s’attend à ce que le guide aime sontravail et qu’il soit motivé à l’égard des oeuvres ou des objets à présenter.Qu’il maîtrise l’art de captiver les visiteurs en provoquant l’intérêt. Par-dessus tout, qu’il soit disponible et sympathique aux visiteurs, adapté aupublic, de contact facile et sans froideur.

Concernant les habiletés à développer, on espère que le guide soit àl’écoute de ses interlocuteurs, personne de dialogue et davantage consultantque maître de conférence. Son savoir-faire comme communicateur importeau plus haut point. La brièveté et la concision s’imposent. Le choix desthèmes s’oppose à l’encyclopédisme. Le vocabulaire sera simple et varié.C’est ainsi qu’on lutte contre le goût de tout couvrir trop rapidement et lerisque de passer outre des oeuvres majeures par manque de temps.

Délaissant l’analyse des rapports de visites, nous insistons sur le faitsuivant: voir vient avant les mots (Marra, 1983). Avant de lui fournirprématurément une profusion d’informations, le visiteur doit pouvoir regar-der et comparer les oeuvres ou les objets d’art qui parlent alors d’eux-mêmes. La perception visuelle le rendant plus actif, il découvre ce qui estplaisant pour lui et ce qui stimule son intelligence.

CONCLUSION

Si un public universitaire préfère le contact direct avec les objets et un guidede type personne-ressource et animateur, il est facile d’imaginer que le grandpublic pourrait avoir le même goût. Il faudrait contrôler cette affirmation.

Les visiteurs de musée apprennent en prêtant attention au contenu desexhibits. Ils établissent des comparaisons, lisent les textes explicatifs. Toutcela se passe ou non selon leurs attentes et le plaisir résultant de ce qu’ilsvoient, touchent, comparent et lisent (Screven, 1986). La réaction affectivedu public précède le contenu rationnel qu’on espère lui faire saisir. Leplaisir n’offre aucune contre-indication à l’acquisition de la culture.

Pour que les musées remplissent leur vocation éducative, les visitesguidées doivent faire appel à la participation active du grand public (Harris,1977).

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LE VISITEUR, LE GUIDE ET L’ÉDUCATION 337

RÉFÉRENCES

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Bernard Lefebvre est professeur au Département des sciences de l’éducation,Université du Québec à Montréal, case postale 8888, succursale A, Montréal(Québec) H3C 3P8. Hélène Lefebvre est professeure au Collège Montmorency,475 de l’Avenir, Laval-des-Rapides, Laval (Québec) H7N 5H9.

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Les effets d’un programme éducatif muséalchez des élèves du primaire*

Céline Du SablonGeneviève Racetteuniversité du québec à montréal

L’éducation n’est pas le monopole de l’école. De plus en plus d’institutions etd’organismes publics et privés offrent des services éducatifs. Parmi ceux-ci, lemusée occupe une place privilégiée. Plusieurs programmes éducatifs muséaux,destinés aux groupes scolaires, ont été élaborés. Ces programmes reposentprincipalement sur une visite guidée et, de plus en plus, sur une visite axée surla découverte du musée et de son contenu par l’élève. Il existe aussi, à l’intérieurde certains programmes éducatifs, des activités de préparation et de prolongementà la visite au musée. Notre étude visait à vérifier les effets de ces activités, chezdes élèves de cinquième année du primaire, sur la réalisation d’apprentissages ensciences humaines ainsi que sur le développement d’attitudes positives à l’égarddu musée et des sciences humaines. Au terme de l’étude, il appert qu’un pro-gramme éducatif muséal comprenant ou non des activités de préparation ou deprolongement en classe favorise la réalisation d’apprentissages en scienceshumaines et le développement d’attitudes positives à l’égard du musée et dessciences humaines. Cependant, des études plus approfondies devraient êtrepoursuivies, étant donné les conclusions d’autres recherches que la nôtre.

Education is not a monopoly of schools. Public and private institutions of allsorts now offer educational services, and museums are among the most importantproviders. Most museum education programmes intended for school children arebased on guided tours and aim at pupil discovery of the museum and its con-tents. Some educational programs also include preparatory and post-visit activ-ities. Our research aimed to find the effects of such activities on grade 5 pupilsin social studies, with attention to the development of positive pupil attitudes tomuseums and to social studies. Our results indicate that a museum educationprogram including prepatory or post-visit activities favours social studies learningand improves pupil attitudes to the museum and to social studies. Furtherresearch will be required to confirm our results, some of which differ fromearlier findings.

*Cette recherche a été rendue possible grâce à des subventions du Fonds pour laformation de chercheurs et l’aide à la recherche du Québec et du Conseil derecherches en sciences humaines du Canada.

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UN PROGRAMME ÉDUCATIF MUSÉAL AU PRIMAIRE 339

L’étude rapportée dans cet article a tenté de répondre à la question suivante.Dans le cadre d’un programme éducatif comprenant une visite au muséeainsi que des activités de préparation ou de prolongement en classe, desélèves de cinquième année du primaire réalisent-ils plus d’apprentissages ensciences humaines et développent-ils plus d’attitudes positives à l’égard dumusée et des sciences humaines que des élèves suivant le même programmecomprenant exclusivement une visite au musée?

L’éducation ne peut pas se rattacher strictement à l’école (Legendre,1988). Bien que cette institution demeure la seule à prendre en chargel’enseignement de base, elle ne peut toutefois répondre à tous les besoins deformation des individus de notre société (Deronziers, 1987). C’est en ce sensque le Conseil supérieur de l’Éducation (1986) rappelle:

[ . . . ] que la mission éducative de la société déborde largement les cadres del’institution scolaire et trouve dans un nombre croissant de lieux des voiesvalables d’approfondissement et de diffusion. (p. 19)

Ainsi, des institutions et des organismes publics et privés offrent desservices éducatifs. Ce sont, notamment, les bibliothèques, les jardins bota-niques, les jardins zoologiques, les centres d’interprétation de la nature, lessites historiques, les parcs nationaux, les planétariums et les musées (Statis-tiques Canada, 1979). Pour le Conseil supérieur de l’Éducation (1986), ceslieux éducatifs ont pour objectif ‘‘de transmettre ou de faire naître ouacquérir des connaissances, des habiletés, des valeurs, des prises de cons-cience’’ (p. 14).

Cet objectif correspond bien à la définition que Legendre (1988) donne del’éducation: un ‘‘Ensemble de valeurs, de concepts, de savoirs et depratiques dont l’objet est le développement de l’être humain et de la socié-té’’ (p. 212). Mais l’éducation ne se limite pas à faire acquérir des connais-sances propres aux disciplines. Elle tend également à développer des valeursculturelles et une conscience sociale (ministère de l’Éducation du Québec[MEQ], 1981).

Parmi les lieux éducatifs autres que l’école, le musée occupe une placeprivilégiée. Ainsi, pour Dagognet (1985) ainsi que Lacey et Agar (1980), lemusée vise à instruire le public. D’autres chercheurs ont souligné l’impor-tance du rôle éducatif du musée auprès des jeunes. Pour Bunch (1978), parexemple, le musée devrait être une ressource éducative intégrée à l’enseigne-ment. D’après Wright (1980), c’est un support qui aide les élèves à lacompréhension de concepts. Quant à Flexer et Borun (1984), elles affirmentque le musée favorise une approche plus visuelle, qualitativement différentede celle que l’on retrouve dans la salle de classe. Mais, c’est en élaborantdes programmes destinés à des groupes scolaires, reliés à la collection dumusée et aux matières scolaires ou simplement à la collection du musée, quecelui-ci réalise surtout sa mission éducative (Benes, 1982).

Actuellement, plus de 71% des musées canadiens offrent, à l’intention deleurs visiteurs, des programmes de présentation et d’animation que l’on

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340 CÉLINE DU SABLON ET GENEVIÈVE RACETTE

pourrait qualifier d’éducatifs (Statistiques Canada, 1979). On distingue deuxcatégories de programmes éducatifs: traditionnels et actifs (Mason, 1980;Ricklin, 1978). Les premiers reposent sur la traditionnelle visite guidée. Lesseconds sont axés sur la découverte du musée et de son contenu par lesvisiteurs. Ce dernier type de visite implique la mise en oeuvre de méthodesactives telles la visite à l’aide de guides personnels, la manipulation d’objetsexposés, la participation à des expériences (Herbert, 1981; Jones & Ott,1983).

Certains programmes éducatifs muséaux ont attiré l’attention de cher-cheurs (Boucher, 1986; Dauphin, 1985; Lacey & Agar, 1980; Locas, 1981;Reque, 1978; Ricklin, 1978; Stronck, 1983; Wright, 1980). De manièregénérale, les recherches révèlent que la plupart des visites qui requièrent laparticipation sont plus enrichissantes ou plus stimulantes pour les élèves. Deplus, lorsque le programme éducatif correspond à un curriculum scolaire, lavisite au musée semble favoriser davantage l’acquisition de connaissances etle développement d’attitudes positives à l’égard du musée.

ACTIVITÉS DE PRÉPARATION ET DE PROLONGEMENT EN CLASSEINTÉGRÉES À DES PROGRAMMES ÉDUCATIFS

Selon l’UNESCO (1973), le meilleur moment pour effectuer une visite aumusée se situe à mi-chemin de l’étude d’un thème, c’est-à-dire quand lesélèves sont déjà familiarisés avec le sujet et le vocabulaire. Plus précisé-ment, pour Koran, Longino et Shafer (1983) ainsi que McNamee (1987), demême que Finkelstein, Stearns et Hatcher (1985), les élèves bénéficientd’une visite au musée lorsqu’ils y sont préparés. Du Terroil (1975) ajouteque des activités de prolongement à une visite au musée améliorent lesapprentissages. Pour Barré (1981), la visite au musée est un moyen pédago-gique qui nécessite des activités de préparation et de prolongement enclasse.

Activités de préparation en classe

La préparation à une sortie éducative est une manière d’introduire l’élève àun champ d’étude (Novak, 1976). La préparation en classe d’une visite aumusée consiste en une leçon sommaire ayant pour but de sensibiliser l’élèveaux concepts étudiés durant la visite (Du Terroil, 1975). Elle le familiariseavec les éléments essentiels de la visite. Elle fait ressortir les concepts, lesprincipes et les termes techniques à étudier lors de la visite (Gennaro, 1981).Elle sert aussi à améliorer les apprentissages (Danilov, 1976; Royal OntarioMuseum [ROM], 1976) ainsi qu’à augmenter l’intérêt de l’élève à l’égardd’un champ d’étude (Lawton, 1976) et vis-à-vis les objets exposés au musée(ROM, 1976).

Les études recensées révèlent qu’il existe différentes façons de préparerl’élève à une visite au musée ou à l’étude d’un sujet. Une préparation peut

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UN PROGRAMME ÉDUCATIF MUSÉAL AU PRIMAIRE 341

consister en des informations verbales portant sur ce que l’élève étudieralors de sa visite au musée (Gennaro, 1981). Elle peut aussi s’effectuer àl’aide de questionnaires à choix multiples ou de tests relatifs aux concepts(Hartley & Davies, 1976).

Dans son étude, Gennaro (1981) a comparé les effets cognitifs chez desélèves du secondaire de deux types de préparation avant le visionnementd’un film au musée. Le premier type de préparation consistait à fournir à ungroupe d’élèves un survol d’informations reliées aux concepts traités dans lefilm. Le deuxième invitait un autre groupe d’élèves à étudier plus enprofondeur les concepts du film et ce, pendant sept jours. Ce dernier type depréparation semble favoriser davantage la réalisation d’apprentissages.

Barnes et Clawson (1975) ont analysé 32 études menées entre 1960 et1974 portant sur la préparation à l’étude d’un sujet. Parmi celles-ci, douzeconcluent que la préparation facilite l’apprentissage. Toutefois, selon cesauteurs, la faible proportion des recherches concluantes ne permet pas deconsidérer la préparation comme un élément profitable à l’apprentissage desélèves.

Cependant, certaines institutions muséales sentent le besoin de fournir àl’enseignant du matériel de préparation relatif à leurs collections perma-nentes (UNESCO, 1973). Le Royal Ontario Museum [ROM], par exemple,envoie à l’enseignant une sélection de diapositives illustrant des peintures,une affiche présentant l’exposition et les biographies des artistes-peintres.C’est à l’aide de ce matériel que l’enseignant prépare ses élèves à la visiteau musée (ROM, 1976). Le Musée d’art moderne de Paris fournit à l’ensei-gnant un petit guide des salles qui seront visitées, un plan sur lequel lesoeuvres peuvent être repérées, un questionnaire auquel l’élève répond enutilisant le guide et le plan et, finalement, des informations concernant ledéroulement de la visite et le rôle que l’enseignant aura à jouer (Banaigs,1984).

Au Centre National d’exposition de Jonquière (CNE), la préparation desélèves en classe s’effectue grâce à l’intervention des membres du Centre(Pinard et Locas, 1982). Ceux-ci sensibilisent les élèves au concept d’expo-sition en tant que moyen de communication à l’aide d’un diaporama pré-sentant les oeuvres exposées. Des échanges servent à faire prendre con-science à l’élève que le peintre, le sculpteur, le photographe communiquentdes idées de manières diverses. À la fin de la rencontre, un questionnaire estdistribué aux élèves pour vérifier leur compréhension du concept d’exposi-tion.

À notre connaissance, ces activités de préparation n’ont pas été évaluéesscientifiquement. De plus, les recherches ayant trait aux activités de prépara-tion lors d’une visite au musée sont peu nombreuses. Cependant, il existedes études portant sur des sorties éducatives ailleurs qu’au musée. Entreautres, Evans (1958) a vérifié l’utilité de préparer des élèves du primaire àune sortie éducative dans des milieux d’affaires en comparant trois situa-tions. Un premier groupe d’élèves a été préparé par une discussion sur des

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342 CÉLINE DU SABLON ET GENEVIÈVE RACETTE

notions d’économie. Un deuxième a effectué la sortie éducative sans aucunepréparation. Le troisième a reçu une leçon en classe sans effectuer la sortieéducative. Il s’avère que le groupe qui a reçu une préparation en classe,avant la sortie éducative, a appris davantage que les deux autres groupes.

Howie (1972) a vérifié l’utilité de préparer des élèves de cinquième annéedu primaire à une visite à la Ferguson Farm (Maryland). Il a comparé quatresituations. Un premier groupe d’élèves a étudié en classe le vocabulaire etles concepts reliés à l’écologie et à la préservation de l’environnement. Ledeuxième a effectué une visite à la ferme. Le troisième a reçu une leçon enclasse et a effectué la visite. Finalement, le quatrième a servi de groupe decontrôle. C’est le groupe d’élèves qui a reçu une préparation en classe avantd’effectuer la visite à la ferme qui a le plus appris. Dans une étude similaire,Pizzini et Gross (1978) ont constaté qu’une préparation en classe à unesortie sur un site écologique avait favorisé la réalisation d’apprentissages etdéveloppé des attitudes positives à l’égard de la nature, chez des élèves decinquième et sixième année du primaire.

L’étude de Younger (1985) a démontré que la combinaison d’une pré-paration en classe et d’une visite au musée maximise les apprentissages. Ilajoute que la préparation de l’élève doit être centrée sur les aspects les plusimportants de la visite. De plus, la visite au musée doit être reliée auxconcepts étudiés précédemment.

En somme, d’après les études menées sur la préparation en classe d’unesortie éducative ou d’une visite au musée, celle-ci semble être un élémentprofitable à l’apprentissage et au développement d’attitudes des élèves.Examinons maintenant les effets d’activités de prolongement vécues enclasse.

Activités de prolongement en classe

Il semble que des élèves désirent approfondir les concepts étudiés lors d’unevisite au musée (Barré, 1981). D’ailleurs, les enseignants sont plus enclinsà réaliser avec leurs élèves des activités de prolongement à la visite aumusée que des activités de préparation (Gottfried, 1980).

