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Christian PUREN www.christianpuren.com Cours en ligne « Méthodologie de la recherche en didactique des langues-cultures » CHAPITRE 3 DÉFINIR SON PROJET DE RECHERCHE SOMMAIRE 1. Les tout premiers moments d’une recherche ................................................................. 2 1.1. Les différentes « entrées » possibles en recherche ................................................... 2 1.2. Le thème initial : trois grands cas de figure ............................................................ 3 1.2.1. Premier cas : aucun thème ............................................................................. 3 1.2.2. Deuxième cas : thème d’emblée précis et arrêté ............................................... 3 1.2.3. Troisième cas : thème vague et non arrêté ....................................................... 3 2. Définir son projet de recherche, cela veut dire, concrètement… ....................................... 4 2.1. … nommer sa recherche ....................................................................................... 4 2.2. … définir sa recherche .......................................................................................... 5 2.3. … contextualiser sa recherche ............................................................................... 8 2.4. … problématiser sa recherche................................................................................ 9 3. Critères de choix d’un projet de recherche .................................................................. 11 3.1. Critères personnels ............................................................................................ 11 3.2. Critères disciplinaires ......................................................................................... 12 3.3. Critères techniques ............................................................................................ 12

CHAPITRE 3 DÉFINIR SON PROJET DE RECHERCHE · Christian PUREN, Cours en ligne « Méthodologie de la recherche en didactique des langues-cultures », Chap. 3 : « Définir son projet

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Cours en ligne « Méthodologie de la recherche en didactique des langues-cultures »

CHAPITRE 3

DÉFINIR SON PROJET DE RECHERCHE

SOMMAIRE

1. Les tout premiers moments d’une recherche ................................................................. 2

1.1. Les différentes « entrées » possibles en recherche ................................................... 2

1.2. Le thème initial : trois grands cas de figure ............................................................ 3

1.2.1. Premier cas : aucun thème ............................................................................. 3

1.2.2. Deuxième cas : thème d’emblée précis et arrêté ............................................... 3

1.2.3. Troisième cas : thème vague et non arrêté ....................................................... 3

2. Définir son projet de recherche, cela veut dire, concrètement… ....................................... 4

2.1. … nommer sa recherche ....................................................................................... 4

2.2. … définir sa recherche .......................................................................................... 5

2.3. … contextualiser sa recherche ............................................................................... 8

2.4. … problématiser sa recherche ................................................................................ 9

3. Critères de choix d’un projet de recherche .................................................................. 11

3.1. Critères personnels ............................................................................................ 11

3.2. Critères disciplinaires ......................................................................................... 12

3.3. Critères techniques ............................................................................................ 12

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Chap. 3 : « Définir son projet de recherche »

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1. Les tout premiers moments d’une recherche

1.1. Les différentes « entrées » possibles en recherche

L’idée première d’une recherche (l’ « entrée en recherche ») peut partir de n’importe lequel des éléments suivants.

Je les illustrerai ici à partir de l’exemple d’une recherche sur la compréhension orale partant

très concrètement d’un problème rencontré par le jeune chercheur. Mais ce n’est pas forcé-ment le cas : une « problématique » ne se construit pas toujours à partir d’un problème per-

sonnel concret… ni même d’un problème plus ou moins collectif. On peut vouloir au contraire

comprendre pourquoi ça marche bien, ou partir d’une problématique disciplinaire très générale

déjà « constituée », en quelque sorte (cas d’une recherche sur « les stratégies de compréhen-sion orale », par exemple).

– Un constat : J’ai remarqué que…, Je trouve dommage que…, J’ai été surpris par… Exemple :

J’ai remarqué que mes élèves ne sont pas motivés par les différentes écoutes que je leur pro-

pose sur le même document oral.

– Un domaine de recherche (en didactique des langues-cultures) : Je veux travailler sur…

Exemple : la compréhension orale.

– Un objet de recherche. Exemple : les différentes activités de compréhension orale.

– Un objectif de recherche : Je me propose de mieux connaître…, mieux comprendre…,

améliorer… Exemple : Je voudrais améliorer la compréhension orale de mes élèves en les mo-tivant à un approfondissement de leur compréhension des documents oraux au moyen

d’écoutes plurielles.

– Une ou des questions de recherche : je me demande si… / pourquoi… / comment… ? /

etc. Exemple : Je me demande pourquoi mes élèves ne sont pas motivés par les différentes écoutes, et comment je pourrais les y motiver.

– Des hypothèses (ou réponses prévues aux questions de recherche) : je suppose que…

Exemple : Je suppose que je pourrai motiver mes élèves aux différentes écoutes si je différen-cie clairement les objectifs de chacune d’elles et que je leur montre qu’ils peuvent progresser

de l’une à l’autre.1

– Des supports de recherche : tel(s) ou tel(s) ouvrage(s) qui m’ont intéressé, les manuels, les documents vidéos,… Exemple : l’ouvrage de Claudette Cornaire, La compréhension orale

(Paris, CLE International, 1998, 221 p.).

Le degré de maturation d’un thème de recherche s’évalue au nombre de ces éléments pris en compte et au nombre des relations établies entre eux.

J’appelle ici « thème » (ou « sujet » : j’utiliserai ici « thème » pour mieux marquer la diffé-

rence de degré de maturité entre un « thème » et une « thématique ») l’énoncé initial de

l’étudiant définissant sur ce quoi il se propose de travailler : ce peut être un titre, ou une phrase du type « Je voudrais travailler sur… » où « J’aimerais travailler sur la question de… ».

