84
Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir nager avec les dauphins tout en ne quittant pas sa baignoire est la pire vie qu’il peut arriver à l’être humain.

C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

Odyssée d'un turfiste ordinaire

C'est ici que tout a commencé...

Vouloir nager avec les dauphins tout en ne quittant pas sa

baignoire est la pire vie qu’il peut arriver à l’être humain.

Page 2: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

2

Préface

17H40 : un soir de réveillon de Noël sur l’hippodrome de

Vincennes côté pelouse…

Quelques habitués par – 3 degrés essaient de se réchauffer en

brûlant dans le brasero qui sert de chauffage l’hiver, les “Paris

-Turf ” abandonnés par les frileux ! Un corbeau perché sur les

barrières enneigées, croasse en attendant la fin de la réunion

afin de pouvoir récupérer les cacahuètes que nous avons fait

tomber de nos mains gelées.

En cette veille de Noël va se disputer la dernière et ultime

course de la journée sur l'hippodrome de Vincennes. Les espèces

de pendules aux aiguilles jaunes nous indiquent les cotes.

Certaines nous font rêver à une possibilité de se refaire,

d'autres moins...

Pierre- Désiré Allaire, un des cracks de la profession, au sulky

d'un de ses pensionnaires passe devant nous dans le tournant dit

de la "cuvette'.

- Monsieur Allaire, vous avez une chance ? (il y avait 2/1)

Réponse de l'intéressé : non, allez jouer le 'Baudron' les mômes,

il va gagner !

Résultats des courses : 1er le 'Baudron'. Disqualifié le 'Allaire'

Les huîtres et la bûche était assurées...

A ma mère...

Page 3: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

3

1- Taupin

Comme toutes passions qui durent dans le temps, il faut vraiment

avoir été frappé par la pierre de foudre pour rester fidèle toute sa

vie aux courses de chevaux. Comment cet amour, cette folie des

courtines m’a rendu addict ?

Au départ, uniquement pour l’admiration de ces sublimes animaux

que sont les chevaux, puis ensuite par esprit de compétition

J'ai eu mon premier flash chevalin à l'âge de 6 ans. Ayant perdu

mon père à 4 ans je vivais à la campagne chez mes grands-parents.

À l’âge où certains de la plus-part de ses congénères passaient une

retraite paisible à la pêche ou à discuter de politique devant un

verre de rouge, mon grand-père travaillait encore.

Bien que retraité des chemins de fer Français, en ces temps-là,

joindre les deux bouts n’est pas une sinécure. L’époque était

difficile. De plus avoir un môme quasiment à charge, n’était pas là

pour aider mes grands-parents à profiter d’une vraie retraite si

méritée.

Tout cela pour vous dire que mon grand-père améliorait l’ordinaire

en travaillant pour un agriculteur, Monsieur Dupuis. C'était plus un

ami qu'un patron. D'ailleurs sa fille est devenue quelques mois plus

tard ma Marraine de baptême.

Lorsque Monsieur Dupuis s’absentait, mon papy venait nourrir le

Percheron de la ferme. Un énorme cheval de labour nommé Taupin

m’occasionnait quelques peurs bleues à chaque visite. Rien que de

l’apercevoir à l’entrée de son écurie, je me sentais vraiment tout

petit. Pas question que l’animal me marche sur les pieds ou me morde.

La méfiance était de rigueur.

Bien que tremblant quelque-peu, je m’armais de courage. Devant mon

héros qu’était mon papy, il était hors de question de passer pour une

Page 4: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

4

poule mouillée. En ces temps-là, on disait : ” tu n’es pas une gonzesse

pour avoir peur”. Avec les théories personnelles de mon Grand-Père,

si tu étais né de sexe masculin, pas question de jouer à la poupée, ni

de pleurnicher. Il est certain que maintenant il serait montré du

doigt par les "politiquement corrects". Très timide devant le

Percheron, mais me voulant homme, je m’avançais parfois jusqu’à lui

tentant une rapide caresse sur son poitrail. Puis, ma bonne action du

jour exécutée, je m'éclipsais discrètement vers des horizons qui me

semblaient bien moins dangereux. Les cages des lapins me

semblaient bien plus sécurisantes ainsi que le poulailler. Bien que

parfois le coq me faisait comprendre que c'était ses poules. Je

craignais moins le coup de bec que le coup de sabot.

Malgré mes craintes, justifiées par la taille de Taupin, la nuit je

rêvais que mon grand-père me hissait sur son dos. Ce Taupin fut

certainement le déclencheur de ma foi, de cette fascination que me

procure la présence d'un cheval. Bien que depuis tout ce temps, de

l’eau a coulé sous les ponts de Paris et d'ailleurs sous tous les ponts

du monde, je n’ai jamais oublié le nom de ce gros Percheron : Taupin.

Une sorte de premier amour d’adolescent s’est installé dans mon

cœur, dans ma tête, dans mon sang, dans mes tripes comme une

drogue forte, jouissive.

Page 5: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

5

2- Retour à Paris

Après avoir perdu ma grand-mère à l'âge de huit ans, mon grand-

père ne pouvant me garder seul, j'ai subi un séjour dans un

pensionnat dirigé par une directrice qui ne laissait rien passer au

nom de Dieu. Après trois ans passés à être surveillé jour et nuit afin

de savoir si je tenais bien compte des recommandations afin de

devenir un bon Chrétien, j’ai enfin retrouvé ma mère et la ville de

ma naissance, Paris. Mon Grand-Père a rejoint quelques mois plus

tard ma Grand-Mère et me laisse seul avec ma Mère. Il restait plus

grand monde pour me faire connaitre la vie. Un oncle et un cousin

dont je ne veux même pas les calculer comme disent les jeunes de

maintenant. Ces deux-là m'ont démontré qu'il valait parfois mieux

faire confiance aux étrangers qu'à sa famille. Je préfère passer sur

le sujet.

Étant redevenu Parisien, j’ai ainsi perdu quasiment tout contact

avec les équidés. J'avais quand même la chance de rencontrer un

des derniers livreurs de charbons et blocs de glace. Attelé à une

charrette, un cheval m’apparaissait alors comme le fantôme de

Taupin. Je me plantais devant lui yeux dans les yeux tout en lui

parlant. Son maître voyant que mes mirettes pétillaient devant

l’animal m’autorisait à lui procurer une marque d’affection.

Tout fier devant mes copains de la rue, je m’enhardissais à

embrasser l'un des derniers chevaux de la capitale. Les mômes en

avaient peur…pas moi. J’étais habitué à en voir ! Puis, en peu de

temps, les rares livreurs qui utilisaient les chevaux pour les

livraisons ont disparu aussi vite que les sous d’un ouvrier en

deuxième partie de mois. Ne plus pouvoir faire admirer ma

hardiesse auprès des chevaux était un manque évident. Puisque je

ne pouvais plus apercevoir ni caresser les chevaux en réel alors j'ai

compensé par le cinéma. Les westerns m’aidaient à équilibrer mon

Page 6: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

6

manque. Les chevaux Indiens pommelés lorsqu'ils étaient “touchés”

par des tirs perdus de Cow-boys m'attristaient. Les flèches de ces

Indiens qui atteignaient les chevaux de l'armée nordiste, me

faisaient haïr ces sauvages... Je savais que ce n'était que du cinoche,

mais mon imaginaire refusait cette injustice. Plus tard, j'ai compris

que les sauvages n'étaient pas ceux que je pensais. A cette époque,

à part l'excellent film : le soldat bleu, les metteurs en scène

Américains montraient les Indiens comme des salopards alors que

tout simplement, ceux-ci défendaient leurs terres volées... Cela

démontre que l'on peut envahir le cerveau d'un gamin facilement,

enfin...

Que la vie doit être triste pour celui qui n’a jamais passé sa main sur

le chanfrein d’un cheval. La douceur et la force que dégagent les

tissus de sa peau me redonnent joie de vivre. Quelle plus belle

musique que le rythme régulier du bruit des sabots sur les pavés

peut sortir d’une portée d’un musicien ? Aucune. Je comprends que

jeune adolescent, Léo Ferré fut marqué à vie après avoir vu dans les

rues de Monaco, un cheval tombé à terre de fatigue et qui a fini sa

vie sur le bitume. Toute son existence, le poète échevelé n'a cessé

de penser à cet équidé.

Page 7: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

7

3 - Le Jardin des Tuileries

Après une lente adaptation citadine est arrivé lors d’une balade

avec ma mère à travers la capitale, le positif...

Figurez-vous que le jardin des Tuileries servait de théâtre aux

promenades pour les gamins à dos d’ânes ou de mulets. Sauvé le

môme. Ma drogue était là, bien présente dans cet endroit peu loin

de chez moi. Mais malgré la révolution, le pauvre devait payer pour

avoir le droit de chevaucher un équidé dans les allées du jardin des

tuileries. On se demande bien à quoi cela a bien pu servir de tout

Page 8: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

8

mettre à feu et à sang…

N’étant pas né dans la culotte d’un Prince, il était quasi impossible

pour moi de remplacer le mandat de Louis XVI. Aurais-je perdu à

mon tour la tête ?

Puisque je ne pouvais payer monnaie trébuchante mes chevauchées

dans le jardin des Tuileries, fallait trouver rapidement une solution.

La pauvreté est souvent bonne inspiratrice.

Onze heures du matin, ce jour-là la roue tourne enfin dans mon sens.

Un nuage de poussière au loin indiquait non pas une attaque de sioux,

mais l’arrivée de la cavalerie composée d'ânes et mulets du jardin

des Tuileries. Les écuries où les ânes vivaient et récupéraient de

leurs dures journées de labeur se trouvaient non loin de la Tour

Eiffel, dans le XV arrondissement ! Le patron me voyait souvent

passer de longs moments assis sur un banc à admirer ses équidés.

Ce matin-là fut mon jour de chance. Le patron s’adresse à moi !

- Tu as l’air de t’ennuyer toi, tu aimes les ânes ?

- Ho oui beaucoup Monsieur.

- Tu habites loin d'ici ?

- Non Monsieur, dans les Halles.

- Si tu veux j’ai besoin d’un gars comme toi qui n’a pas peur de mes

mulets.

- Non, je n’ai pas peur, mon grand-père avait un cheval (bah pardi)

- Si tu veux accompagner les petits enfants lors de la balade en les

soutenant afin qu'ils ne glissent pas de la selle, je t'embauche.

Parfois tu peux te faire quelques pourboires.

- Tu peux venir quand ?

- Je peux venir le jeudi et samedi.

Page 9: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

9

- C'est excellent alors, vient quand tu veux.

- Merci, je vais en parler à ma mère.

Du haut de mes 11 ans accompagné de ma mère, voilà comment j’ai

gagné un peu de sous avec les (rares) pourboires versés par les

parents de gosses riches…les jours où il n’y avait pas d’école. En ces

temps-là savoir se débrouiller était essentiel pour se substanter.

J'avais trouvé le bon deal. Gagner des piécettes en vivant quelques

heures auprès de mes chouchous. Et puis, j’avais le droit de faire

deux ou trois-aller-retour sur mon mulet préféré lorsque c’était un

peu calme. Quelques mois plus tard, j'ai cessé ce premier job qui

m'avait mis le...pied à l'étrier dans le monde du travail.

Page 10: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

10

4- Vives les dimanches

Dès les premières pâquerettes sorties de terre, nos dimanches et

jours fériés étaient réservés à une seule destination : le bois de

Boulogne. Ma Mère préparait le pique- nique, dont elle seule

possédait le secret. Un déjeuner sur l’herbe digne d'inspirer un

peintre devant son chevalet (sans nudité)

Ballon à la main, j’étais aussi attiré par le football,

direction la station Réaumur- Sébastopol puis après un

changement à Odéon, nous voici arrivés sur notre lieu

de résidence dominical : Porte d’Auteuil. Quelques

marches à monter et au bout : le grand air. Les arbres

bourgeonnant, les orties à éviter, les haies qui

sortaient de leurs zones de droit autorisés par les

jardiniers nous faisaient vite oublier l’odeur si spéciale

des couloirs du métro. Cette odeur chaude et un peu

âcre que l'on trouve nulle part ailleurs et qui parfume

le nez des parisiens. Impossible d'oublier même après

quelques années passées loin de la Capitale cette

flagrance qui finit presque par manquer.

Trouver un endroit calme était une chose primordiale. Une fois

installée comme une Reine avec son petit Prince, ma mère sortait

les victuailles. Une sorte de brunch à la Française, bien avant que

cela devienne une mode pour bobos. Saucisson à l'ail et sec en

tranches, poulet rôti, chips, un fruit et parfois en début de

mois…une bonne religieuse au chocolat.

Les dimanches après-midi passaient vite. Je tapais dans mon ballon

me prenant pour Raymond Kopa, puis, j’allais admirer un peu plus loin

les poneys et ânes qui baladaient sur leur dos des "nantis".

Décidément j’étais poursuivi ! Ce cérémonial du pique-nique

dominical était telle une grand-messe. Cela nous procréait une paix

Page 11: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

11

intérieure, une sorte d’ashram.

Maman lisait des journaux dits à scandales tels, Ici-Paris, France -

Dimanche, Détective où elle apprenait qui couchait avec qui. Elle

écoutait la musique sur ce petit transistor qu'elle avait eu tant de

mal à se payer. Une fois acheté dans le Monoprix au coin de la rue

Réaumur et du boulevard Sébastopol ma mère avait une taxe sur les

transistors à régler aux impôts. Pour ne pas être un peu plus pauvre,

j'avais décidé ma mère à écrive à Rennes afin de déclarer le

transistor hors service. Et cela a fonctionné. Et oui le régime de De

Gaulle c'était aussi cela.

Tous les dimanches, la Porte d’Auteuil nous offrait le plaisir d’être

heureux avec des moyens très simples. Mais cette nouvelle sortie

de station de métro va devenir la base, les fondations de ma passion,

de ma vie… les courses de chevaux !

Alors que le destin avait décidé un dimanche de nous mettre en

retard, notre arrivée au bois fut ce jour-là plus délicate que

d'habitude. Déjà lors de la correspondance à la station Odéon, bien

plus de monde dans la rame que d’habitude. Mais que se passe-t-il

donc aujourd’hui ? Au fur et à mesure que notre rame de métro se

rapprochait de la Porte d’Auteuil de plus en plus de gens

envahissaient notre wagon. Beaucoup de Messieurs avec casquettes

vissées sur la tête et une paire de jumelles à la main commençaient

à m’inquiéter. Certains balançaient du bout de leurs bras un journal

plié en rond. D’autres avaient l’air de se connaître. Ils parlaient fort

dans une langue dont certains mots étaient absents de mon jeune

vocabulaire.

Ce jour-là, peu de bruits m’ont senti si doux à entendre que ce

crissement habituel des roues de la rame à quelques encablures du

quai du terminus. D’habitude ce bruit d'aiguillages insupportable à

mes oreilles me transportait ce jour-là dans la symphonie du

bonheur. La Porte d’Auteuil venait à nous. D’ailleurs ce bruit de

ferraille assourdissant rendait les messieurs assez nerveux. La

pression montait. À peine le wagon immobilisé, une horde de quidams

Page 12: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

12

s’éjectent hors des portières afin de se jeter un défi : le premier

arrivé en haut des marches de la station a gagné.

Après avoir attendu sur le quai que les fous s’éloignent, tout en

tenant bien mon ballon d’une main et de l’autre celle de ma mère,

nous avons à notre tour gravi les escaliers. Une fois arrivés entiers

à l’air libre, revoilà une partie des ”martiens” que nous avions quitté

un laps de temps auparavant.

Cette fois-ci, nos ”sortis d’une autre planète” faisaient la queue

devant des grilles…

Mais que peut bien faire tout ce monde se demande ma mère ? Un

peu curieuse et serrant fort ma main, elle se rapproche des grilles

et comprend vite.

Sur un tableau posé devant des guichets était écrit :

Aujourd’hui Dimanche: courses à Auteuil à 14 heures

Une fois son heureuse curiosité satisfaite, nous quittons les lieux

au moment où un nouveau ‘ tsunami ‘ d’individus surgit de la bouche

du métro. Une sorte de deuxième vague encore plus grosse que celle

que nous avions subie quelques minutes avant. Quant à nous,

tranquilles et heureux de retrouver le silence et le chant des

oiseaux, nous nous rendons à notre pique-nique hebdomadaire.