Certaines institutions muséales ont élaboré des activités de prolongementà effectuer en classe après la visite au musée. L’enquête de Griesemer(1977) révèle que 36% des musées américains proposent des activités deprolongement aux enseignants.

Des ateliers de bricolage se prêtent bien à des activités de prolongementà une visite à un musée d’art. On peut aussi proposer aux élèves de com-poser des poèmes ou des histoires en utilisant le vocabulaire qu’ils ontappris durant la visite. La réalisation d’une exposition en classe, à partir descréations des élèves, avec l’aide d’un animateur du musée, prolonge naturel-lement une visite au musée (Banaigs, 1984).

Cependant, ces activités de prolongement n’ont pas fait, à notre connais-sance, l’objet de recherches. Toutefois, Stoneberg (1981) a étudié, entre

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UN PROGRAMME ÉDUCATIF MUSÉAL AU PRIMAIRE 343

autres, les effets d’activités de préparation et de prolongement d’une sortieau zoo, sur la réalisation d’apprentissages chez des élèves de sixième annéedu primaire. La chercheure a comparé quatre situations différentes. Lepremier groupe d’élèves a réalisé sept activités de préparation, une visite auzoo et sept activités de prolongement. Le deuxième a effectué une visiteguidée au zoo sans préparation ni prolongement. Le troisième groupe a vécudeux activités de préparation, une visite au zoo et deux activités de pro-longement. Le quatrième groupe a visité librement le zoo sans réaliserd’activités de préparation ni de prolongement. Les activités de préparationet de prolongement en classe ont maximisé les apprentissages réalisés par lesélèves. De plus, selon l’auteure, il n’existe pas de différence, au niveaucognitif, entre les résultats du groupe qui a réalisé deux activités de prépara-tion et de prolongement et ceux du groupe qui en a effectué sept.

En somme, il paraît utile d’intégrer des activités de préparation et deprolongement en classe aux programmes éducatifs muséaux.

HYPOTHÈSES DE LA RECHERCHE

La recension des écrits nous a amenées à formuler les hypothèses suivantes.Un programme éducatif comprenant une visite au musée ainsi que desactivités de préparation ou de prolongement en classe, comparativement aumême programme éducatif comprenant exclusivement une visite au musée,favorise davantage chez des élèves de cinquième année du primaire:

1) La réalisation d’apprentissages en sciences humaines;2) Le développement d’attitudes positives à l’égard du musée;3) Le développement d’attitudes positives envers les sciences humaines.

MÉTHODOLOGIE

Pour vérifier nos hypothèses de recherche, nous avons expérimenté unprogramme éducatif comprenant des activités de préparation en classe, unevisite au Musée historique David M. Stewart et des activités de prolonge-ment en classe.

Le programme éducatif muséal du Groupe de recherchesur l’éducation et les musées

Préoccupé par la qualité des programmes éducatifs destinés à la jeuneclientèle des musées, le Groupe de recherche sur l’éducation et les musées(GREM) de l’Université du Québec à Montréal s’occupe à développer desmodèles didactiques propres à l’éducation muséale. À cet effet, le GREM aélaboré, expérimenté et validé un programme éducatif muséal relié à lacollection du Musée historique David M. Stewart et au programme dessciences humaines au primaire (MEQ, 1981) auprès d’élèves de la cinquièmeannée du primaire.

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344 CÉLINE DU SABLON ET GENEVIÈVE RACETTE

Ce programme éducatif comporte trois étapes: préparation, visite aumusée et prolongement. Afin d’aider l’enseignant et les élèves à réaliser cesétapes, un guide pédagogique a été conçu (Allard et Boucher, 1988). Ceguide, intitulé La descouverture du chemin qui marche, comprend desactivités à réaliser en classe avant la visite au musée, des activités pour lemusée et, finalement, des activités à effectuer en classe après la visite aumusée. C’est dans le cadre de ce programme éducatif que nous avons réalisénotre étude.

Le programme d’études des sciences humaines au primaireet la démarche d’apprentissage

Le programme éducatif muséal du GREM est relié au programme officieldes sciences humaines du ministère de l’Éducation du Québec (MEQ, 1981).Celui-ci vise à ‘‘amener l’élève à une première compréhension des réalitéssociales, géographiques et historiques du monde dans lequel il vit’’ (p. 14).Ce programme propose une démarche dite scientifique, axée sur l’activité del’élève plutôt que sur l’enseignement magistral. La démarche d’apprentissages’effectue en trois étapes: exploration, recherche/traitement des informationset échange (MEQ, 1983a; MEQ, 1983b). L’élève observe d’abord les faits,exprime ses perceptions, formule des hypothèses sur des sujets qui l’intéres-sent; puis, il s’informe, interroge, expérimente, décode, classifie, compare etanalyse afin de vérifier ses hypothèses; enfin, il communique ses acquis etles réinvestit dans la poursuite de nouveaux apprentissages (MEQ, 1983a;MEQ, 1983b).

Le guide pédagogique, La descouverture du chemin qui marche (Allardet Boucher, 1988), avec lequel nous avons réalisé notre étude, respecte ladémarche d’apprentissage proposée par le MEQ. L’étape d’exploration estréalisée lors des activités de préparation en classe, l’étape de recherche desinformations, lors de la visite au musée et, finalement, les étapes de traite-ment des informations et d’échange, lors des activités de prolongement àl’école.

Le déroulement de l’expérimentation

À l’automne 1986, 12 classes de la cinquième année du primaire de laCommission scolaire Mont-Fort ont participé à l’étude. Au total, ces classescomptaient 305 élèves répartis de la façon suivante: 79 ont formé le groupede contrôle (C), 81, le groupe expérimental E1, 78, le groupe expérimentalE2, et 61, le groupe expérimental E3.

Lors de l’expérimentation, les enseignants ont utilisé, en tout ou en partie,le guide pédagogique La descouverture du chemin qui marche. Les ensei-gnants du groupe expérimental E1 ont réalisé la première partie du guidepédagogique, soit les activités de préparation à la visite au musée. Lesenseignants du groupe expérimental E2 ont effectué les activités de pro-

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UN PROGRAMME ÉDUCATIF MUSÉAL AU PRIMAIRE 345

longement en classe à la visite au musée à l’aide de la seconde partie duguide pédagogique. Les enseignants du groupe expérimental E3 ont exécutéla version complète du guide pédagogique comprenant les activités depréparation et de prolongement. Les enseignants du groupe de contrôle (C)n’ont pas utilisé le guide pédagogique. Les groupes expérimentaux (E1, E2et E3) et de contrôle (C) ont effectué le même type de visite au musée.

La visite proposée aux élèves a été effectuée à l’aide de guides personnelsqui incitaient les élèves à parcourir le musée à la recherche d’informations.Ces guides comprennent de courts textes informatifs et des questions invitantles élèves à observer une sélection de vitrines du musée, à manipulercertains objets et à réfléchir. Deux animatrices étaient à la disposition desélèves.

Les instruments de mesure

Deux instruments de mesure ont été utilisés en prétest et en post-test. Lepremier évaluait, au plan cognitif (test cognitif HFC), la maîtrise de cer-taines habiletés techniques, les connaissances de faits d’ordre historique etgéographique ainsi que la compréhension des concepts de siècle et demigration. Le second, un test d’ordre affectif, comprenait deux parties. Lapremière mesurait le développement d’attitudes envers les sciences humaines(AH). La deuxième mesurait le développement d’attitudes à l’égard dumusée (AM). Cet instrument de mesure (AH-AM) comportait une échelle detype Likert à cinq catégories présumées à intervalles égaux.

La validité de contenu et la fidélité de ces tests ont été démontrées parBoucher (1986). Les instruments d’ordre affectif, AH et AM, ont obtenu descoefficients de fidélité alpha de Cronbach de 0,93 et de 0,94. Celui del’instrument d’ordre cognitif (HFC) s’élevait à 0,85.

PRÉSENTATION ET DISCUSSION DES RÉSULTATS

Nous avons effectué des analyses de progrès et de comparaison entre lesrésultats des groupes au test cognitif (HFC) et au test affectif (AH-AM).L’analyse de progrès a permis de vérifier, pour chacun des groupes, si lesmoyennes obtenues lors du post-test étaient significativement supérieures àcelles obtenues lors du prétest. L’analyse de comparaison des moyennes apermis de vérifier s’il existait un écart entre les résultats des groupes decontrôle (C) et expérimentaux (E1, E2 et E3) à chacun des tests. Un seuil de0,05 a été retenu pour juger de la signification des différences observées.

Apprentissages en sciences humaines

L’analyse de progrès au test cognitif (HFC) a révélé que tous les groupesd’élèves ont réalisé des apprentissages en sciences humaines, nonobstant lesdifférents traitements. Ainsi, un programme éducatif muséal, comprenant ou

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non des activités de préparation ou de prolongement en classe, entraîne laréalisation d’apprentissages en sciences humaines chez des élèves de cin-quième année du primaire.

Cette assertion concorde avec l’une des conclusions des études de Dau-phin (1985) et de Boucher (1986). Ces deux recherches démontrent en effetque, lors d’une visite au musée, des élèves de cinquième année du primairefont des apprentissages en sciences humaines.

L’analyse de comparaison entre les groupes au post-test cognitif (HFC) arévélé qu’un programme éducatif comprenant une visite au musée ainsi quedes activités de préparation ou de prolongement en classe, comparativementau même programme éducatif comprenant exclusivement une visite aumusée, ne favorise pas davantage, chez des élèves de cinquième année duprimaire, la réalisation d’apprentissages en sciences humaines. Notre pre-mière hypothèse est donc infirmée.

Pourtant, les études recensées ont semblé démontrer que des activités depréparation et de prolongement en classe à une sortie éducative ou à unevisite au musée maximisent la réalisation d’apprentissages chez les élèves.Dès lors, comment expliquer nos résultats? On pourrait se demander si lesenseignants qui devaient réaliser en tout ou en partie les activités de prépara-tion et de prolongement en classe ont bien suivi toutes les directives men-tionnées. N’auraient-ils réalisé que certaines d’entre elles? Seraient-ils allésjusqu’à n’effectuer aucune des activités? À l’inverse, les enseignants qui nedevaient pas préparer les élèves à la visite, ni réaliser d’activités de pro-longement après la visite l’ont-ils tout de même fait? Les données que nousavons recueillies ne nous permettent pas de répondre à ces questions.

On pourrait aussi se demander si le test cognitif (HFC) ne mesurait pasdavantage les apprentissages des élèves lors de leur visite au musée queceux réalisés lors des activités de préparation et de prolongement en classe.Des analyses plus fines pourraient contribuer à trancher cette question.

Attitudes à l’égard du musée

L’analyse de progrès au test affectif (AM) a révélé que tous les groupesd’élèves, à l’exception du groupe de contrôle (C), ont développé des atti-tudes positives à l’égard du musée, nonobstant les différents traitements.Ainsi, un programme éducatif muséal comprenant ou non des activités depréparation ou de prolongement en classe, développe des attitudes positivesà l’égard du musée chez des élèves de cinquième année du primaire.

Cette constatation corrobore celle de Boucher (1986) qui affirme que lavisite au musée, effectuée à l’aide de guides personnels et précédée d’unepréparation en classe, développe plus d’attitudes positives à l’égard dumusée qu’une visite guidée aussi précédée d’une préparation.

L’analyse de comparaison entre les résultats des groupes au post-testaffectif (AM) a révélé qu’un programme éducatif comprenant une visite aumusée ainsi que des activités de préparation ou de prolongement en classe,

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UN PROGRAMME ÉDUCATIF MUSÉAL AU PRIMAIRE 347

comparativement au même programme éducatif comprenant exclusivementune visite au musée, ne favorise pas davantage, chez des élèves de cin-quième année du primaire, le développement d’attitudes positives à l’égarddu musée. Notre deuxième hypothèse de recherche est donc infirmée.

Les résultats auraient-ils été différents si les activités de préparation ou deprolongement avaient été animées par le personnel du musée plutôt que parl’enseignant? Il conviendrait de répondre à cette question dans une autrerecherche.

Attitudes envers les sciences humaines

L’analyse de progrès au test affectif (AH) révèle que tous les groupesd’élèves ont développé des attitudes positives envers les sciences humaines,nonobstant les différents traitements. Ainsi, un programme éducatif muséal,comprenant ou non des activités de préparation ou de prolongement enclasse, développe des attitudes positives envers les sciences humaines chezdes élèves de cinquième année du primaire.

Ce résultat va à l’encontre de deux études menées auprès d’élèves decinquième année du primaire de la Commission des écoles catholiques deMontréal. En effet, la recherche de Dauphin (1985) démontre que la visiteguidée ne développe pas d’attitudes positives envers les sciences humaines.De même, Boucher (1986) conclut que la visite guidée précédée d’unepréparation en classe et la visite effectuée à l’aide de guides personnels,aussi précédée d’une préparation en classe, ne développent pas d’attitudespositives envers les sciences humaines.

L’analyse de comparaison révèle que le groupe expérimental E3, qui aréalisé des activités de préparation et de prolongement à une visite aumusée, développe plus d’attitudes positives envers les sciences humaines quele groupe expérimental E1, qui a effectué des activités de préparation avantla visite mais qui n’a pas fait d’activités de prolongement.

Il est étonnant de constater que les différences d’attitudes se situent entreles groupes expérimentaux E3 et E1 plutôt qu’entre un groupe expérimentalet le groupe de contrôle C, tel que prévu dans notre troisième hypothèse.Serait-ce là un résultat fortuit ou un effet de la réalité qu’il faudrait expli-quer? Les activités de prolongement auraient-elles plus d’impact sur ledéveloppement d’attitudes positives envers les sciences humaines que lesactivités de préparation? Mais, pour répondre affirmativement à cettequestion, il aurait aussi fallu relever une différence significative d’attitudesentre le groupe de contrôle C et le groupe expérimental E2. Il s’agit toute-fois d’une question qui mérite d’être étudiée d’autant plus que, d’aprèsl’enquête de Gottfried (1980), les enseignants effectuent plus d’activités deprolongement en classe que d’activités de préparation à une visite.

En somme, nous ne pouvons pas conclure que le programme éducatifexpérimenté favorise davantage, chez des élèves de cinquième année duprimaire, le développement d’attitudes positives envers les sciences hu-maines. Notre troisième hypothèse de recherche est donc infirmée.

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CONCLUSION

Notre recherche a permis d’établir qu’un programme éducatif muséal com-prenant ou non des activités de préparation et de prolongement en classefavorise, chez des élèves de cinquième année du primaire, la réalisationd’apprentissages et le développement d’attitudes positives à l’égard dumusée et des sciences humaines.

Toutefois, notre étude n’a pu démontrer qu’un programme éducatif com-prenant une visite au musée ainsi que des activités de préparation ou deprolongement en classe favorise davantage la réalisation d’apprentissages etle développement d’attitudes positives à l’égard du musée et des scienceshumaines, comparativement au même programme éducatif comprenantexclusivement une visite au musée.

Pour mieux circonscrire les effets des activités de préparation et de pro-longement en classe, il conviendrait de répondre aux questions suivantes: lesenseignants réalisent-ils adéquatement les activités prévues dans le guidepédagogique? Dans ce sens, serait-il préférable que celles-ci soient animéespar le personnel du musée? Par ailleurs, le test cognitif (HFC) a-t-il mesuréles apprentissages des élèves réalisés lors des activités de préparation et deprolongement? Les activités de prolongement en classe ont-elles plusd’impact sur les apprentissages que sur les attitudes des élèves que lesactivités de préparation en classe?

Des données qualitatives seraient sans doute susceptibles de contribuer àrépondre aux questions soulevées par notre étude. Ainsi, une grille d’obser-vation des comportements des élèves, des enseignants et du personnel dumusée ainsi qu’un questionnaire d’appréciation des activités, complété parles élèves, les enseignants et le personnel du musée, pourraient sans douteapporter certaines réponses à nos questions. Mais—est-il nécessaire de lerappeler—la recherche dans ce domaine est encore jeune et de nombreusesétudes devront être menées afin d’éclairer les actions des divers intervenantsen éducation muséale.

