14
CED 73, quai Auguste Deshaies - 94200 Ivry-sur-Seine Tél : 01 46 58 38 40 - Fax : 01 46 71 25 59 - Mail : [email protected] Diffuse bleu nuit éditeur, éditeur d‘ouvrages sur la musique Titre : FRANCK, César Auteur : Eric Lebrun Collection : horizons Format : 14 x 20 Nombre de pages : 176 pages Prix TTC sur 4e de Couv. : 20 € Prix HT : 18,69 € (taux de TVA : 7%) Date de parution : Novembre 2012 ISBN 13 : 978-2-35884-021-7 Code-barre : 9782358840217 Couleur : N/B Illustrations : env. 50, ex. musicaux et tableaux Thème Dilicom : 2400 Rayon librairie : Beaux-Arts / Musique Résumé : Au-delà de l’étiquette d’organiste, professeur au Conservatoire de Paris, César Franck (1822-1890) influença durablement nom-bre de jeunes compositeurs français, en particulier ses élèves Lekeu, Chausson, d’Indy, Duparc et Ropartz, entre autres. Habité par une intense spiritualité, ce pilier de la Basilique Sainte- Clotilde dotée d’un grand orgue Cavaillé-Coll écrivit de nombreuses partitions pour son instrument qui complè- tent un répertoire varié de piano, de musique de cham- bre, d’oratorios et de pages symphoniques. Sa Sonate pour piano et violon, créée par Eugène Ysaye, reste une référence au même titre que ses Variations sympho- niques ou ses Trois Chorals. Avec ce nouveau titre de la collection horizons, Eric Lebrun propose une synthèse sur la vie et l’œuvre d’une figure musicale française marquante dans un ouvrage richement illustré et aux nombreuses annexes pratiques. Préface du compositeur Valéry AUBERTIN L’auteur : Eric Lebrun est un concertiste international, également compositeur et pédagogue. Professeur d’orgue au Conservatoire de Saint-Maur-des-Fossés, il est aussi l’or- ganiste titulaire du Cavaillé-Coll de l’église Saint-Antoine-des-Quinze-Vingts à Paris depuis 1990. Il signe ici son troisième ouvrage dans la collection horizons, après ses biographies sur Buxtehude et sur Boëly (cosi- gnée avec Brigitte François-Sappey). Promotion : * Concerts César Franck à Paris à partir de nov. 2012 * Emissions sur France Musique * 2 CDs par Eric Lebrun chez NAXOS 9 782358 840217 9 782913 575769 9 782913 575929 du même auteur :

CED - BLDD

  • Upload
    others

  • View
    15

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: CED - BLDD

CED73, quai Auguste Deshaies - 94200 Ivry-sur-Seine

Tél : 01 46 58 38 40 - Fax : 01 46 71 25 59 - Mail : [email protected]

Diffuse bleu nuit éditeur, éditeur d‘ouvrages sur la musique

Titre : FRANCK, CésarAuteur : Eric LebrunCollection : horizonsFormat : 14 x 20Nombre de pages : 176 pagesPrix TTC sur 4e de Couv. : 20 €Prix HT : 18,69 € (taux de TVA : 7%)

Date de parution : Novembre 2012ISBN 13 : 978-2-35884-021-7Code-barre : 9782358840217Couleur : N/BIllustrations : env. 50, ex. musicaux et tableauxThème Dilicom : 2400Rayon librairie : Beaux-Arts / Musique

Résumé :Au-delà de l’étiquette d’organiste, professeur auConservatoire de Paris, César Franck (1822-1890)influença durablement nom-bre de jeunes compositeursfrançais, en particulier ses élèves Lekeu, Chausson,d’Indy, Duparc et Ropartz, entre autres. Habité par uneintense spiritualité, ce pilier de la Basilique Sainte-Clotilde dotée d’un grand orgue Cavaillé-Coll écrivit denombreuses partitions pour son instrument qui complè-tent un répertoire varié de piano, de musique de cham-bre, d’oratorios et de pages symphoniques. Sa Sonatepour piano et violon, créée par Eugène Ysaye, reste uneréférence au même titre que ses Variations sympho-niques ou ses Trois Chorals.

Avec ce nouveau titre de la collection horizons, EricLebrun propose une synthèse sur la vie et l’œuvre d’unefigure musicale française marquante dans un ouvragerichement illustré et aux nombreuses annexes pratiques.

Préface du compositeur Valéry AUBERTIN

L’auteur :Eric Lebrun est un concertiste international, également

compositeur et pédagogue. Professeur d’orgue au Conservatoire de Saint-Maur-des-Fossés, il est aussi l’or-ganiste titulaire du Cavaillé-Coll de l’église Saint-Antoine-des-Quinze-Vingts à Paris depuis 1990. Il signe icison troisième ouvrage dans la collection horizons, après ses biographies sur Buxtehude et sur Boëly (cosi-gnée avec Brigitte François-Sappey).

Promotion :* Concerts César Franck à Paris

à partir de nov. 2012* Emissions sur France Musique* 2 CDs par Eric Lebrun

chez NAXOS

9 782358 840217

9 782913 575769

9 782913 575929

du même auteur :

Page 2: CED - BLDD

u-delà de l’étiquette d’organiste,professeur au Conservatoirede Paris, César Franck (1822-

1890) influença durablement nom-bre de jeunes compositeurs français,en particulier ses élèves Lekeu,Chausson, d’Indy, Duparc et Ropartz,entre autres. Habité par une intensespiritualité, ce pilier de la BasiliqueSainte-Clotilde dotée d’un grand orgueCavaillé-Coll écrivit de nombreusespartitions pour son instrument quicomplètent un répertoire varié depiano, de musique de chambre, d’ora-torios et de pages symphoniques. Sa

Sonate pour piano et violon, créée par Eugène Ysaye, reste une référence aumême titre que ses Variations symphoniques ou ses Trois Chorals.

Avec ce nouveau titre de la collection horizons, Eric Lebrun propose une syn-thèse sur la vie et l’œuvre d’une figure musicale française marquante dansun ouvrage richement illustré et aux nombreuses annexes pratiques.

bleu nuit éditeur

Eric

LEB

RU

N

- 32 -

Eric Lebrun est un concertiste international, également compositeur et pédagogue. Professeur d’orgueau Conservatoire de Saint-Maur-des-Fossés, il est aussi l’organiste titulaire du Cavaillé-Coll de l’égli-se Saint-Antoine-des-Quinze-Vingts à Paris depuis 1990. Il signe ici son troisième ouvrage dans la col-lection horizons, après ses biographies sur Buxtehude et sur Boëly (cosignée avec Brigitte François-Sappey).