Mais en chemin quelque-chose me tracassait. Que se passait-il donc

devant ces grilles ? Ma curiosité mise à rude épreuve ne peut tenir

bien longtemps.

- Maman, ils attendaient quoi les messieurs du métro ?

- Ce n’est rien, ce sont des gens qui vont voir le tiercé

- C’est quoi le tiercé ?

Page 13: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

13

- Ce sont des courses de chevaux, il faut trouver les trois premiers.

Quoi ça parle de chevaux et je ne suis pas au courant !

D’un seul coup les plus grandes phrases entendues de mon enfance

sonnent à mes oreilles :

– Ce soir au retour, on va regarder si de prochaines dates sont

programmées. Ça doit être beau de voir les courses de chevaux.

– On pourrait un jour s’y rendre, si le prix des entrées n’est pas

trop cher.

Toujours cette fichue question d’argent.

Cette résolution prise par ma mère sera tout simplement le jour où

ma passion a pris source, le jour où je suis entré en apostolat, une

seconde naissance.

Page 14: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

14

5 - Paraf : le cheval de ma (future) vie

Ayant bien pris soins de noter la date de la prochaine réunion sur

le champ de courses, ma mère me confirma au retour à la maison que

jeudi prochain nous irons voir les chevaux courir. On dit que Dieu à

crée le monde en sept jours. Pourquoi pas, puisque en 4 jours

seulement, j’ai bien créé le mien. Je n’ai jamais vu le temps passer

si lentement depuis ce mythique dimanche. Je comptais le nombre

de jours, puis d’heures, de minutes où j’allais enfin découvrir les

courses de chevaux.

Comme tout arrive un jour ou l’autre, ce mythique jeudi, jour de

repos pour les enfants me donne des fourmis dans les jambes. Une

impression de joie, de peur d'être déçu se mélangent dans ma tête

de môme, comme pour un premier rendez-vous galant...

Midi sonne à la pendule. Une légère collation avant de partir et

direction l’hippodrome d’Auteuil. Jamais le voyage entre notre

domicile et le bois de Boulogne ne m’est apparu aussi long.

Enfin arrive le haut des marches de la station. J’aperçois ces grilles

et guichets d’entrées que je rêve de franchir depuis quatre jours,

qui m’ont paru un siècle, une éternité.

Une fois les cinquante centimes payés par ma maman, nous

traversons des pistes afin de nous retrouver au beau milieu d’une

immense pelouse. De suite on se rend compte qu’il y a beaucoup

moins de monde que dimanche. Nous partons à la découverte de cet

endroit. Des guichets avec les mêmes messieurs à la casquette que

ceux qui m’inquiétaient quatre jours avant font la queue devant. Par

contre leurs journaux ne sont plus pliés, mais chiffonnés. Un guichet

vend le programme des courses. Une nouvelle fois une pièce de

cinquante centimes quitte le maigre porte-monnaie de ma mère.

Page 15: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

15

Après avoir errés tous deux quelque peu, nous découvrons un

endroit merveilleux. Un banc à côté d’une rivière face à un poteau

blanc avec un disque rouge. En face de nous se dressaient des

tribunes. La rivière était poissonneuse à souhait. Les joueurs

venaient offrir leur pain dur aux carpes.

– Maman, c’est quoi en face, tu crois que l’on peut y aller ?

– Cela doit être les tribunes pour les propriétaires, les riches...

A cet instant précis, si une tireuse de cartes m’avait fait les lignes

de la main et me prédire qu’un jour je serais 'en face'...

Enfin bref. Après avoir assisté à trois ou quatre épreuves, le Dieu

des courses m’est apparu. Après avoir vibré devant les cris des

hommes à casquette qui passaient leur temps à torturer un

malheureux journal, je m’enhardis…

– Maman tu crois que l’on a le droit de jouer

- Je ne sais pas. Certainement, mais je ne sais comment faut faire.

A peine fini sa phrase, qu’un de ces messieurs à casquette… passe

devant nous en nous fixant.

- Bonjour, Monsieur, c’est la première fois que l’on vient sur un

champ de courses, on fait comment pour jouer ?

Bien gentiment et fier de nous parler de sa culture hippique, ce

charmant homme nous explique où il faut aller pour jouer. Il appelait

ça : la baraque !

Beaucoup plus tard j'apprendrais que l'on appelle les hippodromes :

les Temples !

Le Temple de l'obstacle, le Temple du Trot. Bizarre ce langage ! En

moins de temps qu’il faut pour l’écrire, nous voilà repartis vers

l’endroit où nous sommes arrivés … Bien que quatre courses venaient

déjà de se dérouler, les longues files d’attente pouvaient faire

perdre patiente à un nouveau joueur.

Page 16: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

16

Ne sachant comment faire, ma mère eu l’excellente idée de

demander au parieur devant nous, comment faut-il pratiquer pour

jouer ?

- Vous voulez jouer quoi et combien ?

– Combien faut-il miser ?

- C’est 2 francs minimum. Vous annoncez le numéro que vous vous

voulez jouer au guichetier. Vous gardez le ticket et si votre cheval

est là, vous touchez de l’autre côté du guichet où vous avez parié.

- Merci Monsieur.

Et là, moment suprême de ma vie, ma mère me demande quel numéro

veux-tu jouer ?

Comme les fameux messieurs en casquette, je déplie mon

programme et je lui annonce le 8. Pourquoi le 8 ? Je suis né un 8, il

y a de fortes probabilités que ce soit pour cela. Mais en

réfléchissant bien, le Dieu des courses me voulant dans son équipe

à vie, il a dut me souffler le 8.

– Ma mère me dit : alors tu as choisi, on approche.

– Le 8, maman !

– Il s’appelle comment le cheval ?

– Paraf.

Notre guide juste devant nous annonce à haute voix, le 2, 20 francs

à cheval...

soit 40 francs...il doit être riche lui me dis-je !

Pas le temps de réfléchir à cette expression à cheval, car le

guichetier lance à ma mère d’un ton sec,

- Bonjour, je vous écoute.

Page 17: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

17

Mais comme une mère doit sentir mieux que quiconque les qualités

de son enfant, de suite sans réfléchir elle annonce à haute-voix

- Bonjour Monsieur, le 8 s’il vous plaît.

– 2 francs

- Merci, monsieur.

Puis d’un pas décidé, retour entre les deux rivières, celle des

tribunes et celle du huit. Bien en face du poteau afin de ne rien

rater du spectacle tout en serrant bien dans ma main le ticket, me

voici confiant.

Les chevaux sont sous les ordres lance le commentateur.

Après quelques secondes, une légère rumeur ainsi qu'une sonnerie

stridente se font entendre à nos oreilles. C’est parti, crie un joueur

à qui veut bien l’entendre. En effet, les chevaux passent devant nous

au bout de deux minutes. Pas de Paraf à l’horizon…Un peu inquiète

pour nos deux francs, ma mère demande : c’est l’arrivée ?

- Ah non la prochaine fois. Ils vont encore faire le grand tour et

sauter les obstacles en face.

D’une voix régulière et mécanique, le commentateur annonce la

position en course des chevaux.

Dans le tournant de Passy, Paraf se rapproche des premiers parait-

il. Enfin c’est ce que j’ai entendu. Au saut de la dernière haie, Paraf

est en deuxième position. Et là, à peine croyable, en effet apparaît

la casaque Verte et noire de Monsieur Abadie, propriétaire du

cheval. Au passage du poteau le 8 l’emporte.

- Pardon, Monsieur, questionne ma mère en exhibant son ticket,

- Est-ce que l’on a gagné ?

- Et oui ! Bravo. Vous avez de la chance, car ce cheval-là est plus

habitué à se dérober qu’à gagner, mais quand il veut, il est bon.

Page 18: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

18

Direction, la caisse ! Ne connaissant rien aux courses, nous avions

joué Paraf gagnant sec, ignorant que l’on pouvait aussi jouer placé.

Dix-huit francs tombent dans les mains de ma maman. Elle qui

connaissait si bien le prix de l’argent était tellement heureuse que

son sourire envers moi, restera gravé au fond de ma mémoire, tout

comme ce cheval du nom de Paraf qui s’est glissé dans ma vie. Il

était hongre. Ses parents s’appelaient, Cambremer et Sita. Le

cheval était entraîné par Léon Gaumondy et son jockey était un

certain Jean-Pierre Caresse. Caresse, quel beau nom pour un jockey

!

Pour fêter cela, avant de sortir, un bon verre de citron bien frais

au stand de bouffe qui se tenait non loin du Brook. Je crois que les

turfistes criaient des grands ” Eh Antoine, on a soif ”. De

nombreuses sortes de sandwichs, œufs durs, gâteaux et autres

gourmandises m’ont aussitôt fait de l’oeil.

Avec un bénéfice de 15 francs, déduction de la mise et des faux

frais (entrée et programme) nous avons quitté l’hippodrome

d’Auteuil avec le cerveau en ébullition. De quoi faire de beaux et

longs rêves pour une très longue période, peut-être même à vie...

Le bonheur simple existe pour chacun de nous. Il suffit de savoir où

il se cache. Le mien était niché là.

Paraf sera pour toujours le premier gagnant de ma vie de turfiste.

Ce cheval fut le déclencheur de ma passion, jusqu’à parfois ma raison

de continuer de vivre dans ce monde si difficile. Peut-être que si le

cheval était tombé ou autre, je n’aurais plus jamais remis un pied

sur un hippodrome. La vie est une boussole invisible qui t’emmène

vers ta route. Il en est ainsi pour une multitude de réactions, de

décisions prises auxquelles nous croyons y être pour quelque chose,

mais qui nous sont guidées par une force inconnue que je baptise :

destin.

Page 19: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

19

6- L'apprentissage

Après Paraf, mon amour pour les pur-sang s’est transformé en

obsession. Si en plus on pouvait gagner de l’argent avec les chevaux…

Etant trop jeune pour traîner seul sur les hippodromes, c’est

accompagné de ma mère que j’ai continué à découvrir ce monde

fabuleux des courses de chevaux.

Ma mère faisait des ménages au journal France-Soir, haut-lieu de

la rue Réaumur. Ainsi chaque jour elle ramenait gratis le quotidien.

C’est en feuilletant ce journal que j’ai découvert que l’hippodrome

d’Auteuil n’était pas le seul endroit en région Parisienne où l’on

pouvait voir des courses hippiques.

En rentrant de l’école, où sans me vanter je dominais de la tête et

des épaules mes camarades, au lieu d’apprendre mes leçons, je me

jetais sur les pages de France-Soir. Comme beaucoup de gamins, les

pages de sport étaient prioritaires. Mais celles des courses

hippiques venaient vite se mêler à mes pupilles.

J’ai rapidement appris à lire les performances, que les hommes en

casquettes appelaient ‘la musique’. Ainsi je faisais le papier et jouait

“à blanc”. Lors de nos visites suivantes à l’hippodrome de la Butte-

Mortemart, sachant cette fois-ci que l’on pouvait jouer placé, je

cherchais des ‘coups sûrs dans les trois premiers. Je ratais

rarement la cible. Cela ne payait pas beaucoup, mais 2 francs qui dix

minutes après te rapporte 3, 60, pour nous deux c’était comme si

l’on changeait le plomb en or.

Loto II entraîné par le Maître de l’obstacle André Adèle, Cacao,

Spirou, Hyères III, Explorateur II furent les chevaux qui m’ont

donné mes premiers émois et aussi mes premiers sous.

Début Octobre 1965, bien installé devant ma bible, en apprenti je

fais le papier de mon premier Arc de Triomphe.

Page 20: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

20

Quel plaisir d’étudier ce genre de course. C’est certainement l’un

des plus grands Arc de Triomphe de tous les temps qui s’est déroulé

cette année-là. Malheureusement, bien qu’étant en début de mois,

impossible de se rendre à Lonchamp. Faut dire que l’on savait à peine

où cet hippodrome se trouvait (pas de GPS en ces temps-là). Tant

pis, Sea-Bird – Reliance – Diatome seront mes trois préférés. Et

Pan, vers 16 H le résultat tombe net sur Radio-Luxembourg.

Arc-de-Triomphe-1965 :

1e Sea Bird – 2è Reliance – 3è Diatome. Incroyable ! J’ai tout

compris, c’est trop facile !

Faut absolument que l’on aille un jour à Longchamp !

L’hiver 65- 66 se passe comme tous autres hivers. Pour éviter les

frais de chauffage, nous parcourons souvent les grands magasins.

La Samaritaine, Bazar de l’hôtel de ville, Inno, La Belle Jardinière,

Monoprix nous servent de résidence secondaire en ces temps

Page 21: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

21

froids. En début de mois parfois un petit ciné. En arrivant avant 13

heures c’était moitié prix avec deux films au programme...parfois un

esquimau venait compléter ces journées de fêtes.

Et puis, en continuant de lire les pages courses de France-Soir,

j’apprends qu’un certain Vincennes existe. Ozo, Oscar RL, Pluvier

III, Quéronville LB, Roquèpine, Une de Mai sont de grandes

vedettes. Bof, on verra cela plus tard. Le bois de Boulogne est bien

plus attirant que celui de Vincennes.

Page 22: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

22

7- Découverte de Longchamp

Enfin le printemps 1966 daigne arriver afin que l’on puisse

repartir vers notre résidence de printemps. Ainsi notre deuxième

expédition vers une terre inconnue fut Longchamp. Nous avions

découvert que si l’on descendait à Porte d’Auteuil et qu’en longeant

l’hippodrome d’Auteuil, l’autre champ de courses du bois de Boulogne

n’était pas bien loin.

Dont acte. Notre petite expédition aussitôt préparée, aussitôt

partie. Une aventure hors du commun vous dis-je !

Après avoir suivi dès la sortie du métro les fameux messieurs en

casquette et leur journal roulé en boule, un deuxième paradis

s’offrait à moi : Longchamp, le fameux hippodrome où la plus grande

course du monde au galop avait lieu L’ARC DE TRIOMPHE. Rien que

le nom du Prix me rend à crocs. Et puis, je vais enfin découvrir

l’endroit où Sea Bird a gagné. France-Soir a écrit tellement d’éloges

sur lui. Paraît-il que c’est le cheval du siècle ! (j’en suis encore

convaincu au moment où j'écris ces lignes)

De suite la vision fut grandiose. Arrivés par l’entrée qui se situe à

hauteur du petit bois. Après avoir payé les 0,50 centime, acheté le

programme et traversé les pistes, nous voici au beau milieu d’une

gigantesque pelouse. Cependant cela me semble moins attirant

qu’Auteuil. Une quantité de guichets et un immense panneau

d’affichage me rappellent quand-même un peu l'hippodrome de la

Porte d'Auteuil. Evidemment comme c’est Dimanche, ma mère s’est

chargée du fameux pique-nique.

De l’herbe, des arbres, du soleil, des chevaux, quelques rondelles de

saucisson, une banane, le bonheur dans les yeux de ma mère, que

faut -il de plus pour que je sois heureux ? Un gagnant ?

Page 23: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

23

Celui-ci ne tarde pas à arriver sous la forme équine d’un certain

Soleil… gagnant de la Poule d’essai des poulains 1966. Mon cœur

s’emballait un peu plus à chaque fois que le commentateur de

l’hippodrome prononçait le nom de NOTRE cheval. Pour la première

fois de ma vie, perché sur le toit d’une petite tribune surélevée au-

dessus des guichets, j’ai crié : allez Deforge. Sous les couleurs, bleu

ciel, toque Jaune…Soleil l’emporte pour le Baron de Rothschild. Plus

question de prolétaires ni de riches. Aux courses, tout le monde est

égal devant ces Empereurs que sont les chevaux de course. En

définitive, Longchamp ce n’est pas mal non plus. Sauf que le retour

à pieds vers 18 heures est plus long pour retrouver la fabuleuse

station de métro Porte d’Auteuil.

La RATP devrait la renommer : la Porte du rêve.

Page 24: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

24

8 - C'est en forgeant que l'on devient forgeron

Après mes premières expériences hippiques, plutôt positives, j’ai

commencé à allonger le tir. Mes nuits étaient peuplées de rêves qui

avaient pour noms, Explorateur II, Michigan II, Loto II

Quintefeuille, Hyères III, entraîné par Léon Gaumondy (entraîneur

de mon Paraf) Rivoli, qui fut l’un des premiers A.Q.P.S.A. (Autre Que

de Pur-Sang Anglais pour les non-initiés) à battre les Pur-Sang !