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Céline Du Sablon est chargée de cours et Geneviève Racette est professeure auDépartement des sciences de l’éducation, Université du Québec à Montréal, casepostale 8888, succursale A, Montréal (Québec) H3C 3P8.

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Essai d’applicabilité du modèled’enseignement de Bruner en milieu muséal

Suzanne Boucheruniversité du québec à montréal

En éducation scolaire, il n’existe pas une théorie générale capable d’orienter toutesituation d’apprentissage et d’éclairer la complexité de l’acte d’enseigner. Lepraticien peut cependant recourir à différents modèles d’enseignement. Lapédagogie muséale gagnerait à se doter de tels modèles. Afin de déterminer,parmi les modèles d’enseignement conçus pour l’école, ceux qui peuvent s’appli-quer en milieu muséal, nous avons développé une démarche d’analyse basée surcinq principes pédagogiques d’une visite au musée identifiés par le Groupe derecherche sur l’éducation et les musées. Cette démarche, nous l’avons appliquéeau modèle d’enseignement de Bruner sur le développement de concepts et nousavons vérifié dans quelle mesure il peut s’adapter en milieu muséal.

No theory of schooling can as yet offer a complete and practicable account of theteaching act, although a number of models provide approximate guidance forpractitioners. Museum education would gain by application of some such models.In order to choose from models developed for the school, we developed a screenbased on five pedagogical principles identified by the Museum EducationResearch Group. We here apply our screen to Bruner’s conceptual developmentmodel in order to see how well that model suits museum education.

LES PROGRAMMES ÉDUCATIFS MUSÉAUX OFFERTS AUX ÉCOLES

Depuis une quinzaine d’années, les musées canadiens et américains ont peuchangé leur façon d’accueillir les écoles selon les études de Bay (1973),Newsom et Silver (1978), Herbert (1981) et Stott (1987). Reque (1978),Herbert (1981) et Rayner (1987) constatent que la plupart des activitéséducatives des musées ont été élaborées intuitivement, sans référence à unethéorie pédagogique.

Il convient tout de même de reconnaître l’effort déployé par certainsmusées pour s’éloigner de la traditionnelle visite guidée et offrir aux groupesscolaires des activités basées sur une participation active des écoliers(Finkelstein, Stearns, & Hatcher, 1985). Reque (1978) mentionne qu’àl’époque où quelques muséologues ont commencé à remettre en question lesbienfaits de la visite guidée avec des enfants, la véritable question n’étaitpas de savoir s’il fallait privilégier les approches progressistes ou tradition-nelles, mais plutôt d’identifier ce qui était requis d’un programme de visite

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LE MODÈLE DE BRUNER AU MUSÉE 353

pour qu’il soit effectivement éducatif. Nous croyons donc qu’il faut iden-tifier comment planifier et organiser les stratégies d’enseignement au seind’un programme éducatif muséal de façon à susciter l’apprentissage chezl’élève qui y participe.

UN MODÈLE DIDACTIQUE D’UTILISATION DES MUSÉES

Lacey et Agar (1980) suggèrent de développer des modèles d’enseignementet d’apprentissage qui tiennent compte à la fois des collections du musée etdes objectifs des programmes scolaires. En éducation scolaire, faute d’unethéorie valable pour toute situation d’apprentissage, le praticien peut recourirà différents modèles didactiques et d’enseignement pour structurer lessituations d’apprentissage (Joyce & Weil, 1980). La pédagogie muséalegagnerait à se doter de tels modèles. D’ailleurs, lors d’un colloque tenu àl’Université du Québec à Montréal à l’automne 1985, chercheurs, ensei-gnants et éducateurs de musée ont souligné l’importance de mettre au pointdes modèles qui tiennent compte des objectifs particuliers du musée et del’école (Racette, 1986).

Depuis 1982, le Groupe de recherche sur l’éducation et les musées[GREM], au Département des sciences de l’éducation de l’Université duQuébec à Montréal, travaille à l’élaboration d’un modèle didactique d’utili-sation des musées. Entre autres choses, ce modèle vise l’élaboration deprogrammes éducatifs muséaux destinés aux groupes scolaires du primaire.Il comprend trois volets: l’identification des préalables, la mise en oeuvre duprogramme et son évaluation (Allard et Boucher, 1988).

La mise en oeuvre du programme prévoit une démarche d’apprentissageà trois moments: avant, pendant et après la visite au musée. Cette approcheest basée sur les recherches effectuées par le GREM sur la conception,l’élaboration, l’expérimentation et l’évaluation de différents types de visiteau musée. Cette approche tient également compte de multiples observationsréalisées dans différents musées auprès d’élèves qui participaient à desvisites éducatives. Enfin, au-delà de ce volet, les membres du GREM ontdégagé des principes que doit respecter une visite au musée destinée à desgroupes scolaires.

Notre recherche a pour but de proposer un ensemble de modèles d’ensei-gnement respectant le modèle didactique global mis au point par le GREM.Ces modèles d’enseignement composés de multiples agencements d’inter-ventions éducatives pour la visite au musée offriraient un cadre à la foisthéorique et pratique aux concepteurs de programmes éducatifs muséaux.Ces derniers pourraient s’y référer selon les objectifs qu’ils poursuivent, lesapproches qu’ils privilégient, les possibilités et les contraintes propres à leurmusée. Pour mener à bien notre recherche, nous avons analysé les modèlesd’enseignement présentés par Joyce et Weil (1980). Ces modèles ont étéélaborés par des psychologues et didacticiens reconnus. Ils se réfèrent àquatre orientations éducatives: traitement de l’information, développement

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354 SUZANNE BOUCHER

personnel, intervention sociale et modification du comportement. Dans cetarticle, nous présentons les lignes directrices de notre démarche d’analyse,puis nous l’appliquons à l’un des modèles de traitement de l’informationproposé par Joyce et Weil, celui de Jérome S. Bruner sur le développementde concepts.

LA DÉMARCHE D’ANALYSE

Les principes pédagogiques suivants d’une visite au musée (Allard etBoucher, 1988) sont à la base de notre analyse: a) prévoir des activitéspropres au musée; b) viser l’atteinte d’objectifs diversifiés; c) favoriser lacueillette d’informations; d) inciter l’élève à une participation active; e)conférer un aspect ludique aux activités. Chacun de ces principes doit êtrerespecté par le modèle d’enseignement examiné.

Prévoir des activités propres au musée

Si l’on considère que le musée et l’école sont deux institutions complémen-taires, il faut éviter de répéter au musée des activités qui peuvent se réaliserdans le local de classe. Il faut prévoir des activités inédites. Un grouped’élèves n’a pas intérêt à écouter au musée un exposé fait dans des condi-tions matérielles moins adéquates que celles de la salle de classe. Certes, lavisite au musée comporte en soi un élément inhabituel, voire novateur, carune visite rompt au moins la routine journalière de l’école. Mais si enarrivant au musée on retrouve l’école sous une autre forme, à travers desformules pédagogiques qui lui sont propres, l’impact de la nouveautés’estompe rapidement. Cela ne veut toutefois pas dire de bannir du muséetoutes les stratégies didactiques mises en oeuvre à l’école. Il existe desstratégies qui ne sont propres ni au musée, ni à l’école et que l’on peutadapter en utilisant les ressources mêmes du musée. L’activité éducative metalors en valeur les objets des collections et, dans la mesure du possible, estaxée sur des aspects qui ne peuvent être explorés ni ailleurs, ni autrementqu’au musée.

Viser l’atteinte d’objectifs diversifiés

On réduit souvent la connaissance à la simple mémorisation de faits. Enréalité, la connaissance englobe plusieurs processus mentaux qui relèvent del’association, de l’analyse, de la synthèse, et qui se situent à d’autresniveaux tels le développement de concepts ou le développement d’habiletés.Selon le GREM, durant les activités tenues au musée, il convient de ne passe limiter au simple niveau factuel. Il faut élargir la nature des objectifsvisés et développer des processus de réflexion, des sensibilités, voire desattitudes.

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LE MODÈLE DE BRUNER AU MUSÉE 355

Favoriser la cueillette d’informations

Le GREM a montré que l’information amassée par les élèves est pauvre sila visite demeure un événement isolé. La visite au musée doit s’inscrire dansune démarche entreprise en classe et qui se termine en classe. Le modèle duGREM prévoit, pour la préparation en classe, une introduction au thème quisera abordé au musée. Cette première exploration de l’objet d’étude a pourbut de faire surgir des questions de recherche chez l’élève. Lors de la visite,l’élève procède à la cueillette des informations susceptibles de fournir desréponses à ses questions. Il recueille ces informations essentiellement àl’aide de ce qu’il trouve dans les vitrines.

En principe, selon le GREM, pour favoriser une cueillette optimaled’informations, il faut admettre que l’élève ne puisse tout voir, tout ap-prendre et tout comprendre lors d’une seule visite. Il faut ainsi limiter lenombre d’informations communiquées à l’élève. C’est une condition pourque ce dernier ne se sente pas enterré sous une masse de données et pourqu’il les assimile. On peut éviter une surcharge d’informations en choisissantles vitrines à observer pendant la visite pour leur relation avec le thème duprogramme éducatif.

Inciter l’élève à une participation active

Comme dans une étude de l’Industrial Audio-Visual Association (Cloutier,1974) qui montre qu’un individu ne retiendrait que 20% de ce qu’il entend,mais 90% de ce qu’il dit en faisant quelque chose, les membres du GREMsuggèrent de restreindre l’emploi de l’exposé avec des élèves. Il vaut mieuximpliquer l’élève dans tout son être en lui conférant un rôle actif, créer desinteractions entre l’élève et l’animateur, inciter l’élève à utiliser plusieurs deses sens et l’encourager à utiliser des habiletés intellectuelles (observation,comparaison, association, établissement de relations).

Conférer un aspect ludique aux activités

Le jeu fait partie intégrante de l’univers enfantin. Il facilite l’assimilation del’expérience au schéma du monde de l’enfant. Il permet à celui-ci d’essayerdes combinaisons de comportements sans se préoccuper de rendement. Ilfavorise l’essai de ses habiletés dans de nouveaux contextes, sans craindrel’échec, puisqu’il n’est pas nécessaire de réussir (Desrosiers-Sabbath, 1984,p. 36).

Toute situation peut devenir jeu. C’est la façon dont l’individu réagit dansune activité qui indique si l’activité est ou non ludique (Guillette, 1982, p.41). Considérons quelques indicateurs de l’activité ludique. C’est uneactivité agréable, divertissante, qui change de la routine et qui amuse. Cen’est pas une corvée et c’est dissociable d’un comportement sérieux: on peutêtre fâché et jouer à être fâché. L’aspect ludique d’une activité doit être

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356 SUZANNE BOUCHER

perçu comme tel par l’élève. Il le sera d’autant plus facilement si l’activitélui rappelle une forme de jeu qu’il connaît.

Selon le GREM, le caractère ludique des activités offertes au musée doitêtre aussi marqué que possible. L’élève apprend toujours mais en s’amusant,le musée pouvant donner lieu et place au plaisir. L’élève qui se rend aumusée ne s’attend pas à y vivre des activités scolaires et didactiques, au senspéjoratif de ces termes. Bien que la visite s’effectue dans un cadre scolaireet poursuivre des objectifs généralement puisés dans les programmesd’études officiels, l’élève, puisqu’il est sorti de l’école, anticipe de vivre aumusée une expérience nouvelle. En conférant un aspect ludique aux activi-tés, la visite au musée n’apparaît plus à ses yeux comme une activité àcaractère strictement scolaire.

Voilà les principes retenus pour analyser des modèles d’enseignementapplicables en milieu muséal. Cette analyse consiste, en premier lieu, àvérifier d’une manière empirique si un modèle respecte ces principes. Ensecond lieu, elle prévoit l’esquisse d’un exemple d’application du modèled’enseignement à l’intérieur des trois moments d’apprentissage d’un pro-gramme éducatif prévu dans le modèle du GREM. Par la suite, nous dev-rions être en mesure de décider si le modèle étudié peut être considérécomme applicable en milieu muséal. Le modèle mis à l’épreuve est celui deBruner sur le développement de concepts.

LE MODÈLE DE BRUNER SUR LE DÉVELOPPEMENT DE CONCEPTS

Jérome S. Bruner est un constructiviste. Tout comme Piaget, il considère ledéveloppement de la connaissance comme un processus d’équilibres et dedéséquilibres au cours duquel l’enfant franchit des stades de connaissances.Selon lui, l’enfant passe graduellement du concret à l’abstrait. Bruner estd’ailleurs un défenseur de la pédagogie par la découverte qui impliquel’induction (Bruner, Shulman et Keislar, 1973). Il préconise un enseignementde concepts où l’élève doit découvrir une proposition générale et abstraiteappliquée à des situations concrètes. Ce qui importe pour Bruner (1969),c’est d’amener l’enfant à passer progressivement de la pensée concrète à lapensée conceptuelle.

Le modèle d’enseignement de Bruner (Bruner, Goodnow, & Austin, 1967;Desrosiers-Sabbath, 1984; Joyce & Weil, 1980) est basé sur le dévelop-pement des habiletés impliquées dans le processus de conceptualisation.Dans ce modèle, l’apprentissage d’un concept consiste à identifier sescaractéristiques essentielles, ses “attributs,” et à les regrouper en catégories.

L’enseignement se planifie en trois étapes. La première a pour objet lechoix du concept, habituellement puisé dans les curricula scolaires ou lesmanuels servant aux apprentissages. La deuxième consiste à analyser leconcept. Il s’agit d’identifier ses attributs essentiels et non essentiels. Parexemple, comme attributs essentiels du concept “service,” on note que c’estune activité qui représente une valeur économique, sans production de bien

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matériel, destinée à satisfaire un besoin humain. Un service peut égalementavoir comme attributs non essentiels d’être privé ou public. La troisième,enfin, consiste à illustrer le concept par des exemples positifs ou négatifs,étiquetés par des oui et des non. Ainsi, enseigner, servir un repas, exercer lemétier de pompier, sont des exemples de services. Par contre, manger, sepromener à moto, construire une maison, n’en sont pas.

Lors de la mise en oeuvre du modèle de Bruner, les exemples qui il-lustrent les attributs du concept et ceux qui ne les illustrent pas sont pré-sentés sous formes d’images, d’objets, de phrases orales ou écrites. Lesélèves sont invités à formuler des hypothèses sur la nature du concept. Aufur et à mesure de la présentation des exemples, l’enseignant intervient etrenforce les tentatives de découverte du concept.

Lorsque le concept est découvert, l’enseignant propose aux élèves de ledéfinir par ses attributs. Les élèves reconstituent les chaînes d’événementsqui ont conduit à la découverte du concept.

L’étape suivante est celle de la généralisation. L’élève analyse le conceptdans divers contextes. Finalement, afin d’améliorer leur capacité de concep-tualiser, les élèves conçoivent eux-mêmes un jeu de concepts et refont ladémarche du modèle à partir d’un autre concept inscrit au curriculum.

ANALYSE DU MODÈLE DE BRUNER

Nous avons voulu vérifier si le modèle de Bruner sur le développement deconcepts est applicable en milieu muséal. On peut dire qu’il respecte lescinq principes d’une visite au musée, mais à certaines conditions.

Le modèle de Bruner favorise la mise en oeuvre d’activités propres aumusée. Il permet en effet l’utilisation des objets des collections du muséecomme exemples qui illustrent et qui n’illustrent pas le concept choisi.

Une visite au musée élaborée selon le modèle de Bruner vise l’atteinted’objectifs diversifiés. En effet, elle amène l’élève, tout au long de sa visite,à se confronter à des faits qu’il peut mémoriser. Mais surtout, une visiteconçue selon le modèle de Bruner pousse l’élève à développer sa compré-hension des concepts et ses habiletés à penser. De plus, bien que les objec-tifs premiers du modèle ne se situent pas à ce niveau, une telle visite susciteun contact direct avec l’objet muséal qui développe chez l’élève des sensibi-lités, voire des attitudes positives à l’égard du musée.