En c

ouve

rture

: Ill

ustra

tion

JPB

- Pho

tos

DR/M

bzt -

© b

ne 2

012

- Maq

uette

:

A

César

Césa

r

FRANCKpar Eric LEBRUN

FRA

NC

K

9 782358 840217

20 eurosISBN 978-2-35884-021-7

collection

FRANCKCésar

par Eric LEBRUN

Basilique Sainte-Clotilde - Paris

Préface de Valéry AUBERTIN

Page 3: CED - BLDD

85

Franck, truffée d’altérations encore difficiles à lire pour lesinstrumentistes de cette époque. De plus, le matériel, cri-blé d’erreurs de copie, avait compromis la première lectu-re et obligé d’Indy117, Duparc et Camille Benoit à un tra-vail de révision de dernière minute particulièrementéprouvant. C’est alors que Colonne se montra d’uneincroyable grossièreté : Franck paya de ses deniersquelques heures supplémentaires de travail d’orchestre quifurent consacrées... à l’ouvrage de Massenet !

Après cet échec, Franck reprit sa partitionen main, sur les conseils ded’Indy. L’auteur supprimala symphonie centraledont nous ne savons rienaujour-d’hui de bien pré-cis, pour la remplacer parun Interlude magnifique,d’ailleurs assez souventjoué et enregistré. Ilremania le plan tonal,tâche qui le rebuta par-dessus tout car il s’obli-gea à renoncer au ton defa # pour conclure lapremière partie en mimajeur. Au mois d’août1873, depuis la résiden-ce d’été de son élèveAlbert Cahen, il écrivit àFélicité : « Je m’atta-quais avec un peu decrainte à ce fameux mor-ceau symphonique quim’a déjà donné beau-coup de mal : enfin bref,je crois que maintenant jesuis de nouveau en train.

84

Deuxième partie : Morceau symphonique. – Les siè-cles passent. - Allégresse du monde qui se transforme ets’épanouit sous la parole du Christ. - En vain s’ouvre l’èredes persécutions, la Foi triomphe de tous les obstacles. [...]

Troisième partie. – Les anges, se voilant la face deleurs ailes, à l’aspect des crimes de la terre, pleurent surl’homme retourné à la bestialité païenne. Mais l’archangevient, sur un ton plus grave, annoncer une nouvellerédemption : le pardon des erreurs peut être obtenu par laprière. Et les hommes, apaisés et repentants, unissentleurs cœurs en un cantique de fraternelle charité114. »

Cette dialectique binaire correspond à un mouvementsincère de son âme et trouvera une application systéma-tique dans les Béatitudes ; pour simpliste qu’elle puisseparaître, elle a conduit ici le compositeur à élaborer unvéritable ethos des tonalités, passant des ténèbres à lalumière des tons les plus chargé en dièses, réservant le tonséraphique de si majeur à la prière de l’Archange.Véritable manifeste, profession de foi artistique encoremal connue aujour-d’hui, Rédemption fut composée sil’on en croit Georges Franck en l’espace de six mois,record de rapidité dans le parcours du compositeur.

Mais l’œuvre connut une première catastrophique.L’éditeur Hartmann qui allait fonder le Concert Nationaldont il confiera la direction à Colonne aurait d’abord pro-posé le sujet à Massenet qui refusa, tout occupé par lacomposition de sa Marie-Madeleine. En fait les deux œuv-res seront créées par Colonne avec le soutien d’Hartmannqui loua le théâtre de l’Odéon à ses frais, successivementle Jeudi-Saint, 10 avril, et le Vendredi-Saint, 11 avril 1873.Le premier soir, « Colonne, alors à ses débuts commechef d’orchestre [...] qui n’avait point encore l’expériencequ’il a acquise depuis115 » dira d’Indy, massacra Franckau cours d’une soirée qui comprenait entre autres desextraits du Fiesque de Lalo116 et le psaume Coeli enarrantde Saint-Saëns. En fait, Colonne était absorbé par la miseau point de l’oratorio de Massenet, et n’avait pas voulu (oupas pu) « perdre » un temps précieux avec la partition de Rédemption, vitrail de Lucien Bégule, 1900.

Photo DR.

114 Programmede Rédemptionin Vincentd’Indy, ouvragecité p. 123.

115 Ouvragecité p. 22.116 Que l’auteurn’entendit jamaisentier de sonvivant !

117 Qui connais-sait bien l’œu-vre pour avoirassumé la pré-paration deschœurs.

Page 4: CED - BLDD

87

Une polyphonie d’une assez voluptueuse densité,comparable à celle de l’introduction, développe ces idées,évoquant par endroits le discours radieux du SiegfriedIdyll de Wagner (1871) ou anticipant la trame sonore dePsyché. Chabrier s’exclamait au sujet de ce thème initial :« c’est la musique même ! » :

Au centre intervient un motif de cuivres, basé commele premier sur un appel de quarte. C’est là aussi un passa-ge volontiers wagnérien, séduisant, dont les combinaisonsavec le thème initial, figurant la transformation du mondesous la parole du Christ, puis le retour triomphant in fineconfèrent à cette page une grandeur particulière. Du reste,cet Interlude tout entier nous montre un artiste qui ne sem-ble pas insensible à l’auteur de Tannhäuser, dont il nepourra cependant découvrir le prodigieux Prélude deTristan qu’en novembre 1874 chez Pasdeloup. Mais sonélève Duparc avait déjà composé en 1871 La Vague et lacloche sur un poème de Coppée, dont il confessera un peuplus tard les accents pour lui un peu trop wagnériens, etAugusta Holmès avait dès 1869 fait part de son enthou-siasme aux répétitions de L’Or du Rhin, à Munich !Wagner envisageait sérieusement la composition d’unevaste production christique qui ne verra finalement pas lejour. Mais, dans un esprit voisin, il laissa La Cène des apô-

86

Avant de recevoir tes recommandations j’avais particulière-ment pensé à faire très mélodique, j’espère y être parvenu :je crois que c’est bon et je me figure que cela ne ressembleà rien de ce que j’ai écrit.118 » Ayant repris la direction dela société chorale Burgault-Ducoudray à partir de 1874119,il eut l’occasion de redonner l’œuvre ainsi remaniée, maissans grand succès.

