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91 Deuxième partie : Les conditions d’un renouveau politique Chapitre 4 La gestion des situations conflictuelles Les messages de Gandhi, de Mandela, de Martin Luther King sont des messages d’espoir dans la capacité des sociétés modernes à dépasser les conflits par une compréhension mutuelle et une patience vigilante Stéphane Hessel 1. Les effets négatifs des conflits sur les parties. 2. Les causes des situations conflictuelles 3. Adopter une méthodologie appropriée 4. Comprendre et maîtriser les paramètres psychologiques 5. Comprendre et maîtriser le processus de la recherche d’un accord 6. Comprendre et maîtriser les rôles qu’adoptent les participants 7. Comprendre et maîtriser les techniques de manipulation Ce chapitre est consacré à la gestion des conflits et à la conciliation La vie sociale génère des conflits, chacun poursuivant la satisfaction de ses propres besoins, les intérêts divergents, c’est la norme. Toutefois, le citoyen, généralement raisonnable, comprend vite qu’il ne peut obtenir tout ce qu’il veut sans contrepartie et sans concession. La deuxième fonction essentielle du leader politique est de gérer les conflits et rechercher conditions optimales, gagnant-gagnant, de leurs résolutions. Le professionnalisme dans la gestion des conflits a fait l’objet d’une littérature abondante. Dans ce chapitre le leader politique trouvera un grand nombre de conseils, une méthodologie et des ressources pour l’aider dans sa fonction capitale de conciliateur. Le sous chapitre 7 est consacré à la manipulation. Il est évident qu’un leader politique professionnel ne se permet pas de manipuler les citoyens qui lui ont fait confiance. Mais…. Personne n’est parfait, personne n’est accusé, chacun est prévenu ! Si chacun s’abstenait de manipuler l’autre, la vie politique ne se déroulerait plus dans un ring mais dans un jardin de roses !

Chapitre 4 La gestion des situations conflictuelles · 91 Deuxième partie : Les conditions d’un renouveau politique Chapitre 4 La gestion des situations conflictuelles Les messages

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Deuxième partie : Les conditions d’un renouveau politique

Chapitre 4

La gestion des situations conflictuelles

Les messages de Gandhi, de Mandela, de Martin Luther King sont des messages d’espoir

dans la capacité des sociétés modernes à dépasser les conflits

par une compréhension mutuelle et une patience vigilante

Stéphane Hessel

1. Les effets négatifs des conflits sur les parties.

2. Les causes des situations conflictuelles

3. Adopter une méthodologie appropriée

4. Comprendre et maîtriser les paramètres psychologiques

5. Comprendre et maîtriser le processus de la recherche d’un accord

6. Comprendre et maîtriser les rôles qu’adoptent les participants

7. Comprendre et maîtriser les techniques de manipulation

Ce chapitre est consacré à la gestion des conflits et à la conciliation La vie sociale génère des conflits, chacun poursuivant la satisfaction de ses propres besoins, les intérêts divergents, c’est la norme. Toutefois, le citoyen, généralement raisonnable, comprend vite qu’il ne peut obtenir tout ce qu’il veut sans contrepartie et sans concession. La deuxième fonction essentielle du leader politique est de gérer les conflits et rechercher conditions optimales, gagnant-gagnant, de leurs résolutions. Le professionnalisme dans la gestion des conflits a fait l’objet d’une littérature abondante. Dans ce chapitre le leader politique trouvera un grand nombre de conseils, une méthodologie et des ressources pour l’aider dans sa fonction capitale de conciliateur. Le sous chapitre 7 est consacré à la manipulation. Il est évident qu’un leader politique professionnel ne se permet pas de manipuler les citoyens qui lui ont fait confiance. Mais…. Personne n’est parfait, personne n’est accusé, chacun est prévenu ! Si chacun s’abstenait de manipuler l’autre, la vie politique ne se déroulerait plus dans un ring mais dans un jardin de roses !

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1. Les effets négatifs des conflits sur les parties.

