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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat (Haute- Loire) : programme de recherche préliminaire à l’aménagement du site Rapport final BRGM/RP-56282-FR Décembre 2008

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des

Narces de la Sauvetat (Haute-Loire) : programme de recherche préliminaire à l’aménagement du

site Rapport final

BRGM/RP-56282-FR Décembre 2008

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces

de la Sauvetat (Haute-Loire) : programme de recherche préliminaire

à l’aménagement du site Rapport final

BRGM/RP-56282-FR Décembre 2008

A. Brenot, Ph. Négrel, C. Bertin, R. Millot

Vérificateur : Nom : Petelet-Giraud E.

Date : 26 mars 2009

Signature :

Approbateur : Nom : Roy S.

Date : 30 mars 2009

Signature :

En l’absence de signature, notamment pour les rapports diffusés en version numérique,l’original signé est disponible aux Archives du BRGM.

Le système de management de la qualité du BRGM est certifié AFAQ ISO 9001:2000.

I

M 003 - AVRIL 05

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Mots clés : Narces de la Sauvetat, tourbière, eaux souterraines, isotopes, hydrogéologie, géochimie. En bibliographie, ce rapport sera cité de la façon suivante : Brenot A, Négrel Ph., Bertin C., Millot R. (2008) Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat (Haute-Loire) : programme de recherche préliminaire à l’aménagement du site. Rapport final, BRGM/RP-56282-FR, 99 pp, 51 ill., 1 ann. © BRGM, 2009, ce document ne peut être reproduit en totalité ou en partie sans l’autorisation expresse du BRGM.

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Synthèse

Cette étude concerne l’application des outils isotopiques afin de caractériser et quantifier, si possible, les circulations des eaux souterraines dans la tourbière des Narces de la Sauvetat.

Une bonne connaissance du bilan hydrogéologique et des contraintes sur les circulations et les connections des eaux de surface et des eaux souterraines sont nécessaires afin d’assurer la gestion intégrée du territoire des Narces de la Sauvetat qui abritent une tourbière de maar.

Dans cette optique, le Conseil Général de la Haute-Loire, l’Agence de l’Eau Loire-Bretagne et le BRGM se sont associés dans le cadre d’un projet de recherche qui s’appuie sur l’analyse couplée des approches géochimique et hydrogéologique.

L’examen des données de terrain (conductivité, température, débit, mesures piézométriques) et de l’approche hydrogéologique permet de montrer d’ores et déjà que plusieurs aquifères participent à l’alimentation du système des Narces de la Sauvetat :

- deux aquifères plutôt profonds et/ou de grande extension amortissant les fluctuations climatiques. Le premier ayant pour exutoire les sources NAR-S1 et NAR-S8, semble contaminé par des apports anthropiques (révélés par des conductivités de l’eau élevées). Le deuxième aquifère caractérisé par la source NAR-S7, parait peu touché par cette contamination ;

- un aquifère peu profond représenté par les sources NAR-S2, NAR-S3, NAR-S4 et NAR-S5 qui est également affecté par la pollution.

Il est important de signaler qu’une alimentation souterraine existe localement dans les formations tourbeuses. La source NAR-S6 émerge dans la partie aval de la tourbière en contrebas du hameau des Hurtes, mais elle n’a pas pu être quantifiée. Seule sa conductivité différente de celle des eaux de la tourbière a permis de la distinguer.

La zone réelle d’alimentation des Narces est supérieure à la surface du bassin versant topographique. Ce phénomène est assez courant en domaine volcanique.

L’interprétation d’analyses géochimiques des eaux et d’analyses isotopiques usuelles ou novatrices : les isotopes stables de la molécule d'eau (O et H), les isotopes du strontium (Sr) et les isotopes du lithium (Li) sur 7 points représentatifs (sources, exutoire, piézomètres installés dans la troubière), permet de caractériser et d’estimer les directions et les taux d’échange d’eau au sein de la tourbière. L’objectif de ce travail est de définir le mode d’alimentation de l’hydrosystème des Narces de la Sauvetat et de fournir les éléments de réflexion nécessaires pour proposer les conditions adéquates de sa remise en eau.

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A l’échelle du site des Narces de La Sauvetat il existe une forte variabilité de composition géochimique des eaux de surface et des eaux souterraines. Les disparités observées pour les compositions isotopiques δ2H et δ18O de la molécule d’eau traduisent une origine différente des eaux et peuvent être reliées à la localisation spatiale des points de prélèvement. Ceci permet de définir dans une représentation spatiale l’origine de l’eau au sein du système. D’un autre coté, des disparités spatiales dans la source d’éléments dissous peuvent également être attribuées à des différences dans la nature des lithologies drainées et pour les concentrations en chlorures par exemple, à des différences dans l’occupation des sols.

Les variations à la fois spatiales et saisonnières des compositions géochimiques élémentaires et isotopiques des différents flux d’eau entrant et sortant de la tourbière autorisent le traçage des différents flux d’eaux et d’éléments dissous et la réalisation d’un premier bilan hydrologique du site des Narces de la Sauvetat. Il ressort l’identification de 4 flux principaux d’eau entrant et de 1 flux d’eau sortant intervenants dans le bilan hydrologique du site des Narces de la Sauvetat issus de l’étude géochimique.

Un fait majeur issu de l’approche couplée des différents outils de la géochimie montre sans ambigüité que la composition géochimique du flux d’eau sortant de la tourbière est quasi-exclusivement contrôlé par les eaux de pluie via les eaux de ruissellement (contribution > 90 %). Ainsi la perte d’eau de la tourbière des Narces de la Sauvetat vers les eaux du ruisseau des Fouragettes est vraisemblablement faible tout le long du cycle hydrologique. Ceci implique un système quasi stagnant pour les eaux souterraines au droit de la tourbière, seule la partie superficielle peut se vidanger (avec des caractéristiques type « pluie »).

Par l'application d'un grand nombre d'outils isotopiques, ce projet a permis de mettre en évidence la spécificité de chacun de ces outils dans l'étude d’un système aquifère, mais aussi leurs limites respectives qui peuvent être partiellement ou totalement levées en couplant deux ou plus de ces outils.

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Sommaire

1......................................................................................................................Introduction 9

2 Contexte géologique, hydrogéologique et stratégie d’échantillonnage ..........10

2.1 CONTEXTE GEOLOGIQUE REGIONAL ..........................................................10

2.2 CONTEXTE GEOLOGIQUE LOCAL .................................................................12

2.3 CONTEXTE HYDROGEOLOGIQUE.................................................................16 2.3.1 Contexte hydrogéologique régional..........................................................16 2.3.2 Contexte hydrogéologique local ...............................................................16

2.4 DISPOSITIF DE SUIVI.......................................................................................19

2.5 STRATEGIE D’ECHANTILLONNAGE ET LOCALISATION DES POINTS DE PRELEVEMENT ................................................................................................23 2.5.1 Stratégie d’échantillonnage ......................................................................23 2.5.2 Localisation des points de prélèvement ...................................................23

2.6 PRELEVEMENTS ET METHODES ANALYTIQUES.........................................25 2.6.1 Moyens mis en œuvre ..............................................................................25 2.6.2 Prélèvement et conditionnement des échantillons ...................................26 2.6.3 Analyses des éléments majeurs et traces ................................................26 2.6.4 Analyse des isotopes stables de la molécule d'eau .................................27 2.6.5 Analyses des isotopes du strontium .........................................................28 2.6.6 Analyses des isotopes du lithium .............................................................28

3 Approche hydrogéologique...................................................................................29

3.1 VARIATIONS PIEZOMETRIQUES....................................................................29 3.1.1 Suivi manuel .............................................................................................29 3.1.2 Suivi automatique .....................................................................................30

3.2 VARIATIONS DE DEBITS .................................................................................31

3.3 VARIATIONS DE TEMPERATURE...................................................................36

3.4 VARIATIONS DE CONDUCTIVITE ...................................................................38

3.5 SYNTHESE .......................................................................................................41

4 Caractérisation géochimique des eaux souterraines .........................................43

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4.1 CHIMIE ELEMENTAIRE ................................................................................... 43 4.1.1 Validité des analyses chimiques réalisées............................................... 43 4.1.2 Diagramme de Piper : faciès chimique des eaux..................................... 44 4.1.3 Relation inter-éléments ............................................................................ 45 4.1.4 Rapports élémentaires ............................................................................. 48

4.2 CARACTERISATION DES APPORTS D'EAU : ISOTOPES DE LA MOLECULE D'EAU (δ18O ET δ2H) ......................................................................................... 51

4.3 CARACTERISATION DES APPORTS D'ELEMENTS DISSOUS..................... 53 4.3.1 Isotopes du strontium............................................................................... 53 4.3.2 Les isotopes du lithium............................................................................. 56

4.4 VARIABILITE SPATIALE .................................................................................. 62

4.5 VARIABILITE SAISONNIERE ........................................................................... 63 4.5.1 Origine de l’eau ........................................................................................ 63 4.5.2 Origine des éléments dissous .................................................................. 64

4.6 BILAN DES FLUX D’EAU ET D’ELEMENTS DISSOUS ................................... 65

5 Fonctionnement hydrogéologique du site de la Sauvetat expliqué par l’étude géochimique et isotopique.................................................................................... 69

5.1 BILAN MOYEN.................................................................................................. 69 5.1.1 Flux entrant de la tourbière ...................................................................... 69 5.1.2 Flux sortant de la tourbière ...................................................................... 69

5.2 VARIATIONS TEMPORELLES ......................................................................... 71 5.2.1 Flux entrant de la tourbière ...................................................................... 71 5.2.2 Flux sortant de la tourbière ...................................................................... 71

6 Conclusions............................................................................................................ 73

7 Bibliographie .......................................................................................................... 79

Annexe 1 ...................................................................................................................... 79

Isotopes : définition, mesures et fonctionnement................................................... 83

1. QUELQUES NOTIONS ..................................................................................... 83 i. Les isotopes d’éléments stables .............................................................. 86 ii. Les isotopes d’éléments instables ........................................................... 88 iii. En guise de résumé ................................................................................. 89

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2. LES MOYENS DE MESURE DES ISOTOPES .................................................89

3. QUELQUES SYSTEMATIQUES ISOTOPIQUES..............................................92 i. Les isotopes stables de la molécule d’eau ...............................................92 ii. Les isotopes du lithium .............................................................................93 iii. Les isotopes du strontium.........................................................................95

4. ISOTOPES ET MELANGES D'EAUX................................................................97

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1 Introduction

Dans le cadre de sa politique en faveur des espaces naturels sensibles, le Conseil Général de la Haute-Loire s’est doté en 1996 d’un outil de planification permettant de hiérarchiser ses interventions : le Schéma Départemental en faveur des Espaces Naturels Sensibles (SDENS). Par ailleurs le Conseil Général de la Haute-Loire a apporté son soutien financier à une thèse sur le fonctionnement, la dynamique et l’intérêt paléo-environnemental des tourbières du plateau volcanique du Devès (Velay, Massif Central français) ; (Tourman, 2007). Vingt sites prioritaires ont été définis dans le département, parmi lesquels figurent les Narces de la Sauvetat. Situées à 1060 m d’altitude sur le plateau du Devès et d’une superficie d’environ 7 km2, les Narces de la Sauvetat dépendent de la commune de Landos et occupent un ancien cratère de maar (cratère volcanique d’origine hydromagmatique d’âge de l’ordre de 610 000 ans, Richet, 2003). Parmi les trois maars situés sur cette commune, deux sont occupés par des tourbières mais seul le site des Narces de la Sauvetat présente un exutoire. Le site des Narces de la Sauvetat a été exploité pendant 15 ans pour la production de tourbe et n’a pas été réhabilité depuis. Cependant il y subsiste quelques habitats de haute valeur patrimoniale et son intérêt faunistique est également important. Le Conseil Général de la Haute-Loire et la commune de Landos souhaitent améliorer la diversité écologique des Narces de la Sauvetat afin d’en faire un des hauts lieux du patrimoine naturel de la Haute-Loire, ouvert à tous types de publics. Pour assurer la gestion intégrée du territoire des Narces il apparaît donc indispensable d’avoir une bonne connaissance du bilan hydrogéologique de la tourbière et de contraindre les circulations et connections des eaux de surface et des eaux souterraines. Cet enjeu est de première importance pour les Narces de la Sauvetat car comme le souligne Manneville (2001) dans un cadre plus général : « le bilan hydrique global (d’une tourbière) doit être équilibré ou un peu excédentaire...Cette permanence de l’eau stagnante ou plus rarement mobile, donc appauvrie en oxygène, provoque l’anaérobiose, dont résulte la dégradation ralentie des débris végétaux pour former la tourbe », or cette tourbière présente la particularité d’être drainée par un cours d’eau pérenne (le ruisseau des Fouragettes) qui rend ce milieu d’autant plus fragile.

Dans le but de caractériser et de comprendre les circulations et les connections des eaux de surface et des eaux souterraines sur le site des Narces de la Sauvetat, le Conseil Général de la Haute-Loire, l’Agence de l’Eau Loire-Bretagne et le BRGM se sont associés dans le cadre d’un projet de recherche. Ce programme de recherche s’appuie sur l’analyse couplée des approches géochimique et hydrogéologique. L’interprétation combinée de mesures hydrologiques en continu, d’analyses géochimiques des eaux et d’analyses isotopiques usuelles ou novatrices : les isotopes stables de la molécule d'eau (O et H), les isotopes du strontium (Sr) et les isotopes du lithium (Li), permet de caractériser et d’estimer les directions et les taux d’échange d’eau au sein de la tourbière. L’objectif de ce travail est de définir le mode d’alimentation de l’hydrosystème des Narces de la Sauvetat et de fournir les éléments de réflexion nécessaires pour proposer les conditions adéquates de sa remise en eau.

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Une sélection d’indicateurs pertinents sera notamment proposée afin d’assurer la surveillance du site des Narces de la Sauvetat.

2 Contexte géologique, hydrogéologique et stratégie d’échantillonnage

2.1 CONTEXTE GEOLOGIQUE REGIONAL Le volcanisme du département de la Haute-Loire, principalement mis en place au Miocène moyen, à partir de 15 millions d’années (Ma), peut être subdivisé en trois grandes entités de direction générale nord-ouest/sud-est, distinctes de par la morphostructurale, la nature et l’âge des formations : le Devès, le bassin du Puy-en-Velay et le « Velay oriental » (Illustration 1). La partie centrale du département est occupée, sur plus de 70 kilomètres de longueur et sur une superficie proche de 800 km², par la chaîne -ou plateau- (la plus vaste de France) basaltique du Devès, dont l’altitude est généralement comprise entre 1000 et 1100 m et qui culmine à 1421 m au Mont Devès. Elle est morphologiquement marquée par la présence de très nombreux appareils volcaniques : cônes de scories (près de 200 au total), appareils de type strombolien associés à des coulées de laves basaltiques, et édifices issus d’éruptions hydromagmatiques, caractérisés par des dépôts de formations pyroclastiques (anneaux de tufs) associées à des cratères de type maar (plus de 100 dénombrés). Ces derniers sont le siège de zones humides (narces, tourbières) et parfois de lacs. La formation du volcanisme du Devès, qui a débuté il y a 6 Ma et s’est achevée il y a quelques centaines de milliers d’années, a connu son paroxysme entre 3,5 et 0,6 Ma, avec deux périodes majeures de mise en place des épanchements basaltiques, autour de 2,1 et de 1 Ma. Selon une coupe transversale est-ouest (Illustration 2), cette chaîne volcanique montre une très nette dissymétrie : sur le flanc occidental, côté rivière Allier, la base des coulées, au contact du socle granito-gneissique, est à une altitude supérieure comparativement au flanc oriental, côté Loire. La surface de ce vaste « plateau volcanique » elle-même décroît en altitude de l’Ouest vers l’Est, par l’intermédiaire de gradins successifs plurikilométriques allongés eux aussi selon une direction nord-ouest/sud-est. Ce vaste plateau constitue dans son ensemble un entablement de nombreuses coulées de laves basaltiques souvent superposées, résultant pour l’essentiel d’un volcanisme effusif caractérisé par des éruptions fissurales à forts débits. Ces importantes coulées de lave se sont épanchées à l’Est sur les formations sédimentaires tertiaires du bassin d’effondrement du Puy-en-Velay, contribuant à le combler en partie et à niveler les reliefs préexistants. Sur le versant de la Loire, les

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empilements de coulées peuvent atteindre des épaisseurs considérables (130 m dans le ravin des Fouragettes près de Goudet). Dans les vallées de l’Allier et de la Loire, les coulées de lave les plus récentes, d’âge pléistocène, se sont répandues en cascades sur les versants pour atteindre les niveaux actuels des cours de cette rivière et de ce fleuve, qu’elles ont suivis et comblés en partie en plusieurs secteurs. Les très jeunes édifices volcaniques présents au niveau du cours supérieur de la Loire et du haut plateau ardéchois, qui marquent le prolongement du Devès au Sud-Est, se rattachent au cycle éruptif dit « du Bas Vivarais », d’âge pléistocène récent.

Illustration 1 : Carte des ensembles volcaniques du département de la Haute-Loire (d’après Le volcanisme en Auvergne, édition Chamina, 2003)

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Illustration 2 : Coupe géologique schématique du plateau du Devès (d’après Le volcanisme en Auvergne, édition Chamina, 2003)

2.2 CONTEXTE GEOLOGIQUE LOCAL

L’interprétation d’investigations géologiques de surface et de sondages au sein de la zone tourbeuse et la synthèse des données bibliographiques ont permis de préciser la structuration des différentes formations, et notamment la géométrie des formations susceptibles d’être aquifères, ainsi que des horizons imperméables. La synthèse géologique réalisée par le BRGM dans le cadre de cette étude s’est appuyé principalement sur un rapport d’exploration retrouvé dans les archives de la société Coframines. Contrairement aux autres maars sur la commune de Landos, le maar de la Sauvetat n’a fait l’objet que d’un seul sondage.

Le maar de la Sauvetat est par ses dimensions (diamètre de près de 1,5 km et profondeur de 90 m) un des plus imposants du Velay. Il abrite une pièce d’eau et débouche sur un vallon au Nord-Est qui constitue son exutoire, et ainsi contribue à sa vidange régulière en eau superficielle. Les dépôts de l’anneau pyroclastique du maar de la Sauvetat, bien visibles au niveau des fronts de taille de la carrière du Grail exploitée par la société C.C.V. sont typiques du dynamisme hydromagmatique (ou appelé encore « phréatomagmatique »).

On relève en particulier la présence (illustration 3) :

• De tufs très bien stratifiés, cendreux à granulométrie variable, tantôt grossiers et riches en xénolithes (blocs et fragments de roches préexistantes : socle granitique et laves basaltiques), tantôt fins ;

• D’antidunes, bourrelets dissymétriques dûs au souffle de l’éruption qui a entraîné loin de l’évent éruptif, au ras du sol, les projections par expansion latérale des gaz (déferlantes basales) ;

• De figures d’impacts sous les gros blocs (retombées aériennes), de stratifications entrecroisées et de chenaux.

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Illustration 3 : Dépôts de type maar (carrière du Grail, photo BRGM)

Ces dépôts de maar surmontent dans cette carrière, de manière relativement plane et très franche (illustration 4), un ensemble scoriacé (« pouzzolane » correspondant au matériau exploité dans cette carrière) d’aspect homogène, consolidé, non lité, localement altéré, composé de scories et lapillis basaltiques associés à des bombes volcaniques de petite taille, parfois en fuseau (illustration 5).

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Illustration 4 : Contact entre dépôts de maar supérieurs et scories basaltiques inférieures (carrière du Grail, photo BRGM)

Illustration 5 : Ensemble scoriacé inférieur (carrière du Grail, photo BRGM)

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Cet ensemble est le résultat d’une activité strombolienne antérieure à la formation du maar de la Sauvetat, imputable au volcan du Gray, relief volcanique encore marqué morphologiquement au Sud du maar de la Sauvetat. La partie interne de ce croissant de tufs est affectée par des effondrements à l’intérieur du cratère. Les seules données géologiques disponibles relatives au remplissage du cratère de maar proviennent de la campagne de prospection réalisée dans les années 1980 par la société Coframines pour la recherche de diatomite. Cette campagne a donnée lieu à la réalisation de quatre sondages carottés dans les trois maars situés sur la commune de Landos : les maars de Landos (2 sondages dans le marais de Ribains), de Praclaux (1 sondage) et de la Sauvetat (1 sondage).

Le sondage S2, profond de 37 m et implanté dans la partie centre-sud des Narces de la Sauvetat (à l’Est du point côté 1059 m), a révélé la coupe géologique synthétique suivante :

• 0 à -2 m : alternance de niveaux de tourbes (tourbe brune, brun-noir, noire), argileuses en profondeur ;

• -2 m à -3 m : argiles sableuses et graveleuses (scories) contenant quelques débris de tourbes ;

• -3 m à -6.40 m : niveaux successifs de sables fins à très grossiers (graveleux), peu à très argileux, les éléments détritiques étant basaltiques (scories et laves) et du quartz ;

• -6.40 m à -37 m : alternances de silts (sédiments détritiques meubles dont le grain est compris entre 3.9 et 62.5 µm) aux caractéristiques variables (argileux à sableux, meubles à compacts), de sables grossiers et graveleux à fins, parfois argileux et compacts, avec quelques rares niveaux argileux francs et cendreux probables.

Ce sondage montre que les formations présentes, sous couverture tourbeuse, en remplissage du système maar-diatrème, sont de nature volcanique et correspondent pour l’essentiel aux produits pyroclastiques du maar, plus ou moins remaniés et altérés. Ainsi, contrairement aux autres maars sur la commune de Landos, pour le maar de la Sauvetat les conditions n’ont jamais été réunies pour que s’y installe une retenue d’eau importante pérenne, propice au développement d’une sédimentation autre que détritique. Le ravin du ruisseau des Fouragettes à l’exutoire a permis un drainage régulier et efficace de la tourbière tout au long de son histoire, ce ruisseau existant déjà il y a 1 Ma.