La première phase de la recherche consiste à travailler sur son thème – ce qui peut exiger de

revenir sur son choix ou de le modifier profondément – de manière à passer du thème à une

thématique.

1 Je reviendrai sur ces concepts de « question de recherche » et d’ « hypothèse » au chapitre 4 de ce

cours, intitulé « Élaborer sa problématique de recherche »,.

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Il faut ensuite construire, dans le cadre de la thématique retenue, une problématique : ce sera

l’objet du prochain chapitre (chap. 4) de ce cours de Méthodologie de la recherche.

)

Nous allons maintenant examiner les différents problèmes liés à cette première élaboration du « thème » pour en faire une « thématique ».

1.2. Le thème initial : trois grands cas de figure

Pour le choix d’un thème de recherche, trois grands cas de figure peuvent se présenter :

1.2.1. Premier cas : aucun thème

Il arrive qu’un étudiant n’ait au départ aucune idée d’un thème quelconque de recherche, ou se

déclare disposé à en changer complètement pour un autre. Cette situation est la moins favo-

rable. D’une part parce que c’est un signal d’alarme fort : en règle générale, en effet, on n’est moins motivé par la recherche en elle-même, que par des intérêts et des objectifs personnels

qui doivent normalement orienter vers certains thèmes de recherche, même s’ils sont pluriels

et plus ou moins imprécis. D’autre part parce que, par principe, un directeur – dans notre dis-

cipline tout au moins – ne proposera jamais de lui-même un thème de recherche « clés en mains ». Ce serait pour lui prendre un risque majeur (se sentir responsable d’un éventuel

abandon ultérieur de l’étudiant), et, plus encore, sans doute, aller à l’encontre de la « philoso-

phie » de la formation disciplinaire : en effet, l’élaboration du projet de recherche est le pre-

mier moment de la recherche, et elle commence par un travail sur le thème initial.

1.2.2. Deuxième cas : thème d’emblée précis et arrêté

L’étudiant a déjà choisi son thème et défini son projet de recherche de manière plus ou moins

détaillée, il y tient et veut s’y tenir. Les avantages sont qu’il est certainement très motivé et

qu’il va économiser un temps précieux dépensé par d’autres étudiants en hésitations, rema-

niements, voire parfois réorientations en cours de recherche. Les (éventuels) trois inconvé-nients sont les suivants :

a) L’étudiant aura éventuellement plus de mal à trouver un directeur à qui ce thème

précis convienne d’emblée sans qu’il ait à le réorienter en fonction de ses propres cri-tères, intérêts et compétences.

b) Parmi ces critères du directeur figure en premier, bien sûr, ce qu’il considère comme

relevant de l’intérêt de l’étudiant (cf. plus bas « critères personnels »), de l’intérêt de la recherche disciplinaire en général (cf. plus bas « critères disciplinaires », « critères

techniques », mais aussi de ses propres intérêts : le meilleur thème de thèse est celui

qui est considéré intéressant tout autant par l’étudiant que par son directeur, et cela

passe généralement par une négociation qui assure au directeur une certaine participa-

tion à l’élaboration initiale du projet de recherche.

c) S’il survient des problèmes importants ultérieurs dans l’avancement de son travail,

l’étudiant aura du mal à modifier son thème, et risquera d’aboutir à un blocage que son

directeur ne pourra guère l’aider à dépasser.

Dans ce 2e cas de figure, donc, l’étudiant doit en priorité s’interroger sur ce qui a fondé son

choix (il peut s’agir par exemple d’une critère personnel unique), et le resituer dans l’ensemble

des critères à prendre en compte pour le choix d’une thématique de recherche (voir plus bas la présentation de ces critères) : « mûrir » son thème consiste en particulier à le modifier pour

prendre en considération, après les avoir hiérarchisés pour son compte, un maximum de cri-

tères croisés.

1.2.3. Troisième cas : thème vague et non arrêté

L’étudiant a une idée assez vague de son thème de recherche, et est très demandeur d’aide et de conseil pour le préciser, le réorienter voire le modifier. L’avantage est que le directeur pour-

ra faire valoir ses propres compétences et intérêts, et ainsi « s’approprier » le thème conjoin-

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tement avec son étudiant. Le risque majeur est que la thématique finalement arrêtée ne con-

vienne plus à l’étudiant, que ce soit finalement lui qui ne puisse plus se l’« approprier » parce

qu’elle lui aurait en quelque sorte échappé. C’est ce qui explique et justifie le grand souci des

directeurs de mémoire de ne pas être trop « interventionnistes » au cours de cette toute pre-mière phase de la recherche : il vaut mieux pour un étudiant passer quelques mois de plus

pour mieux définir lui-même sa thématique, que de partir sur une idée première dont il se

rendra compte au bout de 6 mois qu’elle ne lui convient pas personnellement ou qu’il n’est pas

en mesure de réaliser la recherche correspondante.

Dans le cas d’un thème initial vague, l’étudiant aura donc intérêt, à l’inverse, à travailler sur

les critères personnels qu’il pourrait activer, par exemple en s’interrogeant sur ses intérêts

personnels, sur les questions qu’il s’est toujours posé et/ou sur les problèmes qu’il n’a jamais

résolus dans sa pratique d’enseignement ; à lire de manière intensive des articles très divers ou des ouvrages abordant des thématiques très diverses (en se contenant au besoin de seule-

ment parcourir les tables des matières) ; ou encore à consulter des listes de titres de thèse.