Le modèle de Bruner favorise la cueillette d’informations selon desmodalités appropriées à la situation muséale. Si les concepts étudiés aumusée sont reliés à un thème déjà abordé en classe, l’élève peut recueillir aumusée des informations sur certains aspects de ce thème par le recours à unnombre limité de vitrines du musée sélectionnées en fonction des conceptsétudiés. Chaque musée véhicule un message qui se réfère à certains con-cepts. On choisira les concepts dont les attributs sont exposés sous uneforme ou une autre et en nombre suffisant. La sélection, bien entendu, devraégalement se faire en fonction de la difficulté de compréhension. À notre

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avis, le modèle de Bruner respecte le principe relatif à la cueillette d’infor-mations, pourvu que le choix des concepts soit fait en fonction de la collec-tion du musée. Si la collection n’est pas suffisamment vaste pour offrir unnombre suffisant d’exemples qui illustrent et d’exemples qui n’illustrent pasun concept, on pourra tout de même parfaire la cueillette d’informations àl’aide d’autres stratégies impliquant des média et même des objets nonmuséaux.

Une visite inspirée par le modèle de Bruner incite l’élève à une participa-tion active. Il n’est pas soumis à une écoute passive. Il doit chercher etdécouvrir les attributs du concept à partir des exemples qu’il observe dansla collection du musée. Ce modèle suscite également des interactions entrel’animateur et les élèves. Les élèves sont continuellement invités à découvrirle concept.

Le modèle de Bruner confère un aspect ludique aux activités. Desrosiers-Sabbath (1984) nomme même ce modèle ‘‘jeu des concepts.’’ Pour Bruner,le jeu a un rôle important dans le développement de l’esprit et l’acquisitiondes connaissances. Selon Desrosiers-Sabbath (1984), le modèle de Bruner

s’appuie essentiellement sur le jeu et lui accorde une place importante dans lesapprentissages. En effet, toute la démarche de l’esprit est enclenchée par des jeuxsimples sur les concepts; jeux qui ne visent pas uniquement l’acquisition deconnaissances, mais donnent lieu à des activités où le processus de connaissanceest analysé. Le modèle prend à son compte le rôle positif du jeu en pédagogie.(p. 36–37)

APPLICATION DU MODÈLE DE BRUNER

Le modèle de Bruner nous semble respecter les cinq principes d’une visiteau musée. Pour finaliser l’analyse, il convient de vérifier comment cemodèle d’enseignement peut supporter les activités propres aux troismoments d’un programme éducatif muséal qui se situent, on s’en souvient,avant, pendant et après la visite.

Pour les activités se déroulant en classe avant la visite, le modèle duGREM prévoit, entre autres, de se centrer sur les préalables à la visite.L’application du modèle de Bruner suggère une initiation au jeu des con-cepts.

Lors de la visite au musée, des exemples qui illustrent et qui n’illustrentpas le concept à l’étude peuvent être présentés à l’aide des objets de lacollection du musée. Prenons une classe de 1ère ou de 2e année du primairevisitant un musée qui possède une collection de véhicules. Supposons leconcept moyen de transport sur rail. Ce concept est étudié à l’aide d’unesélection d’objets que les élèves peuvent observer directement: locomotive,wagons de passagers et de marchandises, métros et trains de différentesépoques sont des exemples du concept; bateau, avion, automobile d’époquesdifférentes n’en sont pas. Une fois le concept découvert, les élèves ledéfinissent en reconstituant les chaînes d’événements qui les ont conduits à

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découvrir le concept. La séquence peut être répétée avec d’autres conceptsrelatifs aux moyens de transport et avec d’autres objets du musée.

Après la visite, c’est l’étape de la généralisation. L’élève doit analyserchacun des concepts étudiés au musée dans de nouveaux contextes. Enfin,pour développer davantage la capacité à conceptualiser de l’élève, onpourrait lui demander de concevoir son propre jeu des concepts et de refairela séquence du modèle à partir d’un autre concept relié au thème à l’étude.

CONCLUSION

D’après notre analyse, le modèle d’enseignement de Bruner respecte lesprincipes d’une visite au musée pour écoliers. Ce constat d’applicabilité,fruit d’un jeu abstrait, pourrait être vérifié expérimentalement pour le plusgrand bénéfice des concepteurs de programmes éducatifs muséaux intéresséspar le modèle de Bruner. Non seulement le modèle analysé respecte lesexigences d’une visite, mais il s’intègre harmonieusement au modèle duGREM et le complète. Cela ne veut pas dire toutefois que son applicationsoit universelle. Il existe probablement, en effet, des musées qui ne pos-sèdent pas les collections suffisantes pour explorer les concepts à la manièrede Bruner. Il va de soi que cette restriction est à vérifier. Cependant, si c’estexact, il faudrait analyser d’autres modèles d’enseignement afin d’identifierceux qui sont susceptibles de s’appliquer aux différents milieux muséaux.On pourrait alors offrir aux utilisateurs du modèle du GREM un ensemblede modèles d’enseignement parmi lesquels ils pourraient choisir celui quicorrespond le mieux aux ressources matérielles et humaines de leur musée.

RÉFÉRENCES

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Suzanne Boucher est chargée de cours au Département des sciences de l’éduca-tion, Université du Québec à Montréal, case postale 8888, succursale A, Montréal(Québec) H3C 3P8.

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The National Gallery of Canada’sTheme Rooms: Exploring theEducational Exhibition

Anne Newlandsnational gallery of canada

In addition to their functions of collecting, preserving, studying, and exhibiting,museums have an educational role. In 1983, A Building Programme for the NewNational Gallery of Canada proposed the development of designated didacticareas within the new building as places of learning to complement the visitor’sexperience of viewing art. This article discusses the concept of a didactic spaceand traces the development of four such areas in the Gallery’s Canadian collec-tion. Examining constraints and objectives, it details the planning process, theapproaches selected, and the content of the four different spaces. Each of theareas, called Theme Rooms, stands physically and conceptually distinct from theothers. An evaluation plan designed to inform the improvement and design offuture Rooms is described, leading back to the fundamental question of how bestto enhance the visitor’s chosen aesthetic experience.

En plus de collectionner, de conserver, d’étudier et d’exposer des oeuvres, lesmusées ont un rôle éducatif. En 1983, il a été proposé dans un document intituléA Building Programme for the New National Gallery of Canada que des aires àvocation didactique soient prévues dans le nouveau bâtiment afin de servir decomplément aux salles d’exposition. L’auteure de cet article discute du conceptd’aire didactique et décrit comment ont été aménagées quatre aires de ce genreau Musée des beaux-arts du Canada. Analysant les contraintes et les objectifs,elle explique le processus de planification, les approches retenues et le contenudes quatre aires. Désignées sous le nom de ‘‘salles thématiques,’’ elles sonttoutes, du double point de vue de l’aménagement et de la conception, distinctesles unes des autres. Présentant en outre un plan d’évaluation élaboré en vued’améliorer la conception des prochaines salles thématiques du Musée, l’auteurenous ramène à la question fondamentale des moyens à prendre pour bonifierl’expérience esthétique choisie par le visiteur.

Together with collecting, preserving, and studying that which is collected,museums have long had an the educational role. As far as the NationalGallery of Canada is concerned, this educational function is emphasized inA National Museums Policy for the 80’s (National Museums of Canada,1981), where the museum’s responsibility to share ‘‘both the collection andknowledge derived therefrom for the instruction and self-enlightment of anaudience’’ is firmly stated on the first page. Although the definition of

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education and the methods appropriate to it in an art museum settingcontinue to be hotly debated, it is generally agreed that:

Works of art, no matter how grand, how glorious, how great, are withoutconsequence unless encountered by a seeing eye, a thoughtful mind, and afeeling heart. Works of art live by virtue of their capacity to shape humanexperience. A viewer’s experience becomes artistically significant when he or sheis able to treat the work in a manner relevant to its artistically important features.People must be able to ‘‘read’’ the artistic content of images to have artisticexperience. The mere presence of works, even in fine museums, is insufficient.(Eisner & Dobbs, 1986, p. 1)

Acknowledging that works of art merely accompanied by identificationlabels are not necessarily accessible or meaningful to the majority of artmuseum visitors, education departments have made it their task to bridge thegap between art and the public. The ways in which these bridges are builtare as varied as the art collections and the audiences that visit them. Tradi-tionally, guided tours, extended labels, panel texts, and brochures have beenoffered in a myriad of formats to meet the requirements of diverse audi-ences. Occasionally education departments themselves mount exhibitionswith educational objectives. At the Art Gallery of Ontario, for example,there have been exhibitions such as Attitudes: The Nude in Art (1983) andViewpoints: Approaches to Contemporary Art (1988). These exhibitionsexplored their publics’ reaction to certain imagery and forms of art, andevaluated different types of learning tools. Such studies are usually isolatedin designated ‘‘education’’ galleries outside the principal circulation areas.

DIDACTIC AREAS

What exactly constitutes learning in the informal setting of the art museumis a subject of study unto itself. For the purposes of this article:

Learning . . . refers to any measurable changes taking place within the visitorwhich can be directly attributable to the exhibit experience. These changes couldinclude the acquisition of new knowledge, concepts, perceptual skills, or atti-tudes. (Lakota, 1976, p. 249)

A Building Programme for the New National Gallery of Canada (CanadianMuseum Construction Corporation, 1983) proposed the creation of didacticareas to give the visitor an opportunity to ‘‘learn’’:

didactic areas in conjunction with certain galleries will contain displays givinginformation about, and interpretations of, the art exhibited in nearby galleries.Although the visitor should be able to see the didactic display in close proximityto the associated gallery, he should also be able to bypass it . . . [so as not tohave it interfere] with the contemplative nature of the examination of works ofart. (p. 33)

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THE NATIONAL GALLERY OF CANADA 363

From the Gallery’s point of view, the foremost place of learning was toremain the galleries themselves. Here the visitor would first and to thegreatest extent encounter works of art. The experience of looking at andappreciating art could be complemented in ‘‘the related but not obtrusivedidactic areas’’ (Canadian Museum Construction Corporation, 1983, p. 20).

This decision to develop didactic spaces within a permanent collectioncame at a time when special exhibitions were, as they continue to be,increasingly expensive to mount. This expense forces museums to animateand enhance their permanent collections to keep attracting visitors. TheGallery’s permanent collections are vast and varied, and the didactic areascould help visitors focus on particular aspects of the collection. Originallyall areas of the collection—Canadian, European, Prints, Drawings andPhotographs, Contemporary, and Inuit—were to address ‘‘learning’’ indidactic areas. To date only in the Canadian collection have these areas,called Theme Rooms, been developed.

THE CANADIAN GALLERIES

In the Canadian galleries, the didactic areas took the form of four regularside-galleries flanking the array of larger main galleries. In keeping with thespecifications of the Building Programme they were unobstrusive (at firstglance they could be taken for regular exhibition spaces), optional (youcould enter or pass by), and did not interfere with the contemplation of artin the main galleries (because their activities were restricted spatially). Yetthey responded to the challenge to explore new methods for encouraging adialogue between visitors and works of art acknowledged as the primaryobligation of the Gallery in the Building Programme.

Late in 1985, a team composed of a curator (Denise Leclerc, AssistantCurator of Later Canadian Art), a designer (Craig Laberge, Head of Design),and an educator (myself) was struck to propose a scheme for developing theTheme Rooms. We represented the museum’s essential functions: collectionand subject expertise, graphic and technical means for packaging andconveying our objectives, and knowledge of the audience and methods ofcommunication. This kind of collaboration, with its obvious benefits ofsharing different points of view, is often recommended but rarely imple-mented. Together we researched and discussed the physical and conceptualneeds of visitors in the new National Gallery and proposed an approach tothe didactic areas differing from other methods of interpretation like guidedtours, information labels, and publications.

Before determining the actual content of the four Rooms, we investigateddifferent ways visitors might learn in a museum environment and whichtechniques (written texts, reproductions, audios, and videos) were mosteffective for presenting information to a plurality of audiences (Johnstone,1980; Lakota, 1976, pp. 249-279; Landay, 1982; Miles, Alt, Gosling, Lewis,& Tout, 1982, pp. 78-101; Screven, 1975). ‘‘The public is, however, a

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diversified group and so the development of museum education is also thestory of diversification’’ (Ott, 1981, p. 9). We thought the needs of youngstudents were met by school tours, and those of groups of adults by dailypublic tours. We defined our audience as the general adult public, individ-uals alone and in small groups, willing to spend time reading, listening to,or looking at supplementary material. For adults preferring a more personal,in-depth experience this was an opportunity to try another approach.

Many decisions made in 1986 were taken when we were anticipating themove to the new building and preparing for its opening. The creativepressure of this situation was complicated by the fact that we knew few artmuseum models for permanent installation didactic galleries and had littletime and few resources for formative evaluation to test our assumptions andproposals.

The objectives we developed for the Theme Rooms were based on ournotions of what constituted the ideal visitor experience. We wanted visitorsto feel both physically and conceptually comfortable in their visit to theCanadian collection. If we were going to enhance the visitor’s dialogue withworks of art, we felt strongly that we should not limit their own creativeperceptions, which could conceivably be undermined by our proposingparticular ways of looking or feeling. We sought to keep the visitor’sexperience of the work of art as open-ended as possible, yet to providematerial to make the Canadian collection accessible. Based on the frequentlyarticulated assumption that most people feel uncomfortable in art museumsbecause they lack background knowledge about the artists and their work,we decided to explain a variety of historical contexts related to a ThemeRoom’s position within the Canadian galleries. Given that the works of artin the galleries would be complemented only by identification labels, wehoped provision of this material in the Theme Rooms would enhance thevisitor’s appreciation of works of art.

We considered the initiatory aspect of gallery visiting and the needs offirst-time visitors: we wanted the content of the Rooms to be understandableat a glance. To encourage repeat visits, both to the galleries and to theTheme Rooms, we wanted to make evident the possibility of obtaining morein-depth information. Ultimately we aimed to develop a system where theinformation was layered—either by varying type sizes (titles, sub-titles, andso on) or by accumulating texts and pictures in binder-books for visitors toperuse. While the scope of this article does not permit discussion of theinnovative design solutions, they are in fact central to the overall impact (theattraction and holding power) of the Rooms. Two related objectives touchedon both content and design: we sought to make specific connections with,and references to, works installed in the galleries, and we insisted on avariety of presentational formats to respond to the needs of diverse audi-ences.

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THE NATIONAL GALLERY OF CANADA 365

THE CONTENT OF THE ROOMS

In determining the themes, we tried to put ourselves in the shoes of first-time visitors to the Canadian collection and to anticipate their questions. Inthe early Canadian galleries, for example, why are religious works, portrait-ure, and genre painting in such close proximity? It was decided that eachRoom would emphasize a different theme according to its specific locationin the galleries and that each would stand alone thematically from the otherRooms. Each Room would begin with an idea or theme and use the worksin the collection (where possible) to support it. The Rooms would also useauxiliary images and artifacts to expand upon the diverse contexts of worksin the collection. Each Room would use slightly different methods ofinstallation and technology to meet these objectives.

Room I: Patronage of the Arts in Early Canada. We proposed the themeof patronage for the first Room because it answered our hypotheticalvisitor’s question about the variety of subject matter in the early Canadiangalleries and permitted exploration of the varied forces behind developmentof the arts in early Canada. The Room is installed with works from thecollection that represent specific case studies of particular kinds of patron-age. The works of art are supplemented with photographs and replicas ofdocumentary material about a variety of artist-patron relations. By installingactual art objects with which to explore the theme, we achieved two things:the circumstances behind a particular market (or environment) for a particu-lar object can be explored, and the Room itself blends visually with theadjacent main gallery.