Ne connaissant que les pages hippiques de France-Soir, j’ai

découvert que deux autres bibles existaient : Paris-Turf, Sport-

Complet.

J’allais comme un homme acheter mon journal au kiosque, Paris -

Turf pour les courses de galop et Sport-Complet pour le trot.

J’apprenais rarement mes leçons trouvant stupide de connaître par

cœur un texte racontant l’histoire de Vercingétorix ou bien qu’Henri

IV voulait que le peuple mange une poule au pot le dimanche. Malgré

cela je finissais régulièrement premier de ma classe, parfois

deuxième lors d’un mois ou j’avais peut-être trop passé de temps

sur le Turf…

Comme tous les enfants j’avais quand même de plus saines

occupations que le PMU. Le jeudi matin, j’allais jouer au foot. C’était

chouette. On avait droit à seize heures à un goûter afin de nous

redonner des forces. Un salon de télévision m'offrait l'occasion de

suivre avec fébrilités les épisodes de Zorro et son superbe cheval

noir, Tornado. J’adorais les histoires de ce justicier masqué. Je me

demandais comment que le sergent Garcia pouvait un jour battre

Zorro. Vu la différence de poids au départ...

N'ayant pas de petit écran à la maison (encore un truc de riches),

je regardais de temps à autres les téléviseurs à travers les vitres

Page 25: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

25

des bistros.

Je me souviens de ce sympathique patron qui m’a invité dans son

bar pour regarder la finale de la Coupe du Monde de football 66 :

Allemagne-Angleterre. Moore, Charlton et l'excellent gardien

Anglais, Banks étaient mes héros. Et ce but de Hurst à la 120e

minute m'a fait avaler de travers mon deuxième Vittel-menthe

gracieusement offert. Ce bar était situé au coin de la rue Saint-

Sauveur et de la rue Saint-Denis (rue très fréquentée par des

messieurs souvent seuls !). Ce chic café s’appelait ‘ Le sans souci ‘.

Quel programme ! Toute ma philosophie de la vie réunie dans le nom

d’un café, c’est dingue ! D’ailleurs quelques années plus tard j’ai

rencontré par hasard aux courses le patron de ce bar…qui était

devenu entre-temps propriétaire de chevaux de course.

Le cinéma m'a certainement beaucoup aidé pour passer une

adolescence là où le rêve était inscrit dans ma constitution

génétique. Ma mère après avoir travaillé à France-Soir a eu la bonne

idée de faire le ménage dans un cinéma aujourd’hui disparu : le

Caméo. Celui-ci se trouvait Boulevard des Italiens. Tous les jeudis -

matins, l'opérateur projetait le film afin de voir si toute les bobines

étaient en bon état. Grâce à la gentillesse de ce monsieur, j'étais

invité à voir le film gratis pendant que ma mère s'occupait de tenir

la salle dans un état de propreté exemplaire. J'étais triste lorsqu'il

disait : Denise, la semaine prochaine ton fils ne pourra pas venir car

on va passer un film interdit aux mômes...

J’aimais les westerns ainsi que les péplums. Certainement parce que

dans ces deux sortes de filmographie, on y voit de sublimes chevaux.

Je me prenais pour un Cow-boy en sortant des cinémas. Je devenais

une espèce de John Wayne en culotte courte. J’allais jusqu’à mettre

un foulard noué autour de mon cou à la façon Western pour faire

plus vrai. Je me suis toujours créée un monde imaginaire étant né

sous le signe du cancer. Nous passons pour de grands rêveurs les

personnes nées entre 22 Juin et le 22 Juillet.

En 66, j’ai découvert celui qui fut longtemps mon idole en tant que

Page 26: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

26

jockey et qui le restera comme entraîneur, Freddy Head. Il avait

dix-huit ans, seules cinq années de plus que moi, et il gagnait l’Arc

de Triomphe, avec un cheval dénommé, Bon Mot. Cela a dû

m’impressionner car je pariais presque les yeux fermés sur ce

jockey chaque fois que Freddy se mettait en selle.

L’idole des turfistes dans ces années-là était Yves saint Martin. Ce

n’était pas mon jockey préféré, peut-être pour tout simplement ne

pas dire comme tout le monde. J’ai toujours essayé au maximum de

ne jamais faire comme la majorité des gens. Cela m’a plutôt bien

réussi, mais on ne peut jamais être certain de rien. Je suis du style

: l’été à la montagne, l’hiver à la mer.

Tous les joueurs sont de grands rêveurs. Rêver, imaginer, fantasmer

empêchent des frais colossaux chez les ‘psys’ non ?

Faut quand même être d’une autre planète pour réaliser tout ce que

j’ai fait dans ma vie de turfiste ! J’en connais (eh oui !) qui sont

encore plus dingues que moi. Parfois même je me demande si les

courses de chevaux de course n’existaient pas, ce qu’ils auraient

bien pu bien faire de leur vie. Peut-être auraient-t-ils tout

simplement inventé les courtines !

Page 27: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

27

9- Un monde utopique

Voilà j’y arrive où je voulais vous emmener dans ce monde de fous,

de dingues, de doux rêveurs, celui des turfistes.

Dans ce monde-là, on peut rajouter les éleveurs, les propriétaires

(cela leur coûte souvent cher l’amour du cheval), les entraîneurs (qui

doivent expliquer pourquoi le cheval de M. untel est battu !). Les

jockeys, les apprentis, les lads, les journalistes, les pronostiqueurs

qui doivent eux aussi expliquer pourquoi que leur coup sûr est tombé

à la dernière haie. Chose pas simple, croyez-en mon expérience.

Et puis les principaux acteurs : les chevaux, trotteurs, sauteurs,

galopeurs. Heureusement que je les ai connus, les Pot d’or, Clissa,

Gamelia, Tidalium Pelo, Lançon, Fast Action, Bison futé, Riverqueen,

Gamine d’Ici, mais je ne vais pas commencer à citer tous les noms

des chevaux que j’ai idolâtrés, une nuit ne me suffirait pas.

J’ai connu bien plus tard les courses de trotteurs sur l'hippodrome

de Vincennes en compagnie d’un copain qui suivait le même ’doctorat‘

que moi. Il faut dire qu’il avait de qui tenir, son père était joueur.

J’ai longtemps fait équipe avec ces deux compagnons de route.

De suite Vincennes fut un coup de foudre. J’étais fou amoureux, des

Oscar R.L, Roquepine, Pluvier III, Pastourelle VIII. Rien que leurs

noms me faisaient frissonner ! Bien plus que ceux de Brigitte Bardot

ou Catherine Deneuve.

Les courses ont de suite pris une importance capitale dans mon

adolescence. Elles m’ont sûrement empêché de faire pas mal

d’âneries étant souvent livré à moi-même, traînant pas mal dans les

rues et ne connaissant pas que des enfants de cœur (que d’ailleurs

je ne fréquentais plus, 1968 oblige).

En semaine, je laissais deux, voire, quatre francs à ma mère qui

partait seule à Auteuil, histoire de s’oxygéner, pendant que je

continuais d’apprendre que Zeus était fils de Cronos…franchement

comme si je n’avais que cela à faire !

Page 28: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

28

Le soir je partais à la rencontre de ma mère à la sortie du métro.

Bien que pas très démonstrative de ses joies ou de ses peines,

lorsqu’elle montait les marches de la station, Réaumur-Sébastopol,

je savais si les chevaux que je lui avais demandé de jouer avaient

bien rempli leurs contrats. Je me souviens de ces moments où j’étais

'The King of Turf ‘. Pensez donc mon cheval avait gagné, oui

Monsieur... mon cheval.

Dans les cours de recréations, au lieu de jouer aux petits soldats ou

aux billes, je me prenais pour un entraîneur de chevaux. J’avais ma

propre écurie. À treize ans faut le faire non ? Lorsque j’allais au

square du Palais-Royal, je mettais deux chaises dépliées face à face,

formant ainsi une haie, puis j’imaginais piloter l’un de mes chevaux

franchissant tous les obstacles d’Auteuil devant une foule colossale.

Le square de la rue de Béarn dans le quartier du Marais a aussi été

un centre d'entraînement très important pour la réussite de mon

écurie cérébrale.

Je suis peut-être l’inventeur des courses virtuelles…va savoir !

Certains psys auraient sûrement proposé à ma mère quelques

séances si j’avais parlé de mes délires. Je pense plutôt que l’amour

des chevaux m’a permis d’être moi-même. Je vivais dans mon monde

de fantasmes, n’ayant ni père, ni sœur, ni frère, juste une mère que

j’adorais et mes rêves de Grand Steeple et d’Arc de Triomphe.

Le père d’un copain possédait une Aronde qui n’en pouvait plus de

grimper… la côte de Suresnes. Lorsque la ‘titine’ n’était pas en panne

ou bien si son propriétaire pouvait mettre un peu d'essence, nous

quittions le samedi midi notre quartier du ‘sentier’. Un endroit de

Paris sympathique avec des personnages hauts en couleurs, afin de

nous rendre à Auteuil ou à Saint-Cloud.

Pendant ce temps ma mère se reposait de sa difficile semaine, et

préparait un dîner Royal.

Page 29: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

29

Une fois le droit d’entrée payé, il ne me restait souvent de quoi

jouer que deux courses, parfois même qu’une seule. Il ne s’agissait

pas de se tromper. Aucun droit à l’erreur ! Combien de fois ai-je fait

‘tapis’ d’emblée ?

Je me souviens que dans les années soixante-dix, avoir, disons

‘chapardé’ des consignes de bouteilles de vin à des concierges du

quartier des Halles, (qui n’avait pas bien compris que des voleurs

pouvaient roder !) et les refourguer à un épicier qui me les reprenait

moitié prix (receleur et escroc). Vu combien cela me rapportait, il

me fallait quand même une certaine dose de courage pour en trouver

jusqu’à ce que cela me procure une ‘recette’ confortable !

Un bel après- midi de juin direction l’hippodrome d’Auteuil. Argenté

grâce aux fameuses consignes, c’est- à- dire riche de dix francs et

plein de rêves, je mettais cinq francs gagnant sur un dénommé,

Samour, entraîné par Jean Laumain. Le cheval était favori à deux

contre un. Mes cinq autres francs allant sur un jumelé avec Magog,

le cheval le plus abandonné de l’épreuve.

Résultats des courses, premier Samour, deuxième Magog. Je ne me

rappelle plus des rapports exacts, mais j’ai du toucher environ

soixante francs. J’ai remis quelques piécettes dans les courses

suivantes, sortant plus riche d’environ cent francs, soit deux jours

de travail !

Comment voulez- vous qu’après cela, que je ne sois pas convaincu que

c’est le plus beau jeu du monde…mondial.

Dans les années soixante-dix, j’avais une réussite insolente sur

l’hippodrome de Saint- Cloud. On se retrouvais les samedis (si la

fameuse Aronde tenait le coup) avec mes amis. Je me rendais sur le

champ de courses du Val d’or avec environ une cinquantaine de

francs en poche. Je commençais à avoir un peu d'argent grâce à mon

travail dans le quartier du sentier. Dès les premiers salaires je me

suis payé une mobylette afin de pouvoir me déplacer plus facilement.

Le reste de ma paie allait à ma mère afin de nous nourrir et payer

Page 30: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

30

les loyers. Pour cela mieux vaut toucher quelques gagnants.

On allait à la sortie des chevaux lorsque ceux-ci se rendaient sur la

piste. D'un s'il vous plait gracieux, nous demandions aux

accompagnateurs des chevaux ce qu'ils pensaient de leurs protégés.

Je ne sais pas pourquoi mais souvent ces braves gens qui travaillent

dans l'ombre des grands, nous répondaient affirmativement ou

négativement. Avec le papier que l’on avait fait le matin, plus les

renseignements de dernière minute, nous sortions souvent les

poches pleines. Certains jockeys discrètement nous faisaient signe

de la tête. En ces temps-là, les jockeys étaient peu bavards. L'état

de forme des chevaux étaient jalousement gardé.

Mes cracks à cette période courses s’appelaient, Easy Régent un

galopeur (entraîné par E.Pollet, monté par un jockey que j’adorais :

Billy William Pyers. Lauréat du Critérium de Saint Cloud, cet Easy

Régent a fait de moi une vedette sans oublier le crack de ma vie en

obstacle, Pot d’or entraîné par Maurice Wallon, monté par Jean

Jacques Declercq, appartenant à Robert Weill.

Pot d’Or avait débuté sur l’hippodrome de Saint- Cloud en fin

d’année de deux ans sur 2000 mètres l’emportant avec de la marge.

En le voyant, je me suis dit ainsi qu'à ceux qui voulaient bien

m'entendre, celui-là s’il court en obstacle l’année prochaine ce sera

un crack ! C’est souvent par flashs, des apparitions que j’ai touché

mes plus beaux gagnants.

Dès le mois de mars, voici Pot d'Or, engagé à Auteuil. Dix jours

avant, j’annonçais, le crack va débuter. Je l’ai joué et il a gagné. Il

n’a pas rapporté gros, qu’importe !

Je ne m’étais pas trompé ce jour de novembre à Saint-Cloud en

voyant pour la première fois en compétition ce fils de Buisson d’or

et d‘Appo !

Sa carrière fut exemplaire il enleva le prix Maurice Gillois, la plus

grande épreuve pour les quatre ans en steeple, mais surtout le

Grand steeple Chase d’Auteuil 1971 à cinq ans ! Ce fut un très grand

Page 31: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

31

moment, il battait des champions de la trempe de Huron, Haroué,

Morgex. D’ailleurs ces trois chevaux cités ont gagné le Grand

steeple à leur tour !

Dans le programme des compétitions d’Auteuil, une course porte son

nom: le prix Pot d’Or, MON CRACK !

Côté trotteurs, mes chouchous s’appelaient, Axius, appartenant à

Bernard Desmontils, entraîné et drivé par Gérard Mascle,

surnommé le ‘ musclé ‘ par les turfistes, car il portait le cheval sur

ses épaules si celui-ci n’avançait pas ! He oui !

Le ‘ musclé ‘ montait un trotteur que j’aimais énormément, Borgia

III, un petit alezan haut comme trois pommes mais avec un cœur

plus gros que lui !

Je pourrais en citer des tas d’autres, Vestalat, Villequier B (je

connaissais un peu son entourage). Il y avait aussi Véronique R, la

Reine de Cagnes-sur-Mer, Amyot, la belle Vanina B qui mettra au

monde le crack Jorky, Bellino II bien sûr, le crack des cracks et un

certain petit Bill D qui a gagné le critérium des 5 ans 1970 en

devançant Buffet II, après une photo qui a duré quinze minutes. Pas

de numérique en ces temps-là. Quelle angoisse ce jour-là pour mes

vingt francs mis gagnant dessus !

Des anecdotes comme cela, tous les turfistes en ont des tonnes à

raconter !

Combien de fois ai- je pus partir raide de chez moi ! (voici un mot

que les flambeurs emploient très souvent) et revenir à la maison les

poches pleines !

Par quelle sorte de miracle cela m’arrivait-t–il, me direz-vous ?

Page 32: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

32

9- Le discours de la méthode (turf)

Je vais vous confier la méthode, comptant sur votre discrétion,

bien sûr ! Il suffit de trouver un mec plein aux as, de lui raconter

que vous connaissez bien le gagnant de la première course. Vous lui

faites mettre le paquet dessus, et si par bonheur ou bien par talent,

votre ‘tuyau’ de dernière minute gagne votre client saura être

généreux avec vous, s’il veut continuer d’avoir des « caisses ». Mais

attention parfois on tombe sur des gens pas très droits ! Eh oui cela

existe !

Voulez-vous un exemple ? En 1976, je ‘tubais’ (donnais des soi-disant

coups sûrs aux autres), un marchand de fleurs en gros des Halles.

Un dimanche matin d’avril, je rencontre mon client au coin de la rue

où je résidais. Vu le métier que je commençais à avoir, ma réputation

de connaisseur faisait écho dans le secteur !

- salut, tu vas bien, tu vois quoi aujourd’hui dans le tiercé, me

demande-t-il ?

Fier de mon savoir ! Je lui dis sans hésiter : Malacate, Rhum, Ciroy,

Heureux de connaître toute la vérité, mon client s’en va vers le bar

‘le Balto’ rue Réaumur, endroit très fréquenté par les tiercéistes

car le PMU se tenait dans ce café.