Et pourtant, quelle réussite que cette partition d’unerare hauteur de vue ! Le cor solo, poétique souvenird’Obéron, puis la clarinette nous ouvrent à une pénétran-te polyphonie en clair-obscur. Suit le Chœur terrestre,soutenu par une écriture brillante de l’orchestre, page par-ticulièrement efficace qui aurait pu trouver sa place dansquelque opéra de Gounod ou de Bizet. On peut être agacépar un emploi trop systématique des cymbales, mais c’estsans doute ce qu’il faut pour permettre au Chœur desanges de contraster ensuite. Et le cor puis la clarinetted’entrouvrir et de refermer les portes du Ciel avec cemotif caractéristique, parent de celui du Christ desBéatitudes...

L’Archange entre en scène, nimbé par les entrelacs descordes et des bois, et son chant introduit à la conclusionde cette première partie, confiée au chœur et à la voix del’Archange, qui déclame avec un lyrisme contenu,comme la Marguerite de Berlioz120 dont la Romances’oppose au Pandemonium ! Il va jusqu’à citer un frag-ment entier du célèbre duo de la Damnation. L’allusionpourrait bien ne pas être fortuite, l’amour humain commel’amour divin jouant un rôle rédempteur.

La partition de l’Interlude symphonique s’ouvre sur unmotif qui s’élève depuis le grave de l’orchestre, s’appa-rentant aux premières mesures du Requiem de RobertSchumann :

119 Elle porterad’ailleurs lenom de CésarFranck.

120 Romancede Margueritedans laDamnation deFaust. Il n’estpas interdit d’yvoir une allu-sion directe.

118 Ouvragecité p. 92.

Page 5: CED - BLDD

89

ridiculiser ce bonhomme qui « sentait la sacristie à unelieue123 », et pourtant...

Clarté méditerranéenneLe Poème symphonique, aux côtés de cet essai incom-

pris, offrit à Franck l’occasion de respirer un air plus frais,et à Colonne celle de se rattraper un peu... Ce dernier diri-gea en effet le 13 mai 1877 pour la Société Nationale deMusique Les Eolides, d’après Leconte de Lisle. Francks’était inspiré de l’un de ses Poèmes antiques de 1851. « Brises flottantes, haleines du Printemps, fraîches mes-sagères qui répandent sur leur passage le repos de l’a-mour, la grâce et l’harmonie, les Eolides sont des créatu-res de rêve que des motifs mélodiques doucement animés,portés par une orchestration transparente, évoquent dansun Allegro vivo qui ne s’astreint à suivre pas à pas lepoème, mais en recrée merveilleusement le climat lumi-neux et lyrique124» écrit Jean Roy.

Cette partition d’une clarté méditerranéenne avait étécommencée à Azilles, dans l’Aude, où Franck s’était trou-vé en résidence d’été chez son ami et élève AugusteSanches en 1875. A Valence, rapporte Léon Vallas125,l’auteur saisi par le vent violent se serait exclamé : « mais ce sont les Eolides ! » et de composer cent-cin-quante mesures d’affilée... « J’ai été heureux ici. J’ai finimon morceau des Eolides ; je le crois tout à fait réussi126. »En fait, au-delà de ces circonstances particulières, commele souligne Jean Gallois127, cette œuvre s’inscrit dans unmouvement général en faveur du Poème symphoniqueillustré essentiellement jusqu’alors par Liszt, et depuispeu par ses plus fervents admirateurs, Saint-Saëns en pre-mier lieu, qui signa le Rouet d’Omphale, dédié à AugustaHolmès en 1871, puis Phaéton et la Danse macabre en1873 et 1874, qui tous sont des chefs-d’œuvre ! Duparcétait en train d’écrire Lénore d’après une ballade deBürger. C’était pour Franck l’occasion de montrer pour lapremière fois ses talents de pur symphoniste, dans uneœuvre opportunément débarrassée de considérations

88

tres, magnifique scène biblique pour chœur d’hommes etorchestre (1843), et Parsifal.

La troisième partie reproduit sans aucun doute tropfidèlement le plan de la première, en dépit de ses réellesbeautés. Cette symétrie n’évoque-t-elle pas celle, tropparfaite, des tours de Sainte-Clotilde ? C’est une constan-te chez Franck que de s’en tenir trop rigoureusement à unprojet pré-établi et Debussy avait analysé cette attitudeavec bienveillance dans son article du Gil Blas : « ChezCésar Franck, c’est une dévotion constante à la musique,et c’est à prendre ou à laisser ; nulle puissance au mondene pouvait lui commander d’interrompre une périodequ’il croit juste et nécessaire ; si longue soit-elle, il fauten passer par là. Ceci est bien la marque d’une rêveriedésintéressée qui s’interdit tout sanglot dont elle n’auraitpas éprouvé auparavant la véracité121. »

Ainsi Rédemption, en dépit des déboires qu’elle fit subirà son auteur et de sa relative faiblesse structurelle marqua-t-elle à plus d’un titre une étape majeure dans l’évolutionde Franck ; quelque chose de nouveau dans son langagemusical était apparu. On lui a opposé injustement l’œuvrehomonyme de Gounod, dont l’essence était pourtant telle-ment différente122, car avec ce singulier chef-d’œuvre,l’auteur de Ruth parvint à synthétiser un certain nombre deconcepts que les Six pièces pour orgue avaient commencéà illustrer. Partition bien orchestrée, sous-tendue par unepensée originale de la construction tonale, d’une rare fines-se psychologique, Rédemption mit en résonance desconvictions artistiques et spirituelles très personnelles. Sison échec dut lui coûter, il n’est pas anodin d’observer queFélicité ne voulut pas l’assumer et ne vint pas écouter sacréation. Aussi, la genèse de cette partition emblématiquemarque-t-elle certainement la naissance d’une forme d’au-tonomie chez son auteur, par rapport à son entourage, à sonenvironnement artistique et montre dans le même mouve-ment l’affirmation hors l’Église d’une foi simple et sansdétours, qui voit intérieurement la lumière triompher sur lesténèbres. D’aucuns ne se sont pas privés de la moquer et de

122 Saint-Saënsécrivit ouverte-ment que l’œu-vre de Gounodétait bienmeilleure. Ilaurait pu luiopposer plusjustementGallia, compo-sé dans lesmêmes circons-tances.

124 Voir le livretde présentationdu magnifiqueenregistrementErato consacréaux poèmessymphoniquesde Franck parle regrettéArmin Jordan à la tête del’orchestre

symphoniquede Bâle.125 LÉONVALLAS, ouvra-ge cité p. 196.

126 Lettre du 25 septembre à son filsGermain,Correspondan-ce, ouvrage citép. 102.127 JEANGALLOIS, CésarFranck, Seuil,Paris, 1966,p.103.