The first wall displays religious sculpture, painting, and silver vessels,and acknowledges the primary importance of the Roman Catholic Church inpre-Confederation Quebec. The second wall demonstrates indirect militarypatronage and features British topographical artists who produced art bothfor documentary (military) and for personal (aesthetic) purposes. The thirdwall shows selected examples of private patronage: portraits of ships,portraits of individuals, presentation silver, and genre painting. The fourthwall points to official patronage, with examples of a portrait of a ChiefJustice and a painting by Paul Kane witnessing early Government support ofthe arts.

Room II: Academic Training of Canadian Artists Abroad. This themewas chosen to complement the emphasis on figure painting in the surround-ing galleries and to emphasize the educational isolation and the importanceof academic training abroad for young Canadian artists in the late 19thcentury. Like Room I, this Room includes an art installation. Distributedover three walls, a selection of works illustrate the basic steps in classicalacademic training: drawing from the plaster cast, drawing from the model,copying from the old masters, and the development of the study and thepainted sketch. The installation is complemented by an audio tape ofmaterial culled from Canadian artists’ letters, diaries, and articles. The tape

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articulates the values and intent of training abroad and voices the artists’personal ambitions and their reactions to and disappointments with such atraining.

Room III: Modern Art in Canada—The Beginnings. In contrast to thetwo previous Rooms, which used art objects, this one, in keeping with its20th-century subject, offers a video exploring the European avant-garde’sinfluence on Canadian painters from 1900 through the 1930s. Modernity waschosen as a theme because it so aptly encompassed the acceleration ofstylistic change and the variety in the galleries nearby. Beginning withJames Wilson Morrice, the video deals not only with important internationalinfluences on the artists of this period but also with the artists’ personalcreative responses. This Room is complemented by a small reading areaproviding a selection of monographs about the artists and ideas featured inthe video.

Room IV: The Painter Speaks—Canadian Abstract Painters. Here avideo composed of archival radio, film, and TV footage presents someCanadian artists discussing the roots of their interest in abstraction and theirindividual approaches to it. Once again, video technology was seen as themost appropriate medium for bringing artists’ words to life and for present-ing a modern concept. The theme of abstraction was chosen because we hadobserved that the general public has difficulty with non-objective art. Wealso know that when artists speak for themselves about why they paint asthey do, people are fascinated and listen intently.

EVALUATION

It is not sufficient to equate effectiveness with popularity (visitor count). Themere fact of attendance says nothing about the value of the experience to thevisitor. (Lakota, 1976, p. 18)

Evaluation was always seen as an integral part of the development of theTheme Rooms. It offers the most important key to assessing the value of aTheme Room experience for the visitor. Designed with a life-span of two tothree years, the Rooms are viewed as laboratories in which to exploreeffective means for enhancing the visitor’s experience of the Canadiancollection. Our objectives for evaluation are to assess the effectiveness ofthe existing Rooms, to increase our understanding of how visitors use theRooms, to design new Rooms better, and to provide better tools for enhanc-ing visitors’ appreciation of art.

Phase 1. After the Rooms opened in May 1989, we launched Phase I ofthe evaluation programme. From June to August, helped by two summerinterns, we tracked visitors unobtrusively and interviewed them to find outif the content was being clearly conveyed, if the design was effective, andif a Theme Room experience increased their appreciation of the Canadiancollection. At the same time, we administered an orientation questionnaireto see if visitors were entering the Rooms by accident (happening upon

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THE NATIONAL GALLERY OF CANADA 367

them) or by design (informed by the floorplan). This inquiry stemmed fromour feeling that the signage for the Rooms was inadequate. If visitors werenot aware of the existence of the Rooms, then they obviously could not takeadvantage of these resources. Furthermore, visitors would likely carry awaythe unfavourable impression that no effort had been made to make theCanadian collection more accessible. Past and present evaluations indicatethe need for specific (promotional and directional) Theme Room signage,even at the expense of keeping the galleries as free of signs as possible.

Because the content and technical methods used in the four Roomsdiffer, we also designed four Room-specific interview questionnaires. Thesequestionnaires inquired about visitors’ awarness of a particular theme in aRoom, whether they had read the introductory column (which explained theTheme), and to what extent they had read the supplementary material,listened to the audio-tape, or watched the videos in the Room. We askedwhich form of information they most enjoyed and whether they felt theexperience had taught them something or had increased their appreciation ofthe Canadian collection. We also asked about their comfort in reading,listening to, or watching the supplementary information (type-size, text oraudio-tape or video length, and language level). Thus most questionsstemmed from the Gallery’s concerns about content and design decisions:were the Theme Rooms meaningful, and were they affecting our visitors aswe intended?

Because of the sampling strategy and the design of the questionnaire, thesummer evaluation for all its ambitious intentions gave us less feedback thanwe anticipated. Of almost 1,000 visitors tracked, only 112 stayed one minuteor more in a Room and were interviewed. Nevertheless, we learned a lotabout the circulation patterns in each Room and about which Rooms andfeatures attracted people. We learned that our attempt to graphically layerwritten information was not very effective and that few visitors read theintroductory columns (the keys) in each Room. Because so few people readthem, we were not able to get much criticism of the texts or their modes ofpresentation. The poor response to the audio-tape in Room 2 confirmed ourapprehensions about the rather stark nature of the installation: most visitorsdid not connect the text panel (the audio-tape programme) on the wall withthe headphones on the nearby benches. Lack of visuals in this area may alsohave limited their attraction to the audio-tapes.

Phase II. Recognizing that the Gallery’s audience has seasonal fluctu-ations and characteristics, we decided to embark on a Phase II evaluationplan to compare responses of summer and winter audiences to the Rooms.In contrast to the in-house evaluation project conducted in the summer, forthe winter we hired a professional museologist skilled in evaluation to assistus in collecting more scientific data based on standard, professionallyaccepted measures of exhibit effectiveness.

Conducted in March 1990, the winter evaluation was designed to com-plement, not duplicate, the findings of the previous summer. While it probed

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again the meaningfulness of the content and the effectiveness of the designof the Rooms, it used a different sampling strategy (see below). It alsoinquired about visitors’ background knowledge and their interest in Cana-dian art, and the kinds of questions they had about looking at Canadian art.Beyond attempting to draw inferences from visitors’ evaluations of theexisting Rooms, a deliberate effort was made to solicit their questions.

The sampling strategy required interviewing anyone who exited from aTheme Room, thus more completely testing each Room’s attracting andholding power. Once attracted to a Room, 205 of the 365 visitors inter-viewed (56%) stopped and used aspects of a particular Room. The use perRoom decreased as visitors got closer to the exit from the Canadian gal-leries: Room 1 was used by 84% of visitors, Room 2 by 57%, Room 3 by45%, and Room 4 by 32%. This use does not equate with understanding orimpact, since the theme of Room 2 was misunderstood by 38% of visitorsand, while the visits to Rooms 3 and 4 were fewest, the use and appreciationof the videos was very high, with visitors staying for all or most of their17-minute duration. Obviously fragments of information such as these begquestions about the effectiveness of certain kinds of installations and therelevance to the visitor of particular themes. These issues cannot be debatedhere but will form the base of future research on the Rooms and themethods to be used.

The winter evaluation was also significant in that it provided somelong-awaited demographics about visitors to the Canadian collection. Mostvisitors (60%) were university graduates with no special knowledge of orbackground in Canadian art, and 72% were first-time visitors to the Gallery.This fact puts into question one of our initial objectives, to attract returningvisitors to the Rooms, and will have a bearing on the target audience in thefuture.

When asked to select and rate potential future Theme Room topics,visitors showed most interest in “why artists made particular works of art.”This was followed by three equally rated topics: “information about aspecific work of art,” “how to look at or analyze a work of art,” and “back-ground about the artist’s life.” Curiosity about “artists’ materials and tech-niques” ranked below these but above “what critics had to say about artists’work,” which ranked last.

Despite the fact that the sampling strategies for winter and summer weredifferent, visitors’ use of particular Theme Room features was found to bevery similar. Visitors reported having read “some” of the text material inRooms 1 and 2 but having seen “most” or “all of” the videos in Rooms 3and 4, suggesting that the video format was more popular than the paneltexts, extended labels, or binder books. This in turn raises all kinds ofquestions: if indeed the videos are more popular, is it because they are amore passive form of obtaining information or because they are morecomplete and dynamic in their explanations? Did the location of the videos,just over halfway through the Canadian galleries, make them an attractive

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stop, offering seating and a break in the pattern of looking at works of art?(While the opportunity to pause may have been valued, it should be notedthat the video seating was rated as very uncomfortable!) Last, but not least,why do the texts not encourage reading, and is there a way to make textpresentations more interesting in order to increase their use? While theactual graphics used may have discouraged reading of the texts, it is poss-ible that (relatively) text-heavy approaches are not appropriate for ThemeRooms located near the beginning of most peoples’ visits.

THE CHALLENGE

The exciting aspect of research and experimentation in the Theme Rooms isthat it continues the inquiry about what methods most enhance visitors’dialogues with works of art. Do visitors need the background informationcollected by experts in the field to appreciate a work of art? What kind oflearning tools and approaches best serve this ‘‘discretionary leisure-timeactivity’’ (Kelly, 1984)? Educators elsewhere are exploring these issues.Important research and experimentation continues at the Art Gallery ofOntario, where installations in the J.S. McLean Group of Seven gallerieshave introduced interactive computers right into the art installations in aneffort to develop visitors’ critical looking skills and personal appreciation ofworks of art. At the Denver Art Museum in Colorado, the education depart-ment has participated in an experiment to produce label texts that introducethe novice to the appreciation of the expert in a personalized way. Althoughtheir methods are quite different, both these examples represent visitor-focussed enhancements. Opposed to the ‘‘hypodermic’’ approach, where thevisitor passively receives information, the educators behind these endeavoursare trying to get visitors to discover for themselves what kind of personalrapport they might have with a work of art.

Thus the research with its shifting parameters continues; and the sol-utions, even for permanent didactic galleries, remain temporary. But whilewe labour away in the art museum, experimenting with ways to enhance theart museum visitor’s experience:

We should not overrate the impact upon the visitors, of all those aspects ofgallery design and presentation that cause professionals and academics to get sohot under the collar. The way non-professionals approach and experience objectsin museums is much more dependent on the conceptual baggage they bring intothe museum than anything the display can accomplish on its own. (Kemp, 1990,p. 1435)

Nevertheless, the challenge to make something meaningful of these unob-trusive didactic areas, to encourage a dialogue between art and the public,continues to thrive.

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370 ANNE NEWLANDS

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The Measurement of Learningin the Museum

Janet Gail Donaldmcgill university

With increased interest in the educational role of museums, learning in museumsand its measurement have become important questions. The most frequently usedmeasures in museums are attracting power and holding power; but measures usedby educators are of time on task, knowledge gained, thinking and problem-solving skills, motivation or attitudes, and creativity. The objective of this studywas to delineate and to evaluate measures of learning applicable to museumexperience. Different kinds of museums—fine arts, natural history, science, andcentres of interpretation—promote different kinds of learning, but all payattention to specific measures of learning: knowledge gain and thinking.

Plus on s’intéresse au rôle éducatif des musées, plus l’apprentissage dans lesmusées et les instruments de mesure connexes prennent de l’importance. Lescritères de mesure souvent retenus dans les musées sont le pouvoir d’attractionet de rétention; les éducateurs, eux, considèrent plutôt le temps consacré à latâche, les connaissances acquises, la pensée et l’aptitude à résoudre des prob-lèmes, la motivation ou les attitudes et la créativité. L’étude présentée dans cetarticle visait à distinguer et à évaluer les mesures de l’apprentissage applicablesà l’expérience muséale. Les divers types de musées—musées des beaux-arts, desciences naturelles, des sciences et de la technologie, centres d’interprétation—privilégient différents types d’apprentissage, mais tous accordent de l’importanceà deux critères de mesure, l’acquisition des connaissances et la pensée.

Museums have always played an important role as repositories of knowledgeor artifacts of knowledge, but in the 20th century they have increasinglybecome active disseminators of knowledge. Adoption of this active educa-tional role has occurred in several phases. Fine arts museums, which mostclearly epitomized the idea of the museum in the 19th century, moved frombeing quiet corners for connoisseurs through a period where visitors with theaid of museum docents viewed great works and learned their history, to thecurrent phase, in which classes in the production of art as well as art historyare regular museum activities. For example, the brochure of the NationalGallery of Canada (1990) describes lectures, presentations, talks, tours,studio workshops and activities, and performances.

Natural history museums at the middle of the 20th century were stockedwith long cases in which sat rows of arrowheads, pottery, or jars of speci-mens. They have become halls where displays beckon, narrative is woven by

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a push-button audiotape, computers answer questions, and schoolchildrendart by, questionnaires in hand, in search of the next clue in their treasurehunt or rally. Science museums, most of which date from the 1960s in NorthAmerica, expressly provide education in science (Fowles, 1986). Recently,park museums and centres of interpretation have gained attention as placesthat invite the public to participate in a particular milieu or phenomenon,most often social or ecological (Rivard, 1985).

In these different kinds of museums, very different kinds of learningcould be expected, not only in terms of content but also in terms of howpeople think or what people are able to do after their museum experience.Although some evaluations of what takes place in the museum have led tothe coining of such terms as ‘‘edutainment’’ (Wolf & Tymitz, 1978), andothers talk of ‘‘mindlessness’’ in the museum, where there is little question-ing of new information (Pearce & Moscardo, 1985), many more studiesshow that museum experience changes people. Studies of museums and theireffects have taken one of four forms (Screven, 1984). The first kind of studyis of the demographic characteristics of museum visitors and why they visitthe museum; the second is of how museum visitors behave, particularly howthey move in the museum. The third kind of research is on the effect ofdifferent variables on museum behaviour: for example, the effects of guidedtours compared with theme visits. Finally, there are evaluative studies ofwhether exhibits or programs meet their intended objectives.

But how is learning in the museum measured? The measures mostfrequently mentioned are associated with visitors’ movements in the museumand are discussed in terms of the success of exhibits, specifically theirattracting power and holding power (Kool, 1986; Miles, Alt, Gosling,Lewis, & Tout, 1982). Attracting power refers to the number and kinds ofvisitors who approach a particular exhibit or display (Miles et al., 1982).Holding power refers to the amount of time visitors spend examining anexhibit, expressed as the total number of seconds a person remains stoppedat an exhibit divided by the minimum number of seconds necessary to readand see an exhibit (Kool, 1986). Other measures could also justifiably beapplied to museum settings and would show the educational value of amuseum experience.

The first objective in this study is to delineate measures of learning appli-cable to museum experience. The second objective is to examine studies thatuse these measures and the limitations in their use. Knowing what measuresof learning have been used will suggest the kinds of learning that can beexpected in different kinds of museums.

MEASURES OF LEARNING

Learning can be measured at several levels of specificity. Perhaps the mostglobal measure is that of time on task, the amount of time a learner spendson a particular learning task. Most frequently, learning is measured in terms

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of the amount of knowledge gained: the difference between what is knownbefore instruction and after instruction, often broken down into facts learnedand concepts or ideas gained. Measures of thinking or problem solving areincreasingly gaining attention. Motivation or attitude toward learning is alsoconsidered an important measure of learning because it is a harbinger offuture learning. Finally, creativity, intellectual provocation, or the generationof meaning are more general and more difficult-to-use measures, but theycapture the joy or higher purpose of learning. Each of these kinds ofmeasures will be examined for appropriateness and usefulness in measuringlearning in a museum. Some measures are more often used with elementaryand secondary students and others with adults, and sometimes the samemeasures are used differently with adults and students. The situation oftendetermines the validity as well as the appropriateness of the measures.

Time On Task

One of two measures most frequently used by museum evaluators, holdingpower, has a parallel in the educational research literature on time on task.Studies of time on task in schools compare the time that students spend infocused task activity with how much they learn, for example, the relation-ship of students’ cognition to time on task during mathematics instruction(Peterson, Swing, Stark, & Waas, 1984). Researchers who have done studiesof this kind suggest that time on task is an important variable with a majoreffect on learning. Museum evaluators talk of holding power as the time aperson remains stopped at an exhibit divided by the minimum time necess-ary to read and see an exhibit. Holding power is a more highly specifiedmeasure than time on task since in the classroom the student is expected toaccomplish activities in addition to reading and seeing. The classroomactivities may include applying what is read, writing, or problem solving.Holding power is also defined more precisely because time on task does notspecify a particular expected time. In fact, in the classroom, learning time isexpected to vary with the needs of a heterogeneous group of children.