Il n’a pas été possible d’avoir accès aux archives relatives à l’exploitation de la tourbière, qui auraient pu éventuellement apporter des informations complémentaires d’ordre géologique. Nos contacts avec les différentes sociétés exploitantes se sont à ce jour révélés vains de ce point de vue.

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2.3 CONTEXTE HYDROGEOLOGIQUE

2.3.1 Contexte hydrogéologique régional

Les aquifères volcaniques présentent des propriétés très variées et ont souvent une structure complexe. Ils peuvent en effet trouver place au sein de formations très poreuses et/ou au sein de formations fissurées dont le comportement hydrodynamique est très différent : perméabilité de fractures et de fissures (laves) et réserves régulatrices au sein des formations pyroclastiques (projections scoriacées) par exemple.

Les précipitations météoriques qui tombent sur le plateau du Devès s’infiltrent à travers les cônes de scories et les coulées basaltiques. Une partie des eaux souterraines peut ressortir dans la partie haute du plateau après un parcours à faible profondeur. Les débits, peu élevés, sont compris entre 10 et 50 l/mn.

Une autre fraction s’infiltre lentement dans les coulées. Selon le degré d’altération des formations, l’eau peut percoler jusqu’au substratum imperméable : nappes infra-basaltiques, ou bien elle peut être arrêtée par un niveau imperméable entre les différentes coulées : nappes intra-basaltiques. Les débits des sources (en moyennes et/ou basses eaux) varient entre 1 200 et 1 800 l/mn, et sont localement supérieurs à 6 000 l/mn sur quelques sources.

Les maars peuvent également jouer un rôle dans la modification des écoulements en profondeur ou dans le stockage des eaux souterraines.

2.3.2 Contexte hydrogéologique local

Le site des Narces de la Sauvetat est implanté au sein du maar éponyme. Le bassin versant de surface susceptible d’être drainé par le ruisseau des Fouragettes, seul exutoire connu des Narces, se prolonge bien au delà du périmètre du maar (illustration 3). Il s’étend sur près de 8.12 km2 et comporte plusieurs types de formations géologiques d’origine volcanique (coulées de basaltes, cônes stromboliens, projections scoriacées, brèches d’explosion de maars).

En domaine volcanique toutefois, le bassin versant topographique ne préjuge en rien du véritable bassin versant d’alimentation d’un système car la morphologie du substratum (formations imperméables) qui guide les écoulements souterrains est masquée par les formations de surface. Il est donc possible que le bassin hydrogéologique puisse être d’une taille différente à celle du bassin versant topographique.

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Illustration 6 : Contexte géologique du bassin versant topographique des Narces de la Sauvetat (d’après carte géologique BRGM n°815 – Cayres) et localisation des sites étudiés

Afin de pouvoir étudier les variations temporelles et spatiales des caractéristiques de l’aquifère présent au sein des formations tourbeuses, quatre forages répartis sur deux sites, ont été créés au cours du mois de mars 2007. L’emplacement du site 1 (Nord-Ouest de la tourbière) a été décalé vers le Nord car les forages de reconnaissance ont révélé la quasi absence de tourbe (de l’ordre de 10 cm) dans le secteur initialement choisi.

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Chaque site comporte deux ouvrages : NAR-P (1 ou 2) destinés à la réalisation des mesures piézométriques et NAR-Q (1 ou 2) qui sont utilisés pour les prélèvements d’eau en vue d’analyses.

Les forages ont recoupé 3.5 à 4 m de tourbe brune, puis 1.5 à 2 m de tourbe blonde (sauf pour le NAR-P2 qui a rencontré 1.2 m de tourbe brune argileuse) et enfin un niveau argileux (argile brune compacte) qui constitue le substratum des eaux souterraines. Le forage NAR-Q1 a également recoupé un petit niveau argileux vers 4 m de profondeur entre la tourbe brune et la tourbe blonde.

Quel que soit le forage, la zone saturée a toujours été rencontrée dans les formations tourbeuses brunes : -1.5 m (par rapport à la surface du sol) pour NAR-P1, -1.2 m pour NAR-Q1, - 0.45 m pour NAR-P2, -0.5 m pour NAR-Q 2.

La nappe contenue dans les formations tourbeuses est libre et sub-affleurante.

Dans le cadre de l’étude, un suivi des émergences naturelles (sources) ou artificielles (captages) participant directement à l’alimentation des Narces a été réalisé.

Les sources NAR-S2, NAR-S3 et NAR-S5 apparaissent toutes à la cote NGF 1080 m, près du rebord du maar. Cette ligne de sources marque le niveau de base d’un aquifère sous basaltique situé à l’Ouest des Narces.

La source NAR-S4 émerge dans les mêmes conditions géologiques que les précédentes mais à une altitude inférieure (1070 m environ). Il est possible qu’elle corresponde à une résurgence de la source NAR-S5.

La source NAR-S7 quant à elle, apparait à l’extérieur du maar au sein des formations basaltiques à la cote 1085 m. Il est probable qu’elle traduise la présence d’un autre aquifère entre coulées dont le niveau de base correspondrait à un horizon de plus faible perméabilité (niveau altéré).

Les sites NAR-S1 et NAR-S8 (sources captées) sont respectivement situés à 1120 m d’altitude (environ) et 1095 m d’altitude. Ces sources sont situées beaucoup plus à l’extérieur du maar que les précédentes et émergent dans les dépôts de l’anneau pyroclastique du maar.

Plusieurs formations géologiques superposées contribuent donc à l’alimentation de différents niveaux résurgents des Narces de la Sauvetat.

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 19

2.4 DISPOSITIF DE SUIVI

La mise en place de l’ensemble des équipements permettant l’acquisition de données sur le fonctionnement de l’hydrosystème (piézomètres, station de jaugeage et appareils de mesures) a été placée sous la maîtrise d’ouvrage du Conseil Général de la Haute-Loire. Le BRGM s’est chargé d’apporter un appui technique sur (1) le choix d’implantation des sites de mesures, (2) le type d’équipements à installer en conseillant le Conseil Général de la Haute-Loire, (3) la rédaction des cahiers des charges avant appels d’offres et (4) la rédaction des dossiers de déclaration des forages selon l’arrêté interministériel du 11 septembre 2003. Pour l’ensemble de ces actions d’aide à la maitrise d’ouvrage, réalisées tout le long de la vie du projet, des rapports ont été émis systématiquement.

La mise en place de l’ensemble des équipements permettant l’acquisition de données sur le fonctionnement de l’hydrosystème (piézomètres, station de jaugeage et appareils de mesures), opérationnel uniquement en 2008, s’est appuyée sur la campagne de reconnaissance et de prélèvements d’eau réalisée en avril 2006 (Illustration 7, Illustration 8) et le dimensionnement et le positionnement idéal de la station hydrométrique à l’exutoire de la tourbière proposée par le BRGM en 2006 (annexe 1). Au total, 4 piézomètres ont été mis en place sous la maîtrise d’ouvrage du Conseil Général de la Haute-Loire (Illustration 9). Ces piézomètres ont permis également de compléter la connaissance locale de la structure géologique et hydrogéologique de l’hydrosystème des Narces de la Sauvetat. Depuis mars 2007, deux de ces piézomètres (NAR-Q1 et NAR-Q2) sont opérationnels pour le prélèvement d’eau souterraine destinée à l’analyse des éléments majeurs et traces et des compositions isotopiques prévues dans cette étude. Depuis octobre 2007, date de leur équipement (Illustration 10a), deux autres piézomètres (NAR-P1 et NAR-P2), situés respectivement à proximité immédiate de NAR-Q1 et NAR-Q2, doivent permette le suivi en continu des niveaux piezomètriques au sein de la tourbière via des données télétransmises sur le niveau statique de l’eau vers le Conseil Général de la Haute-Loire. Une station hydrométrique en aval de la tourbière, mise en place en février 2008 (Illustration 10b), permet d’acquérir des données télétransmises sur le débit à l’exutoire vers le Conseil Général de la Haute-Loire. Ces données doivent permettre au BRGM de réaliser le bilan entrée-sortie de la zone. L’équipement du site assure ainsi le suivi des paramètres hydrologiques de la tourbière et permet de préciser les modalités d’écoulement des eaux souterraines et des eaux de surface, ainsi que leurs relations avec la tourbière.

Page 22: Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des

Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

20 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

Illustration 7 : Campagne de reconnaissance sur le site de la Sauvetat en avril 2006

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 21

Illustration 8 : Points de prélèvement et de mesure identifiés lors de la campagne de reconnaissance d’avril 2006

Page 24: Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des

Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

22 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

Illustration 9 : Mise en place de 4 piézomètres sur le site de la Sauvetat en mars 2007

Illustration 10 : Equipement des 2 piézomètres « quantité » NAR-P1 et NAR-P2 en octobre 2007 (a) et de la station hydrométrique en février 2008 (b)

(a)

(b)

(a)

(b)

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 23

2.5 STRATEGIE D’ECHANTILLONNAGE ET LOCALISATION DES POINTS DE PRELEVEMENT

2.5.1 Stratégie d’échantillonnage

A partir de la campagne de reconnaissance réalisée en avril 2006 (Illustration 7, Illustration 8), un certain nombre de points de prélèvement, correspondant aux principaux flux entrants (sources, ruissellement, assainissement …) et flux sortants (ruisseau des Fouragettes à l’exutoire) de la tourbière ont été choisis (Illustration 11 et Illustration 12) afin de mettre en place leur suivi sur un cycle hydrologique. Le suivi mensuel de la qualité des eaux sur le site de la Sauvetat a été engagé en juin 2007 alors que le suivi des niveaux d’eau de la tourbière (NAR-P1 et P2) et du débit à l’exutoire a été mis en place respectivement en octobre 2007 et tardivement en 2008, sous l’égide du Conseil Général de la Haute-Loire.

2.5.2 Localisation des points de prélèvement

La liste et la localisation des points intégrés dans les campagnes mensuelles de prélèvement sont reportées respectivement dans l’Illustration 11 et l’Illustration 12.

N° Nature du point Chimie et isotopes Quantité Conductivité, temp, O2, pH

NAR-P1 piezomètre X XNAR-Q1 piezomètre X XNAR-P2 piezomètre X XNAR-Q2 piezomètre X XNAR-S1 source Terron X X XNAR-S2 source diffuse Que la tournée de départ XNAR-S3 source diffuse Que la tournée de départ X XNAR-S4 source diffuse XNAR-S5 source diffuse aménagée avec un bac en béton X XNAR-S6 source Que la tournée de départ XNAR-S7 source Les cotes Que la tournée de départ X XNAR-S8 serve X X XNAR-R1 ruisseau des Fouragettes (exutoire des Narces) X X XNAR-R2 ruisseau X X XNAR-R3 plan d'eau XNAR-EU station de lagunage (exutoire du sytème épuratoire) Que la tournée de départ X

Illustration 11 : Liste des points suivis dans le cadre des campagnes mensuelles du BRGM et paramètres mesurés

Page 26: Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des

Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

24 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

Illustration 12 : Points suivis dans le cadre des campagnes mensuelles du BRGM

Les secteurs suivants sont considérés comme des sites de référence : − NAR-S1 : source « du Terron » ; − NAR-EU : exutoire du système d’épuration par lagunage de la Sauvetat ; − NAR-R1 : ruisseau exutoire des Narces de la Sauvetat.

A chaque campagne mensuelle de prélèvement, 16 points sont mesurés pour la conductivité, la température, l’oxygène dissous (O2) et le pH. La première campagne de prélèvement pour le suivi de la qualité des eaux sur le site des Narces a pris en compte 12 points, puis 7 points on été retenus pour un prélèvement mensuel. Les analyses réalisées sur ces prélèvements d’eau sont les suivantes : analyse des éléments majeurs (Ca, Mg, Na, K, SiO2, CO3, HCO3, Cl, SO4, NO3), analyse des éléments traces Li, Pb, Rb, Sr, Se. Des analyses isotopiques (isotopes de l’oxygène, de l’hydrogène, du strontium et du lithium) ont également été réalisées sur ces 7 points avec une fréquence permettant de couvrir l’ensemble du cycle hydrologique.

Page 27: Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des

Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 25

2.6 PRELEVEMENTS ET METHODES ANALYTIQUES

2.6.1 Moyens mis en œuvre Dans le cadre de ce projet, différentes approches ont été appliquées, notamment :

les outils isotopiques dits usuels (oxygène et hydrogène de la molécule d’eau),

les outils isotopiques novateurs (strontium),

les outils isotopiques potentiels (lithium).

La combinaison de ces traceurs isotopiques avec les analyses chimiques classiques (éléments majeurs et traces) constituent un moyen d’améliorer grandement les connaissances des masses d’eau.

D’autre part, il est important de souligner ici que chaque systématique isotopique n’est utile que pour tracer le comportement chimique de l’élément considéré. Et donc, en croisant les différents outils isotopiques, nous pouvons accéder à un niveau d’information supplémentaire. En effet, alors que certaines systématiques isotopiques constituent de bons traceurs des processus de source (origine et/ou mélange : 2H, 18O, 87Sr/86Sr), d’autres systématiques sont à même de tracer les processus d’interaction eau/roche eux-mêmes (intensité, rapport eau/roche, salinité : isotopes Li, B). C’est donc en utilisant ces systématiques ensemble (en croisant les informations) que nous serons à même de contraindre l’ensemble des processus (interaction eau/roche tant du point de vue processus que des phénomènes de mélange).

Les isotopes s’interprètent en premier lieu en corrélant les rapports isotopiques mettant en jeu les éléments chimiques liés au sein d'une même molécule comme par exemple 18O et 2H de l'eau. Pour les isotopes des ions simples (B, Sr, Li…), un premier élément d’interprétation consiste à corréler les variations isotopiques avec les variations de la concentration de l‘élément. Ainsi, le rapport 87Sr/86Sr du strontium est corrélé avec la teneur de cet élément. La détermination des pôles purs (source potentielle non modifiée) est nécessaire afin d’interpréter les données et ainsi de caractériser les différentes masses d’eau par rapport aux encaissants et aux différents processus (mélange, fractionnement isotopique…). Ainsi, au sein d’une même masse d’eau on pourra déterminer les hétérogénéités et en comparaison avec les autres masses d’eau, on pourra étudier les connexions (drainance, mélange…) potentielles.

Les traceurs isotopiques retenus pour cette étude associent :

des traceurs d'interaction eau-roche,

des traceurs de mélange,

des traceurs d'origine des eaux (recharge),

des traceurs de processus…

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

26 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

Chaque traceur mis en œuvre couvre une ou plusieurs de ces caractéristiques. C'est l'association de ces outils avec leurs propriétés respectives qui permettra d'améliorer la connaissance de ces grands systèmes aquifères.

2.6.2 Prélèvement et conditionnement des échantillons

Toutes les techniques de prélèvement, d’échantillonnage et de conservation ont été validées au BRGM afin de répondre à trois objectifs (représentativité du milieu, caractérisation des phénomènes et limitation des transformations) et font l’objet d’un mode opératoire spécifique qui permet de garantir la non-contamination des échantillons.

L’échantillon prélevé est conservé brut dans une bouteille en polypropylène de 100 ml pour l’analyse des isotopes stables de la molécule de l’eau (O et H). Le reste est filtré sur un filtre en acétate de cellulose préalablement rincé et conditionné de la façon suivante dans des bouteilles en polypropylène:

- 100 ml pour l’analyse des anions, - 100 ml acidifié à pH = 2 avec de l’HNO3 suprapur pour l’analyse des

cations, - 250 ml acidifié à pH = 2 avec de l’HNO3 suprapur conditionnés dans une

bouteille préalablement lavée avec une solution d’HNO3 à pH=2, pour l’analyse des teneurs en Rb et Sr et des compositions isotopiques du Sr,

- 1000 ml acidifié à pH = 2 pour l’analyse des compositions isotopiques en Li.

Les échantillons ainsi conditionnés sont ensuite stockés à 4°C dans le noir jusqu'à l'analyse.

Les analyses physico-chimiques sont faites au moment du prélèvement (protocoles en vigeur au sein du laboratoire BRGM, NF EN ISO/CEI 17025 et NF EN ISO 9001-2000). Les paramètres mesurés sont les suivants : pH, température, teneur en oxygène dissous, conductivité et potentiel d'oxydo-réduction (Eh). Le pH-mètre est préalablement calibré à l’aide de solutions standards à pH=4, pH=7 et pH=10. Le conductivimètre est étalonné avec une solution standard à 1413 µS/cm à 25°C.

2.6.3 Analyses des éléments majeurs et traces

Les éléments majeurs et traces de la phase dissoute sont analysés suivant les méthodes détaillées sur l’Illustration 13.

Page 29: Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des

Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 27

Elément Mode opératoire Commentaire LQ Précision analytique

HCO3CO3

Ca (calcium)Mg (magnésium)

K (potassium)Na (sodium)Cl (chlorure)

SO4 (sulfates)NO3 (nitrates exprimés en NO3)

Sr (strontium) 1 µg.l-1

Rb (rubidium) 0,5 µg.l-1

Li (lithium) 1 µg.l-1

10%

Méthode potentiométriqueNF EN ISO 9963-1 5 mg.l-1 5%

10%

NF en ISO 11885

NF en ISO 10304

MO002

Analyse ICP

Méthode par chromatographie ionique (DIONEX) selon NF EN 1034-1 (juin 1995) pour les eaux faiblement

contaminées et ISO EN 10304-2 pour les eaux usées.

Analyse d'éléments traces par ICP-MS

0,5 mg.l-1

0,5 mg.l-1

10% (15% pour K)

Illustration 13 : Modes opératoires et méthodes d’analyses des éléments majeurs et traces

2.6.4 Analyse des isotopes stables de la molécule d'eau

L’analyse des isotopes stables de l'eau, de l’oxygène et de l’hydrogène, est réalisée selon les méthodes détaillées sur l’Illustration 14. Les signatures isotopiques en hydrogène et en oxygène de la molécule d’eau sont exprimées en unité ‰ de déviation par rapport à un standard de référence. On utilise la notation δ exprimée en parts pour mille selon la formule δ = [(R

échantillon / R

standard) - 1] x 1000 où R est le rapport

isotopique, isotope lourd sur isotope léger (e.g. 18

O/16

O). Le standard de référence est le SMOW (Standard Mean Ocean Water), pris à 0 ‰, qui est une eau de mer moyenne.

Analyses isotopiques Méthode Précision analytique

Rapport 18O/16O de l’eau Spectrométrie de masse IRMS par équilibration avec un CO2 de composition connue

± 0.1 ‰

Rapport 2H/1H de l’eau Spectrométrie de masse IRMS par équilibration avec un H2 de composition connue

± 0.8 ‰

Rapport 87Sr/86Sr du strontium total dissous dans l’eau

Spectrométrie de masse TMIS ± 0.05 ‰

Rapport 7Li/6Li du lithium total dissous dans l’eau

ICP-MS-MC Neptune ± 0.5 ‰

Illustration 14: Tableau récapitulatif des méthodes d’analyses isotopiques

Page 30: Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des

Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

28 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

2.6.5 Analyses des isotopes du strontium

Les analyses isotopiques du strontium se font par spectrométrie de masse à source solide par méthode TIMS (Spectrométrie de masse à thermo-ionisation) après séparation chimique sur résine. Les rapports 87Sr/86Sr sont normalisés à un rapport 86Sr/88Sr de 0,1194. La précision interne de chaque mesure du rapport 87Sr/86Sr est de ± 8,10-6 (2σ). La reproductibilité des mesures des rapports 87Sr/86Sr est testée par l’analyse répétitive du standard international NBS 987, la valeur obtenue durant cette étude est de 0,710233 ± 24,10-6 (2σ, n = 13). Les valeurs mesurées sont normalisées à la valeur certifiée du standard NBS 987 (0,71024).

2.6.6 Analyses des isotopes du lithium

Les analyses isotopiques du Li se font par ICP-MS-MC Neptune après séparation chimique sur résine. La composition isotopique du lithium d’un échantillon se note en déviation relative (en ‰) par rapport à un standard. Depuis peu, la communauté scientifique a adopté une notation commune en exprimant le rapport isotopique 7Li/6Li de la manière suivante :

( ) ( )( )

367

677 101

//

‰ ×⎟⎟⎠

⎞⎜⎜⎝

⎛−=

std

ech

LiLiLiLi

Liδ

Le standard de référence est un carbonate de lithium (L-SVEC, NIST RM8545) dont la valeur du δ7Li est de 0‰ par définition (7Li/6Li = 12.02 ± 0.03).

Page 31: Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des

Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 29

3 Approche hydrogéologique

3.1 VARIATIONS PIEZOMETRIQUES

Le suivi piézométrique a débuté le 30 mai 2007 sur NAR-P1 et P2, en même temps que le suivi destiné à caractériser la géochimie des eaux du système de la Sauvetat. Les mesures ont été réalisées avec une sonde électrique manuelle. Les niveaux piézométriques, avant prélèvements d’eau, ont également été mesurés sur les ouvrages NAR-Q1 et Q2. Les quatre forages ont été nivelés par un technicien du BRGM habilité pour ces opérations.

Les piézomètres NAR-P ont été équipés début octobre 2007 d’appareils de mesures (sonde de pression), d’enregistrement et de télétransmission des données (par SMS) par un technicien de la société Primayer. Les informations reçues par le service Environnement du Conseil Général de la Haute-Loire ont été transmises par la suite au BRGM, sous la forme de données brutes, à trier.

3.1.1 Suivi manuel

Quelques mesures de contrôle ont été réalisées avant le 30 mai 2007, date à partir de laquelle a débuté l’étude de caractérisation des Narces de la Sauvetat. Ces mesures sont intégrées aux résultats.

Les courbes (illustration 15) qui peuvent être tracées à partir de ces données, montrent que la surface piézométrique est plus basse durant l’étiage (août-septembre pour le site 2 et août-novembre pour le site 1) tandis qu’elle est plus haute en période de hautes eaux (décembre à mars).

