Cgsp Rapport Compagnies Aeriennes 30072013

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    Rapport de la mission prside par Claude Abraham

    Les compagnies arienneseuropennes sont-elles mortelles ?Perspectives vingt ans

    JUILLET2013

    RAPPORTS& DOCUMENTS

    www.strategie.gouv.fr

    Photographe(s):LUIDER,

    mile-LACOMPANYpourAroportsdeParis

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    Les compagnies arienneseuropennes sont-elles mortelles ?Perspectives vingt ans

    PrsidentClaude Abraham

    RapporteursAurlien CroqFranois VielliardCoordinateur

    Dominique Auverlot

    Juillet 2013

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    Avant-proposLes grandes compagnies ariennes europennes sontaujourdhui confrontes de multiples dfis :

    lenvironnement institutionnel est en pleine mutation, refletde la mondialisation des changes et de lessor despuissances mergentes ;

    la concurrence se dveloppe, tant sur le court et le moyen-courrier, lchelle des continents, que sur le long-courrier, travers le monde ;

    les prix ont commenc intgrer les externalits environ-nementales. Avec le cadre rglementaire, les incitationsfiscales psent de plus en plus dans les dcisionsstratgiques des entreprises ;

    les besoins de financement sont considrables dans uneactivit fortement capitalistique, o tout retard dans lamodernisation de la flotte se traduit par une perte decomptitivit.

    La redistribution des cartes entre compagnies ariennes adbut aux tats-Unis avec la drglementation lance parladministration Carter en 1978. Elle sest tendue lEurope.Aujourdhui, de nouveaux acteurs mergent, venant de zonesgographiques en pleine croissance. Parmi les gantsactuels, certains dj sont de cration rcente et ont connuune progression fulgurante. Car il sagit bien l dun combatde gants : lhistoire montre que les plus grandes compagnies

    peuvent disparatre faute de stre adaptes un nouveaucontexte conomique mondial.

    Lpoque o lavion tait le moyen de transport dune lite,pionnire, aise, est rvolue. La compagnie nationale faisaitalors figure dinstrument oblig dans la panoplie dun tatcherchant rayonner dans le monde. Depuis, le transport ariensest dmocratis, et il faut sen fliciter. Mais cela change lestermes de la concurrence : le moyen-courrier devient souventlow costet le long-courrier est un march que les compagniesariennes dAsie et du Golfe veulent conqurir par des offrescommerciales agressives et de qualit en prenant appui surun positionnement gographique avantageux.

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    Plusieurs de nos voisins ont vu leur compagnie porte-drapeau perdre son autonomie,voire disparatre. Trois pays, la France, lAllemagne et le Royaume-Uni, ont russijusqu prsent conserver leur compagnie historique. Chacune dentre elles sestrenforce et a construit une alliance avec des partenaires du monde entier. Mais leurs

    difficults, notamment financires, sont relles.Sans tre le seul facteur dvolution, les politiques publiques auront un impactincontestable sur leur avenir.

    Dans ce contexte le rle des gouvernements nest pas de faire obstacle laconcurrence en vue de protger les compagnies ariennes existantes. Mais il estdassurer que les conditions de cette concurrences sont quitables, tant lintrieurde lespace europen quentre compagnies europennes et non europennes.

    Le rapport de lquipe dirige par Claude Abraham livre ici une prospective vingt ansde ce que pourraient devenir les compagnies ariennes europennes et des risques

    auxquels elles doivent faire face. Ses analyses fournissent aux pouvoirs publics leslments dune politique longue porte en matire de transport arien.

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    SommaireIntroduction .................................................................................... 9Propositions ................................................................................... 11Chapitre 1 Lvolution du cadre institutionnelet louverture du ciel ................................................... 151. Lapparition du transport arien et son encadrement .................................. 15

    1.1. Une rgulation prcoce .................................................................................. 151.2. La rgulation de la navigation arienne aprs la Seconde Guerre mondiale .. 17

    2. La deregulationdu transport arien aux tats-Unis ..................................... 18

    2.1. La contestation de lencadrement administratif ............................................ 182.2. La remise en cause des grandes compagnies historiques ........................... 202.3. Une nouvelle forme de concurrence en transport intrieur : le low cost...... 222.4. La deregulationexporte : les pressions amricaines .................................. 23

    3. Les tapes de la libralisation du march en Europe ................................... 25

    3.1. La libralisation europenne de 1987 1993 ............................................... 263.2. Le nouveau cadre europen ......................................................................... 27

    4. La rpercussion en France de la libralisation en Europeet du renforcement de la concurrence internationale .................................. 32

    4.1. Les vols charters, exception la stricte rgulation ....................................... 32

    4.2. Lapparition phmre, en France, de compagnies concurrentesdes compagnies historiques ......................................................................... 344.3. Lvolution du groupe Air France .................................................................. 35

    5. La fin du modle compagnie porte-drapeau ........................................... 39

    5.1. Les compagnies nationales en souffrance .................................................... 395.2. La libralisation : une refonte du march au bnfice des consommateurs ... 40

    6. Vers une libralisation tendue dans le monde, mais non encore universelle .. 42

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    Chapitre 2 Un panorama de la situation actuelledes compagnies ariennes ......................................... 451. Les industries europennes et amricaines en difficult .............................. 45

    1.1. Des compagnies europennes de taille moyenne ou modeste en difficult ... 451.2. Des majors en difficult aux tats-Unis et en Europe ................................... 461.3. Des diffrences structurelles entre les marchs aux tats-Unis

    et en Europe .................................................................................................. 50

    2. Les compagnies low cost, maturit aux tats-Unismais en plein dveloppement en Europe ..................................................... 51

    2.1. Un march nord-amricain domin par Southwest Airlines ......................... 512.2. En Europe, trois acteurs majeurs dominants sur le march low cost........... 52

    3. Le cas particulier des marchs asiatiques ................................................... 54

    3.1. Lmergence des low costrgionales, mouvement qui sinitie en Asiedu Sud-Est .................................................................................................... 56

    3.2. Chine, Japon, Core du Sud : des marchs en pleine mutation .................. 573.3. Inde : une situation difficile et un march isol ............................................. 59

    4. Les compagnies du Golfe en position de challengers ................................. 60

    4.1. Une vritable menace pour les compagnies europennes ........................... 604.2. Des enjeux financiers forts ............................................................................ 614.3. Un march au volume limit mais stratgique en long-courrier ................... 62

    5. LAmrique latine : un march en croissance mais domin

    par les compagnies trangres sur le long-courrier..................................... 636. Un enjeu majeur : offrir un rseau mondial................................................... 65

    Chapitre 3 Les modles conomiquesdes compagnies ariennes ......................................... 671. Les fondamentaux de lindustrie .................................................................. 67

    1.1. Une industrie capitalistique, expose la conjoncture et au prixde lnergie .................................................................................................... 67

    1.2. Des barrires lentre et la sortie ............................................................. 69

    2. La caractristique du hub............................................................................. 71

    3. Les modles bas cots : lavenir du moyen-courrier ? ............................. 72

    3.1. Dfinition et principe du low cost.................................................................. 723.2. Le low cost: positionnement davenir pour le march intra-europen ?...... 74

    4. Les accords bipartites .................................................................................. 75

    4.1. Les accords interlignes ................................................................................. 754.2. Les accords de partage de codes ................................................................ 764.3. Lesjoint-ventureset prises de participation ................................................. 77

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    Sommaire

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    5. Les alliances : un intrt conomique vident pour les compagnies,plus discut pour les voyageurs .................................................................. 78

    5.1. Un modle gomtrie variable fond sur la complmentaritdes rseaux et une mutualisation des cots ................................................. 78

    5.2. Un modle qui bnficie au consommateur ? .............................................. 81

    6. Une volution vers des compagnies aux modles hybrideset une importance croissante des partenariats ............................................ 82

    Chapitre 4 Recommandations aux pouvoirs publics franaiset communautaires. Scnarios vingt ans .................. 851. La demande ................................................................................................. 86

    1.1. Des perspectives court terme marques par la crise en Europe

    et aux tats-Unis ........................................................................................... 871.2. Des marchs domestiques divergents .......................................................... 891.3. Des marchs long-courriers vraisemblablement appels une forte

    croissance ..................................................................................................... 921.4. Un exercice de prvision risqu mais dont les principaux rsultats

    font consensus .............................................................................................. 94

    2. La rigidit des cots et les externalits ........................................................ 96

    2.1. La navigation arienne en Europe ................................................................. 972.2. Deux postes de cots directement lis la production :

    nergie et personnel ...................................................................................... 98

    2.3. Les redevances, autofinancement du systme arien ................................ 1002.4. Les taxes sur le transport arien ................................................................. 1062.5. Le cot et la taxation des externalits du transport arien ......................... 1092.6. Les compagnies ariennes : relations avec les plates-formes

    aroportuaires et les passagers .................................................................. 1132.7. Un modle conomique toujours dans lincertitude ................................... 116

    3. Les scnarios possibles ............................................................................. 118

    3.1. Scnario 1: les compagnies historiques europennes maintiennentleurs positions ............................................................................................. 119

    3.2. Scnario 2: les compagnies oprant dans les conditions dcritesdans le scnario 1 se rapprochent .............................................................. 120

    3.3. Scnario 3: lintgralit des activits moyen-courriers (point pointet liaisons dapport vers le hub) est capte par des compagnies low cost.. 122

    3.4. Scnario 4: face la concurrence des low cost, des compagniesamricaines et des pays mergents, la plupart des compagnieseuropennes historiques ne subsistent pas ............................................... 124

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    ANNEXESAnnexe 1 Lettre de mission ..................................................................................... 129

    Annexe 2 Personnes auditionnes et contributeurs externes ................................. 131

    Annexe 3 Les liberts relatives laviation civile ..................................................... 133

    Annexe 4 La disparition de six grandes compagnies amricaines .......................... 135

    Annexe 5 Le passage la libert tarifaire en Europe .............................................. 137

    Annexe 6 Bibliographie ............................................................................................ 139

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    IntroductionNe au lendemain de la Premire Guerre mondiale, lindustrie du transport arien aconnu un dveloppement spectaculaire, surtout partir des annes 1950. Cetteexpansion sest effectue au rythme des progrs techniques apports aux avions,

    mais dans un cadre rglementaire rigoureux, les tats se rservant la prrogative enmatire de cration de compagnies, de normes de scurit et dexploitationcommerciale.