Un conflit peut être défini comme une opposition non résolue ou résolue de manière

insatisfaisante, d’intérêts, d'idées, de méthodes, d'objectifs, etc.

La confrontation qui résulte d’une opposition n'est pas négative par elle-même; au contraire,

lorsque deux ou plusieurs personnes acceptent de confronter leurs idées de manière

professionnelle, pour rechercher une solution mutuellement satisfaisante, le résultat peut être

positif pour tous. Mais une confrontation mal maîtrisée tourne souvent à l’affrontement,

lorsque les parties en cause, confondant argumentation (technique de persuasion et de

réfutation) avec accusations et agressions verbales (arguments ad hominem), perdent le

contrôle de la situation. Le débat conceptuel, dont devrait jaillir la lumière d’une troisième

voie, celle de la synthèse et de la collaboration, fait place à un antagonisme personnel

destructeur dont aucune partie ne sort indemne. Il ne s’agit plus de trouver un terrain

d’entente mais de rechercher une victoire aux dépens de l’autre, de gagner coûte que coûte ;

les associés potentiels sont devenus des adversaires acharnés.

Cette situation désastreuse se développe plus fréquemment qu’on ne le croit ; tous les conflits

ne sont pas ouverts, toutes les attaques ne se passent pas, nécessairement, au grand jour ; un

grand nombre de conflits restent secrets et les manœuvres sournoises ne sont pas toujours

décelées. Les parties à un conflit peuvent être des individus, qui ne se soucient que de leurs

intérêts mais aussi, des groupes (services, départements dans une organisation, entreprises,

institutions, états, etc.) de toutes tailles et de toutes natures dont les intérêts sont défendus par

des représentants autorisés et mandatés de manière plus ou moins claire.

Lorsqu’une opposition d’idées dérape et se transforme insensiblement en conflit, il en résulte

des effets négatifs qui se cumulent, créant un cercle vicieux qui renforce les oppositions et

accélère la dégradation des relations. La peur, pour chacune des parties, d'être perdante

produit les effets suivants :

La sclérose des positions : La peur engendre des comportements défensifs, on construits des

murs plutôt que de jeter des ponts. On s’enferme dans un système d’argumentation qui se

rigidifie avec le temps ; on répète sans cesse les mêmes arguments comme si l’incantation

avait un effet persuasif. La recherche d’une solution, satisfaisante exige de toutes les parties

en cause, ouverture, flexibilité et initiative.

a) La focalisation sur des objectifs particuliers et opposés : les parties sont

prisonnières d’un carcan des priorités qu'elles veulent imposer, au dépend des objectifs

collectifs au lieu de rechercher ensemble des solutions qui satisferaient les objectifs

communs. Aucun compromis valable n’est suggéré ; les propositions de compromis,

souvent qualifiées de « généreuses », ou d’ « intéressantes » par leurs auteurs, ne sont

souvent que des mascarades vite découvertes parce qu’elles ne tiennent pas compte

des priorités des autres parties. La recherche d’une solution satisfaisante exige la

prise en compte de priorités et d’objectifs collectivement acceptés.

b) L’aveuglement et/ou l’inconscience : Les parties n’ont plus conscience du temps

perdu, de l'énergie gaspillée, des dommages psychologiques et des coûts engendrés.

Les coûts engendrés peuvent devenir hors de proportion avec l'enjeu. Les réfutations

les plus élaborées et les mieux argumentées ne sont plus entendues, elles sont

simplement ignorées. Les faits ne sont plus reconnus comme tels, le droit disparaît

devant la croyance, l’opinion, le préjugé. La recherche d’une solution satisfaisante

exige le retour à la raison.

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c) La négation de l’autre : La reconnaissance mutuelle des parties devient négative.