1060,0

1061,0

1062,0

mars-07

avr.-0

7mai-

07

juin-07

juil. -07

août-

07

sept.

-07

oct.-0

7

nov.-

07

déc.-

07

janv.-0

8

févr.-0

8

mars-08

avr.-0

8

Cot

e (m

) pou

r le

site

2

1056,5

1057,5

1058,5

Cot

e (m

) pou

r le

site

1

NAR-P2 NAR-Q2

NAR-P1 NAR-Q1

Illustration 15 : Variations piézométriques au droit des forages implantés dans la tourbière de la Sauvetat – Relevés manuels de mars 2007 à avril 2008

Page 32: Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des

Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

30 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

Ce phénomène est concordant avec les observations effectuées par Tourman (2007) sur la tourbière de Ribains située à 3 km au Sud-Est des Narces de la Sauvetat. Il a observé en effet que les fluctuations de la nappe contenue dans la tourbière de Ribains répondaient aux variations climatiques saisonnières.

L’amplitude des fluctuations annuelles est de l’ordre de 30 cm dans tous les sites sauf pour NAR-Q1 au droit duquel les battements de la nappe sont plus importants.

Dans chaque site, les deux ouvrages évoluent de manière synchrone, ce qui signifie qu’ils suivent le même niveau aquifère.

La cote de la nappe au droit du site 2 est supérieure de près de 4 m à celle du site 1. Ceci traduit au droit du site 2, un écoulement général des eaux souterraines du Sud vers le Nord (jusqu’au centre de la tourbière).

3.1.2 Suivi automatique

Il convient de rappeler que le matériel de mesure n’a été installé que 4 mois après le début des mesures manuelles et des prélèvements réalisés par le BRGM.

Après analyse des données (illustration 16) télétransmises au service Environnement du Conseil Général de la Haute-Loire, il ressort que la plupart des petites lacunes dans les données soient imputables à un défaut dans la télétransmission. Par contre, l’origine de l’absence de données entre le 20 janvier et le 31 mars 2008 pour les deux piézomètres NAR-P1 et NAR-P2 n’est pas expliquée à ce jour.

Page 33: Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des

Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 31

1060,00

1061,00

1062,0013

/03/07

13/04

/0713

/05/07

13/06

/0713

/07/07

13/08

/0713

/09/07

13/10

/0713

/11/07

13/12

/0713

/01/08

13/02

/0813

/03/08

13/04

/08

Cote

(m) p

our l

e si

te 2

1056,5

1057,5

1058,5

Cot

e (m

) pou

r le

site

1

NAR-P2 automatique

NAR-P2 manuel

NAR-P1 automatique

NAR-P1 manuel

Illustration 16 : Variations piézométriques des forages NAR-P1 et NAR-P2 – Relevés manuels et relevés automatiques

Par ailleurs, les mesures automatiques ne sont corrélées avec les mesures manuelles qu’en octobre et novembre 2008 pour le NAR-P1 et uniquement en octobre 2008 pour le piézomètre P2. Ensuite, les écarts sont supérieurs à la dizaine de centimètres (parfois plus de 40 cm), ce qui n’est pas acceptable. La variabilité des mesures automatiques de niveaux n’est pas expliquée à l’heure actuelle.

Il a donc été décidé de ne pas utiliser les données automatiques.

3.2 VARIATIONS DE DEBITS

Afin d’établir un bilan des flux entrants et des flux sortants de la tourbière, des mesures de débits ont été prévues sur les émergences naturelles (pérennes et mesurables à l’aide d’équipements de terrain légers), sur les émergences captées ainsi que sur les ruisseaux.

Les débits de cinq sources ont été mesurés pendant toute la durée de l’étude : NAR-S1, NAR-S2, NAR-S3, NAR-S7 et NAR-S8. Les apports du ruisseau issu de la dépression de Lachamp (située à 1.5 km environ en amont des Narces (NAR-R2) ont également été mesurés.

Page 34: Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des

Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

32 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

Le volume des effluents provenant de la station de traitement et d’épuration des eaux usées de la Sauvetat, implantée dans le maar (NAR-EU) a également été mesuré.

Les mesures de débit réalisées dans différents sites sont présentées sur l’illustration 17. D’une manière générale, ils montrent une grande variabilité temporelle.

Page 35: Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des

Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 33

NAR-S1

0,0

10,0

20,0

30,0

40,0

50,0

60,0

13/03

/07

13/05

/07

13/07

/07

13/09

/07

13/11

/07

13/01

/08

13/03

/08

Déb

it (l/

mn)

NAR-S8

0,0

5,0

10,0

15,0

20,0

25,0

30,0

13/03

/07

13/05

/07

13/07

/07

13/09

/07

13/11

/07

13/01

/08

13/03

/08

Déb

it (l/

mn)

NAR-S2

0,0

20,0

40,0

60,0

80,0

100,0

120,0

140,0

160,0

13/03

/07

13/05

/07

13/07

/07

13/09

/07

13/11

/07

13/01

/08

13/03

/08

Déb

it (l/

mn)

NAR-S3

0,0

5,0

10,0

15,0

20,0

25,0

30,0

35,0

40,0

13/03

/2007

13/05

/2007

13/07

/2007

13/09

/2007

13/11

/2007

13/01

/2008

13/03

/2008

Déb

it (l/

mn)

NAR-S7

0,0

20,0

40,0

60,0

80,0

100,0

120,0

140,0

13/03

/07

13/05

/07

13/07

/07

13/09

/07

13/11

/07

13/01

/08

13/03

/08

Déb

it (l/

mn)

NAR-R2

0,0

50,0

100,0

150,0

200,0

250,0

13/03

/07

13/05

/07

13/07

/07

13/09

/07

13/11

/07

13/01

/08

13/03

/08

Déb

it (l/

mn)

Illustration 17 : Evolution du débit des sources NAR-S1, NAR-S2, NAR-S3, NAR-S7, NAR-S8 et du ruisseau NAR-R2.

Page 36: Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des

Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

34 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

Sites NAR-S1 et NAR-S8.

Ces sources captées ont un comportement assez similaires : leurs débits ont été très élevés en début d’année 2007 (non mesurable pour NAR-S1 car les volumes transitant dans le captage étaient conséquents et auraient nécessité la mise en place d’aménagements spécifiques pour la réalisation des mesures). Les débits ont été ensuite assez stables jusqu’à la fin de l’année 2007.

Les Narces de la Sauvetat sont situées dans la partie méridionale du plateau du Devès où le maximum de précipitations est enregistré pendant l’automne, l’été étant en général peu arrosé.

Les sources NAR-S1 et NAR-S8 ne semblent pas montrer d’évolution temporelle calquée sur la pluviométrie. Il est vraisemblable qu’elles soient alimentées par un aquifère qui amortit les phénomènes climatiques du fait soit de sa structure (circulation lente des eaux souterraines), soit de par son profondeur.

Sites NAR-S2 et NAR-S3.

Bien que situées à la même altitude et à 150 m l’une de l’autre, ces deux sources n’ont pas le même comportement.

La source NAR-S3 dont les débits sont en général inférieurs à 5 l/mn, ne montre pas de variations temporelles mais de rapides augmentations de débit dont les origines ne sont pas connues.

La source NAR-S2 présente un comportement cyclique caractérisé par de fortes amplitudes de débits au cours de l’année. Les débits maximum ont été mesurés pendant l’automne, période où les précipitations sont les plus soutenues. L’aquifère qui alimente cette source est donc relativement sensible aux phénomènes extérieurs et par conséquent peu profond.

Site NAR-S7.

Les débits enregistrés sur cette source sont plutôt conséquents. Il n’a pas été possible de mesurer les débits entre août et décembre 2007 car les émergences de cette source étaient trop diffuses.

Site NAR-R2.

Les mesures faites sur le ruisseau issu de la zone humide de Laschamp révèlent que les plus faibles débits sont enregistrés de septembre à novembre. Les débits du début de l’année 2008 ont été très importants mais non mesurables, hormis en avril.

Bilan en eau

Le bilan en eau du système des Narces de la Sauvetat n’a pas pu être effectué car la réalisation de la station hydrométrique qui devait être installée sur le ruisseau des

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 35

Fouragettes (le seul exutoire connu des Narces) par le Conseil Général de la Haute-Loire a débuté avec plusieurs mois de retard par rapport au début de l’étude BRGM.

Concernant le calcul des volumes entrants, il apparaît assez difficile à évaluer car il n’a pas été possible de mesurer certaines émergences diffuses (NAR-S4, NAR-S7), non accessibles (NAR-S5, NAR-S6) ou non mesurables du fait de débits trop importants (NAR-S1, NAR-R2).

Nous avons essayé d’évaluer la zone d’alimentation des principales sources suivies dans le cadre de cette étude. Pour cela, nous avons calculé les débits théoriques attendus pour les 3 principaux types d’émergence des eaux souterraines des Narces de la Sauvetat.

Ces débits ont été calculés à partir de la surface du bassin versant topographique des différentes sources et de la hauteur moyenne de pluie efficace.

La pluie efficace (PE) correspond à la quantité moyenne d’eau fournie par les précipitations (P) au cours d’une année restant disponible à la surface du sol après soustraction des pertes par évapotranspiration réelle (ETR). L’évapotranspiration est la combinaison de l’évaporation physique et de la transpiration biologique.

Les précipitations efficaces varient saisonnièrement. Elles sont en effet, plus importantes d’octobre à févier et plus faibles en été période où l’évapotranspiration est supérieure aux précipitations. Elles sont également variables selon les années. Une fraction de la pluie efficace va s’infiltrer dans les formations géologiques et une fraction va ruisseler et alimenter les ruisseaux.

Nous avons pris pour nos calculs, des valeurs de PE tirées de deux études sur le Devès : 290 mm/an (Tourman, 2007) et 221 mm/an (Lecocq, 1987) auxquelles nous avons retranché la part du ruissellement (R).

Nous avons utilisé une valeur de ruissellement identique à celle de Lecocq (1987, R= 57 %) car le contexte entre notre étude et la sienne est assez similaire tant d’un point de vue du relief que de la nature des formations. Pour les sources NAR-S1 et NAR-S8 cependant, il est vraisemblable qu’un ruissellement de 57 % soit un peu excessif car les formations en place (dépôts de l’anneau pyroclastique du maar et projections scoriacées) favorisent plutôt l’infiltration. Pour autant, la composante « ruissellement » n’est pas négligeable car le village de la Sauvetat situé dans le bassin versant, comporte de nombreuses surfaces imperméables (routes, constructions).

Le résultat des calculs est reporté sur l’illustration 18.

Page 38: Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des

Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

36 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

Bassin versant (m2)

Débit théorique en l/m avec PE= 290 mm et R = 57 %

Débit théorique en l/mn avec PE= 221 mm et R= 57 %

Débit moyen mesuré en l/mn

NAR-S2, NAR-S3

128 200 30.5 23.2 62.5

NAR-S1, NAR-S8

86 000 20.5 15.5 36.9

NAR-S7 105 600 25.1 19.1 94.5

Illustration 18 : Débits théoriques et débits moyens mesurés pour 3 types d’émergences.

On constate que les débits moyens mesurés sont supérieurs aux débits calculés à partir des surfaces des bassins versants topographiques. Cela signifie que les bassins d’alimentation véritables des sources sont beaucoup plus grands que les bassins versants topographiques.

3.3 VARIATIONS DE TEMPERATURE

Des mesures de la température de l’eau des différents sites investigués ont été effectuées sur un cycle annuel. Les résultats sont présentés sur l’illustration 19.

Page 39: Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des

Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 37

0

2

4

6

8

10

12

14

16

mai-07

juil.-07

sept.

-07

nov.-

07

janv.-0

8

mars-08

Tem

péra

ture

(°C

)

NAR-S1

NAR-S8

0

2

4

6

8

10

12

14

16

mai-07

juil.-07

sept.

-07

nov.-

07

janv.-0

8

mars-08

Tem

péra

ture

(°C

)

NAR-S7

0

2

4

6

8

10

12

14

16

mai-07

juil.-07

sept.

-07

nov.-

07

janv.-0

8

mars-08

Tem

péra

ture

(°C

)

NAR-S2

NAR-S3

NAR-S5

0

2

4

6

8

10

12

14

16

mai-07

juil.-07

sept.

-07

nov.-

07

janv.-0

8

mars-08

Tem

péra

ture

(°C

)

NAR-Q1

NAR-Q2

0

2

4

6

8

10

12

14

16

mai-07

juil.-07

sept.

-07

nov.-

07

janv.-0

8

mars-08

Tem

péra

ture

(°C

)

NAR-R1

NAR-R2

Illustration 19 : Variations annuelles de température pour les sites NAR-S1, NAR-S2, NAR-S3,

NAR-S5, NAR-S7, NAR-S8, NAR-Q1, NAR-Q2, NAR-R2 et NAR-R1

Page 40: Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des

Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

38 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

Les eaux des sources NAR-S1, NAR-S7 et dans une moindre mesure NAR-S8 ont des écarts thermiques annuels réduits : 8.2 ± 0.4 °C pour NAR-S1 et 7.8 ± 0.3 °C pour NAR-S7. Cette relative constance indique que les aquifères qui alimentent ces sources sont peu sensibles aux variations climatiques : les aquifères sont profonds et/ou relativement étendus.

Les températures des sources NAR-S2, NAR-S3 et NAR-S5 évoluent de manière quasi-synchrone. Les amplitudes thermiques sont marquées : de l’ordre de 6 °C pour NAR-S2 et NAR-S3 et 12 °C pour NAR-S5. Hormis pour la mesure de juillet 2007, les plus fortes températures se rencontrent en été et les plus basses en hiver. L’évolution temporelle de la température de ces sources est calquée sur le contexte climatique général du plateau du Devès marqué par des étés chauds et des hivers rigoureux. L’aquifère qui alimente ces sources est donc plutôt superficiel.

Les eaux souterraines de la tourbière au droit du site 2 (NAR-Q2) sont également plus chaudes en été et plus froides en hiver, avec des amplitudes thermiques marquées. La surface piézométrique au droit de ce site étant sub-affleurante (inférieur à 0.5 m par rapport à la surface du sol), il est donc logique que la température des eaux souterraines soit corrélée avec la température atmosphérique. En ce qui concerne le site 1 (NAR-Q1), il est difficile de distinguer un quelconque cycle annuel d’après les chroniques. La température moyenne des eaux est de 9.1°C comme au droit du site 2.

Les températures des eaux de surface (NAR-R1 et NAR-R2) ont, comme attendu, une évolution cyclique directement reliée aux conditions météorologiques. Les amplitudes annuelles sont moins marquées sur le ruisseau des Fouragettes (NAR-R1) que sur le ruisseau entrant dans les Narces (NAR-R2). L’origine de ce phénomène est probablement une plus grande inertie du ruisseau des Fouragettes.

3.4 VARIATIONS DE CONDUCTIVITE

Des mesures de conductivité de l’eau ont été réalisées sur tous les sites étudiés. Les résultats sont présentés sur l’illustration 20.

Page 41: Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des

Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 39

100

150

200

250

300

350

400

450

500

mai-07

juil.-0

7

sept.

-07

nov.-0

7

janv.-

08

mars-08

Con

duct

ivité

(µS/

cm)

NAR-S1

NAR-S8

100

120

140

160

180

200

220

mai-07

juil.-07

sept.

-07

nov.-

07

janv.-0

8

mars-08

Con

duct

ivité

(µS/

cm)

NAR-S7

100

150

200

250

300

350

400

450

500

mai-07

juil. -07

sept.

-07

nov.-

07

janv.-0

8

mars-08

Con

duct

ivité

(µS/

cm)

NAR-S2

NAR-S3

NAR-S5

100

150

200

250

300

350

400

450

500

mai-07

juil.-07

sept.

-07

nov.-

07

janv.-0

8

mars-08

Con

duct

ivité

(µS/

cm)

NAR-Q1

NAR-Q2

100

120

140

160

180

200

220

mai-07

juil.-0

7

sept.

-07

nov.-0

7

janv.-

08

mars-08

Con

duct

ivité

(µS/

cm)

NAR-R1

NAR-R2

Illustration 20 : Variations annuelles de conductivité pour les sites NAR-S1, NAR-S2, NAR-S3,

NAR-S5, NAR-S7, NAR-S8, NAR-Q1, NAR-Q2, NAR-R2 et NAR-R1

Page 42: Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des

Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

40 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

L’examen des résultats met en évidence une évolution temporelle similaire pour toutes les émergences d’eau souterraine. On observe en effet, une baisse significative de la conductivité après le mois de juillet puis une hausse marquée après janvier 2008. L’origine de ce phénomène n’est pas liée aux variations de débits car il a été vu précédemment que la variation temporelle des débits des sources était différente selon les sites.

Cette évolution se retrouve également dans les eaux souterraines de la tourbière au droit du site 1 (NAR-Q1). Sur le site 2 (NAR-Q2), la tendance observée est plutôt une diminution de la conductivité du début à la fin de l’étude.

La conductivité des eaux superficielles sortantes de la tourbière (NAR-R1) suit la même évolution que celle des sources. Le phénomène est plus atténué sur les eaux entrantes (NAR-R2).

Deux groupes de sites peuvent être distingués selon leur conductivité :

• un pôle de faibles valeurs de conductivité (inférieures à 200 µS/cm) comprenant les eaux de surface (NAR-R2, et NAR-R2) et la source NAR-S7. Ces basses valeurs révèlent une faible interaction et/ou un temps de contact limité entre l’eau et les formations géologiques ;

• un pôle de conductivités élevées (entre 200 et 450 µS/cm) qui peuvent indiquer un temps de contact suffisamment long pour permettre la dissolution de minéraux et/ou des apports anthropiques (pollution). La quasi-totalité des sources sont incluses dans cette catégorie.

Ces valeurs de conductivité, et en particulier celles supérieures à 300 µS/cm, sont inhabituelles dans la région pour des eaux ayant percolé à travers des formations volcaniques. Un ou des apports anthropiques (pollution diffuse) sont soupçonnés pour justifier les conductivités élevées de la plupart des eaux souterraines du secteur.

La source NAR-S7 quant à elle parait peu affectée par la pollution : l’évolution temporelle de la conductivité est semblable à celle des autres émergences mais les valeurs mesurées sont assez conformes à celles que l’on peut observer pour les eaux souterraines d’origine volcanique dans la région.

Concernant l’évolution particulière de la conductivité au droit de NAR-Q2, il semblerait que la décroissance de la conductivité pendant l’étude puisse traduire la présence d’une source ponctuelle de pollution. Il existe des bassins de lagunage utilisés pour l’épuration des eaux usées à 250 m au Sud-Ouest du site 2 mais l’existence d’une éventuelle relation avec les effluents de ces bassins ne peut pas être mise en évidence.

Un dernier point est également important à relever : la conductivité des eaux sortant de la tourbière (NAR-R1) est très inférieure à celle de la plupart des sources présentes sur le pourtour du maar ainsi que celles des eaux souterraines de la tourbière. L’origine de ce phénomène ne peut pas être expliquée avec les mesures de terrain.

Page 43: Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des

Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 41

3.5 SYNTHESE

L’examen des données de terrain (conductivité, température, débit, mesures piézométriques) permet de montrer d’ores et déjà que plusieurs aquifères participent à l’alimentation du système des Narces de la Sauvetat :

- deux aquifères plutôt profonds et/ou de grande extension amortissant les fluctuations climatiques. Le premier ayant pour exutoire les sources NAR-S1 et NAR-S8, semble contaminé par des apports anthropiques (révélés par des conductivités de l’eau élevées). Le deuxième aquifère caractérisé par la source NAR-S7, parait peu touché par cette contamination ;

- un aquifère peu profond représenté par les sources NAR-S2, NAR-S3, NAR-S4 et NAR-S5 qui est également affecté par la pollution.

Il est important de signaler qu’une alimentation souterraine existe localement dans les formations tourbeuses. La source NAR-S6 émerge dans la partie aval de la tourbière en contrebas du hameau des Hurtes, mais elle n’a pas pu être quantifiée. Seule sa conductivité différente de celle des eaux de la tourbière a permis de la distinguer.

La zone réelle d’alimentation des Narces est supérieure à la surface du bassin versant topographique. Ce phénomène est assez courant en domaine volcanique.

Les résultats permettent d’identifier également des phénomènes particuliers :

- des caractéristiques atypiques des eaux souterraines de la tourbière au droit du site 2 ;

- la conductivité de l’eau du ruisseau exutoire (ruisseau des Fouragettes) n’est pas identique à celle des eaux souterraines de la tourbière.

Page 44: Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des
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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 43

4 Caractérisation géochimique des eaux

souterraines

4.1 CHIMIE ELEMENTAIRE

4.1.1 Validité des analyses chimiques réalisées

Dans le cadre de cette étude, les éléments majeurs analysés sont : Ca, Mg, K, Na, HCO3, NO3, Cl, SO4, SiO2, et les éléments traces sont : B, Li, Sr, Rb, Se, Pb. Le TDS (pour Total Dissolved Solids, c'est-à-dire les sels dissous) est la somme des concentrations en mg.l-1 des cations et des anions mesurés en laboratoire. La conductivité électrique, mesurée sur le terrain est fonction de la salinité de l’eau ; il existe donc généralement une relation quasi-linéaire entre la conductivité électrique et le TDS calculé à partir des analyses chimiques de laboratoire. L’Illustration 21a présente le TDS en fonction de la conductivité électrique. On observe ici une bonne corrélation entre ces paramètres. Ainsi, aucun problème majeur lors du déroulement des analyses chimiques ou des mesures de conductivité ne semble donc devoir être suspecté. L’Illustration 21b, représentant la somme des anions (Σ-) en fonction de la somme des cations (Σ+) en mEq/l, montre un équilibre entre charges positives et charges négatives mesurées dans les eaux sauf pour le point NAR-Q2 prélevé en juin, juillet et août. Ainsi excepté ce point, les analyses semblent prendre en compte l’essentiel des éléments majeurs présents dans l’eau. Ceci doit cependant être confirmé par l’étude de la balance électrique. Le NICB (pour Normalized Inorganic Charge Balance) donne la balance des analyses chimiques selon la formule :

−+

−+

∑+∑∑−∑

=NICB x100

Le NICB correspond au pourcentage de charges positives excédentaires ou manquantes pour avoir un bilan des charges nul. Une eau ayant toujours un bilan de charges nul à l’équilibre, un excès de cations ou d’anions dénotant parfois une analyse chimique incomplète ou de mauvaise qualité. On considère que les analyses sont correctes pour un NICB compris entre -5% et +5%. Toutes les analyses présentent un NICB acceptable excepté le point NAR-Q2 prélevé en juin et juillet 2007 (Illustration 21c).