Another important difference between these two measures is that holdingpower is measured in seconds, whereas time on task is measured in largerunits: minutes or proportions of a class period. The paradox for educatorsmeasuring learning in museums is that students visiting the museum for aspecific learning experience are often organized in a rally to collect informa-tion efficiently, that is, in the shortest time possible. The idea of a requiredviewing time necessary to read and see an exhibit is also foreign to theexperience of schoolchildren visiting a museum since they do not usuallyread in museums. For example, Gottfried (1979) reported that students in ascience museum approached exhibits on a physical level, rarely readinginstructions or observing graphics but learning through peer instruction.Exhibits in science museums are designed to hold attention: fossil andmineral exhibits at the Lawrence Hall of Science are viewed for an average

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of forty seconds, puzzle tablets for close to five minutes and computerterminals for an average of sixteen minutes (Linn, 1976). Comparison withthe average expected museum exhibit viewing time of one minute suggestsstudents need much more time to process information than the time periodsused in studies of holding power.

Students’ responses to the same exhibits vary widely, with some studentsfinding them exciting and others finding them not at all interesting. Mostpositive comments are associated with games of skill such as puzzles,reaction time, or computer interactions, and these are exhibits with greaterholding power (Peterson, 1976). Theoretically, holding power or time couldbe expected to be linked to learning but not to be a direct cause of learning.The amount of time spent looking at an exhibit may be a function of howdistant it is from the viewer’s experience, hence incomprehensible anddifficult to process, rather than a function of the actual learning orinformation processing going on. Measures like time on task or holdingpower must therefore be used with caution: they serve as general measuresof conditions for learning rather than measures of learning itself.

Knowledge Gain

As museum educators increasingly identify education as a primary objective,more are questioning what knowledge is gained from a museum exhibit.Some experts point to problems of gaining knowledge in a museum, notingdifficulties of learning under crowded conditions or in novel environments(Kool, 1986). Given the short time museum visitors view exhibits, we mustquestion how much knowledge they could gain. Cognitive science suggeststhat knowledge, if it is to be retained and retrieved, has to be stored incontext. A series of exhibits may decontextualize, thus preventing devel-opment of a conceptual framework rather than providing the focus necessaryfor learning. In response to the constraints on learning imposed by lack oftime and familiarity with the context, some museums have instituted pro-grams of visits to the museum that take place over one or two days. Forexample, on the first day of a two-day visit, students take part in a guidedtour in the morning, then are left free in the afternoon to solve puzzles andanswer questionnaires requiring them to circulate through the museum tofind the answers. The following day, the students participate in smallworkgroups on particular themes in the museum (Boucher & Allard, 1987).Students can be tested before and after the experience to determine howmuch they have learned.

Comparisons have been made between the amount learned during amuseum visit and in a regular classroom (Wright, 1980) and between groupstaking structured versus nonstructured visits to the museum (Stronck, 1983).Swan-Jones and Ott (1983) studied learning by means of self-study guides,which consist of questions, information, illustrations, and games. Theylooked for factual learning in responses to study guide questions and for

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conceptual learning as measured by associations, comparisons, analyses,generalizations, syntheses, and evaluations students made in their guidebooks.

In a study comparing effects of a guided tour with a rally, where grade 5students used self-study guides for half a day, student learning was tested bymeans of a questionnaire, and students’ attitudes were tested on an attitudescale (Boucher & Allard, 1987). Students who used the self-study guideslearned more than those who had a guided tour, and they had more positiveattitudes toward the museum. The self-study guides provided a structure thatmade the learning meaningful for students but freed them to behave moreindependently, like adult visitors to the museum.

In comparison with the measurement of student learning, studies of adultknowledge gain in museums are less rigorous because pre- and post-testscan rarely be given. Evaluators can, however, get a sense of the extent towhich intended learning objectives are achieved by visitors to exhibits. In anevaluation of learning about ecology in a Smithsonian exhibit entitled ‘‘OurChanging Land,’’ over 200 visitors were asked in informal interviews whatthe exhibit was about, what they had learned, and what they would like tosee or to learn about ecology (Wolf & Tymitz, 1979). The evaluatorsanalyzed visitors’ replies to articulate emerging themes, to identify consist-encies and inconsistencies, and to develop a data categorization structure andtentative explanations for what the visitors had said. In the final reportconfigurations of meaning in the data were illustrated and interpreted.

This kind of qualitative study shows museum staff what visitors havelearned and, more importantly, provides general insight into what a widerange of visitors have gained from an exhibit. The study is thus useful formuseum planning. The evaluative studies done at the Smithsonian Institutionappear to have changed how other museum staff measure the success ofexhibits. In Wolf and Tymitz’s 1981 study of the “Dynamics of Evolution,”curators asked for measures of what specific concepts were learned and whatfacts absorbed: content learning was a more important concern to them thannumbers of people attending or the length of their visit. Points of interest ormagnet areas, those which sustained visitors’ attention and provoked pro-tracted involvement like reading or conversing, were identified so visitors inthese areas could be asked what specific kinds of things they learned there.Thus the measure of holding power showed where to ask more specificquestions about learning.

Thinking and Problem Solving

The development of children’s problem-solving abilities is receiving greaterattention in schools today, and science museums were instituted to providea milieu where children could develop these abilities by exploring, con-structing, manipulating, and discovering (Donald, 1986; Fowles, 1986; Linn,1976; Souque, 1986). At the Lawrence Hall of Science, for example,

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measures of learning include observing how long students spend withmaterials, whether they complete the experience, in what order they carryout the activities, whether they leave and return, and whether they talk toother visitors. Linn points out that this information does not directly indicatelearning, but it characterizes conditions for learning. Most frequently,visitors to Lawrence Hall are asked questions, but Linn suggests that if thestudents learn by doing activities they should also be evaluated by means ofactivities.

The Ontario Science Centre, in response to a request for science enrich-ment at the elementary school level, introduced a five-session coursedevoted to scientific processes rather than factual information (Fowles,1986). On weekends and holidays there are hands-on workshops for childrenfrom 3 to 14 years old, and a Science School offers a one-semester experi-ence in practical science with strong emphasis on communication skills.Fowles notes that programs for adults are of equal and growing importance.A guiding principle of the Centre is to stimulate curiosity, often by present-ing counter-intuitive phenomena.

When teachers consider the museum as a place of learning, their shoppinglist of learning objectives appears much longer than that of museum curatorsor educational officers, partly because of teachers’ concern that a school dayat the museum not become a holiday from learning. One dayplan forlearning in the museum begins with the posing of a problem such as ‘‘Whowere the Amerindians of the 17th century and how did they live?’’ (Lenoir& Laforest, 1986). More specific questions are asked, information is col-lected, and is then organized, classified, compared, and presented by thestudents, who interpret and communicate the results to other class members.The museum experience thus becomes a scientific exploration where stu-dents ask questions, find information to answer them, and synthesize theiranswers into a report for their peers.

But can a museum provoke this kind of learning for the adult visitor?Both museum personnel and educators believe so. For example, a visitorwho recognizes something familiar in an art museum exhibit will make acomparison, which then leads to hypothesizing or conscious reflection aboutthe observation (Lamarche, 1986). This conscious reflection may includeelements of visual discrimination, a comprehension of the relationshipbetween form and expression in the painting, and judgment of its expressivequality (Ecker, 1963). Dufresne-Tassé and Lefebvre observed a similarprocess in a natural history museum (Dufresne-Tassé, 1988). They foundthat museum visitors perceive an object, then actively imagine it, then askquestions about it, and then reason and verify their conclusions. The visitorattributes to the object a series of characteristics that integrate the objectwith what the person already knows and feels. Thus a museum visit can bea problem solving or reflective thinking experience for adults perhaps morereadily than for children since adults have a greater background againstwhich to hypothesize and test their new experiences. The measurement of

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learning may be more complex, requiring interviews and protocol analysis;but this is not an insurmountable hurdle, as the studies by Wolf and Tymitzand by Dufresne-Tassé attest.

Motivation

Traditionally, attendance at museums has been by choice. Because visitorsspend a relatively small amount of time at any one exhibit, Linn (1983)suggests exhibits might be designed to stimulate subsequent interest in thetopic rather than to impart detailed knowledge during the visit. According toLinn, museum directors consider a museum’s primary aim should be tostimulate interest in science or art rather than to teach science or art history.In her view, museums need to stimulate the desire to know; and exhibits,rather than teaching new science facts, may motivate visitors to buy astron-omy books, watch TV programs on science, or have family discussionsabout computers.

This viewpoint is consistent with the most frequently used measure of thesuccess of museum exhibits, attracting power, defined as the percentage ofvisitors who come to a complete stop and look at any part of an exhibit(Peart, 1984). Peart found that first-time visitors to the ‘‘Living Land, LivingSea’’ exhibit at the British Columbia Provincial Museum spent approximate-ly 14 minutes in the gallery and that the exhibits’ average attracting powerwas 36%, that is, just over one-third of the visitors stopped and looked atany one of the exhibits. More concrete exhibits—that is, larger, openexhibits that stimulated smell and sound as well as sight—were the mosteffective in both attracting and holding visitors. Attracting power correlatedsignificantly (r =.44) with holding power in studies done by Kool (1986).

But does attracting power correlate with measures of learning? Kool(1986) reported that knowledge gain was no greater for visitors who saidthey came to the museum to learn than for visitors who said they came toenjoy themselves. He found, however, that knowledge gain was more likelywith abstract exhibits than with concrete exhibits despite the fact thatconcrete exhibits both attracted and held visitors longer. Smaller, lesscomplicated exhibits requiring shorter viewing time got the message acrossbetter. These studies suggest that the relationship between attracting powerand learning is complex, and that measurement of motivation and its effecton learning are no easier in the museum than in any other learning milieu.

The learning of positive attitudes is a closely related phenomenon. In theirstudy of the effect of a guided tour versus the use of self-study guides,Boucher and Allard (1987) found that although students who used theself-study guides had more positive attitudes toward the museum after theirvisit, neither group had more positive attitudes toward social science.Boucher and Allard explained their results by suggesting that a one-dayexperience could not be expected to change attitudes toward a field of studyand that a longer learning period at the museum could be expected toproduce different results.

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As a measure of learning, motivation or attracting power suffers frombeing as global a measure as time on task or holding power. Since the indexof its validity as a measure is knowledge gained, and the relationshipbetween motivation and knowledge gained is complex, it is probably morereasonable to consider it a measure of a condition for learning rather than ameasure of learning. Research suggests that visitor response to the questionsof whether an exhibit was interesting and whether it would incline a visitorto explore further in the domain of the exhibit are more valid indicators ofwhether learning will occur than attracting power is.

Creativity or Intellectual Provocation

The extent to which museum experience stimulates creativity or is intellec-tually stimulating is another global and more difficult-to-use measure, but itis an important concept for both museum personnel and adult educators.Museum educators talk about evocative objects in the museum that are thestarting point for learning, or about making the meaning of objects comealive for the viewer (Mackenzie, 1986; Vadeboncoeur, 1986). Providing anenvironment that stimulates curiosity and instilling respect for the environ-ment and its inhabitants are objectives mentioned in conjunction withintellectual provocation (Baril, 1990; Fowles, 1986). Adult educators speakof the pleasure of playing with the known and creating something new fromit, the pleasure of considering the unknown and coming to understand it, andthe pleasure of mastering the unknown and integrating it with what onealready knows (Dufresne-Tassé, 1986). These aesthetic or attitudinal out-comes are difficult to measure because they are sensed rather than seen, butthey are important because they connect with the reality of our existence.

Dufresne-Tassé suggests that adult educators have concentrated so hard onthe acquisition of knowledge and abilities in order to resolve problems ofexistence that their austere description of learning has no place for pleasureor wonder. She recommends that museums study the functions of observa-tion, imagination, and wonder as well as the capacity to analyze and syn-thesize in viewers’ contact with exhibits. Lamarche (1986) also talks aboutthe educational potential of a museum in the development of expressivestyle and values. Both authors suggest models in which new measures moresuitable to these objectives must be developed, measures of a more qualita-tive nature (Dufresne-Tassé, 1988). As has been noted above, measurementof thinking or problem solving requires these more complex methods aswell.

THE APPLICABILITY OF THE MEASURES OF LEARNING

The measures of learning we have investigated can be divided into globaland specific. The global or broad measures of learning include those of time(holding power and time on task), of the direction of attention (motivation

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and attracting power), and of intellectual stimulation (creativity or intellec-tual provocation). Specific measures of learning include knowledge gained,both factual and conceptual, and thinking and problem solving. The broadermeasures are used more often with adult visitors, the more specific withschool-aged visitors.

This difference is explained primarily by the assumption that adults are ata different level of cognitive development and have different levels ofknowledge compared to elementary and secondary school students, that is,that adults have achieved a level of cognitive development students are stillacquiring. The focus of the specific learning measures is cognitive develop-ment, while the focus of the broad measures could be described as environ-mental influences on learning. In addition to the difference in level ofcognitive development assumed, different levels of control over the learningprocess are assumed for adults and children, and there are different expecta-tions of learning. Teachers, for instance, point out that museums servestudents well when they illustrate topics in the school curriculum (Lenoir &Laforest, 1986). The museum rally, on the other hand, emphasizes cognitivedevelopment while at the same time providing students with the motivationand intellectual stimulation more frequently used to gauge the success ofmuseum displays with adults.

Two worldwide changes in expectations of learning may affect the role ofmuseums. The first change is the view that learning is a lifelong phenom-enon, and the second is the shift in our view of learning as the acquisitionof knowledge to learning as the acquisition of thinking skills and theutilization of knowledge. Both changes should affect how museums prepareand measure learning experiences for children and adults. We could hypoth-esize that in future measures of learning used in museums will be lessdifferentiated according to visitor age.

LEARNING IN DIFFERENT KINDS OF MUSEUMS

Do different kinds of learning occur and are different measures used indifferent kinds of museums? The four major kinds of museums referred toin this study are fine arts museums, natural history museums, sciencemuseums, and park museums or centres of interpretation. Analysis of thereferences used in this study, which were selected on the basis of theirdealing with learning in the museum, shows that of 29 references, 4 areconcerned with learning generally, that is, their approach is not based on aparticular kind of museum. More of the articles examined natural historymuseums (13) than any other type; science museums were next mostfrequently discussed (7 articles), while fine arts museums and centres ofinterpretation were least mentioned (3 and 2 references, respectively). Wecould hypothesize from this that natural history and science museums aremore concerned with questions about learning.

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We might suppose that science museums would be most concerned withthinking and problem solving, since those were a major part of their originalmandate. Would emphasis on knowledge gain parallel or complementemphasis on thinking? Knowledge gain was the most frequently discussedkind of learning (9 articles), and it was discussed in articles about each kindof museum, but most of these articles were concerned with natural historymuseums (4) and science museums (3). Thinking and problem solving werenext most frequently discussed (8 articles), and they were discussed inarticles about each kind of museum; but as expected, there were more sucharticles about science museums (3) than natural history and fine artsmuseums (2 articles each). Thus the more specific measures of learning weremore frequently discussed in the articles, and they were more frequentlydiscussed with respect to natural history and science museums (6 each).

Of more global measures, holding power was discussed in articles aboutall kinds of museums. Would motivation be considered more in somemuseums than in others? Of the 4 articles dealing with motivation orattracting power, 3 referred to natural history museums and 1 to sciencemuseums. Attracting power was also dealt with in 2 general articles. Wouldcreativity be a particular concern of fine arts museums? Creativity orintellectual provocation was discussed in 6 articles, 3 on natural historymuseums and 1 on each other kind of museum.