Elle s'exprime de manière destructrice, excessive et sans réserve. Chacun devient un

« ennemi » dont la perte devient l’enjeu essentiel. Cet ennemi n’a plus de qualités il

n’a que des défauts ; il est donc évident qu’il faut l’éliminer par tous les moyens. Les

négociateurs investis de la mission de rechercher une solution se rejettent et/ou nient

leurs compétences ou autorités respectives. La recherche d’une solution satisfaisante

exige le respect mutuel de la personne humaine dont les besoins essentiels doivent

être satisfaits.

d) La dégénérescence : Une opposition mineure d’idées, bien délimitée dans le temps et

l’espace, se transforme en un conflit majeur de personnes. Un écart minime, au départ,

qui aurait pu être réduit, facilement avec un peu de bonne volonté, devient un fossé, un

précipice infranchissable, au fil du temps. Cette dégénérescence se manifeste par des

prises de positions de plus en plus violentes, extrêmes et irréconciliables. La

recherche d’une solution satisfaisante exige des efforts proportionnés à la

dimension et à la durée du conflit. Au plus tôt le conflit est résolu au mieux. Laisser

pourrir une situation ne peut que l’envenimer.

e) L’utilisation de la force : C'est la solution du plus fort et non la meilleure qui

1'emportera à court terme ; mais à long terme rien n’est moins sûr. Lorsqu’il n’y plus

d’autres voies que l’argument d’autorité ou le recours à la force, c’est que les

processus de recherche de solution ont été mis en échec. Il n’y a que deux causes

possibles selon moi, la mauvaise volonté ou l’incompétence. La recherche d’une

solution satisfaisante exige l’abandon de la force au profit de la méthode.

2. Les causes des situations conflictuelles

La première condition pour la résolution d’un conflit c’est la connaissance et la

compréhension correcte des personnalités impliquées, de ses origines et de ses causes. Ce

n’est pas le hasard qui suscite les conflits, mais une opposition d’intérêts, légitimes ou

illégitimes qui peut se manifester même entre personnes qui s’entendent généralement bien.

Les situations conflictuelles sont difficilement prévisibles, toutes ne trouvent pas de solutions

satisfaisantes, mais la majorité d’entre elles peuvent se résoudre correctement si les parties les

identifient rapidement et en diagnostiquent correctement les causes.

a) Des perceptions différentes par chacune des parties

Chaque partie perçoit l’opposition qui est à la source du conflit de façon différente en

fonction :

D’états psychologiques, de pulsions émotionnelles et de l’inconscient

L’état psychologique influence l’aptitude au raisonnement, à l’argumentation,

à la perception de l’autre, à la créativité, à la recherche d’un compromis etc.

Les complexes de supériorité ou d’infériorité des parties ou de leurs

représentants influencent de manière déterminante leurs comportements et leur

efficacité.

L’état psychologique varie en raison des circonstances de la vie et de la santé ;

selon le cas, l’on peut être de bonne ou de mauvaise humeur, combatif ou

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conciliant, optimiste ou pessimiste, logique ou émotif, calme, ou nerveux,

reposé ou fatigué, ouvert ou fermé etc.

L’état psychologique est influencé de manière déterminante par l’inconscient.

Celui-ci peut être « chargé » de problèmes qui freinent ou bloquent la libre

expression des idées et l’aptitude à la négociation et au compromis. Les états

dépressifs ou d’excitation, les perceptions parfois paranoïaques ou

schizophréniques de situations tout à fait normales, les névroses plus ou moins

importantes, sont autant de facteurs qu’il faut prendre en considération

De l’enjeu

L’importance relative de l’enjeu du conflit influence les perceptions de

chacune des parties. Ce qui peut apparaître mineur pour l’un est majeur pour

l’autre. L’enjeu - littéralement, ce qui est en jeu- n’est pas nécessairement le

même pour tous. Pour l’un il peut être purement matériel et pour l’autre une

question de prestige. Pour l’un il s’agit de droits acquis fondamentaux et pour

l’autre de simples contingences. Pour l’un il s’agit de Dieu et pour l’autre du

Droit

De l'environnement

Un conflit oppose toujours des individus. C’est une affaire humaine mais qui

peut mettre en cause :

o Soit des individus qui ne représentent qu’eux-mêmes.