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

44 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

1000 2000 3000 4000 5000 6000

Σ+ (meq/l)

1000

2000

3000

4000

5000

6000

Σ- (m

eq/l)

(b)

Droite

1:1

1000 2000 3000 4000 5000 6000

Σ+ (meq/l)

-10

-5

0

5

10

NIC

B (%

)

(c)

100 200 300 400 500

Conductivité électrique (µS/cm)

100

200

300

400

TDS

(mg/

L)

(a)

R2 = 0.68

NICB = +5%

NICB = -5%

NAR-Q2

NAR-Q2

Illustration 21 : TDS vs. conductivité électrique de l’eau (a), somme des anions (Σ-) vs. somme des cations (Σ+) (b), balance ionique (NICB) vs. somme des cations (Σ+)(c)

4.1.2 Diagramme de Piper : faciès chimique des eaux

Le diagramme de Piper (Illustration 22) indique que les eaux souterraines et les eaux de surface prélevées décrivent majoritairement un faciès bicarbonaté-calcique. Seuls les points NAR-S1, S2 et S7 présentent un faciès sulfaté-calcique assez étonnant dans ces conditions de milieu volcanique. On observe dans le triangle des anions une augmentation des teneurs Cl + NO3 dans les sources.

Page 47: Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des

Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 45

20

40

0

60

80

100

0

20

40

60

80

20

60

80

100

20

60

80

0

20

40

60

80

100

0

20

40

60

80

100Cl

+ S

O4+ N

O3

CO3+

HCO

3

Na + K

Ca + Mg

SO4

Cl + NO3

Mg

Ca

020406080100 0 20 40 60 80 100

ExutoireTourbièreSourcesRuissèlementEaux usées

SO4-Ca

HCO3-Ca

HCO3-Na

Cl-Na

NAR-S1 et S2

NAR-S7

NAR-S8

Illustration 22 : Diagramme de Piper pour toutes les campagnes de prélèvement suivant le point de prélèvement

4.1.3 Relation inter-éléments

Les deux sources naturelles principales de chlorures dans les eaux souterraines et les eaux de surface sont les aérosols marins (via les eaux de pluie) et la dissolution de halite. Sur le site des Narces de la Sauvetat, en l’absence de dépôts évaporitiques dans les niveaux lithologiques drainés, les eaux souterraines et les eaux de surface intègrent uniquement des chlorures provenant de l’eau de pluie qui les alimentent (Meybeck, 1986, Berner et Berner, 1987). Ainsi les chlorures peuvent être utilisés comme éléments de référence des apports atmosphériques dans les eaux de surface et les eaux souterraines (Meybeck, 1986). Dans l’Illustration 23 sont présentées sous la forme de diagrammes binaires les teneurs en chlorures versus celles d’autres éléments majeurs pour l’ensemble des campagnes de prélèvement réalisées. La droite de dilution de l’eau de mer est représentée comme référence, à partir des données synthétisées par Berner et Berner (1987). Cette droite est identique à la composition géochimique attendue pour les eaux souterraines et les eaux de surface si tous les éléments dissous provenaient uniquement de l’eau de pluie. L’Illustration 23 montre que les variations de concentrations d'un échantillon à l'autre sont importantes à

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

46 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

l'échelle du site des Narces de la Sauvetat et, suivant les éléments considérés, de nettes tendances se dessinent. Ces tendances sont discutées ci-après.

Sur le diagramme chlorures versus sodium (Illustration 23a), les points se répartissent globalement sur la droite de dilution de l’eau de mer représentant les apports de chlorures et de sodium amenés par les aérosols marins via les eaux de pluie. Cependant un certain nombre de points sont enrichis en chlorures par rapport à cette droite. En dehors des apports océaniques via les eaux de pluie, les chlorures peuvent être amenés par des apports anthropiques de type engrais minéraux et des sels de déneigement. Or la contribution d’éléments dissous provenant des sels de déneigement impliquerait également un fort enrichissement des eaux en Na, ce qui n’est pas le cas pour les eaux des Narces de la Sauvetat. Ainsi l’hypothèse du lessivage d’engrais minéraux provenant des sols agricoles semble la plus réaliste pour expliquer les fortes concentrations en chlorures observées pour les points NAR-S1, S2, S3, S5 et S8 (> 750 µmol.l-1).

Sur le diagramme chlorures versus nitrates (Illustration 23b), il existe une corrélation franche entre les concentrations en nitrates et en chlorures pour les points NAR-S1 et S8 (NO3> 250 µmol.l-1). Cependant les faibles concentrations en nitrates (< 150 µmol.l-1) observées pour les points NAR-S2, S3 et S5, bien que leurs concentrations en chlorures soient élevées (> 1250 µmol.l-1), suggère une dénitrification des nitrates, processus compatible avec les conditions anoxiques qui peuvent exister au sein d’une tourbière (Manneville, 2001). Ainsi pour ces points une origine agricole des nitrates et des chlorures est également compatible.

Sur le diagramme chlorures versus calcium (Illustration 23c) et chlorures versus magnésium (Illustration 23d), tous les points se trouvent fortement enrichis en calcium et en magnésium par rapport à la droite de dilution de l’eau de mer traduisant une origine majoritairement lithologique pour ces deux éléments (altération des roches volcaniques présentes localement, sans pour autant exclure une influence potentielle d’apports anthropiques). Les eaux souterraines prélevées aux points NAR-Q1 et Q2 présentent le maximum d’enrichissement par rapport à cette droite et leurs concentrations en Ca et Mg sont respectivement supérieures à 500 et 600 µmol.l-1.

Sur le diagramme chlorures versus sulfates (Illustration 23e), les points NAR-S6 à 8 et NAR-R1 et R2 se répartissent sur la droite de dilution de l’eau de mer, indiquant un contrôle de la concentration en sulfates par les eaux de pluie. Les points NAR-Q1 et NAR-Q2 présentent un enrichissement significatif en sulfates (> 150 µmol.L-1) par rapport à la droite de dilution de l’eau de mer ce qui signifie que ces points intègrent vraisemblablement des sulfates provenant de l’altération de sulfures présents dans les roches volcaniques locales. Les points NAR-S1 à 3 et S5 sont enrichis en chlorures par rapport à la droite de dilution de l’eau de mer. Comme précédemment discuté, cet enrichissement peut être attribué à des apports anthropiques de chlorures, vraisemblablement de type engrais minéraux.

Page 49: Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des

Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 47

0 500 1000 1500 2000 2500Na (µmol/l)

0

500

1000

1500

2000

2500C

l (µm

ol/l)

NAR-EU

Droite

dilut

ion

eau d

e merNAR-S1

NAR-S5

NAR-S1, S2, S3

NAR-S8

NAR-S6, S7NAR-Q1 et Q2NAR-R1

NAR-R2

0 100 200 300 400 500NO3 (µmol/l)

0

500

1000

1500

2000

2500

Cl (

µmol

/l)

NAR-EU

NAR-S1NAR-S2, S3, S5

NAR-S8

NAR-S6, S7

NAR-Q1 et Q2NAR-R1

NAR-R2

(a) (b)

0 400 800 1200Ca (µmol/l)

0

500

1000

1500

2000

2500

Cl (

µmol

/l)

NAR-EU

Dro

ite d

ilutio

n e

au d

e m

er NAR-S1

NAR-S1, S2, S3, S5

NAR-S8

NAR-S6, S7

NAR-Q1 et Q2NAR-R1

NAR-R2

(c)

0 400 800 1200Mg (µmol/l)

0

500

1000

1500

2000

2500

Cl (

µmol

/l)

NAR-EUD

roite

dilu

tion

eau

de

mer

NAR-S1, S2, S3, S5

NAR-S8

NAR-S6, S7

NAR-Q1 et Q2NAR-R1

NAR-R2

(d)

0 100 200 300 400 500SO4 (µmol/l)

0

500

1000

1500

2000

2500

Cl (

µmol

/l)

NAR-EU

Dro

ite d

ilutio

n e

au d

e m

er

NAR-S1

NAR- S2, S3, S5

NAR-S8

NAR-S6, S7

NAR-Q1 et Q2NAR-R1

NAR-R2

(e)

Illustration 23 : Cl vs. Na (a), Cl vs. NO3 (b), Cl vs. Ca (c), Cl vs. Mg (d), Cl vs. SO4 (e) pour toutes les campagnes de prélèvement

Page 50: Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des

Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

48 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

Sur le diagramme chlorures versus strontium (Illustration 24a), tous les points se trouvent enrichis en strontium par rapport à la droite de dilution de l’eau de mer, traduisant une origine lithologique pour cet élément. Les concentrations en Sr les plus élevées sont observées pour les points NAR-S1 à 3, S5 et S8 et NAR -Q1 et Q2 (> 2 µmol.L-1). Les concentrations les plus faibles en Sr sont observées pour les points NAR-S6, S7, R1 et R2 (0,92 à 1,45 µmol.L-1). Sur le diagramme chlorures versus lithium (Illustration 24 b), la majeure partie des points se répartissent sur la droite de dilution de l’eau de mer traduisant que le Li provient presque exclusivement des apports atmosphériques. Cependant les eaux souterraines de la tourbière prélevées en NAR-Q1 et Q2 présentent un enrichissement significatif en Li, les concentrations sont comprises entre 4 et 28 µmol.l-1, ces points présentent donc une autre source de Li que celle des eaux de pluie.

0 1 2 3 4 5

Sr (µmol/l)

0

500

1000

1500

2000

2500

Cl (

mm

ol/l)

0 10 20 30

Li (µmol/l)

0

500

1000

1500

2000

2500

Cl (

mm

ol/l)

(a) (b)

NAR-Q1 NAR-Q2NAR-R1

NAR-R2

NAR-S6, S7

NAR-S8

NAR-EU

NAR-S1NAR-S5

NAR-S2, S3

NAR-Q2NAR-Q1

NAR-S1

NAR-S5

NAR-EU

NAR-S8

NAR-S6, S7

NAR-R1

Dro

ite d

ilutio

n e

au d

e m

er

droite dilutioneau de mer

Illustration 24 : Cl vs. Sr (a), Cl vs. Li (b) pour toutes les campagnes de prélèvement

4.1.4 Rapports élémentaires

Nous avons précédemment mis en évidence l’influence importante de la lithologie sur la composition chimique des eaux de surface et des eaux souterraines. Or pour une même lithologie, en fonction du temps de transit qui conditionne le temps d’interaction eau/roche, du volume d’eau au contact des roches, et de l’évaporation éventuelle, un effet dilution-concentration peut aboutir à des compositions chimiques très différentes. Afin de s’affranchir de ces effets, de nombreux auteurs proposent de normaliser les différents éléments chimiques par rapport au sodium (Négrel et al., 1993 ; Gaillardet et al., 1997 et 1999). Ainsi sur un diagramme binaire, la droite de dilution correspondant à une lithologie donnée se rapporte à un point. Le sodium, couramment utilisé comme élément de référence, provient essentiellement de la dissolution d’aluminosilicates sodiques et avec un degré moindre de la dissolution d’évaporites. Le ratio Ca/Na est reporté en fonction du ratio Mg/Na sur l’Illustration 25. Sur un tel diagramme, le mélange entre 2 pôles sources d’éléments dissous est représenté par une droite car le

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 49

même élément (Na) est utilisé pour la normalisation. Les rapports Ca/Na et Mg/Na attendus pour les eaux de pluie locales sont respectivement 1,7 et 0,5 (valeurs moyennes des analyses d’eau de pluie publiées dans Négrel et Roy, 1998). Sur l’Illustration 25 sont reportés également les rapports Ca/Na et Mg/Na attendus pour l’eau de mer (respectivement 0,02 et 0,10) qui représentent la principale source d’éléments dissous pour les eaux de pluie (aérosols marins). Sur ce diagramme Ca/Na vs. Mg/Na, les points de prélèvement se répartissent sur deux droites de mélange de pente positive.

La droite #1 (Illustration 25) est décrite par le point NAR-R1, eaux du ruisseau des Fouragettes, pour les rapports Ca/Na et Mg/Na les plus faibles et par les points NAR-Q1 et NAR-Q2, eaux de la tourbière, pour les rapports Ca/Na et Mg/Na les plus élevés. Or l’interprétation des concentrations en Cl et NO3 des points NAR-Q1 et NAR-Q2 a précédemment mis en évdence le faible contrôle de la géochimie de ces eaux par des apports anthropiques. Ainsi la droite #1 peut être interprétée comme la courbe de mélange entre des éléments dissous provenant de l’eau de pluie (source d’éléments dissous majoritaire pour les eaux du ruisseau des Fouragettes) et la lithologie (source d’éléments dissous majoritaire pour les eaux de la tourbière). On note cependant une différence, surtout sur le rapport Ca/Na, entre les eaux de pluies données par Négrel et Roy (1998) et les eaux du ruisseau des Fouragettes NAR-R1. Cette différence peut s’expliquer par le drainage superficiel, jouant sur les teneurs en Ca.

La droite #2 (Illustration 25) est décrite par le point NAR-R1 et le point NAR-S5, qui présente les rapports Ca/Na et Mg/Na les plus élevés associés à des concentrations élevées en Cl et NO3 (Illustration 23), précédemment attribuées à des apports anthropiques. Ainsi la droite #2 peut être interprétée comme la courbe de mélange entre des éléments dissous provenant de l’eau de pluie et des apports anthropiques de type agricole. De plus la répartition des points de prélèvement suivant deux droites distinctes montre que le rapport Mg/Na permet de tracer les apports anthropiques (rapport Mg/Na plus élevé) sur le site des Narces de la Sauvetat.

Page 52: Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des

Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

50 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

0 1 2 3 4 5Mg/Na

0

1

2

3

4

Ca/

Na

SourcesTourbièreExutoireRuissellementEaux usées

NAR-S8

NAR-S5

NAR-Q1

NAR-Q2

NAR-R1

NAR-S1

NAR-S2, S3

NAR-R2

NAR-EU

Lithologie

Anthropique?

NAR-S6, S7

Eau depluie

(a)

Eau demer

droi

te #1

droite #2

Illustration 25 : Ca/Na vs. Mg/Na. pour toutes les campagnes de prélèvement

Page 53: Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des

Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 51

4.2 CARACTERISATION DES APPORTS D'EAU : ISOTOPES DE LA MOLECULE D'EAU (δ18O ET δ2H)

En l'absence d'évaporation ou d'échange avec des gaz dissous, les isotopes stables de la molécule d'eau se comportent comme des traceurs conservatifs et reflètent le mélange des différentes recharges ayant alimenté les eaux souterraines considérées. L'histoire hydroclimatique d'un aquifère peut donc être reconstituée par l'abondance des isotopes stables lourds de l'oxygène (18O) et de l'hydrogène (2H) dont les signatures correspondent à des environnements et des épisodes hydroclimatiques spécifiques, ou des altitudes de recharge différentes. Sous certaines conditions (faible rapport eau/roche, temps de résidence long, température élevée du réservoir, échange avec CO2, évaporation, …), les interactions eau/roche peuvent modifier la composition isotopique initiale de l'eau. Les variations de concentrations en isotopes de l'oxygène et de l'hydrogène, traceurs intimes de la molécule d'eau, obéissent à certaines lois. Lors des changements de phases (condensation, évaporation, passage phase liquide-phase solide), des fractionnements isotopiques entre les diverses molécules se réalisent ; ceux-ci sont dépendants de la température. Ainsi la composition isotopique des eaux météoriques varie en fonction de paramètres géographiques ou paléogéographiques : latitude, altitude, saison, période climatique.

Afin de connaître les relations entre aquifères et les relations aquifères/eaux superficielles, les compositions isotopiques δ18O et δ2H, traceurs de la molécule d'eau, sont analysées. La mesure de ces deux signatures isotopiques permet la comparaison par rapport à la fonction d’entrée, c'est-à-dire par rapport à la droite météorique locale. Il est ainsi possible de voir si les eaux de l'aquifère ont été modifiées par échange ou mélange avec des eaux extérieures au système. La mesure de ces deux traceurs est indispensable pour détecter les phénomènes d’évaporation et déterminer l’origine des eaux. Les signatures isotopiques δ18O et δ2H des eaux continentales (e.g. les eaux de rivières et les eaux souterraines) sont contrôlées par trois phénomènes qui sont (1) les précipitations, (2) l'évaporation et (3) les mélanges d'eau.

Ainsi les isotopes stables de la molécule d’eau permettent d’apporter des éléments de réponse aux questions suivantes : d’où vient l’eau souterraine ? Comment est-elle rechargée ? Quelles sont les relations entre les eaux de surface et les eaux souterraines ?

La droite météorique locale suivante : δ2H = 8δ18O +13,1, a été définie pour le Massif Central par Fouillac et al. (1991). Sur le diagramme représentant δ2H versus δ18O (Illustration 26), les points se répartissent entre la droite météorique globale (GMWL δ2H = 8δ18O +10 ; Craig, 1961) et cette droite météorique locale (LMWL). Ceci traduit une origine majoritairement météorique pour les eaux prélevées sur le site des Narces de la Sauvetat et l’absence d’évaporation significative de ces eaux. Des différences de compositions isotopiques δ2H et δ18O significatives entre les différents flux d’eau entrant et sortant sont observées à l’échelle de la tourbière.

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

52 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

Les variations saisonnières de composition isotopique en H (δ2H) et O (δ18O) des eaux de la tourbière prélevées aux points NAR-Q1 et NAR-Q2 sont inférieures à 3‰ et 0,3‰, respectivement, ce qui est peu significatif compte tenu de l’erreur analytique considérée (respectivement de 0,8‰ et 0,1‰). De la même manière, les eaux de sources prélevées aux points NAR-S1 et NAR-S8 présentent des variations saisonnières peu significatives (inférieures à 1,5‰ et 0,2‰ respectivement pour les valeurs δ2H et δ18O). En revanche, le point NAR-S5 présente, en fonction du régime hydrique, de fortes variations de compositions isotopiques δ2H et δ18O. Les valeurs maximales sont observées pour la campagne d’août 2007 (δ2H=-54‰ et δ18O=-8,1‰) et les valeurs minimales pour la campagne de juin 2007 (δ2H=-61‰ et δ18O=-9,2‰). Les eaux de ruissellement prélevées en NAR-R2 et les eaux prélevées dans le ruisseau des Fouragettes (NAR-R1) présentent également des variations saisonnières de leurs compositions isotopiques δ2H et δ18O (respectivement 3‰ et 0,4‰ pour NAR-R2 et 8‰ et 1‰ et pour NAR-R1). Pour le ruisseau des Fouragettes NAR-R1, ces variations sont du même ordre de grandeur que pour les eaux de la tourbière prélevées aux points NAR-Q1 et NAR-Q2. Les eaux de ruissellement NAR-R2 montrent des variations identiques en amplitude à celles des eaux de sources prélevées au point NAR-S5.

Les compositions moyennes pondérées pour les eaux de pluie les plus proches, et correspondant à des suivis complets sur une année, sont Clermont Ferrand et Thonon (voir Millot et al., en préparation pour la synthèse des données). Pour Clermont Ferrand les valeurs moyennes pondérées sont respectivement de -6.4‰ et -44.82‰ pour δ18O et δ2H et de -9.2‰ et -65,40‰ pour δ18O et δ2H dans le suivi à Thonon. Une valeur intermédiaire de -8,9‰ pour δ18O a été déterminée à Volvic. Les résultats obtenus sur l’ensemble des points du site sont quasiment encadrés par les valeurs moyennes des pluies montrant des apports d’eau atmosphérique mais issus de recharge variable comme en témoigne la variabilité observée.

-10 -9.5 -9 -8.5 -8 -7.5-9.75 -9.25 -8.75 -8.25 -7.75

δ18O

-70

-65

-60

-55

-50

-45

δ2 H

-9.5 -9-9.75 -9.25 -8.75

δ18O

-65

-62.5

-60

-57.5

-55

δ2 H

SourcesTourbièreExutoireRuissellementEaux uséesGMWLLMWL Massif central(Fouillac et al., 1991)

NAR-Q1

NAR-Q2

NAR-R1NAR-R2

NAR-S1, S2, S4, S6, S7, S8

NAR-S5

NAR-S3NAR-EU

NAR-S5

Illustration 26 : δ2H vs. δ18O pour toutes les campagnes de prélèvement

Page 55: Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des

Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 53

4.3 CARACTERISATION DES APPORTS D'ELEMENTS DISSOUS

4.3.1 Isotopes du strontium

Le rapport isotopique en Sr (87Sr/86Sr) d'une eau est lié à celui du minéral ou à des associations minéralogiques avec lesquelles le fluide a interagi. Lors des phénomènes d'interaction eau/roche, le rapport 87Sr/86Sr de la fraction de Sr libéré sera différent de la roche totale et typique du ou des minéraux altérés et ceci en liaison avec la "résistance" des minéraux vis-à-vis de l'agressivité du fluide. Les variations isotopiques observées dans les fluides peuvent être issues du mélange de Sr de compositions isotopiques différentes provenant de différentes sources. Ainsi, dans le cas simple où deux sources de rapport isotopique ou chimique différents sont présentes, la composition du mélange peut être déterminée. Les variations du rapport isotopique du Sr dans un hydrosystème donnent ainsi des informations sur (1) la nature et l'intensité des processus d'interaction eau/roche liés notamment à l'altération et à l'érosion ainsi que sur (2) l'origine et les proportions de mélange du Sr dissous provenant de différents réservoirs hydriques (eaux souterraines/ eaux de surface).