123 Le mêmeSAINT-SAËNSdans Les idéesde Monsieurd’Indy, ouvragecité. Mais onpeut compren-dre queRédemptionavait ses yeuxquelque chosed’impudiquedans la sincéri-té de son émo-tion spirituelle.

121 CLAUDEDEBUSSY,ouvrage cité p. 151.

Page 6: CED - BLDD

91

Chapitre VL’idylle du Trocadéro

Au rez-de-chaussée du 95 boulevard Saint-Michel, unnombre toujours plus important de nouveaux élèves vien-nent retrouver le maître. C’est par amitié pour l’un desmembres de la « Bande à Franck », Albert Cahen, qu’ilécrira le beau psaume 146, Yimlodk Adonaï, pour ténorsolo, violon, violoncelle, contrebasse, deux harpes etorgue probablement en 1875. Puis il se tournera vers lesmotets qu’il composa quelques années plus tôt pourSainte-Clotilde, et va réaliser une orchestration assez four-nie du Dextera Domini et du Quae est ista. Le premier estdédié au curé de la basilique, l’abbé Hamelin, celui-làmême qui dit un jour à son organiste : « MonsieurFranck, vous ne savez pas votre métier ! » et Franck derépondre, selon le témoignage de Théodore Dubois : « Monsieur le curé, je vous affirme que je sais mon métier ! »Mais, analysa Dubois, « il aimait les flonflons ; et donc,les flonflons, ce n’était pas du tout l’affaire de Franck.129 »A propos de flonflons, en 1875 le Tout-Paris était sur sontrente-et-un pour l’inauguration du Palais Garnier, oùfurent donnés les deux premiers actes de La Juived’Halévy et des scènes et morceaux célèbres deMeyerbeer, Auber, Rossini et Delibes, son successeur àSaint-Jean-Saint-François. En mars, Carmen allait êtremassacrée dans la presse et Bizet, défenseur affectueux del’art de César Franck, devait disparaître à peine trois moisplus tard. L’auteur de Rédemption rongeait son frein, pen-sant à un possible drame à venir, Hulda.

Pour l’heure, le musicien était plongé dans l’achève-ment de ses Béatitudes, au milieu de tant de tâches l’obli-

90

morales ou spirituelles ; ce fut un succès qui se répéta dès1879 à Bruxelles, puis encore une fois à la SociétéNationale en 1881.

C’est que, en ce domaine également, cette musiquecorrespond à quelque chose d’intime chez Franck (quiavait d’ailleurs marqué au crayon « Hymne de Vénus128 »,peut-être une évocation de l’éternel féminin, de la grâce,de la délicatesse, de la permanence d’un mouvement del’âme. Plus que le vent violent de Valence, c’est un senti-ment diffus, une vague irrésistible qui sont mis en œuvreici avec une élégance et un raffinement dans la construc-tion d’un discours pointilliste qui, avec la deuxième par-tie de Psyché (Psyché enlevée par les zéphyrs) annoncentclairement les ballets Jeux de Debussy et La Péri de PaulDukas. Ce sentiment allait s’exprimer bientôt d’unemanière moins pudique, comme l’autre versant d’unmême mystère.

129 THÉODOREDUBOIS, ouvra-ge cité p. 75.

128 JOËL-MARIEFAUQUET, ouvra-ge cité p. 512.Notonsqu’AlbéricMagnard, petit-fils spirituel deFranck écriraHymne àVénus, sublimepage d’orches-tre à l’aube dusiècle suivant !

Page 7: CED - BLDD

93

d’œuvre de Cavaillé-Coll. Pour le Trocadéro, il avait choi-si de jouer sa Grande pièce symphonique, avant de se lan-cer dans des improvisations sur le Désert de FélicienDavid, sur l’Enfance du Christ de Berlioz et l’Arlésiennede Bizet. Suivraient d’autres moments musicaux spontanéssur des thèmes populaires russes, suédois, hongrois etanglais. Mais l’essentiel de la séance était une œuvre ache-vée en septembre, l’été ayant été mis à contribution,comme toujours, pour élaborer une nouvelle partition. « Jereprendrai la vie que je mène habituellement pendant lesvacances, c’est-à-dire que je ferai alors de la musique pourmon compte, et j’espère particulièrement bien employermon temps cette année130 » écrivait-il le 2 août 1878 à sonfils Germain. Cette dernière partition était un triptyque ausouffle inédit. S’ouvrant par une Fantaisie-idylle en lamajeur, elle se poursuivait par un Cantabile en si majeurd’une délicieuse éloquence avant de se conclure par unePièce héroïque en si mineur, remplie d’une amertumerageuse qui pourrait bien se souvenir du conflit de 1870comme le suggère Antoine Reboulot : « Elle est tragico-héroïque. [...] Je ne peux pas croire qu’il n’y ait pas eu uneévocation de la guerre [franco-prussienne] dans cette pièce.Le coup de timbale du milieu par exemple, et l’atmosphè-re haletante131... » Tournemire y verra plutôt « une victoi-re remportée sur soi-même132 ». Les deux ne sont pasincompatibles.

Cela faisait plus d’une quinzaine d’années que Franck nes’était pas attelé à une nouvelle partition d’envergure pour cequi était devenu « son » instrument. Que de chemin par-couru en France depuis cette époque. Lefébure-Wély ayantdisparu de la terre des vivants, Widor, tout jeune hommenommé aux cinq claviers de Saint-Sulpice, avait eu le champlibre pour dédier à Cavaillé-Coll en 1870 quatre symphoniespour orgue d’un genre nouveau. C’étaient en fait des suitesexploitant, certainement mieux que Franck, les ressources deces instruments modernes, car Widor se montrera par ailleursun orchestrateur d’une très grande habileté. Pour leTrocadéro, ce dernier signera une nouvelle Symphonie en sol

92

geant à battre le pavé. Outre ses cours au Conservatoire,les offices qui l’occupaient le jeudi et le dimanche, ladirection de la Société chorale, les leçons privées quicommençaient parfois avant le lever du jour, la directionmusicale de plusieurs institutions privées venues rempla-cer dans son emploi du temps celle de Vaugirard, Franckallait accepter la fonction d’inspecteur des études musica-les à l’Institution Nationale des Jeunes Aveugles, vérita-ble « Conservatoire bis » qui vit s’épanouir tant de talents !