    Laviation civile a connu quatre tapes essentielles dans son dveloppement :

    entre les deux guerres mondiales, de multiples compagnies se crent, les lignesqui souvrent sont plus fonction des performances des appareils que des marchs.Cest lheure des pionniers illustre, dans le domaine du fret, par la saga de Laropostale ;

    de 1945 la fin des annes 1950, un rseau de lignes couvre progressivement lemonde. La Seconde Guerre mondiale a acclr les progrs de laviation. Desavions hlices fiables offrent alors des capacits demport de 20 80 passagers,pour des vitesses de 300 500 km/h ;

    partir de 1958/1959, lapparition des avions raction volant 900 km/hconstitue un saut technologique majeur. Ces appareils sont capables de franchirlAtlantique Nord sans escale en 8 heures contre 15 heures en 1955, ou de faire unaller-retour dans la journe entre villes dEurope occidentale. Ils transportent entre100 et 200 passagers, et accroissent la capacit offerte en multipliant lesrotations. Les compagnies ariennes gagnent ainsi la clientle daffaires, la plusrmunratrice, sur la concurrence maritime ou ferroviaire, tout en intensifiant lafrquence des dplacements. ;

    depuis le dbut des annes 1970, la capacit des avions crot considrablement,avec lapparition de gros porteurs de 300 400 places. Captant une clientle plusnombreuse, moindre cot, laviation civile se transforme en march de masse.La limitation de la concurrence directe, qui demeure la rgle, est de plus en plusconteste, comme entrave la progression du trafic et la baisse des tarifs. Lestats-Unis introduisent la concurrence dans leur ciel partir de 1978, suivis parlEurope dix ans plus tard.

    La croissance du trafic arien demeure trs soutenue, dans un environnementinstitutionnel, conomique et concurrentiel qui change fortement : concurrenceaccrue, ouverture du ciel, nouveaux comptiteurs. La baisse des prix, avec

    lapparition des charters, permet de capter massivement une clientle de loisirs. Le

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    transport arien est devenu un droit considr comme acquis. Son dveloppementbnficie galement aux entreprises implantes sur les territoires desservis.

    Cette volution vers une trs large libralisation des marchs, qui seffectue des

    rythmes divers selon les pays ou les marchs (domestiques ou internationaux),saccompagne dun renforcement constant des normes, pratiques et contrles, enmatire de scurit et de sret1. Nous dcrirons cette volution dans un premierchapitre 2 , en voquant les bouleversements quelle induit pour les compagniesariennes. Nous aborderons ensuite le panorama actuel du transport arien, en insistantparticulirement sur lEurope et la France, et en pointant les menaces qui psent sur lescompagnies historiques. Le chapitre 3 sera consacr aux modles conomiquesactuels du transport arien de voyageurs. Un dernier chapitre sefforcera de tracer desperspectives. Les incertitudes de toutes sortes, gopolitiques, fiscales,environnementales, sont les principaux cueils de la prospective : les propositions dece rapport visent notamment rduire les inconnues qui fragilisent les politiquesindustrielles long terme et minimiser, autant que possible, les handicaps des

    compagnies europennes qui pourraient dcouler de politiques publiques.

    Les scnarios prsents fournissent plusieurs images de ce que pourrait tre lavenirle panorama des compagnies ariennes europennes. Celui vers lequel on tendradpendra des stratgies mises en place par les compagnies mais aussi, dans unecertaine mesure, de la position des pouvoirs publics nationaux et europens. Unepolitique de soutien la comptitivit des acteurs en Europe aroports autant quetransporteurs est indispensable pour que la France et lEurope gardent leur rangdans le monde. Le partage du trafic moyen-courrier intra-communautaire entrecompagnies gnralistes et low cost europennes rsultera des dcisionsstratgiques prises par les entreprises. linverse, les pouvoirs publics franais etcommunautaires ne peuvent rester indiffrents devant le risque dviction desmarchs long-courriers qui menace les grandes compagnies et, dans une certainemesure, les plates-formes aroportuaires europennes, au dtriment de lacomptitivit et du rayonnement de lUnion europenne sur la scne internationale.

    (1) La scurit arienne procde de lensemble des mesures visant rduire le risque arien.LOrganisation de laviation civile internationale (OACI) dicte des normes et des recommandationsapplicables dans les pays signataires de la convention de Chicago. La scurit arienne ne doit pastre confondue avec la sret arienne qui comprend lensemble des mesures prises pour luttercontre les malveillances intentionnelles comme les actes de terrorisme.

    (2) Le fret arien, laviation daffaires et le transport rgional ne seront pas traits dans ce rapport.

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    PropositionsCe rapport rappelle les bouleversements qua subis le transport arien au cours desannes rcentes et voque les menaces susceptibles dentraver son dveloppement,de nuire sa comptitivit et de mettre en cause lexistence de certaines compagnies,

    en particulier les compagnies historiques. Il appartient videmment aux responsablesde ces entreprises de dfinir et mettre en uvre, ventuellement aprs concertationavec leurs partenaires sociaux, les stratgies quils estiment ncessaires pour assurerleur quilibre financier et leur dveloppement. Ce rapport nentend pas leur prodigueravis ou conseils. En revanche, il appartient aux pouvoirs publics de fournir le cadrepropice ce dveloppement, tout en vitant de peser anormalement sur lquilibrefinancier des transporteurs. Tel est lobjet des propositions contenues dans le rapport.

    Le transport arien est lun des rares modes de transports collectifs assurant lacouverture totale de ses cots directs et une part notable des cots de sesexternalits. En contrepartie, les prestataires publics, parapublics ou privs qui

    produisent des services, assurs de voir ceux-ci totalement couverts, ne sont pastoujours incits rduire leurs cots et accrotre leur productivit. Il appartient auxpouvoirs publics, sagissant des services quils fournissent eux-mmes comme deceux fournis par des prestataires extrieurs, de prendre les dispositions quisimposent pour que les prix de revient, donc les prix facturs, soient aussi bas quepossible, sans nuire la qualit des services. Par ailleurs, la contribution du transportarien au dveloppement conomique nest pas contestable : ce dveloppement doittre encourag et sa durabilit garantie.

    Les propositions sarticulent autour de trois axes :

    les charges et taxes sur les compagnies europennes ; la concurrence dune part entre les compagnies europennes, dautre part face

    aux compagnies extra-communautaires ;

    les droits de trafic sur le march long-courrier europen.

    PROPOSITION N 1Veiller, au niveau des instances politiques comptentes, permettre aux compagniesariennes europennes un accs quitable aux marchs en dveloppement lors desngociations de droits de trafic avec des pays tiers, tout en sattachant ne pasfavoriser les concurrences ingales.

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    PROPOSITION N 2Soutenir la politique europenne en faveur des carburants alternatifs, en associationavec les acteurs franais de la filire aronautique, constructeurs, transporteurs,gestionnaires daroport et fournisseurs dnergie, en se plaant dans une optique o

    les cots respectifs du ptrole et des nouveaux carburants se rejoindront. tablir, auniveau communautaire, un tableau de bord prospectif des approvisionnements et desprix des carburants avion.

    PROPOSITION N 3Prserver la comptitivit des aroports franais, par exemple viala ngociation entreltat (DGAC - ministre de lconomie) et les principaux gestionnaires de plates-formes aroportuaires dun engagement de modration des redevances nonrglementes. Contenir la progression des redevances rglementes.

    PROPOSITION N 4Avant dappliquer une taxe sur le carburant avion, en trafic intrieur franais oueuropen, lancer des tudes dimpact sur les compagnies europennes pour vitertoute discrimination ngative en matire de comptitivit par rapport aux compagniesariennes hors Europe.

    PROPOSITION N 5Clarifier la gestion de la sret, pour un meilleur rapport cot/efficacit, sur la base

    dun benchmark entre plates-formes aroportuaires comparables. Prendre lesmesures ncessaires pour corriger les faiblesses oprationnelles et les surcotsventuels en France.

    PROPOSITION N 6Soutenir les discussions en cours menes par la Commission europenne avec lOACI(Organisation de laviation civile internationale) pour faire admettre les ETS (EmissionsTrading System) progressivement et quitablement dans le monde en vuedencourager les efforts de rductions dmissions de gaz effet de serre.

    PROPOSITION N 7Prserver la capacit des plates-formes aroportuaires nationales absorber lacroissance des trafics, en mettant en balance dun ct les restrictions dutilisationdes aroports et la protection des riverains contre les nuisances sonores, Orly etRoissy particulirement, de lautre ct lessor des compagnies franaises, lemploignr par ces aroports et la contribution du transport arien au dveloppementconomique.

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    Propositions

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    PROPOSITION N 8Veiller ce que soit respect un juste quilibre dans les droits des passagers, entreles compagnies ariennes europennes dune part, les compagnies extra-europennes dautre part, et ventuellement les autres moyens de transport, dans le

    cadre dune concurrence quitable.