À seize heures, résultat des courses : premier Malacate, deuxième

Rhum, troisième Ciroy, dans l’ordre en trois chevaux. Faut bien être

le plus fort ! Mais je me tais car je n’aimerais pas énerver le lecteur

qui pourrait croire que je suis narcissique… il s’en apercevra assez

tôt !

J’étais fou de joie, surtout pour la commission que j’allais toucher.

Je courais raconter mon exploit à qui voulait bien l’entendre. Je

l’écrivais même à la craie sur le bitume de ma rue.

Le lendemain très tôt, je partais à la recherche de mon futur

Page 33: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

33

donateur…

Je le trouvais assez facilement, quoique ayant l’air de se planquer

un peu.

-Tiens salut, tu vas bien ? Me dit-il d’un air surpris

-Très bien, et vous, bien dormi malgré tout ?

- Non pas vraiment, devine ce que j’ai fait comme connerie ?

- Quoi vous n’avez pas joué ce que je vous ai dit ?

Si, mais figures-toi que j’ai changé l’ordre que tu m’avais donné, j’ai

mis Rhum en premier !

- Il me prend pour un con ! me dis-je

- Ce n’est pas vrai, quelle poisse il fallait m’écouter !

- Je sais, que veux-tu c’est la vie, c’est déjà beau que je t’aie suivi !

La vie ! Le tiercé dans l’ordre faisait quatre mille huit cents francs.

Au lieu de deux mille quatre cent francs pour moi comme promis (on

devait faire moitie moitié si un jour je le faisais gagner), ce gentil

client m’a donné tout simplement quatre cents balles puis ce que le

tiercé rapportait dans le désordre huit cent francs…. logique ! Je

n’ai jamais trop été attiré par les maths, mais là je savais faire les

comptes de tête, croyez-moi.

Le désordre, c’est l’ordre moins le pouvoir d’après le système

anarchiste…pour moi le désordre c’est six fois moins d’oseille dans

la poche !

Déjà que je ne supportais pas l’injustice, là, c’était trop fort.

- Faut qu’il paye ce salopard ! me jurais-je.

Comme vengeance ce fut simple ! Tous les dimanches, le malheureux

avait le droit à des tocards qui n’avaient pas de chance de participer

à l’arrivée du tiercé. Je lui disais que je les voyais bien faire

Page 34: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

34

l’arrivée, Résultat des courses : sans pompe le mec !

Mon petit manège n’a pas duré bien longtemps. Le type a vite

compris qu’il payait cash sa méprisante erreur envers moi.

Il faut quand même, que je vous tienne au courant qu’il n’y a pas que

des abbés Pierre dans le milieu de l’hippisme. Pas mal de gratteurs,

de ‘latteurs’, de mecs qui savent tout, histoire de pouvoir tondre, de

plumer les gogos. Sans me donner de gants, je n’ai jamais pris les

autres pour des pigeons étant bien trop fier de les faire gagner. Et

puis, j’étais payé au rendement…

Page 35: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

35

10- L'armée dans la cavalerie, chouette...oui mais !

Au beau milieu de l’année soixante-treize, il m’est arrivé la chose

la plus dingue de ma vie…l’armée.

Rencontrer autant de manque de fantaisie dans l’existence est

sûrement introuvable autre part… L’armée m’aura cependant

apporté quelque chose dans la vie : avoir le droit de déplacer un

véhicule automobile d’un endroit à un autre. Dans le civil on appelle

ca le permis de conduire qui me servira pour aller aux courses de

chevaux.

Pendant mon séjour sous les drapeaux, côté courses, pas facile…

Lors des trois jours de sélection au château de Vincennes, j’ai

essayé de me faire passer pour un déséquilibré…mais cela n’a pas

fonctionné.

Une fois accepté parmi les joyeux lurons, je me suis retrouvé dans

un régiment de…Hussards ! Mais plus de chevaux…à la place des

chars ! Seules les portes ouvertes en fin d’année de mon année

d’internement m’ont permis de voir des équidés dans la caserne.

Comme j’étais compté à moitié soutien de famille, je me suis

retrouvé à …99 km de chez moi. Je rentrais quasiment toutes les

semaines, sauf celles où j’avais eu des mots avec un supérieur, enfin

c’est le nom que l’on donnait à ceux qui t’apprenaient à marcher au

pas…

À part la solde, difficile de trouver les fonds pour ‘flamber’. Comme

je ne fumais pas, je revendais à des fumeurs mes cigarettes avec

une belle marge bénéficiaire à l’appui.

Pendant mes permissions je travaillais le samedi matin. Je livrais du

pain, des gâteaux dans les très nombreux restaurants des halles,

Page 36: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

36

afin de me faire un peu d’oseille.

La chance était là où le Dieu des courses. Très souvent j’arrivais à

faire fructifier les gains de mon travail. Mes champions en ces

temps-là, se nommaient, Détos, Catharina, Carnaval, (c’était un nom

tout indiqué pendant une période militaire).

Un week-end de permissions, direction Enghien-Les-Bains afin de

faire fructifier ma solde. Après avoir touché quelques placettes,

arrive l'heure du prix de New York. Sur 1600 mètres le crack

Buffet II devait rendre...40 mètres. Votre serviteur, chaud comme

une baraque à frites se dirige vers le guichet de prises de paris à

10 francs.

- le 14 (je me souviens plus du numéro) cinq fois gagnant !

Et là c'est le drame !

- 250 francs m'annonce d'un ton sec le guichetier du PMH.

Je m'étais trompé de guichets. Au lieu d'aller à celui à 10 francs,

j'étais parti à celui de 50 francs...

Hésitant quelque peu (faut me comprendre en une telle période) et

après quelques remarquables désagréables sur mon erreur via le

guichetier, je décide de payer mon pari.

250 francs gagnant sur Buffet II qui doit rendre 40 m... ça laisse

le gars un peu tremblant.

Départ de la course devant les tribunes et le verdict tombera après

un tour de piste !

Je crois que c'est un certain Bary des Etangs drivé par Gerard

Mottier qui m'a donné les pires sueurs froides de ma vie hippique.

Une photo à la Hitchcock m'a enfin confirmé que Buffet II avait

réussi à prendre un nez sur le poteau à son rival qui partait quarante

mètres devant lui.

Buffet II était environ à égalité. Donc 500 francs dans la besace

Page 37: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

37

du trouffion ne pouvait que de me rendre admiratif devant ce bel

alezan appartenant à Monsieur Cooren et je crois drivé par Louis

Hanse, dit Loulou...

D'ailleurs en ces temps-là les drivers avaient des surnoms. Gerard

Mascle dit le musclé, Jean-René dit le Pape, Louis Sauvé = Noeil

noeil (un peu mèchant ça) Guy-Maurice- Dreux pour Genéral Motors,

Loulou, Léopold Verroken appelé Papier maïs...Minou, Michel- Marcel

Gougeon, le frère du Pape, François Brohier surnommé: monte à

gauche, Hans Sasse le Ben Hur du plateau de Gravelle sans oublier

le choucroûtier qui n'était autre que Gerhard Krüger, mort en 2017

à l'âge de 92 ans. Comme quoi les courses ça conserve ! Il y avait

aussi vertes cuisses, la bouteille etc etc

Pendant cette période de manque de liberté, j’arrivais tout de même

à donner un peu d’argent à ma mère. Fin juin, le phénomène Bellino

II remporte le prix René Ballière à une cote avoisinant les trente

contre un, incroyable. Et moi bloqué comme un cave au milieu de tous

ces jeunes en treillis, entourés par des vicieux, casqués, rangers

aux pieds, déguisés en chasseurs de lapins et hurlant des : une deux,

une deux ! Pas moyen de mettre une pièce sur le coup sûr à trente

contre un. Il y a de quoi vraiment haïr l’armée après ça ! Il faut que

je vous dise pour être tout à fait honnête, que même avant ce

manque d’opportunité, je n’ai jamais été fan.

Enfin par un bel après-midi de juillet, ce fut mon jour le plus long !

La libération de cet asile de fous est arrivée. Heureusement que par

un pur hasard, j'étais chauffeur d'un Capitaine...qui jouait aux

courses. Je me demande si je n'avais pas eu cette chance d'être

son accompagnateur, si en ce moment je ne creuserais pas encore

des tranchées du côté de Provins ou balayer les feuilles mortes sur

le parking en plein mois de novembre...

Cela me rappelle une anecdote vécue. Pour nous intéresser à la vie

militaire, un cher Marechal des logis qui devait avoir un Q.I.

d'huîtres n'a trouvé mieux que de nous faire plier des filets de

camouflage en plein soleil. Ceux-ci devaient former un énorme

Page 38: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

38

boudin marron et vert.

En fin de récréation, le chef vient vérifier nos qualités de soldats.

Quelle n'est pas sa surprise lorsqu'il voit celui plié par un certain

trouffion. Celui-ci avait, il est vrai réalisé un méli-mélo de son filet.

- Je vous ai déjà dit de plier vos filets uniformément, beugle-t-il au

peu adroit soldat.

Celui-ci lui répond avec un sourire bien affiché : Chef l'ennui naquit

un jour de l'uniformité.

D'une voix grave, le chef lui rétorque : Attention, j'ai été poli avec

vous, soyez poli avec moi...

Dire que certains n'ont pas connu ces doux moments de rigolade

organisés via l'armée !

Page 39: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

39

11- Enfin libre

Mon premier voyage en tant que civil, ce fut pour aller un

dimanche … à Longchamp, tout fier d’emmener mon copain (celui de

la pauvre Aronde qui avait rendu l’âme). J’avais emprunté pour la

circonstance, une SIMCA commercial 1500 à un ami qui était comme

mon père. Bien que la pauvre Simca bleu ciel, ne possède plus qu’une

boite de vitesse boiteuse, quelle fierté d’aller au champ de courses

en voiture. C’était autre chose que de prendre le car avec tous ces

‘malheureux’ qui n’y comprenaient rien aux courtines…

Grâce à l’armée et surtout à mon talent de pilote, que je revendique,

quelques mois plus tard, j’en fis mon gagne-pain, (merci quand même

la grande muette). Rapidement j’ai fait connaissance avec les

courses de province. Se rendre sur des hippodromes où j’étais

inédit, repérer des chevaux qui devaient gagner ensuite à Paris, se

taper un bon resto au retour et se coucher la tête pleine de rêves

et d’espoirs, croyez-moi, c'est le panard !

Mes premières vraies sorties provinciales eurent lieu dans les

années soixante-quinze, soixante-seize. Je me rendais sur les

hippodromes grâce à des autocars mis en service par les courses

hippiques. Les cars attendaient les turfistes soit Gare du Nord soit

Place Saint Augustin. Le tarif comprenait le voyage et l'entrée sur

le champ de courses. Très timide au début, Fontainebleau,

Compiègne, Rambouillet furent les premiers terrains exploités par

celui qui devint cet amoureux de la province.

Tout turfiste qui n’a jamais mis les pieds dans ces petits

hippodromes dit de province, (je trouve ce mot galvaudé) ne peut se

vanter de connaître les courses de chevaux. Quel plaisir de partir

tôt le matin, en train, en voiture, seul, avec des copains, le déjeuner

dans le sac ou dans la glacière. Sans oublier les jumelles astiquées,

un bon stylo, même deux au cas où…

-------------------------------------------------------------------------

Page 40: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

40

12- Rien de pire que ces moments-là

L’an mille neuf cent soixante-dix-neuf fut la pire année de mon

existence : la mort de ma Maman.

La terre s’est arrêtée de tourner… ! Celle qui avait tout donné de sa

vie pour moi me laissait seul, complètement seul. Quelle claque dans

la gueule une nouvelle fois la vie me mettait. Comment tenir le coup

? Reste bien des amis, copains, une petite amie, mais bon, c’était

trop cruel cette fois-ci…

Et puis comble de l'horreur, la réflexion d'une femme qui habitait

le même immeuble que moi.

- Comment va-t-il faire pour payer l'enterrement ?

- Pourquoi cette question rétorqua un (vrai) ami ?

- Bah il joue aux courses, non ?

Voici la réflexion d'une affreuse conne qui donnait la preuve que les

courses avaient très mauvaise réputation...

Après de sérieuses envies de tout laisser tomber et après quelques

crises sévères d’angoisse, l’envie de vivre m’est revenue un jour en

regardant des chevaux non loin de la porte Maillot, au jardin

d’acclimatation.

J'ai lu dans leurs yeux :

- allez bouge-toi, vis ta vie. Ne la brûle pas, mais fait ce que tu

aimes, voyage, connaît mieux ce monde des courses que ta mère t’a

fait connaitre et laissé comme seul et unique héritage.

Page 41: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

41

13- Malgré tout la vie continue

Alors, direction la province hippique. Rien que faire la route était

pour moi un immense plaisir, je dis bien était, car maintenant avec

le temps qui passe cela le devient moins. Le phénomène de

découverte se fait moins excitant. Combien de champs de courses,

ais -je connus depuis mes débuts ? Presque cent cinquante, un peu

moins, un peu plus ?

Si vous avez bien suivi le début de cette œuvre, vous avez compris

que je n’avais pas une âme de comptable !

Des anecdotes sur les courses j’en ai des tonnes, des caisses pleines.

Si je devais les déménager de mon cerveau, je pourrais envahir les

vôtres.

Je vais essayer avec mes modestes moyens de vous en faire vivre

quelques-unes dans le désordre.

Une des premières anecdotes qui me vient à l’esprit, c’est cette

histoire pourtant vraie !

J’avais un ami un peu plus jeune que moi mais tout aussi à crocs des

courses. On était bien plus que des amis de courtines. Je venais

souvent chez ses parents, flambeurs eux aussi à leurs heures

perdues.

Un samedi après-midi de 1982, on se rencontre et décide d’un

commun accord…de partir à Vincennes, notre seconde résidence.

Mon copain possédait en tout et pour toute la somme de 100 francs

et votre serviteur ne devait pas être beaucoup plus fortuné.

Mon pote qui était fort (quoique, aux courses, les forts…), voyait

bien un cheval dans le tiercé du jour, (en ces temps-là, il ne se

courait que 2 tiercés par semaine). Ce cheval s’appelait Lelidant, il

était entraîné par Hervé Houel et drivé par celui-ci. Ce qui est drôle,

c’est que quelques années plus tard, j’aurais un cheval en copropriété

Page 42: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

42

chez cet entraîneur…le destin quoi !

Mon compagnon de route joue ses 100 francs sec dessus. Quant à

moi, bien plus prudent à ce jeu 30 et 20.

Le trotteur de l’écurie Houel l’emporte la queue en panache, aidé

dans sa tâche par nos cris à mi-ligne d’arrivée. Lélidant fait afficher

un confortable 10 contre 1. En fin de réunion, nous sommes sortis

de la ‘séance de prière’ avec un petit pactole. La chance étant là

nous avons continué de toucher jusqu’à la fin de la réunion.

Le lendemain, sept heures du mat (aucun frisson), direction Elbeuf,

gentille petite ville de Normandie située du côté de Rouen. Un

endroit que je n’aurais jamais certainement connu s’il ne possédait

pas un hippodrome. À l’époque l’hippodrome des Brûlins possédait

une piste en herbe avec trous et bosses. Dès le petit matin, les

pompiers de la ville arrosaient la piste avec l’eau qui normalement

avait pour fonction d’éteindre les éventuels incendies.

Arrivés en train à Elbeuf, le papier déjà fait et après une bonne

bouffe dans un petit bistroquet jouxtant le champ de courses et qui

faisait aussi office de PMU nous attaquons la réunion. Toute la

journée nous n’avons cessé de prendre la caisse.

Nous avions un ‘coup sûr’, une certaine Modestine dans une épreuve

au trot monté. Gagnant très facilement son épreuve cette

pensionnaire de M. Barassin nous a permis d’empocher pas mal

d’oseille ! Mais l’anecdote ne s’arrête pas là… 2 ou 3 ans plus tard,

nous nous sommes aperçus que dans la course où Modestine avait

gagné, qu’une certaine Mirande du Cadran participait à cette même

épreuve !

Pour les ignares ou excusez-moi, pour les jeunes qui ne se sont pas

penchés sur le passé hippique, cette fameuse Mirande du Cadran,

trois ans après enlève le prix du Cornulier, la plus grande épreuve

de trot monté au monde. Pour ceux qui doutent de la véracité de

mes écrits : une adresse, @letrot…

Page 43: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

43

Sortir d’un hippodrome avec la banane n’est pas chose courante pour

le turfiste. Mais ce jour-là, partis avec presque rien, nos poches

s’étaient remplies grâce à notre Vista et aux trotteurs qui ont bien

voulu nous faire plaisir.