Une immense salle de concerts.Mais pour César, le grand événement de cette période

est le festival consacré à l’inauguration de l’orgue du Palaisdu Trocadéro flambant neuf, installé dans une immensesalle de concerts de quatre mille sept-cent places. Construitpar Cavaillé-Coll, il était doté d’une soufflerie hydraulique,concept nouveau, et doté de soixante-six jeux. Franck étaitconvié pour le treizième concert, à l’occasion del’Exposition Universelle, le 1er octobre 1878. Il était enfait habitué à ces évènements festifs, ayant collaboré auxgrands concerts donnés pour lancer les nouveaux instru-ments de Notre-Dame, de La Trinité, entre autres chefs-

La salle de concertdu Trocadero.

Photo DR.

131 JACQUESBOUCHER etODILE THIBAULT,Récit au grandorgue, entre-tiens avecAntoineReboulot,Editions de laTaille, Quebec,2006, p. 200.

132 CHARLESTOURNEMIRE,César Franck,LibraireDelagrave,Paris, 1931, p. 26.

130 Cité parMARIE-LOUISEJACQUET-LANGLAIS dansCésar Francket son temps,Revue belge demusicologie,Bruxelles,1991.

Page 8: CED - BLDD

95

moment le plus intense du développement, que l’auteurtrouve, presque fortuitement, le profil incandescent d’unmotif qui poursuivra son dessein personnel dans leQuintette en fa mineur à venir134 au moment où lamusique passe à quatre temps.

Alors surgit la tentative de fusion tant espérée de deuxthèmes opposés par leur mode et leur expression. Tousdeux passent en majeur, mais, bien plus, le second, à l’origine syncopé, rentre pour ainsi dire dans les appuisrythmiques du premier :

Enfin la musique s’éteint sur le thème maléfique, arri-vé dans le ton homonyme de la mineur.

Un jour nouveau se lève avec le Cantabile, plus brèvepièce de quatre-vingt-six mesures. Franck se réconcilieavec le ton de si, qu’il dut à regret abandonner dansRédemption. Ici, les personnages sont figurés par les tessi-tures : le pédalier assumant le rôle d’une basse particuliè-

94

mineur, qui figurera en sixième position dans l’ordre défini-tif de son catalogue. Cette œuvre désormais célèbre est unjoli coup de maître ! A la Trinité, Chauvet, dédicataire de laFantaisie en ut, s’était illustré comme un organiste de grandtalent, écrivant une musique d’une rare distinction. Emportédans la fleur de l’âge, sa tribune sera reprise par AlexandreGuilmant, l’auteur de la Messe op. 11, qui commençait à sefaire connaître par de belles sonates, dont la première étaitdédiée, comme les Trios de son aîné, au Roi des Belges,Leopold II cette fois... Un vent nouveau soufflait doncdepuis quelques années qui pouvait amener Franck à un cer-tain dépassement.

Naissance du triptyque Franck fait éclater le cadre des recueils de pièces en

élaborant une sorte de drame sans paroles en trois actes.Le plan tonal du triptyque confirme, plus habilement, lesidées mises en œuvre dans Rédemption : la majeur (etdonc le relatif fa # mineur) évoluant de manière imprévuevers la mineur – si majeur – si mineur puis si majeur.

Drame à trois, ces pièces dites du Trocadéro sont leplus souvent construites en trois parties. Observons l’ar-mure de la Fantaisie qui comporte trois dièses, sa mesureà trois temps, son groupe de trois thèmes133 dans le tonhomonyme de la, puis cette extraordinaire mélodie surpédale, qui, venant casser l’élan initial, s’inscrit dans destons situés à la tierce supérieure puis inférieure du tonprincipal (ut # mineur et fa # mineur).

A la recherche d’une impossible fusion amoureuse, lesthèmes de la Fantaisie se cherchent sans s’opposer, sépa-rés par de véritables larmes de silence. C’est alors, au

134 C’est JOËL-MARIE FAUQUETqui le premierfera cette observation(ouvrage cité).

133 On peutaussi, avecFrançoisSabatier, n’enconsidérer quedeux, les deuxpremiers étantde fait deuxétats d’unemême idée.

Page 9: CED - BLDD

97

coup dans son catalogue les Six pièces précédentes, ce quifut bien plus qu’un habile coup commercial ! Franck semontra un interprète peu aguerri de ces Pièces duTrocadéro si l’on en croit Widor, ne trouvant pas le tempsde travailler cette musique difficile dans un emploi dutemps surchargé. Guilmant en revanche en donna une ver-sion remarquable chez Cavaillé-Coll ; il eut, paraît-il,l’heur d’émouvoir profondément l’auteur136.

Certainement, cette partition inspirée dut être le fruitd’une émotion amoureuse marquante. Les hypothèses lesplus variées ont été échafaudées, évoquant par exemple unepossible liaison avec Augusta Holmès, filleule d’Alfred deVigny. Mais il est à vrai-dire impossible de déceler le moin-dre indice précis d’une vie sentimentale de Franck, carl’homme se montrait invariablement chaleureux avec sesélèves et amis. Ainsi, sa correspondance avec Lucile LeVerrier137 contient-elle de bien jolies formules comme : « mille choses bien, bien affectueuses, et en baisant bienbien fort les deux mains » ou plus haut « je veux absolu-ment espérer que je vous retrouverai fraîche et belle138 ».Rien de bien exceptionnel dans le contexte de l’époque, sice n’est un évident désir de communion avec un être cherqui peut éventuellement laisser supposer que cet homme àplus d’un titre blessé n’était pas hanté seulement par le pas-sage « de l’ombre à la lumière ».

André Suarès écrivit ceci : « l’Improvisateur suprê-me, qui est l’Amour, mène le mouvement universel. Lemusicien qui improvise entre dans ce rythme : il le tente,même quand il ne fait qu’un ou deux pas. L’âme de l’uni-vers n’est pas un mot pour le vrai musicien : elle est tou-jours là, en présence. Elle est son souffle139. »

Enfin, avec ce triptyque remarquable, Franck inaugu-rait une série d’œuvres en trois parties aux proportionsplus imposantes que la Fantaisie en ut et Prélude, Fugueet Variation, mais d’une ambition plus mesurée queRédemption, autre vaste forme en trois parties. Celle quiallait suivre immédiatement semble avec le recul l’abou-tissement logique de ce qui avait été élaboré au

96

rement mélodique cependant que la Trompette135 chantetour à tour au ténor et au soprano. L’aspect le plus remar-quable de ce moment de grâce est peut-être sa qualité dis-cursive. Ainsi la mélodie initiale est-elle sans arrêt inter-rompue par les appels lapidaires et pressants de la basse, àlaquelle d’ailleurs elle répond par le même incipit :