2. Définir son projet de recherche, cela veut dire, concrète-ment…

2.1. … nommer sa recherche C’est trouver un titre à son mémoire de recherche. Le titre est un élément très important tout

autant du processus de recherche que de son produit final (le mémoire rédigé) :

a. « Trouver un titre » est souvent psychologiquement décisif pour se « débloquer », pour se

convaincre que l’on tient enfin sa recherche et que l’on peut commencer à s’y investir vrai-

ment.

b. L’élaboration du titre du mémoire est un objectif concret de la définition première de la

thématique de recherche.

Deux exemples concrets récents… et personnels. Dans les deux cas, l’ « entrée en recherche » articulait un constat et une question de recherche.

« IDÉE INITIALE » tel qu’elle était présentée par l’étudiante

ÉNONCÉ DE LA THÉMATIQUE RETENUE (= TITRE PROVISOIRE)

après un premier travail avec le directeur

1. J’ai été surpris de voir la rapidité avec la-

quelle des cyclistes estoniens sont parvenus à

communiquer dans ce milieu professionnel à

Bordeaux, ou ils séjournent depuis plusieurs mois pour s’y entraîner. Je voudrais essayer

de comprendre comment ils ont pu apprendre

si vite le français.

1. « Étude du fonctionnement d’une compé-

tence communicative restreinte en langue de

spécialité. Le cas de cyclistes estoniens sé-

journant à Bordeaux »

2. J’ai constaté que les enseignants français

avaient des difficultés à s’adapter aux appre-

nants estoniens. Je voudrais comprendre pourquoi, et proposer aux uns et aux autres

des pistes pour que ça se passe mieux.

2. « De l’interculturel au co-culturel, ou

l’élaboration d’une culture commune d’ensei-

gnement-apprentissage. Le cas d’enseignants français face à des apprenants estoniens »

c. Tout au long de la recherche, le titre reste un élément de référence obligé : redéfinir sa re-

cherche en cours de route peut amener à en modifier le titre ; à l’inverse, se demander si le

titre de sa recherche est toujours valable aide à prendre conscience de son évolution.

d. Le titre est l’ « élément-clé » du texte final, dans le sens métaphorique et réel de

l’expression : c’est par lui que l’on entre dans l’ouvrage avec déjà une idée de ce que l’on y

trouvera et de comment on doit le lire. Il crée immédiatement un « horizon d’attente », et son

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inadéquation attirera immanquablement des remarques critiques répétées lors de la soute-

nance orale.

e. Le titre restera toujours un élément capital dans l’identification ultérieure de sa recherche, de sa spécialité et de ses compétences professionnelles, tant de la part d’autres chercheurs

(on consulte souvent un ouvrage parce l’on a trouvé son titre dans une bibliographie et qu’il

nous a semblé intéressant) que d’éventuels employeurs (on se contente souvent, dans un CV –

et même dans un dossier de candidature… – de lire seulement le titre du mémoire de re-cherche). Un bon titre est, comme les deux du tableau initial de ce chapitre 2.1, me semble-t-

il, un titre qui définit bien la thématique en intégrant les grands concepts spécifiques de la re-

cherche en question, et qui en outre oriente déjà le lecteur spécialisé en DLC sur la probléma-

tique correspondante. Ce sont, pour reprendre les deux exemples donnés ci-dessus :

– Thématique n° 1 : « Étude du fonctionnement d’une compétence communicative restreinte

en langue de spécialité. Le cas de cyclistes estoniens séjournant à Bordeaux »

Concepts : « compétence communicative » et « langue de spécialité » Question de recherche : « Comment fonctionne cette compétence sur le terrain ? » Et

peut-être : « Est-il possible d’en tirer des idées pour l’enseignement des langues de

spécialité en milieu non naturel (comme le « FOS ») ? »

–Thématique n° 2 : « De l’interculturel au co-culturel, ou l’élaboration d’une culture commune

d’enseignement-apprentissage. Le cas d’enseignants français face à des apprenants esto-

niens »

Concepts : « interculturel, « co-culturel », « culture d’enseignement », « culture

d’apprentissage », « culture commune d’enseignement-apprentissage.

Questions de recherche : « Quels phénomènes observables constituent des traces de la

construction de cette culture commune ? » « Comment cette culture se construit-elle? »

« Comment est-il possible d’aider à cette construction ? »

Pour toutes ces fortes raisons, il est absolument indispensable que le titre soit validé par le

directeur, et que celui-ci soit consulté sur toute modification de titre en cours de recherche.

2.2. … définir sa recherche Une « thématique » (adjectif substantivé) désigne un thème repéré par rapport à un domaine

défini et reconnu à l’intérieur du champ disciplinaire (d’où le recours à des concepts didac-

tiques dans le titre) de manière à ce que l’on puisse ensuite construire sur lui une probléma-tique.

Ces thématiques peuvent être très nombreuses et variées, comme on peut le voir en parcou-

rant les domaines et thématiques dans lesquels les six directeurs de recherche du Master à distance « Français langue étrangère ou seconde et didactique des langues-cultures » (dont j’ai

été responsable pendant quelques années à l’Université Jean Monnet de Saint-Étienne) avaient

annoncé pourvoir diriger des étudiants :

1. FLE ; Didactique de l'oral ; Processus de perception et compréhension en langue étrangère ; L'inte-raction en classe de langue ; Didactique interculturelle des langues-cultures ; Les représentations

dans l'enseignement/apprentissage des langues-cultures.