Avec l’expérience, je me suis vite aperçu, seuls les bons souvenirs

restent gravés dans le cerveau. Les mauvais, et Dieu sait si on en a

dans une vie de turfiste ont une curieuse façon de disparaître

automatiquement dès une bonne nuit passée. Heureusement, car

sinon la corporation des turfistes serait en tête de liste des

suicidés chaque année. Alors que les courses sont un antidote à la

vieillesse. Il suffit de compter encore de nos jours le nombre de

turfistes qui ont connu Une De Mai...

Autre anecdote, puisque vous y tenez, se passe avec l’un de mes

meilleurs amis, je dis bien ami, car aux courses on a beaucoup de

copains quand on passe à la caisse mais très peu lorsque le larfeuille

se vide.

Parti tôt le matin, (le turfiste est matinal), cet ami s’est rendu seul

de Paris à Vernon aux épreuves de trot du jour. Eh alors me direz-

vous ? Et bien je vais vous le dire (phrase empruntée à Sarko), seul

à Vernon oui, mais en mobylette depuis la Capitale. Pas de quoi

fouetter un chat…si ! Car ce jeune homme, qui maintenant n’en est

plus un, a quitté son domicile en chemise, et sans aucun outil pour

réparer en cas de crevaison. En fait, comme je suis là pour le

charger, même s’il avait eu de quoi dépanner, lui et la mécanique ne

faisaient pas bon ménage. En chemise en plein mois de juillet, le mois

de tous les orages ! Vous voyez le genre !

Arrivés à Vernon, nous nous rencontrons et je comprends vite qu’un

psychologue va lui être d’un grand secours. Comme ces gens-là ne

courent pas les pistes hippiques, je me propose de l’écouter.

- Alors que vous arrive-t-il cher ami ?

- J’ai une angoisse terrible ! J’ai peur de crever sur la route !

Page 44: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

44

Le sujet avait pris conscience de la gravité de son acte. En fin psy

que je suis, je le laisse parler, sans le provoquer bien sûr, les fous

doivent toujours être écoutés et non être contrariés.

Après quelques échanges sur la vie, la mort, son enfance, je lui

propose de le ramener, lui et sa pétrolette dans ma superbe Renault

4 L commerciale. 4 L que j’avais moi-même ‘empruntée’ à mon patron

pour le week-end- sans lui demander sa permission. Vous comprenez

mieux maintenant, le genre de blagueur qui l’on peut avoir à faire

aux courtines. Pour en finir avec cette histoire et afin de rassurer

le lecteur, nous sommes bien rentrés ainsi que les deux véhicules.

Page 45: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

45

14- Gamélia : Ma Reine

Autre histoire qui me tient à cœur : la victoire de mon idole dans

le prix du Cornulier 1980, la belle Gamélia, jolie alezane qui

appartenait au Vicomte De Bellaigue, une écurie que j’adorais.

Auparavant ce propriétaire avait eu Clissa, une jument qui aurait pu

être une grande championne, si de graves ennuis de santé n’étaient

venus contrarier ses plans de carrière.

Revenons en a ma chère Gamélia. Je l’ai magnifié dès le début de sa

carrière. Sûrement parce qu’elle me fit gagner un peu d’argent lors

de ses premiers pas en compétition, faisant afficher un beau treize

contre un, lors de ses débuts à Vincennes. Enfin je ne sais pas

exactement pourquoi, mais je suis vite tombé sous son charme

comme l’on devient fou amoureux d’une femme. Je l’idolâtrais, la

défendais contre vents et marées, prêt à me battre pour elle. Faut

dire que son cas n’était pas simple. En belle fille qu’elle était,

Mademoiselle aimait bien me faire marcher, s’enlevant dans le

dernier tournant alors qu’elle dominait tout son petit monde,

prenant au passage mon pognon ! En ces moments-là, je voyais en

elle une de ces filles qui tapine dans le coin des halles...moi j'en étais

fou amoureux et elle mon pognon lui faisait les yeux doux.

Lorsque Gamélia a gagné le Cornulier, j'étais ce jour-là sur

l'hippodrome de Rouen-les-Bruyères. En remontant sur Paris, via le

train, vers les 18 heures je m'enquière du résultat. Je trouve

quelques sièges plus loin, un turfiste qui arrivait à connaitre les

résultats plus vite que n'importe qui. En ces temps seule la radio

nous reliait aux résultats des courses et aussi les transcripteurs

des bars-PMU que j'appelais tic-tac en rapport avec le bruit des

touches qui tapaient les textes sur de longues bandes de rouleau de

papier.

- Tu sais qu a gagné le Cornulier ?

- Devines, c'est introuvable !

Page 46: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

46

- Ah bon, à ce point ?

- Oui, c'est Gadamès !

- Mais elle ne courrait pas Gadamès !

- Euh pas Gadamès, je confonds toujours. C'est Gamélia !

Comprenant vite que le garçon n'aimait pas beaucoup ma crack, aussi

vite je suis reparti à ma place, le sourire aux lèvres. On était bien à

à la cantine cette semaine...euh...comment dire, ça sera restaurant

la prochaine huitaine !

Bien sûr, comme bien d’autres, ma belle Gamélia sera pour toujours

dans mes pensées.

Page 47: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

47

15- Souvenirs multiples

Comme chante Serge Gainsbourg, les feuilles mortes se

ramassent à la pelle et les souvenirs aussi. Pour rassembler tous mes

souvenirs hippiques, il me faudrait des heures de pelletage et des

tombereaux pour les stocker.

Comment ne pas se souvenir de toutes ces merveilleuses journées

passées sur les routes de France ou bien dans ces trains qui

m’emmenaient vers le rêve et me ramenaient parfois durement vers

la réalité. C’est-à-dire parfois les poches aussi vides que les puits

Africains en période de grande sécheresse. Et si par malheur, la

pluie se mettait à handicaper ma journée, de vieux journaux

faisaient office de seconde semelle à mes chaussures usées sur les

graviers des hippodromes.

La seule certitude de ma vie de turfiste, c’est qu’il est très difficile

de gagner aux courses. J’ai bien dit gagner, pas de toucher. Il ne

faut pas confondre les deux. Gagner c’est être bénéficiaire. Pour

finir l’année bénéficiaire, il faut suivre à fond, être régulier dans

ses mises et avoir un bon feeling avec les chevaux.

Les courses semblent moins difficiles à déchiffrer au trot, car les

chevaux restent très longtemps en compétition de deux jusqu’à

neuf, dix ans pour certains.

Au galop par contre, on voit surtout les chevaux courir de deux à

trois voire quatre ans maximum. Il est alors plus difficile de se

faire un jugement sur les valeurs. Ce n’est que mon avis perso et

quand on sait qu’il n’y a pas pire que les courses pour trouver des

avis différents dans la vie. Le turfiste n’est pas sectaire avec

évidemment des exceptions que l’on peut trouver dans chaque

société.

Page 48: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

48

16- Mise en pratique des bases hippiques

Passer de l’autre côté de la barrière a sans doute été mon rêve le

plus fou. Un rêve pas facile à réaliser. Mais dans ma vie je pense que

j’ai eu la chance de croiser les gens qu’il fallait rencontrer au bon

moment. Ce fameux destin…

Alors lançons-nous dans le grand bain. Comment ne pas avoir une

pensée pour mes amis, Jean-Jacques dit le barbu ou la banque,

Jean-Luc le farineux, Raymond l’imprimeur, Jacques dit le casque,

ces quatre-là m’ont appris beaucoup sur les courses. Je suis certain

qu’ils vont se reconnaître sans problème en lisant cet énorme et

futur Best-seller !

J’ai regardé avec attention comment ils repéraient les notes sur les

hippodromes. Comment à chaque réunion, ils notaient soigneusement

les noms des trotteurs ou bien des galopeurs qu’ils avaient jaugés

au cours de leurs périples sur leurs petits carnets … intimes.

Et puis où j’ai le plus appris, c’est seul, avec mes propres méthodes

mises au point, à force de réflexions, de repaires, d'analyses.

Je crois que pour réussir aux courses c’est un peu comme à toute

chose : il faut avoir une espèce de don au départ, bien qu’aux

courses, trois règles soient essentielles.

La première : regarder les courses, leurs déroulements, les analyser

avec sérieux et toujours à froid.

La deuxième : avoir le feeling, sentir les chevaux, les respirer, je

dirais même les transpirer. En un mot les aimer.

La troisième : un peu de chance et un bon sens du rapport qualité-

prix de votre pari.

Malgré cela, je ne peux pas dire que je me suis enrichi avec le jeu.

Disons plus humblement que j’ai passé des moments très excitants.

En fait, je pense que grâce aux courses hippiques, j’ai eu l’impression

Page 49: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

49

de ne jamais perdre mon temps tout en donnant un sens à mon

existence. Les dimanches, je me demande par quoi j'aurais bien pu

remplacer mes venues sur les hippodromes : Jacques Martin, Michel

Drucker ?

Grâce à des personnages connus sur le tard, ma vie de turfiste a

bien changé au fil des années. Déjà je joue beaucoup moins souvent.

J’essaie dans le domaine du possible de jouer ‘ à coup sûr ‘.

Ensuite, je me suis lancé dans le délicat job de journaliste hippique.

Croyez-moi que ce n’est pas le truc le plus facile du monde. Je dis

ça pour ceux qui critiquent les chroniqueurs hippiques. Mais ce sont

sûrement les mêmes qui se moquaient d’Alain Prost ou bien de Jean

Alesi lorsqu'ils faisaient ‘un trou’ dans leur métier de pilote

automobile, alors qu’eux-mêmes n’avaient même pas le permis de

conduire !

Page 50: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

50

17- Propriétaire...moi ?

Puis, acte suprême, je suis passé de l’autre côté de la barrière,

celle de propriétaire de chevaux ! Attention pas propriétaire avec

les couleurs et tout ce qui va ensemble. Non copropriétaire avec des

amis, des vrais. Il est recommandable d’ailleurs d’être associé sur

la carrière de chevaux de course. Mieux vaut avoir quatre chevaux

à quatre, qu’un tout seul.

Eh oui, c’est bien moi le morveux des halles qui pénètre par l’entrée

réservée aux propriétaires sur les hippodromes Parisiens. Eh oui,

c’est bien moi aussi qui serre la main des drivers, entraîneurs,

propriétaires, éleveurs. Pour un narcissique, quoi de plus jouissif

lorsqu'un Franck Nivard d'un grand sourire te dis - vous allez bien

?.

Comment j’en suis arrivé là ? Moi-même me le demande et m’en

étonne.

Mon regret éternel c’est que ma pauvre mère n’a pas eu le temps de

voir son fils jeter une couverture sur le dos de sa jument afin qu’elle

ne prenne pas froid avant de parader ensuite sur la photo prise aux

balances, lors de cette fabuleuse nocturne où à Amiens je suis

devenu le plus grand propriétaire du monde !

En effet, ma première victoire me fut offerte sur cet hippodrome

nordiste, un samedi soir d’avril de l’an 2003, grâce à cette petite

jument trotteuse de cinq ans, Ketty Mesloise. Quel pied ce retour

aux balances où m’attendaient mes amis et associés ! Enfin le jour

de gloire était arrivé ! Patrick Chevrier le jockey et Frédérique Prat

l'entraîneur sont devenus ineffaçables de ma mémoire à l'image de

Jean-Pierre Caresse et Léon Gaumondy... à ses deux noms je

rajouterai Virginie Couillaud, la jeune fille qui avait "démarré" la

petite Ketty.

Mon rêve d’enfant de la balle venait de se réaliser : gagner une

Page 51: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

51

course ! Bien sûr, j’aurais préféré que ce soit à Vincennes, voire à

Enghien-les -bains, mais cette première victoire restera gravée à

tout jamais dans ma tête, dans mes tripes, dans mon cœur ! Tout

comme mon Paraf.

Souvent confiée à de jeunes apprentis, Ketty Mesloise après une

carrière honnête dont une autre victoire à Gournay-en -Bray et une

troisième place à Vincennes, Ketty sera vendue pour l’élevage. Elle

a mis au monde un certain Bixente, bon trotteur entraîné en début

de carrière par Jean-Etienne Dubois. Bixente a terminé 4e du

Critérium des jeunes battant notamment Bird Parker 5e...

Faire ce que l’on aime est une chose primordiale dans la vie. Ne

croyez surtout pas que je me répète afin de remplir plus vite les

pages de mon livre ! Non, mais seulement pour que cette petite

maxime pénètre bien dans vos mœurs.

J’essaie au maximum de mes possibilités de faire ce que j’aime, mais

la vie complique souvent l’affaire. Un jour j’ai enfin franchi le pas :

travailler dans le milieu hippique.

Lorsque l’on est enfant, on rêve souvent d’être pompier, coureur

automobile etc. etc. Dès ma plus tendre enfance, je voulais être soit

avocat, footballeur ou artiste, un vaste choix me direz-vous. Je sais,

mais, l’ennui ne naquit-t-il donc pas un jour de l’uniformité, comme

l'a annoncé ce cher soldat dont j'ai oublié le nom ?

Puis, un peu plus tard, j’ai pensé devenir lad ou bien chroniqueur

hippique. Enfin, pratiquer une profession où chaque matin mes yeux

scintilleraient de bonheur en croisant ceux des équidés. Maurice

Bernardet, que j’ai côtoyé régulièrement sur les hippodromes, Léon

Zitrone, André Théron faisaient partie des hommes à qui j’aurais

bien aimé ressembler, tout au moins coté professionnel...

Page 52: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

52

18- Passage au journalisme

Grâce à l’une de mes connaissances, un journaliste hippique bien

connu, j’ai trouvé mon premier job dans le monde équin. Je fus

embauché comme pigiste pour un journal : Province-courses,

l’hebdomadaire du trot. Quel plaisir pour un narcissique de voir son

nom en bas d’un article !

Dés ma première pige, je me sentis à l’aise dans ce travail, bien

qu’étant un peu craintif. La peur de mal faire certainement.

J’ai toujours considéré que lorsqu’un être vous fait confiance à cent

pour cent, on doit faire son job au mieux pour réussir. Je pense que

mes premiers écrits ne déplurent pas au patron du journal, la

preuve, j’y suis resté plus de dix ans comme pigiste. Mais il est vrai

que je travaillais avec un rédacteur en chef de haute qualité !

Comme un bonheur n’arrive jamais seul (ainsi qu’un malheur pour les

pessimistes). La bible du turfiste ‘Paris-turf’ s’intéressa ensuite à

ma petite personne. Faut dire que comme dans toutes professions,

une fois que l’on a un pied dans une maison, le second est toujours

plus facile à poser.

Quelle sensation de grandeur, quelle fierté quand je suis arrivé pour

me présenter aux dirigeants de l’hippodrome de Domfront dans

l’Orne.

- Bonjour je suis le journaliste de Paris-turf. Je viens couvrir

l’événement.

- Enchanté, je vais vous montrer comment que nous fonctionnons

Monsieur.

Le frère du Roi vous dis-je !

Ensuite tout s’enchaîna très vite. Je fus embauché par mon premier

Page 53: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

53

contact hippique comme pronostiqueur. Je m’occupais des courses

d’obstacles, mon premier amour (on revient toujours à ses premiers

amours). Je "vendais" mon ‘savoir’ sur un site, via minitel et

téléphone audio.

C’est un grand bonheur de trouver la bonne combinaison du quinté.

Savoir que des gens ont gagné grâce à vous est un bon speed. Ça

vous fait avancer.

Vous voulez connaître la définition de ce qu’est un journaliste

hippique ?

Sûrement un reporter comme les autres, mais qui en plus doit

connaître d’avance les résultats des compétitions. Un peu comme si

P.P.D.A. devait annoncer le nombre de morts avant tout le monde,

lorsqu’ un tremblement de terre où un conflit survient dans un pays.

Un pronostiqueur hippique devrait gagner deux salaires. Le premier

comme journaliste-hippique et un autre comme extra-lucide, une

sorte de Madame Soleil de la chose hippique !

Découvrir la bonne solution est vraiment chose difficile. Il faut

primo : avoir une profonde expérience du monde des courses et

deuzio un halo au-dessus de la tête, une sorte de grâce tombée sur

votre berceau.