Puis ce triptyque magistral se conclut par la Piècehéroïque dont les premières mesures évoquent quelquePolonaise de Chopin. Mais le langage harmonique deFranck se précise encore dans ces pages fiévreuses. Ainsi,dans l’exposition une extraordinaire pédale de fa # lui per-met-elle la superposition de modes à-priori antinomiques :

Aucun espoir de fusion cette fois, le second thème, ensi majeur se réservant seul la gloire dans une conclusionsolennelle. L’œuvre appelle sans doute l’orchestre et béné-ficia d’ailleurs d’un arrangement posthume remarquablequi fut enregistré sous la direction de Pierre Monteux. CesTrois pièces furent publiées en 1884 par son rival de Saint-Roch, Durand, devenu un éditeur réputé. Il reprit du même

136 On en trou-ve mentiondans la préfacede l’édition despièces deFranck parMARCEL DUPRÉ(EditionsBornemann).

137 Elève deFranck et filledu célèbreastronome quidécouvrit la pla-nète Neptune.138 CÉSARFRANCK, Corres-pondance,ouvrage cité p. 82 et 83.

139 ANDRÉSUARÈS,Musique etpoésie, EditionsClaude Aveline,Paris, 1928, p. 29.

135 ANDRÉMARCHALévoque un jeude Clarinette.(Ouvrage cité).

Page 10: CED - BLDD

99

mettait pas ce climat quelque peu « expressionniste », quequelques années plus tôt pourtant, un « classique » desromantiques allemands, Johannes Brahms avait mis enœuvre dans un quintette du même ton, au propre commeau figuré... La partition de Franck, qui sonne comme unorchestre somptueux, était dédiée à Saint-Saëns qui enassura la première audition, aux côtés de Marsick, Rémy,Van Waefelghem et Loys. Son confrère ne prit pas lapeine d’emporter l’exemplaire manuscrit qui lui était des-tiné pour des raisons peut-être personnelles ou artistiques,nous laissant en proie une fois de plus aux conjectures.

Ce qui est certain, c’est qu’au-delà de l’intense lyris-me de son expression, le Quintette en fa mineur montreune souveraine maîtrise que peut-être le dédicataire n’a-vait pas envisagée jusque-là. Il n’est que d’observer l’a-bondance mélodique qui fait se féconder les thèmes entreeux, comme dans les plus belles pages de Mozart ; la ful-gurante beauté harmonique qui les soutient fait chavirer latonalité même du second thème142 à la tierce inférieure, « relation la plus éloignée, [...] totalement chromatique etsans aucune note commune » comme le souligne très jus-tement Jean-Pierre Bartoli143. C’est le thème cyclique,dont le souffle de vie unira les trois parties :

Remarquable également, l’art souverain de la construc-tion tonale, que lui reprochera curieusement d’Indyquelque temps plus tard. Ainsi dans le finale : fa mineur, simineur, fa # mineur, fa majeur ; encore l’exemple patentd’un ethos des tonalités. Comment ne pas être saisi enfinpar l’écriture épanouie du piano, instrument que Franckn’avait pas sollicité depuis sa jeunesse. Le Quintettemarque d’ailleurs un nouveau départ en ce domaine !

98

Trocadéro. Car le Quintette marquait une étape supplé-mentaire dans l’expression de ce que Debussy appelait la« chair nue de l’émotion. »

Le surgissement d’une musique inconnue.Car voici que le modeste professeur d’orgue du

Conservatoire, abonné à ses matinées de cours, à sesimperturbables leçons particulières, ses offices intermina-bles de Sainte-Clotilde, cette « ridicule » figure sau-tillante de notable provincial à la voix grave et appuyée,flanqué de son chapeau-claque et de ses éternels favorisen côtelettes140 allait bousculer le monde musical fran-çais avec la première de son brûlant Quintette en famineur. C’est encore un drame à trois qui se noue ici :trois mouvements, mesures souvent ternaires (ou à ¾),relation à la tierce majeure entre les trois mouvements.Mais le cadre de la musique de chambre, la riche palettedes instruments à cordes et du piano, permirent de touteévidence une expression plus intense et plus souple deson monde intérieur.

« Cet ouvrage, dont l’ardeur passionnée, inquiète, révè-le mieux que tout autre peut-être, les mouvements d’âmede César Franck, est aussi celui qui réalise le plus complè-tement les synthèses sonores que, sans effort, le maîtreconcevait. Mais ce qui prime, en une telle œuvre, c’estbeaucoup moins la construction, si parfaite qu’elle soit, quele souffle tragique qui la vivifie. Si le mot « inspiration »prend, par quelques ouvrages, un sens concret, le Quintetteen fa mineur est un des témoignages qu’on en puisse évo-quer. Certains esprits, il est vrai, estiment que cettemusique va trop loin, avec trop d’insistance, dans l’expres-sion de l’anxiété, et que la mansuétude attribuée au « pèreFranck » reçoit dans cette œuvre un démenti flagrant.L’ébranlement que causa aux auditeurs la première exécu-tion du Quintette le 17 janvier 1880, à la Société Nationale,s’impose encore aux auditeurs aujourd’hui141. »

Curieusement, parmi ces esprits réprobateurs figuraitLiszt, pour qui le genre de la musique de chambre ne per-

141 MAURICEEMMANUEL,ouvrage cité p. 84.

142 Issu commeon l’a vu plushaut du déve-loppement dela Fantaisie enla.

143 JEAN-PIERREBARTOLI,L’harmonieclassique etromantique,Minerve, Paris,2001, p. 126..

140 C’est enrésumé le por-trait physiquequ’en bros-saient la plupartde ses contem-porains !

Page 11: CED - BLDD

101

mes, entendons qu’il la garnit de quelques modes anciens,comme le mode de mi, pour écrire cette jolie musique,dont le Chœur des chameliers est un des plus délicieuxmoments. Truffé de sympathiques archaïsmes, commeune jolie allusion au mode de fa que Berlioz utilisa jadisdans sa Chanson du roi de Thulé, ce morceau aime aussitaquiner volontairement les quintes parallèles :

100

Le moteur dramatique de cette partition se rattache enfait assez clairement à la dualité que l’auteur mit en œuvresimultanément dans les Béatitudes et qu’il illustra dansRédemption. « Lever les yeux au ciel de l’âme » selon lemot de Goethe, s’arracher au poids du destin, de la condi-tion humaine, que ce soit par l’amour humain ou par lagrâce divine, est au fond la dialectique souveraine de cespages enfiévrées qui opposent par blocs entiers l’écrituredu piano à celle des cordes, le désir d’élévation du thèmecyclique à l’écrasante descente du motif initial. Cetteopposition frontale et douloureuse, il est intéressant de lesouligner, est celle de la Quatrième symphonie en famineur de Tchaïkovski, ouvrage cyclique à programmecomposé l’année précédente, dont les combinaisons thé-matiques complexes évoquent de près l’art de CésarFranck. Elle sera créée en France par Colonne quelquesjours plus tard. Mais il n’est pas anodin d’observer queplusieurs des œuvres de Tchaïkovski avaient été donnéesen septembre 1878 aux concerts russes de l’ExpositionUniverselle, comme le célèbre Premier concerto pourpiano, au moment-même où Franck, préparant sonconcert du premier octobre, envisageait déjà sonQuintette en fa mineur ! Il y avait de plus dans cetteSymphonie en fa mineur un extraordinaire Scherzo dont leFrançais se souviendra dix ans plus tard dans sonQuatuor...