2. FLE ; Langues au Maroc ; Enseignement du Français en Algérie ; Didactique et sémiotique ; Français de spécialité ; Formation des enseignants ; Médias et enseignement.

3. Anglais ; Problématique de l'évaluation ; Didactique scolaire ; Langue de spécialité ; Formation des

enseignants ; Analyse de matériels didactiques ; Construction de séquences didactiques.

4. FLE ; Didactique de l'écrit ; Didactique de la littérature ; Didactique du lexique ; Méthodologies d'ana-

lyse de pratiques enseignantes.

5. FLE ; Espagnol ; Didactique comparée des langues-cultures ; Didactique scolaire des langues-

cultures : Pédagogie différenciée ; Approche actionnelle et pédagogie du projet ; Problématique de

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l'observation de classes de langues ; Formation des enseignants ; Problématiques disciplinaires de

type « didactologique » (épistémologie, idéologie et déontologie) ; Histoire des méthodologies.

6. FLE ; Compréhension/ production de l'écrit : typologies des textes et genres discursifs ; Matériel di-dactique, en particulier conception de la séquence didactiques ; Curricula de français langue seconde

(contexte africain) ; Français sur objectifs spécifiques.

Ces différentes thématiques peuvent être classées en utilisant le modèle disciplinaire que je

propose pour la didactique des langues-cultures (à savoir les perspectives méthodologique, didactique et didactologique et leurs différentes composantes)2 de la manière suivante :

a) Perspective méthodologique :

Il n’y a pas de cas de thématiques exclusivement méthodologiques dans ces listes : « Histoire

des méthodologies » correspond forcément à une perspective méta-méthodologique (puisque

l’on prend des méthodologies constituées comme objet d’étude). Il en est de même de « pers-pective actionnelle et pédagogie du projet », thématique qui va exiger de construire une com-

paraison entre une orientation méthodologique en enseignement des langues-cultures étran-

gères et un courant pédagogique.

En fait, comme on peut facilement le comprendre, aucune recherche en « didactique des

langues-cultures » ne peut se limiter à la perspective méthodologique !

b) Perspective didactique :

– modèles et théories de référence : « processus de perception et de compréhension en

langue étrangère ; compréhension/production de l’écrit ; didactique et sémiotique ; lin-guistique générale, linguistique française et didactologie des langues-cultures ; typolo-

gie des textes et genres discursifs ; linguistique

– objectifs : différentes langues : « langue étrangère / langues-cultures [en général], FLE,

anglais, espagnol

découpages de l’objet langue-culture : « didactique de l’oral, de l’écrit, du

lexique, de la grammaire, de la culture » objectifs spécifiques : « français de spécialité, FOS »

– environnements :

contextes : « didactique scolaire des langues-cultures ; enseignement du fran-çais en Algérie ; langues au Maroc ; français langue seconde »

dispositifs : « conception/construction de séquences pédagogiques ; pédagogie

différenciée ; pédagogie du projet »

– matériels : « médias et enseignement ; analyse de matériels didactiques »

– pratiques : « méthodologie d’analyse des pratiques enseignantes ; problématique de

l’observation des classes de langue », « interaction en classe de langue »

– évaluation : « problématique de l’évaluation »

c. Perspective didactologique :

– épistémologie : « épistémologie de la didactique des langues-cultures »

– déontologie : « déontologie de la didactique des langues-cultures »

2 Voir par exemple le Dossier n° 1 (« Les trois perspectives constitutives de la DLC » du cours « La Didac-

tique des langues-cultures comme domaine de recherche ».

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– idéologie : « idéologie des la didactique des langues-cultures ; recherches pour le déve-

loppement du travail scientifique en réseau pour la promotion des langues et cultures du monde »

– autres : « curricula » ; « didactique comparée des langues-cultures »

Certaines thématiques peuvent être traitées dans des perspectives différentes, ou plusieurs à

la fois :

– Les « didactiques de l’oral, de l’écrit, du lexique, de la grammaire, de la culture, di-

dactique interculturelle des langues-cultures » peuvent être traitées dans une perspec-

tive méthodologie et/ou didactique : on a d’ailleurs longtemps parlé de « méthodologie

de l’enseignement de l’oral, de l’écrit, » etc. Mais un directeur de recherche en didac-tique n’acceptera pas qu’une recherche se limite à la seule perspective méthodologique.

– La « formation des enseignants » peut être traitée dans une perspective méthodolo-

gique (ce serait le cas d’une formation à une méthodologie constituée déterminée), di-dactique et/ou didactologique. Ces trois perspectives sont constamment croisées dans

l’ouvrage Histoire des méthodologies de l’enseignement des langues (PUREN C. 1988) :

par exemple, les orientations d’une méthodologie constituée (perspective méthodolo-

gique) sont toujours mises en rapport avec les objectifs de référence, les modèles pé-dagogiques, cognitifs et linguistiques du moment et le niveau de formation des ensei-

gnants (perspective didactique), ainsi qu’avec des paramètres tels que la fonction so-

ciale du système scolaire, les stratégies de rivalité à l’intérieur du marché des langues,

l’image et le statut social des langues ou encore la politique linguistique à l’époque (perspective didactologique).

– Des thématiques de recherche qui croisent un contexte particulier avec une théma-

tique au contraire très générale – comme « L’enseignement du français en Algérie »,

« Langues au Maroc », « Curricula de français langue seconde (contexte africain) » – in-tègrent forcément les trois perspectives.