Comme tout le monde détient sa propre théorie, sa propre

expérience pour dénicher les arrivées, il faut faire un choix

Cornélien dans les méthodes.

Si je peux me permettre de vous donner quelques conseils pour vous

éviter de perdre trop, voici en exclusivité ma méthode.

1e – aller aux courses le plus souvent possible afin de bien connaître

les chevaux, les jockeys, entraîneurs ainsi que les pistes des

hippodromes.

Chaque hippodrome possède ses particularités. Certains chevaux se

plaisent sur certains champs de courses et sur d’autres ne sont que

Page 54: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

54

l’ombre d’eux même.

2e – Toujours laissez au moins une, voire deux chances à un cheval

qui vous a déjà laissé entrevoir des possibilités.

3e- Ne pas trop s’occuper du poids, du terrain, et surtout des

commentaires des entraîneurs sur leurs protégés.

4e- laissez le feeling faire. Essayer d’imaginer comment la course

va se dérouler (c’est pour cela il faut bien connaître les chevaux et

les pistes sur lesquelles vont se disputer les épreuves).

Enfin, essayer de trouver l’outsider de la course pour pimenter les

rapports, mais ne jamais éliminer systématiquement le favori parce

qu’il est favori.

Voilà, avec ces conseils avisés, vous pouvez vous défendre mais la

tâche est rude…croyez-moi ! Les flambeurs n’ont aucune chance de

gagner aux courses

La devise de Paris Turf est : « Les courses ne sont pas un jeu de

hasard »

Tout-à-fait d’accord avec cette maxime, mais il faut quand même

laisser une part au hasard faire son œuvre. Le jeu quel qui soit est

fait pour rêver.

Et puis, lorsque l'on a fait animateur-journaliste dans des PMU, on

se demande comment peux-t-on essayer de faire comprendre ce que

sont vraiment les courses ?

Aux courses de chevaux, il y a trois sortent de quidams.

1- Les purs turfistes, ceux qui vont le plus souvent sur les

hippodromes. Ceux qui prennent des notes. Ceux qui écoutent jamais

les soi-disant ,"tuyaux". En général ceux qui s'en sortent le mieux.

2- Les joueurs de courses qui font le papier et qui mettent le Quinté

en priorité. Disont que ce ne sont que des "Quinteïstes". Pour

certains, ce sont les drivers et jockeys qui courent. Style : j'ai

Page 55: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

55

touché Bazire dans la der. Soumillon n'en a pas encore gagné une ce

jour, il faut le suivre.

3- Les flambeurs qui entre deux courses grattent un ticket de

millionnaire. Ils jouent aux courses comme au loto. Ils sont

incapables de citer le nom de 10 chevaux en moins de 2 minutes. (

si, si j'ai vérifié)

Enfin comme dit l'adage; au PMU on joue comme on aime..

Je rajouterais pour certains : peu importe le flacon pourvu qu'on ait

l'ivresse.

Page 56: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

56

19- Quelques réflexions sur la vie, la mort

La vie est faite de surprises bonnes ou mauvaises peu importe du

moment qu’elles nous fournissent notre adrénaline quotidienne.

Faire un jeu sans laisser la moindre part à l’inconnu au beau milieu

des plans les mieux établis n’est pas véritablement chose très

excitante. !

Jouissons de l’inconnu mes chers frères humanoïdes. D’ailleurs ce

que nous appelons inconnu et qui nous fait tant peur, n’est pas

obligatoirement inconnu pour d’autres. L'inconnu est plutôt excitant

à vivre, à découvrir, à dénuder.

Vivre sans surprise avec son bien être intégré dans sa monotone

destinée me fait penser à ces meubles ‘conforamisés’, qui, une fois

montés sont indémontables, et ainsi vous êtes obligés de les

supporter un long laps de temps, ternissant ainsi votre existence.

Ta vie ? Elle arrive en kit. T’as un certain temps pour la monter. Si

tu l’installes en dix ans, avec une épouse, un mari, des gosses, un

chien, un chat, une télé plasma grand écran, l’hiver au ski et l’été à

Saint Tropez, que te reste-t-il donc à inventer au bout de cette

décade ?

Tu peux toujours mettre encore quelques décorations sur tes

meubles. Mais ça ne prend pas énormément de temps à réaliser ni à

rajouter un peu de piment.

Alors c’est pour cela que ta vie, il faut la monter petit à petit afin

qu’elle soit passionnante. Il faut même faire exprès de visser les vis

de travers, afin que tu ais quelque chose à redresser. En résumé

faut toujours avoir quelque chose à faire dans son existence. Le

temps joue contre nous. Le temps est assassin, je dirais même

terroriste.

Mais qu’est-ce que le temps?

Page 57: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

57

La notion du temps a été inventée par l’homme, afin de mettre des

dates sur des caveaux de famille, sur des monuments aux morts ou

pour que des ‘profs perroquets’ inculquent à des enfants que telle

ou telle batailles a servi grandement le pays.

Une des chansons florilèges du répertoire Français ‘Avec le temps’

de Léo Ferré, devrait tout simplement servir d’hymne national. Ce

serait quand même plus chouette que cette horreur où l’on apprend

à des gamins qu’il faut que le sang d’autres humains abreuve nos

sillons. C’est bien plus violent que de laisser des mômes regarder

des films de guerre.

Nous pensons tous avoir encore le temps de faire ce que l’on ne fera

jamais. Un grand penseur a dit : dépêchez-vous de vivre il est bien

plus tard que vous ne le pensez …à méditer !

Pour vivre longtemps, prenons le temps de vivre. La mort semblera

arriver moins vite. Ne brûlons pas notre capital existence terrienne,

ni à trop en faire ni à rien en faire. Calculons chaque geste, chaque

pas, pour vraiment savoir si ceux-ci sont véritablement utiles. Ne

réglons pas trop vite nos comptes avec nos semblables sous

prétextes que nous sommes différents.

Il n’y a rien de plus semblable qu’un être humain à un autre être

humain. Les mêmes qualités, les mêmes défauts, les mêmes

conneries, les mêmes maladies, les mêmes chagrins. Seuls les

séparent des frontières, des couleurs de drapeaux, des religions.

Et puis aussi le compte en banque de papa et l’endroit où tu arrives

au monde. Comme emmerdements pour certains c’est déjà un sacré

handicap.

Jouer à la guerre des boutons ou soumettre le copain de chambrée

en lui tenant les couilles jusqu’à ce qu’il siffle, c’est lorsque l’on est

gamin ou bien militaire. Je ne parle même pas de la "quéquette au

cirage... L’homme montre trop souvent l’étroitesse de son cerveau.

Lorsque la coupe du monde de football se déroule tous les quatre

ans, voir autant de blaireaux dans les rues hurler de joie, le drapeau

Page 58: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

58

à la main soi-disant parce que leur équipe a vaincu, m'a toujours

glacé d’effroi. Cette mascarade doit en faire rire beaucoup, bien

installés, dans leurs bureaux climatisés en train de regarder leurs

valeurs grossir, grossir, mais jusqu’où ? S’il pouvait y avoir autant

de monde dans les rues pour lutter contre la faim dans le monde … !

Page 59: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

59

20- Retour au concret

Pour en revenir à nos moutons ou plus exactement à nos chevaux,

ce que je trouve d’intéressant dans le journalisme c’est cette

éternelle quête de la "vérité’. Ceux qui croient tout connaître, tout

diriger, tout contrôler n’ont qu’à devenir journaliste hippique.

Ils se rendront vite compte que ce n’est pas un métier pour eux. Au

moment, à l’heure ou le résultat tombe, net, précis, comme le

marteau du commissaire-priseur, qu’une fois de plus qu’ils ont été

nuls, va les rendre un peu plus humbles, les : ‘je te l’avais dit’.

Partir à la recherche du Graal, chaque jour avec ses jumelles

astiquées, voilà de quoi en faire un métier des plus passionnants.

Nous sommes des ‘ Indiana Jones ‘des hippodromes. Pour ma petite

personne qui aime tant la liberté, le grand air, c’était vraiment la

marmite qu’il fallait faire bouillir.

Mais dans ce métier la gamelle est assez goûteuse, il est alors très

difficile d’avoir un bout du gâteau. Pour se frayer un chemin dans

cette jungle, qui, disons-le, n’en n’est pas quand même complètement

une (il y a des métiers où les fauves sont bien plus affamés), il faut

savoir bien se vendre…

Comme je n’ai jamais eu tellement la bosse commerciale, je

reconnais que d’avoir connu des gens plutôt bien placés dans le milieu

des courses hippiques m’a servi afin de pénétrer dans le monde du

cheval. Si l'on est pas du sérail, c'est loin d'être simple d'y faire

son trou.

Lorsque j’étais de l’autre côté de la barrière, fier d’être ’pelousard’,

j’admirais tant tous ces gens qui consignaient l’histoire des courses

hippiques sur des journaux signés de leurs mains, qu’une fois arrivé

au cœur de ce micro-cosmos, je fus étonné de m’y être si facilement

acclimaté.

L’univers du trot est plus facile à pénétrer que celui du galop. Quoi

Page 60: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

60

qu’avec le temps, cela a changé pour beaucoup. Chez les trotteurs,

pas de Monsieur le Comte, ni d’Altesse, de sa Majesté.

Mais que ce soit du trot, de l'obstacle ou du galop, on trouve des

femmes, des hommes qui pratiquent leur métier avec une grande

passion et disons le clairement, un courage qui semble pas loin à

ressembler à la folie.

Sillonner les routes de France, du Nord au sud, d’Est en Ouest est

leur lot quasi quotidien. Consacrer autant de temps à leurs chevaux

mérite de temps à autre une grande récompense. Seule la victoire

est l’antidote à leur fatigue.

Mais pour certains le succès est long à se dessiner. Et pourtant

chaque matin, avec la même ferveur, ils remettent cent fois

l’ouvrage sur le tapis ou mieux des crottins dans les brouettes.

Pour exercer cette passion, il faut une dose de courage digne de

celles des mineurs de fond ou bien des chercheurs d’or des mines

Brésiliennes... enfin presque.

Le froid vif des petits matins d’hiver où il faut sortir coûte que

coûte ses pensionnaires, les marcher, les trotter, les galoper, les

laver, les nourrir, puis sauter au volant de son camion afin de courir

la première épreuve qui se déroule à deux cents kilomètres de

l’écurie n’est pas un travail de nantis.

Lorsque je vois que certains employés, dont je tairais la profession

(je ne voudrais pas quand même perdre des lecteurs potentiels)

sèment la zizanie dans la société pour dix minutes de travail

demandées en plus de leurs sept petites heures prévues, cela me

fait doucement rigoler (quoique !). Il faut dire à leur décharge que

de passer 35 heures par semaine devant une machine ou un

ordinateur n’occasionne pas la même fatigue que de s’occuper

d’équidés au grand air.

La fatigue est psychologique. Pour preuve, il est bien plus facile de

se lever à quatre heures du matin en plein hiver pour aller faire du

Page 61: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

61

ski que de se lever un lundi à sept heures du mat’ en plein été pour

se rendre à son bureau.

Les chevaux me donnent bien plus de forces morales et physiques

que la vitamine C, lorsque je suis, disons, en manque de bonne

volonté. J’ai besoin de me ressourcer au près d'eux, de me mettre

au vert. Il m'est délicat de vivre sans les chevaux, mais ça vous

l’aviez déjà compris.

Page 62: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

62

21- Attention danger

S’il existe une passion où il faut bien faire attention de ne pas

se tromper car l’erreur coûte cher, c’est le monde des courses

hippiques. Que l'on soit joueurs, pronostiqueurs, éleveurs,

entraîneurs, acheteurs, vendeurs, il faut rester réaliste car on peut

vite finir sans pompes…

Comment avec les idées que j’ai sur la société, je peux être autant

passionné par ce monde où l’argent est tout de même le nerf de la

guerre ?

Il est vrai que l’argent est primordial dans cette branche, mais ce

n’est quand même pas aussi abject que dans le milieu boursier. On

ne licencie pas à tour de bras pour se faire du fric sur la tête des

prolétaires et pouilleux de tous poils. Joue qui veut.

Bien évidemment le fil rouge du monde hippique est le cheval. Peut-

on parler d’exploitation de l’animal dans cet univers-là ?

Sûrement, mais face aux corridas, aux chasses à courre pas

vraiment. On ne fait pas naître les chevaux de course pour les

mettre à mort, ni les bouffer, au contraire des taureaux. Rien à voir

également avec les courses de lévriers en Espagne...

Dans la grande majorité, les chevaux de course sont bien traités.

Bien sûr quelques brebis galeuses subsistent dans les différents

corps de métier ayant un rapport avec la filière équine. Il faut dire

que parfois, le cheval est un animal qui peut devenir dangereux si on

ne sévit pas rapidement avec lui, mais par contre quel compagnon !

Chez moi le cheval c’est comme l’eau, la terre, le soleil : un besoin

vital. Une sorte de placenta.

Page 63: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

63

L’unique chose certaine en tout cas, c’est que les chevaux par

rapport aux êtres humains ne font pas semblant. Un cheval est prêt

à laisser ses tripes sur le gazon ou bien sur le champ de bataille pour

son maître. Lorsqu’il ne donne pas son maximum, c’est qu’il y a

problème de santé et là il faut savoir rapidement trouver le bon

vétérinaire. Lorsque le cheval vieilli parfois il attrape du vice, mais

c’est de bonne guerre. J’ai connu un trotteur qui faisait semblant

de boiter lorsqu’il arrivait sur la piste de l'hippodrome du plateau

de Gravelle.

En règle générale, si le bien être du cheval est avéré, il donne bien

Page 64: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

64

plus que ses moyens le lui permettent. Reste le problème de trouver

une solution pour l'animal après sa carrière de courses. Mais là aussi

les choses s'arrangent avec l'écurie seconde chance.

Page 65: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

65

22- Dopage...

Les chevaux de course, comme tout athlètes sont bien sûr suivis

médicalement. Mais le problème dans ce milieu une suspicion de

dopage existe. On ne peut pas administrer certains produits aux

animaux, car il y a danger. Des règles bien établies et connues sont

à respecter scrupuleusement par les soigneurs. La différence avec

bien d’autres sports et non des moindres, c’est que les courses de

chevaux sont surveillées de façon draconiene avec de multiples

contrôles, sanguins, urinaires, salivaires.

Bien sûr quelques malins passent à travers les mailles du filet, mais

un jour ou l’autre ils se font prendre, et là, la sanction tombe drue

comme le couperet de Monsieur Guillotin. De lourdes peines sont

alors infligées à l’entourage du cheval réprimandé. Disqualification,

puis amende et mise à pieds sont alors à l'ordre du jour et non dix

ans après, comme dans le cyclisme.

Un exemple flagrant : Jag de Bellouet vainqueur des deux plus

grandes épreuves au trot du monde (Prix d’Amérique et Elitlopet en

Suède) a été privé de ses deux victoires sur le tapis vert pour

résultat de contrôle antidoping non conforme aux législations en

vigueur par le code des courses. Son entourage était sûrement de

bonne foi, vu qu’un laboratoire a reconnu son erreur sur certains

produits vendus et utilisés par l’entraîneur du malheureux cheval

discriminé.

Une preuve que le sport hippique est placé sous très haute vigilance.

Avec les millions d’euros mis en jeu chaque année cela peut attirer

quelques tricheurs. Jeux de mains, jeux de vilains, peut-être, mais

jeux d’argent également.

Page 66: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

66

23- Bric-à-brac existentialiste

Je trouve que vu les masses faramineuses d’argent que drainent

les courses hippiques, peu d’arnaques ou de règlements de comptes

éclatent. Dans le milieu du trot, on peut même parler d’une certaine

fraternité entre les différents acteurs. On se prête volontiers un

bandage, une roue, voire un sulky. Parfois évidemment certains au

sang chaud pètent les plombs, mais les commissaires sont là pour

remettre tout ce petit monde aux ordres.

Le monde du galop lui n’est pas évident à pénétrer car disons bien

plus mondain, mais cela se démocratise depuis quelques années. On

voit maintenant les entraîneurs de galopeurs et de trotteurs se

parler, fraterniser, chose extrêmement rare il y avait encore

seulement vingt ans. Il n’y a pas des lustres que le monde du trot

apparaissait comme le parent pauvre des courses.

Une chose m'a toujours fait rire, c'est la différence de vocabulaire

entre les deux mondes des courses hippiques. Au galop, les pros

disent : le cheval part se reposer au pré et au trot : le cheval va

aller aux champs...