These results suggest that the specific measures of learning, knowledgegain and thinking and problem solving, are being attended to in all kinds ofmuseums, as are creativity and intellectual provocation. Measures of moti-vation or attitudes seem most concentrated in the natural history and sciencemuseums, but there were substantially more articles on these two kinds ofmuseums. The analysis also reveals that, although the kinds of learningmeasures may be differentiated according to whether they are used withadults or students, all measures of learning except motivation were con-sidered in articles on each kind of museum.

A visit to any kind of museum could thus be expected to result in learn-ing according to several of these measures. Although from this analysis wemight expect to reap a greater knowledge gain in a museum of naturalhistory, or to think and problem solve more in a science museum, we canexpect a potential gain in knowledge, in thinking, and in intellectual provo-cation from any museum experience.

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L’intégration de la fonction éducativeau musée

Jean Trudeluniversité de montréal

En 1945, Florian Crête, conservateur du Musée éducatif des sourds-muets àMontréal, écrivait que les musées ‘‘sont devenus un instrument d’éducation parexcellence.’’ Son optimisme est encore aujourd’hui loin d’être entièrementpartagé. Si le rôle éducatif des musées est de plus en plus reconnu dans notresociété contemporaine, les musées font toujours face, de l’intérieur, à desproblèmes anciens et nouveaux dont la complexité va croissant. Les éducateursde musées tentent de mieux définir leur rôle, souvent remis en question, dans lastructure interne des institutions. La fonction éducative des musées ne peut pasreposer uniquement sur les éducateurs qu’ils emploient, mais sur les convictionsde tous ceux qui y oeuvrent et qui les administrent.

In 1945, Florian Crête, curator of the Educational Museum for Deaf-Mutes inMontreal, wrote that museums ‘‘have become a means par excellence of educa-tion.’’ Even today his optimism is far from universally shared. Although theeducational role of museums is increasingly recognized, they also face increas-ingly complex internal problems. Museum educators’ roles, although sometimesin dispute, are becoming more sharply defined in institutional structures.Museums’ educational functions should depend not only on the educators theyemploy, but also on the convictions of all who work in and administer them.

Dans un article publié en 1945, Florian V. Crête, Clerc de Saint-Viateur etconservateur du Musée éducatif des sourds-muets à Montréal, écrivait, aprèsavoir retracé brièvement l’évolution historique des collections de musées,d’un rôle scientifique (collections d’étude) à un rôle d’éducation (collectionsde vulgarisation): ‘‘Aujourd’hui, on considère comme terminée la périoded’orientation des musées vers l’éducation, période qui a commencé il y aune cinquantaine d’années. Les musées sont devenus un instrument d’édu-cation par excellence’’ (Crête, 1945, p. 90).

Fondé en 1885, le Musée éducatif des sourds-muets était destiné princi-palement aux élèves de l’Institution des sourds-muets (7 400 boulevardSt-Laurent). Rattaché à un Cercle de naturalistes amateurs, il comprenait unecollection de plus de 90 000 spécimens (dont 75 000 relevant de l’entomo-logie et 3 700 de la numismatique) présentée dans une salle et un corridordu troisième étage (Drouin, 1941, p. 54; Miers et Markham, 1932, p. 43).Comme la plupart des musées scolaires rattachés à des institutions reli-

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gieuses d’enseignement (22 musées sur les 49 du Québec relevés en 1931),ce musée éducatif fut probablement emporté—ironie du sort—par laréforme du système d’éducation au Québec dans les années 1960 (Trudel1989, p. 146).

Depuis la fondation du Conseil International des Musées en 1946 etl’adoption de ses statuts en 1974, l’éducation fait partie intégrante de ladéfinition des musées. Avec la collection, la recherche, la conservation et laprésentation, elle est l’une des cinq grandes fonctions des musées quiconstituent un vaste réseau parallèle aux systèmes d’enseignement officiels.

Centrée autour de l’objet comme source de connaissances, d’apprentis-sages et de délectation, l’éducation dans les musées s’est développée depuisl’ouverture de ceux-ci au public dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle.Aux États-Unis, le rôle éducatif des musées a pris une telle ampleur depuisle début du XXe siècle que l’éducation du public est considérée comme leprincipal apport des musées américains à l’évolution du concept de musée(American Association of Museums, 1984, p. 55). En 1909, le directeur duNewark Museum, John Cotton Dana, écrivait: ‘‘The Museum can helppeople only if they use it; they will use it only if they know about it andonly if attention is given to the interpretation of its possessions in termsthey, the people, will understand’’ (Alexander, 1979, p. 13).

Malgré tous les progrès accomplis, malgré les projets d’éducation dans lesmusées américains subventionnés depuis 1979 par The Kellogg Foundation(Munley, 1986), malgré les recherches universitaires qui se poursuiventactivement, par exemple, tant à l’Université du Québec à Montréal qu’àl’Université de Montréal (Racette, 1986), malgré le développement rapide del’évaluation dans les musées (Samson et Schiele, 1989), il ne nous est pasencore possible de partager l’optimisme dont faisait montre Florian Crête en1945.

En 1984, la commission Museums for a New Century rapportait qu’il yavait encore confusion dans l’esprit du public sur le rôle des musées en tantqu’institutions éducationnelles et, à l’intérieur du monde des musées, sur lerôle de l’éducation dans la structure institutionnelle (American Associationof Museums, 1984, p. 57). C’était bien cerner le problème, du moins dansles musées d’Amérique du Nord; l’éducation dans les musées est influencéeà la fois par des facteurs extérieurs à l’institution muséale (entre autres,attitudes du public et des autres types d’institutions d’éducation) et par desfacteurs internes propres aux structures et modes d’organisation des musées.

Ce qui nous intéresse ici, ce sont les facteurs internes aux musées dontl’évolution rapide dans les dernières années a provoqué ce qu’on pourraitidentifier comme une crise de transition au niveau de la fonction éducative,ou du moins une profonde remise en question. Cette remise en question semanifeste ouvertement par le conflit entre éducateurs et conservateurs qui afait l’objet de nombreux articles récents (Cheff, 1989; Dicosimo, 1989;Fortier, 1989; Stephen, 1989) et qui est l’expression d’un malaise plusprofond. Pour mieux en examiner la portée, et sans prétendre à une analyse

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LA FONCTION ÉDUCATIVE AU MUSÉE 385

exhaustive d’un phénomène complexe, nous allons en examiner quelquesaspects.

UN VIEUX PROBLÈME

Certains débats autour du rôle éducatif du musée au tournant du siècledernier sont toujours vivants. Celui qui opposa George Brown Goode,secrétaire adjoint de la Smithsonian Institution, et Benjamin Ives Gilman,secrétaire du Museum of Fine Arts de Boston, deux figures de proue dudéveloppement de l’éducation dans les musées américains, a perduré jusqu’ànos jours. Goode avait écrit en 1897 que ‘‘an efficient educational museummay be described as a collection of instructive labels, each illustrated by awell-selected specimen’’ (Silver, 1978, p. 15). Ce à quoi répliquait Gilmandans un écrit de 1918 que ‘‘thus, as Dr. Goode well said, in a museum ofscience, the object exists for the description; but as he was not yet ready tosay, in a museum of art the relation is reversed—the description exists forthe object’’ (Silver, 1978, p. 15).

Ces citations illustrent bien les options différentes de mise en expositionprises par les deux grands archétypes de musées, les musées de sciences etles musées d’art, options liées au caractère même des objets conservés dansleurs collections et à leurs missions respectives. Dans un musée de sciences,l’objet, en général, n’est pas considéré comme ayant une valeur en soi, maispour son potentiel d’illustration d’un phénomène scientifique: la délectationa peu de signification pour les scientifiques. Dans un musée d’art, le carac-tère unique des oeuvres porte les historiens d’art à les présenter dans undépouillement absolu de telle sorte que rien ne vienne distraire de leurcontemplation.

On pourrait croire que c’est là une vue simpliste, mais il suffit, parexemple, de visiter à Ottawa dans la même journée le Musée des beaux-artsdu Canada et le Musée national des sciences et de la technologie pour serendre compte que les approches sont différentes. Le Musée des beaux-artsdu Canada a introduit récemment, dans ses galeries canadiennes, des sallesthématiques qui constituent une timide tentative de mise en contexte decertaines oeuvres, mais sa présentation est en général pure et dure. AuMusée national des sciences et de la technologie, les objets illustrent diversphénomènes scientifiques et la présentation ne vise pas à mettre en valeurleurs qualités esthétiques ou leur beauté plastique.

Le juste milieu se situe probablement entre ces deux approches, mais laformation disciplinaire des conservateurs, si elle en fait de bons scienti-fiques, n’en fait pas forcément des muséologues qui ont eu l’occasiond’élaborer une pensée sur les divers niveaux de communication avec lepublic et sur la problématique d’ensemble des musées. Le problème n’estpas limité aux musées d’art et de sciences, mais à tous les types de muséeset il prend racine aux origines même des musées en Europe (Hudson, 1975,p. 48–73).

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386 JEAN TRUDEL

DE NOUVEAUX DÉVELOPPEMENTS

Traditionnellement, la mise en exposition dans les musées (principal moyende communication avec le public) a donc été l’apanage des conservateursqui ont eu tendance à l’aborder en fonction du développement et de la miseà jour des recherches dans leurs disciplines spécifiques. Mais, suite àl’importance de plus en plus grande accordée aux expositions temporairespar rapport à la présentation des collections permanentes, à l’influence desthéories de Marshall McLuhan, au développement des techniques de présen-tation par le biais des expositions universelles et des grands centres d’achat,à l’apparition d’Epcot Centre comme modèle de rentabilité pseudo-culturelle,le rôle des conservateurs dans les musées est sérieusement remis en ques-tion.

Les administrateurs des musées, soit pour augmenter leur visibilité oupour résoudre des problèmes de financement de plus en plus difficiles,jugent maintenant le succès de leurs institutions par la courbe mensuelle dunombre des visiteurs. Le musée est devenu un lieu de divertissement, commeen fait foi la nouvelle loi canadienne sur les musées fédéraux (Loi C–12).En réponse au vieux cliché des musées-cimetières auquel sont associés lesconservateurs, les expositions deviennent environnements et spectacles dontles décors sont mis au point par des designers, nouveaux grands prêtres dela liturgie renouvelée.

Plusieurs musées misent maintenant sur l’événement temporaire largementpublicisé pour attirer les foules, la présentation de la collection permanente(statique, donc ennuyeuse) n’étant plus prioriaire (Rice, 1989). Dans plu-sieurs cas, le collectionnement se fait même en fonction des expositionstemporaires (Honan, 1990), glissement dangereux s’il en est un dans lamission fondamentale de préservation du patrimoine propre à tout musée.Dans la même foulée, pour justifier la rentabilité du musée comme instru-ment de développement économique, c’est le touriste culturel (visiteur depassage plus rentable que le visiteur local) que l’on cherche à attirer par lesexpositions/spectacles.

Si les conservateurs faisaient peu de cas des éducateurs de musée, il enest maintenant de même pour les designers (souvent des contractuels sansexpérience du milieu muséal) auxquels les grands musées ont recours deplus en plus fréquemment. Dans ce contexte, le débat conservateurs/éduca-teurs nous apparaît comme un exercice de rhétorique: le vrai problème esten voie de se déplacer, du moins dans les plus grands musées.

DES GRANDS ET DES PETITS

Dans la structure organisationnelle des grands musées (ceux qui ont plus de50 employés à temps plein), les services éducatifs sont parfois logés sous cequ’on nomme depuis une dizaine d’années les programmes publics (exposi-tions, information, éducation, publication et design). Cependant, la structure

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LA FONCTION ÉDUCATIVE AU MUSÉE 387

organisationnelle varie grandement d’une institution à l’autre. Les serviceséducatifs sont souvent constitués d’un petit noyeau d’employés permanentsqui encadrent des guides bénévoles. Le Musée des beaux-arts de Montréalen est un bon exemple, mais on notera que le Musée de la civilisation àQuébec n’emploie pas de bénévoles. En fait, il n’y a pas de modèle généra-lisé de structure organisationnelle, chaque musée développant sa propreformule selon ses objectifs, son style de gestion et ses ressources financières.

Selon une enquête menée en 1988 aux États-Unis, à l’occasion de lapublication de l’Official Museum Directory de l’Association des muséesaméricains (3 164 répondants sur 6 598, soit 48%), 7,6% ont un personnelconstitué uniquement de bénévoles, 10,9% emploient uniquement un person-nel à demi-temps et 81,4% emploient du personnel à temps plein. Seulement5% de ces derniers musées ont un personnel permanent de plus de 50personnes. La plus grande partie des musées (42,6%) emploient de 2 à 3personnes (Decker, 1988, p. 33).

Au Canada, selon une enquête menée en 1988 (Communications Canada,1989) sur 1 600 établissements muséologiques, 38,9% n’ont pas de person-nel rétribué, 27,8% emploient une ou deux personnes et 4,4% emploient plusde 20 personnes. Les musées canadiens emploient 6 000 professionnels àtemps plein et 4 600 à temps partiel alors qu’ils font appel à 26 000 béné-voles. Ces chiffres donnent une idée des problèmes de ressources humainesauxquels les musées font face actuellement.

On pourrait s’attendre à ce que la recherche sur l’éducation en milieumuséal s’effectue dans les plus grandes institutions, mieux pourvues enressources humaines. Mais c’est oublier que les plus grands musées sontaussi les plus fréquentés et que le personnel permanent des services éduca-tifs doit faire face à une demande plus grande et à un taux plus élevéd’expositions temporaires auxquelles il doit constamment réadapter sesapproches. Quant aux petits musées, leur personnel se doit d’être pour laplupart polyvalent et il n’est pas rare d’y voir des directeurs assumer aussiles fonctions d’éducateurs. Ce qui laisse, évidemment, peu de place pour larecherche.

Dans cette situation, on peut mieux comprendre que les éducateurs demusées soient le plus souvent en quête de recettes qu’ils peuvent rapidementappliquer à leurs actions auprès des visiteurs plutôt qu’à effectuer uneréflexion sur l’éducation propre au milieu muséal. Sans même aborder ici laquestion de la nature de l’éducation muséale, il existe encore toute uneconfusion entre animation, interprétation et éducation qui est bien reflétéepar l’enquête canadienne de 1988 identifiant parmi les emplois muséolo-giques agent d’éducation, agent des services de vulgarisation et guide-animateur (interprète) (Communications Canada, 1989, p. 14).

UN AUTOPORTRAIT

Face à des problèmes complexes auxquels ils n’ont pas l’occasion deconsacrer beaucoup de temps, les éducateurs de musées ont tendance à se

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388 JEAN TRUDEL

regrouper, pour mieux se définir et partager leurs expériences, au sein desgroupes d’intérêt spécialisés de l’Association des musées américains et del’Association des musées canadiens. Au Québec, un regroupement semblablea aussi vu le jour en 1988 à la Société des musées québécois qui collaboraiten 1989 avec le ministère de la Main-d’oeuvre et de la Sécurité du revenupour établir un devis de formation professionnelle de l’éducateur de musée.

Ce devis, mis au point grâce à un comité de cinq éducateurs oeuvrantdans des musées d’art du Québec, identifie six tâches (ainsi que leurssous-tâches) propres aux éducateurs de musées et en donne la pondérationen fonction du temps qui leur est consacré sur une base annuelle: effectuerdes recherches (10%); mettre au point la programmation (10%); développerle matériel didactique (30%); assurer la réalisation de la programmation(25%); gérer ses activités (20%); voir au rayonnement de la profession (5%).

Effectuer des recherches est défini comme, en quelque sorte, le préalableà l’action, c’est-à-dire étudier les objets de la collection et des expositions,l’historique de l’institution, la pédagogie des musées, les publics et lemilieu. C’est sous la tâche voir au rayonnement de la profession, celle quioccupe le moins de temps, que l’on trouve les recherches sur l’éducationdans les musées et la conception de nouveaux outils pédagogiques. On ytrouve écrite la remarque suivante, désespérante s’il en est une, mais fortréaliste: ‘‘En pratique cependant, les Services éducatifs ne disposent pas deressources suffisantes; les éducateurs manquent de temps et de recul pouraméliorer de façon substantielle l’éducation dans les musées’’ (ministère dela Main-d’oeuvre et de la Sécurité du Revenu, 1989, p. 36).