Ainsi les isotopes du Sr permettent d’apporter des éléments de réponse aux questions suivantes : d’où viennent les éléments dissous ? Comment les eaux souterraines sont elles rechargées ? Quelles sont les relations entre les eaux de surface et les eaux souterraines ?

A l’échelle régionale, les données de la littérature sont abondantes pour contraindre la signature isotopique en Sr des lithologies présentes. L’analyse de roches volcaniques sur l’ensemble du Massif central (Cantal, Aubrac, Mont Dore, Chaine des Puys et Velay) donne des compositions isotopiques en Sr sur roches totales comprises entre 0,70338-0,70458 (Chauvel et Jahn, 1984). Les roches volcano-sédimentaires, les basaltes, les tufs volcaniques, les andésites du Nord du Massif central donnent des compositions isotopiques en Sr comprises entre 0,70477-0,70875 (Pin et Paquette, 2002). Localement d’autres roches ont été analysées, des roches hyolitiques du massif du Mont Dore (0,70350-0,70727 ; Briot et al., 1991), des laves du massif du Forez (0,70331-0,70373 ; Lenoir et al., 2000) et des trachytes, phonolites et basaltes du massif du Velay oriental (0,70326-0,73109 ; Dautria et al., 2004). L’analyse de minéraux séparés de clinopyroxènes provenant de xénolites péridoditiques prélevés dans la partie nord du Massif central donne des compositions isotopiques en Sr comprises entre 0,70312-0,70576 (Downes et al., 2003). Des sédiments de la rivière Allanche (affluent de l’Allagnon dans le Cantal) donnent des compositions isotopiques en Sr comprises entre 0,70382-0,70414 (Négrel et Roy, 2002).

Il existe également des données sur des eaux de surface s’écoulant sur des basaltes du Massif central dont les compositions isotopiques en Sr sont comprises entre 0,703 et 0,707 (Négrel et Deschamps, 1996 ; Négrel, 1997 ; Steinmann et Stille, 2006). Une partie du Sr dissous dans les eaux souterraines et les eaux de surface peut également provenir de l’eau de pluie. La signature isotopique en Sr des eaux de pluie locales peut

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

54 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

être caractérisée à partir de la composition géochimique des eaux du lac de la Godivelle considéré comme un pluviomètre naturel qui intègre toute la variabilité chimique temporelle des eaux de pluie (0,70423 ; Négrel et al., 1997), des eaux de rivières collectées en tête de bassin versant volcanique (0,70334 à 0,70476 ; Négrel et Deschamps, 1996 ; Négrel, 1997) et des eaux de pluie collectées dans le Massif Central (0,70920 à 0,71314 ; Négrel et Roy, 1998).

L’eau de pluie réelle montre une valeur de la signature isotopique en Sr moyenne pondérée de la concentration et des quantités tombées de 0,70972. Une fois l’eau de pluie ruisselant sur les sols volcaniques à très faible profondeur (ruissellement hyporeïque), cette valeur évolue vers 0,703-0,704 via le Sr échangeable des sols, comme montré par Négrel et Roy (2002), ce Sr échangeable ayant des signatures isotopiques en Sr de l’ordre de 0,70381-0,70409. Par la suite de cette étude, nous considérerons l’apport en Sr dit « de la pluie » par sa valeur de l’ordre de 0,703-0,704.

La gamme de variation de composition isotopique en Sr décrite par les points de prélèvement est significative : le rapport 87Sr/86Sr varie de 0,70354 à 0,70425. Sur un diagramme 87Sr/86Sr vs. 1/Sr (Illustration 27), les différents points suivis présentent des signatures intermédiaires par rapport à celles attendues pour les eaux de pluie et les roches encaissantes du site des Narces de la Sauvetat. D’après l’Illustration 28, les variations de composition isotopique en Sr observées pour les points de prélèvement ne peuvent être expliquées par une proportion plus ou moins importante d’apports anthropiques car il n’existe, en effet, pas de corrélation significative entre les rapports 87Sr/86Sr et les concentrations en Cl (de même pour les concentrations en NO3). Ainsi la contribution de Sr provenant des apports anthropiques peut être négligée et l’eau de pluie et les interactions eau/roche restent les deux sources majoritaires de Sr sur le site des Narces de la Sauvetat.

Sur le diagramme 87Sr/86Sr vs. 1/Sr (Illustration 27), les points se répartissent globalement au sein d'un triangle dont les 3 pôles sont caractérisés par :

(1) 87Sr/86Sr faible et teneur en Sr élevée,

(2) 87Sr/86Sr faible et teneur en Sr faible,

(3) 87Sr/86Sr élevé et teneur en Sr élevée.

Le pôle 1 présente un rapport 87Sr/86Sr inférieur à 0,7034 et des concentrations en Sr supérieures à 5 µmol.l-1. Le pôle 1 montre une signature compatible avec la contribution de Sr provenant des interactions eau/roche (concentrations élevées en Sr et rapports 87Sr/86Sr comparables à ceux documentés dans la littérature pour les lithologies volcaniques locales).

Le pôle 2 présente un rapport 87Sr/86Sr de l’ordre de 0,7040 et des concentrations en Sr inférieures à 1 µmol.l-1. Le pôle 2 montre une signature compatible avec la contribution de Sr provenant de l’eau de pluie (recharge) documentée à partir des eaux du lac de la Godivelle (Négrel et al., 1997) et des eaux de rivières collectées en tête de bassin versant volcanique (Négrel et Deschamps, 1996 ; Négrel, 1997). De plus, les eaux de surface NAR-R1 et R2 et les eaux de source NAR-S6 et S7, qui présentent les

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 55

concentrations les plus faibles pour tous les éléments dissous et les plus proches de la droite de dilution de l’eau de mer d’après respectivement l’Illustration 23 et l’Illustration 24, montrent des signatures isotopiques en Sr les plus proches du pôle 2 sur l’Illustration 27. Tous ces arguments permettent d’identifier le pôle 2 comme la source de Sr provenant de l’eau de pluie (recharge).

Le pôle 3 présente un rapport 87Sr/86Sr supérieur à 0,7048 et des concentrations en Sr supérieures à 2 µmol.l-1. Le pôle 3 montre une signature isotopique compatible à la fois avec la contribution de Sr provenant de l’eau de pluie documentée à partir des eaux de pluie collectées dans le Massif Central (0,70920 à 0,71314 ; Négrel et Roy, 1998) et la contribution de Sr provenant des interactions eau/roche (0,703-0,731 ; Chauvel et Jahn, 1984 ; Briot et al., 1991 ; Pin et Paquette, 2002 ; Lenoir et al., 2000 ; Négrel et Roy, 2002 ; Dautria et al., 2004). Les eaux de tourbière prélevées en NAR-Q1 et Q2 sont les plus proches du pôle 3, or ces eaux présentent l’enrichissement le plus significatif en Ca et en Mg par rapport à l’eau de mer (et donc par rapport à l’eau de pluie) (Illustration 23). De plus, ces points présentent des concentrations élevées en Sr (> 2 µmol.l-1) et en Li (> 4 µmol.l-1). Sur l’Illustration 25, les points NAR-Q1 et Q2 présentent des rapports molaires Ca/Na et Mg/Na contrôlés par la lithologie. Ainsi tout pousse à penser que le pôle 3, identifié sur l’Illustration 27, ne correspond pas à du Sr provenant de l’eau de pluie mais bien à une source supplémentaire de Sr d’origine lithologique (représenté par lithologie #2).

0.2 0.4 0.6 0.8 10.3 0.5 0.7 0.9

1/Sr (µmol/l)

0.7032

0.7036

0.704

0.7044

0.7048

87Sr

/86Sr

Juin

Juin

Juillet

Juillet

Août

Août

Octobre

Octobre

Decembre

Décembre

Mars

Mars

SourcesTourbièreExutoireRuissellementEaux usées

0.1 1 10 100 10000.2 0.5 2 5 20 50 200 500

1/Sr (µmol/l)

0.702

0.704

0.706

0.708

0.71

0.712

0.714

87Sr

/86Sr

Interaction eau/roche +/-

Eaux de pluieNégrel et Roy, 1998

NAR-Q1

NAR-Q2

NAR-S5

NAR-S8

NAR-S7

NAR-S6

NAR-S3NAR-R2

NAR-R1

NAR-EU

NAR-S1

NAR-S2

RivièreTête bassin volcanique

Négrel et Deschamps, 1996 Négrel, 1997

Godivelle Négrel et al., 1997

Pôle 1Lithologie #1

Pôle 3Lithologie #2

Pôle 2Eau de pluie

Illustration 27 : 87Sr/86Sr vs. 1/Sr pour toutes les campagnes de prélèvement

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

56 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

0 500 1000 1500 2000 2500250 750 1250 1750 2250

Cl (µmol/l)

0.7032

0.7036

0.704

0.7044

0.7048

87Sr

/86Sr

SourcesTourbièreExutoireRuissellementEaux usées

NAR-Q1

NAR-Q2

NAR-R1NAR-R2

NAR-S8

NAR-S7

NAR-S6

NAR-S5

NAR-S3

NAR-S1

NAR-S2

NAR-EU

Illustration 28 : 87Sr/86Sr vs. Cl pour toutes les campagnes de prélèvement

4.3.2 Les isotopes du lithium

Le lithium est un élément léger qui possède deux isotopes stables de masse 6 et 7, dont les abondances naturelles sont respectivement 7.5% et 92.5%. La différence de masse relative entre les deux isotopes est considérable (17%) et engendre des fractionnements isotopiques importants lors des réactions géochimiques qui se produisent à la surface de la Terre. La gamme de variation isotopique du lithium est de plus de 60‰ dans les différents matériaux géologiques (Coplen et al., 2002). Les roches silicatées de la croûte ont une composition isotopique comprise entre –2 et +2‰, l’eau de mer ~ +31‰, les eaux de rivières ont des compositions intermédiaires entre +6 et +23‰ et les eaux thermo-minérales ont des compositions isotopiques qui varient entre –10 et +20‰.

Les isotopes du lithium sont considérés à juste titre comme un outil géochimique faisant partie de la famille « des nouveaux traceurs isotopiques ». Le comportement des isotopes du lithium lors des interactions eau/roche à basse ou haute température reste encore mal connu à l’heure actuelle. Le lithium est un élément lithophile, fortement soluble et se retrouve par conséquent fortement enrichi dans les fluides ayant interagi avec les roches. Les concentrations en lithium des eaux ne sont contrôlées que par les processus d’interactions eux-mêmes (intensité d’interaction, température et assemblage minéralogique). De plus, l’amplitude du fractionnement isotopique et les facteurs de contrôle restent peu contraints à ce jour. Toutefois, les premières données isotopiques en lithium dans des contextes d’altération montrent que le fractionnement isotopique associé aux interactions eau/roche favorise la mise en solution de l’isotope lourd (7Li). L’isotope léger (6Li) est quant à lui préférentiellement retenu dans les minéraux secondaires d’altération (quelques ‰).

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 57

Les mesures réalisées dans le cadre de cette étude montrent que les concentrations en lithium sont très variables, puisque comprises entre 0.014 µmol/l (NAR-S1, mai 2007) et 28.260 µmol/l (NAR-Q2, juillet 2007).

Il est important de souligner que d’une manière générale, les eaux de la tourbière (NAR-Q1 et NAR-Q2) montrent les concentrations en lithium les plus fortes. En effet, les teneurs, bien que relativement variables au cours du temps, sont de plusieurs ordres de grandeurs supérieures aux autres eaux (voir Illustration 29).

NAR-S7-8

NAR-S1-5

NAR-S6

NAR-Q2

NAR-Q1

NAR-R1

Date

0.01

0.1

1

10

100

Li (µ

mol

/L)

Mai07

Juil. Sept. Nov. Jan.08

Mars Mai

Illustration 29 : Evolution des teneurs en lithium des différents échantillons au cours du temps

Les mesures de compositions isotopiques du lithium (δ7Li, ‰) réalisées dans le cadre de cette étude montrent des valeurs des δ7Li extrêmement variables, puisque comprises entre +12‰ et +1226‰, respectivement pour NAR-R1 (octobre 2007) et NAR-Q2 (mai 2007).

Sur l’Illustration 30, les compositions isotopiques du lithium sont reportées en fonction du temps pour les eaux de source (NAR-S6), l’exutoire (NAR-R1) et les eaux usées (NAR-EU).

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

58 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

Nous pouvons observer que :

- la signature isotopique du lithium de l’exutoire de la tourbière (NAR-R1) varie très peu de +12.0 à +13.1‰. Ce signal est quasi constant dans le temps et est en bon accord avec les données publiées dans la littérature concernant les eaux de surface pour les isotopes du lithium (Coplen et al., 2002) ;

- l’eau de source (NAR-S6) possède une signature différente et légèrement supérieure (+15.1‰) ;

- l’eau usée (NAR-EU) est enrichie en 7Li avec une valeur de δ7Li = +80.9‰.

NAR-S6

Date

10

15

2070

75

80

85

δ7Li

(‰)

Mai07 Juil. Août Sep. Oct. Nov.

07

NAR-R1

NAR-EU

Illustration 30 : Evolution des compositions isotopiques du lithium en fonction du temps pour les eaux de source (NAR-S6), l’exutoire (NAR-R1) et l’eau usée (NAR-EU)

Les eaux de la tourbière NAR-Q1 et NAR-Q2 sont très singulières, avec des compositions isotopiques extrêmement factionnées (c’est-à-dire très fortement

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 59

enrichies en 7Li). L’Illustration 31 présente l’évolution du δ7Li de ces eaux au cours du temps, où nous pouvons observer une variation de la signature isotopique du lithium de ces eaux.

NAR-Q2

NAR-Q1

Date

900

1000

1100

1200

1300

δ7Li

(‰)

Mai07

Juil. Août Sep. Oct. Nov.07

Illustration 31 : Evolution des compositions isotopiques du lithium en fonction du temps pour les eaux de la tourbière (NAR-Q1 et NAR-Q2)

Les signatures δ7Li des eaux de la tourbière (NAR-Q1 et NAR-Q2) sont particulières avec des valeurs très fortement enrichies en 7Li. Les valeurs pour ces eaux varient de +961 à +1111‰ et de +1189 à +1236‰, respectivement pour NAR-Q1 et NAR-Q2.

Pour rappel, les valeurs pour les eaux de surface reportées jusqu’à présent dans la littérature varient de -10 et +30‰ (Coplen et al., 2002).

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

60 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

Se pose alors immédiatement la question concernant l’origine du lithium pour ces eaux (NAR-Q1 et NAR-Q2), notamment par rapport aux signatures isotopiques très fractionnées.

Nous pouvons à ce stade émettre certaines hypothèses et apporter quelques éléments de réponses. Tout d’abord, il est important de souligner le fait qu’il ne s’agit pas d’un artefact analytique. En effet, ces analyses ont été dupliquées, voire tripliquées et sont parfaitement reproductibles. Il faut donc se poser la question de l’origine de cette signature enrichie en 7Li pour ces eaux.

La signature fortement enrichie en 7Li pour ces eaux peut-être liée a priori à deux mécanismes :

- un effet de source (localement du lithium enrichi en 7Li) ;

- un processus qui fractionne le lithium dans la tourbière.

L’effet de source est une cause possible pour expliquer ces signatures. Cependant il faudrait envisager une source importante de lithium dans la tourbière (et uniquement au niveau de la tourbière, car les valeurs du δ7Li à l’exutoire ne semblent pas être affectées par cet effet) qui soit très fortement enrichie en 7Li. Dans cette hypothèse il nous faudrait envisager l’existence d’une pollution en lithium provenant par exemple de batteries en lithium (concentrations élevées et compositions isotopiques très fractionnées).

En ce qui concerne l’hypothèse du processus, nous pouvons mentionner la présence de matière organique abondante dans la tourbière ; la complexation organique du lithium présent dans la tourbière pouvant engendrer ce type de fractionnement mais à des niveaux plus faibles (quelques dizaines de ‰ tout au plus).

Quoiqu’il en soit et pour pouvoir déterminer l’origine de ces signatures très fractionnées, nous avons décidé de procéder au prélèvement d’un ou plusieurs échantillons de sols au niveau de la tourbière elle-même et à proximité des points NAR-Q1 et NAR-Q2, afin de réaliser un profil en profondeur des valeurs de δ7Li dans la tourbière dans le but de préciser l’origine du 7Li.

Ces analyses complémentaires devraient nous aider à interpréter ces données pour la tourbière notamment en précisant la signature isotopique du sol (en complément de l’eau de la tourbière dans l’hypothèse d’un fractionnement isotopique lié à la matière organique et à la complexation du lithium en solution) ou bien d’identifier éventuellement une pollution locale en lithium pour cette zone.

Quoiqu’il en soit, les eaux de la tourbière (NAR-Q1 et NAR-Q2) bien que très enrichies en lithium et fortement fractionnées en 7Li ne semblent pas contribuer de manière significative au bilan hydrique de la tourbière.

- d’une part, la signature δ7Li de l’exutoire (NAR-R1) reste constante dans le temps, mais n’est pas enrichie en 7Li outre mesure (de +12.0 à +13.1‰, en

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 61

bon accord avec les données publiées dans la littérature concernant les eaux de surface) ;

- d’autre part, dans l’Illustration 32 qui présente la signature isotopique du lithium en fonction du rapport molaire Na/Li, nous n’observons pas de tendance générale vers une signature enrichie en 7Li pour l’eau NAR-R1 où des processus de mélange se matérialisent par des relations linéaires dans un tel diagramme.

1 10 100 1000 10000 100000

Na/Li

10

100

1000

10000

δ7 Li (

‰)

SourcesTourbièreExutoireEaux usées

Illustration 32 : Composition isotopique du lithium (δ7Li, ‰) reporté en fonction du rapport molaire Na/Li

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

62 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

4.4 VARIABILITE SPATIALE

A l’échelle du site des Narces de La Sauvetat il existe une forte variabilité de composition géochimique des eaux de surface et des eaux souterraines. Les disparités observées pour les compositions isotopiques δ2H et δ18O de la molécule d’eau traduisent une origine différente des eaux et peuvent être reliées à la localisation spatiale des points de prélèvement. En effet les points NAR-S1, S3 et S8, situés dans la partie Sud et Est de la zone d’étude, présentent les valeurs δ2H et δ18O les plus faibles comparées aux autres points de prélèvement (respectivement ≈ -63‰ et ≈ -9,5‰). Les eaux de la tourbière prélevées en NAR-Q2 au Sud-Est de la zone d’étude présentent des valeurs δ2H et δ18O (respectivement ≈ -64‰ et ≈ -9,5‰), proches de celles des points NAR-S1, S6, S7 et S8 localisés dans la même partie de la zone d’étude (origine de l’eau 1 sur l’Illustration 33a). Tandis que les eaux de la tourbière prélevées en NAR-Q1 au Nord-Ouest de la zone d’étude présentent des valeurs δ2H et δ18O plus élevées (respectivement ≈ -61‰ et ≈ -9,1‰), proches de celles des points NAR-S2, S5 et S8 (respectivement ≈ -60‰ et ≈ -9,0‰) localisés dans la même partie de la zone d’étude (origine de l’eau 2 sur l’Illustration 33a).

Des disparités spatiales dans la source d’éléments dissous peuvent également être attribuées à des différences dans la nature des lithologies drainées et, comme observé précédemment pour les concentrations en chlorures, à des différences dans l’occupation des sols. On constate ainsi pour les eaux de sources prélevées aux points NAR-S2, S3 et S5, situés au Nord-Ouest du site, une forte contribution d’éléments dissous ayant une origine anthropique, certainement agricole marqué origine anthropique sur l’Illustration 33b, s’exprimant par des concentrations élevées en chlorures (1434 à 2096 µmol.L-1) et en nitrates (10 à 135 µmol.L-1). Les autres points prélevés ne présentent pas une contribution significative d’éléments dissous d’origine anthropique. Pour les éléments dissous qui proviennent quasi-exclusivement des interactions eau/roche (altération des roches volcaniques locales), les éléments Ca, Mg, SO4 et Sr notamment, il existe également des disparités spatiales qui peuvent être reliées à des variations dans le type d’horizon volcanique drainé par les eaux souterraines et les eaux de surface. La nature et l’intensité des interactions eau/roche aboutit à des différences de concentrations en Ca, Mg, SO4 et Sr et de signature isotopique en Sr. Ainsi par rapport aux points NAR-S1 et S8 situés au Sud du site, le point NAR-S5 localisé au Nord-Ouest du site présente une signature isotopique en Sr contrastée qui traduit le drainage d’autres horizons lithologiques (lithologie #1 et #2 respectivement pour les points NAR-S1 et S8 et NAR-S5 sur l’Illustration 27a et l’Illustration 33b). Les points NAR-S2 et S3, localisés spatialement entre les 2 groupes de points énoncés précédemment, présentent une signature en Sr intermédiaire entre ces 2 mêmes groupes, ce qui montre bien un contrôle spatial de la lithologie sur la géochimie des eaux des Narces de la Sauvetat. Enfin les eaux de pluie constituent également une source non négligeable d’éléments dissous, plus particulièrement pour les points NAR-S6, R2, S7 et R1 (Illustration 27), situés à l’Est du site (Eau de pluie –recharge- sur l’Illustration 33b).

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 63

Illustration 33 : Contrôle spatial de la lithologie, de l’occupation des sols sur la l’origine de l’eau et des éléments dissous sur le site des Narces de la Sauvetat

4.5 VARIABILITE SAISONNIERE

L’échantillonnage mensuel des principaux flux d’eau alimentant le site des Narces de la Sauvetat (NAR-S1, S5, S8 et R2), des eaux souterraines de la tourbière aux points NAR-Q1 et Q2 et du ruisseau des Fouragettes à l’exutoire (NAR-R1) a été réalisé de mai 2007 à mai 2008 afin de suivre les variabilités de la composition géochimique de ces eaux au cours d’un cycle hydrologique complet.