Il est vrai que pour coexister dans ce microcosme, il faut être

passionné, sinon on laisse rapidement tomber. Quoi qu’il en soit, les

courses hippiques étant ma grande passion tout en ayant été mon

outil de travail, je ne vois pas comment je pourrais ne pas en être

fervent.

Pas grand-chose ne m’émeut au point de vue social, politique,

patriotique ou religieux. Côté amitié : une fois que je suis pris dans

la nasse, alors cela compte énormément pour moi.

La chose principale de ma vie est bien l’amour que je porte à mes

chevaux vitamines qui me font toujours aimer l’existence. Merci

chers équidés. Vous pouvez être certains que mes remerciements

sont loyaux. Je suis devenu ami avec des personnes que je n’aurais

jamais connues sans vous.

Page 67: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

67

24- Mes chevaux

Mon premier gagnant s’appelle Paraf, mon premier cheval en tant

que copropriétaire s’appelle : Calumet. C’était un brave trotteur, ex

pensionnaire de l’écurie Pierre Levesque de niveau quinté qui avait

des problèmes de jambes. Avec comme entraîneur Valéry Goetz, je

ne pouvais trouver mieux comme soigneur de chevaux. Calumet a pris

des placettes et a fini 7è d’un quinté + sur l’hippodrome d’Enghien

les Bains. Malheureusement Calumet a ‘cassé’ à Divonne-les-Bains

alors qu’il semblait devoir l’emporter. Grâce à l’amour des chevaux,

Maud, sœur de Valéry a pu ramener le trotteur en Normandie et

ainsi sauver le frère d’Ingen.

Quelques déceptions côté achats au trot à part Ketty Mesloise

(dont je vous ai parlé plus haut) ainsi que Nacelle de Janvrin, avec

celle-ci je pense être passé à côté de quelque-chose de grand. Ces

petits chagrins m'ont dirigé vers les galopeurs. De suite la réussite

a sonné de façon plus clinquante dans mon porte-monnaie. Ma

première victoire au galop a eu lieu sur l’hippodrome de Deauville.

Excusez du peu ! Mixedup monté par Alexis Achard a rendu fou de

bonheur quatre amis. Ce cheval nous procuré beaucoup de joies.

Très régulier, il nous a pris de nombreuses places et deux autres

victoires à Amiens et à Loudéac. Christophe Soumillon s’est mis en

selle deux fois à Vichy sur notre champion terminant deux fois

troisième...

Une anecdote pour prouver que les chevaux m’ont permis de passer

à travers pas mal d’embûches en voici une très importante.

Hospitalisé pour un grave problème de santé, la veille d’être opéré,

j’ai demandé une autorisation afin de me rendre chez moi, voir sur

Equidia, Mixedup en compétition sur l’hippodrome de Deauville. Le

chirurgien, grand amateur d'équitation a bien compris que cela était

nécessaire de m’offrir cette petite sortie. Mixedup monté par

Fabien Lefebvre fut battu ce jour-là d’un nez ! Mais pas grave, car

le lendemain l’opération a réussi et j’ai pu quelques semaines plus

Page 68: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

68

tard venir embrasser mon crack.

Far Far Away, un cheval aux couleurs étranges, véritable vedette

au rond de présentation, m’a permis d’apprécier de nouveau le goût

de la victoire. Lauréat à Chantilly avec Fabien Lefebvre, puis à

Nantes avec Alexandre Roussel, Far Far Away a fini cheval de selle.

Je pourrais consacrer un livre entier sur ce cheval exceptionnel par

sa robe, mais aussi par sa vie remplie de mésaventures depuis sa

naissance.

Quelques placettes m’ont permis de continuer avec les galopeurs.

Goldtiming restera aussi l’une de mes chouchoutes. Vendue elle est

devenue poulinière. Puis un break sans chevaux m’a remis le

portefeuille étrangement à regonfler.

L’opportunité d’acheter de nouveau un trotteur m’est venu avec

Vauban de Vrie. Celui-ci acheté à l’amiable 8 000 euros, a gagné huit

jours après son achat 10 000 euros sur l’hippodrome de Craignes

drivé par Sylvain Devulder. Ce trotteur m’a permis de retrouver

Virginie Couillaud, la jeune fille qui avait débuté en course la petite

Ketty Mesloise au trot monté à Vincennes lors d’une nocturne où

mon cœur a frisé les 200 pulsations minute. Nous avons revendu

Vauban de Vrie peu de temps après car son entraîneur quittait le

métier.

Resté sans parts de chevaux quelque temps, un beau jour de

septembre, Auteuil fut le théâtre d’une nouvelle aventure équine

Page 69: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

69

25- La copropriété : autres joies

Lorsque l’on a goûté aux joies, angoisses et souvent (trop) aux

déceptions en tant que propriétaire, il est malgré tout difficile de

tout abandonner. Mais sans se mettre en danger en tant que

copropriétaire, une solution est née : les écuries de groupe.

Connaissant depuis quelques années Didier, Jérôme et Clément

Marion, un beau jour de juillet, je décide de participer à une nouvelle

aventure. La création de l’écurie Anjou Passion. Bien que celle-ci

s’adresse à des Angevins, je fus adopté en tant que…Parisien.

Cette expérience me permet à moindres frais de continuer à suivre

les courses. Je fais ainsi la connaissance de gens passionnés dont

j’ignorais l’existence jusqu’à ce jour.

Chaque fois que je suis sur un hippodrome où l’un de nos chevaux est

inscrits sur le programme, mon cœur ne bat pas comme d’habitude.

Bien que la scoumoune nous a poursuivi pendant trois ans pour la

gagne, les très nombreuses deuxièmes places nous ont souvent

réunis en cours de réunion devant une bonne bière.

Page 70: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

70

Et puis, enfin la victoire grâce à El Tango Bello à Rostrenen. Quel

regret de pas être présent ce lundi du mois d'Août en Bretagne.

Rien que d'avoir vu la fin de course de "notre champion" via un film

en replay je pense que mon timbre de voix en aurait pris un sacré

coup. J'aurais pu finir castrat !

Lorsque Jennychope, un de nos premiers achats, a débuté pour

l'écurie Anjou Passion sur le champ de courses d'Auteuil, je ne

regardais pas lorsque la "fifille" sautait une haie. Ça fait peur

l’obstacle. Pourtant cela ne s’est pas si mal passé puisque la pouliche

a fini quatrième. Cette aventure m’a permis aussi de connaître de

nouveaux hippodromes. Jennychope, Défi Chope, El Tango Bello,

Anodinio, Cheecky Boum, Faro des Malbereaux, Go'n Win m’ont

rajeuni de quelques années, me faisant lever aux aurores afin de les

voir en compétition.

Dans le merveilleux film d’Etorre Scola : une journée particulière,

deux êtres s’aiment sans se soucier du drame qui se joue à quelques

mètres d’eux : l'arrivée du fascisme en Italie. Aux courses de

chevaux (toutes proportions gardées) c’est un peu pareil. Lorsque

l’on a un cheval de course qui court sur un hippodrome, la terre peut

s’écrouler (sauf la piste) notre esprit n’est là que pour notre fier

coursier. Cela s’appelle la passion, l’amour, la déraison, la folie.

Étant de moins en moins en configuration joueur, je suis par contre

devenu encore plus admirateur de ces ‘peintures’ que sont les

chevaux.

Je passe plus de temps aux écuries, puis dans les ronds de

présentations où je m’amuse à prendre des photos. Même avec un

appareil à 100 euros, je trouve que c’est assez simple de ne pas être

trop nul. Faut dire que les chevaux sont photogéniques.

Et puis, le talent compte peu lorsque l’on est passionné. Évidemment

la technique aide dans la réussite d’une photo, mais n’est-ce pas l’œil

guidé par le cœur qui est meilleur conseiller ?

Dans la vie ce ne sont pas ceux qui ont appris dans les livres, ni

Page 71: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

71

fréquentés les grandes écoles qui sont les plus intéressants à

connaître. Les gens qui m’ont montré la route à suivre la mieux

éclairée sortaient du peuple, ceux qui savent le prix du pain. Ceux

qui connaissent les nuits d’angoisses à rêver que demain sera peut-

être l'arrivée de la paie sur ton compte postal. Lorsque l'on est sur

la corde raide, rien n'est certain. Alors on se méfie de ne pas

tomber. On observe si la corde qui nous permet encore d'espérer

qu’elle ne vas pas se rompre. Une descente directe aux enfers est

irréversible...

La vie ne fait pas de cadeau comme chantait Jacques Brel. Les

courses de chevaux en font à quelques-uns, mais pour être tout à

fait honnête, j’ai connu quand- même quelques joueurs qui ont connu

des existences et fins de vies dignes de figurer dans les écrits de

Zola.

Bien que certains ne fassent plus partie de cette boule en fusion, je

ne peux me permettre d’en parler.

Mais lorsque je vois certains proprios, entraîneurs, parader avec

leurs jumelles décorées de cartes d'entrées d’hippodromes avec

cigare au bec, je ne peux que penser à des gens comme les dits ‘

bananes’, ‘le Merlan’ etc. Ces gens-là me rappellent une anecdote :

celle d'un fameux Sidney

Page 72: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

72

26- Sidney : la voix des courses

Longchamp accueille une course de groupe I. Beaucoup de monde

dans le rond de présentation cet après-midi-là sous le soleil. Tout

va bien. Le gratin hippique est présent. Les Duchesses, Altesses,

Princes sont accompagnés de leurs entraîneurs. Mais malgré cette

vie de rêve, tout le monde semble aller ou revenir d’un enterrement.

Heureusement qu’un certain Sidney, bien connu des turfistes et du

monde de la boxe, lance de sa voix puissante:

- Allons Mesdames et Messieurs un petit sourire s’il vous plaît.

N’oubliez pas que parmi nous (les turfistes) certains ont plusieurs

mois de retard de loyer !

Et là, certains se sont retournés en direction de Sidney en esquivant

un léger sourire afin de paraître compatissants ou plus humains !

Des hommes comme Sidney sont des purs. On sent bien que le temps

n’a aucune emprise sur sa folie. Nous les vrais passionnés des

courses hippiques nous sommes des fous. Des fous de bonnes

volontés.

- La folie qui m’accompagne, et jamais ne m’a trahi, chante un autre

grand artiste, Jacques Higelin. Pour mon cas cette phrase peut

s’adapter parfaitement à mon existence. Le problème c’est que je

connais des plus dingues que moi et cela me contrarie. Mais la

passion n’est-elle pas une folie non déclarée ?

Des cas de folie extrême peuvent exister aux courses. Un jour

d’ultime réunion de l’année à Auteuil à la limite du zéro degré, un

homme a mis son manteau en vente. Tout cela pour essayer de se

refaire dans la dernière…Heureusement qu’aucun turfiste ne lui a

acheté. Un autre faisait la manche à ses copains afin de rentrer

chez lui avec le lait et le pain, sa femme lui ayant donné l’argent pour

les acheter. Des fous, vous dis-je !

Page 73: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

73

Dans les années 1975, j’ai connu un fabricant de sacs en cuir faire

faillite. Comme c’était un artiste de ses mains, il a facilement

retrouvé du travail comme coupeur dans une maroquinerie de renom.

Hé bien me direz-vous et alors, beaucoup d’entrepreneurs font

faillite ? Mais lui c’était à cause des courses et aussi (les petites

nanas). Il était tellement endetté que son patron lui avait avancé

ses congés payés des 2 prochaines années. Et oui les courses

hippiques c’est aussi cela. Faut pas se voiler la face. Chacun de nous

a connu plus de "tondus" que d'heureux élus.

Une fois en remontant la côte de Suresnes sous un violent orage

d'été afin de relier Longchamp à la gare Saint Lazare, j'ai assisté à

une scène qui m'a tant fait rire que je m'en souviens encore.

Assis sur le banc du quai en attendant le train, je m'aperçois qu'une

épaisse vapeur odorante sort des chaussures de mon compagnon de

route. Ne lui disant rien au risque de le vexer, je m'aperçois que ses

pompes avaient pris l'eau et sous la chaleur épaisse, les chaussettes

s'étaient transformées en geyser. Pour la petite histoire, il avait

perdu gros l'après-midi.

Un autre qui portait des chaussures d'hiver fourrées en plein

meeting d'été d'Enghien les Bains...heureusement que les orages

avaient décidé de ne pas se mélanger à la chaleur ambiante sinon

bonjour les odeurs et les flagrances.

C'est ce qui s'appelle aux courses : finir sans pompes !

En plein hiver, un nommé Banane, voulait dormir dans la cave d'un de

ses potes de champ de courses par -5 degrés dehors.

- Tu es fou Dédé, j’ai pas envie de te retrouver raide demain matin.

Personne ne sait où et comment il a fini sa nuit, mais le lendemain

l'infortuné Babane était présent à la pelouse de Vincennes, dès la

première course.

Que dire d'un certain "merlan" qui trimbalait à longueur d'années,

Page 74: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

74

de trains en trains, de voitures en voitures une valise bourrée de

journaux et autres programmes datant pour certains de plus de cinq

ans ? un jour, je lui ai demandé, mais qu’est-ce que tu trimbales là-

dedans ?

- Une enclume ou quoi ?

Que dire du "Grec" qui après avoir touché un 20/1 hurlait dans la

salle de presse de Vincennes :

- Dire qu'ils y en a qui travaillent, alors que des journalistes

séchaient sur leurs claviers, à la recherche d'un titre

dithyrambique.

C’est pour cela que les courses de chevaux doivent absolument

rester une passion. N’oublions pas que le jeu ne profite qu’à celui qui

le crée…

Pour ma part ma folie est contrôlée par ma connaissance de la valeur

de l’argent. Pour moi, il est interdit de perdre aux courses les billets

si durement gagnés. Disons, qu’entre deux immenses parenthèses,

je consacre le surplus aux courses soit en tant que joueur ou

copropriétaire. Il faut bien aussi faire vivre les chevaux.

Lorsque l’on est jeune et pas très argenté, il vous arrive des tas de

choses. Les courses de chevaux m’ont mis dans des situations

inconfortables. Pour économiser le prix des entrées, il m’est arrivé

de perdre le fond d’un pantalon sur les barbelés de l’hippodrome de

Vernon (fermé aujourd’hui). De finir les deux pieds dans la vase à

Abbeville. La SNCF m’a aussi pas mal sponsorisé sans le savoir. Les

allers pour Caen n’étaient payés que jusqu’à Rouen. Pour aller à Rouen

sur l’hippodrome des Bruyères, un aller Vernon suffisait. Des

techniciens de l’arnaque m’avaient expliqué qu’à midi les contrôleurs

descendaient tous à Vernon afin de déjeuner. Le train repartait

sans personne jusqu’à Rouen…la belle affaire.

Afin d’économiser un ticket de bus, je descendais à la ‘station stade

de Rouen' et finissais à pied (600 M), puis ensuite fallait essayer

Page 75: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

75

de rentrer par derrière les écuries sans se faire repérer par le

garde-chiourme…Et voilà pourquoi Rouen et Vernon ont fermé me

direz-vous. Parfois je me demande si je n’ai pas coulé aussi la SNCF

et les bus de Lecanuet !

Rouen-les-Bruyères était mon hippodrome préféré et de loin. Je

loupais peu de réunions. J’ai vu le phénomène Ourasi disputer sa

deuxième course après ses débuts ratés à Caen. Ce jour-là Ourasi a

rendu l’hippodrome. J’ai touché une belle place. La légende veut que

Monsieur Pierre-Désiré Allaire ai proposé une somme très, très

rondelette à son entraîneur, propriétaire et driver, Monsieur Raoul

Ostheimer…sans aucun résultat ! Faut dire que cet homme était

sourd et muet...

Sur ce même hippodrome des Bruyères, je me souviens comme si

c'était hier des premiers pas du champion, Minou du Donjon. Il m’a

permis de toucher un magnifique 18/1 à Enghien-les- Bains quelques

semaines après.

Les courses de galop étaient moins propices aux notes, mais

quelques repérés pouvaient gagner ensuite handicaps en région

Parisienne.