    PROPOSITION N 9Entreprendre une analyse pralable, march par march, des risques et opportunitspour les passagers, les compagnies et les tats membres dune ouverture gnraliseet systmatique du long-courrier europen.

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    Chapitre 1Lvolution du cadre institutionnelet louverture du cielLes tats ont organis lindustrie du transport arien ds ses dbuts. Laccs aumarch a t troitement contrl par les gouvernements, non seulement pourassurer la scurit des vols mais, surtout, pour protger les compagnies ariennes, cequi revenait prserver les intrts politiques et conomiques de chaque pays. Dansune premire phase, les progrs techniques, bien que permanents, nont autorisquun dveloppement limit du trafic arien : lavion est rest un moyen de transportseulement accessible une clientle aise ou professionnelle jusquau dbut desannes 1960. Les avions raction puis les gros porteurs vont permettre auxcompagnies ariennes de faire concurrence au train et au paquebot et capter uneclientle plus vaste. Lorganisation protectionniste du secteur arien est de plus enplus conteste, non seulement par des concurrents potentiels, mais aussi par desconomistes ou des responsables politiques. Ds 1978, les tats-Unis libralisentlargement leur march intrieur, puis sefforcent dtendre cette libralisation auxliaisons internationales. En Europe, o les vols non rguliers intracontinentaux sontlibraliss depuis 19571, la rglementation du trafic intra-europen et des liaisonsdomestiques est profondment modifie partir du dbut des annes 1980.

    1. Lapparition du transport arien et son encadrement1.1. Une rgulation prcoceLa prdom inance des nations entre les deux guerresLavion est invent la fin du XIXe sicle. La Premire Guerre mondiale lui fait faire desprogrs rapides : partir de 1919 se crent les premires lignes commercialestransportant des passagers. Ds les dbuts, en Europe, les liaisons sontinternationales, entre la France, la Belgique, lAllemagne, lAngleterre et les Pays-Bas.Ainsi, KLM est lune des toutes premires compagnies fondes dans le monde, fin1919, et sa premire ligne relie Amsterdam Londres.

    (1) Accord multilatral sur les droits commerciaux pour les transports ariens non rguliers en

    Europe entr en vigueur le 23 juillet 1957, www.admin.ch/ch/f/rs/i7/0.748.127.2.fr.pdf.

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    Lorganisation du trafic arien est btie immdiatement sur des rgles internationales.Une premire convention rglementant la navigation arienne1 est en effet signe Paris en octobre 1919. Ce contexte politique va marquer profondment le modleconomique du transport arien : entente entre pays sur des rgles dexploitation

    permettant dassurer un trafic international, protection du territoire de chaque pays,mergence de grandes compagnies nationales portant les couleurs de leur paysdorigine.

    La souverainet de chaque tat est reconnue internationalement sur son propreterritoire, y compris le ciel au-dessus de ses terres et de ses eaux territoriales. Parconsquent, le trafic arien intrieur est rgi librement et exclusivement par chaquepays.

    Les tats-Unis dAmrique, de leur ct, ont galement rgul le trafic arien au niveaude ladministration fdrale, une poque o les liaisons ariennes transatlantiquesnexistaient pas. De mme quen Europe, la scurit est vite apparue comme une

    priorit imposant une gestion du ciel par des entits gouvernementales. Finalementles principes de gouvernance de lespace arien sont semblables des deux cts delAtlantique, chaque pays contrlant souverainement laviation civile sur son territoire.

    La cration dAir FranceLes premires compagnies ariennes sont fondes par des entrepreneurs, industriels,constructeurs davions, au rythme des progrs techniques et des reconnaissances delignes. En 1933, Air France est cre par la loi, par fusion de plusieurs compagnies.Ltat est prsent dans le conseil dadministration de la nouvelle socit, dont ildtient 25 % du capital. Air France devient ainsi une entit qui porte les couleurs du

    pays. La cration dune grande compagnie nationale (ou de plusieurs) se gnralisedans les pays du monde. Intgrant le plus souvent dans leur dnomination unerfrence au pays, ces compagnies sont un symbole de la souverainet des nations.

    En France, Air France est la pierre angulaire de la politique nationale du transportarien tant que celui-ci est rgul par ltat. Cette vocation est encore renforce aprsla Seconde Guerre mondiale. Dautres compagnies ariennes ont exist ct dAirFrance, qui les a progressivement absorbes. Cest notamment le cas dUTA (Unionde transports ariens), cre en 1963 par fusion de lUAT (Union aromaritime detransport) et de la TAI (Transports ariens intercontinentaux), qui assurait la dessertedune large partie de lAfrique sub-saharienne, mais aussi de lExtrme-Orient et duPacifique, conformment au partage du march dfini par les pouvoirs publics.

    De mme, Air Inter, cre en 1954 avec une participation minoritaire dAir France, at la compagnie ddie au trafic domestique, sur lequel elle dispose dun quasi-monopole, du moins sur les principales liaisons radiales, certaines des transversalestant exploites soit par Air Inter grce une prquation de ses rsultats, soit pardes compagnies rgionales, souvent subventionnes, dites compagnies de troisimeniveau. Le march du transport arien est ainsi contrl par ltat et partag par zonesgographiques.

    (1) On distingue aujourdhui la navigation arienne, qui organise la circulation des aronefs, et le

    transport arien, qui a trait leur utilisation.

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    1.2. La rgulation de la navigation arienneaprs la Seconde Guerre mondialeLa conve ntion de Chicago : un soutien fort, cadr polit iqueme nt,au dvelopp emen t du trafic arien, qui confirme le rle central des tatsEn dcembre 1944, 52 pays signent Chicago une nouvelle convention portant surlaviation civile, assortie de la cration de lOACI, Organisation de laviation civileinternationale. LOACI a pour mission, en tant quorgane des Nations unies dont elledevient une agence spcialise fin 1947, de coordonner et contrler les rglesdexploitation de laviation civile. La quasi-totalit des pays de lOrganisation desNations unies (ONU) en sont aujourdhui membres.

    LOACI a thoriquement un fort rle de rgulation et dencadrement du systmearien, clairement affich notamment dans ses missions de prvenir le gaspillageconomique rsultant dune concurrence draisonnable et d assurer [] une

    possibilit pour chaque tat contractant dexploiter des entreprises de transportarien international (article 44). Lapproche conomique du secteur sinspire ainsidavantage dune activit publique nationale monopolistique que dune libertconcurrentielle entre entreprises commerciales. Larticle 67 confirme cette approcheen cartant la notion de donnes confidentielles quune entreprise ne souhaiterait pasporter la connaissance de ses concurrents : Chaque tat contractant sengage ce que ses entreprises de transport arien international communiquent au Conseil [delOACI], conformment aux rgles tablies par celui-ci, des rapports sur leur trafic, desstatistiques sur leur prix de revient et des tats financiers indiquant, notamment, lemontant et la source de tous leurs revenus .

    Cette convention relative laviation civile internationale , plusieurs fois modifie etcomplte, sapplique toujours1. Elle cadre les conditions de desserte et de survol desterritoires, en respectant des principes de souverainet des pays, de refus dentravesinjustifies au dveloppement du trafic et dgalit de traitement entre compagniesdes tats contractants tant en vol que sur les aroports. Les types de dessertes, entrepays et lintrieur des pays, y sont dfinis sous le terme de liberts (voirannexe 3).

    Le rle des tats est fondamental. La cration dune compagnie est autorise parltat o elle stablit, avec diverses vrifications financires et techniques quiempchent lapparition de pavillons de complaisance2 . Les avions ont la nationalitdu pays dans lequel ils sont immatriculs ; celle-ci ne peut tre quunique. Les tats

    sont souverains pour lorganisation des transports intrieurs. Les droits de traficsinternationaux (droit dembarquer ou dbarquer des passagers en provenance ou destination de pays tiers) sont attribus par les tats dans le cadre daccordsbilatraux entre le pays dorigine et celui de la destination de la ligne exploite alors,

    (1) La transparence sur les prix de revient nest videmment plus de mise actuellement dans uncontexte concurrentiel ; il est impossible de trouver des comptes certifis de bon nombre decompagnies travers le monde. En fait, le rle de lOACI est aujourdhui purement technique, sespouvoirs rels en matire de rgulation commerciale se bornant lexpos de grands principes.(2) Les compagnies mises sur liste noire sont dj existantes. Leur inscription sur cette liste estmotive par des manquements la scurit dans lexploitation et lentretien daronefs, alorsinterdits de vol dans les pays tablissant une liste noire, conformment la souverainet que

    chacun garde sur son espace arien.

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    en gnral, par les compagnies nationales respectives des deux pays. Ces droitspeuvent tre limits au trafic entre les pays signataires (troisime et quatrime liberts).Ils peuvent concerner lexploitation de prolongements de parcours (cinquime libert).Ces accords bilatraux dfinissent les aroports desservis mais aussi, bien souvent,

    les frquences et capacits mises en uvre, ainsi que les tarifs pratiqus. Ceux-cisont en fait labors par lAssociation internationale du transport arien ou IATA(International Air Transport Association), forme en 1919 La Haye, refonde en 1945 La Havane. Le march du transport arien sorganise finalement en gnral sur lemodle de duopoles : sur une ligne, loffre est partage par moiti entre les deuxcompagnies nationales, qui ne sont donc en concurrence que de faon limite.

    Laviation civile sest dveloppe rapidement aprs la Seconde Guerre mondiale dansce contexte de march contrl. La progression des trafics est due essentiellementaux avances techniques spectaculaires enregistres pendant trente ans, jusqulenclenchement du processus de deregulation1 en 1978. Cette progression sestaccompagne dune amlioration constante de la scurit : le taux daccidents

    mortels et de dcs, rapport au trafic, a t divis par quatre depuis 19872

    .