Pour sa part, l’Association des musées américains publiait tout récemment(American Association of Museums, 1990), après deux ans de travail, desnormes professionnelles concernant l’éducation dans les musées et faisantpartie d’un effort généralisé (l’Association des musées canadiens travailleaussi en ce sens depuis plusieurs années) de définir et de fixer des niveauxd’excellence pour les professionnels des musées. L’importance du document(traitant des responsabilités éducationnelles des musées, définissant l’éduca-tion dans les musées, leurs obligations envers le public, l’insertion del’éducation dans leur structure et les responsabilités et compétences deséducateurs) est énorme. Les compétences requises des éducateurs de muséessont, par exemple, ainsi définies:

Museum educators help visitors see, understand, and respond to objects inmuseum collections in intellectually, aesthetically, and emotionally rewardingways. Museum educators must have the skills to encourage interaction betweenthe visitor and the objects on exhibit, at whatever level the visitor requires. To dothis effectively, educators must know both their museum’s audiences and theirmuseum’s collections. This means having a demonstrated knowledge of develop-mental psychology, philosophy of education, educational theory, and teaching,especially as related to the kind of voluntary and personal learning that takesplace in museums. Equally important are a solid grounding in the history, theory,

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LA FONCTION ÉDUCATIVE AU MUSÉE 389

or practice of a field of study relevant to the areas in which the museum collects,as well as the ability to identify and cooperate with scholars and specialists inappropriate fields. (AAM, 1990, p. 79)

Si l’on est mieux à même maintenant de cerner l’importance de la relationmusée/éducation et des problématiques qui en découlent ainsi que d’esquis-ser le portrait idéal des éducateurs de musée, il n’en reste pas moins quel’intégration de la fonction éducative à l’intérieur des structures du muséenous apparaît toujours actuellement comme un problème majeur car ce sont‘‘les éducateurs de musée qui sont responsables du résultat final du travaildu musée tout entier’’ (Sola, 1987, p. 6). C’est de l’attitude de chaque musée(administrateurs et personnel) que dépend l’avenir de la fonction éducativemuséale.

L’INTÉGRATION

Trop souvent, dans le déroulement des opérations d’un musée, l’éducationc’est ce à quoi on pense quand les préparatifs d’une exposition sont ter-minés; c’est un placage plutôt qu’un alliage. Et c’est bien pour cela que lesnormes de l’Association des musées américains recommandent que ‘‘just aswell managed museums have formal, written policy statements to guide theircollecting activities, so should they have formal, written policies that set outtheir educational purposes, identify audiences to be served, and give direc-tion to education programs’’ (AAM, 1990, p. 79).

Tout musée devrait posséder une politique écrite d’éducation qui ait étéélaborée, discutée et mise au point par son personnel et son conseil d’admi-nistration avant d’être adoptée par celui-ci. Le succès d’un musée dans cesecteur ne peut se mesurer qu’en fonction des objectifs fixés par ses poli-tiques et des moyens pris pour les atteindre.

L’éducation dans un musée, c’est plus que la somme des compétences deses éducateurs ou que le nombre des autobus scolaires qui s’arrêtent à saporte; c’est avant tout un état d’esprit, une conscientisation profonde qui doitimprégner tous ceux qui y oeuvrent. C’est savoir se dégager de ses propresintérêts pour être empathique aux publics visés.

Le degré d’intégration de la fonction éducative dans un musée est visibletant par les techniques de présentation des expositions que par les textes etle matériel de soutien fournis aux visiteurs. Lorsque les intentions éducativesde l’institution se manifestent jusqu’à sa boutique et à sa librairie (qualité etprésentation des objets mis en vente, choix des publications en fonction descollections et des expositions), on peut dire que cette fonction y est bienintégrée.

Les musées ne sont peut-être pas encore devenus un instrument d’éduca-tion par excellence, comme l’écrivait Florian Crête en 1945, mais ilstendent, aujourd’hui plus qu’hier (Zeller, 1989, p. 80), à le devenir.

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Book Reviews / Recensions

Museum Education, History, Theory and Practice

par N. Berry et S. Mayer

Reston, VA: National Art Education Association, 1989. 257 pages.

RECENSION PAR NADIA BANNA, UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

L’anthologie de Berry et Mayer offre dix textes de réflexion destinés à ceuxqui s’intéressent à l’éducation muséale. L’histoire et la théorie sont la casede départ à partir de laquelle on explore la pratique. Les objectifs donnentle ton dès l’introduction: nous devons continuer à croître et pour cela, nousavons besoin de connaître les racines historiques et théoriques de l’éducationmuséale. Cet impératif transparaît dans la succession des textes et dans lasuggestion de les lire dans leur ordre d’apparition dans l’ouvrage. Publiéspour la première fois, les dix essais abordent l’éducation dans les muséesd’art. Chaque spécialiste communique ses connaissances et ses expériencespar le biais d’une analyse systématique d’un aspect de l’éducation muséale.

T. Zeller explore les bases historiques et philosophiques de la missionéducative des musées d’art américains. La documentation chronologique meten lumière les racines sociales, économiques et politiques de cette mission.Celle-ci ne se limite pas aux activités proposées par les éducateurs. Ellesouscrit aux idées et aux valeurs qui régissent la culture de la classe domi-nante. L’étude exhaustive des principes de l’éducation dans les muséesaméricains révèle que diverses considérations informelles ont façonné laphilosophie et la pratique de l’éducation. Cette philosophie existe et peutêtre identifiée, bien que les écrits pertinents n’aient pas été rédigés par deséducateurs de musée.

E. Bourdon Caston, pour sa part, expose un modèle, une approchemultidisciplinaire et humaniste facilitant l’exploration, la compréhension del’expérience humaine. En équilibrant les deux domaines de la muséologie etde l’éducation de façon adéquate, l’identité et l’intégrité des deux compo-santes est assurée. Cette approche met en lumière la nécessité d’appuyer lesprogrammes muséaux aussi bien sur une philosophie du musée que sur desméthodes éducatives. Ce qui importe, c’est d’identifier un cadre philoso-phique et de développer son programme en rapport avec ce cadre.

Le texte de M. Cheff vise justement à supporter la planification etl’implantation des programmes, à encourager les éducateurs à analyser,comprendre et influencer leur environnement. Pour un maximum d’effica-cité, cette planification et cette implantation doivent découler d’une stratégie.Les étapes de l’élaboration d’une telle stratégie sont l’identification des

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principes de base de gestion, l’analyse minutieuse de l’environnementmuséal, l’identification d’une stratégie, sa formulation, sa réalisation. Cemodèle se veut un outil pragmatique, flexible, adaptable selon les situations.

Après avoir résumé l’évolution de la formation du rôle des éducateurs demusée, A. El Omami constate que ceux-ci ont oeuvré dans des contextes quine favorisent pas l’acquisition d’une grande crédibilité aux yeux de la gentmuséale. En conséquence, elle propose un programme de formation interdis-ciplinaire joignant l’histoire de l’art à une spécialisation en éducation. Unrecyclage sous forme de séminaires complèterait au besoin cette formation.

Quant à S. Mc Coy, qui traite elle aussi de formation continue et spéciali-sée, elle aborde celle des guides bénévoles. Après un bref historique, elleévalue le recrutement, la sélection, la formation, l’encadrement et l’efficacitédes guides. Elle élabore une série de propositions dont le but est de renou-veler la formation des guides, de donner à ceux-ci un entraînement pluspersonnalisé qui permette d’offrir un support professionnel de qualité.

Le défi lancé par S. Sternberg est d’équilibrer les programmes éducatifsde façon à “motiver le visiteur par une expérience englobant la pensée etl’émotion.” Sternberg suggère de diversifier les techniques pour répondreaux styles individuels d’apprentissage et pour faire découvrir de nouveauxdomaines. L’expérience muséale pourrait ainsi constituer une formationpermanente, à la condition de substituer à l’approche didactique habituelleune approche perceptuelle interactive.

R.W. Ott traite de la critique d’art dans les musées, en expose les théorieset l’évolution. À la lumière de cet exposé, il propose une méthode quidevrait aider à comprendre les oeuvres par un contact direct avec celles-ci.Le rôle de l’éducateur serait, dans ce cas, un rôle de catalyseur.

K. Walsh-Piper préconise le partenariat entre le musée et l’école. Pourassurer ce partenariat, elle suggère au musée de faire la formation desenseignants. Pour stimuler une meilleure utilisation des ressources du musée,elle recommande des pratiques qui favorisent l’échange, la coordination etl’efficacité.

W. Howze élabore une description des technologies utilisées dans lesmusées d’art. Il passe en revue les caractéristiques de chacune dans le butd’exposer les options qui présentent un défi mais qui sont un puissant outilsi elles sont adéquatement utilisées.

Enfin, R. Korn considère que l’évaluation est essentielle à l’améliorationdes activités du musée. Elle décrit des types et des méthodes d’évaluation.Elle expose des approches théoriques et méthodologiques empruntées àd’autres domaines, les décrit dans leur contexte original et, au besoin, lesadapte au milieu muséal.

Le contenu de ce livre tente d’établir l’éducation muséale sur des basessolides, claires et nettes. Le cheminement du théorique au pratique, quicommence par la philosophie, se poursuit avec la gestion, la conception dece programme, la formation, la méthodologie et l’évaluation, est subtil etstimulant. L’impression de décousu que l’on éprouve diminue au fur et à

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mesure de la lecture car un fil conducteur se dessine peu à peu. On ressentla volonté d’établir des structures pour mettre en valeur la consistance et lacontinuité des efforts.

Il est vrai que les sujets traités sont propres aux musées d’art et auxjeunes. Néanmoins, il est possible de transférer certaines observations et deles adapter à des contextes différents. Les tendances qui ressortent de tousles essais convergent en effet vers la flexibilité et l’interdisciplinarité.

L’anthologie que nous venons de présenter illustre l’essor de la professiond’éducateur de musée. Un de ses buts était d’affirmer en quoi nous croyonset pourquoi. Cette profession de foi devrait en somme être reprise par toutela gent muséale, car on voudrait que la mission éducative du musée touchetous les professionnels oeuvrant dans cette institution. Cet ouvrage n’a putraiter tous les problèmes posés par l’éducation muséale. Il reste à souhaiterque ceux-ci soient abordés dans de nouvelles recherches tout aussi enrichis-santes que celles qui ont servi de base aux dix textes analysés.

Rethinking the Museum

par Stephen E. Weil

Washington et London: Smithsonian Institution Press, 1990. 173 pages

RECENSION PAR MARIE-ANDRÉE BRIÈRE, MUSÉE D’ART DE JOLIETTE

L’ouvrage de Weil s’inscrit sous l’angle de la remise en question de l’insti-tution muséale. Présentant le musée comme une création humaine malléable,transformable, l’auteur considère que les ressources potentielles que cetteinstitution représente sont mal utilisées. Il place le musée sur un continuumen constante évolution où le tout représente bien plus que la somme desparties. La multiplication des musées, leur croissance phénoménale nousamènent à une homogénéité dans la perception que nous avons d’eux.Grands ou petits, nous aurons, face à ces musées, les mêmes exigences, quenous parlions de recherche, de collection ou d’exposition. Ils répondentpourtant à des réalités bien différentes et mettent parfois de l’avant undynamisme exclusif à leur taille. Pourquoi tendre vers une normalisation,alors que la diversité des sociétés et de leurs besoins sont des sourcesimportantes de richesse culturelle? Les grandes institutions et les petites sontcomplémentaires les unes des autres et elles sont mutuellement essentiellesau développement culturel de nos sociétés. Weil questionne cette croissanceeffarante du nombre de musées et les problèmes qu’elle entraîne.

Le directeur de musée doit-il être davantage un gestionnaire qu’unhistorien d’art? Le musée est une entreprise certes, mais il est également ledépositaire d’un savoir culturel très vaste. L’équilibre serait entre les deux

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termes selon Weil: ni un gestionnaire, ni un historien mais un être sensibi-lisé à l’un et l’autre de ces champs de spécialisation qui sont essentiels à lacroissance des institutions muséales.

Weil explique les raisons de la croissance effarante des musées. Notrerythme de consommation et de production de biens fait en sorte que nousconvertissons de plus en plus de biens en objets de collection. Les réservesdes institutions sont vite insuffisantes et la construction d’autres muséess’impose. Weil pose la question de la fin de cette logique. Où nous arrête-rons-nous? Avec la dégradation de l’environnement, il devient urgent depréserver, de sauver du péril les biens témoins de nos sociétés, de noscultures. Certes il y a urgence, mais les musées ont-ils été créés à cette fin?Sont-ils des bouées de sauvetage face à notre démesure? Tous les objetscollectionnés sont-ils véritablement d’intérêt muséal? Comment, dès lors,disposer de ces objets désuets ou de moindre importance? Comment aliénersans créer un préjudice à notre patrimoine collectif? La prudence est derigueur non seulement dans le champ de l’aliénation des objets, mais danscelui de l’acquisition de ces derniers. La mise en place de politiques et deprocédures claires devrait être garante de décisions adéquates, prises aprèsconsultation.

Le collectionnement d’objets, qui s’étend sur des millénaires, pose laquestion du rôle social du musée. Gérer par des professionnels qui protègentces biens précieux, l’accès aux collections se fait parfois très difficilement.Le musée est-il un univers concentrationnaire de spécialistes, de profession-nels, qui évacue sa mission sociale comme dépositaire du patrimoine del’humanité? Certes, le musée a besoin des professionnels et ces derniers ontun rôle de première importance à jouer dans le maintien des collections,mais ce rôle n’exclue en rien le fait que le musée a également pour fonctionde diffuser, de communiquer aux autres, aux non spécialistes, le fruit de sesrecherches. Il se doit de rendre accessible à tous les objets qui de faitappartiennent à tous.

À parler d’objets, nous en venons presque à oublier que ces derniersvéhiculent aussi des idées. Toute présentation, toute mise en expositiond’objets reflète un discours, une idéologie. Le musée apparaît ainsi commeun instrument dialectique très important où l’objet devient sujet du discourset vice versa. De par sa mise en exposition d’objets, il devient un lieuéminemment discursif. Il mettra en scène tour à tour l’objet et le sujet. Lemusée se fait médium, porteur de message. Mais de quel message? Laresponsabilité du communicateur est ici soulevée. Le musée lieu de com-munication ne doit pas être le seul à parler, il se doit de permettre auvisiteur de faire son propre discours, de porter sa parole. Mais l’auteursouligne qu’à l’intérieur de l’institution muséale, c’est à travers un processusde collaboration et d’échanges entre les différents spécialistes et partenairesque l’émergence d’une véritable communication sera possible.

Le musée que Stephen Weil observe et critique, c’est celui de notrequotidien aux prises avec les problèmes de la croissance de ses collections,

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les problèmes éthiques reliés au champ de l’acquisition et de l’aliénation desobjets, les problèmes du marché de l’art également. L’intervention desgouvernements via la fiscalité dans le champ de l’art crée un accroissementdes dons d’oeuvres d’art de la part des collectionneurs privés, soucieuxd’obtenir une déduction pour fins d’impôt. La gestion des acquisitions se faitainsi plus délicate et combien plus difficile. En contrepartie, les collectionsdes petits musées sans budget d’acquisition en tirent de grands avantages. Iln’y a pas, comme le souligne Weil, de situation idéale et la solution auxproblèmes des musées se fait plurielle. Saurons-nous gérer convenablementla croissance des musées et de leurs collections? Saurons-nous utiliser lepotentiel inépuisable de ces collections pour permettre à chacun de seréapproprier sa propre histoire, celle de l’humanité? La question est posée àchacun d’entre nous et les éducateurs ont un rôle important à jouer dansl’élaboration d’une réponse.