Rébecca et HuldaEt Franck de renouer avec ses amours en 1880. Un

« heureux événement », la naissance d’un petit-enfant,motiva l’auteur pour un dessein plus modeste, une scènebiblique pour soli, chœurs et orchestre, Rebecca, sur untexte de Paul Collin, qui nous fait irrésistiblement penserà Ruth ! Facile à monter, l’œuvre ne requiert que deuxsolistes, une soprano et un baryton, un chœur et unorchestre relativement réduit avec les bois par deux. AMarnes-la-Coquette où il se repose chez Duparc fin sep-tembre 1880, il « garnit sa palette » selon ses propres ter-

Hulda , couverture originale.

Coll. Part. - Photo DR.

Page 12: CED - BLDD

103

forme entièrement remaniée qu’à titre posthume en 1894au théâtre de Monte-Carlo, grâce à la persévérance de sonfils Georges. Bien reçue par le public qui trouva lamusique d’une évidente beauté, cette partition ambitieuseétait conçue pour un grand orchestre moderne compre-nant même quatre saxophones dans le chœur des pêcheursde l’acte I et une clarinette basse. Dans une certaine mou-vance wagnérienne une fois encore, Franck a eu recours àla technique du Leitmotiv et à une conception sympho-nique de l’opéra, avec l’insertion de la voix dans la tramed’un discours qui par ses seules vertus musicales, pourraitbien se passer de paroles. A cet égard, la partition regorgede détails magnifiques, comme le début du deuxième actequi présente d’abord un subtil balancement harmoniquesur une calme figure obstinée :

Ce court prélude introduit un chœur féminin qui sedéveloppe sur cet ostinato, figurant des jeunes fillesassemblant des fourrures. Belle trouvaille dans l’esprit dela Marguerite au rouet de Schubert. Au-delà, la déclama-tion chantée du rôle d’Hulda force le respect, en ce qu’el-le s’inscrit dans une tradition retrouvée du beau récit fran-çais ; l’on ne peut que déplorer, une fois de plus, la fai-blesse du livret de Grandmougin, poète qui en 1878 eut lebonheur d’inspirer Fauré146. Comme son cadet qui luidédiera en 1865 le Cantique de Jean Racine, Franckaurait pu travailler avec bonheur les vers d’un tragédienclassique, ce qu’il fera trop tard et trop peu au soir de savie avec l’Hymne pour chœur d’hommes, d’après le tra-

102

Si l’accueil fait à cette ravissante musique « d’une sua-vité mélancolique144 », donnée par le chœur (qui portaitdésormais le nom de César Franck) sous la direction deGuillot de Saint-Bris fut assez chaleureux, le destin neménagea pas l’auteur, et nous le voyons à la mêmeépoque échouer dans ses tentatives, pourtant bien légiti-mes, d’enseigner officiellement la composition auConservatoire. C’est que Franck n’avait pas encore eu lebonheur d’être représenté sur une scène lyrique. Il consa-cra donc une part importante de son temps, une fois lesBéatitudes achevées, à l’écriture de Hulda, drame san-glant en quatre actes et un épilogue d’après une légendescandinave. Hulda prend naturellement sa place aux côtésd’œuvres inspirées à la suite de Wagner par des sujets his-torico-légendaires. On peut citer dans la même décennieGwendoline de Chabrier en 1886, Le Roi d’Ys d’EdouardLalo en 1888, Fervaal de Vincent d’Indy en 1889-95. Cedernier mettait en œuvre Le chant de la cloche aumoment-même où Franck travaillait sur son opéra. Pourcomprendre ce centre d’intérêt nouveau, souvenons-nousde la réponse faite par Wagner au critique d’art Louis deFourcaud lui demandant de quels éléments de réforme ilferait usage s’il était compositeur français. Wagnerrecommanda le choix d’un « sujet vraiment légendaire :récits français, poèmes du Moyen-âge, chansons de ges-tes, romans de chevalerie, [...] tout un folklore, riche tré-sor national, est à votre disposition. Comme personnages,des types nationaux : les Roland, les Arthus, les cheva-liers de la Table Ronde... ces héros, incarnations admira-bles du droit, de la justice, de la loyauté, de la charité, ilsont éminemment la taille épique et lyrique145. » Certes,tous les auteurs de cette époque ne se rangèrent pas der-rière Wagner, mais le choix d’un sujet médiéval, histori-co-légendaire, fût-il scandinave, s’inscrivait bien danscette nouvelle mouvance.

Si le premier acte était déjà achevé à l’époque deRebecca, la suite fut plus longue à mettre en œuvre et leprojet traîna jusqu’en 1885, pour n’être donné sous une

145 Le Gauloisdu 5 janvier1880, cité parJEAN etFRANCINEMAILLARD,Vincent d’Indy,Editions Aug.Zurfluh, Bourg-la-Reine 1994,p. 62.

144 LOUIS LALOYau sujet d’unemise en scènede Rébecca enmai 1918.

146 Poèmes d’unjour, op. 21.

Page 13: CED - BLDD

105

tique est inspirée par l’évocation d’un seigneur impie quise retrouva au moment de l’office dominical entouréd’une foule de démons au cœur de la forêt. Cette partitiond’une redoutable efficacité dramatique, à l’orchestrationbrillante et cuivrée, se souvient évidemment des plus bel-les pages du Freischütz de Weber.

Mais la grande affaire de Franck depuis 1869, dontl’insuccès devait bien davantage le meurtrir parce qu’il letenait pour son chef-d’œuvre était l’oratorio LesBéatitudes !