    2. La deregulation du transport arien aux tats-Unis2.1. La contestation de lencadrement administratifLa drglementation 3 du march intrieur de 1978 1984Dans les annes 1970, les pouvoirs du CAB (Civil Aeronautics Board), agence fdrale

    charge de la rgulation commerciale du transport arien en matire dattribution deslignes, de cration de compagnie arienne et dhomologation des tarifs, sont de plusen plus contests. Les compagnies existantes sont brides dans leur offrecommerciale, aucune nouvelle compagnie ne se cre, les consommateurs estimentles prix trop levs. De nombreux conomistes prnent les vertus de la concurrence.Limmobilisme fait craindre la faillite, comme celle qui a frapp les grandes entreprisesferroviaires amricaines, autrefois toutes-puissantes. Les donnes du transport arienchangent, avec laugmentation soudaine en 1973 du prix du ptrole et le succs destrs gros porteurs.

    Le pouvoir politique fdral dcide alors de libraliser laccs au ciel. La loi 95-504Airline Deregulation Act du 24 octobre 1978 modifie la rglementation du trafic

    arien afin dencourager une organisation du transport arien faisant appel auxforces concurrentielles du march pour dfinir la qualit, la varit et le prix desservices ariens. Le CAB est appel mettre en uvre la nouvelle politique, avantde disparatre en 1984, ayant perdu sa raison dtre. Bien entendu, cette

    (1) Deregulation se traduit en franais par drglementation . Mais ce mot est ambigu : ladrglementation, relative aux droits de trafic et aux tarifs, nexclut pas une rglementationtechnique de plus en plus rigoureuse.( 2 ) Voir lanalyse, page 17, du Rapport sur la scurit arienne 2010 de la DGAC,www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/rapport-securite-2010.pdf.(3) La drglementation ne concerne pas les domaines techniques et de la scurit, qui sont sortis

    du CAB et transfrs la FAA (Federal Aviation Administration).

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    drglementation (deregulationen anglais) ne peut porter que sur le trafic intrieuraux tats-Unis, qui reste ferm aux compagnies trangres.

    Les effets d e la l ibralisationLaviation civile se transforme en jouant fondamentalement sur trois possibilits qui luisont offertes :

    de nouvelles compagnies peuvent tre lances sur le march ; la libert douvrir et de fermer des lignes permet de rorganiser le rseau des

    dessertes ;

    les prix peuvent tre moduls en fonction de la demande, de la capacit desappareils, des variations des cots dexploitation et de la nature de la concurrencesur chaque relation.

    Dans un premier temps, on a assist la cration de nombreuses compagniesariennes, qui ont profit des opportunits offertes pour btir leur offre commerciale :choix de lignes et politique tarifaire adapts aux clientles cibles et la capacit desmarchs viss. la suite de la drglementation, le nombre de compagniesamricaines est pass de 36 en 1978 123 en 1984 1 . Cette volution estspectaculaire, aprs un immobilisme notoire de quarante ans, malgr undveloppement considrable du trafic : 16 grandes compagnies (dsignes trunkairlines) assurant un trafic international avaient t autorises par ladministrationfdrale en 1938, 6 avaient disparu en 1978 et aucune nouvelle navait pu se creraprs 1938.

    La capacit de choisir les lignes exploiter a eu plusieurs effets sur la structure durseau dans sa globalit. Plutt qu une multiplication des ouvertures de lignes, onassiste trois volutions. La premire, sans grande surprise, est le retrait descompagnies des lignes peu frquentes : cette volution est rationnelle dans lamesure o il sagit de lignes coteuses et ne rpondant pas de vritables besoins,mais elle peut a contrariotre prjudiciable la desserte de territoires enclavs. Ledeuxime constat avait t moins peru par les observateurs lpoque, bien quil neparaisse pas surprenant aujourdhui : les compagnies accroissent leur prsence surles axes les plus chargs, o la concurrence sexerce plein. Enfin, le bouleversementmajeur est la rorganisation totale du rseau : on passe du point point au rseauen toile (hub and spokes, soit limage dune roue de bicyclette, avec son moyeu etses rayons). Les vols court-courriers assurent un rle complmentaire de rabattement,

    sous forme de pr ou post-acheminement des passagers des vols long-courriers.

    En ce qui concerne les prix, la libert tarifaire se traduit classiquement dabord parune augmentation sur les axes faible potentiel de trafic, o il ny a pas de placepour plusieurs compagnies en concurrence (+ 15 % en moyenne selon dithBalbin2). linverse, une guerre des prix se dclenche sur les lignes principales : ladivision va jusque par deux mais elle est difficile apprcier au niveau de chaquepassager, en raison dune gamme de prix plus ouverte. La politique tarifaire volue,

    (1) Daprs Balbin . (1994), La drglementation du transport arien aux tats-Unis et enEurope , OEST, synthse, juin.

    (2) Balbin . (1994), op. cit.

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    les compagnies multipliant au besoin les tarifs : Delta Air Lines invente en 1984 leyield management (ou gestion fine ) qui permet doptimiser les recettes enfonction de la structure de la clientle et de lvolution de la demande. La baisse desprix sur les gros axes rduit les possibilits de prquation tarifaire qui bnficiait

    aux relations faible rentabilit : la desserte fine du territoire pose alors la questionde son financement.

    La commercialisation des places disponibles dans les avions a considrablementvolu avec le dveloppement de la gestion informatise des rservations.Ladaptation permanente des prix aux capacits mises en vente et effectivementvendues, grce au yield management, a largement contribu laugmentation destaux de remplissage, qui atteignent aujourdhui des niveaux trs levs. On notemme que ces taux restent trs forts quand le trafic diminue : dans le groupeAir France-KLM, le remplissage na gure chang pendant la crise de 2011,stablissant 81 %, pour remonter ds lanne suivante 83 %. En revanche, lechiffre daffaires a notablement baiss, de 17 %, mais loffre, donc les cots de

    production, a t ajuste la baisse, chaque vol restant correctement rempli.

    Les compagnies ont diversement ragi la drglementation. Certaines compagniesanciennes ont pu rencontrer des difficults sadapter aux conditions du march queles nouvelles leur ont imposes.

    2.2. La remise en cause des grandes compagnies historiquesSur les seize compagnies amricaines autorises en 1938 par ladministrationamricaine assurer du trafic international, dix existaient encore en 1978, au dbut dela drgulation. Parmi elles, quatre seulement sont toujours en activit en 2012.

    volution des dix compagnies amricaines historiquesdepuis la drglementationCompagnie Date de cration Situation en 2012

    Braniff International 1928 Faillite en 1982

    Eastern Air Lines 1926 Faillite en 1991

    Pan Am 1926 Faillite en 1991

    Western Airlines 1926 Fusion avec Delta en 1987

    TWA 1925 Achat par American en 2001

    Northwest Airlines 1926 Fusion avec Delta en 2010

    Delta Air Lines 1924 En serviceAmerican Airlines 1930 En service

    Continental Airlines 1934 En service

    United Airlines 1926 En service

    Source : CGSP

    Les quatre compagnies historiques qui ont tir profit du nouveau contexte concur-rentiel ont consolid leurs positions commerciales par des regroupements et desacquisitions (comme Delta avec Western et Northwest). Ces nouveaux gants doiventcontinuer rechercher des rapprochements pour se renforcer (voir chapitres suivants).

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    Le chapitre 11 , cadre protecteur le temps de se restructurerLes entreprises amricaines ont la possibilit de se placer sous la protection du chapitre 11 : ce chapitre de la loi amricaine sur les faillites autorise une entreprise quien ressent le besoin dposer une dclaration ouvrant une procdure de gel despaiements de dettes, le temps de restructurer son organisation et son activit en vue dertablir une situation financire saine.

    La socit, ds les premiers indices annonciateurs de difficults financires (refus delivraison dun fournisseur sans paiement pralable, banque saisissant des garanties,poursuites judiciaires potentiellement coteuses, etc.), dpose la liste de ses actifs etpassifs dans un tribunal. Les poursuites des cranciers sont suspendues. Le principe estde permettre lentreprise de poursuivre son activit, avec maintien des dirigeants, despossibilits de financements et de lactivit, sous le contrle du tribunal, en ngociantsimultanment avec les cranciers et le personnel un plan de restructuration. En cas derejet du plan de restructuration ou dchec, la mise en faillite est dclare et lentrepriseliquide, conformment au chapitre 7 de la loi amricaine.

    Le chapitre 11 permet donc danticiper et de donner une chance de redressementsuffisamment tt. Bien que procdure judiciaire, cette dmarche est considre commeun choix de gestion pour sortir dune situation de crise. La loi amricaine sur les faillitesvise protger les entreprises et lemploi, en retardant une ventuelle liquidationjudiciaire.

    Les compagnies ariennes qui ont eu se mettre sous la protection du chapitre 11 en ontsouvent tir un bon parti. Delta Air Lines et United Airlines, parmi les plus importantescompagnies actuelles, se sont restructures via le chapitre 11 aprs 2001. AmericanAirlines sest inscrite fin 2011 sous protection du chapitre 11 dans le but de devenir pluscomptitive1 .

    La France a cherch se doter dune lgislation comparable au chapitre 11amricain, avec la loi 85-98 qui a institu une procdure de redressement judiciairedestine permettre la sauvegarde de lentreprise, le maintien de lactivit et delemploi et lapurement du passif . Le principe est daccorder une suspensionprovisoire des poursuites une entreprise en cessation de paiement si celle-ci peutraisonnablement tre redresse financirement dans un dlai de trois ans. Malgrles rformes apportes cette loi plusieurs reprises, et pour des raisons quisortent du champ du prsent rapport, ce dispositif na jamais connu le succs dufameux chapter 11.