4.5.1 Origine de l’eau

Pour la composition isotopique δ2H de l’eau (de même pour la composition δ18O), les points NAR-R1 et R2 (Illustration 34a), correspondant à des eaux de surface, présentent des variabilités saisonnières significatives comparées aux eaux des sources (NAR-S1, S5 et S8) et les eaux souterraines de la tourbière (NAR-Q1 et Q2) (Illustration 34b). Les variations temporelles observées pour les points NAR-R1 et R2 suivent les variations de compositions isotopiques attendues pour les eaux de pluie au cours d’un cycle hydrologique (Millot et al., en préparation). Ce résultat traduit que ces points intègrent une proportion importante d’eau de pluie récente comparativement aux autres points.

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

64 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

NAR-R1NAR-R2

Date

-68

-64

-60

-56

-52

δ2 H

Mai07

Juil. Sept. Nov. Jan.08

Mars Mai

NAR-S5

NAR-S1 et S8

NAR-Q1

NAR-Q2

Date

-68

-64

-60

-56

-52

δ2 HMai07

Juil. Sept. Nov. Jan.08

Mars Mai

(a) (b)

Illustration 34 : δ2H vs. date de prélèvement pour les points NAR-R1 et R2 (a) et NAR-Q1, Q2, S1, S5 et S8 (b)

4.5.2 Origine des éléments dissous

Sur le site des Narces de la Sauvetat, il a été précédemment démontré que les rapports Ca/Na (de même que le rapport Mg/Na) et les compositions isotopiques en Sr sont des traceurs pertinents pour différencier les types de lithologies drainées et permettent de mettre en évidence la contribution d’apports anthropiques et un contrôle plus ou moins important des eaux de pluie sur la source des éléments dissous.

Pour les rapports Ca/Na comme pour les compositions isotopiques en Sr, seules les eaux de la tourbière (NAR-Q1 et Q2) et les eaux de source prélevées en NAR-S5 présentent des variations saisonnières significatives (Illustration 35). Or la composition géochimique des éléments dissous pour ces points est fortement contrôlée par la lithologie #2 identifiée sur l’Illustration 27. En plus des interactions eau/roche, le point NAR-S5 intègre également des éléments dissous provenant des apports anthropiques (Illustration 23). Ainsi la contribution relative de ces différentes sources varie en fonction du temps. Pour le point NAR-Q1 la contribution de la lithologie #2 est la plus importante pour la campagne de juin 2007 alors que pour cette même campagne, le point NAR-Q2 intègre sa plus faible contribution d’éléments dissous provenant de la lithologie #2. A l’inverse le point NAR-Q2 intègre sa plus grande proportion d’éléments dissous provenant de la lithologie #1 pour les campagnes d’octobre, décembre 2007 et mars 2008 alors que pour ces campagnes le point NAR-Q1 présente sa plus faible proportion d’éléments dissous provenant de cette même lithologie. Ainsi, bien que la proportion des différentes sources d’éléments dissous varie dans le temps pour tous ces points, il n’existe pas de systématique permettant d’expliquer conjointement ces variations.

La source des éléments dissous, identifiée pour les points NAR-R1 et R2 comme fortement contrôlée par les eaux de pluies, ne varie pas significativement dans le temps (Illustration 35). En d’autres termes, les eaux de l’exutoire de la tourbière (NAR-R1) et les eaux de ruissellement (NAR-R2) intègrent globalement la même proportion d’éléments dissous provenant des eaux de pluie et de la lithologie tout au long du cycle

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 65

hydrologique. De la même manière les points NAR-S1 et S8, dont la composition géochimique est fortement contrôlée par la lithologie #1 (Illustration 27b) ne voient pas la source de leurs éléments dissous varier dans le temps (Illustration 35).

NAR-S5

NAR-S1 et S8

NAR-Q1

NAR-Q2

NAR-R1

NAR-R2

Date

0.7032

0.7036

0.704

0.7044

0.7048

87Sr

/86Sr

Mai07

Juil. Sept. Nov. Jan.08

Mars Mai

NAR-S1

NAR-S5

NAR-S8

NAR-Q2

NAR-Q1

NAR-R1

NAR-R2

Date

1

2

3

4

Ca/

Na

(mol

aire

)

Mai07

Juil. Sept. Nov. Jan.08

Mars Mai

(a) (b)

Illustration 35 : Représentation des rapports Ca/Na (a) et 87Sr/86Sr (b) vs. date de prélèvement

4.6 BILAN DES FLUX D’EAU ET D’ELEMENTS DISSOUS

Les variations à la fois spatiales et saisonnières des compositions géochimiques élémentaires et isotopiques des différents flux d’eau entrant et sortant de la tourbière autorisent le traçage des différents flux d’eaux et d’éléments dissous et la réalisation d’un premier bilan hydrologique du site des Narces de la Sauvetat. Ce bilan hydrologique nécessite de définir les caractéristiques géochimiques des principaux flux d’eaux identifiés sur le terrain. L’idée est de synthétiser l’ensemble des données acquises grâce à l’approche géochimique de cette étude pour individualiser et discriminer les principaux flux d’eaux intervenant sur le site des Narces de la Sauvetat. Des compositions en éléments majeurs et traces et des compositions isotopiques de la molécule d’eau (signatures δ2H et δ18O) et en Sr, il ressort l’identification de 4 flux principaux d’eau entrant et de 1 flux d’eau sortant de la tourbière (Illustration 36) dont les caractéristiques géochimiques sont les suivantes :

• Entrée 1 : Les eaux de sources échantillonnées aux points NAR-S2 à 5 (secteur nord-ouest) présentent une composition géochimique comparable qui permettent de les associer à un flux d’eau commun dont les principales caractéristiques géochimiques sont des concentrations élevées en Cl (jusqu’à 2200 µmol.l-1) qui sont attribuées à une origine anthropique, des concentrations élevées en SO4 (jusqu’à 430 µmol.l-1) et en Sr (>2,5 µmol.l-1) et des rapports molaires Mg/Na et Ca/Na contrôlés, en plus de la lithologie, par des apports anthropiques (Illustration 23, Illustration 25). Les compositions isotopiques en Sr traduisent un mélange de Sr provenant de la lithologie et des eaux de pluie. De plus, les points NAR-S2 à 5 présentent des compositions isotopiques en H et O plus élevées (valeurs δ2H et δ18O jusqu’à respectivement -54‰ et -8,1‰)

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

66 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

que pour les autres eaux échantillonnées dans le cadre de cette étude. Par ailleurs, les variations saisonnières de signatures isotopiques δ2H et δ18O mesurées pour le point NAR-S5 sont significatives (respectivement 7‰ et 1,1‰).

• Entrée 2 : Le flux d’eau associé aux points NAR-S1 et 8 (secteur sud-ouest) présente des concentrations à la fois élevées en Cl (jusqu’à 1200 µmol.l-1) et en NO3 (jusqu’à 330 µmol.l-1) qui reflètent une forte contribution d’éléments dissous d’origine anthropique. Les rapports molaires Mg/Na et Ca/Na (Illustration 25) et les signatures isotopiques en Sr des points NAR-S1 et 8 (Illustration 27) semblent être contrôlés majoritairement par la lithologie (interactions eau/roche). De plus, comparativement aux autres points échantillonnés sur le site des Narces de la Sauvetat, les points NAR-S1 et 8 présentent les compositions isotopiques en H et O les plus basses (valeurs δ2H et δ18O jusqu’à respectivement -64‰ et -9,6‰) sans variation temporelle significative.

• Entrée 3 : Les eaux de sources échantillonnées aux points NAR-S6 et 7 (secteur est) présentent une composition géochimique comparable ce qui permet de les associer à un flux d’eau commun. Ce flux d’eau se caractérise par des concentrations faibles en Cl (inférieures à 250 µmol.l-1) et en NO3 (jusqu’à 200 µmol.l-1) qui suggèrent que la contribution d’éléments dissous d’origine anthropique reste limitée pour ces eaux. Les concentrations en Sr caractéristiques de ce flux d’eau sont également faibles (<1,5 µmol.l-1). Les rapports molaires Mg/Na et Ca/Na (Illustration 25) des points NAR-S6 et 7 semblent être contrôlés majoritairement par la lithologie (interactions eau/roche). Les signatures isotopiques en Sr présentent des valeurs intermédiaires (87Sr/86Sr = 0,70381 et 0,70373 respectivement pour NAR-S6 et 7) qui suggèrent que le Sr dissous provient à la fois de la lithologie et des eaux de pluie entre les pôles eaux de pluie (recharge) et lithologie (Illustration 27).

• Entrée 4 : Les eaux de ruissellement échantillonnées au point NAR-R2 (secteur est sud-est) présentent des concentrations en Cl (<250 µmol.l-1), Na (<300 µmol.l-1), Ca (<350 µmol.l-1), Mg (<500 µmol.l-1), SO4 (<60 µmol.l-1) et NO3 (<200 µmol.L-1) parmi plus faibles mesurées sur le site des Narces de la Sauvetat. Les rapports molaires molaires Mg/Na et Ca/Na des points NAR-R2 semblent être contrôlés conjointement par la lithologie (interactions eau/roche) et les eaux de pluie (Illustration 25). Les concentrations (1,2 à 1,4 µmol.l-1) et les compositions isotopiques en Sr (87Sr/86Sr = 0,70378 à 0,70382) mesurées pour ces eaux suggèrent qu’une importante proportion de Sr est apportée par l’eau de pluie.

• Eaux de la tourbière : En toute logique, la composition géochimique des eaux de la tourbière prélevées en NAR-Q1 et Q2 doit correspondre à un mélange des flux d’eau entrant caractérisés en amont hydraulique de ces points. Or sur l’Illustration 25 et l’Illustration 27, les points NAR-Q1 et Q2 présentent une signature contrastée par rapport à toutes les eaux prélevées. Ce résultat soutient donc l’existence d’un flux d’eau entrant supplémentaire que nous

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BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 67

désignerons par la suite « Entrée 5 » (Illustration 36), ou l’existence d’une stratification de la nappe au sein de la tourbière.

• Entrée 5 : En l’absence de campagnes de prélèvement permettant de caractériser ce flux, liée à sa méconnaissance, la composition géochimique de l’entrée 5 est déduite de la composition géochimique des autres flux entrant (Entrées 1 à 4) par rapport à la composition géochimique des eaux de la tourbière (NAR-Q1 et Q2). D’après l’Illustration 23 et l’Illustration 24, les concentrations attendues en Ca, Mg, sulfates, Sr et Li pour ce flux doivent être supérieures à celles mesurées pour les points NAR-Q1 et Q2 (respectivement 1200, 1300, 450, 5 et 30 µmol.l-1). D’après l’Illustration 25, ce flux doit présenter des rapports Ca/Na et Mg/Na élevés (> 4 et 5 respectivement) et d’après l’Illustration 27, ce flux doit intégrer une forte proportion de Sr dissous provenant de la lithologie #2. Ainsi, il semble vraisemblable que le flux d’eau entrant désigné « Entrée 5 » corresponde à des eaux souterraines fortement marquées par les interactions eau/roche avec la lithologie #2.

• Sortie : Les eaux du ruisseau des Fouragettes (NAR-R1), identifié comme le seul exutoire de la tourbière, présentent des concentrations faibles en Cl (<550 µmol.l-1), Na (<450 µmol.l-1), Ca (<300 µmol.l-1), Mg (<450 µmol.l-1), SO4 (<50 µmol.l-1) et NO3 (<160 µmol.l-1). Sur l’Illustration 27, les concentrations en Sr (0,9 à 1,1 µmol.l-1) et les compositions isotopiques (87Sr/86Sr = 0,70391 à 0,70396) mesurées pour ces eaux suggèrent qu’une importante proportion de Sr est apportée par l’eau de pluie (recharge). De plus, sur cette illustration, les eaux du ruisseau des Fouragettes (NAR-R1) constituent un pôle distinct par rapport aux autres eaux prélevées. En d’autres termes cela signifie que la composition isotopique en Sr des eaux du ruisseau des Fouragettes ne peut s’expliquer ni par un simple mélange des différents flux d’eau entrant (1 à 4) décrit précédemment, ni par la contribution unique des eaux de la tourbière (NAR-Q1 et Q2). Cela implique donc l’existence d’un flux d’eau supplémentaire que nous désignerons par la suite «Entrée 6» (Illustration 36) et qui n’a pas été caractérisé par les campagnes de prélèvement réalisées dans le cadre de cette étude. La composition géochimique attendue pour ce flux d’eau entrant est celle d’une eau fortement contrôlée par la composition géochimique des eaux de pluie (recharge) sans interaction importante avec les roches encaissantes. Ce flux d’eau pourrait correspondre à l’infiltration d’eau de pluie directement au niveau de la surface du plan d’eau de la tourbière ou à des eaux souterraines ayant un temps de résidence suffisamment court ou interagissant avec des roches peu altérables ou suffisamment pauvres en éléments pour que la libération d’éléments dissous des roches encaissantes vers les eaux souterraines reste limitée.

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

68 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

Illustration 36 : Différents flux intervenants dans le bilan hydrologique du site des Narces de la Sauvetat issus de l’étude géochimique

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 69

5 Fonctionnement hydrogéologique du site de la Sauvetat expliqué par l’étude

géochimique et isotopique

5.1 BILAN MOYEN

5.1.1 Flux entrant de la tourbière

La signature géochimique des eaux de la tourbière (NAR-Q1 et Q2) correspond en théorie à un mélange de tous les flux entrant dans la tourbière (Entrées 1 à 5 sur Illustration 36). Il a été démontré précédemment que la composition géochimique des eaux de la tourbière varie spatialement en fonction des flux d’entrée qui les alimentent localement (voir le contrôle spatial sur l’origine de l’eau et des éléments dissous représenté pour NAR-Q1 et Q2 sur l’Illustration 33) et intègrent un flux d’eau entrant, qui n’a pas été caractérisé lors des campagnes d’échantillonnage (Entrée 5, Illustration 36). Ce flux d’eau entrant « manquant » correspond vraisemblablement à des eaux souterraines fortement marquées par les interactions eau/roche avec la lithologie #2 (Illustration 27) et qui permettraient ainsi d’expliquer que les signatures isotopiques en Sr mesurées pour les eaux de la tourbière en NAR-Q1 et Q2 soient significativement supérieures aux signatures mesurées pour les eaux de sources des Narces de la Sauvetat.

5.1.2 Flux sortant de la tourbière

Les eaux du ruisseau des Fouragettes (NAR-R1), qui constituent l’exutoire de la tourbière des Narces de la Sauvetat, sont potentiellement alimentées par les eaux de la tourbière d’une part et les eaux de pluie via le ruissellement d’autre part (Entrée 6, Illustration 36). D’après l’Illustration 27, les eaux du ruisseau des Fouragettes (NAR-R1, présentent une signature en Sr (concentration et composition isotopique en Sr) intermédiaire entre la signature des eaux de la tourbière (NAR-Q1 et NAR-Q2) et la signature attendue pour les eaux de pluies (Négrel et Deschamps, 1996 ; Négrel, 1997) modifiées par le ruissellement hyporeïque (définissant la recharge). A partir de ces données, il est donc possible de calculer la part respective d’eau provenant de l’eau de pluie via le ruissellement, et de la tourbière. En effet la composition isotopique en Sr d’un mélange de flux d’eau (entre des eaux de pluie et des eaux de la tourbière pour le cas des Narces de la Sauvetat) peut être calculée à partir de la formule suivant Faure (1986) :

87Sr/86Srruisseau des Fouragettes x [Sr]ruisseau des Fouragettes = f (87Sr/86Sreaux tourbière x [Sr]eaux tourbière) + (1-f) (87Sr/86Sreaux pluie x [Sr]eaux pluie)

où 87Sr/86Srruisseau des Fouragettes la composition isotopique en Sr théorique calculée pour les eaux du ruisseau des Fouragettes (exutoire de la tourbière), 87Sr/86Sreaux tourbière la

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

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composition isotopique en Sr moyenne mesurée pour les eaux de la tourbière en NAR-Q1 et Q2 (respectivement 0,70465 et 0,70422) et 87Sr/86Sreaux pluie la composition isotopique en Sr attendue pour les eaux de pluie (0,70380, valeur correspondant à la moyenne des compositions isotopiques mesurées pour les eaux de ruissellement NAR-R2 et constituant la recharge du système). [Sr]ruisseau des Fouragettes, [Sr]eaux tourbière et [Sr]eaux pluie concentrations en Sr respectivement du ruisseau des Fouragettes, des eaux de la tourbière (moyenne mesurée en NAR-Q1 et Q2) et des eaux de pluies (0,7 µmol.l-1 moyenne estimée à partir des données de Négrel et Deschamps, 1996 ; Négrel, 1997) (Illustration 37). Le coefficient de mélange f est représenté par [Sr]eaux tourbière /([Sr]eaux tourbière +[Sr]eaux pluie ) et (1-f) par [Sr]eaux pluie /([Sr]eaux tourbière +[Sr]eaux pluie ), ce qui signifie en d’autres termes que f représente la proportion des eaux de la tourbière alimentant les eaux du ruisseau des Fouragettes.

Afin de rendre compte de la signature moyenne en Sr mesurée pour les eaux du ruisseau des Fouragettes ([Sr]ruisseau des Fouragettes = 1,05 µmol.L-1; 87Sr/86Srruisseau des

Fouragettes=0,70394), après calculs, les eaux de la tourbière constituent une faible proportion (probablement moins de 10%) des apports de Sr aux eaux du ruisseau des Fouragettes (Illustration 37 ). En d’autres termes, compte tenu du débit du ruisseau des Fouragettes, le flux sortant de la tourbière reste probablement très faible.

0 0.4 0.8 1.20.2 0.6 1 1.4

1/Sr (µmol/l)

0.7032

0.7036

0.704

0.7044

0.7048

87Sr

/86Sr

TourbièreExutoireRuissellementCourbe de mélange

NAR-Q1

NAR-Q2

NAR-R2

NAR-R1

Eauxtourbière

Eau de pluie

Contributioneaux de tourbière

<10%

Illustration 37 : Illustration de la proportion de Sr provenant des eaux de la tourbière dans le flux sortant des Narces de la Sauvetat (Ruisseau des Fouragettes)

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 71

5.2 VARIATIONS TEMPORELLES

5.2.1 Flux entrant de la tourbière

Sur l’Illustration 38, les variations temporelles observées pour les compositions isotopiques δ2H et 87Sr/86Sr des eaux de la tourbière prélevées en NAR-Q1 et Q2 ne sont pas synchrones ni avec les variations observées pour les eaux de sources (NAR-S1, S5 et S8) ni avec les variations observées pour les eaux de ruissellement (NAR-R2). Cela signifie donc que c’est probablement la contribution plus ou moins importante du flux d’eau entrant « manquant » (Entrée 5, Illustration 36) qui contrôle les variations saisonnières de la composition géochimique des eaux de la tourbière tout au long du cycle hydrologique. En l’absence de caractérisation des variations saisonnières du flux d’eau « Entrée 3 » dans le cadre de cette étude, il est possible également que ce flux puisse jouer un rôle non négligeable pour expliquer les variations temporelles observées pour les eaux de la tourbière.

NAR-Q1

NAR-Q2

NAR-R2

Date

0.7032

0.7036

0.704

0.7044

0.704887Sr

/86Sr

Mai07

Juil. Sept. Nov. Jan.08

Mars Mai

NAR-S5

NAR-S1 et S8

NAR-Q1

NAR-Q2

Date

-68

-64

-60

-56

-52

δ2 H

Mai07

Juil. Sept. Nov. Jan.08

Mars Mai

NAR-R2

NAR-S5

NAR-S1 et S8

(a) (b)

Illustration 38 : Variations temporelles de l’origine de l’eau (a) et des éléments dissous (b) des eaux de la tourbière (NAR-Q1 et Q2) par rapport aux eaux de source et de ruissellement

5.2.2 Flux sortant de la tourbière

Sur l’Illustration 39, les variations temporelles observées pour les compositions isotopiques δ2H et 87Sr/86Sr des eaux du ruisseau des Fouragettes prélevées en NAR-R1 sont clairement synchrones avec les variations saisonnières observées pour les eaux de ruissellement (NAR-R2). Ce résultat confirme donc bien que la composition géochimique du flux d’eau sortant de la tourbière est quasi-exclusivement contrôlé par les eaux de pluie via les eaux de ruissellement (contribution > 90%, Illustration 37). Ainsi la perte d’eau de la tourbière des Narces de la Sauvetat vers les eaux du ruisseau des Fouragettes est vraisemblablement faible tout le long du cycle hydrologique.

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NAR-Q1

NAR-Q2

Date

-68

-64

-60

-56

-52

δ2 H

Mai07

Juil. Sept. Nov. Jan.08

Mars Mai

NAR-R1

NAR-Q1

NAR-Q2

NAR-R1

NAR-R2

Date

0.7032

0.7036

0.704

0.7044

0.7048

87Sr

/86Sr

Mai07

Juil. Sept. Nov. Jan.08

Mars Mai

NAR-R2

(a) (b)

Illustration 39 : Variations temporelles de l’origine de l’eau (a) et des éléments dissous (b) des eaux de l’exutoire (NAR-R1) par rapport aux eaux de la tourbière (NAR-Q1 et Q2) et aux eaux

de ruissellement (NAR-R2)

De plus, ceci est en plein accord avec les valeurs isotopiques du lithium observées pour les eaux de la tourbière (Illustration 30, Illustration 31). Les valeurs très enrichies au sein de la tourbière ne jouent aucun rôle dans le contrôle des flux d’eau sortants. En effet, au vue des valeurs de concentrations très élevées et des rapports isotopiques très fractionnés, un apport faible de l’eau de la tourbière vers l’exutoire se marquerait de manière très visible dans les valeurs isotopiques du ruisseau des Fouragettes.