En ces temps-là, pas de TV, les performances des chevaux ayant

couru le dimanche n’étaient publiés dans la presse que 3 jours après

ou même parfois plus. C’est ainsi que j’ai touché une certaine

Jéremice (l’une des meilleures J de la génération de Jorky) à

Vincennes en nocturne. Sur le Turf aucune note sur la victoire de la

jument de Monsieur Rézé, alors qu’elle venait d’effectuer une

rentrée victorieuse à Rouen 5 jours auparavant, après un an

d'absence. Bien que déclassée, elle afficha un joli 8/1. J’en ai juste

parlé à deux amis avant le départ afin que le ‘secret’ ne soit pas

dispersé à travers la France…n’oublions jamais que les courses de

chevaux, c’est chacun pour soi…c’est du mutuel non ?

Tous les mardis, j’allais au centre Pompidou afin de lire et de relever

les pages hippiques. En effet tous les journaux régionaux dont le

Page 76: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

76

Ouest-France et Paris-Normandie étaient gratuits à la lecture. Je

passais mon temps du déjeuner à noter sur un carnet les chevaux

repérés par les journalistes qui étaient présents en chair et en os

sur les hippodromes dits de province.

Le Vendredi soir, lorsque la poste n’était pas en grève, mais plus

souvent le samedi, je recevais l’hebdomadaire Province-courses. Un

abonnement qui m’était d’un bien précieux. Faut dire que les pigistes

de cet hebdomadaire étaient des cracks de la découverte.

Attention, je ne dis pas cela pour moi qui suis arrivé à ce journal

bien plus tard. Vincent Béguin y faisait le bonheur des joueurs avant

de rejoindre Paris-Turf. Certains même le maudissait car il repérait

les mêmes notes qu’eux…

Un véritable turfiste ne peut être que solitaire...mais jamais très

bavard avec les autres. Les courses hippiques ce n’est pas du social

…faut payer pour voir.

Et puis c’est tellement beau de toucher sans aucun renseignement,

grâce seulement à sa science hippique. Les courses sont un jeu

d'égoïste, j'allais écrire, d'égocentrique.

Mais parfois, il y a des exceptions comme celle que je vais vous

narrer.

Un souvenir avec P.D.ALLAIRE : C'est un soir de réveillon où en

passant devant nous à la pelouse de l'hippodrome de Vincennes dans

le tournant dit de la cuvette, il nous répondit de cette façon à notre

question :

- M Allaire c'est bon ? (il y avait 9/10)

- Non, Les mômes allez jouer le Baudron, il va gagner

Résultat des courses : 1er Baudron 5/1

La bûche de Noël nous attendait dans une boulangerie du côté du

Château de Vincennes !...

Page 77: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

77

27- Nostalgie d'un temps...

Tout au long d’une vie de turfiste, on prend de sacrées claques mais

aussi des joies incomparables lorsque TON cheval passe le poteau

en tête. Quoi de plus beau de tenir dans ses mains les tickets avec

le bon numéro ? Quoi de plus jouissif que de se voir remettre les

billets par le guichetier ? Un peu à l'image d'un fooballeur qui lève

la coupe d'Europe, on se sent une idole, un Dieu !

Quelques noms restent gravés au fond de mon cortex cérébral

comme des souvenirs inoubliables. Gamine d’Ici, ma plus belle gagne

à 98/1, montée par Pascal Godey sur l’hippodrome de Vincennes.

Fast Action que j’avais repéré deux semaines auparavant sur

l'hippodrome du Val D'Or et qui l’emporte à Longchamp dans un

Tiercé à 67/1. Son entraîneur était Henri Van Poêle et son jockey,

Robert Couteleau. Comment ne pas se souvenir d’Ivanjica lauréate

de l’Arc de Triomphe et qui m’a fait trembler le poteau

passé…Freddy Head étant éjecté après avoir salué la foule.

He Minet, un cheval entraîné par Marcel Delaunay que j'ai touché

au trot monté un premier janvier après une cuite mémorable. Si, Hé

Minet n'a pas "dégueulé" dans la ligner droite, moi si !

Brao Kerveyer, trotteur sympathique à l’image de Bill D, dont je

vous ai parlé plus haut. Toronja une jument Allemande lauréate du

Maurice Gillois, Tétrac entraîné par Monsieur Jean Sens.

Riverqueen et Pistol Packer, Détroit, des pouliches de cœur que je

jouais les yeux fermés. Ivory Queen lauréate du Critérium des 3

ans devant le célèbre Idéal du Gazeau. Les Bison Futé, Soyor, un

‘Gaumondy’, comme MON Paraf, Monquier qui m’avait fait de l’œil

sur l’ancien hippodrome de Laval etc, etc J’en passe et des meilleurs.

Et de nos jours, me direz-vous ?

Maintenant, il m'est délicat de tomber amoureux d’un cheval.

Varenne étant l’un des rares de la nouvelle ère à m’avoir fait

applaudir. Face Time Bourbon est un guerrier simple, sans frime.

Enable aussi m’émeut pas sa longévité. Si un coursier a montré ces

Page 78: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

78

dernières années ce qu’était un cheval de course, c’est bien Cirrus

des Aigles. Et puis, la belle Trêve reste un exemple à montrer à de

nouveaux passionnés…mais je sens que je ne peux plus tomber fou

amoureux. J'ai du trop donner...

Les courses ont beaucoup changé. Je m’intéresse moins à celles

disputées au trot où j’ai quasiment jeté l’éponge, côté jeux. Au galop

et en obstacles beaucoup de chevaux me donnent envie de les suivre,

mais je n’arrive pas à en faire des idoles comme autrefois avec les

Katko dont le squelette est exposé sur l'hippodrome. Al Capone II

restera pour l'éternité THE STAR de la butte-Mortemart avec sa

statue qui trône au milieu du champ de courses.

N’ayant jamais été un pur du papier, je joue plus au feeling. Le rond

de présentation étant ma tasse de thé. Je regarde bien plus

qu’autrefois les cotes. Les chevaux qui doivent être à 3/1, doivent

être à 3/1. Si ce n’est pas le cas, on dit que ça doit être un ‘mort’.

Maintenant, on ne peut plus jouer sans les cotes. Trop de joueurs

‘sont au parfum’. Cela est indéniable lorsque l’on regarde certains

rapports...

Il m’a été très difficile de m’adapter à cette nouvelle version

courses. Le Quinté depuis sa création, j’ai dû déposer 20 euros aux

caisses du PMU. Je suis toujours convaincu que seul le jeu simple

avec mises de 1 fois 3 fois et la seule solution pour ne pas perdre.

Un jumelé en deux et parfois ainsi que des reports par deux chevaux

et ça s’arrête comme jeux pour moi. J’ai été éduqué ainsi…

Je peux vous paraître amer envers ma passion, style ‘vieux con’ mais

ceux qui ont connu la ‘belle époque’ ne me contrediront pas.

Maintenant seule la province me rappelle le bon vieux temps ou

l’expression course- école s’appelait bigorne. On appelait un chat, un

chat !

Les mots, cordonchés, ficelés, faire le tour ne sont plus

politiquement corrects. Les expressions des anciens turfistes

étaient drôles et explicites telles que : Le Pape était pendu dans la

Page 79: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

79

cuvette - Ce trotteur-là, il monte aux arbres- Il a frisé la

correctionnelle.

Finalement je pense que la télévision n’a pas fait que du bien aux

courses, surtout aux hippodromes Parisiens où l’accueil laisse tant à

désirer. Combien de fois, j'ai entendu : "je suis bien mieux chez moi

devant la télé ".

Comme je l’écrivais en début de ce livre, c’était bon de se taper une

bonne tartine de rillettes sous une toile de tente en sortant

d'Auteuil via le tournant de Passy. Les sorties de Longchamp avec

le casse-croûte qui attendait le long de la petite rivière. Rien à voir

croyez-moi avec la brasserie de Longchamp (surtout les tarifs). Et

même si c’était dans un endroit un chouia sordide, qui se souvient

d'une coupe de champagne après une victoire au petit bar sur le

parking d’Enghien- les-Bains destiné aux professionnels ?

Et les "vendeurs de tuyaux" aux entrées et sorties des

hippodromes. Je me souviens de Bruno, à qui j'avais acheté 2 francs

"son" gagnant de L'Arc de Triomphe 1970. Sur d'immenses feuilles

de papier plaquées au sol à l'aide de grosses pierres, le vendeur de

tuyaux avait écrit : Nijinski sera battu !

Cela excitait tellement ma curiosité que ce jour-là j'ai payé pour

savoir comme au poker. Sur le petit papier en effet était écrit un

autre nom que le grand favori, Nijinsky. Il s'agissait de Miss Dan.

J'ai joué le tuyau de Bruno. Nijinsky a été battu d'un nez ce jour-

là, mais pas par Miss Dan qui termine quand-même 3e, mais par

Sassafras, monté par Monsieur Yves Saint Martin. Lester Pigott ne

montant pas ce jour-là la course de sa vie. Cela arrive même aux plus

grands.

Et puis, comment ne peut-on pas être nostalgique des joueurs de

bonneteau aux sorties des hippodromes poursuivis par les "képis"?

Lorsque l'on avait perdu, on pouvait passer quelques instants à

regarder les "pigeons" se faire tondre à leur tour.

Et puis, comment ne pas se souvenir du bon vieux temps lorsque tu

Page 80: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

80

as connu les Dames qui criaient " On paye, on paye" au milieu de la

pelouse du Tonkin. En échange de 0,50 centimes, elles sortaient

d'une sacoche en vieux cuir le paiement de ton pari gagnant. Cela

évitait de faire des queues interminables aux guichets.

Et puis, tous ces autocars qui nous ramenaient à la maison. Je ne me

souviens plus du prénom de cet homme qui racolait les turfistes

comme le font des types aux entrées des boîtes à strip-tease place

de Clichy, afin que ceux-ci montent dans le car de son patron.

- Nation, Voltaire, République, Opera, Saint Lazare annonçait-il.

Bien installés à l'arrière avec un paquet de cacahuètes acheté

à...Cacahuète, je me faisais rêver avec mes "futurs" gagnants qui

devaient courir le lendemain, comme d'autres le font en rêvant à de

chimériques espoirs sexuels...

Il est étonnant de se rappeler exactement où l'on se trouvait au

moment où se produit un événement hors normes dans notre vie.

Exemples : la mort de Claude François, je me trouvais un samedi

vers 16 H 30 en voiture rue des Ecoles dans le Vè arrondissement

de Paris. L'attentat des tours à New York dont j'ai appris

l'existence sur un téléviseur de l'accueil de RTL. L'attaque

terroriste du Bataclan que j'ai connu en lisant un tweet sur mon

portable alors que j'étais présent sur l'hippodrome de Vincennes.

Pour ce qui est des événements hippiques, bien que ceux-ci n'aient

pas le même niveau dramatique que ce que la société peut produire

d'horrible, certaines photos instantanées de courses me rappellent

lieux et heures où je me trouvais à ce moment-là.

Ainsi je me vois encore juché, lors de la victoire de la pouliche

Allemande Toronja dans le Prix Maurice Gillois, au pavillon (tombé

en ruine) sur l'hippodrome d'Auteuil.

Lors de la victoire de Coktail Jet, j'ai appris que mon jeu du matin

déposé au tabac-PMU sur le crack de Jean- Etienne Dubois avait

fait des petits en sortant du cinéma porte Maillot. Mais par contre

je ne me souviens plus du film...

Page 81: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

81

D'autres exemples pourraient venir confirmer que certains exploits

hippiques sont inoubliables.

Dès la fermeture de l'hippodromes d’Evry (véritable scandale) puis

des pelouses dont celle de Vincennes, j’ai senti un vent contraire

souffler fort sur la flamme de ma passion. Je me suis accroché

peut-être plus par habitude qu’autre-chose. Et pire encore est

arrivé la terrible nouvelle de la fermeture de l'hippodrome de

Maisons-Laffitte, après celle d'Enghien-les-Bains pour l’obstacle.

Ces endroits magiques où j’ai eu mes premiers contacts avec des

pros. Les écuries André Adèle, Georges Pelat, Jacques Beaumé et

son fils Jean-Jacques Beaumé chez qui un copain de galère

s'occupait d'un certain Toulois...lauréat d'un Prix Bride Abbatue de

légende...

Maintenant, je suis moins attiré par le côté "flambe". Faut dire que

mes copains d'hippodromes ont disparu à 90%. Certains sont morts,

d'autres ont changé de région ou bien tout simplement jeté

l'éponge. Les hippodromes se sont vidés au fur et à mesure. J'ai vu

me retrouver l'hiver à Vincennes et me demander : mais qu’est-ce-

que je fais-là ! Mais comme les courses devant la télévision

m'intéressent autant qu'un match de football Américain...alors je

me déplace encore dans ce Temple du Trot qui est juste devenu un

endroit où quelques croyants viennent encore se ressourcer aux

pieds de la statue du Dieu Ourasi.

Rien que de voir les guichets portant les noms de trotteurs célèbres

fermés dans ce hall vide, ne laissent aucun espoir au retour du

public.

Et encore Vincennes n'est pas le pire des hippodromes Parisiens

comme certains où l'ennui peut te gagner après deux courses. Que

dire d'Auteuil, Saint Cloud et je parle même pas du nouveau

Longchamp.

Parfois la nuit, lorsque l'hippodrome du bois de Boulogne est allumé

de mille feux j'arrête ma voiture en haut de la montée et j'aperçois

Page 82: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

82

sur la piste...Soleil, Mill Reef, Ivanjica. Croyez-moi qu'ils vont

encore vite...non je ne suis pas fou

Page 83: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

83

28- Autres époques, autres moeurs

Pour compenser cette nostalgique solitude "hippodromesque"...

je parle avec les pros. D'ailleurs je voyage avec certains en province.

Vu mes talents de bavard, la route leur parait moins longue. Surtout

lorsque les résultats sont négatifs. J'ai fait ainsi connaissance avec

l'hippodrome de Mons en Belgique. J'aime découvrir les champs de

courses à l'étranger. J'aime beaucoup l'Italie, je suis allé à Cesena,

Bologne. Cet hiver 2019-2020, comme depuis bientôt une

quarantaine d'années, lors de mon séjour à Cagnes-sur-Mer, j'ai

profité d'un lundi sans course en zone PACA pour découvrir

l'hippodrome d'Albenga, appelé aussi hippodrome "Dei Fiori". Bien

que seuls les trotteurs ont maintenant droit de cités à cet endroit,

découvrir ce lieu m'a beaucoup plu. Malgré des allocations parfois

ridicules, la passion est bien présente.

Lors d'un séjour à Biarritz, j'ai franchi la frontière pour me rendre

sur le champ de courses de San Sébastien . Evidemment ces

endroits n'ont pas l'Aura que peuvent avoir, Saratoga, Epsom,

Solvalla, mais vous l'aurez bien compris que j'aime mieux les

endroits sans tralala. J'ai tellement peur d'être déçu par ces

endroits hupés et recommandés par la majorité des afficionados

des courses et même par certains lêche-pompes invités à déjeuner

gratuitement.

Page 84: C'est ici que tout a commencétopetflop.o.t.f.unblog.fr/files/2020/12/odyssee-dun... · 2020. 12. 16. · Odyssée d'un turfiste ordinaire C'est ici que tout a commencé... Vouloir

84

29- Comment en suis-je arrivé là ? Moi-même me le demande !

Voilà toutes les bonnes choses ont une fin ! On arrive à l'épilogue

de mon odyssée dans laquelle je vous ai proposé de lire quelques

phases de ma vie de turfiste, de passionné. En cette occasion,

sournoisement, j’allais écrire en traîtrise, j’ai dévoilé aussi quelques

peu mes joies, mes peines. Discrètement j'ai glissé une pincée de

mes idées sur la société qui en définitive n’a de nom que société. Le

chacun pour soi est une évidence dans ce monde.

Que ce soit pour l'être humain, l'animal, la plante, les premières

années de la vie sont tellement importantes pour la suite. Mon

histoire a commencé à Auteuil, où se terminera t’-elle ? Personne ne

le sait. Mais elle aura au moins eu le mérite d’exister et de me

procurer une vie peuplée de rêves qui avait pourtant bien mal

débutée.

Comme écrit sur l’affiche d'un chef-d’oeuvre du septième art :

Midnight Express : l’important est de ne jamais désespérer…

Je souhaite à tous les passionnés de vivre à fond leur passion, leur

sacerdoce, leur foi dans ces majestueux animaux que sont les

chevaux. Mais attention il y a danger, certains tapent et d’autres

mordent…dans les portefeuilles ! Si, Si j'en connais

personnellement !

Fin