    2.3. Une nouvelle forme de concurrence en transport intrieur : le low costLa loi de deregulation amricaine de 1978 libralise lautorisation dexploitation enlaissant aux compagnies linitiative de se crer, le choix des lignes desservir et lagamme de prix proposer sur chaque relation. Comme le march est en croissancegnrale, il est tentant de vouloir sy installer en pratiquant une guerre des prix pourcarter la concurrence. Mais la politique de bas prix nest pas viable dans la dure sielle nest pas couple la recherche des plus bas cots dexploitation. La libert degestion conscutive la drglementation permet de dfinir loffre commerciale lamoins coteuse en production et visant une cible prcise de clientle. Le march

    (1) Voir The Guardian, 29 novembre 2011,

    www.guardian.co.uk/business/2011/nov/29/american-airlines-chapter-11-bankruptcy.

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    conqurir est constitu des personnes voyageant titre personnel et qui recherchentles meilleurs prix, quitte accepter des contraintes ou une prestation simplifie,limite au transport stricto sensu, sans concession toutefois sur la scurit et largularit. Les sources dconomie portent sur la distribution des billets, la slection

    des relations et des aroports, lunicit du type davions de la flotte, avec leursrpercussions sur la rotation des appareils, la formation du personnel, lentretien. linverse, la politique de prix, depuis le remplissage de lavion jusquaux prestationsannexes bord, doit conduire un prix dappel aussi bas que possible conjugu unrevenu global maximis.

    Lvolution de la compagnie Southwest Airlines illustre le changement apport par ladrgulation. Cre en 1967 par acquisition de compagnies et nomme en 1971 soussa raison sociale actuelle, elle vivote avec trois ou quatre avions jusque dans lesannes 1980. En mme temps, des majors lui livrent une bataille juridique pourentraver son expansion commerciale. Elle exploite ensuite toutes les possibilitsquaccorde progressivement la drglementation. Sa politique en fait une compagnie

    low cost1

    , qui se revendique comme telle en exposant dans son rapport annuel 2011ses priorits :

    rseau point point, sans hub, dans des aroports secondaires ou de centre-ville, afin de rduire le temps pass au sol par les avions en roulage et entre deuxvols ;

    modle davion unique, B737-700, pour simplifier la planification des vols, lamaintenance, lexploitation et le cot de formation du personnel technique ;

    investissement dans les nouvelles versions de B737 (-800, puis MAX) qui doiventpermettre des gains en consommation de carburant et une capacit demportunitaire suprieure pour accrotre la productivit avec davantage de passagers

    par vol ; gamme tarifaire simple, trois niveaux (conomique, flexible et affaires), assortie

    dun programme de fidlisation rcemment refondu et adapt aux types declientle de chaque ligne ;

    ventes sur un site Internet ddi, pour viter les commissions des partenaires etlmission de tickets imprims : 78 % des ventes se font sur le site de lacompagnie ;

    politique tarifaire offrant des avantages aux clients face la concurrence : pas desupplment pour deux bagages enregistrs, pas de surcharge carburant2, choix dusige, snack et rservation par tlphone ;

    paralllement, nouvelles offres payantes devant procurer des revenus annexes(enregistrement prioritaire, petit chien ou chat, enfant seul, WiFi, etc.).

    (1) Low costsignifie bas cot, ne pas confondre avec low farequi se traduit par bas prix. De lacorrlation entre cot et prix dpend la rentabilit de lentreprise.(2 ) Les compagnies low cost, linverse des transporteurs classiques, sefforcent dviter la

    surcharge carburant, mme si celle-ci est invitablement couverte par le prix du billet.

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    Trois facteurs de risque dominent :

    le prix du carburant, multipli par 2,9 entre 2005 et fin 2011, passant de 21 % 38 % des cots dexploitation : ce risque nest gure matrisable par la compagniemais ne lest pas davantage pour ses concurrents ;

    les taxes, redevances et assurances : une veille permanente simpose ; lunification des mthodes de production, enjeu fondamental pour conserver une

    structure de cots rduits.

    La drglementation a fait apparatre la diversit du march du transport arien :approche commerciale adapte chaque relation (lignes fort trafic ou faiblepotentiel), segmentation par les prix (jusqu la spcialisation sur le bas prix, avec leconcept du low costqui vise une clientle nouvelle), fidlisation des clients, refontedu rseau (articulation sur un hub entre court-moyen et long-courriers), rationa-lisation des flottes davions. La diversit de cette industrie est relle, mais aussi sa

    fragilit : le transport arien est une activit hautement capitalistique, trs faiblesmarges et particulirement sensible la conjoncture conomique.

    2.4. La deregulation exporte : les pressions amricainesLa drglementation aux tats-Unis, malgr des effets parfois inattendus, voirengatifs, est finalement considre comme un succs par les autoritsamricaines : elle se solde par une augmentation de loffre et une baisse de prix.Encore faut-il noter que cette baisse des tarifs ne concerne pas les liaisonssecondaires et que la multiplication des oprateurs, sur une liaison dtermine,accrot les frquences, mais rduit la capacit moyenne des avions, ce qui

    augmente les cots. Les compagnies amricaines ayant acquis une expertise pouraborder la concurrence, elles comptent en tirer bnfice linternational. Les tats-Unis entendent bien tendre la drglementation aux trafics internationaux auprofit de leurs compagnies , et convaincre dautres pays, ou ensembles de pays,de ladopter.

    Les remo us autour du systme international daccords bilatraux :le cas des l iaisons sur l Atlantique NordForts de leur exprience sur leur propre territoire, les tats-Unis font pression sur lespays europens afin quils y libralisent le trafic arien. Cest la politique mene partir de 1980, avec la loi International Air Transportation Competition1.

    Sous lgide de la Convention de Chicago, le trafic arien rgulier de passagers estorganis par une multitude daccords bilatraux entre les deux tats dorigine et dedestination de chaque ligne concerne. En 1946, le Royaume-Uni et les tats-Unis ontconclu aux Bermudes un accord qui est devenu une rfrence. linverse desaccords classiques qui abordent tous les points, y compris la rpartition des capacits

    (1) Voir la dclaration du prsident Carter du 15 fvrier 1980,

    www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=32939#axzz20EDp7pmn.

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    entre les compagnies des tats contractants1, laccord bermudien est plus libralcar il prvoit que les capacits mises en uvre doivent tre en rapport avec lepotentiel du trafic, sans que ces capacits soient pour autant prdtermines2 , cequi laisse une certaine marge de concurrence entre compagnies des tats

    contractants.La drglementation du transport international, telle que lont enclenche les tats-Unis lgard des pays europens, a donc consist dnoncer les restrictions decapacits dans les accords bilatraux et les rengocier de faon moins limitative,notamment en largissant les possibilits dassurer du trafic transatlantique et dedesservir les villes dEurope.

    Le Royaume-Uni a fait pression en 1976 pour rengocier laccord bilatral conclu en1946 avec les tats-Unis : rquilibrage des trafics sur lAtlantique Nord (contournpar les Amricains avec les charters, non comptabiliss dans lancien accord),meilleure acceptation des tarifs de compagnies anglaises par le CAB, extension de la

    cinquime libert aux tats-Unis pour les compagnies anglaises.

    Dautres pays ont cherch de nouveaux dbouchs, avec des rsultats mitigs, enacceptant des accords de ciel ouvert (Belgique, Pays-Bas, RFA, Espagne, Isral) ;dautres encore ont protg leurs compagnies nationales (la plupart des payseuropens, Afrique, Asie). La France est reste trs vigilante sur louverture de sonmarch avec les tats-Unis, sans russir protger efficacement sa part de march 3.LURSS et les pays satellites du bloc communiste se singularisent par leurcontestation des rgles internationales issues de laprs-guerre.

    Lavance prise par les tats-Unis sur l EuropeLes rengociations des accords bilatraux ont plutt dfavoris les compagnieseuropennes. Il na dailleurs jamais t question douvrir le march intrieur amricainen contrepartie de laccs plus facile au march europen. lexception notable duRoyaume-Uni ( la suite de la rengociation de ses accords avec les tats-Unis en1976-1978), le trafic sur lAtlantique Nord sest dvelopp au profit des compagniesamricaines qui ont vu saccrotre leur part de march. Le trafic a largement doublentre 1982 et 1993, avec une croissance particulirement forte sur la France, au profitdes compagnies amricaines, faute pour Air France de stre prpare affronter laconcurrence.

    (1) Les accords sur le transport arien (ATA) portent essentiellement sur : le nombre de vols surchaque liaison (droits de trafic) ; le nombre total de places offertes sur une ligne ; les compagniesautorises assurer les liaisons ; les tarifs ; les villes et les aroports desservis.(2) Terral J.-F. (1976), Le transport arien et la coopration internationale , inLes Cahiers franais,n 176, mai-juin.(3) Les analyses sur la priode de dnonciation du systme daccords bilatraux sont souventpartisanes, marques par lattrait ou le rejet du libralisme. Pour plus de dtails, voir JacquelineDutheil de la Rochre (1982), Aspects nouveaux du bilatralisme arien , Annuaire franais de

    droit international, vol. 28, p. 914-933.

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    volution de la part de march des compagnies amricaines

    Lignes Part de marchdes compagniesUS en 1982

    Part de marchdes compagniesUS en 1993

    Croissancedu trafic total1993/1982 (indice100 en 1982)tats-Unis/France 50,4 % 67,3 % 268

    tats-Unis/Allemagne 47,2 % 58,1 % 242

    tats-Unis/Royaume-Uni 58,3 % 43,2 % 218

    tats-Unis/Europe 45,1 % 46,3 % 208

    Source : Nathalie Lenoir, ENAC, Competition in air transport

    La rsistance du Royaume-Uni tempre notablement le succs amricain, en raisonde limportance du trafic avec le Royaume-Uni sur lAtlantique Nord. En 1993, leRoyaume-Uni pse pour 37 % du trafic total entre lEurope et les tats-Unis, loin

    devant lAllemagne (18 %) et la France (11 %).

    Aprs stre vivement oppose aux politiques de ciel ouvert, la France sy estfinalement rallie quand elle sest aperue que ces politiques taient indispensablespour pouvoir ngocier des accords commerciaux avec les compagnies ariennesamricaines.

    3. Les tapes de la libralisation du march en EuropeBien que le trait de Rome, en 1957, prvoie une politique des transports par

    chemin de fer, par route et par voie navigable , il laisse au Conseil la possibilit de dcider si, dans quelle mesure et par quelle procdure, des dispositions appropriespourront tre prises pour la navigation maritime et arienne 1 . Mais les tatsmembres restent longtemps hostiles lintervention communautaire dans le domainedu transport arien. Deux arrts de la Cour de justice, en 1974 et en 1986, et lasignature de lacte unique europen en 1987 modifient le paysage. Ils donnent enfindes pouvoirs la Commission europenne, qui avait publi, en 1979 et en 1984, deuxmmoires prnant linstauration dune concurrence quitable dans le secteur arien.Forte des pouvoirs qui lui sont donns, la Commission entame une libralisationprogressive, mais radicale, du transport arien lintrieur de lEurope.

    Cette libralisation du ciel europen va soprer en trois tapes. En 1987, les

    conditions commerciales dexploitation sont assouplies : structure tarifaire, partagedes marchs, cabotage entre pays membres de la Communaut europenne. En1990, ces mesures sont reprises et largies, avec la libert donne toute compagniede la nationalit dun tat membre de desservir les pays de la Communauteuropenne. De ce fait, le trafic domestique, lintrieur de chaque pays, se trouvelibrement accessible toute compagnie immatricule dans un tat membre. LaFrance, par sa taille, est un march domestique de premire importance en Europe.En 1993, la libert tarifaire et les relations desservies ne font plus lobjet de

    (1) Article 80 (version consolide, ou 84 dans la version dorigine), au titre IV relatif aux politiques

    lies la libre circulation des personnes, du trait instituant la Communaut europenne.

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    restrictions, en dehors de cas spcifiques lis la desserte des territoires faiblepotentiel commercial. Cette libert totale dexploitation est effective en 1997.

    En France, la concurrence entre compagnies franaises est autorise par le

    gouvernement en 1986 dabord sur les DOM-TOM, o Minerve obtient des droits detrafic tandis quAir France perd son monopole, puis sur le territoire mtropolitain partir de 1991. En outre, la France a d anticiper la libralisation de son marchintrieur en contrepartie de lacceptation par les institutions europennes de larecapitalisation dAir France.

    3.1. La libralisation europenne de 1987 1993La dmarche retenue conduit assouplir la rglementation en largissant lespossibilits daccs qui favorisent la concurrence entre compagnies.

    Premire phase, 1987Deux textes sont adopts fin 1987. Le premier dfinit une grille de prixapplicable autransport arien, avec un ventail ouvert offrant une large gamme de rductions. Lesecond porte sur le partage du march, jusqualors strictement attribu par moiti surchaque ligne entre les deux tats membres que celle-ci relie : la souplesse estapplicable progressivement, dans une fourchette de 45-55 % dans un premier temps(janvier 1988 septembre 1989), puis 40-60 %.

    Deuxime phase, 1990Cette nouvelle tape vise lever la restriction sur les dessertes quimpose jusqualorsla nationalit de la compagnie : le cabotage lintrieur de la Communauteuropenne doit devenir possible toute compagnie europenne en dehors de sonpays dorigine.

    Trois nouveaux textes, qui entrent en vigueur le 1er novembre 1990, largissent ledomaine concurrentiel :

    le premier porte sur les tarifs des services ariens rguliers. Ils doivent toujourstre approuvs par les tats membres, mais dans une large fourchette permettantnotamment de descendre jusqu 30 % du tarif de rfrence. Dans la pratique, lescompagnies europennes disposent de la libert tarifaire dans lespace

    communautaire ; le deuxime rglement concerne laccs des transporteurs aux liaisonsariennes

    rgulires intracommunautaires et la rpartition de la capacit en sigesentre eux.Les quotas de droits de trafic sont progressivement augments et assouplis,lobjectif tant de sen affranchir aprs un retour dexprience deux ans plus tard.Ces deux premiers rglements remplacent les textes de 1987 ;

    le troisime rglement vise restreindre les possibilits dexemption contraires audveloppement de la concurrence.

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    Troisime phase, 1993Trois nouveaux rglements sont applicables au 1er janvier 1993 et remplacent lestextes prcdents. Des mesures peuvent tre mises en uvre progressivement

    jusqu lchance de 1997. Des retours dexprience sont galement prvus.Par le rglement 2407/92, une licence dexploitationdlivre un transporteur par unpays membre devient valable dans tous les pays de lUnion europenne. Ipso facto,cette facult chappe donc la souverainet de chaque tat membre et estsupervise par la Commission, dans un souci de libre accs au marchcommunautaire, sans discrimination nationale.

    Le cabotage est ainsi libralis par le rglement 2408/92, qui stipule que lestransporteurs ariens communautaires sont autoriss par le ou les tats membresconcerns exercer des droits de trafic sur des liaisons intracommunautaires .

    Enfin le rglement 2409/92 gnralise la libert tarifaire, sous certaines rservescomme les cas de service public : les transporteurs ariens de la Communautfixent librement les tarifs ariens des passagers .

    3.2. Le nouveau cadre europenLa finalisation de louverture du ciel europen aux com pagnies europe nnesEn 1997, le trafic dans le ciel europen est finalement ouvert aux compagnies destats membres sans discrimination lie leur nationalit. Ainsi, depuis avril 1997,

    toute compagnie europenne peut librement exploiter toute relation intra-communautaire. Les textes adopts en 1992 sont refondus et consolids en 2008dans un rglement unique 1 qui les remplace et en reprend les principes en lesactualisant. Alors que la convention de Chicago, toujours en vigueur au niveaumondial, repose sur la souverainet des tats, la notion dtat membre lintrieur duprimtre de lUnion europenne est nettement dulcore :

    un transporteur immatricul dans un tat membre est dit communautaire ; Les transporteurs ariens communautaires sont autoriss exploiter des

    services ariens intracommunautaires (article 15). La notion de cabotage entrepays disparat ;

    la libert tarifaire pour les vols lintrieur de lUnion est confirme ; elle esttendue aux vols vers des pays tiers, sous rserve de rciprocit, en fonction desaccords bilatraux conclus. Il en est de mme pour le partage de codes entrecompagnies.

    La scurit, la solidit financire des exploitants et le respect dune concurrencequitable motivent ce nouveau rglement, en vigueur actuellement.

    (1) Rglement (CE) n 1008/2008 du 24 septembre 2008 tablissant des rgles communes pour

    lexploitation de services ariens dans la Communaut.

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    Le ciel unique europenLe ciel unique europen naborde pas les conditions conomiques dexploitation desmarchs et de concurrence, mais doit faciliter le dveloppement des trafics, non seulement

    en diminuant les retards et la longueur des routes ariennes en point point mais aussi enrduisant trs sensiblement les cots lis au contrle de la navigation arienne.

    En application des rglements europens du ciel unique du Parlement europen et duConseil adopts en 2004 et modifis en novembre 2009, tous les tats membres delUnion europenne se sont obligs former, par accords entre eux, des blocs despacearien fonctionnels (FAB Functional Airspace Blocks) et les mettre en uvre avant fin2012 ; cet engagement na pas t tenu.

    La souverainet des tats stend la gestion technique de la navigation arienne au-dessus de leur territoire. La ralisation du ciel unique europen, encore peu avance maisfortement attendue par tous les oprateurs ariens, vise rendre homogne cette gestionau-dessus des pays de lUnion, dans un espace unique, sans frontire. La Commissioneuropenne reste trs attentive la ralisation des blocs despace arien fonctionnels dont

    lobjectif est de grer lespace arien et le trafic arien de manire indpendante desfrontires et de parvenir une intgration progressive des oprateurs. Deux paquets derglements sont adopts, ciel unique europen I et II , en 2004 et 2009. Ils portent sur lagestion et le contrle du trafic, la scurit, la capacit aroportuaire, dans un soucidaccroissement des trafics, de protection environnementale, dconomie de carburant etde maintien de la souverainet des tats vis--vis des pays tiers et de la dfense.

    Concrtement, les principaux dossiers sont la fourniture de services de navigationarienne, lorganisation et lutilisation de lespace arien ou linteroprabilit du rseaueuropen de gestion du transport arien, afin de restructurer lespace arien europen enfonction des flux de trafic, tout en tenant compte de lefficacit des missions militaires etnon plus selon la seule ralit des frontires nationales.

    Au fil des tapes de la libralisation apparaissent deux contraintes : assurer ladesserte gnrale du territoire et permettre laccs quitable des aroports auxnouvelles compagnies.

    La dess erte du territoire : le maintien dun service publicLe transport arien a t subventionn trs tt, ce qui a permis lexploitation de lignessur lensemble du territoire mme en labsence de recettes suffisantes pour en couvrirles dpenses. Le systme a volu, tant pour Air France que pour Air Inter, endistinguant un rseau bnficiaire et un rseau dficitaire. Le dficit est alors financ

    soit par les excdents des lignes rentables, selon le principe de prquation encontrepartie dexclusivit des droits de trafic, soit par subventions publiquescontractualises.

    La libert douvrir et surtout de fermer des lignes peut entraner la suppression dedesserte arienne sur des villes faible potentiel de trafic :

    soit parce que la libert tarifaire ne permet plus dexiger dune compagnie quellefinance une liaison dficitaire par prquation tarifaire avec les lignes les plusrentables (suppression du principe de prquation) ;

    soit parce que le dficit commercial ne peut plus tre couvert par des subventionspubliques (distorsion de concurrence).

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    Ds la deuxime tape de libralisation en 1990, il a donc t prvu la facult pour lespouvoirs publics de financer des services sur des relations qui prsentent un intrtgnral mais quaucune compagnie nexploite de sa propre initiative. Cette facult,consistant maintenir un service public, est assortie de conditions : aucune

    compagnie nexploite de son propre chef la ligne, la ligne ne peut pas tre exploitecorrectement par un autre moyen que lavion et elle doit navoir eu aucun transporteurarien candidat son exploitation la suite dun appel doffres, lequel est obligatoire.En France, la suite des propositions de comit de rflexion (1994), une taxe sur lesbillets davion a t cre pour financer les relations damnagement du territoire1.Dans le cas de la continuit territoriale avec la Corse, seules les liaisons dites de bord bord (avec un aroport limitrophe de la cte mditerranenne) peuvent tresubventionnes.

    La desserte des DOM-TOMLa desserte de la France doutre-mer est soumise des contraintes spcifiques.Lavion prsente un intrt vident pour relier la France continentale et les DOM-TOM.Cependant, il est difficile de considrer ces dessertes comme un simple marchdomestique commercial. Aussi ltat est-il longtemps intervenu sur les conditionsdexploitation des liaisons ariennes avec les terres loignes de la mtropole :dsignation des compagnies, frquences, tarifs. Plusieurs lois ont traitsuccessivement la question de ces dessertes. Compte tenu du cot du transport enlong-courrier vers les DOM-TOM, des aides financires la personne (et non auxcompagnies ariennes) ont t prvues, soit par ltat, soit par les collectivitslocales. Elles permettent que les habitants loigns du territoire mtropolitain nesoient pas pnaliss par un transport coteux.

    En 1986, afin de faire pression sur les cots et sur la qualit des services, le traficentre la mtropole et les DOM-TOM a t ouvert la concurrence aux compagniesfranaises, Air France perdant son monopole 2 . La lgislation europenne, enparticulier les directives et rglements conduisant louverture du ciel europen, alaiss hors de son champ la question de la desserte arienne franaise entre lamtropole et ses DOM-TOM.

    Laccs au x aroports : congestion et localisationLa capacit insuffisante de certains aroports pour accueillir toutes les compagnieslibres dy assurer du trafic lheure quelles souhaitent est un obstacle lexercice de

    la concurrence. Ce problme, qui contrarie la politique douverture, est voqu ds1990. En cas de congestion, ltat concern a la possibilit de ne pas autoriserlinstauration dun nouveau service. Il nest prvu ni que les compagnies dj en placedoivent librer des crneaux ni que priodiquement toutes les compagnies, anciennescomme nouvelles, dposent leurs demandes pour lavenir avec attribution sur un pied

    (1) La loi 95-115 du 4 fvrier 1995 dorientation pour lamnagement et le dveloppement duterritoire cre, par son article 35, une taxe : Il est institu [] un fonds de prquation destransports ariens. Ce fonds concourt assurer lquilibre des dessertes ariennes ralises danslintrt de lamnagement du territoire .(2) La desserte des les et ses financements publics sont rgulirement suivis par le Parlement et la

    Cour des comptes et font lobjet de plusieurs rapports auxquels le lecteur est invit se reporter.

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    dgalit1. Cela revient a contrario laisser les crneaux au transporteur dj en placeet qui les utilise effectivement, selon la rgle des droits acquis connue sous le nomde droit du grand-pre . Le contrle des crneaux horaires constitue, pour lescompagnies ariennes, un enjeu stratgique2. Lattribution des crneaux horaires est

    dfinie par le rglement 95/93 (voir encadr suivant); elle est dlicate ds quunaroport reoit un trafic dense. linverse du systme ferroviaire dans les paysdEurope, il ny a pas de rgulateur indpendant pour grer les conflits dintrt surlusage des infrastructures aronautiques.

    Procdure dattribution des crneaux horairesLattribution des crneaux horaires est rgie par le principe selon lequel le transporteurarien qui a exploit une srie de crneaux horaires pendant au moins 80 % du temps aucours de la priode de planification horaire dt/hiver a droit la mme srie lors de lapriode de planification quivalente lanne daprs (droits acquis). Par consquent, lescrneaux horaires qui ne sont pas suffisamment utiliss par les transporteurs ariens sont

    rattribus (rgle du crneau utilis ou perdu ).Le rglement prvoit la constitution dun pool regroupant les crneaux horairesnouvellement crs, ceux qui sont inutiliss, ceux qui ont t abandonns par untransporteur ou ceux qui sont devenus disponibles pour dautres raisons.

    Le coordonnateur tient galement compte des rgles et des orientations complmentairesfixes par le secteur des transports ariens et des orientations locales proposes par lecomit de coordination et approuves par le pays de lUE ou tout autre entit comptenteet responsable pour laroport.

    Lorsquune demande de crneau horaire ne peut pas tre satisfaite, le coordonnateur encommunique les raisons au transporteur arien demandeur et lui indique le crneau deremplacement le plus proche.

    Les crneaux horaires peuvent faire lobjet dun change ou dun transfert entre lescompagnies ariennes dans certaines conditions dfinies (par exemple, une prise decontrle partielle ou totale ou le transfert vers une autre liaison ou moyen de transport). Lecas chant, une confirmation explicite du coordonnateur est toujours requise.

    Un pays de lUE peut rserver certains crneaux horaires pour des services rgionaux.

    La Commission europenne a prsent, en dcembre 2011, une proposition derglement (E6915) concernant lattribution des crneaux horaires, afin de dconges-tionner les aroports. Ainsi, la revente de crneaux dune compagnie une autreserait clairement autorise (mme si elle sest dj pratique, par exemple LondresHeathrow comme le mentionne la Commission europenne) et les droits de priorit

    pour lobtention des crneaux lors de la saison suivante seraient perdus par lacompagnie sur ceux quelle dtient et utilise insuffisamment. Ce texte estactuellement ltude3.

    (1) Sur le rseau ferroviaire franais, toutes les entreprises ferroviaires, SNCF comme les autres,doivent dposer leurs demandes de sillons (quivalents des droits de trafic pour larien) pourchaque service annuel auprs de RFF, gestionnaire de linfrastructure qui les attribuequitablement, sans priorit accorde lentreprise historique.(2) De nombreuses tudes ont examin la possibilit dattribuer autrement les crneaux. Elles onttoutes conclu que le systme actuel tait le seul compatible avec lensemble des contraintes pesantsur la construction des programmes dexploitation.(3) La vente des crneaux horaires, directe ou par enchres, pourrait savrer un obstacle au

    dveloppement de liaisons potentiel de trafic limit selon la manire dont elle serait organise et

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    La navigation a rienne : un tat des l ieuxLa relation entre compagnies ariennes et services de la navigation arienne esttoujours tendue voire conflictuelle en Europe et singulirement en France. Ces

    diffrends sont notamment dus aux impratifs conomiques des compagnies surlesquels peuvent influer directement les services de la navigation arienne. En fvrier2013, lIATA et lAEA ont lanc une nouvelle attaque intitule A Blueprint for theSingle European Sky. Cette initiative se borne rpter des arguments anciens(cots trop levs, performances insuffisantes, etc.) et considre comme modlelorganisation du contrle arien aux tats-Unis. Elle montre que mme si lacroissance du trafic (en mouvements ariens) a fait une pause denviron dix ans enEurope et si sa ponctualit est peu prs satisfaisante, contrairement diversescrises de croissance la fin du sicle dernier, les transporteurs ariens attendentdavantage du ciel unique europen et en premier lieu une baisse des cots desservices de la navigation arienne. Dailleurs, les compagnies ariennes privilgientexplicitement les rductions de la moyenne des taux des redevances.

    lorigine, lobjectif du ciel unique europen rside en une gestion de lespace arienindpendante des frontires nationales et source doptimisation dans lutilisation de lacapacit pour les flux de trafic.

    Depuis pratiquement dix ans, la Commission europenne a enclench un processusrglementaire destin rendre plus productifs les services de la navigation arienne.Les efforts demands se dclinent par des objectifs de performance fixs dont laralisation passe par la mise en place lchelle europenne, au profit des prochainesdcennies, dun gestionnaire de rseau, de blocs fonctionnels despace (FAB,Functional Airspace Block) dont le FABEC (FAB Europe Centre : Allemagne, Benelux,

    France et Suisse

    1

    ) et dun programme technique commun entre les prestataires deservices.

    Aujourdhui, le programme SESAR (Single European Sky Air traffic managementResearch)constitue le pilier technique du ciel unique, face au programme concurrentamricain NextGen. SESAR na pas encore dmontr les progrs techniquesdcoulant de linnovation technique et de lquipement des flottes. Dautresopportunits soffriront dans la dure, au fur et mesure des remplacements desystmes, et sous leffet de dveloppements communs en Europe ; ellesaugmenteront avec le dploiement progressif du programme de modernisationeuropen SESAR, de 2015 2025-2030 (voir chapitre 4).

    rgule. En particulier, si lattribution dun crneau tait gratuite et si la revente entre compagnies taitpayante, toute perspective de croissance de loffre serait pnalise financirement, avec unerentabilit plus difficile atteindre.(1) La zone FABEC est la plus dense dEurope : 55 % des vols en Europe y passent, et 35 % deskilomtres parcourus, alors quil existe neuf FAB au total. Hormis Londres-Heathrow, cinq des plus

    grands aroports europens sy trouvent.