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6 Conclusions

Le programme de recherche proposé ici vise à caractériser le fonctionnement hydrologique d’une tourbière, le site des Narces de la Sauvetat (Haute Loire), en vue de sa remise en eau ainsi que de la gestion durable de la ressource en eau du bassin versant et de la rivière exutoire (suggestion d’indicateurs pertinents pour un suivi temporel). Cette caractérisation s’est appuyée sur une approche couplée de l’hydrogéologie et de la géochimie isotopique pour contraindre les circulations et connections des eaux de surface et souterraines, et ainsi comprendre l’alimentation en eau de la tourbière. Cet enjeu est de première importance pour les Narces de la Sauvetat car comme le souligne Manneville (2001) « le bilan hydrique global (d’une tourbière) doit être équilibré ou un peu excédentaire...Cette permanence de l’eau stagnante ou plus rarement mobile, donc appauvrie en oxygène, provoque l’anaérobiose, dont résulte la dégradation ralentie des débris végétaux pour former la tourbe », or les Narces de la Sauvetat présentent la particularité d’être drainée par un cours d’eau pérenne (le ruisseau des Fouragettes) qui rend ce milieu d’autant plus fragile. L’approche géochimique a permis de montrer que la contribution des eaux de la tourbière à l’alimentation des eaux du ruisseau des Fouragettes reste limitée, garantissant ainsi un niveau d’eau constant dans la tourbière qui permet préserver l’équilibre de cet écosystème fragile.

La mise en place de procédures de gestion du territoire des Narces implique une connaissance parfaite de bilan hydro-géologique de la zone.

APPROCHE HYDROGEOLOGIQUE

Les courbes des niveaux d’eau au sein de la tourbière qui peuvent être tracées montrent que la surface piézométrique est plus basse durant l’étiage (août-septembre pour le site 2 et août-novembre pour le site 1) tandis qu’elle est plus haute en périodes de hautes eaux (décembre à mars). Dans chaque site, les deux ouvrages évoluent de manière synchrone ce qui signifie qu’ils suivent le même niveau aquifère. La cote de la nappe au droit du site 2 est supérieure de près de 4 m à celle du site 1. Ceci traduit, au droit du site 2, un écoulement général des eaux souterraines du Sud vers le Nord (jusqu’au centre de la tourbière).

Le bilan en eau du système des Narces de la Sauvetat n’a pas pu être effectué car la réalisation de la station hydrométrique qui devait être installée sur le ruisseau des Fouragettes (le seul exutoire connu des Narces) sous la maîtrise d’ouvrage du Conseil Général de la Haute-Loire a débuté avec plusieurs mois de retard par rapport au début de l’étude BRGM.

Concernant le calcul des volumes entrants, il apparaît assez difficile à évaluer car il n’a pas été possible de mesurer certaines émergences diffuses (NAR-S4, NAR-S7), non accessibles (NAR-S5, NAR-S6) ou non mesurables du fait de débits trop importants (NAR-S1, NAR-R2). Nous avons essayé d’évaluer la zone d’alimentation des

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74 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

principales sources suivies dans le cadre de cette étude. Pour cela, nous avons calculé les débits théoriques attendus pour les 3 principaux types d’émergence des eaux souterraines des Narces de la Sauvetat. Ces débits ont été calculés à partir de la surface du bassin versant topographique des différentes sources et de la hauteur moyenne de pluie efficace. On constate que les débits moyens mesurés sont supérieurs aux débits calculés à partir des surfaces des bassins versants topographiques. Cela signifie que les bassins d’alimentation véritables des sources sont beaucoup plus grands que les bassins versants topographiques.

L’évolution temporelle de la température des sources des coteaux est calquée sur le contexte climatique général du plateau du Devès marqué par des étés chauds et des hivers rigoureux. L’aquifère qui alimente ces sources est donc plutôt superficiel.

LES ISOTOPES STABLES DE L'EAU (δ18O ET δ2H)

Les isotopes stables (δ18O et δ2H) permettent de tracer l'origine de la recharge à la fois de manière spatiale (zone de recharge) et temporelle, de mettre en évidence des hétérogénéités spatiales entre aquifères mais aussi au sein d'un même niveau aquifère. Ainsi les isotopes stables de la molécule d’eau permettent d’apporter des éléments de réponse aux questions suivantes : d’où vient l’eau souterraine ? Comment est-elle rechargée ? Quelles sont les relations entre les eaux de surface et les eaux souterraines ?

La comparaison des eaux du système de la Sauvetat et des entrants de pluies permet de donner une origine majoritairement météorique pour les eaux prélevées sur le site des Narces de la Sauvetat et l’absence d’évaporation significative de ces eaux. Les suivis complets sur une année, pour les eaux de pluie, les plus proches du site sont à Clermont-Ferrand et Thonon. Les valeurs de ces stations encadrent les différents points des Narces de la Sauvetat montrant des apports d’eau atmosphérique, mais issus de recharge variable comme en témoigne la variabilité observée.

Pour la composition isotopique δ18O et δ2H de l’eau, les eaux de surface présentent des variabilités saisonnières significatives comparées aux eaux des sources et les eaux souterraines de la tourbière. Les variations temporelles observées pour le ruisseau suivent les variations de compositions isotopiques attendues pour les eaux de pluie au cours d’un cycle hydrologique. Ce résultat traduit que le ruisseau intègre une proportion importante d’eau de pluie récente comparativement aux autres points et suggère une vidange de la partie superficielle de la tourbière, partie superficielle marquée par les eaux de pluies.

LES ISOTOPES DU STRONTIUM (87Sr/86Sr)

Les isotopes du Sr (87Sr/86Sr) ont la capacité de tracer l’origine du Sr dissous, qu’il vienne des apports naturels (eaux de pluie, interactions eau-roche) ou des apports anthropiques (principalement des engrais). Ils permettent donc de répondre à la question « D’où vient le Sr dissous dans les eaux souterraines ?, Y-a-t-il des variations spatiales et/ou temporelles dans la source des éléments dissous ?». Il découle donc des signatures isotopiques contrastées pour les eaux souterraines en fonction de la

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BRGM/RP-56282-FR – Rapport final 75

variabilité spatiale des lithologies drainées par les aquifères et/ou de la contribution des apports anthropiques. Le mélange de différents réservoirs d’eau présentant des signatures isotopiques en Sr contrastées aboutit à une signature isotopique finale caractéristique de la contribution respective de chaque réservoir. Ainsi les isotopes du Sr sont capables de tracer les mélanges entre les différents réservoirs d’eau et de calculer les proportions de mélange de ces réservoirs. Ils permettent donc de répondre aux questions « D’où viennent les eaux souterraines ?, Comment les eaux souterraines sont-elles rechargées ? Quelles sont les relations entre les différents niveaux aquifères ? ». De cette connaissance découle une meilleure compréhension des circulations d’eaux au sein d’un système aquifère.

La gamme de variation de composition isotopique en Sr décrite par les différents points des Narces de la Sauvetat est significative et témoigne de plusieurs origines pour le strontium dissous. Les apports anthropiques, essentiellement par les engrais, ne jouent aucun rôle dans le bilan du strontium dissous. Les apports par l’eau de pluie et les interactions eau/roche restent les deux sources majoritaires de Sr sur le site des Narces de la Sauvetat. Une des origines est compatible avec la contribution de Sr provenant des interactions eau/roche et comparable aux lithologies volcaniques locales documentées dans la littérature. La seconde, de rapports isotopiques plus bas, est également dans la gamme des roches volcaniques. Cette différence traduit des hétérogénéités locales des roches volcaniques et des signatures isotopiques du strontium dissous variables en fonction des écoulements des eaux.

En termes de bilan, les eaux du ruisseau des Fouragettes, qui constituent l’exutoire de la tourbière des Narces de la Sauvetat, sont potentiellement alimentées par les eaux de la tourbière d’une part et les eaux de pluie via le ruissellement d’autre part.

A partir des données de concentration et de composition isotopique en Sr, il est donc possible de calculer la part respective d’eau provenant de l’eau de pluie via le ruissellement et de la tourbière. Après calculs, les eaux de la tourbière constituent moins de 10 % des apports de Sr aux eaux du ruisseau des Fouragettes. Compte tenu du débit du ruisseau des Fouragettes, le flux sortant de la tourbière reste probablement très faible et symbolise un état relativement stagnant pour les eaux de la tourbière.

LES ISOTOPES DU LITHIUM (δ7Li)

Les isotopes du lithium sont considérés à juste titre comme un outil géochimique faisant partie de la famille « des nouveaux traceurs isotopiques ». Contrairement aux isotopes du strontium, pour lesquels aucun fractionnement n’est détectable, les isotopes du lithium sont sensibles à ce processus. Le « fractionnement », lors d’une réaction chimique, privilégie un des isotopes par rapport à l’autre. Ainsi, le fractionnement isotopique associé aux interactions eau/roche favorise la mise en solution de l’isotope lourd (7Li) et l’isotope léger (6Li) est préférentiellement retenu dans les minéraux secondaires d’altération.

Les isotopes du lithium doivent permettre de mettre en évidence les mélanges des grands types de lithologies et de recouper ces mélanges avec les lithologies observées au droit des ouvrages. Ils permettent donc de répondre aux questions « D’où viennent

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76 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

les eaux souterraines ? Quelles sont les relations entre les différents niveaux aquifères ? ».

Les mesures réalisées sur le site des Narces de la Sauvetat montrent que les concentrations en lithium sont très variables avec les plus fortes valeurs observées au sein de la tourbière, 10 à 100 fois plus élevées que pour le ruisseau. De même, les mesures de compositions isotopiques du lithium (δ7Li, ‰) montrent que les valeurs des δ7Li sont elles aussi extrêmement variables, dans les gammes attendues pour le ruisseau et avec des valeurs très élevées pour les eaux de la tourbière. La signature fortement enrichie en 7Li pour ces eaux peut-être liée a priori à deux mécanismes : un effet de source (localement du lithium enrichi en 7Li) ou un processus qui fractionne le lithium dans la tourbière. Des tests sont en cours pour vérifier ces hypothèses.

Quoiqu’il en soit, les valeurs élevées des eaux de la tourbière ne se retrouvent pas dans les eaux du ruisseau, laissant à penser à un système relativement stagnant dans la tourbière.

D’autre part, les eaux du ruisseau des Fouragettes ne peuvent s’expliquer ni par un simple mélange des différents flux d’eau entrant (1 à 4) décrit précédemment, ni par la contribution unique des eaux de la tourbière. Cela implique donc l’existence d’un flux d’eau supplémentaire que nous désignerons par la suite «Entrée 6». La composition géochimique attendue pour ce flux d’eau entrant est celle d’une eau fortement contrôlée par la composition géochimique des eaux de pluie sans interactions importantes avec les roches encaissantes. Ce flux d’eau pourrait correspondre à l’infiltration d’eau de pluie directement au niveau de la surface du plan d’eau de la tourbière ou à des eaux souterraines ayant un temps de résidence suffisamment court ou interagissant avec des roches peu altérables ou suffisamment pauvres en éléments que la libération d’éléments dissous des roches encaissantes vers les eaux souterraines reste limitée.

APPROCHE COUPLEE MULTI ISOTOPES ET GEOCHIMIQUE

Des compositions en éléments majeurs et traces et des compositions isotopiques de la molécule d’eau (signatures δ2H et δ18O) et en Sr, il ressort l’identification de 4 flux principaux d’eau entrant et de 1 flux d’eau sortant de la tourbière (voir l’illustration ci-dessous). Les entrées 1 à 4 sont contraintes par la chimie des eaux et par les différentes signatures isotopiques. En toute logique, la composition géochimique des eaux de la tourbière doit correspondre à un mélange des flux d’eau entrants caractérisés en amont hydraulique de la partie centrale de la tourbière. En d’autres termes, les entrées 1 à 4 constituent, en tout premier abord, l’alimentation supposée des eaux de la tourbière. Hors, les signatures contrastées des eaux de la tourbière par rapport à toutes les eaux prélevées soutiennent donc l’existence d’un flux d’eau entrant supplémentaire (Entrée 5, correspondant à des eaux souterraines fortement marquées par les interactions eau/roche avec une des lithologies identifiée).

Les isotopes du lithium sont un outil porteur dont l’utilisation dans ce type de contexte, et au vue des résultats acquis sur les Narces de la Sauvetat, se doit d’être plus généralisée.

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Les recommandations pour la suite des études sur le site peuvent être énoncées ainsi :

• à l’avenir, afin de maintenir cet état hydrique de la tourbière, il est nécessaire de mettre en place un certain nombre d’indicateurs permettant d’assurer la surveillance à l’échelle du bassin versant. Un de ces indicateurs est le niveau d’eau dans la tourbière, via les 2 piézomètres et la surveillance du débit du ruisseau des Fouragettes ;

• suivre et trouver l’origine des anomalies en Li (pollution ??) ; • suivre l’entrée 6 en termes de bilan hydrologique car cette entrée peut être

l’alimentation majeure du ruisseau des Fouragettes et doit être mieux caractérisée ;

• monitorer longuement la tourbière (mise en eau surtout par les apports de pluies) ;

• étudier l’entrée 5 (via un piézomètre supplémentaire).

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Annexe 1

Isotopes : définition, mesures et fonctionnement

1. QUELQUES NOTIONS

La matière est constituée d’éléments chimiques tous bâtis sur le même modèle. L'atome est constitué d'un noyau composé de protons, chargés positivement, et de neutrons, électriquement neutres. Autour de ce noyau gravitent des électrons, particules chargées négativement. Chaque atome se distingue donc par son nombre de protons (ou d'électrons), également appelé numéro atomique Z, le nombre de neutrons N et le nombre de nucléons (protons + neutrons) A. Le nombre de protons est égal au nombre d'électrons, ce qui assure la neutralité de l’atome. L'ensemble des atomes dont le noyau possède le même couple (Z, A) est appelé un nucléide ; un élément chimique correspond à l'ensemble des atomes de même numéro atomique Z. La cohésion des nucléons dans les noyaux atomiques est assurée par les forces nucléaires (interaction forte) qui sont attractives, intenses, indépendantes de la charge électrique et de faible portée. Au sein du noyau atomique, ces forces nucléaires attractives l’emportent sur les forces coulombiennes répulsives qui existent entre les protons.

1 2

H B Analyses en routine au BRGM He1.008 4.00

3 4 5 6 7 8 9 10

Li Be Th En cours de développement B C N O F Ne6.94 9.01 10.81 12.01 14.01 16.00 19.00 20.18

11 12 13 14 15 16 17 18

Na Mg Si En projet Al Si P S Cl Ar23.00 24.31 26.98 28.09 30.97 32.06 35.45 39.95

19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36

K Ca Sc Ti V Cr Mn Fe Co Ni Cu Zn Ga Ge As Se Br Kr39.10 40.08 44.96 47.90 50.94 52.00 54.94 55.85 58.93 58.71 63.55 65.38 69.72 72.59 74.92 78.96 79.90 83.80

37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54

Rb Sr Y Zr Nb Mo Tc Ru Rh Pd Ag Cd In Sn Sb Te I Xe85.47 87.62 88.91 91.22 92.91 95.94 98.91 101.07 102.90 106.40 107.90 112.40 114.80 118.70 121.80 127.60 126.90 131.30

55 56 57 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86

Cs Ba La* Hf Ta W Re Os Ir Pt Au Hg Tl Pb Bi Po At Rn132.90 137.30 138.90 178.50 181.00 183.90 186.20 190.20 192.20 195.10 197.00 200.60 204.40 207.20 209.00 (210) (210) (222)

87 88 89 104 105

Fr Ra Ac** Ku Ha(223) (226) (227) (258) (260)

58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71

*Lanthanides Ce Pr Nd Pm Sm Eu Gd Tb Dy Ho Er Tm Yb Lu140.10 140.90 144.20 (145) 150.40 152.00 157.30 158.90 162.50 164.90 167.30 168.90 173.00 175.00

90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103

**Actinides Th Pa U Np Pu Am Cm Bk Cf Es Fm Md No Lr232.00 231.00 238.00 237.00 239.10 (243) (247) (247) (251) (254) (257) (256) (254) (258)

Illustration 40 : Classification des éléments chimiques dans le tableau de Mendeleïev. Les couleurs identifient les différentes systématiques isotopiques appliquées, en développement et

en projet au BRGM

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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat

84 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

L’histoire veut que le physicien et chimiste anglais Frederick Soddy (1877-1956), prix Nobel de chimie en 1921 pour ses recherches sur l'origine et la nature des isotopes en ait créé l’appellation en 1913. Isotope est composé du grec isos "égal, le même" et topos "lieu, place", proprement "qui occupe la même place". Le mot isotope fait référence à la classification de Mendeleïev (Illustration 40), présentée par son auteur en 1869, car pour un même élément chimique, il peut exister différents noyaux. En effet, si le nombre de protons est toujours égal à Z, le nombre de neutrons peut varier et on parle alors d'isotopes de l'élément chimique. Les isotopes sont caractérisés par le nombre de nucléons (protons + neutrons) A. On différencie les isotopes d'un élément X par la notation AX avec par exemple, le noyau de l'atome d'hydrogène qui est constitué d'un proton pouvant, à l'état naturel, être accompagné de zéro, un ou deux neutron(s). L'hydrogène existe donc sous trois formes isotopiques 1H, 2H (appelé deutérium, noté D) et 3H (appelé tritium, noté T).

Les propriétés chimiques des isotopes d'un même élément sont identiques car ces isotopes ont le même nombre d'électrons. Par contre, selon la configuration du noyau (c'est-à-dire la valeur de A et le rapport Z/A) les noyaux atomiques peuvent être stables s’ils contiennent un nombre suffisant de neutrons pour compenser la forte concentration de charges positives issues des protons.

12 13 14 15 16 17 18 19 20

O O O O O O O O O26,9s 26,9s 70,6s 122s 26,9s 13,5s2p β+ β+γ β+ε 99,76 0,04 0,20 β−γ β−γ

12 13 14 15 16 17 18 19

N N N N N N N N11ms 9,97ms 7,13s 4,17s 0,62s 0,3sβ+γ β+ 99,63 0,37 β−γ β−γ β−γ β−γ

8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18

C C C C C C C C C C C10-6fs 127ms 19,3s 20,3m 5730a 2,45s 0,75s 20ms 0,07sp β+ β+γ β+γ 98,9 1,1 β−γ β−γ β− β−γ β−

7 8 9 10 11 12 13 14 15

B B B B B B B B B10-7fs 770ms 10-3fs 12ms 17ms 14ms 9msβ+ p 2α β−γ 19,9 80,1 β−γ β−γ β−γ β−

6 7 8 9 10 11 12 14

Be Be Be Be Be Be Be Be10-5fs 53,28j 0,07fs 1,6Ma 13,8s 24ms 4ms2p α εγ β−γ 100 β− β−γ β− β−

5 6 7 8 9 11

Li Li Li Li Li Li10-7fs 0,84s 0,18s 0,01sp α 7,5 92,5 β− 2α β− α β−γ

3 4 5 6 7 8 9

He He He He He He He10-6fs 807ms 10-6fs 119ms très court

0,0001 99,999 n α β− n β−γ n1 2 3 14 <-- p+n

H H H Be <-- element12,43a 4ms <-- half life

99,985 0,015 β− β− <-- decay modes

stable very instableT1/2 < 1s

Isotones same number of neutrons

Isobarssame atomicweight

Isotopessame number of protons

s = seconda = yearα = 2p +2n emissionβ-= electron emissionβ+ = positron emissionε = electron capture γ = γ emissionn = neutron emissionp = proton emission

Illustration 41 : Table des nucléides classés en fonction de leur nombre de charges N (nombre de neutrons présents dans un noyau) et de leur nombre de masse Z (nombre de protons)

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Classiquement, tous les noyaux connus peuvent être classés en fonction de leur nombre de charges N (nombre de neutrons présents dans un noyau) et de leur nombre de masse Z (nombre de protons). Dans cette représentation (Illustration 41) en fonction de Z, tous les noyaux placés dans la même colonne de la classification de Mendeleïev sont tous les isotopes connus d´un même élément. Les noyaux stables se situent dans la partie de la représentation N en fonction de Z dite vallée de stabilité. L’Illustration 41 donne une vision des répartitions des isotopes uniquement dans l’intervalle entre hydrogène et oxygène. La vallée de la stabilité est indiquée en noir et comprend les isotopes 1H et 2H, 3He et 4He, 6Li et 7Li, et ainsi de suite jusqu’à 16O, 17O et 18O. On constate que pour Z < 20 la vallée de stabilité est située au voisinage de la droite N = Z; pour Z > 20, la vallée de stabilité est située au-dessous de cette droite. De facto, les noyaux avec des nombres identiques de protons et/ou de neutrons sont plus stables. Les modèles modernes issus de la physique quantique (dits en couche ou en carapace) faisant intervenir les niveaux d’énergie dans les noyaux permettent de définir la série de ce que l’on appelle les nombres magiques de Z = 2, 8, 20, 28, 50 et 82 et N = 2, 8, 20, 28, 50, 82 et 126. Les noyaux atomiques d’un élément correspondant à ces nombres magiques ont une grande stabilité impliquant une représentation importante dans la nature.

En dehors de la vallée de stabilité, les noyaux sont dit instables et correspondent aux noyaux qui ont un excès ou un défaut de neutrons par rapport aux isotopes stables de même nombre de charge. Au-delà de la valeur de Z > 83, les noyaux ne sont pas stables et sont dits radioactifs. Chaque noyau radioactif (noyau père) va se transformer en noyau stable (noyau fils) en une ou plusieurs désintégration(s) spontanée(s) en émettant une particule (α ou β) et généralement un rayonnement γ. Au cours de ce processus, il y aura une émission de particules qui pourra être accompagnée de rayonnements électromagnétiques. Ce phénomène porte le nom de radioactivité.