104

gédien français : un authentique chef d’œuvre ! Franck eut l’ingénieuse idée de séparer le Ballet de

l’Hiver et du Printemps, habile partition en cinq partiesqu’il avait dansé en costume léger avec Madame aupiano, au 95 Boulevard Saint-Michel. Encouragé par lesuccès mérité de la Korrigane, agréable ballet de Charles-Marie Widor, l’auteur de Hulda avait sans doute estiméqu’il pouvait trouver une petite place dans ce domaine unpeu moins convoité... La partition fut effectivement don-née avec bonheur soit dans sa version à quatre mains en1884, soit un an plus tard, à Anvers, accompagnée d’uneMarche extraite du même opéra. Ce ballet est une trèsbelle réussite, et la Danse des elfes qui constitue sa troi-sième partie est un véritable scherzo lunaire, où Franckretrouve ses tonalités favorites. En fait, il a toujoursexcellé et excellera encore dans le domaine du scherzo,un peu comme Mendelssohn, qui partage cette facilité àévoquer la nuit glissante et furtive :

Beau moment de poésie musicale !C’est donc sans doute à tort que l’on a longtemps

méprisé une partition qui occupa six étés que Franckpassa à Quincy, dans le Sud-Est parisien. Mais Franck, ilest vrai, s’était attelé parallèlement à d’autres tâches,comme l’écriture du Chasseur maudit, poème sympho-nique d’après une ballade de Bürger147. Cette œuvremagnifique de 1881-82 dont une version alternative pourpiano à quatre mains porte le nom de La Chasse fantas-

147 Suivant encela l’exemplede Duparc.

Page 14: CED - BLDD

174 175

HarmoniumPièces pour harmonium (L’Organiste) 113399-114400

OrgueAndantino en sol mineur . . . . . . . . . . . . .5555-5566Offertoire en sol mineur . . . . . . . . . . . . . . . . .56Pièce en mi bémol . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .40Pièce en la majeur . . . . . . . . . . . . . . .5522-5533, 69Six pièces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6633-7744, 88Fantaisie en ut . . . . . . . . . . . . . . .55, 6655-6666, 97Grande pièce symphonique 14, 22, 6699-7711, 93, 122 Prélude, Fugue et Variation . . . . . . . .6666-6677, 97Pastorale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6677-6699Prière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6644-6655, 141Final . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7711-7722, 82Trois pièces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .9922-9988, 140Fantaisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .93, 9944-9955Cantabile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .93, 9955-9966Pièce héroïque . . . . . . . . . . . . . . .56, 93, 9966-9988Trois Chorals . . . . . . . . . . . . . . . . .68, 113399-1144441er choral . . . . . . . . . . . .37,130, 140, 114411-1144222ème choral . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .114422-1144333ème choral . . . . . . . . . . . . . . . . . . .83,114433-114444

Musique de chambreAndantino serioso (violon et piano) . . . . . . .28Solo pour piano avec accompagnement de

quintette . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .28Grand Trio en ut mineur (de 1834) . . . . . . . .20Trois Trios concertants . . . .1188-2244, 28, 29, 31, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .39, 56, 94

Premier Trio . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19-22, 118Deuxième Trio . . . . . . . . . . .14, 20, 23, 79, 80Troisième Trio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .23-24Quatrième Trio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .24

Quatuor à cordes . . . . . . . . .22, 113355-113366, 143Quintette pour piano et cordes . . .95, 9988-110000, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .114, 126, 127Sonate pour piano et violon . .71, 77, 113311-113344

OrchestreSymphonie de jeunesse (probablement

disparue) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15

Ce qu’on entend sur la montagne . . . . .37, 56Chasseur maudit (le) . . . . . . . . . . . . . .104, 117Eolides (les) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .89, 117Psyché . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .90, 111188-112200Symphonie en ré mineur . . . . . . .32, 112211-112266

ArrangementsPréludes et prières d’Alkan arrangées pourorgue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .134

Piano et orchestreSecond grand concerto en si mineur . . .13, 56

Les Djinns . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .117,129Variations symphoniques . . . . . .127, 112299-113300

MélodiesA cette terre où l’on ploie sa tente . . . . . . . .45Ange et l’enfant (l’) . . . . . . . . . . . . . . . . .36, 45Cloches du soir (les) . . . . . . . . . . . . . .130, 131Émir de Bengador (l’) . . . . . . . . . . . . . . . . . . .45Procession (la) . . . . . . . . . . . . . . . . . . .130, 131Robin Gray . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .45Souvenance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .45Sylphe (le) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .45

ChœursHymne pour chœur d’hommes .103, 130, 131

Cantates, OratoriosCantate Notre-Dame des orages . . . . . . . . . .14

Béatitudes (les) . . .22, 38, 46, 61, 74, 81, 84, . . . . . . 86, 91, 102, 105, 110077-111155, 117, 142

Paris, ode . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .77Rebecca . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .30, 110000-110022Rédemption . . . . . .62, 74, 80, 8833-8899, 94, 95, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .97, 108, 117,Ruth, églogue biblique .3300-3366, 38,39, 56, 80, 88, Sept paroles du Christ sur la Croix . . . . . . . .60Yimlodk Adonaï (Psaume 146) . . . . . . . . . . .91

Messes, motets, cantiques, harmonisations diversesAve Maria pour soprano, orgue, violoncelle etcontrebasse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .39Commun de la Messe et de l’Hymnaire . . . .55Messe pour voix de basse et orgue . . . . . . .60Messe à trois voix et orchestre . . . . . . . . . . .62Panis angelicus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .62Trois Offertoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .61Qua est ista . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .61, 91Domine non secundum . . . . . . . . . . . . . . . . .61Dextera Domini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .61, 91Ô vous qu’elle a pris pour modèle . . . . . . . .42Psaume CL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .134

OpérasStradella . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .14, 55

Ghiselle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .135Hulda . . . . . . . . . . . . . . . . . . .91, 110000-110055, 135Ballet de l’Hiver et du Printemps . . . . . . . .104Valet de ferme (le) . . . . . . . . . . . . . . . . . .49, 56

Table des matières

Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .4

I. César-Auguste Franck de Liège . . . . . . . . . . . . . . . . .8

II. Vivre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .26

III. Tribunes et chimères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .48

IV. Après la guerre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .77

V. L’idylle du Trocadéro . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .91

VI. Hymne à la justice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .106

VII. Du poème à la symphonie . . . . . . . . . . . . . . . . . .116

VIII. De la main du pianiste aux archets . . . . . . . . . .127

IX. Le chant du cygne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .138

X. Splendeurs et misères de la postérité . . . . . . . . . . .146

Tableau synoptique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .160

Composition des orgues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .166

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .168

Discographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .168

Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .171