50
LM D EXPÉRIENCES M. Fruchart , P. Lidon, E. Thibierge, M. Champion, A. Le Diffon

Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

  • Upload
    others

  • View
    5

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

M. Fruchart, P. Lidon, E. Thibierge, M. Champion, A. Le Diffon

Physique expérimentaleOptique, mécanique des fluides, ondes et thermodynamique

ISBN : 978-2-8073-0285-3

Conc

epti

on g

raph

ique

: Pr

imo&

Prim

o

www.deboecksuperieur.com

M.F

ruch

art,

P. L

idon

,E.

Thib

ierg

e, M

. Cha

mpi

on,

A.L

e D

iffon

Dans le cadre du nouveau Système Européen de Transfert de Crédits (E.C.T.S.), ce manuel couvre en France les niveaux : Licence 3, Master 1en Belgique : Baccalauréat 3, Master 1 et 2en Suisse : Bachelor 3, Master 1 et 2au Canada : Baccalauréat 3, Master 1 et 2

L1L2

L3

D

M2

M1

CPGE, Licence, MasterConcours de l’enseignement supérieur, CAPES & AgrégationEnseignants du secondaire et du supérieur

LMD

Phys

ique

exp

érim

enta

le

9 782807 302853

Cet ouvrage propose des expériences dans différents domaines de la physique, réalisées en laboratoire d’enseignement. Les auteurs ont souhaité adopter une présentation qui insiste sur les différentes étapes de la démarche expérimentale : modélisation du phénomène étudié, construction argumentée du protocole expérimental, interprétation et analyse critique des résultats obtenus et des écarts à la modélisation. Ce choix facilite une prise en main rapide et une utilisation efficace en séance de travaux pratiques.

L’ouvrage s’adresse à un large public : candidats aux concours du CAPES, de l’agrégation, enseignants du secondaire et de l’enseignement supérieur, élèves de CPGE, Licence et Master. Les lecteurs pourront également trouver dans cet ouvrage des schémas clairs et précis des dispositifs expérimentaux utilisés, des photographies des expériences et des phénomènes observés, un traitement des données expérimentales réalisé avec le langage libre Python, et de nombreuses références bibliographiques.

Michel Fruchart, docteur en physique, agrégé de sciences physiques, chercheur en physique de la matière condensée.Pierre Lidon, docteur en physique, agrégé de sciences physiques, chercheur en physique de la matière molle.Étienne Thibierge, docteur en physique, agrégé de sciences physiques, professeur en CPGE.Maxime Champion, docteur en physique, agrégé de sciences physiques, professeur en CPGE. Arnaud Le Diffon, docteur en physique, agrégé de sciences physiques, professeur agrégé à l’ENS Cachan.

Avec les contributions d’Antoine Bérut, Jean-Baptiste Caussin, Jean-Yonnel Chastaing et Robin Guichardaz, docteurs en physique et agrégés de sciences physiques.

Cet ouvrage a été révisé scientifiquement par Marc Vincent, professeur de chaire supérieure en CPGE en PC* au lycée du Parc à Lyon, ancien membre du jury de l’agrégation externe de sciences physiques.

LM

D

EXPÉRIENCES

M. Fruchart, P. Lidon, E. Thibierge,M. Champion, A. Le Diffon

Physique expérimentale

Optique, mécanique des fluides, ondes et thermodynamique

Les « plus »} Expériences réalisées et testées en

laboratoire d’enseignement

} Protocoles expérimentaux argumentéset commentés

} Modélisation détaillée des phénomènes et des dispositifs

} Photographies, courbes et exploitation précise de données expérimentales réelles

} Traitement des données avec le langage Python et codes commentés

+

9782807302853.indd Toutes les pages 26/10/2016 08:48

Page 2: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

Physique expérimentale

9782807302853_PHYEXP_PL.indd 1 26/10/16 10:02

Page 3: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

Licence Maîtrise Doctorat

PhysiqueAslAngul C., Mécanique quantique. 1. Fondements et premières applications. 2e éd.AslAngul C., Mécanique quantique. 2. Développements et applications à basse énergie. 3e éd.AslAngul C., Mécanique quantique. 3. Corrigés détaillés et commentés des exercices

et problèmes. 2e éd.BéCherrAwy T., Optique géométriqueBiemont É., Spectroscopie atomique. Instrumentation et structures atomiquesBiemont É., Spectroscopie moléculaire. Structures moléculaires et analyse spectraleChAmpeAu r.-J., CArpentier r., lorgeré i., Ondes lumineuses. Propagation, optique de Fourier,

cohérencemAyet F., Physique nucléaire appliquéerieutord m., Une introduction à la dynamique des fluidestAillet r., Optique physique. Propagation de la lumière. 2e éd.wAtzky A., Thermodynamique macroscopique

ChimieCAChAu-herreillAt d., Des expériences de la famille Acide-Base. 3e éd.CAChAu-herreillAt d., Des expériences de la famille Réd-Ox. 2e éd.ChAquin P., VolAtron F., Chimie organique : une approche orbitalairedepoVere p., Chimie générale. 3e éd.depoVere p., Chimie organique. 2e éd.girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre !kiel m., L’oxydoréduction. Du nombre d’oxydation aux diagrammes de PourbaixmArtinAnd-lurin e. et grüBer r., 40 expériences illustrées de chimie générale et organique.

La chimie, une science expérimentalemoussArd C., Biochimie structurale et métabolique. 3e éd.moussArd C., Biologie moléculaire et Biochimie des communications cellulairesrABAsso n., Chimie organique. Généralités, études des grandes fonctions et

méthodes spectroscopiques. 2e éd.rABAsso n., Chimie organique. Hétéroéléments, stratégies de synthèse et

chimie organométallique. 2e éd.

9782807302853_PHYEXP_PL.indd 2 26/10/16 10:02

Page 4: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

M. Fruchart, P. Lidon, E. Thibierge, M. Champion, A. Le Diffon

Physique expérimentale

Optique, mécanique des fluides,ondes et thermodynamique

EXPÉRIENCES

9782807302853_PHYEXP_PL.indd 3 26/10/16 10:02

Page 5: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

© De Boeck Supérieur s.a., 2016 Fond Jean Pâques, 4, B-1348 Louvain-la-Neuve

Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par

photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

Imprimé en Belgique

Dépôt légal : Bibliothèque nationale, Paris : Décembre 2016 Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles : 2016/13647/176 ISBN : 978-2-8073-0285-3

Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web : www.deboecksuperieur.com

9782807302853_PHYEXP_PL.indd 4 26/10/16 10:02

Page 6: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 1 — #1 �

1

Table des matières

I Traitement des données expérimentales . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7I.1 Estimation des incertitudes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8I.2 Ajustement de courbes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

II Outils de l’optique expérimentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .53II.1 Formation des images . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54II.2 Projection d’un spectre avec un prisme à vision directe . . . . . . . . . . . 71II.3 Focométrie des lentilles minces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75II.4 Réglage d’un interféromètre de Michelson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83II.5 Introduction à l’étude des photorécepteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108II.6 Fonctionnement et caractéristique d’une photodiode . . . . . . . . . . . . . . 124II.7 Fonctionnement et caractéristique d’une photorésistance . . . . . . . . . . 139II.8 Linéarité des photorécepteurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145II.9 Réponse spectrale des photorécepteurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156II.10 Réponse dynamique des photorécepteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167

III Phénomènes optiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .183III.1 Loi de Malus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184III.2 Caractérisation géométrique et spectrale d’un laser . . . . . . . . . . . . . . . 193III.3 Étude interférométrique du doublet du sodium. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218III.4 Étude de la cohérence de polarisation avec un interféromètre

de Michelson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223III.5 Interférences par biréfringence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233III.6 Photoélasticimétrie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 261III.7 De la diffraction de Fresnel à la diffraction de Fraunhofer . . . . . . . . . 284III.8 Diffraction de Fresnel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 303III.9 Diffraction de Fraunhofer et optique de Fourier . . . . . . . . . . . . . . . . . . 320III.10Fluorescence de la rhodamine. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 341III.11Mesure de la constante de Rydberg. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 352

IV Thermodynamique et transport. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .369IV.1 Étude thermodynamique de l’hexafluorure de soufre . . . . . . . . . . . . . . 370IV.2 Conduction thermique dans un métal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 384IV.3 Conduction électrique dans un métal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 398

Page 7: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 2 — #2 �

2

V Hydrodynamique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .405V.1 Expériences qualitatives d’hydrodynamique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 406V.2 Écoulement à travers un orifice et loi de Torricelli . . . . . . . . . . . . . . . . 422V.3 Viscosimètre à chute de bille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 432V.4 Écoulement dans une conduite cylindrique et loi de Poiseuille . . . . . . 441V.5 Écoulements à grand nombre de Reynolds en soufflerie. . . . . . . . . . . . 454V.6 Mesure de tension superficielle par arrachement . . . . . . . . . . . . . . . . . . 466V.7 Montée capillaire et loi de Jurin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 472

VI Ondes et oscillations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .477VI.1 Pendule non-linéaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 478VI.2 Oscillateurs mécaniques couplés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 490VI.3 Ondes gravito-capillaires en eaux profondes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 503VI.4 Propagation libre et guidée d’ultrasons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 515VI.5 Évolution de la vitesse du son avec la température dans un tube

de Kundt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 528VI.6 Étude de l’effet Doppler par détection synchrone . . . . . . . . . . . . . . . . . 539

Page 8: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 3 — #3 �

3

Avant-propos

L’envie d’écrire cet ouvrage est née de notre expérience en tant qu’agrégatifs puisformateurs en préparation à l’agrégation de sciences physiques à l’École NormaleSupérieure de Lyon.

Nous avons voulu allier des protocoles expérimentaux précis à une modélisationdétaillée et à un traitement informatisé des données. Nous pensons que ce choix peutpermettre aux étudiants d’acquérir des compétences expérimentales, de s’approprierune démarche scientifique et de gagner en autonomie. À ce titre, il nous a sembléimportant de ne pas passer sous silence les difficultés expérimentales et les écarts à lamodélisation. Cet ouvrage a aussi été conçu de manière à proposer aux enseignantsdes ressources pédagogiques pour l’enseignement expérimental et la préparation auxépreuves de modélisation.

Structure de l’ouvragePlutôt que de proposer une liste exhaustive d’expériences, nous avons sélectionné

des phénomènes et dispositifs à même de mobiliser des compétences transverses enphysique expérimentale. Nous commençons par présenter les outils indispensables àl’analyse des données expérimentales que sont l’estimation des incertitudes et l’ajuste-ment de courbes. Les expériences sont ensuite regroupées thématiquement et abordentles champs de l’optique, la thermodynamique, l’hydrodynamique et la physique desondes. Toutes ces expériences ont été élaborées et testées en laboratoire d’enseigne-ment.

La présentation de chaque expérience vise à mettre en relief les étapes de la dé-marche expérimentale adoptée : construction argumentée d’un protocole expérimen-tal à partir d’une analyse théorique du phénomène étudié ; discussion quantitativedes résultats s’appuyant sur une modélisation du dispositif utilisé ; interprétation etanalyse critique des résultats obtenus et des écarts à la modélisation. Les discussionss’appuient systématiquement sur des résultats expérimentaux authentiques et sontillustrées par de nombreuses courbes, photographies et schémas. Le traitement desdonnées a été réalisé avec le langage Python et des exemples de codes commentéssont proposés. Enfin, pour permettre au lecteur d’aller plus loin, une bibliographiedétaillée et des compléments variés accompagnent chaque expérience.

MéthodologieLes expériences développées dans cet ouvrage ne sont pas toutes nouvelles. Nous les

avons systématiquement retravaillées en laboratoire d’enseignement afin d’approfon-dir le protocole, la modélisation et l’interprétation des résultats. Plusieurs personnesont apporté des contributions substantielles au travail sur certaines expériences. Desrelectures croisées ont été effectuées entre participants à l’ouvrage et l’ensemble aété relu par Marc Vincent, ancien membre du jury de l’agrégation de sciences phy-siques.

Page 9: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 4 — #4 �

4

RemerciementsNous remercions l’École Normale Supérieure de Lyon, en particulier le départe-

ment de physique et la préparation à l’agrégation de sciences physiques.

Cet ouvrage a bénéficié de nombreuses discussions avec nos camarades de promo-tion d’agrégation, tout spécialement David Lopes Cardozo, et avec les agrégatifs quenous avons encadrés par la suite. Nous les remercions chaleureusement.

Nous remercions Bernard Castaing, Michel Farizon, Hervé Gayvallet et PatrickRigord pour nous avoir fait bénéficier de leur expérience. Nous remercions égalementDavid Lopes Cardozo, Clémence Devailly, Pierre-François Labousse et Cendrine Mos-kalenko pour les discussions autour de certaines expériences, ainsi qu’Aude Caussarieupour nous avoir beaucoup apporté sur l’interprétation des incertitudes.

Merci aussi à Mickael Melzani et Benjamin Roussel pour la réalisation de certainesphotographies et pour leurs conseils dans ce domaine.

Le soutien de l’équipe technique du département de physique a été déterminant :un grand merci à Benoît Capitaine, Adrien Favero, Jacques Marot, Abdelaziz Ait-Amer et Christian Ballesio.

Notre travail a pu également voir le jour grâce à la confiance que Philippe Odieret Sylvain Joubaud nous ont manifestée en tant que directeurs de la préparation àl’agrégation.

Un grand merci à Sébastien Paulin, Julien Bernaud et nos collègues du départe-ment de physique de l’ENS de Lyon pour leurs encouragements et leur soutien.

Enfin, nous remercions très vivement Antoine Bérut, Jean-Baptiste Caussin, Jean-Yonnel Chastaing et Robin Guichardaz pour leur apport à cet ouvrage, Marc Vincentpour ses relectures exigeantes et bienveillantes, et ses encouragements, Fabrice Chré-tien, des éditions De Boeck, pour son soutien constant et enthousiaste à ce projet,ainsi que Florence Lemoine, des éditions De Boeck, pour ses relectures attentives. Laqualité de l’ouvrage leur doit énormément.

Maxime Champion, Michel Fruchart, Arnaud Le Diffon, Pierre Lidon et ÉtienneThibierge.

Pour aller plus loin– Des exemples de code python sont disponibles à l’urlhttp://www.physique-experimentale.com/python

– Malgré toute notre attention, des coquilles et des erreurs ne manqueront pas dese glisser dans cet ouvrage : n’hésitez pas à nous les signaler ; un erratum seradisponible à l’url http://www.physique-experimentale.com

– Une librairie tikz pour la réalisation des schémas d’optique sous latex a été dévelop-pée pour cet ouvrage et est disponible à l’url https://github.com/fruchart/tikz-optics

– Enfin, pour toute question ou remarque, nous vous invitons à nous contacter àl’adresse courriel [email protected]

Page 10: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 5 — #5 �

5

Les auteursMichel Fruchart est docteur en physique et agrégé de sciences physiques. Sa

thèse porte sur les isolants topologiques et leurs généralisations. Pendant ses troisannées de thèse, il a enseigné à la préparation à l’agrégation de l’ENS de Lyon (2013-2016). Il a encadré de nombreuses séances de travaux pratiques et a été correcteur deleçons et de montages. Il a coordonné l’enseignement expérimental de l’optique pour lapréparation à l’agrégation. Il est chercheur en physique de la matière condensée.

Pierre Lidon est docteur en physique et agrégé de sciences physiques. Sa thèseporte sur les effets d’ultrasons de puissance en matière molle. Pendant ses trois annéesde thèse, il a enseigné à la préparation à l’agrégation de l’ENS de Lyon (2013-2016)et avait la responsabilité du cours de capillarité. Il a encadré de nombreuses séancesde travaux pratiques et a été correcteur de leçons et de montages. Il est chercheur enphysique de la matière molle.

Étienne Thibierge est docteur en physique et agrégé de sciences physiques. Sathèse porte sur l’optique quantique électronique. Pendant ses trois années de thèse,il a enseigné à la préparation à l’agrégation de l’ENS de Lyon (2012-2015) et avaitla responsabilité du cours de physique des ondes. Il a encadré de nombreuses séancesde travaux pratiques et a été correcteur de leçons et de montages. Il a coordonnél’enseignement expérimental de l’optique pour la préparation à l’agrégation. Il estprofesseur en CPGE et examinateur de l’épreuve commune TIPE.

Maxime Champion est docteur en physique et agrégé de sciences physiques. Sathèse porte sur la physique statistique des systèmes astrophysiques. Pendant ses troisannées de thèse, il a enseigné à la préparation à l’agrégation de l’ENS de Lyon (2012-2015). Il a encadré de nombreuses séances de travaux pratiques et a été correcteurde leçons et de montages. Il est professeur en CPGE et examinateur de l’épreuvecommune TIPE.

Arnaud Le Diffon est docteur en physique et agrégé de sciences physiques. Sathèse porte sur les symétries en théorie quantique des champs. En tant qu’agrégé-préparateur, il a enseigné pendant quatre ans à la préparation à l’agrégation de l’ENSde Lyon (2011-2015) et avait la responsabilité des cours d’optique et de mécaniquequantique. Il a encadré de nombreuses séances de travaux pratiques et a été correc-teur de leçons et de montages. Il a coordonné l’enseignement expérimental de l’optiquepour la préparation à l’agrégation. Il est professeur agrégé au département de phy-sique de l’ENS Cachan, et directeur de la préparation à l’agrégation de physique del’ENS Cachan. Il y enseigne les cours d’électromagnétisme et de milieux continus,et coordonne l’enseignement expérimental de l’optique et de la physique générale. Ilest également examinateur de l’épreuve commune TIPE et des épreuves de TP duconcours d’entrée à l’ENS Cachan.

Les contributeursAntoine Bérut est docteur en physique et agrégé de sciences physiques. Sa thèse

porte sur la physique statistique hors d’équilibre. Pendant ses trois années de thèse, il aenseigné à la préparation à l’agrégation de l’ENS de Lyon (2012-2015). Il a encadré de

Page 11: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 6 — #6 �

6

nombreuses séances de travaux pratiques et a été correcteur de leçons et de montages.Il est chercheur en physique statistique expérimentale.

Jean-Baptiste Caussin est docteur en physique et agrégé de sciences physiques.Sa thèse porte sur l’hydrodynamique de la matière active. Pendant ses trois annéesde thèse, il a enseigné à la préparation à l’agrégation de l’ENS de Lyon (2013-2015).Il a encadré de nombreuses séances de travaux pratiques et a été correcteur de leçonset de montages. Il est professeur en CPGE.

Jean-Yonnel Chastaing est docteur en physique et agrégé de sciences physiques.Sa thèse porte sur la physique statistique de systèmes macroscopiques hors d’équilibre.Pendant ses trois années de thèse, il a enseigné à la préparation à l’agrégation del’ENS de Lyon (2013-2016). Il a encadré de nombreuses séances de travaux pratiqueset a été correcteur de leçons et de montages. Il est enseignant dans le secondaire etexaminateur de l’épreuve commune TIPE.

Robin Guichardaz est docteur en physique et agrégé de sciences physiques. Sathèse porte sur la physique statistique des écoulements turbulents. Pendant ses troisannées de thèse, il a enseigné à la préparation à l’agrégation de l’ENS de Lyon (2013-2016). Il a encadré de nombreuses séances de travaux pratiques et a été correcteur deleçons et de montages. Il est chercheur en physique statistique.

Le réviseur scientifiqueMarc Vincent est ingénieur Supelec et agrégé de sciences physiques. Il est pro-

fesseur de chaire supérieure en CPGE en classe de PC* au lycée du Parc, à Lyon. Il aété membre du jury de l’agrégation de sciences physiques, en particulier de l’épreuvede montage de physique.

Page 12: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 7 — #7 �

ITraitement des données

expérimentales

Page 13: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 8 — #8 �

I.1

Estimation des incertitudes

Au cours d’une expérience, il n’est jamais possible de maîtriser l’intégralité desparamètres qui influencent le dispositif expérimental. Par conséquent, il n’est paspossible que le résultat d’une mesure soit infiniment précis, quelle que soit la sophis-tication du protocole et des instruments de mesure utilisés : il y a une incertitude surce résultat, c’est-à-dire que l’on ne connaît qu’imparfaitement la grandeur que l’onsouhaite caractériser. L’estimation des incertitudes a pour but d’évaluer de manièrequantitative ce manque de connaissance, c’est-à-dire de déterminer quelles sont les va-leurs qu’il est raisonnable d’attribuer à la grandeur d’intérêt. De manière pragmatique,le processus de mesure donne un nombre (accompagné d’une unité), et on souhaiteévaluer quantitativement à quel point ce nombre est représentatif de la grandeur àmesurer.

L’interprétation des incertitudes et la manière de les estimer ont notablementévolué au cours des dernières décennies et les pratiques restent différentes selon lesdomaines. Depuis la fin des années 1970, un important travail a été accompli sousl’égide du Bureau International des Poids et Mesures dans le but de développer uncadre cohérent et rigoureux pour l’estimation des incertitudes, à partir d’outils pro-babilistes. Le guide pour l’expression de l’incertitude de mesure (en anglais guide tothe expression of uncertainty in measurement, abrégé en GUM, et qui est aussi lanorme internationale ISO/IEC Guide 98-3 :2008 ) [74] ainsi que ses suppléments [76,77, 75, 78], publiés par le BIPM, sont le fruit de ces travaux. Le GUM est aujourd’huitrès largement accepté dans le monde de la métrologie, et a dorénavant intégré lesprogrammes scolaires. L’approche proposée repose toutefois sur des concepts subtils,et son application nécessite une analyse précise des sources d’incertitude, souvent troplongue et complexe à mettre en oeuvre pour de nombreuses expériences de recherchecomme d’enseignement. De plus, le travail impulsé par le BIPM est encore en cours,et des difficultés subsistent, en particulier d’ordre conceptuel.

Il n’est pas possible de donner une méthode systématique à appliquer pour éva-luer les incertitudes, car trop de sources d’incertitude sont possibles, qui ne peuventêtre déterminées que par une bonne connaissance du dispositif expérimental et duprotocole utilisés. L’objectif de cette fiche ne peut donc être que de donner les outilsconceptuels et techniques qui permettent à l’expérimentateur de choisir avec bon senscomment estimer les incertitudes et quel signification leur donner, compte-tenu del’expérience menée et de son objectif.

Les informations fournies dans cette fiche reposent en grande partie sur le GUM[74] et ses suppléments [76, 77, 75, 78], qui fournit un guide de recommandationspratiques pour estimer les incertitudes. Nous en recommandons vivement la lecture,ainsi que celle du Vocabulaire International de Métrologie (VIM) [220]. Nous n’avonspas hésité à paraphraser ces documents lorsque c’était nécessaire. On trouvera éga-lement dans les références [12, 98, 212] et dans les documents de la DGESCO [162,

Page 14: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 9 — #9 �

I.1 Estimation des incertitudes 9

171] des informations et des conseils pour l’estimation des incertitudes, à un niveauplus adapté au cadre de l’enseignement.

Table des matières1 Notion d’incertitude sur une valeur mesurée . . . . . . . . . . . . . . . . 92 Estimer les incertitudes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153 Utilisation des incertitudes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25A Variance d’une combinaison linéaire, propagation des incertitudes-types

et combinaison de sources d’incertitudes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31B Logiciels pour la propagation des incertitudes . . . . . . . . . . . . . . . 33

1 Notion d’incertitude sur une valeur mesurée1.1 Vocabulaire de métrologie

1.1.1 Définitions

La grandeur à mesurer (ou mesurande) est la grandeur physique X que l’oncherche à mesurer lors du processus de mesure (ou mesurage), qui donne accès aurésultat de mesure. Certaines grandeurs appelées grandeurs d’influence ne sontpas le mesurande, mais ont néanmoins un impact sur le résultat de mesure (c’est parexemple le cas de la température d’une règle lors d’une mesure de longueur, puisquela règle peut se dilater).

L’incertitude de mesure est définie [74] comme « un paramètre, associé aurésultat d’un mesurage, qui caractérise la dispersion des valeurs qui pourraient rai-sonnablement être attribuées au mesurande ». Elle donne une information quantita-tive sur le degré de connaissance du mesurande que la mesure effectuée apporte àl’expérimentateur.

Il est commode de considérer le cas limite (mais irréalisable) d’un mesurageparfait : la valeur qu’on obtiendrait dans ce cas est appelée valeur vraie.L’écart entre le résultat d’une mesure réelle et la valeur vraie est appeléeerreur de mesure. Évidemment, cette erreur n’est pas non plus connue !Dans ce cadre, l’incertitude peut être considérée comme une estimation del’erreur de mesure (pas forcément fiable, par exemple si des erreurs systéma-tiques inconnues sont présentes), et l’intervalle [x−∆x, x+ ∆x] comme uneestimation du domaine où se situe la valeur vraie.

Un désavantage de ce point de vue traditionnel est qu’il repose sur des quan-tités idéalisées, intrinsèquement inaccessibles, et pas forcément bien définies.La « valeur vraie » est un concept problématique. En effet, le mesurandepeut présenter des fluctuations et les conditions dans lesquelles sont faitesla mesure devraient être entièrement spécifiées, ce qui ne pourrait être faitqu’avec une quantité infinie d’information et n’est donc pas possible en pra-tique. Le VIM [220] considère qu’il existe une incertitude définitionnelle

Page 15: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 10 — #10 �

10 Traitement des données expérimentales

sur le mesurande, due à la quantité finie d’information qui le définit, et quifait qu’il existe un ensemble de valeurs vraies (encore une fois impossibles àconnaître), et non pas une valeur vraie unique. Nous renvoyons le lecteur auxréférences [74, 220] pour des discussions détaillées, ainsi qu’à l’article [216]pour une discussion pédagogique.

1.1.2 Présentation d’un résultat

Le résultat d’un processus de mesure est généralement présenté sous la forme

X = (x±∆x) unité (1)

où x et ∆x sont des nombres. Lorsque la grandeur X est dimensionnée, ces nombressont accompagnés d’une unité de mesure u correspondant à la dimension de X.

Dans le paragraphe 1.4, nous allons donner une définition précise de ce quel’on appelle incertitude ∆x. Hors du cadre de la métrologie, et en particulierdans le cadre de l’enseignement expérimental, on peut souvent se permettrede donner un sens plus vague aux incertitudes : dans ce cas, ∆x décrit uneestimation imprécise du manque de connaissance que l’on a sur la grandeurmesurée. Cette approche plus informelle est tout à fait pertinente à conditionde prendre garde à ne pas surinterpréter les incertitudes correspondantes.

1.1.3 Chiffres significatifs

L’incertitude détermine le manque d’information sur une quantité mesurée. Il n’ya donc pas d’intérêt à annoncer le résultat de la mesure avec une précision supérieureà l’incertitude.

Un résultat de mesure comme X = 5,022 637 ± 1 n’est donc pas pertinent.En effet, au vu de l’incertitude sur la mesure, la valeur x de la grandeur Xest donnée avec une précision bien trop importante : dans ce cas, tous leschiffres après la virgule peuvent être oubliés sans perte d’information ! Onécrit donc X = 5± 1, qui est plus facile à lire.

Pour éviter d’écrire des chiffres qui n’apportent pas d’information, une règle simpleconsiste à écrire le résultat de manière à respecter les règles suivantes :– le dernier chiffre significatif de l’écriture de la valeur x doit se trouver à la mêmeposition que celui de l’incertitude ∆x, c’est-à-dire correspondre à la même puissancede dix ;

– l’incertitude ∆x ne s’écrit qu’avec un ou deux chiffres significatifs.Dans l’écriture d’un nombre, tous les chiffres sont appelés des chiffre signi-ficatif à part les zéros situés en tête de nombre (en excluant la puissancede dix). Par exemple, 12 compte deux chiffres significatifs, de même que1,2× 101. De même, 0,002 78× 105 compte trois chiffres significatifs alorsque 2,780 00× 102 en compte six.

Tronquer l’incertitude à un seul chiffre significatif fait perdre une informa-tion qui peut être significative dans certaines situations. Lorsqu’une analyse

Page 16: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 11 — #11 �

I.1 Estimation des incertitudes 11

précise des incertitudes a été effectuée, il est donc raisonnable de systéma-tiquement conserver deux chiffres significatifs. Au contraire, lorsque l’on selimite à une analyse des erreurs plus rapide, on peut se contenter d’un seulchiffre significatif.

Il est même envisageable d’effectuer une analyse assez fine des incertitudespour qu’il soit raisonnable d’annoncer une incertitude avec plus de deuxchiffres significatifs. Néanmoins, dans une telle situation, la connaissance quel’on a du mesurande dépasse généralement la simple donnée d’un intervalle.On donne alors plutôt les caractéristiques estimées de la distribution de pro-babilité décrivant l’état de connaissance que l’on a du mesurande.

1.2 Erreurs systématiques et aléatoiresLes imperfections d’un processus de mesure et l’éventuelle variabilité du mesurande

lui-même sont à l’origine d’erreurs de mesure, traditionnellement séparées en deuxcatégories : les erreurs systématiques et les erreurs aléatoires (ou de variabilitédes mesures).

L’erreur aléatoire provient de fluctuations temporelles ou spatiales aléatoires decertaines grandeurs d’influence. Son espérance mathématique est nulle. Lors d’unesérie d’observations répétées de la grandeur mesurée, effectuées dans les mêmes condi-tions de mesure, l’erreur aléatoire entraîne une variation des valeurs observées.

C’est par exemple le cas du bruit thermique de Johnson-Nyquist (dû à l’agi-tation thermique des porteurs de charge dans un conducteur électrique), quiprovoque une fluctuation aléatoire de la tension aux bornes d’une résistance.

L’erreur systématique, au contraire, est identique pour toutes les observationsrépétées dans les mêmes conditions. Par nature, il est difficile de déceler toutes leserreurs systématiques et d’estimer leur impact : seule la comparaison avec le résultatd’autres processus de mesure permet de les repérer.

Par exemple, une horloge mal réglée qui retarde toujours de cinq minutes estentachée d’une erreur systématique.

Un mauvais étalonnage de l’appareil de mesure, le mauvais réglage du zéro del’appareil, ou un défaut du protocole expérimental sont des sources fréquentesd’erreur systématique.

La figure 1 représente la différence entre erreur aléatoire et systématique. Elle n’esttoutefois pas représentative de la réalité expérimentale, où l’on ne connaît pas la valeurvraie ! L’incertitude sur un résultat de mesure devrait idéalement estimer toutes lessources d’erreur, qu’elles soient aléatoires ou systématiques. Lorsque l’origine d’uneerreur systématique est comprise, il est parfois possible de modifier le protocole ex-périmental pour l’éliminer. Si ce n’est pas le cas, il faut en estimer l’impact de façonà le compenser éventuellement : cette estimation étant elle-même approximative, elleintroduit une source supplémentaire d’incertitude par rapport à un protocole sanserreur systématique.

Page 17: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 12 — #12 �

12 Traitement des données expérimentales

××××××××××

protocole (a)×××

××××

×××

protocole (b)

××××××××××

protocole (c)×××× ××

×

×××

protocole (d)

Figure 1 – Erreur aléatoire et erreur systématique. Pour donner une idée de ladifférence entre erreur aléatoire et erreur systématique, il est commode de recourir àla notion de valeur vraie, représentée en rouge dans cette figure. Les résultats de larépétition de quatre processus de mesure (a-d) sont représentés par des croix bleues.Dans les cas (a) et (b), il n’y a pas d’erreur systématique, alors qu’il y en a une dansles cas (c) et (d). Dans les cas (a) et (c), la dispersion due à l’erreur aléatoire estfaible, alors qu’elle est importante dans les cas (b) et (d). Évidemment, lorsque l’onréalise une expérience, on n’a pas accès à la valeur vraie !

1.3 Interprétation des incertitudes

1.3.1 Analyse des erreurs et analyse des incertitudes

Traditionnellement, l’incertitude d’un résultat était estimée par une approche re-posant sur l’analyse des erreurs. Dans ce cadre, l’objectif d’un mesurage est de déter-miner une estimation de la valeur vraie xvrai du mesurande, aussi proche que possiblede cette valeur vraie unique. On considère que le résultat de mesure x = xvrai+ε est lasomme de la valeur vraie et d’une erreur ε. Dans cette approche, les composantes aléa-toire et systématique de l’erreur de mesure, qu’on suppose toujours pouvoir distinguer,doivent être traitées séparément et de manière différente. On essaie alors d’estimer unelimite supérieure e(x) ≥ |ε| de la valeur absolue de l’erreur totale qui permet d’assurerque la valeur vraie du mesurande se trouve dans l’intervalle [x− e(x), x+ e(x)]. De lasorte, on ne peut que surestimer l’erreur, en particulier parce qu’on ne peut pas éta-blir de règle indiquant comment combiner les composantes systématique et aléatoirepour obtenir l’erreur totale. Cette approche pose plusieurs difficultés, qui ont conduitles métrologistes ayant développé le GUM à élaborer un point de vue différent (voirl’introduction et l’annexe E du GUM, ainsi que le paragraphe 3.3.1).

Dans l’approche développée dans le GUM et ses suppléments, l’objectif des me-surages n’est pas de déterminer une valeur vraie le mieux possible : on considère quel’information obtenue lors du mesurage permet seulement d’attribuer au mesurandeun intervalle de valeurs raisonnables, en supposant que le mesurage a été effectué cor-rectement. Pour être plus précis, on considère que le mesurage permet de déterminerune distribution de probabilité p(x) qui décrit les valeurs qui peuvent raisonnablementêtre attribuées au mesurande après la mesure, et avec quelle probabilité. Cette distri-bution représente l’état de connaissance de l’expérimentateur après la mesure, ou sil’on préfère son manque de connaissance à propos du mesurande. L’incertitude-typeest définie comme l’écart-type de p(x) et reflète la largeur typique de la distributionp(x) (voir paragraphe 1.4).

Cette interprétation repose sur la statistique bayésienne, voir le paragraphe1.3.2.

Page 18: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 13 — #13 �

I.1 Estimation des incertitudes 13

L’approche du GUM traite sur le même plan la composante systématique etla composante aléatoire. Du point de vue technique, son avantage principalest la loi de propagation des incertitudes-types, qui permet de combiner demanière cohérente et universelle les différentes incertitudes, comme on lediscute aux paragraphes 2.4 et 2.5.

Du point de vue fondamental, un avantage important de l’approche du GUMest qu’elle est focalisée sur le résultats des expériences : en pratique, les com-posantes aléatoire et systématique de l’erreur ne peuvent pas forcément êtredistinguées expérimentalement, et la distinction est en fin de compte assezartificielle, puisqu’elle dépend des paramètres d’influence qui varient lors demesures répétées. De plus, cette approche s’adapte aux situations où le me-surande n’est pas défini avec suffisamment de précision pour qu’il soit raison-nable d’espérer qu’il ait une valeur unique (par exemple, l’« épaisseur d’uneplaque de métal » ne correspond à une valeur unique que tant que la mesuren’est pas assez précise pour que l’on distingue des variations spatiales).

Le point de vue du GUM n’est pourtant pas en contradiction complète avecles méthodes traditionnelles d’analyse des erreurs, et il est possible de re-formuler son contenu en termes de valeurs vraies et d’erreurs. On lira lecomplément E.5 du GUM [74] pour plus de détails.

1.3.2 Interprétations des probabilités

La distribution de probabilité p(x) associée à une mesure peut être interprétéede deux manières différentes, et qui ne s’appliquent pas forcément aux mêmes situa-tions.– Dans l’interprétation fréquentiste, le mesurande est supposé posséder une certainevariabilité, décrite par une distribution de probabilité de fréquence pf(x). Lorsquel’on effectue des observations répétées du mesurande, les résultats de mesure sonttirés aléatoirement selon cette distribution. Le point de vue fréquentiste est assezintuitif et permet de prendre en compte efficacement les erreurs aléatoires, maisne permet pas de traiter les erreurs systématiques, qui doivent alors être évaluéesséparément. Lors de la mesure de longueur avec une règle, par exemple, la ré-pétition de la mesure donne systématiquement le même résultat. Dans le cas oùerreurs aléatoire et systématique sont présentes, ce qui est malheureusement sou-vent le cas, l’estimation de l’incertitude totale est alors laissée à l’appréciation del’expérimentateur.

– Dans l’interprétation bayésienne, on considère que l’ensemble des mesures effec-tuées et des connaissances a priori de l’expérimentateur sur le système de mesurepermettent d’attribuer une distribution probabilité pc(x) au mesurande, qui dé-crivent l’état de connaissance incomplète que l’expérimentateur a du mesurande.Cette distribution n’a pas le même sens que pf(x) : à partir d’une mesure unique, ilest possible de caractériser pc mais pas pf. Cette interprétation est donc essentielledans l’évaluation de type B, que nous verrons au paragraphe 2.3.

À ces interprétations des probabilités sont associées des méthodes, qui ont chacunedes avantages et des inconvénients : la statistique bayésienne permet de traiter lessituations où une seule mesure est disponible, ce que ne permet pas la statistique

Page 19: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 14 — #14 �

14 Traitement des données expérimentales

classique (fréquentiste) ; au contraire, la statistique fréquentiste dispose de méthodessimples et intuitives pour traiter le cas d’un grand nombre de mesures, alors que lastatistique bayésienne obtient des résultats similaires, mais au prix d’une complexitétechnique nettement plus importante. Le GUM et ses compléments adoptent une po-sition intermédiaire entre ces deux points de vue. L’approche initialement utilisée parle GUM [74] est plutôt fréquentiste, surtout dans le cas où des mesures répétées sontdisponibles, mais son interprétation des incertitudes en termes d’état de connaissance,qui permet de traiter les composantes systématique et aléatoire sur le même plan, estessentiellement bayésienne. Les suppléments 1 et 2 au GUM [76, 77] adoptent unpoint de vue résolument bayésien, sans pour autant remettre en cause l’utilisation desméthodes fréquentistes dans le cas de mesures répétées.

L’opposition entre ces deux points de vue et le statut du GUM vis-à-visde cette opposition donnent encore lieu à débat dans la littérature spéciali-sée [149, 10, 223]. Malgré un socle solide, l’estimation des incertitudes n’estpas encore entièrement comprise et formalisée, et le BIPM prévoit déjà unenouvelle révision du GUM pour en résoudre divers problèmes [149].

Si ce débat est important en métrologie ou pour le test précis de modèlesfondamentaux, comme en physique des hautes énergies, il est souvent dé-connecté de la recherche expérimentale dans de nombreuses disciplines, et àplus forte raison des expériences d’enseignement. Il est bon d’avoir consciencede son existence ainsi que des subtilités associées à la notion d’incertitude,mais il faut rester raisonnable : l’estimation des incertitudes est souvent faiteen pratique avec un degré de précision insuffisant pour que ces distinctionssoient importantes. En particulier, une estimation pessimiste des incertitudes,proche de l’analyse traditionnelle des erreurs, peut parfois s’avérer suffisante,voir le paragraphe 3.

1.4 Incertitude-type, incertitude élargie et intervalles élargis

Comme nous l’avons affirmé dans le paragraphe 1.3, l’état de connaissance quel’expérimentateur a du ou des résultat(s) de mesure x d’un mesurandeX est décrit parune loi de probabilité p(x). L’écart-type de cette distribution est appelé l’incertitude-type u(x) du mesurage : il représente autant que faire se peut dans un nombreunique la dispersion plus ou moins grande des valeurs pouvant raisonnablement êtreattribuées au mesurande. C’est cette grandeur que l’on cherchera à estimer par lasuite. Selon les applications voulues, on peut souhaiter définir un intervalle I, appeléintervalle élargi, dont on puisse affirmer que la valeur du mesurande s’y trouve avecune certaine probabilité p, appelée probabilité de couverture. C’est en particulierle cas dans les applications industrielles et réglementaires, où pour des raisons desécurité on souhaite garantir que les propriétés du système étudié soient comprisesentre des valeurs limites. Dans ce but, on définit à partir de l’incertitude-type uneincertitude élargie U , obtenue en multipliant l’incertitude-type par un facteurd’élargissement k, dépendant de la probabilité de couverture et de la distributionp(x), comme

U = k u(x). (2)

Page 20: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 15 — #15 �

I.1 Estimation des incertitudes 15

L’intervalle élargi à p est alors donné par [x − U, x + U ] où x est le résultat d’unmesurage.

Lorsque l’on donne un intervalle élargi, il est essentiel de préciser le facteurd’élargissement utilisé, en particulier de manière à ce qu’il soit possible deretrouver l’incertitude-type. Généralement, on souhaite aussi préciser la pro-babilité de couverture choisie, sans quoi il n’y a pas vraiment d’intérêt àutiliser un intervalle élargi.

Nous suivons ici le GUM qui ne fait pas appel à la notion de valeur vraie.Le VIM [220] définit l’intervalle élargi comme un « intervalle contenant l’en-semble des valeurs vraies d’un mesurande avec une probabilité déterminée,[défini à partir de] l’information disponible ». Ces définitions ont essentielle-ment le même sens.

Déterminer l’intervalle élargi correspondant à une probabilité de couverturedonnée n’est pas évident dans le cas général. Nous renvoyons le lecteur aucomplément G du GUM [74] pour plus de détails. Pour donner un exemple,lorsque p(x) est une distribution gaussienne, k = 1 correspond à une proba-bilité de couverture p ' 0.67 ; k = 1.645 à p = 0.9 ; k = 1.960 à p = 0.95 ;k = 2, à p ' 0.9545 et k = 2.576 à p = 0.99, etc.

On peut aussi définir un intervalle élargi qui n’est pas symétrique autour dela valeur mesurée choisie : c’est en particulier utile lorsque la distribution deprobabilité est très asymétrique.

En statistique fréquentiste, on définit la notion d’intervalle de confiance (as-sociée à un certain niveau de confiance). Cette notion est à distinguer decelle d’intervalle élargi, qui est à rapprocher de la notion d’intervalle de cré-dibilité définie en statistique bayésienne. Nous renvoyons à la littérature destatistique pour plus de détails [25].

2 Estimer les incertitudes

2.1 Introduction

Dans une situation où toutes les grandeurs d’influence varient de manière aléatoiredans le temps et l’espace, une série d’observations répétées suffisamment nombreusesdevrait permettre de déterminer avec un très bon niveau de certitude la distributiondes valeurs pouvant raisonnablement être attribuées au mesurande, par l’analyse sta-tistique de la série d’observations. Il faudrait pour cela déterminer toutes les causesconcevables d’incertitude en utilisant différentes méthodes de mesure, différents typesd’instruments, et différentes approximations dans la modélisation théorique. Dans lapratique, une telle étude n’est pas réalisable et l’incertitude doit souvent être évaluéepar d’autres méthodes. On distingue ainsi

– l’évaluation de type A de l’incertitude, où l’incertitude-type est évaluée àpartir de l’analyse statistique d’une série d’observations répétées du mesurande, et

Page 21: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 16 — #16 �

16 Traitement des données expérimentales

– l’évaluation de type B de l’incertitude, où l’incertitude-type est évaluée partout autre moyen.

Les évaluations de type A (à partir d’une série d’observations) reposent surdes distributions de fréquence estimées après la mesure, à partir des sériesd’observations. Les évaluations de type B reposent sur des lois « a priori »,qui décrivent l’état de nos connaissances a priori, c’est-à-dire avant la mesure.De telles lois a priori peuvent provenir d’une notice ou d’une modélisationde l’instrument de mesure, par exemple. En dernière analyse, les évaluationsde type B proviennent généralement d’évaluations de type A préalables et« figées ».

Lorsque des erreurs systématiques sont présentes, l’évaluation de type A n’es-time pas l’incertitude car elle ne prend pas en compte l’impact des erreurs systéma-tiques.

Il ne faut pas confondre estimation de type A et B avec erreur aléatoireet systématique. Il s’agit de méthodes d’estimation de l’incertitude, dont lerésultat sera ou non adapté selon le type d’erreur présent.

Dans un souci d’efficacité, la figure 2 propose un récapitulatif de la méthode per-mettant d’estimer une incertitude de mesure.

2.2 Estimation par analyse statistique d’une série de mesures, ditede type A

Lorsque l’on dispose d’une série d’observations xi répétées et indépendantes d’unemême grandeur X, on peut utiliser des méthodes statistiques pour obtenir un résul-tat de mesure combinant toutes les observations et estimer l’incertitude-type sur cerésultat à partir de l’écart-type de la série de mesures.

Pour que l’incertitude obtenue ait un sens, il est nécessaire que toutes lesgrandeurs d’influence varient aléatoirement (ce dont il n’est pas possible des’assurer en pratique) : dans le cas contraire, il peut y avoir une erreur sys-tématique. De plus, pour que l’estimation de l’incertitude soit représentativede l’erreur, le nombre d’observations doit être suffisamment grand commenous le verrons dans la suite.

Dans ce cadre, le point de vue fréquentiste est le plus intuitif et le plus commodeà utiliser. Supposons que le mesurande X varie selon une loi de probabilité p(x). Les(xi) sont alors autant de tirages selon cette loi.

Il est possible de traiter ce cas dans une approche bayésienne, qui peut donnerdes résultats notablement différents, surtout pour de petits échantillons (voirpar exemple [149]). Nous suivons la version actuelle du GUM [74] et adoptonsun point de vue fréquentiste pour l’estimation de type A.

Dans le cadre de l’enseignement de la physique expérimentale, l’estimationdes incertitudes n’est généralement pas faite avec une précision qui nécessitede se préoccuper de ces subtilités.

Page 22: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 17 — #17 �

I.1 Estimation des incertitudes 17

estimerl’incertitude

sur une grandeurmesurée

directement

sur une grandeurcalculée à partird’autres mesures

à partir d’uneseule mesure

à partir d’unesérie de mesures

incertitudede type A

� § 2.2 p. 16

incertitudede type B

� § 2.3 p. 19

et

affichage digital� § 2.3.1 p. 20

graduations� § 2.3.2 p. 20

infos constructeur� § 2.3.3 p. 21

incertitude composée� § 2.5 p. 24

déterminer l’in-certitude totale

incertitude totale� § 2.4 p. 22

Figure 2 – Récapitulatif schématique.

Page 23: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 18 — #18 �

18 Traitement des données expérimentales

Nous définissons la moyenne expérimentale de la série de mesure selon

x̄ = 1N

N∑i=1

xi. (3)

Cette moyenne x̄ sert d’estimation de la valeur moyenne du mesurande.

L’écart-type expérimental de la série de mesure est défini par

s(x) =

√√√√ 1N − 1

N∑i=1

(xi − x̄)2. (4)

C’est une estimation l’écart-type de la loi de distribution de X, c’est-à-dire de lavariabilité du mesurande.

La moyenne x̄, associée à un nombre fini d’échantillons (xi), est à son tour unevariable aléatoire, qui possède une valeur moyenne, coïncidant avec celle de X, et unécart-type σ(x̄) qui quantifie la dispersion de x̄. On peut donc assimiler l’incertitude-type à σ(x̄), que l’on peut estimer à partir de l’écart-type expérimental comme

u(x̄) = s(x)√N. (5)

Ainsi, l’incertitude-type est réduite d’un facteur√N par rapport à la dispersion s(x)

des résultats mesurés.Il faut garder à l’esprit que nous faisons à nouveau une estimation de σ(x̄) àpartir d’un nombre fini d’échantillons : u(x̄) est aussi une variable aléatoire,dont la moyenne est égale à σ(x̄). Alors, u(x̄) fluctue également et l’estimationest entachée d’une incertitude. Pour qu’elle soit fiable, il faut que le nombred’échantillons utilisé soit grand. Par exemple, si p(x) est une gaussienne,l’écart-type relatif de u(x̄) est inférieur à 10% (respectivement 24%) si lenombre d’échantillon N est supérieur à 50 (respectivement 10). Pour plus dedétails, on se reportera au paragraphe E.4 du complément E du GUM [74].

En pratique, nous n’avons pas toujours la possibilité d’obtenir un nombred’échantillon aussi conséquent. Ça n’est pas pour autant qu’il faut éviterd’effectuer des évaluations de type A sur de petits échantillons ! L’informationobtenue a plus de valeur qu’une absence totale d’information sur la variabilitédu phénomène, et la formule (5) donne la meilleure estimation possible del’incertitude-type à partir des données à disposition. Il faut cependant garderà l’esprit qu’elle est entachée d’une imprécision qui peut être significative.

Nous pouvons à ce stade constater qu’une telle évaluation n’est pas adaptée si deserreurs systématiques sont présentes : l’incertitude de mesure ne peut pas être indéfi-niment réduite par la répétition de la mesure. Avec un nombre d’échantillons suffisant,plus ou moins grand selon les situations, l’incertitude estimée par l’évaluation de typeA devient inférieure à l’incertitude associée à une mesure unique sans variabilité,

Page 24: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 19 — #19 �

I.1 Estimation des incertitudes 19

par exemple liée à la résolution de l’instrument. Dans ce cas, les erreurs systéma-tiques deviennent prépondérantes, et il convient de les évaluer selon une méthode detype B (paragraphe 2.3), et de combiner les deux sources d’incertitude (paragraphe2.4).

La situation extrême correspond au cas d’un mesurande dont les fluctuationsne sont pas détectables par l’instrument de mesure. Considérons par exemplela mesure de la longueur d’une table avec une règle : la répétition de la mesuredonnera toujours le même résultat, ce qui conduit à une incertitude-type nullesi l’on effectue une évaluation de type A. Ce n’est pas raisonnable puisque laprécision de la mesure pourra difficilement aller au-delà de la résolution del’instrument.

2.3 Estimation de l’incertitude associée à une mesure unique, ditede type B

Considérons donc maintenant la situation d’une source d’incertitude que l’on nepeut pas traiter par une méthode statistique. C’est le cas si l’on ne peut pas répéterla mesure (par exemple si la mesure détruit l’échantillon caractérisé), si les fluctua-tions de la valeur mesurée ne sont pas observables par les instruments employés (parexemple parce qu’elles sont plus petites que sa résolution), ou encore si les observa-tions répétées ne sont pas indépendantes (par exemple lorsque l’on mesure plusieursfois de suite la longueur d’un objet avec une même règle).

Dans ce cas, l’incertitude doit être estimée à partir de toutes les informationsdisponibles au sujet de la variabilité possible de la grandeur d’entrée, et en particulierdes indications de précision fournies par les constructeurs des différents appareilsutilisés.

Une modélisation du protocole de mesure permet à l’expérimentateur de proposerune forme pour la distribution de probabilité pc : l’incertitude-type u(x) est alorsestimée par l’écart-type σ de cette distribution, défini par

σ2 =∫R

(x− x̄)2pc(x)dx (6)

où x̄ est la valeur moyenne de pc. Le résultat obtenu dépend alors de cette modé-lisation : en général, toutefois, des choix raisonnables de distribution de probabilitémènent à des incertitudes comparables (voir aussi le paragraphe 2.3.4). Rappelons àce stade que souvent, en enseignement, l’estimation des incertitudes n’est pas suffi-samment précise pour que la différence induite par le choix de telle ou telle loi soitsignificative et interprétable.

Dans la suite, nous listons un certain nombre de situations typiques, mais il revientà l’expérimentateur de rester critique et de choisir l’estimation qui lui semble la plusadaptée au cas par cas.

Page 25: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 20 — #20 �

20 Traitement des données expérimentales

2.3.1 Incertitude de lecture sur un affichage digital ou sur une grandeur numé-risée

Lorsque l’on utilise un dispositif comprenant un convertisseur analogique-numérique,et en particulier un dispositif avec un affichage digital, il y a une incertitude due àla quantification du signal en pas de taille ∆num. Connaissant la valeur x mesurée,nous pouvons seulement dire que la valeur cherchée est contenue dans un l’intervalle[x−∆num, x+∆num]. La distribution de probabilité décrivant cet état de connaissancepartielle pnum(x) est une loi uniforme sur cet intervalle. L’incertitude-type est alorsdonnée par l’écart-type de cette distribution

u(x) = ∆num√3. (7)

Lorsque l’on utilise un appareil numérique commercial, cette erreur de quan-tification, mais aussi l’incertitude due à un étalonnage imparfait, au vieillisse-ment de l’appareil, etc. sont normalement indiquées dans la notice construc-teur (voir le paragraphe 2.3.3).

2.3.2 Incertitude de mesure sur des graduations

Lors d’une mesure avec un appareil gradué (une règle ou un vernier par exemple)de graduation ∆grad, la mesure peut être plus ou moins précise selon les capacitésd’évaluation de l’expérimentateur. Le choix de la distribution de probabilité pc estalors plus discutable. Selon la confiance de l’expérimentateur en son outil et en samesure, il est possible de choisir, par exemple,– une distribution uniforme de largeur ∆grad (auquel cas l’incertitude-type est donnée

par u(x) = ∆grad/2√

3) si on considère que le repère est entre deux graduations, etqu’on ne dispose d’aucune autre information (c’est le choix le plus naturel) ;

– une distribution triangulaire de largeur ∆grad (auquel cas l’incertitude-type estdonnée par u(x) = ∆grad/2

√6) si on considère que le repère est soit très proche

d’une graduation, soit très proche de son centre : cela signifie qu’on souhaite donnerplus de poids aux valeurs proches de la valeur lue, et qu’on exclut celles distantesde plus d’une graduation ;

– ou d’autres distributions dépendant des conditions de lecture.Par exemple, on mesure la position d’un objet sur un banc optique graduétous les cinq millimètres. On choisit une loi uniforme de largeur ∆grad = 5 mmd’où une incertitude-type ugrad(x) = ∆grad/2

√3 mm = 1,4 mm.

Nous constatons ici l’aspect arbitraire et personnel du choix de la distributionpc dans l’approche bayésienne. Au niveau de précision qui nous intéressepour les expériences présentées ici, le choix de telle ou telle distribution, tantqu’il reste raisonnable, ne modifie pas significativement l’incertitude estimée.Lorsque l’on souhaite faire une analyse précise des incertitudes, il convientde préciser (et le cas échéant de justifier) la distribution choisie.

Page 26: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 21 — #21 �

I.1 Estimation des incertitudes 21

2.3.3 Incertitude sur une valeur constructeur

Tout le matériel produit industriellement est fourni par le constructeur avec unevaleur nominale et une tolérance de fabrication sur cette valeur. C’est en particulierle cas des composants électroniques. Cette tolérance correspond généralement à lalargeur de l’intervalle de confiance, pour une loi de probabilité et avec un niveaude confiance qui devraient être précisés. En l’absence de précision, la référence [74](§ 4.3.4) préconise de supposer qu’une loi normale a été utilisée.

En effectuant des tests de qualité, le constructeur peut indiquer un intervalleélargi avec une certaine probabilité de couverture. D’après les recommanda-tions ISO GUM, le facteur d’élargissement doit être précisé, ce qui permet deremonter à l’incertitude-type. Il est possible que la notice précise une loi deprobabilité (uniforme, gaussienne, etc.) et ses caractéristique. Lorsque seulel’incertitude-type est indiquée, le principe d’entropie maximale (voir para-graphe 2.3.4) préconise dans ce cas qu’on choisisse une loi gaussienne aveccet écart-type, ce qui est en accord avec les recommandations du GUM.

Lorsque le facteur d’élargissement n’est pas précisé, il n’est pas raisonnablede prétendre à une estimation rigoureuse de l’incertitude en le devinant !Néanmoins, les probabilités de couvertures les plus souvent utilisés dans cecas sont de 90%, 95% et 99% qui correspondent pour une loi normale à desfacteurs d’élargissement 1,64 ; 1,96 et 2,58. Idéalement, il est alors nécessaired’étudier l’appareil avec un étalon pour déterminer son incertitude. Dansle cadre de l’enseignement expérimental, on peut se contenter de faire unchoix arbitraire et potentiellement faux (par exemple choisir k = 2) et de secontenter d’une incertitude relativement peu fiable.

Ce cas s’applique également à la mesure par des appareils numériques : dans ce cas,les notices donnent généralement l’incertitude constructeur ∆cons sous la forme

p% +m digits (8)

où « digits » signifie en fait « least significant digits », qu’on peut traduire par « unitésde lecture ». Cela signifie qu’il faut prendre comme incertitude-type la somme de p %de la valeur affichée et de m fois la plus petite puissance de dix affichée pour obtenirl’incertitude élargie U , puis diviser par le facteur d’élargissement k annoncé par lanotice (si nécessaire) pour obtenir l’incertitude-type u(x) = U/k.

Par exemple, un voltmètre sur le calibre 5,0000V indique une résolution de0,0001V et une précision de 0,025 %+10 digits, définie avec un facteur d’élar-gissement k = 2.6, un an après l’étalonnage, entre 18 ◦C et 28 ◦C, avec une hu-midité relative de 90%. On suppose que l’on est dans ces conditions. La valeurd’« un digit » est évidente puisqu’elle correspond à la plus petite puissance dedix affichée sur l’appareil, mais en cas de doute, sa valeur est aussi donnée parla résolution. Ainsi, lorsqu’on lit une valeur V = 0,6425 V, l’incertitude élar-gie sur le résultat est U = (0.025/100×0.6425 + 10×0.0001)V ≈ 0,001 160 Vet l’incertitude-type est donc u(V ) = U/2.6 ≈ 0,0004 V.

La valeur ainsi obtenue comprend entre autres l’incertitude lié à l’étalonnage

Page 27: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 22 — #22 �

22 Traitement des données expérimentales

de l’appareil, à une estimation de la déviation due à son vieillissement, aubruit électronique et aux erreurs dues au convertisseur analogique-numérique.Évidemment, cette incertitude n’est valable que dans les conditions mention-nées dans la notice ! Dans l’exemple du voltmètre, elles ne sont pas valablessi l’appareil n’a pas été calibré depuis cinq ans. En pratique, c’est souvent lecas dans un laboratoire d’enseignement : l’incertitude est alors supérieure àla valeur donnée par la notice, mais il n’est pas possible de savoir dans quellemesure. Il est néanmoins raisonnable de se contenter de cette estimation del’incertitude à condition de ne pas vouloir lui attribuer trop de sens.

L’incertitude constructeur ∆cons dépend du calibre sur lequel l’appareil est réglé :plus le calibre est petit, plus la mesure est précise. Ainsi, il faut toujours choisir leplus petit calibre permettant de réaliser la mesure pour réduire autant que possibleles incertitudes de mesure.

2.3.4 Choix de la distribution de probabilité

Comme on l’a vu, l’incertitude de type B reflète une connaissance imparfaite dumesurande. À ce titre, le choix d’une distribution de probabilité (et des paramètres as-sociés) est du ressort de l’expérimentateur, qui doit faire appel à son jugement éclairéet à son bon sens. Le supplément 1 du GUM [76] recommande un principe permet-tant de réduire autant que possible l’arbitraire de ce choix, le principe d’entropiemaximum. Lorsque l’on ne connaît que certaines contraintes sur la distribution deprobabilité, le principe d’entropie maximum indique de choisir parmi les distributionssatisfaisant ces contraintes celle dont l’entropie (de Shannon) est la plus grande : celadonne un critère de choix qui assure qu’on n’ajoute pas par inadvertance trop d’in-formation dans le choix de la distribution. Par exemple, lorsque l’on sait uniquementque le mesurande se trouve entre deux valeurs a et b, le principe d’entropie maximaleindique qu’il faut choisir une distribution uniforme entre a et b. Lorsque seul l’écart-type de la distribution est connu, c’est une gaussienne qui est prescrite. Des cas plusélaborés sont détaillés dans le supplément 1 du GUM [76].

Cette prescription donne une méthode systématique qui permet un traite-ment reproductible lorsque l’on dispose d’informations incomplètes mais pré-cises sur le mesurande. Elle ne supprime pas l’arbitraire du choix de la distri-bution, et n’interdit pas que l’on introduise des informations plus qualitativesà la main.

2.4 Incertitude totaleDe façon générale, plusieurs sources d’incertitude sont à prendre en compte : il

convient alors de les combiner pour accéder à l’incertitude associée au mesurage.Dans le cas où ces sources d’incertitude sont indépendantes, il suffit de sommer leursincertitudes-types en quadrature, c’est-à-dire que l’incertitude-type totale est

u(x) =

√√√√ M∑i=1

[ui(x)]2. (9)

Page 28: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 23 — #23 �

I.1 Estimation des incertitudes 23

Cette équation est valable à condition que toutes les sources d’incertitude soient indé-pendantes, quelque soit le type (A ou B) d’évaluation des incertitudes individuelles.Elle est justifiée dans le complément A.

Par exemple, on cherche à déterminer la position x où une image optiqueest nette. La mesure est effectuée sur un banc optique gradué tous les cinqmillimètres et on choisit donc une loi uniforme de largeur ∆grad = 5 mmd’où une incertitude-type ugrad(x) = ∆grad/2

√3 mm ≈ 1,4 mm. De plus,

l’image semble assez nette sur toute une plage. On arrive seulement à re-pérer les bords de cette plage de netteté, de largeur ∆net = 10 mm, oùl’image devient floue : on décide donc de modéliser l’incertitude corres-pondante par une loi triangulaire de largeur ∆net, puisqu’il est quasimentcertain que l’image n’est pas nette aux bords de la zone de netteté, alorsqu’elle est clairement nette au centre (une densité gaussienne ou trapézoï-dale serait aussi raisonnable) : l’incertitude-type correspondante est doncunet(x) = ∆net/2

√6 mm ≈ 2,0 mm. L’incertitude-type totale est donc u(x) =√

u2grad(x) + u2

net(x) ≈ 2,4 mm.

Lorsque les sources d’incertitude ne sont pas indépendantes, il faut en tenircompte en ajoutant leurs covariances estimées à la somme sous la racine(voir le complément A). En pratique, le calcul devient vite laborieux et il estpertinent d’utiliser un outil logiciel pour déterminer l’incertitude totale (voirle complément B).

Souvent, l’une des sources d’incertitude est largement prépondérante : il peutalors être légitime de négliger les contributions des autres sources, surtoutau niveau de précision voulu dans les expériences d’enseignement.

Lorsque l’on effectue un grand nombre N de mesures répétées, on s’attend à ceque l’incertitude-type obtenue par une évaluation de type A, c’est-à-dire l’écart-typede la valeur moyenne, décroisse en 1/

√N avec le nombre N de mesures répétées, à

partir d’un nombre de mesures assez grand pour que l’écart-type expérimental de ladistribution soit correctement estimé (voir le paragraphe 2.2). Quand il est possible defaire un très grand nombre de mesures, l’incertitude-type obtenue par une évaluationde type A peut donc tendre vers zéro, ou du moins atteindre des valeurs arbitrairementpetites et qui n’ont pas de sens physique. En effet, toutes les grandeurs d’influencene varient pas forcément, et la seule évaluation de type A n’est plus pertinente :l’incertitude résiduelle doit être prise en compte par une évaluation de type B. Cetteincertitude supplémentaire est en fait toujours présente, mais il est raisonnable de lanégliger lorsqu’elle est petite devant l’incertitude obtenue par une évaluation de typeA. Comme on l’a vu en début de paragraphe, l’incertitude-type de type A et la (oules) incertitude-type de type B doivent être ajoutées en quadrature, selon

u2(x) = u2A(x) + u2

B(x). (10)

Page 29: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 24 — #24 �

24 Traitement des données expérimentales

2.5 Incertitudes composéesSouvent, nous nous intéressons à des grandeurs qui ne sont par directement obte-

nues par la mesure, mais qui sont calculées à partir de valeurs expérimentales. Nouscherchons à déterminer l’incertitude associée à cette grandeur. Considérons plus pré-cisément une grandeur y = f(xi), reliée à une collection (xi) de paramètres, mesurésexpérimentalement et associés à des incertitudes u(xi).

Lorsque les grandeurs d’entrée xi sont indépendantes, l’incertitude-type com-posée de y est obtenue par la formule de propagation des incertitudes-types

u(y) =

√√√√∑i

(∂f

∂xi

)2u2(xi). (11)

On constate que l’impact de l’incertitude de mesure associée à un paramètrexi sur l’incertitude composée est pondérée par la dérivée partielle ∂f/∂xi.Par conséquent, ce n’est pas parce que l’incertitude sur une grandeur d’entréeest sensiblement plus importante que les incertitudes sur les autres que l’onpeut ne considérer qu’elle. Cette approximation est légitime si l’on prend encompte la pondération par la dérivée partielle pour comparer les termes.

Dans un même ordre d’idée, si l’on contrôle mal l’un des paramètres d’entréexi, il peut être pertinent de choisir les valeurs des autres paramètres decontrôle de façon à ce que la dérivée partielle ∂f/∂xi soit minimale.

La formule de propagation des incertitudes-types (11) provient simplementd’une linéarisation de f autour des valeurs mesurées et de l’identité probabi-liste sur la variance d’une combinaison linéaire (voir le complément A ainsique le paragraphe E.3 du GUM), qui permet d’estimer l’écart-type u(y) dela distribution de probabilité associée à y à partir des écarts-types u(xi) aupremier ordre en les moments de la distribution des xi. Lorsque la linéarisa-tion n’est pas suffisante, les estimations des incertitudes-types obtenues parcette méthode sont incorrectes. Il est possible d’ajouter des termes d’ordreplus élevé dans le développement limité (voir le GUM, au paragraphe 5.1.2).On peut aussi utiliser des simulations Monte-Carlo pour obtenir numérique-ment la densité de probabilité associée à y et en déterminer numériquementl’écart-type. Une telle simulation a d’autres avantages : elle donne accès à ladistribution complète décrivant l’état de connaissance qu’on a sur y, ce quipermet en particulier de déterminer des intervalles élargis corrects, en parti-culier lorsque les densités de probabilité sont sensiblement différentes d’unegaussienne, par exemple avec une asymétrie importante. On se référera ausupplément 1 du GUM [76] pour plus de détails. Divers logiciels permettentde réaliser ces calculs, voir le complément B.

La formule (11) peut se généraliser au cas où des corrélations existent entre

Page 30: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 25 — #25 �

I.1 Estimation des incertitudes 25

les paramètres, et s’écrit alors

u2(y) =∑i,j

∂f

∂xi

∂f

∂xju(xi, xj) (12)

où u(xi, xj) = u(xj , xi) est la covariance estimée associée à xi et xj ; en parti-culier, u(xi, xi) = u2(xi). Le lecteur se reportera au paragraphe 5.2 du GUMpour plus de détails, ainsi qu’à l’article [98], qui donne aussi des exemples demesures avec des grandeurs corrélées. Mentionnons aussi l’article [168] quipropose un exemple expérimental d’estimation de type A des corrélationsentre grandeurs, et étudie les conséquences sur les incertitudes composées(il y manque néanmoins une évaluation de type B des incertitudes liées auxappareils de mesure). L’étude des corrélations entre grandeurs d’entrée estgénéralement négligée dans le cadre de l’enseignement expérimental, ce quipeut conduire à une sur-estimation ou à une sous-estimation importante desincertitudes-types composées. Il faut reconnaître qu’il est souvent difficiled’estimer les covariances, surtout dans une estimation de type B. Lorsque lescorrélations sont négligées sans raison valable, il ne faut pas espérer pouvoirdonner un sens trop précis aux incertitudes obtenues (voir paragraphe 3).

L’usage systématique de la formule (11) est dorénavant préconisé par les pro-grammes du secondaire. En pratique, il s’agit d’une manière raisonnable d’obtenirun bon ordre de grandeur de l’incertitude composée, mais elle n’a un sens précis quelorsque les u(xi) sont des incertitudes-types, évaluées avec soin.

3 Utilisation des incertitudes

3.1 Nécessité d’un traitement rigoureux des incertitudes

Il est évident qu’un résultat de mesure n’a pas de sens s’il n’est pas accompagnéde son incertitude. Néanmoins, il est instructif d’examiner les différentes raisons quirendent les incertitudes si indispensables.

Des résultats sont parfois présentés sans incertitudes dans la littérature :ils ne sont pas forcément dépourvus de valeur pour autant, car une partiede l’information sur l’incertitude est contenue dans le nombre de chiffressignificatifs.

Dans le cadre d’un contrôle de qualité, on cherche à mener une évaluation de laconformité c’est-à-dire à déterminer si un produit, un procédé, une personne, etc. estconforme à des standards et remplit certaines exigences. Quand les évaluations deconformité reposent sur la mesure de certaines grandeurs, on compare un intervalleélargi issu du mesurage et un intervalle de tolérance qui définit les valeurs admissiblesdu mesurande (on se référera au supplément 6 du GUM [78] pour plus de détails).Cet aspect est essentiel dans l’industrie et le commerce, ainsi que pour la santé etla sécurité. Par exemple, la quantité de principe actif dans un médicament ou larésistance à la charge d’un pont doivent être maîtrisés ; de manière moins pressante,

Page 31: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 26 — #26 �

26 Traitement des données expérimentales

il en est de même pour la composition du métal précieux composant un bijou ou dela masse d’un sac de farine. Dans ce cadre, une estimation précise des incertitudes estprimordiale : une incertitude sous-évaluée peut avoir des conséquences dramatiques(expliquant la surévaluation des incertitudes par l’analyse traditionnelle des erreurs,voir les paragraphes 1.3.1 et 3.3.1) mais une surévaluation trop importante peut avoirdes conséquences économiques néfastes, puisque « trop » de produits sont alors rejetés.Ainsi, une évaluation précise des incertitudes est primordiale pour qu’un compromisentre la tolérance acceptable et le coût de revient puisse être établi.

La recherche en physique – qu’il s’agisse de recherche fondamentale ou de re-cherche et développement – fait dialoguer les observations expérimentales avec lamodélisation théorique, et chacune des deux composantes guide l’avancée de l’autre.Les incertitudes sont alors essentielles par deux aspects. D’une part, elles permettentla comparaison entre les résultats expérimentaux obtenus sur des systèmes similairespar des personnes différentes, dans des laboratoires différents, etc. : cette possibilité(celle de la vérifiabilité intersubjective des résultats expérimentaux) est une des clés devoute de la méthode scientifique. D’autre part, elles permettent la comparaison entreles prédictions d’un modèle théorique et les résultats expérimentaux, et en particulierde rejeter (ou falsifier) les modèles théoriques qui ne soutiennent pas cette compa-raison. En pratique, on est amenés à mesurer des quantités (par exemple la viscositéd’une huile ou l’exposant critique d’une transition de phase), pour une utilisationultérieure, pour les comparer avec les prévisions d’un modèle, ou encore pour les com-parer avec une valeur tabulée reconnue comme valable, ou avec les résultats d’un autreprocessus de mesure. Lorsque la mesure est effectuée en vue d’une utilisation ulté-rieure, il est essentiel que les incertitudes soient évaluées le plus précisément possible,puisque le résultat de mesure, avec son incertitude, pourra être utilisé de différentesmanières par la suite. La comparaison d’un résultat de mesure avec la prévision d’unmodèle nécessite aussi une estimation précise des incertitudes : lorsque l’on surévalueles incertitudes, on risque de ne pas rejeter un modèle théorique incompatible avec lerésultat de l’expérience, alors que lorsqu’on les sous-évalue, on risque de rejeter à tortle modèle. La comparaison avec une valeur connue de manière fiable par ailleurs est uncas particulier de confrontation avec la modélisation théorique, qui permet de décelerdes effets inconnus dans l’expérience et de tester le protocole employé : des résultatsde mesure incompatibles avec la valeur de référence sont le signe que des phénomènesqui ne sont pas pris en compte par le modèle ont une influence sur l’expérience ouque la grandeur mesurée n’est pas celle qu’on pensait.

Dans tous les cas, une évaluation juste et précise de l’incertitude est indispensable.Néanmoins, il faut reconnaître que l’estimation précise et rigoureuse des incertitudes aun coût (en temps et en matériel), qui peut être particulièrement notable en recherche,où les procédures sont souvent, par nature, nouvelles. Le temps passé à évaluer lesincertitudes doit donc être en adéquation avec la visée de l’expérience et une incerti-tude estimée de façon relativement grossière est parfois suffisante, à condition de nepas lui accorder plus de sens qu’il n’est possible.

Page 32: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 27 — #27 �

I.1 Estimation des incertitudes 27

3.2 Compatibilité entre des résultats expérimentauxTrès souvent en physique, on souhaite comparer le résultat xmes d’une mesure

d’un mesurande X à une valeur de référence xref du même mesurande, provenantd’une table, d’un modèle théorique ou d’un autre protocole de mesure. De manièregénérale, deux résultats de mesure x et x′ sont dits compatibles lorsque « la valeurabsolue de la différence des valeurs mesurées pour toute paire de résultats de mesureest plus petite qu’un certain multiple choisi de l’incertitude-type de cette différence »,selon le VIM [220], c’est-à-dire qu’il faut que |x − x′| ≤ k u(x − x′), où k est unfacteur d’élargissement. D’après le VIM, quand on s’intéresse à un mesurande quel’on pense être constant, « [si] un résultat de mesure n’est pas compatible avec lesautres, soit le mesurage n’est pas correct (par exemple l’incertitude de mesure évaluéeest trop petite), soit la grandeur mesurée a changé d’un mesurage à l’autre ». Lacompatibilité de mesure ainsi définie s’étend à plus de deux résultats de mesureen les comparants deux à deux.

On constate que la notion de compatibilité de mesure est assez arbitraire, àtravers le choix du facteur d’élargissement.

Lorsque l’on ne dispose que de l’incertitude-type u(x), il n’est pas évidentde déterminer l’incertitude élargie, qui dépend de la forme de la distributioncorrespondante. Cela peut arriver en particulier pour une valeur de référenceobtenue dans la littérature. Faute de mieux, on peut appliquer le principed’entropie maximale (voir paragraphe 2.3.4) et considérer que la distributionest une gaussienne d’écart-type u(x).

Si l’on dispose des densités de probabilité décrivant les résultats de mesure,on peut envisager une comparaison plus précise à partir de leur recouvrement.

On peut se désoler de l’arbitraire dans la définition de la compatibilité de mesure, maisen sciences expérimentales, il n’est jamais possible de s’en affranchir complètement.Déterminer si deux résultats de mesure sont compatibles est un choix scientifique, quiest ultimement réalisé par l’expérimentateur, en fonction du contexte de l’expérienceet des buts qui sont visés. Le seul conseil d’ordre général que l’on peut donner estd’agir avec bon sens et honnêteté intellectuelle, et de communiquer toutes les raisonsqui ont conduit à la conclusion.

Quand les valeurs comparées ne sont pas compatibles, on devrait idéalement ana-lyser en détails le protocole expérimental de manière à repérer l’origine de l’incompa-tibilité (mauvaise définition du mesurande, erreur systématique inconnue, évaluationincorrecte des incertitudes, etc.). Une telle incompatibilité peut être utile et mener àdes découvertes intéressantes : elle ne doit donc pas être négligée (un des cas les pluscélèbres est l’anomalie de l’avance du périhélie de Mercure, expliquée par la relativitégénérale). Elle peut aussi être due à un défaut du protocole, qu’il convient alors decorriger. Enfin, il peut s’agir d’une valeur aberrante, qui n’a pas du tout l’ordre degrandeur attendu, et que l’on n’arrive généralement pas à reproduire. Dans tous lesautres cas, il est important de ne pas disqualifier un résultat de mesure incompatible,car il s’agit d’un résultat significatif et utile, qui ne doit pas être interprété commeun échec de l’expérience.

Page 33: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 28 — #28 �

28 Traitement des données expérimentales

3.3 Les incertitudes dans l’enseignement expérimentalLes situations rencontrées dans l’enseignement de la physique expérimentale peuvent

différer notablement de celles proposées plus haut. L’estimation des incertitudes peutêtre un objectif en soi : il va alors sans dire qu’il est indispensable de l’effectuer avecle plus grand soin.

Toutefois, on cherche souvent dans les expériences d’enseignement à illustrer ou àvérifier une loi connue, ou à comparer le résultat de la mesure d’une quantité à unevaleur de référence. La problématique n’est alors pas la même qu’en recherche : les loisque l’on tente de vérifier sont généralement bien établies, et il n’est pas question deles remettre en cause. En revanche, on peut être confrontés à diverses difficultés liéesà un protocole inadapté ou à des effets physiques parasites mais réels. Dans ce cas,un compromis doit être trouvé entre les objectifs pédagogiques et scientifiques ainsique le temps et les moyens à disposition d’une part, et la rigueur de l’évaluation desincertitudes d’autre part. Il convient alors de faire preuve d’honnêteté intellectuelleet de bon sens pour obtenir une incertitude raisonnable, à laquelle on puisse attribuerun sens et qu’il ne faut pas surinterpréter.

3.3.1 L’analyse des erreurs et ses difficultés

Comme on l’a vu au paragraphe 1.3, la méthode traditionnelle par analyse des er-reurs a pour but de donner un encadrement e(x) de l’erreur effectuée lors du processusde mesure. La valeur vraie xvrai du mesurande (qu’on suppose exister et être unique)est alors supposée se trouver dans un intervalle de largeur 2e(x) centré autour durésultat de mesure x. Pendant longtemps, l’enseignement expérimental s’est contentéde cette approche pour estimer les incertitudes.

Cependant, comme nous l’avons mentionné à plusieurs reprises, une telle approchepose de nombreux problèmes. Sur le plan conceptuel d’une part, la notion de valeurvraie est problématique, comme on l’a discuté au paragraphe 1.1. En outre, l’erreurε = εa + εs est traditionnellement décomposée en une composante aléatoire εa et unecomposante systématique εs, que l’on suppose pouvoir distinguer et qui doivent êtretraitées séparément. Une telle distinction est artificielle. Dans le cas d’une mesureunique, il n’y a aucun moyen de distinguer expérimentalement les deux composanteset dans le cas de mesures répétées, s’il était possible de faire varier toutes les grandeursd’influence (ce qui n’est évidemment pas envisageable en pratique), il n’y aurait pasd’erreur systématique : la distinction entre erreur aléatoire et erreur systématiquedépend donc notablement du protocole expérimental, des conditions de réalisationsde l’expérience, etc. C’est la raison pour laquelle le GUM préconise de distinguer lesméthodes d’évaluation des incertitudes plutôt que la nature des erreurs.

D’autre part, puisque l’on souhaite affirmer avec certitude que le mesurande estcompris dans l’intervalle [x − e(x), x + e(x)], on cherche à estimer un majorant del’erreur ε : on aboutit donc à une surévaluation de l’incertitude, qui ne peut êtresouhaitable. Plus précisément, si plusieurs sources d’erreur ei(x) sont présentes, laseule manière de les combiner dans l’approche traditionnelle est de les sommer entreelles

e(x) =∑i

|ei(x)| . (13)

Page 34: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 29 — #29 �

I.1 Estimation des incertitudes 29

De la même façon, pour estimer l’erreur sur une grandeur composée, la méthodetraditionnelle applique la loi de propagation des erreurs

e(y) =∑i

∣∣∣∣ ∂f∂xi∣∣∣∣ e(xi). (14)

La loi de propagation des erreurs (14) correspond à la loi de propagationdes incertitudes-types (12) dans le cas où tous les coefficients de corrélationr(xi, xj) = u(xi, xj)/[u(xi)u(xj)] sont maximaux, égaux à +1 . Il s’agitde la situation la plus défavorable, c’est-à-dire qui donne l’incertitude-typecomposée la plus grande.

La loi de propagation des erreurs peut ainsi être considérée comme un trai-tement particulièrement pessimiste dû à un manque d’information sur lescorrélations entre les quantités. Le GUM remarque cette analogie formelleentre les lois, mais met en garde contre une confusion entre erreurs et incer-titudes.

Ces difficultés ont conduit les métrologistes ayant développé le GUM à élaborerun point de vue différent. Les textes du BIPM recommandent donc d’éviter le terme« incertitude » pour désigner e(x). Toutefois, une fois élaboré le cadre probabiliste,il est possible de réinterpréter l’analyse traditionnelle : dans ce cas, une erreur e(x)correspond à une distribution de probabilité uniforme de largeur 2e(x), associée à uneincertitude-type u(x) = e(x)/

√3.

Dans l’approche probabiliste, chercher à majorer l’erreur ε peut sembler aber-rant quand la distribution de probabilité associée au mesurande n’est pas àsupport borné, comme c’est le cas pour les lois gaussiennes. Cependant, detelles lois ne sont généralement pas raisonnables en pratique : par exemple,lorsque l’on mesure la longueur d’une table, il est certain qu’elle ne mesurepas plus d’un kilomètre, ni moins d’un micron. Assigner une probabilité nonnulle à ces évènements, aussi petite soit elle, n’a pas vraiment de sens. Il se-rait acceptable de « tronquer » la distribution de probabilité en considérantque l’on a des connaissances a priori sur le mesurande. Les distributions àsupport infini apparaissent alors simplement comme des artifices de calculcommodes.

3.3.2 Recommandations pratiques

Les recommandations du GUM sont très largement acceptées en métrologie, dansla recherche, et dans l’industrie. Elles permettent un traitement universel, systéma-tique et cohérent des incertitudes, et lorsque l’estimation des incertitudes est effectuéeavec le soin nécessaire, il est possible de leur donner un sens précis. Néanmoins, il fautgarder à l’esprit que les incertitudes sont seulement estimées, et par conséquent, su-jettes elles aussi à une certaine incertitude. De plus, les recommandations du GUMont été conçues pour des applications métrologiques, industrielles et règlementaires, etle niveau de rigueur que ces applications nécessite n’est pas toujours nécessaire. C’estfréquemment le cas dans le cadre de l’enseignement de la physique expérimentale,où la contrainte supplémentaire des autres objectifs pédagogiques est à prendre en

Page 35: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 30 — #30 �

30 Traitement des données expérimentales

compte en plus des problèmes de temps et de matériel, mais aussi dans certaines cir-constances en recherche fondamentale, où d’autres contraintes sont présentes. On estdonc amenés à se demander dans quelle situation une mauvaise estimation des incer-titudes est rédhibitoire. Sous-estimer les incertitudes est toujours inacceptable, parceque cela laisse croire que l’expérience fournit plus d’information qu’en réalité.

L’inconvénient principal d’une surévaluation des incertitudes est le risque de nepas repérer une déviation imprévue. En effet, si l’on excepte les données aberrantes(outliers), obtenir une valeur qui n’est pas compatible avec les valeurs de référence estun résultat intéressant, car c’est le signe d’un phénomène incompris. Lors de la miseau point d’un dispositif de mesure, on repère ainsi des problèmes dans le protocoleexpérimental, qui peuvent ensuite être corrigés. Dans le cadre de la recherche fonda-mentale, mais aussi en travaux pratiques, un tel phénomène incompris peut être uneffet imprévu mais connu, éventuellement intéressant, voire même un phénomène réel-lement nouveau. De plus, la surestimation des incertitudes peut empêcher de conclurede manière satisfaisante. Lorsqu’un résultat de mesure est affecté d’une trop grandeincertitude, il n’y a pas vraiment de sens à chercher à déterminer dans quelle mesureil est compatible avec une valeur de référence, car un tel résultat ne porte pas assezd’information. On peut tout au plus constater que l’ordre de grandeur est acceptable(ou non) et qu’améliorer la précision du mesurage est nécessaire.

Toutefois, surestimer les incertitudes est moins problématique. En effet, tant quecela n’empêche pas de conclure, il n’est pas forcément grave de passer à côté d’unphénomène parasite ou d’un effet physique subtil à cause d’une surévaluation desincertitudes : on ne l’observerait pas non plus avec un appareil de mesure moins précis.Ces déviations ne sont pas inintéressantes pour autant, et devront être étudiées unjour ou l’autre, mais il n’est pas réaliste d’espérer qu’une seule expérience définitivesuffise à l’étude d’un système.

Considérons un pendule constitué d’un poids de masse m attaché à un filde masse négligeable, oscillant dans un plan orthogonal à l’axe de rotation(Oz). Notons ` la distance entre le point d’attache du fil O et le centred’inertie du solide G, et J0 le moment d’inertie du solide par rapport àl’axe (Gz). Par le théorème de Huygens, le moment d’inertie du pendule parrapport à l’axe de rotation (Oz) s’écrit J = J0 +m`2. Les petites oscillationsdu pendule sont harmoniques, et le modèle du pendule pesant prédit unepulsation d’oscillation ω0,th,pesant =

√(mg`/J). Dans le modèle du pendule

simple, le poids est assimilé à un point matériel de massem situé en son centred’inertie G, ce qui revient à considérer que l’objet n’a pas d’inertie propre,c’est-à-dire que J0 = 0, et le modèle prédit une pulsation ω0,th,simple =

√g/` :

cette approximation est valable dans la mesure où m`2 est grand devant J0(pour plus de détails, voir les références [96, 188]).

Dans un cas où on a modélisé le dispositif par un pendule simple, une mesuresuffisamment précise conduit à un désaccord entre la mesure directe de la pul-sation d’oscillation ω0,exp et la valeur prévue par le modèle ω0,th,simple, qui doitdonc être remis en cause. Une surestimation des incertitudes empêche unetelle observation (essentiellement lorsque l’incertitude u(ω0,exp − ω0,th,simple)

Page 36: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 31 — #31 �

I.1 Estimation des incertitudes 31

est supérieure à ou de l’ordre de |ω0,th,simple − ω0,th,pesant|) ! On passe alors àcôté d’un phénomène physique intéressant, que l’on aurait pu détecter. Maisce n’est pas forcément un problème : le modèle du pendule simple peut êtresuffisant, selon l’étude que l’on se propose de réaliser. Des incertitudes bienestimées, mais importantes à cause de l’emploi d’appareils de mesure moinsprécis, conduisent au même résultat.

De ce point de vue, l’analyse traditionnelle des erreurs se trompe dans le sens leplus acceptable, c’est-à-dire celui de la surévaluation des incertitudes. Même si cettesurévaluation peut poser problème dans certaines situations, il peut être difficile defaire autrement. Il revient alors à l’expérimentateur d’estimer les incertitudes de lamanière qui lui semblera la plus raisonnable : il faut alors mentionner clairement lamanière dont les incertitudes ont été estimées, de façon à lever toute ambiguïté sur lesens que l’on peut leur attribuer.

Il est du ressort de l’enseignement expérimental de sensibiliser les étudiants à lanécessité et au sens des incertitudes, ainsi qu’à la manière de les estimer : la méthodo-logie du GUM a ainsi été adoptée par les programmes de l’enseignement secondaire.Néanmoins, les incertitudes sont souvent le lieu d’incompréhensions, de « recettes »parfois mal comprises et mal appliquées, et de formules dont le sens est incertain.Au lieu d’être un outil pour arriver à des conclusions scientifiques, l’estimation desincertitudes devient une contrainte, l’objet de rituels plus ou moins occultes, et unesource d’inquiétude. Les incertitudes sont artificiellement surestimées pour que « lavaleur tabulée passe dans les barres d’erreur », et en fin de compte perdent tout leursens. Lorsque cela est possible, il est bien entendu préférable d’effectuer une estima-tion rigoureuse des incertitudes. Il faut alors réaliser soigneusement tous les aspects del’évaluation (choix des distributions, estimation des corrélations, etc.). Dans de nom-breuses circonstances toutefois, il vaut mieux, dans un premier temps, disposer d’uneincertitude évaluée grossièrement et dont le sens est clair plutôt que d’une incertitudecensée être précise, mais déterminée par des méthodes élaborées mal comprises et malutilisées, représentant une estimation au mieux incertaine.

Complément A – Variance d’une combinaison linéaire, pro-pagation des incertitudes-types et com-binaison de sources d’incertitudes

A.1 Variance d’une combinaison linéaireSi X et Y sont deux variables aléatoires et que a et b sont des scalaires, la variance

de la combinaison linéaire s’exprime en fonction des variances V[X] et V[Y ] des deuxvariables aléatoires ainsi que de leur covariance Cov[X,Y ] comme

V[aX + bY ] = a2 V[X] + 2 a bCov[X,Y ] + b2 V[Y ]. (A.1)

Cette équation est le fondement de la propagation quadratique des incertitudes-typesdu GUM. Nous renvoyons le lecteur à un ouvrage de théorie des probabilités (par

Page 37: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 32 — #32 �

32 Traitement des données expérimentales

exemple [6, 24]) pour des définitions de la variance, la covariance, etc. ainsi que pourune démonstration de cette identité.

A.2 Propagation des incertitudes-types composéesConsidérons une grandeur Y exprimée sous la forme

Y = f(X1, . . . ,XN ) (A.2)

où les Xi sont décrits par une loi de probabilité qui représente l’état de connais-sance sur les grandeurs correspondantes. Par un développement en série entière au-tour de E(Xi), on obtient au premier ordre en les petites variations autour de lamoyenne

Y − E[Y ] =N∑i=1

∂f

∂xi(Xi − E[Xi]). (A.3)

L’identité (A.1) donne alors

V[Y ] =∑i,j

∂f

∂xi

∂f

∂xjCov[Xi, Xj ]. (A.4)

qui est la loi de propagation quadratique des incertitudes-types (12) dans le cas gé-néral, avec u2(xi, xj) = Cov[Xi, Xj ] par définition.

A.3 Contribution de plusieurs sources d’incertitudeLorsque plusieurs sources d’incertitude/d’erreur contribuent à l’incertitude sur une

grandeur, par exemple lorsqu’on souhaite prendre en compte à la fois l’incertitude detype A liée à des mesures répétées, l’incertitude de type B due à une conversionanalogique-numérique et l’incertitude de type B sur l’étalonnage du dispositif, il fautajouter les incertitudes-types correspondantes en quadrature lorsque ces sources d’er-reur sont indépendantes. Il est commode de justifier cette règle en faisant appel auxnotions d’erreur et de valeur vraie : considérons que le mesurande est sujet à plusieurssources d’erreur décrites par des variables aléatoires ε1, . . . , εN , et s’écrive ainsi

X = xvrai + ε1 + · · ·+ εN . (A.5)

Si on souhaite prendre en compte l’incertitude définitionnelle, on peut considérer quexvrai est aussi une variable aléatoire. L’identité (A.1) donne alors

V (X) = V (ε1) + · · ·+ V (εN ) +∑i6=j

Cov(εi, εj). (A.6)

Lorsque les sources d’erreur sont indépendantes, les termes croisés de covariance s’an-nulent, ce qui signifie que l’incertitude-type u(x) =

√V (X) sur x est obtenue en

sommant en quadrature les contributions de chaque source, soit

u(x) =√u(x; ε1)2 + · · ·+ u(x; εN ) (A.7)

où u(x; εi) =√V (εi) est l’incertitude-type associée à la source d’erreur εi.

Page 38: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 33 — #33 �

I.1 Estimation des incertitudes 33

Complément B – Logiciels pour la propagation des incer-titudes

Il existe divers logiciels qui permettent d’effectuer des calculs de propagation desincertitudes (en particulier en prenant en compte les corrélations), par la méthode duGUM ou par simulations Monte-Carlo. Parmi eux, mentionnons– le logiciel libre gum_mc disponible à l’url http://jeanmarie.biansan.free.fr/

gum_mc.html, qui « calcule pour la grandeur de sortie Y l’estimation, l’incertitude-type, les intervalles de confiance, à la fois par calcul de propagation classique desincertitudes, et par simulation Monte-Carlo » ;

– le package python uncertainties disponible à l’url http://pythonhosted.org/uncertainties/ qui applique la formule 12 ;

– le package python soerp disponible à l’url https://pypi.python.org/pypi/soerpqui utilise une loi de propagation des erreurs incluant les moments d’ordre supérieurdes distributions ;

– le package python mcerp disponible à l’url http://pythonhosted.org/mcerp/ quiutilise des méthodes Monte-Carlo.

Références[6] Walter Appel. Probabilités pour les Non-Probabilistes. 2e éd. H&K, août 2015.

isbn : 9782351413265.[10] Filippo Attivissimo, Nicola Giaquinto et Mario Savino. « A Bayesian pa-

radox and its impact on the GUM approach to uncertainty ». In : Measurement45.9 (nov. 2012), p. 2194–2202. doi : 10.1016/j.measurement.2012.01.022.

[12] François-Xavier Bally et Jean-Marc Berroir. Incertitudes expérimentales.BUP 928, nov. 2010. url : http://www.udppc.asso.fr/bupdoc/consultation/une_fiche.php?ID_fiche=20802.

[24] Patrick Bogaert. Probabilités pour scientifiques et ingénieurs : Cours et exer-cices corrigés. De Boeck, nov. 2005. isbn : 9782804147945.

[25] William M. Bolstad. Introduction to Bayesian Statistics. 2e éd. Wiley, août2007. isbn : 9780470141151.

[74] Évaluation des données de mesure – Guide pour l’expression de l’incertitude demesure (GUM ; JCGM 100 :2008). Joint Committee for Guides in Metrology,2008. url : http://www.bipm.org/utils/common/documents/jcgm/JCGM_100_2008_F.pdf.

[75] Evaluation of measurement data – An introduction to the "Guide to the ex-pression of uncertainty in measurement" and related documents (GUM-S4 ;JCGM 104 :2009). Joint Committee for Guides in Metrology, 2009. url : http://www.bipm.org/utils/common/documents/jcgm/JCGM_104_2009_E.pdf.

Page 39: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 34 — #34 �

34 Traitement des données expérimentales

[76] Evaluation of measurement data – Supplement 1 to the "Guide to the expressionof uncertainty in measurement" – Propagation of distributions using a MonteCarlo method (GUM-S1 ; JCGM 101 :2008). Joint Committee for Guides inMetrology, 2008. url : http://www.bipm.org/utils/common/documents/jcgm/JCGM_101_2008_E.pdf.

[77] Evaluation of measurement data – Supplement 2 to the "Guide to the expressionof uncertainty in measurement" – Extension to any number of output quantities(GUM-S2 ; JCGM 102 :2011). Joint Committee for Guides in Metrology, 2011.url : http://www.bipm.org/utils/common/documents/jcgm/JCGM_102_2011_E.pdf.

[78] Evaluation of measurement data – The role of measurement uncertainty inconformity assessment (GUM-S6 ; JCGM 106 :2012). Joint Committee forGuides in Metrology, 2012. url : http://www.bipm.org/utils/common/documents/jcgm/JCGM_106_2012_E.pdf.

[96] Alain Gibaud, Gilles Ripault et Thomas Gibaud. « Étude de la périoded’un pendule pesant : de la mécanique du point à la mécanique du solide ».In : Bulletin de l’Union des Physiciens 107.952 (mar. 2013), p. 319–326. url :http://www.udppc.asso.fr/bupdoc/consultation/une_fiche.php?ID_fiche=21406.

[98] Hubert Gié et René Moreau. « Le calcul des incertitudes ». In : Bulletinde l’Union des Physiciens 81.691 (1) (février 1987), p. 159–208. url : http://www.udppc.asso.fr/bupdoc/consultation/une_fiche.php?ID_fiche=8496.

[149] I Lira. « The GUM revision : the Bayesian view toward the expression ofmeasurement uncertainty ». In : European Journal of Physics 37.2 (fév. 2016),p. 025803. doi : 10.1088/0143-0807/37/2/025803.

[162] Mesure et incertitudes. Ministère de l’éducation nationale (DGESCO-IGEN),juin 2012. url : http://eduscol.education.fr/cid60323/ressources-pour-le-lycee.html.

[168] Cédric Mulet-Marquis. « Importance des corrélations dans le calcul des in-certitudes ». In : Bulletin de l’Union des Physiciens 109.975 (juin 2015), p. 857–868. url : http://www.udppc.asso.fr/bupdoc/consultation/une_fiche.php?ID_fiche=22033.

[171] Nombres, mesures et incertitudes. Ministère de l’éducation nationale (DGESCO-IGEN), août 2012. url : http : / / eduscol . education . fr / cid60323 /ressources-pour-le-lycee.html.

[188] Jacques Royer. « Pendule quasi-simple pour acquisition informatisée ». In :Bulletin de l’Union des Physiciens 95.830 (1) (jan. 2001), p. 23–32. url :http://www.udppc.asso.fr/bupdoc/consultation/une_fiche.php?ID_fiche=11317.

[212] Vincent Tejedor et Hakim Lakmini. « Des incertitudes sur la notion d’incer-titude ». In : Bulletin de l’Union des Physiciens 108.968 (nov. 2014), p. 1387–1439. url : http://www.udppc.asso.fr/bupdoc/consultation/une_fiche.php?ID_fiche=21869.

Page 40: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 35 — #35 �

I.1 Estimation des incertitudes 35

[216] Jacques Treiner. « Variabilité, incertitude, erreur ». In : Bulletin de l’Uniondes Physiciens 105.930 (jan. 2011), p. 9–14. url : http://www.udppc.asso.fr/bupdoc/consultation/une_fiche.php?ID_fiche=20913.

[220] Vocabulaire international de métrologie – Concepts fondamentaux et générauxet termes associés (VIM, 3e édition ; JCGM 200 :2012). Joint Committee forGuides in Metrology, 2012. url : http://www.bipm.org/utils/common/documents/jcgm/JCGM_200_2012.pdf.

[223] D.R. White. « In pursuit of a fit-for-purpose uncertainty guide ». In : Metro-logia 53.4 (juin 2016), S107–S124. doi : 10.1088/0026-1394/53/4/s107.

Page 41: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 36 — #36 �

I.2

Ajustement de courbes

Dans la plupart des expériences présentées dans la suite de cet ouvrage, noussommes amenés à ajuster des courbes provenant d’un modèle théorique à des don-nées expérimentales. Dans cette fiche, nous décrivons les problématiques associéesaux ajustements et nous détaillons la méthode des moindres carrés, qui est la pluscommunément employée dans le cadre de l’enseignement expérimental.

Table des matières1 Généralités et motivations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 362 La méthode des moindres carrés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 383 Estimer la validité de l’ajustement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43A Code python . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48

1 Généralités et motivationsEn physique expérimentale, il est très courant d’avoir à effectuer l’ajustement

d’une courbe à des données expérimentales. Le plus souvent, on dispose– de données expérimentales ((xi, yi) avec des incertitudes (∆xi,∆yi)),– d’un modèle théorique prévoyant une certaine relation entre les grandeurs x ety, par exemple une relation affine y = ax+ b.

La relation entre x et y donnée par le modèle théorique n’est pas forcément affine :de manière générale, on suppose qu’elle s’écrit y = f(x; p) où f est une fonctiondépendant d’un vecteur de paramètres d’ajustement p (dans le cas d’une relationaffine, p = (a, b)).

L’ajustement de courbe consiste à déterminer les paramètres p = p∗ quidonnent la courbe d’ajustement y = f(x; p∗) la plus proche des données expérimen-tales, c’est-à-dire que l’on ajuste les paramètres de manière à ce que la courbe d’ajus-tement s’approche au mieux des mesures. Ces paramètres p∗ sont appelés paramètresoptimaux (ou parfois paramètres ajustés).

Évidemment, il faut spécifier ce que signifie exactement « la plus proche »,et le sens précis que l’on donne à cette proposition peut avoir des consé-quences sur les résultats de l’ajustement. Néanmoins, ces différences ne sontpas significatives dans la plupart des situations raisonnables.

Lorsque l’on relève les données expérimentales, on contrôle souvent directe-ment une des deux quantités lors de l’expérience, qui est appelée variableindépendante ou variable de contrôle et généralement notée x et tracée

Page 42: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 37 — #37 �

I.2 Ajustement de courbes 37

en abscisses. La grandeur y, qui est mesurée « pour une valeur de x fixée »est appelée variable dépendante, dans le sens où elle dépend de la va-riable de contrôle. Cette distinction, qui dépend évidemment du protocoleexpérimental adopté, est importante dans la mesure où la plupart du temps,l’incertitude relative sur la variable de contrôle est notablement inférieure àcelle sur la variable dépendante, ce qui permet de la négliger. Néanmoins,cela n’est pas toujours le cas, et parfois les incertitudes sur x et y doiventêtre prises en compte. Il est aussi possible que l’on ne puisse pas faire varierdirectement la quantité qui nous intéresse, et que l’on relève les valeurs dedeux « variables dépendantes » en fonction d’un paramètre de contrôle donton ne relève pas la valeur, parce qu’elle ne nous intéresse pas.

L’expression « ajustement de courbe » se traduit en langue anglaise par« curve fitting » ; cela donne lieu à des anglicismes qu’on rencontre assezsouvent comme « fit » et « fitter » (comme dans « fitter une courbe » oudans « un fit linéaire »).

Deux motivations principales peuvent amener à ajuster une courbe à des donnéesexpérimentales :

– vérifier dans quelle mesure le modèle théorique décrit bien le phénomène physiqueobservé (il s’agit d’un test d’hypothèse)

– déterminer les paramètres p du modèle et leur incertitude (il s’agit d’une mesure).

Ces deux problématiques vont souvent de pair : on peut vouloir dans la même ex-périence tester le modèle puis, s’il s’applique, déterminer les paramètres pertinents.Néanmoins, il est important de distinguer les deux étapes, qui sont conceptuellementtrès différentes, et ce d’autant qu’elles sont en pratique réalisées en même temps. Ef-fectuer un ajustement de courbe permet, en comparant la courbe ajustée aux données,de tester la validité du modèle (au moins dans une certaine mesure). L’ajustementproduit toujours un jeu de paramètres optimaux, mais leur valeur n’a de sens qu’unefois la validité du modèle établie.

Par exemple, considérons un résistor (l’objet physique) et mesurons sa carac-téristique courant-tension. En mesurant la tension U aux bornes du résistoret l’intensité I le traversant, on obtient un jeu de données (Ij , Uj) avec desincertitudes (∆Ij ,∆Uj). La loi d’Ohm prédit que la relation théorique entretension et intensité est linéaire, de la forme U = RI, c’est-à-dire dans lecadre de l’ajustement de données U = f(I; p) où p = R est le paramètred’ajustement. On peut ensuite vouloir (i) vérifier si la relation entre les va-leurs mesurées de U et I est bien linéaire, et si c’est le cas (ii) déterminer larésistance R. Évidemment, si l’expérimentateur s’est trompé et a utilisé unediode à la place d’un résistor, vouloir déterminer le paramètre d’ajustementR n’a aucun sens.

Dans le cadre de l’enseignement, les modèles théoriques sont souvent bien établis,et les expériences sont choisies pour bien fonctionner. La vérification des lois ne né-cessite donc pas énormément de précautions, et les déviations dues à des phénomènesparasites sont facilement repérées. Dans le cadre de la recherche, au contraire, cetteétape est en général la plus difficile. En effet, l’absence d’adéquation entre les résul-

Page 43: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 38 — #38 �

38 Traitement des données expérimentales

tats expérimentaux et la prédiction théorique est une étape essentielle du dialogueentre théorie et expérience, qui permet le cas échéant de falsifier puis de rejeter unmodèle théorique. Dans ce cadre, on peut aussi être amenés à discuter de la validitéde modèles concurrents qui prédisent des comportements assez proches ; dans ce cas,beaucoup de soin doit être apporté au test d’hypothèse.

Du point de vue technique, l’ajustement de courbes peut être réalisé par plusieursméthodes, et nous renvoyons le lecteur à la référence [183, ch. 15] pour plus de détails.Une des méthodes les plus courantes est l’ajustement par les moindres carrés dontnous discutons les grandes lignes dans cette fiche.

Une fois que l’on a effectué l’ajustement proprement dit et que l’on a vérifié l’adé-quation du modèle aux données, on peut s’intéresser aux paramètres ajustés en tantque résultats de mesure. Il est alors essentiel d’estimer l’incertitude associée à ces pa-ramètres (voir la fiche Estimation des incertitudes (page 8)). Cette incertitude dépendnon seulement de l’incertitude associée à chaque point, mais aussi de leur dispersionautour de la courbe ajustée.

Dans cette fiche, nous commençons par discuter comment obtenir un jeu de para-mètres optimaux, puis les incertitudes associées par la méthode des moindres carrés.Dans un second temps, nous nous occupons de la question de l’adéquation du modèleaux données expérimentales dans le cadre de l’enseignement de la physique expéri-mentale.

2 La méthode des moindres carrés2.1 Obtenir les meilleurs paramètres pour un modèle donné

On dispose de données expérimentales (xi, yi) et les incertitudes-types correspon-dantes u(xi) et u(yi) (voir le paragraphe 1.4 de la fiche Estimation des incertitudes(page 8)) qui ne sont pas forcément les mêmes pour chaque point. On cherche à ajusterà ces données un modèle

y = f(x; p) (1)

où p = (p1, . . . , pP ) est un vecteur de paramètres d’ajustement que l’on cherche àdéterminer. Par exemple, un modèle affine est de la forme y = p1 + p2 x.

2.1.1 Les moindres carrés pondérés

La méthode la plus simple pour obtenir des paramètres qui correspondent aumieux aux données est la méthode des moindres carrés. L’idée générale est dechoisir le vecteur de paramètres p de manière à rendre minimale la distance entreles points expérimentaux (xi, yi) et les valeurs données par le modèle (xi, f(xi; p)).Lorsque les incertitudes sur les xi sont négligeables et que les incertitudes sur les yisont décorrélées, cette méthode consiste à minimiser la fonction d’écart

χ2(p) ≡ χ2(p1, p2, . . . , pP ) =N∑i=1

[yi − f(xi; p)

u(yi)

]2. (2)

Page 44: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 39 — #39 �

I.2 Ajustement de courbes 39

et à déterminer la valeur p∗ des paramètres d’ajustement qui rend minimale cetécart

p∗ = argminp

χ2(p). (3)

Les paramètres p∗ qui minimisent la fonction d’écart χ2 sont appelés paramètresoptimaux ou paramètres ajustés.

Dans la fonction d’écart, les distances entre les données expérimentales et la courbed’ajustement sont pondérées par l’incertitude-type de manière à ce qu’un point aitune contribution d’autant moins importante qu’il est incertain.

D’un point de vue fondamental, la raison de l’importance de la méthode desmoindres carrés est qu’elle donne l’« estimateur du maximum de vraisem-blance » lorsque les yi correspondent à des variables aléatoires gaussiennes(du point de vue des incertitudes), ce qui signifie essentiellement que cetteméthode fait le meilleur usage possible des données disponibles (les mesureset leur incertitude-type ; voir le paragraphe 2.3.4 de la fiche Estimation desincertitudes (page 8)). Pour plus de détails, on lira [57, 163, 34].

Lorsque cela est possible, il faut s’arranger pour que les incertitudes les plusimportantes soient portées par la variable dépendante, et idéalement, pourque les incertitudes sur la variable de contrôle soient négligeables. Lorsqueles incertitudes sur les xi ne sont pas négligeables, une généralisation de laméthode doit être utilisée, que l’on discute dans le paragraphe 2.1.2. Enfin, ilpeut y avoir des corrélations entre les différentes données expérimentales : ilest aussi possible de traiter ce cas, et nous renvoyons le lecteur aux référencesmentionnées dans le paragraphe 2.1.2.

Les méthodes d’ajustement fonctionnent généralement mieux avec des mo-dèles linéaires, c’est-à-dire où la fonction f dépend linéairement de ses para-mètres p. Lorsque cela est possible, il faut essayer de se ramener à un modèlede ce type. De plus, il est généralement commode de choisir f comme unefonction affine de x, car l’ajustement d’une droite à des paramètres est lecas le mieux maitrisé, à la fois théoriquement et numériquement. On essaiedonc de se ramener autant que possible, et quand c’est raisonnable, à unmodèle affine de la forme f(x; p) = p1 + p2 x. Cela permet de surcroît derepérer plus facilement des déviations au comportement affine directementsur la courbe. Il va sans dire que se ramener au cas affine n’est pas toujourspossible. Remarquons en outre que les transformations des données affectentaussi la forme des distributions de probabilité : lorsqu’on l’utilise (commedans le paragraphe 2.2), il faut prendre garde à ce que la propagation desincertitudes au premier ordre reste valable.

Lorsque les incertitudes-types sur les différents points sont toutes égales, leurvaleur commune n’affecte pas le résultat p∗ de l’ajustement.

Page 45: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 40 — #40 �

40 Traitement des données expérimentales

2.1.2 Cas des incertitudes sur les deux variables

On rencontre souvent des situations où il est clair que l’incertitude sur la variablede contrôle x ne peut pas être négligée. Nous présentons dans la suite une méthodesimple et facile à implémenter pour l’ajustement des données dans cette situation [57,153, 174, 48, 52]. En contrepartie de sa simplicité, cette méthode n’est pas toujoursexacte, mais elle donne des résultats tout à fait satisfaisants dans la plupart des cas.L’idée générale de la méthode consiste à remplacer le poids inverse u(yi)2 utilisé dansla fonction d’écart des moindres carrés par une « variance effective »

[u(yi − f(x = xi; p))]2 = u(yi)2 + [f ′(x = xi; p)u(xi)]2 (4)

de sorte que l’on cherche désormais à minimiser la fonction d’écart pondérée

χ2(p) ≡ χ2(p1, p2, . . . , pP ) =N∑i=1

[yi − f(x = xi; p)]2

u(yi)2 + [f ′(x = xi; p)u(xi)]2(5)

où f ′ est la dérivée de f par rapport à la variable de contrôle x (et non par rapportaux paramètres p).

Cette méthode est applicable dans le cas où il n’y a pas de corrélations et oùla fonction f ne varie pas trop sur quelques incertitudes-types, c’est-à-direque |u(x)f ′′(x)| � |f ′(x)| [52].

Dans le cas général, des incertitudes u(xi) et u(yi) peuvent être présentes à lafois sur les données xi et yi. De plus, des corrélations peuvent être présentes,lorsque les covariances u(xi, xj), u(yi, yj) ou encore u(xi, yj) = u(yj , xi) nesont pas nulles (ces corrélations concernent les incertitudes, pas les quantitésphysiques qui ne sont pas ici supposées être aléatoires). Il est alors commodede considérer le vecteur composé de l’ensemble des données mesurées z =(x, y) pour n’avoir qu’une matrice de variance-covariance u(zi, zj). Dans lamesure où la variable de contrôle n’est pas connue avec certitude, on chercheà estimer non seulement les paramètres p, mais aussi les valeurs de la variablede contrôle x, et on est amenés à résoudre un problème de minimisation souscontrainte [34, 170, 163, 155], qui est lui aussi justifié en ce qu’il conduità la solution du maximum de vraisemblance. Différentes simplifications decette méthode générale, plus faciles à implémenter numériquement, ont étéproduites au cours des années, dont celle que nous avons décrite. Le lecteurintéressé est renvoyé aux articles de revue [41, 154] et à l’ouvrage [183, ch. 15]ainsi qu’aux références qui s’y trouvent pour plus de détails, et en particulierpour une comparaison des différentes méthodes.

Les paramètres optimaux ne sont pas modifiés par un changement d’échelleglobal des incertitudes-types (du type u(xi) → Ku(xi) et u(yi) → Ku(yi)pour tout i, avecK constant). Au contraire, comme on va le voir dans la suite,cela change l’estimation de l’incertitude-type sur les valeurs des paramètres.

Un complément du GUM appelé « Evaluation of measurement data – Appli-cations of the least-squares method » est en préparation. Nous recommandonsvivement au lecteur de consulter ce document lorsqu’il sera disponible.

Page 46: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 41 — #41 �

I.2 Ajustement de courbes 41

Dans le cadre de l’enseignement de la physique expérimentale, il n’est pas for-cément simple d’estimer la matrice de covariance complète, et on se contenteen général de négliger les corrélations.

Du point de vue technique, minimiser une fonction de plusieurs variables n’est pasévident (analytiquement ou numériquement) [183]. Néanmoins, le cas particulier desmoindres carrés (même dans le cas non-linéaire) peut être traité numériquement demanière efficace par la méthode de Levenberg-Macquart. Nous renvoyons le lecteur à laréférence [183] pour plus de détails sur cette méthode et sa mise en œuvre. En pratique,il existe des bibliothèques open source qui en fournissent une implémentation de bonnequalité. C’est en particulier le cas de la bibliothèque MINPACK, écrite en FORTRAN ;la bibliothèque python SciPy fournit une interface à cette implémentation à traversla fonction scipy.optimize.leastsq (et scipy.optimize.least_squares). Nousdonnons un exemple complet de code python dans le complément A.

Les algorithmes de minimisation numérique peuvent poser différents pro-blèmes, en particulier dans le cas d’ajustements non-linéaires [183]. En effet,lorsque la fonction à minimiser présente plusieurs minima locaux, il n’est pasgaranti que l’algorithme converge vers le mimimum global. C’est la raisonpour laquelle il est important de leur fournir une estimation initiale raison-nable des paramètres d’ajustements, et de vérifier que le résultat n’est pasaberrant. Quand on constate un problème évident, un autre choix de para-mètres initiaux peut parfois permettre d’atteindre le minimum global.

2.2 Estimer l’incertitude-type sur les paramètres obtenus

Une fois les paramètres d’ajustement optimaux obtenus, on souhaite déterminer lesincertitudes-types associées et, idéalement, les incertitudes élargies correspondantes.Il est assez facile d’estimer les incertitudes-types, mais dans le cas général, les incer-titudes élargies ne peuvent pas être obtenues simplement.

Encore une fois, notons que les paramètres optimaux et à plus forte raison lesincertitudes associées n’ont de sens qu’une fois le modèle validé.

Pour estimer l’incertitude-type sur les paramètres optimaux, le plus simple consisteà appliquer la loi de propagation des incertitudes-types (équation (11) de la ficheEstimation des incertitudes (page 8)) à un développement limité de la fonction d’écartχ2 autour de son minimum p∗. Hors cas pathologique, on peut se contenter d’undéveloppement limité au second ordre de la forme

δχ2 = χ2(p)− χ2(p∗) ≈ 12Hij δpi δpj (6)

où la sommation sur les indices répétés est sous-entendue. On a défini δpi = (pi− p∗i )et H est la matrice Hessienne de la fonction χ2 au point p∗

Hij = ∂2χ2

∂pi ∂pj(p∗). (7)

Page 47: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 42 — #42 �

42 Traitement des données expérimentales

On définit alors lamatrice de covariance C des paramètres d’ajustements p comme

C =[

12H∗]−1

(8)

où H∗ = H(p = p∗) est la matrice Hessienne évaluée en p = p∗. Ses éléments diago-naux donnent une estimation des incertitudes-types sur les paramètres ajustés

u(pi) =√Cii. (9)

De même, les éléments hors-diagonaux donnent une estimation des covariances desparamètres ajustés

u(pi, pj) =√Cij (10)

qui ne sont pas forcément négligeables.Dans le cas où l’ajustement est linéaire, c’est-à-dire que la fonction f(x; p)décrivant le modèle est linéaire en les paramètres p (pas nécessairement enl’argument x), et où les incertitudes sur x sont négligées en prenant u(xi) = 0,cette méthode est rigoureuse [183], puisque l’approximation quadratique dela fonction d’écart χ2 est alors exacte. Même lorsque des incertitudes sur lesdeux grandeurs sont présentes, cette estimation est bien maîtrisée dans le casd’un ajustement affine [57, 132, 166, 45]. Dans le cas général, l’estimationdonne habituellement des résultats raisonnables tant que la fonction f nevarie pas trop rapidement, comme dans le cas de l’estimation des paramètresajustés. Il peut arriver que ces valeurs approximatives soient aberrantes [183],mais la méthode donne dans la plupart des cas une estimation satisfaisante[2].

Cette méthode donne accès à la matrice de covariance des paramètres d’ajus-tement, et en particulier à leurs écarts-types qui sont les incertitudes-types.En général, cela ne permet pas de déterminer l’intervalle étendu correspon-dant à une certaine probabilité de couverture (voir le paragraphe 1.4 de lafiche Estimation des incertitudes (page 8)) ! La situation la plus simple et laplus souvent décrite est celle où les paramètres ajustés sont distribués norma-lement, ce qui n’est absolument pas garanti en pratique. C’est par exemple lecas lorsque l’incertitude sur les données expérimentales est décrite par une loinormale et où la fonction f est linéaire par rapport à ses paramètres p et parrapport à la variable x (cette dernière hypothèse peut être en partie relaxée).Dans le cas général, l’estimation des intervalles élargis n’est pas facile, carla distribution de probabilité des paramètres peut être assez différente d’unegaussienne. Lorsque l’on a besoin d’estimer les intervalles élargis et que l’onconnaît (ou qu’on a estimé) les distributions décrivant l’incertitude sur lesdonnées, on peut recourir à des simulations Monte-Carlo (cela consiste sim-plement à fabriquer un grand nombre de « faux » jeux de données (xi, yi)iréalisés selon les distributions de probabilité estimées, et d’ajuster une courbeà ces jeux de données comme avec des données réelles, ce qui permet d’estimerla distribution décrivant les paramètres d’ajustement). Lorsque l’on ne dis-pose pas d’assez d’information sur les incertitudes pour pouvoir utiliser une

Page 48: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 43 — #43 �

I.2 Ajustement de courbes 43

simulation Monte-Carlo, on peut utiliser la méthode du « bootstrap ». Cetteméthode ne nécessite rien d’autre que les données expérimentales (xi, yi),mais requiert de disposer d’un assez grand nombre de points indépendants etidentiquement distribués. Dans les deux cas, on obtient une estimation de ladistribution de probabilité (jointe) des paramètres d’ajustement, et on peuten déduire les informations voulues (incertitude-type, incertitude étendue,etc.). Pour plus de détails, le lecteur est renvoyé aux références [183, 2, 73,61].

3 Estimer la validité de l’ajustementSelon la problématique qui nous occupe, différents types de questions peuvent

être envisagés concernant la validité de l’ajustement, c’est-à-dire l’accord entre lesdonnées expérimentales et la courbe ajustée. Avant tout, distinguons deux situationstrès différentes– la courbe d’ajustement est issue d’une analyse théorique ;– la courbe d’ajustement a été choisie empiriquement de manière à interpoler aumieux les données expérimentales, sans raison théorique particulière.

Dans le second cas, la courbe d’ajustement a surtout pour but de résumer en un petitnombre de paramètres l’ensemble des mesures effectuées, et on souhaite déterminer sicette courbe est suffisamment proche des données pour pouvoir être utile par la suite.Par exemple, la courbe d’étalonnage d’un appareil de mesure (comme un spectromètreou un thermocouple) est souvent un polynôme d’ordre suffisant pour reproduire demanière satisfaisante les données d’étalonnage. La situation où la courbe d’ajustementest issue d’une analyse théorique est sensiblement plus complexe (et intéressante) dansla mesure où il s’agit de confronter théorie et expérience. Plusieurs problématiquespeuvent alors être rencontrées, et nous ne mentionnons que les plus courantes : lesdonnées expérimentales peuvent être comparées– à une prédiction théorique, dont on cherche à estimer la validité ;– à plusieurs prédictions théoriques, que l’on cherche à comparer ;– à d’autres résultats expérimentaux (par exemple à travers les paramètres ajustés),de manière à estimer la reproductibilité des expériences.

Le lecteur n’aura pas de mal à imaginer d’autres situations. Néanmoins, dans tous lescas, une décision scientifique doit être prise, qui a nécessairement une part d’arbitraireet de subjectivité, et est influencée par le contexte scientifique du problème et lesautres données à disposition.

Quand ces influences sont conscientes, il est bien entendu recommandé de lesmentionner lorsque l’on communique le résultat de la décision.

Page 49: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

�“manuscrit” — 2016/10/25 — 14:06 — page 44 — #44 �

44 Traitement des données expérimentales

3.1 Analyse graphique

0.0

0.5

1.0

1.5

yetf

(x,p∗ )

a = 1.52± 0.04b = −0.08± 0.02

(a)

0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0x

−0.1

0.0

0.1

y−f

(x,p∗ )

a = 1.00± 0.01b = 0.01± 0.01

(b)

0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0x

a = 0.90± 0.10b = 0.09± 0.06

(c)

0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0x

0.0

0.5

Figure 1 – Problèmes courants. Illustration de problèmes courants rencontrés lorsde l’ajustement de courbes dans l’exemple d’un ajustement affine. Le cas (b) estune référence où la courbe ajustée est satisfaisante. En (a), on constate une ten-dance parabolique : les points se situent au-dessus de la courbe, puis en dessous, puisde nouveau au-dessus. Cette tendance est nettement visible au niveau des résidus.Les paramètres optimaux n’ont pas vraiment de sens dans ce cas, puisque la courbed’ajustement n’est pas compatible avec les données. En (c), un unique point aberrantmodifie sensiblement les valeurs des paramètres ajustés. Pour faciliter la comparaison,l’échelle verticale des graphes est la même dans les trois situations. Nous avons utilisédes données synthétiques générées à partir de l’équation y = ax + b avec a = 1 etb = 0, auxquelles un bruit gaussien d’écart-type σ = 0.02 et de moyenne nulle a étéajouté. En (a), on a ajouté un terme parabolique ; en (c), un des points a été modifié.

La première chose à faire après avoir ajusté une courbe à des données est dereprésenter sur le même graphique la courbe d’ajustement et les données, et d’observeravec soin le résultat. Une inspection visuelle permet de repérer de nombreux problèmesévidents et moins évidents :

– un désaccord majeur entre la courbe ajustée et les données expérimentales, cequi peut être le signe d’une courbe d’ajustement inadaptée ou d’une mauvaiseconvergence de l’algorithme d’ajustement ;

– la présence de points aberrants (outliers en anglais), c’est-à-dire de points quisont notablement éloignés des autres (figure 1(c)) ;

Page 50: Champion Physique expérimentale - Decitre · depoVere p., Chimie organique. 2e éd. girArd F., girArd J., Chimie inorganique et générale : des expériences pour mieux comprendre

M. Fruchart, P. Lidon, E. Thibierge, M. Champion, A. Le Diffon

Physique expérimentaleOptique, mécanique des fluides, ondes et thermodynamique

ISBN : 978-2-8073-0285-3

Conc

epti

on g

raph

ique

: Pr

imo&

Prim

o

www.deboecksuperieur.com

M.F

ruch

art,

P. L

idon

,E.

Thib

ierg

e, M

. Cha

mpi

on,

A.L

e D

iffon

Dans le cadre du nouveau Système Européen de Transfert de Crédits (E.C.T.S.), ce manuel couvre en France les niveaux : Licence 3, Master 1en Belgique : Baccalauréat 3, Master 1 et 2en Suisse : Bachelor 3, Master 1 et 2au Canada : Baccalauréat 3, Master 1 et 2

L1L2

L3

D

M2

M1

CPGE, Licence, MasterConcours de l’enseignement supérieur, CAPES & AgrégationEnseignants du secondaire et du supérieur

LMD

Phys

ique

exp

érim

enta

le

9 782807 302853

Cet ouvrage propose des expériences dans différents domaines de la physique, réalisées en laboratoire d’enseignement. Les auteurs ont souhaité adopter une présentation qui insiste sur les différentes étapes de la démarche expérimentale : modélisation du phénomène étudié, construction argumentée du protocole expérimental, interprétation et analyse critique des résultats obtenus et des écarts à la modélisation. Ce choix facilite une prise en main rapide et une utilisation efficace en séance de travaux pratiques.

L’ouvrage s’adresse à un large public : candidats aux concours du CAPES, de l’agrégation, enseignants du secondaire et de l’enseignement supérieur, élèves de CPGE, Licence et Master. Les lecteurs pourront également trouver dans cet ouvrage des schémas clairs et précis des dispositifs expérimentaux utilisés, des photographies des expériences et des phénomènes observés, un traitement des données expérimentales réalisé avec le langage libre Python, et de nombreuses références bibliographiques.

Michel Fruchart, docteur en physique, agrégé de sciences physiques, chercheur en physique de la matière condensée.Pierre Lidon, docteur en physique, agrégé de sciences physiques, chercheur en physique de la matière molle.Étienne Thibierge, docteur en physique, agrégé de sciences physiques, professeur en CPGE.Maxime Champion, docteur en physique, agrégé de sciences physiques, professeur en CPGE. Arnaud Le Diffon, docteur en physique, agrégé de sciences physiques, professeur agrégé à l’ENS Cachan.

Avec les contributions d’Antoine Bérut, Jean-Baptiste Caussin, Jean-Yonnel Chastaing et Robin Guichardaz, docteurs en physique et agrégés de sciences physiques.

Cet ouvrage a été révisé scientifiquement par Marc Vincent, professeur de chaire supérieure en CPGE en PC* au lycée du Parc à Lyon, ancien membre du jury de l’agrégation externe de sciences physiques.

LM

D

ExpériEncEs

M. Fruchart, P. Lidon, E. Thibierge,M. Champion, A. Le Diffon

Physique expérimentale

Optique, mécanique des fluides, ondes et thermodynamique

Les « plus »} Expériences réalisées et testées en

laboratoire d’enseignement

} Protocoles expérimentaux argumentéset commentés

} Modélisation détaillée des phénomènes et des dispositifs

} Photographies, courbes et exploitation précise de données expérimentales réelles

} Traitement des données avec le langage Python et codes commentés

+

9782807302853.indd Toutes les pages 26/10/2016 08:48