Les noyaux instables se divisent en 3 catégories selon la place qu´ils occupent par rapport à la vallée de la stabilité. Les noyaux placés en bout de la vallée de la stabilité sont les plus lourds. Ils atteignent la stabilité en émettant des particules α. Les noyaux placés au-dessus et au-dessous de la vallée de la stabilité sont radioactifs β-. Chaque nucléide radioactif est caractérisé par la probabilité de désintégration d’un noyau par unité de temps. Signalons enfin que deux éléments qui possèdent le même nombre de nucléons sont des isobares (Z différents, A identiques), par exemple le Carbone-14 et l'Azote-14 et que des éléments qui ont le même nombre de neutrons sont dits isotones (Z différents, A différents, N identiques), par exemple le Carbone-13 et l'Azote-14.

L’analogie intéressante qui peut être faite ici pour expliquer le niveau d’information supplémentaire obtenu par l’analyse isotopique par rapport à l’analyse élémentaire est décrite ci-après (Illustration 42).

En faisant le parallèle entre une étude géochimique et une étude démographique, l’analyse élémentaire (mesure de la concentration d’un élément) s’apparente à compter le nombre d’individus dans une population. Alors que la mesure isotopique consiste à faire le rapport des individus selon leur sexe (rapport isotopique) ou selon leur âge (datation en géochronologie).

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Illustration 42 : Analogie entre une étude démographique et une étude géochimique

i. Les isotopes d’éléments stables

La distribution des éléments et leurs proportions isotopiques sont liées à la stabilité de leur configuration nucléaire. Les configurations à Z et N pairs sont plus stables que les autres types de configuration et les noyaux contenant les nombres magiques le sont

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tout particulièrement. Ainsi, pour l’oxygène, élément caractérisé par le nombre magique Z = 8, les abondances des isotopes montrent une dominance de l’isotope 16O (99.762%), suivi du 18O (0.200%) puis du 17O (0.038%). Les autres isotopes de l’oxygène qui ont pu être mis en évidence sont instables avec des durées de vie de quelques secondes (Illustration 41).

numéro atomique

nombre de neutrons

Illustration 43 : Extrait de la table des nucléides, répartition des isotones, isobares et isotopes depuis l’hydrogène jusqu’à l’oxygène

Pour les éléments dits stables, les différences de masses des isotopes d’un même élément amènent l'existence de propriétés physico-chimiques légèrement variables (volume molaire, vitesse de réaction, constante d'équilibre…). A ces différences de propriétés correspondent des comportements et des lois de répartition des isotopes différentes au cours des réactions chimiques. La principale est celle du fractionnement isotopique. Au cours d'une réaction faisant intervenir un élément chimique avec des isotopes en proportion différente, cette réaction privilégie un isotope de cet élément avec un facteur de fractionnement α, défini comme étant le ratio du rapport des isotopes lourds (IL) sur les isotopes légers (Il) de la phase A par rapport à celui de la phase B selon :

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88 BRGM/RP-56282-FR – Rapport final

αA-B = (IL/Il)A / ( IL/Il)B

Le fractionnement isotopique peut être dit à l'équilibre, représentant les échanges isotopiques associés à une réaction à l'équilibre. Il peut aussi être associé à un processus unidirectionnel irréversible ; on parle alors de fractionnement isotopique cinétique, dû à la différence d'énergie entre les molécules impliquant des isotopes différents. Tout processus métabolique met en jeu ce type de fractionnement où les isotopes les plus légers sont plus facilement mobilisés. Ainsi, la photosynthèse fixe préférentiellement le 12C par rapport au 13C. Le fractionnement peut également être lié à un changement d’état. C’est le cas du cycle de l’eau, où, du au fait que les réactions impliquant les isotopes légers sont en général plus rapides que celles impliquant les isotopes lourds, les phases gazeuses sont toujours plus « légères » que les phases condensées (liquide). Par exemple lors de l’évaporation, la vapeur est proportionnellement plus riche en H2

16O par rapport à H218O (la condensation montre

l’inverse) ce qui s’exprime par le facteur de fractionnement α selon :

αliq-vap = (18O/16O)liq / (18O/16O)vap

Il faut cependant noter qu’il est généralement admis qu’au delà de Z ≈ 20, ces fractionnements sont difficilement identifiables et mesurables, dans l’état actuel des techniques analytiques.

ii. Les isotopes d’éléments instables

Les isotopes se désintégrant par radioactivité s'appellent des isotopes radioactifs ou isotopes pères et ils génèrent des isotopes dits radiogéniques ou isotopes fils. Pour les isotopes « radioactifs-radiogéniques », la désintégration radioactive de l’élément père réalise un fractionnement isotopique mais avec deux atomes différents. La vitesse de désintégration d'un isotope père P en isotope fils F est proportionnelle à la quantité d'isotope père selon :

dP/dt = -λ P

où λ est la constante de désintégration qui représente la vitesse de ce processus et dépend de l'isotope considéré. On obtient :

P=P0exp(-λt)

où P0 est la quantité d'isotope père au temps t=0 qui diminue exponentiellement au cours du temps. Ceci permet de définir la période de demi-vie (T1/2 en années) qui correspond au temps au bout duquel la quantité initiale d'élément père a été divisée par deux et s’exprime par :

T1/2=ln(2)/λ

La quantité F d'isotope fils observée au temps t est égale à la quantité d'isotopes initiale F0 présente à l’état initial t=0, augmentée de la quantité d'isotopes

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radiogéniques créée par désintégration de l'isotope père en un temps t. Ceci s’exprime selon :

F= F0 + P [exp(λt)-1]

La mesure des compositions isotopiques donne les proportions entre les isotopes et la notation en " rapport isotopique " se fait avec au numérateur l'isotope radiogénique ou radioactif, et au dénominateur un isotope non radioactif et non radiogénique du fils, Fs. On obtient alors :

F/Fs = (F/Fs)0 + (P/F) exp[(λt)-1]

Cette équation est la base des applications des systèmes isotopiques à la géochronologie (datation des roches comme les systèmes Rb-Sr, Sm-Nd, U-Pb…).

iii. En guise de résumé

Par opposition aux isotopes stables présents dans une proportion constante et connue à l’état naturel, les isotopes radioactifs ont des proportions qui varient avec le temps dans les systèmes géologiques. Qu’en est-il dans le cycle exogène, et tout particulièrement dans le cycle de l’eau ?

Dans ce dernier, les isotopes radiogéniques des éléments lourds ont la particularité de ne pas être fractionnés par les processus physico-chimiques et compte tenu des grandes constantes de temps, d’être insensibles aux processus de décroissance. Le lien est donc direct entre eau et minéral et/ou assemblage minéralogique, qui par les phénomènes d’altération fournit l’élément chimique étudié à l’eau (Sr pour 87Sr/86Sr, Nd pour 144Nd/143Nd, Pb pour 206, 207, 208Pb/204Pb). Contrairement aux isotopes radiogéniques, les abondances, initialement fixées, des isotopes stables peuvent être modifiées par les processus de fractionnement et ces modifications peuvent être mises en évidence par les mesures de ces rapports isotopiques et les processus, et donc « l’histoire » de l’eau, décryptée.

Pour plus de détails sur la chimie de la matière, on se référera aux articles de Treuil (1998) et Treuil et Joron (1998) et à ceux de Fourcade (1998) et Mook (2001) pour les méthodes et principes des isotopes.

2. LES MOYENS DE MESURE DES ISOTOPES

Les isotopes d’un élément chimique sont mesurés par un spectromètre de masse qui produit des ions dans une source sous vide à partir d'un échantillon. Ces ions sont séparés selon leur rapport masse/charge par une combinaison de champs électromagnétiques incluant une accélération par un champ électrique et une séparation en masse par un champ magnétique. Ils sont enfin détectés et exprimés en fonction de leur abondance relative.

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Dans la spectrométrie de masse appliquée aux systématiques isotopiques pour nos études, trois grands types sont utilisés :

les spectromètres de masse à source « gazeuse » (classiquement appelés IRMS pour Isotope Ratio Mass Spectrometer),

les spectromètres de masse à source « solide » (classiquement appelés TIMS pour Thermo-Ionisation Mass Spectrometer)

et les spectromètres de masse à plasma à couplage inductif et multi-collection ICP-MS-MC.

Les IRMS permettent de déterminer des rapports isotopiques en utilisant la technique hors ligne (c'est-à-dire préparation des échantillons sur une ligne séparée afin de les transformer en gaz), à double injection (pour mesurer en alternance l'échantillon inconnu et un échantillon de référence). De manière identique, le CF-IRMS (Continuous Flux Isotope Ratio Mass Spectrometer) utilise la technique en ligne à débit continu (système de combustion en ligne), pour la mesure de rapports isotopiques (Illustration 4, Illustration 45).

Illustration 44 : Spectromètre de masse à source gazeuse (CF-IRMS)

La technique TIMS (Thermo-ionisation Mass Spectrometry, Illustration 46) met en jeu la thermo-ionisation d’un élément dans une source dite « solide » sous vide à des températures supérieures à 1 000°C. L’échantillon est déposé sous forme de gouttes sur des filaments de rhénium, tungstène ou tantale, l'évaporation de la solution laisse un sel sur le filament. Ce filament est chauffé jusqu'à une température suffisante pour que le sel soit évaporé et ionisé.

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Illustration 45 : IRMS et ligne d’équilibration (à gauche) pour l’analyse des isotopes stables de la molécule d’eau (O et H)

Illustration 46 : Spectromètre de masse à source solide (TIMS).

Les ICP-MS-MC (Illustration 47) utilisent la méthode plasma des ICP-MS pour la vaporisation et l’ionisation des échantillons couplée avec la technique de spectrométrie de masse pour la séparation des isotopes. L’échantillon sous forme de solution est envoyé dans la source du spectromètre où elle est vaporisée et ionisée par un plasma, gaz partiellement ionisé sous l'influence d'une forte différence de potentiel. Cette méthode, par rapport à la technique TIMS, a l'avantage de créer un très bon taux d'ionisation pour un grand nombre d'éléments. Dans les techniques ICP-MS-MC et TIMS, la chimie préparatoire, nécessaire pour isoler l’élément chimique dont on veut analyser les isotopes, se déroule dans des salles blanches en surpression, avec des réactifs purifiés permettant une très faible contamination lors des phases de préparation des échantillons.

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Illustration 47 : Spectromètre de masse à plasma à couplage inductif et multi-collection (ICP-MS-MC)

Pour plus de détails, on se référera aux articles concernant le principe et l’appareillage en spectrométrie de masse (Bouchoux et Sablier, 2005a), les applications en spectrométrie (Bouchoux et Sablier, 2005b) et dans l’environnement (Fouillac et al., 2005; Kloppmann, 2003). Sur l'Illustration 40, sont présentées les différentes systématiques isotopiques appliquées, en développement et en projet, au BRGM.

3. QUELQUES SYSTEMATIQUES ISOTOPIQUES

i. Les isotopes stables de la molécule d’eau

Les isotopes stables de l'eau comprennent ceux de l'oxygène et de l’hydrogène. Les abondances des isotopes de l'oxygène montrent une dominance de l’isotope 16O (99.762%), suivi du 18O (0.200%) puis du 17O (0.038%). Les abondances des isotopes de l’hydrogène consistent en deux isotopes stables, 1H et 2H (aussi nommé Deutérium), avec une abondance respective d’environ 99.985 et 0.015% Le rapport des isotopes de l'oxygène et de l’hydrogène est exprimé en unité delta de déviation par rapport à un standard de référence. Ils sont mesurés par IRMS ou CF-IRMS. On utilise la notation δ exprimée en parts pour mille (‰) avec :

δ = [(Réchantillon / Rstandard) - 1] x 1000

où R est le rapport isotopique, isotope lourd sur isotope léger (e.g. 18O/16O). Le standard de référence est le SMOW (Standard Mean Ocean Water) qui est une eau de mer moyenne, pris à 0‰.

En l'absence d'évaporation ou d'échange avec des gaz dissous, les isotopes stables de la molécule d'eau se comportent comme des traceurs conservatifs et reflètent le mélange des différentes recharges ayant alimenté les eaux souterraines considérées.

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L'histoire hydro-climatique d'un aquifère peut donc être reconstituée par l'abondance des isotopes stables lourds de l'oxygène (18O) et de l'hydrogène (2H) dont les signatures correspondent à des environnements et des épisodes hydro-climatiques spécifiques, ou des altitudes de recharge différentes.

Sous certaines conditions (faible rapport eau/roche, temps de résidence long, température élevée du réservoir, échange avec CO2, évaporation, …), les interactions roche - eau peuvent modifier la composition isotopique initiale de l'eau (Illustration 48).

Illustration 48 : Processus naturels pouvant influencer les compositions en deuterium et en oxygène-18 des eaux souterraines (d'après Clark et Fritz, 1997)

ii. Les isotopes du lithium

Le lithium est un élément léger qui possède deux isotopes stables de masse 6 et 7, dont les abondances naturelles sont respectivement 7.5 % et 92.5 %. La composition isotopique du lithium d’un échantillon se note en déviation relative (en ‰) par rapport à un standard. Depuis peu, la communauté scientifique a adopté une notation commune en exprimant le rapport isotopique 7Li/6Li de la manière suivante :

( ) ( )( )

367

677 101

//

‰ ×⎟⎟⎠

⎞⎜⎜⎝

⎛−=

std

ech

LiLiLiLi

Liδ

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Le standard de référence est un carbonate de lithium (L-SVEC, NIST RM8545) dont la valeur du δ7Li est de 0‰ par définition (7Li/6Li = 12.02 ± 0.03).

La différence de masse relative entre les deux isotopes est considérable (17%) et engendre des fractionnements isotopiques importants lors des réactions géochimiques qui se produisent à la surface de la Terre.

Illustration 49 : Variations isotopiques du lithium dans les matériaux géologiques, d’après Coplen et al. (2002).

La gamme de variation isotopique du lithium est de plus de 60‰ dans les différents matériaux géologiques. Les roches silicatées de la croûte ont une composition isotopique comprise entre –2 et +2‰, l’eau de mer ~ +31‰, les eaux de rivières ont des compositions intermédiaires entre +6 et +23‰ et les eaux thermo-minérales ont des compositions isotopiques qui varient entre –10 et +20‰.

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Les isotopes du lithium sont considérés à juste titre comme un outil géochimique faisant partie de la famille « des nouveaux traceurs isotopiques ».

Le comportement des isotopes du lithium lors des interactions eau/roche à basse ou haute température est très mal connu à l’heure actuelle. Le lithium est un élément lithophile, fortement soluble et se retrouve par conséquent fortement enrichi dans les fluides ayant interagi avec les roches. Les concentrations en lithium des eaux ne sont contrôlées que par les processus d’interactions eux-mêmes (intensité d’interaction, température et assemblage minéralogique). Et les réactions d’oxydo-réduction, de complexation organique ou de spéciation n’ont aucun effet de contrôle vis-à-vis des concentrations et des compositions isotopiques de lithium dans les eaux.

Quoiqu’il en soit, l’amplitude du fractionnement isotopique et les facteurs de contrôle restent très mal contraints à ce jour. Toutefois, les premières données isotopiques en lithium dans des contextes d’altération montrent que le fractionnement isotopique associé aux intéractions eau/roche favorise la mise en solution de l’isotope lourd (7Li). L’isotope léger (6Li) est quant à lui préférentiellement retenu dans les minéraux secondaires d’altération.

iii. Les isotopes du strontium

Le couple Rb-Sr se caractérise par un comportement géochimique très contrasté entre le rubidium (élément alcalin proche du potassium) et le strontium (élément alcalino-terreux proche du calcium). Rb et Sr sont présents en tant qu'éléments traces (teneur < 0.5%) dans les différents types de roches. Ainsi, le rubidium est présent en quantité évoluant entre le µg.g-1 (roches ultrabasiques) et la centaine de µg.g-1 (roches de la famille des granites); le strontium est toujours présent avec des quantités supérieures à la centaine de µg.g-1. Le rubidium se localise préférentiellement dans les minéraux potassiques (biotites, muscovites, feldspaths potassiques) tandis que le strontium se situe préférentiellement dans les minéraux calciques tels que les plagioclases et les carbonates. De par le comportement opposé de ces deux éléments, de grandes variations du rapport Rb/Sr se produisent au cours des processus de réaction entre fluides et minéraux. Dans les processus d'altération, le strontium a un comportement plus soluble que le rubidium vis-à-vis de la solution lixiviante. Par conséquent, le rapport Rb/Sr augmente dans les minéraux résiduels lors de lessivages progressifs alors que celui du fluide est toujours bas.

Le strontium a quatre isotopes de masse 88, 87, 86 et 84, mesurés par TIMS. Les isotopes 88, 86 et 84 sont stables et ont des abondances liées à la nucléosynthèse (ensemble des processus aboutissant à la formation d'éléments chimiques). L'isotope 87Sr est radiogénique et est issu de la désintégration radioactive β du 87Rb. Le rapport isotopique du strontium (87Sr/86Sr) d'un fluide est directement relié à celui du minéral ou à des associations minéralogiques avec lesquelles le fluide a interagi. Les effets de fractionnements isotopiques liés à la différence de masse ne sont pas détectables pour des éléments dont la masse est proche de 80. De plus, les effets de variations du rapport 87Sr/86Sr liés à la décroissance radioactive du nucléide père (87Rb) en nucléide fils (87Sr) ne sont pas significatifs, compte tenu de la courte échelle de temps à laquelle

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ces processus sont étudiés en géochimie environnementale par rapport à la période de décroissance du rubidium.

Le strontium est séparé du reste de la matrice de l’échantillon sur des résines échangeuses d’ions. Le niveau de contamination est inférieur à 0.5 ng pour la procédure chimique complète. Après séparation chimique, l’échantillon est analysé sur un spectromètre de masse à multi-collections à source solide. Les rapports 87Sr/86Sr sont normalisés à un rapport 86Sr/88Sr de 0.1194. La précision interne de chaque mesure du rapport 87Sr/86Sr est souvent de l’ordre de ± 8 x 10-6 (2σ). La reproductibilité des mesures des rapports 87Sr/86Sr est testée par l’analyse répétitive d’un standard international (NBS 987).

Dans le cadre de l'étude des circulations de fluides, la nature a directement marqué ceux-ci. Dans une roche silicatée (granite...), les différents minéraux présentent des rapports chimiques Rb/Sr et donc des rapports isotopiques 87Sr/86Sr différents en liaison avec leur formation. Lors des phénomènes d'interaction eau-roche, le rapport 87Sr/86Sr de la fraction de strontium libérée sera différent de la roche totale et typique du ou des minéraux altérés et ceci en liaison avec la "résistance" des minéraux vis-à-vis de l'agressivité du fluide. Globalement, le strontium solubilisé dans la roche et transporté vers l'extérieur du système formé par la roche est beaucoup moins radiogénique (c'est-à-dire de rapport 87Sr/86Sr plus faible) que le strontium dans la roche non altérée. D'autre part, le strontium des argiles résiduelles est beaucoup plus élevé. Les variations isotopiques observées dans les fluides peuvent être issues du mélange de strontium de compositions isotopiques différentes provenant de différentes sources. Ainsi, dans le cas simple où deux sources de rapports isotopique ou chimique différents sont présentes, la composition du mélange peut être déterminée. Les variations du rapport isotopique du strontium dans un hydrosystème donnent ainsi des informations sur (1) l'origine et les proportions de mélange des différents composants fluides ainsi que sur (2) la nature et l'intensité des processus d'interaction roche - eau liés notamment à l'altération et à l'érosion.

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Illustration 50 : Variation du rapport 87Sr/86Sr de l'eau de mer (d'après Burke et al., 1982)

4. ISOTOPES ET MELANGES D'EAUX

Connaissant la signature chimique des eaux de deux réservoirs et les proportions de mélange, il est possible de calculer la signature des eaux résultant du mélange. A l'inverse, il est donc possible de calculer des taux de mélange connaissant les signatures des deux termes du mélange et de la résultante.

Ces calculs sont possibles à partir des teneurs seules ou avec des signatures isotopiques.

Ainsi, un mélange dont on connaît les concentrations des deux termes et la proportion de mélange s'exprimera :

[ ] [ ] ( )[ ]21 1 XfXfX mél −+=

avec [X]mél, 1 et 2 : concentration de l'élément X dans le mélange et les deux termes initiaux 1 et 2,

f : proportion du terme 1 dans le mélange

Pour un mélange impliquant des rapports isotopiques d'un élément dissous (le strontium dans cet exemple), le mélange binaire s'exprimera :

( ) ( ) [ ]( ) ( ) ( ) [ ]( )[ ]mél

mél SrSrSrSrfSrSrSrf

SrSr 228687

118687

8687 */*1*/*/

−+=

avec (87Sr/86Sr)mél, 1 et 2 : composition isotopique du Sr du mélange et des deux termes initiaux 1 et 2,

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[X]mél, 1 et 2 : concentration de l'élément X dans le mélange et les deux termes initiaux, f : proportion du terme 1 dans le mélange.

50 100 150 200

Sr (µg/l)

0.708

0.7085

0.709

0.7095

0.71

0.7105

0.711

87Sr

/86Sr

1

2

mél

90% de 1

50% de 1

10% de 1

0.005 0.01 0.015 0.02

1/Sr (µg/l)-1

0.708

0.7085

0.709

0.7095

0.71

0.7105

0.711

87Sr

/86Sr

1

2

mél

90% de 1

50% de 1

Illustration 51 : Représentations graphiques d'un mélange binaire avec des isotopes du Sr

L'Illustration 51 met en évidence que les mélanges sont beaucoup plus simples à visualiser graphiquement en utilisant l'inverse de la concentration de l'élément dissous dont on utilise le rapport isotopique.

Illustrée ici pour le strontium, cette méthode est applicable aux systématiques isotopiques des éléments dissous comme le lithium (δ7Li vs. [Li])...

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