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    4. La rpercussion en France de la libralisation en Europeet du renforcement de la concurrence internationale4.1. Les vols charters, exception la stricte rgulationDfinit ionLes vols charters sont assurs par des compagnies spcialises ou non sur ce typede prestation de transport. Charter est un mot dorigine anglaise qui signifieaffrtement. Cet affrtement est conclu pour le compte dun client, organisateur devoyage le plus souvent ; cest un vol qui nest pas assur avec une frquencergulire et dont les places ne sont pas proposes la vente individuellement aupublic. Toutefois, sur ce dernier point, la vente sur Internet a permis lacommercialisation directe auprs des passagers, notamment par laffrteur sil ne

    remplit pas compltement lavion lui-mme.On distingue deux notions :

    vol charter ou vol la demande. Des vols charters peuvent tre assurs par descompagnies assurant un service rgulier ;

    compagnie charter, qui est une compagnie arienne assurant des vols charters,sans que ce soit dailleurs forcment son activit exclusive.

    RglementationLe charter est une offre commerciale ancienne, pratiquement depuis le dbut de lavia-tion. Selon larticle 5 de la convention de Chicago de 1944, le trafic charter sort du cadrerglementaire commercial strict impos aux compagnies assurant des vols rguliers.

    Article 5 de la convention de Chicago de 1944Droits des aronefs nassurant pas de service rgulier Chaque tat contractant convient que tous les aronefs des autres tats contractants quinassurent pas de services ariens internationaux rguliers ont le droit, condition quesoient respects les termes de la prsente Convention, de pntrer sur son territoire, de letraverser en transit sans escale et dy faire des escales non commerciales sans avoir obtenir une autorisation pralable, sous rserve du droit pour ltat survol dexigerlatterrissage. Nanmoins, pour des raisons de scurit de vol, chaque tat contractant serserve le droit dexiger que les aronefs qui dsirent survoler des rgions inaccessibles oudpourvues dinstallations et services de navigation arienne adquats suivent lesitinraires prescrits ou obtiennent une autorisation spciale.

    Si lesdits aronefs assurent le transport de passagers, de marchandises ou de courriercontre rmunration ou en vertu dun contrat de location en dehors des services ariensinternationaux rguliers, ils auront aussi le privilge, sous rserve des dispositions delart. 7, dembarquer ou de dbarquer des passagers, des marchandises ou du courrier,sous rserve du droit pour ltat o a lieu lembarquement ou le dbarquement dimposertelles rglementations, conditions ou restrictions quil pourra juger souhaitables.

    La rglementation sur la libert de trafic par charter na jamais t clairement dfinie

    au niveau mondial, selon les poques et les pays : Faute dune dfinition stricte, le

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    transport non rgulier a bnfici tout au long de son histoire [] dun rgimelastique, allant dune prohibition absolue la plus large tolrance1 . De mme, lesavis divergent sur la part de march quont pu capter les charters.

    Toutefois, laccord multilatral sur les droits commerciaux pour les transports ariensnon rguliers en Europe entr en vigueur le 23 juillet 1957 sappuie sur la conventionde Chicago, pour la conforter et lappliquer au trafic intra-europen.

    Le trafic assur en vols charters nentre pas dans le dcompte des droits de traficngocis entre pays avant la drglementation enclenche partir de 1978. Cestainsi que le Royaume-Uni a dnonc ses accords avec les tats-Unis ds 1976, aprsavoir observ que les Amricains prenaient une part de plus en plus importante dansle trafic sur lAtlantique Nord en acheminant les passagers par vols charters.

    Compagnies chartersLes compagnies charters sont htrognes, selon ce qui a motiv leur cration :

    activit intgre au mtier de tour oprateur : Corsair (Nouvelles Frontires, TUI,1981), XL Airways (Look Voyages, 1995), Jetairfly (TUI, 2004), Thomas CookAirlines, Air Transat (Vacances Transat,1986) ;

    cibles sur des destinations touristiques, essentiellement autour de laMditerrane : Air Cairo (Egyptair, 2003), Air Mditerrane (1997), Nouvelair(Tunisie, 1989), Onur Air (Turquie, 1992) ;

    lies des compagnies rgulires ou assurant marginalement des vols charters :Freebird Airlines (2000), Air Memphis (1995), Aigle Azur (devenue compagniergulire, 1946), Europe Airpost (poste et marginalement passagers, 2000),Edelweiss Air (1995).

    Le trafic charter est dsquilibr dans le monde. La France est un march rcepteur.Organis sous diverses appellations refltant une varit de dfinition (par exemple,vol groupe affinit au Canada), il a reprsent une forte part du trafic passageravant de reculer la suite de la libralisation des tarifs et des dessertes. Le charter at dabord laffrtement davions, puis la constitution de compagnies spcialises eta introduit ainsi la transition entre march rglement et concurrence bas prix.Lassociation Le Point Mulhouse en est une illustration : aprs avoir affrt desvols, elle a cr en 1976 une compagnie, par rachat dun premier B707, offrant desvols long-courriers deux ou trois fois moins chers quAir France ou UTA. La socit a

    dpos son bilan en 1988, aprs quelques manquements en matire de scurit, touten se disant victime dun blocage politique des acteurs traditionnels de laviation.

    Les compagnies charters ont tendance, pour celles qui ont survcu, voluer soitvers du low cost (Air Berlin), soit vers le modle de compagnie rgulire (Corsairfly).On a pu observer un fort dveloppement des compagnies charters dans les annes1970 sous le triple effet de lapparition de gros porteurs permettant des achemi-nements en groupe conomiques, de la croissance du tourisme de masse dans lemonde et de la souplesse dexploitation permise par la Convention de Chicago.

    (1) Robert Esprou (2009), Histoire du transport arien franais, Pascal Galod Editions.

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    Finalement, il est difficile de parler dun modle conomique unique du charter,compte tenu de la diversit des organisations, des marchs gographiques et desopportunits rglementaires avant et aprs la libralisation de laviation civile.

    4.2. Lapparition phmre, en France, de compagnies concurrentesdes compagnies historiquesJusquen 1986, avant la drglementation, les marchs franais sont rpartisprincipalement entre Air France pour linternational (hors Afrique1), UTA (Afrique) et AirInter (domestique) ; dautres compagnies assurent des liaisons rgionales dites detroisime niveau. louverture des marchs, la concurrence est venue dentreprisesdorigines diverses : anciennes compagnies charters, nouvelles cres ex nihilo,cration par fusion, absorption ou filialisation. Plus ou moins gnralistes, celles-cisattaquent dabord aux marchs franais, intrieur en moyen-courrier et DOM-TOMen long-courrier.

    Minerve est une socit charter travaillant pour le compte de tour-oprateurs . Elleassure des vols la demande, et non du trafic rgulier, comme ly autorise larglementation lors de sa cration en 1976 avant la libralisation du trafic. Elle vientconcurrencer Air France sur les DOM-TOM lorsquAir France perd son monopole en1986. Elle est ensuite vendue et fusionne avec Air Outre-Mer, elle-mme socitphmre (1988-1991) assurant la liaison entre Paris et La Runion avec des avionsaffrts.

    AOM French Airlines, ne de la fusion dAir Outre-Mer et de Minerve en 1991, seplace rsolument en concurrent dAir France, autant sur le march domestique 2 quenlong-courrier. AOM rejoint en 2000 Swissair, entreprise elle-mme en graves

    difficults financires, et fusionne avec Air Libert, cre en 1987, et Air Littoral en2001 sous le nom dAir Lib, qui dpose une premire fois son bilan. La socit estrachete pour un euro symbolique, mais Swissair savre incapable de verser lasocit la totalit des capitaux quelle avait promis. En dpit dun prt dugouvernement franais, la socit dpose nouveau son bilan en fvrier 2003.

    Les premires compagnies qui sont venues concurrencer loprateur historique AirFrance ont finalement chou. Des entraves au libre exercice de la concurrence sontvidemment dnonces par les nouveaux exploitants. Mais il apparat que la sous-capitalisation, des cots insuffisamment bas et incohrents avec les tarifs pratiqus, lasous-estimation de la raction commerciale dAir France, font aussi partie des causesde lchec. Cette priode des annes 1990 est tonnamment mouvemente, avec desfaillites parfois fortement mdiatises. La crise conscutive au 11 septembre 2001 aaussi pes lourdement.

    (1) Plus prcisment, Air France dessert galement lAfrique du Nord, le Sngal, lthiopie, Nice etla Corse. UTA dessert une partie de lOrient et du Pacifique. Air Inter dessert Nice et la Corse enconcurrence avec Air France.(2) La bataille avec Air France atteindra un point culminant avec le transfert des vols intrieursdAOM dOrly-Ouest vers Orly-Sud, arogare moins bien adapte au trafic intrieur, Air France

    faisant pression sur Aroports de Paris (ADP), selon son concurrent.

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    Le Conseil et le Parlement europen ont tir les enseignements de cette instabilit lorsde la prparation de la directive 1008/2008 en incluant des prcautions sur lquit dela concurrence, la capacit financire des entreprises et la preuve dhonorabilit.

    4.3. Lvolution du groupe Air FranceAir France est, depuis sa cration en 1933, la grande compagnie nationale franaise.Elle a connu une forte progression, dans le cadre du dveloppeme