Il faut s’efforcer, dans la mesure du possible, d’intégrer dans sa recherche les trois perspec-

tives, puisque c’est le passage constant de l’une à l’autre qui permet le mieux de saisir la com-plexité de toute problématique en DLC3. L’enchaînement des perspectives méthodologique,

didactique et didactologique va forcément varier d’une thématique de recherche à une autre,

et l’enchaînement peut même varier à l’intérieur de la même recherche (puisqu’il s’agit de re-

lations récursives). Voici quelques exemples :

– Dans le cas d’une recherche concernant un enseignement sur objectifs spécifiques à des

fonctionnaires d’un pays nouvellement intégré à l’Europe à qui l’on demande de se préparer à

travailler en français au niveau de l’Union Européenne, on commencera en début de recherche

par la perspective didactologique puisque la thématique est liée au départ à un objectif socio-politique.

– Une recherche sur l’autonomie dans un Centre de ressources va démarrer sur la perspective

didactique puisque le contexte de la recherche est fortement déterminé par un environnement donné d’enseignement/apprentissage (le Centre de ressources).

– Une recherche sur l’apprentissage de la compréhension orale, par contre, pourra parfaite-

ment partir sur l’état actuel des propositions méthodologiques sur la question (même si elle ne pourra bien sûr pas s’y limiter).

Les thématiques affichées par les directeurs de recherche cités plus haut restent pour la plu-

part volontairement très générales, de manière à pouvoir englober de nombreux thèmes parti-culiers.

3 Sur le concept de « complexité » en didactique des langues, voir en Bibliothèque de travail le Document

046, « Les composantes de la complexité », ainsi que les autres documents auquel il renvoie.

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En général (mais toute règle a ses exceptions), les étudiants commencent toujours par un

thème trop large parce qu’il dépasse leurs possibilités de recherche dans le temps limité dispo-

nible et/ou leurs possibilités de rédaction dans le nombre de pages imparti. Parfois, c’est aussi

par rapport aux possibilités de l’étudiant que son directeur jugera le thème trop large : plus le territoire couvert par le thème est vaste, en effet, et plus celui-ci demande de connaissances,

de lectures, de travail d’abstraction et de synthèse… et de recueil de données. Étant donné le

principe fondamental de formation à la recherche par la recherche, l’acceptation par le direc-

teur de recherche d’un thème de recherche relève donc tout à fait de cette question en rapport avec la théorie de la « zone proximale de développement » de Vigostky : « Quelle recherche

cet étudiant sera-t-il capable de mener lui-même avec mon aide et mon guidage ? »

« Définir » son thème de recherche, c’est donc le délimiter à l’intérieur du champ général de la

discipline, d’un domaine et d’une thématique, et c’est en même temps, très souvent, le limiter par rapport à ses ambitions initiales.

C’est l’ensemble de ce premier travail sur le thème initial qui va permettre d’en faire une

« thématique » de recherche en didactique, et c’est cette thématique – et non le thème – que le titre doit afficher.

2.3. … contextualiser sa recherche L’un des procédés de définition-délimitation les plus utilisés dans les thématiques retenues pour la formation initiale à la recherche (mémoires de Master Recherche 2e année, et même

doctorats) est de croiser une thématique générale avec un environnement4 particulier. D’où la

très haute fréquence de titres du type de ceux qui suivent (il s’agit de thèses soutenues à Pa-

ris-III ces dix dernières années) :

L'enseignement immersif au Canada – un cas particulier : la compréhension écrite chez

les étudiants de la région de Toronto à la fin de l'école secondaire – Les facteurs insti-

tutionnels et pédagogiques dans l'enseignement/apprentissage du FLE en milieu scolaire

grec pour la période 1972-1991 – Contribution à une analyse fonctionnelle de la ges-tualité conversationnelle du Koweit (communications, pratiques culturelles, enseigne-

ment) – L'enseignement/apprentissage de la poésie en français langue étrangère au

Maroc – Méthodologies de l'enseignement/apprentissage de la littérature en français

langue étrangère. Le cas de l'université iranienne – Grammaire et didactique du fran-çais langue étrangère : étude du cas de l'enseignement supérieur à Taïwan –

Méthodologies de l'enseignement/apprentissage de la littérature en français langue

étrangère. Le cas de l'université iranienne – L'enseignement ludique en classe de

langue en Grèce : de la motivation à l'évaluation – L'enseignement/apprentissage de la compétence de la communication en milieu exolingue : le cas du français langue étran-

gère à l'Université Silpakorn de Bangkok (Thaïlande) – Pour une nouvelle approche du

texte littéraire dans les universités syriennes.

C’est aussi le cas des deux thématiques proposées comme exemples au début de ce chapitre.

Une recherche en didactique des langues-cultures ne peut pas se faire de manière décontex-

tualisée pour au moins trois fortes raisons, qui relèvent chacune des trois grandes positions à

partir desquelles on peut se donner cette perspective « didactologique » fondamentale dans la conception de notre discipline, à savoir l’idéologie, l’épistémologie et la déontologie (cf. le MP1

du Séminaire de recherche) :

– La contextualisation est nécessaire pour concevoir l’intervention, puisque celle-ci de-vra forcément prendre en compte les spécificités du terrain et de son environnement

global, y comprises les contraintes et exigences sociopolitiques (idéologie).

4 On parle souvent de « contexte » en ce sens, ce qui est bien sûr un usage métaphorique, qui peut se justifier d’un point de vue pratique parce que pour « environnement », plus exact, le français ne dispose

pas de l’équivalent du verbe « contextualiser » et de sa nominalisation, « contextualisation ».

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– La contextualisation est le meilleur antidote à l’applicationnisme abstrait qui a sévi

dans notre discipline dans les années 60-70 (mais réapparaît constamment), pendant

lesquelles a dominé l’idée qu’en s’appuyant sur les « vérités scientifiques » découvertes

par les théoriciens de la linguistique et de la psychologie de l’apprentissage, il était pos-sible de définir des orientations méthodologiques universelles (épistémologie).

– La contextualisation évite que les enseignants ne soient dépossédés de leur respon-

sabilité professionnelle : en tant qu’acteurs de terrain, ce sont seuls à même de tenir compte de manière fine et constante des paramètres de l’environnement d’enseigne-

ment/apprentissage (déontologie).

« Contextualiser » sa recherche, c’est ainsi passer d’une recherche sur « la compréhension

orale en classe de langue » à une recherche sur « l’approche globale des documents oraux authentiques dans l’enseignement scolaire du FLE au Mexique ». Il s’agit là de deux exemples

extrêmes de titres entre le très général et le très particulier : il est certain que la première

thématique est trop vaste pour un mémoire de Master, mais il est probable que la seconde soit

trop étroite pour un chercheur débutant, parce qu’elle ne peut être intéressante que si elle est l’occasion par exemple d’une étude approfondie des mécanismes généraux de la compréhen-

sion orale globale, ou encore de l’incidence, sur les approches méthodologiques, des différents

types de compréhension orale globale selon les différents types de documents. L’intérêt de

combiner l’approche générale et l’approche particulière explique la haute fréquence des titres de mémoire ou de thèse en deux parties sur le modèle « [thème général], le cas de… [envi-

ronnement particulier] », titres qui autorisent un réglage possible entre les deux extrêmes en

cours de recherche.

On peut ainsi traiter du problème général du statut et du rôle du français dans l’alphabétisation

en Afrique francophone à partir du cas particulier d’un pays, voire d’un type de public dans un

établissement donné. On limite la contextualisation à son terrain, mais on l’analyse en relation

avec une problématique générale dont on aura trouvé ailleurs des analyses/propositions inté-

ressantes concernant d’autres terrains, et on propose des interventions sur son terrain en te-nant compte des recherches déjà effectuées sur d’autres terrains relevant de cette même pro-

blématique générale.

La contextualisation est donc indispensable, mais elle présente un risque majeur auquel il faut être attentif, et qui est de consacrer une trop longue partie de sa recherche à la simple des-

cription de terrain (généralement couplée avec des récits correspondants, que l’on pourrait

aussi appeler « narration de terrain »). La règle à respecter, pour éviter ce défaut très fré-

quent chez les chercheurs débutants – parce qu’ils ont l’impression d’être originaux vis-à-vis de leur directeur et autres futurs membres de jury en décrivant/racontant un terrain que ceux-

ci ne connaissent pas – est de se limiter strictement, dans la présentation du contexte, aux

seules narrations/descriptions indispensables pour convaincre les membres du jury de la perti-

nence de la problématique proposée et de l’efficacité du traitement qui en est proposé.

2.4. … problématiser sa recherche L’opération de problématisation sera longuement abordée dans le chapitre suivant

(« Construire sa problématique de recherche »), qui lui est entièrement consacré. La

« problématique » d’une recherche peut être définie comme un ensemble cohérent de questions initiales (dites « questions de recherche ») dont on va s’efforcer de chercher

les réponses (dans la littérature existante, par questionnaire, enquête et/ou entretien

auprès des acteurs, par l’observation/analyse, par l’expérimentation personnelle, etc. :

nous aborderons cette question dans le Chapitre 5 sur les méthodes de recherche, les-quelles doivent être diverses pour fournir des perspectives différentes sur l’objet de re-

cherche.

L’élaboration initiale de ces « questions de recherche » est véritablement au centre de la con-ception du projet de recherche, puisque ce sont ces questions qui vont le guider de son début

à son terme : la première fonction de l’introduction générale est d’ailleurs de « poser » ces

questions de recherche, et celle de la conclusion générale de faire le bilan des réponses qu’on

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a pu y apporter. C’est pourquoi on peut dire qu’après la première phase de passage du thème

à la thématique, la seconde phase du processus de conception d’un projet de recherche con-

siste à passer d’une thématique à une problématique.

Toute recherche en didactique des langues-cultures, parce qu’elle s’inscrit dans une démarche

de formation à la recherche par la recherche, est prise dans une tension structurelle entre la

contextualisation et la problématisation : les recherches doivent s’appuyer sur un terrain et

pouvoir servir à ce terrain, mais elles doivent constituer en même temps une occasion d’affronter des questions fondamentales relatives au processus général d’enseignement/-

apprentissage des langues-cultures. D’où, en encore une fois, la fréquence des titres du type

« [problématique générale] : le cas de… [environnement particulier] ». Sur ce point, la philo-

sophie de la formation universitaire à la recherche est rejoint par l’intérêt du chercheur à

« rentabiliser » son titre de docteur sur le marché du travail : il doit en effet montrer qu’il a su être compétent dans un environnement donné (il s’est spécialisé), mais en même temps qu’il

peut l’être dans d’autres (il s’est donné une formation générale).

Ces quatre opérations fondamentales du processus d’élaboration d’un projet de recherche – la nommer, la définir, la contextualiser et la problématiser – sont présentées ici linéairement par

souci de clarté, mais elles sont en réalité prises dans ces boucles récursives constantes qui

caractérisent ce que l’on appelle un « projet », par opposition à une « procédure » :

Cette mise en récursivité est la seule manière de gérer des exigences opposées telles que la

limitation que provoque la contextualisation, et au contraire l’élargissement que tend à provo-quer la problématisation (où les questions en entraînent d’autres en chaîne).

La conception d’une recherche est donc en elle-même un projet, lequel est pris lui-même dans

le projet global dans lequel interviennent la réalisation de la recherche, l’écriture de recherche et la soutenance finale : la recherche documentaire amène parfois, par exemple, à revoir la

définition ; les recueils de données sur le terrain la contextualisation, l’expérimentation la pro-

blématisation ; et il n’est pas rare qu’un titre de mémoire soit modifié jusqu’au dernier mo-

ment, juste avant de lancer l’impression finale de l’exemplaire original. Ces « bouclages récur-sifs » sont non seulement naturels mais profitables – ils sont le signe d’une véritable re-

cherche : on ne sait pas à l’avance, du moins exactement, ce qu’on va trouver, ce qu’on doit

faire pour le trouver ni comment le trouver –, mais ils n’en sont pas moins une source cons-

tante d’angoisse pour l’étudiant-chercheur. Celui-ci a l’impression :

– en début de recherche, de piétiner, et effectivement, les boucles récursives fonctionnent à ce

moment-là comme une sorte de « cercle vicieux » : il faudrait par exemple avoir déjà fait ses

enquêtes de terrain pour problématiser correctement, mais à l’inverse il est impossible de ré-

diger un questionnaire d’enquête sans avoir en tête une problématique (c’est en partie ce qui explique l’utilisation généralisée chez les chercheurs de la « pré-enquête », et c’est aussi ce

qui explique qu’un directeur puisse demander de reprendre un chapitre, qu’il avait pourtant

validé auparavant, après qu’il ait lu le suivant !...) ;

– en cours de recherche, de n’avoir encore rien fait d’ « achevé » dans les deux sens (confon-

dus) du mot : parfait et définitif ;

– en fin de recherche, de découvrir seulement à ce moment-là, trop tard, ce qu’il aurait dû faire ; en fait, il n’est pas trop tard, parce que c’est une des fonctions de la soutenance orale,

précisément, que de donner l’occasion de présenter au jury ces résultats de la recherche qui

apparaissent « en négatif », mais qui sont tout aussi intéressants que les autres dans une

NOMMER DÉFINIR CONTEXTUALISER PROBLÉMATISER

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perspective de formation personnelle à la recherche… et même parfois plus intéressants que

les autres en termes d’apports à la recherche collective.

Ces boucles récursives doivent fonctionner, mais ne pas mettre en péril l ’aboutissement du projet même : ne pas vouloir changer complètement de thème à la lecture d’un article ou d’un

ouvrage, savoir arrêter à un certain moment ses lectures ou ses enquêtes pour commencer à

rédiger, savoir prendre des décisions définitives, sur lesquelles on ne reviendra pas. L’un des

rôles du directeur de mémoire est dans le rappel de la nécessité d’un compromis – parfois dou-loureux – entre récursivité et linéarité, entre perfectionnisme et réalisme. La formation à la

recherche est aussi un apprentissage de la modestie.

Ces boucles récursives doivent fonctionner au cours du processus de la recherche, mais elles

n’ont pas à apparaître dans le corps du mémoire, lequel n’est pas un récit de recherche mais un travail abouti qui est censé avoir été entièrement rédigé en fin de recherche, et donc en

fonction de toutes les connaissances, expériences et compétences accumulées. Il n’y a pas

d’exception à cette règle : même l’introduction est censée être rédigée en fin de recherche et

de rédaction du travail ; c’est l’introduction de la lecture de la recherche terminée, ce n’est pas l’introduction de la recherche dans le sens de présentation des débuts de cette recherche. Le

chapitre 6 de ce cours de Méthodologie de la recherche reviendra sur cette question, puisqu’il

traitera en particulier de la relation entre l'introduction générale et la conclusion générale.

3. Critères de choix d’un projet de recherche Les critères qui doivent être pris en compte dans le choix d’un projet de recherche sont très

nombreux et hétérogènes, et ils interfèrent – certains positivement (ils se renforcent les uns

les autres), certains négativement (ils s’opposent les uns les autres). Les exemples donnés ci-

dessous pour chaque type de critère ne sont pas exhaustifs.

3.1. Critères personnels Ces critères sont les premiers à prendre en compte et à maintenir en permanence au cours de

sa recherche : une recherche n’aboutit que si la motivation reste forte, condition pour ce fort

investissement personnel constant qui est le « carburant » indispensable pour faire tourner assez vite et assez longtemps la mécanique de la recherche… C’est pourquoi il est indispen-

sable, comme nous l’avons vu déjà, que le thème de recherche vienne de l’étudiant lui-même,

même si ensuite le directeur de recherche pourra aider à le faire « mûrir ». Ces critères sont

les suivants :

– intérêt personnel pour le domaine disciplinaire, la thématique, le contexte et la pro-

blématique impliqués par le thème (voir plus bas la définition de ces concepts) ;

– connaissances, compétences ou expériences préalables que l’on a déjà soi-même ac-

cumulées sur le thème ;

– relations personnelles avec des acteurs importants du domaine ;

– maîtrise des méthodes et outils de recherche qui devront être utilisés ;

– stratégie de financement (en cas de demande de bourse) : intérêt de financeurs

éventuels ;

– stratégie de carrière : choix de la spécialité que l’on veut afficher sur le marché du

travail, adéquation avec le contexte d’enseignement ou le type d’enseignement actuels

ou visés, intérêt du thème dans la perspective d’un futur doctorat déjà envisagé,… ;

– adéquation avec son profil personnel de chercheur : certains étudiants aiment « bali-

ser large » pour avoir une vue d’ensemble d’un large territoire ; d’autres au contraire

préfèrent approfondir au maximum un thème restreint ; d’autres encore préfèrent mul-

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tiplier les perspectives ; certains cherchent à mieux connaître et comprendre ce qui se

passe dans la réalité, résoudre à résoudre des difficultés repérées, d’autres encore à

améliorer les pratiques existantes ;

– degré d’intérêt personnel du directeur de recherche pour le thème.

3.2. Critères disciplinaires

– Adéquation par rapport à la conception de la recherche dans la discipline, conception qui implique entre autres une conceptualisation à partir des données de terrain ; une

contextualisation, une problématisation et une « intervention » (expérimentation ou du

moins projet d’expérimentation) sur le terrain : le projet de recherche permet-il de réa-

liser ces différentes opérations ?

– Efficacité pour le processus de formation à la recherche par la recherche : on va écar-

ter par exemple, sur ce critère, des thématiques de recherche qui donneraient une

place excessive aux seules compilations/synthèses de recherches déjà effectuées (une

recherche doit être personnelle, même si on s’appuie toujours pour la réaliser sur des recherches déjà réalisées par d’autres), ou à la seule description de dispositifs ou narra-

tion (une recherche doit permettre de s’entraîner à la problématisation, et laisser une

place à l’intervention personnelle, même si elle doit parfois intégrer une part de descrip-

tion voire de narration nécessaires à la justification et à la compréhension du projet).

– Intérêt de la recherche en ce qui concerne l’amélioration du processus

d’apprentissage dans le contexte retenu : propositions d’innovation méthodologique, de

nouveaux dispositifs didactiques, de nouveaux matériels didactiques, de nouvelles mé-thodes et/ou contenus pour la formation des apprenants,…

– Originalité (possibilité d’apports personnels à la recherche disciplinaire), en sachant

que la manière la plus naturelle d’être original est d’être soi-même… : il est toujours

non seulement motivant pour soi-même mais aussi profitable pour sa recherche et ren-table pour sa future carrière :

de parvenir à « mettre en synergie » au sein de sa recherche en didactique des

langues-cultures, les connaissances, expériences ou compétences préalables que l’on a déjà soi-même accumulées dans des disciplines autres : histoire, littéra-

ture, linguistique, sociologie, philosophie, économie, arts plastiques, langues

étrangères, etc. ;

ou encore de « faire jouer » des passions personnelles telles que le théâtre, le

jeu, la peinture, la chanson, la musique, l’informatique,…

– Nombre et qualité des travaux déjà réalisés sur la question : si le nombre et la qualité de ces travaux sont élevés, l’avantage est que l’on peut s’appuyer sur ces « acquis » de

la recherche ; les inconvénients sont que la phase de recherche de la bibliographie de

référence, et sa lecture, vont être plus longues, et qu’il va être plus difficile d’apporter

une contribution originale.

– Types de liens possibles avec un éventuel futur thème de thèse : une thèse peut être

conçue comme un prolongement, un l’élargissement ou un approfondissement d’un

mémoire de M2R.

3.3. Critères techniques – Faisabilité : possibilité d’accès au terrain pour le recueil des données,

l’expérimentation et/ou l’intervention pendant toute la durée nécessaire à la recherche.

– Fiabilité du dispositif de recherche : il est risqué par exemple de se lancer sur une re-

cherche en relation directe avec un pays où l’on ne sait pas combien de mois on va res-

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ter, avec un enseignement qu’on peut ne plus avoir à assurer dans quelques mois, ou

encore avec un matériel dont on ne sait pas s’il sera disponible (par ex., on ne se lance-

ra pas dans une recherche sur l’utilisation d’Internet en classe si on n’est pas sûr que

ses élèves disposeront effectivement d’un accès régulier au Web dans leur établisse-ment…).

– Adaptation à la durée prévue et aux délais (préparation du Master 2e année en un ou

deux ans, soutenance du mémoire en juin-juillet ou dans la période septembre-novembre, par exemple, en France).

– Rapidité, régularité et sûreté de la « maturation » dans l’élaboration du projet de re-

cherche : un blocage persistant, de longues hésitations ou de fréquentes remises en

question de décisions déjà prises, constituent un signal d’alarme fort que l’on doit pren-dre en compte sérieusement, quitte à modifier radicalement son projet initial avant qu’il

ne soit trop tard.

L’application de ces différents critères relève aussi d’une logique complexe, pour laquelle on a tout intérêt, par conséquent, à prévoir un temps de maturation qui permette des simplifica-

tions successives (en opérant des séries de choix définitifs), ainsi que l’émergence progressive

(qui sera plus ou moins rapide) d’une cohérence d’ensemble

Vous trouverez à l’adresse www.christianpuren.com/bibliothèque-de-travail/061 un « Guide de

présentation initiale d’un projet de recherche universitaire (mémoire ou thèse) ». Il pourra

vous donner quelques idées, même si ce modèle doit être adapté aux demandes et exigences de votre université… et des directeurs que vous pensez solliciter.

J’accepte de relire le projet ainsi rédigé (une seule fois : il s’agit d’un projet « initial » !...) de

tous les étudiants que me l’enverraient à mon adresse [email protected].

Bon courage et bonne chance !

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