o Soit des individus qui personnifient des intérêts, publics ou privés,

commerciaux ou financiers, de grandes structures (entreprises,

organisations publiques, institutions internationales, états) ou de petites

structures ( PME, ASBL, syndicat etc.),

Le terrain sur lequel se déroulent les négociations influence de manière

déterminante la capacité des parties à trouver une solution. Suivant que la

négociation se passe en groupe ou en face à face, sur la place publique ou

« dans les couloirs », la situation est totalement différente. La neutralité du

terrain et de l’espace consacré à la négociation fait l’objet, lui-même de

négociation dans les conflits internationaux.

Le rapport de force entre les parties ou leurs représentants influence de

manière déterminante les perceptions mutuelles, la capacité et la volonté de

négociation. Les relations de pouvoir entre parties (supérieur à subordonné,

collègue à collègue de même niveau, fournisseur à client, patronat à syndicat,

État à État, grande puissance à État mineur) influencent également leurs

« représentants attitrés » qui, en fonction du « poids de leur investiture » se

comporteront de manière plus ou moins conciliante.

De l'information disponible

La quantité, la validité, la fraîcheur des informations sont critiques dans

l'appréciation des situations conflictuelles. Plus une partie dispose d’information

sur l’autre plus elle est à même de calculer l’impact d’une proposition.

L’information c’est la force (Information is power !). C’est la raison pour laquelle

les États et les grandes entreprises engagent des montants considérables en études,

recherches, et collectes d’information par des moyens parfois extraordinairement

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complexes, sophistiqués et coûteux. Ces recherches peuvent sortir du cadre

strictement légal ; l’espionnage, les écoutes téléphoniques, les écoutes

électroniques, le pillage de banque de données dont les codes d’accès ont été

cassés, les satellites espions etc. sont autant de moyens dont l’éthique reste à

démontrer. La course à l’information n’est pas encore réglementée de manière

correcte ; c’est le chacun pour soi, le plus fort et le plus compétent gagnant

nécessairement, quelle que soit la légitimité des méthodes de collecte.

Suivant les cas, les parties peuvent disposer, sur une même situation, de données

très différentes. Compte tenu de ce qui précède, il est clair que plus on est informé

et bien informé, plus on peut être efficace mais le déséquilibre dans l’information

ne peut conduire qu’à des décisions viciées. La partie dupée, pour un temps,

développera nécessairement des attitudes revanchardes

Suivant les cas, certaines informations ne peuvent être accessibles qu’à l'une des

parties seulement. L'appréciation de l’opportunité du partage d'informations

confidentielles ou privilégiées est fonction de l'état d'esprit de son détenteur. Le

choix n’est pas évident, il est éthique et contradictoire. Comment protéger mes

intérêts si je me déforce ?

D’une "logique circonstancielle particulière"

Chaque négociateur est le fruit particulier d’une culture, d’une éducation, d’une

formation et d’une expérience qui fait qu’il est unique. Un négociateur n’est pas un

robot qui peut être remplacé comme on remplace une pièce défectueuse dans un

ordinateur. L’expression « logique circonstancielle particulière » signifie :

Que la logique d’un individu qui procède à une évaluation, décision, action n'est

"compréhensible" que dans un contexte précis d'espace, de lieu, de temps et de

relation.

Que cette logique implique une expérience, une compétence, une position de vie

(voir E. Berne, Analyse transactionnelle), une ouverture au changement ( voir M.

Kirton, Adaptateur/Innovateur), une conscience des valeurs morales ( éthique) qui

tiennent compte de la prééminence des intérêts collectifs sur les besoins

particuliers.

Que cette logique est influencée par les échecs ou succès passés reconnus ou niés

des négociateurs. Les conflits antérieurs entre les mêmes parties et le désir

éventuel de revanche, peut engendrer des comportements destructeurs vicieux qui

mènent les négociateurs à leur propre perte. C’est la logique du suicide collectif

qui l’emporte sur la volonté de vivre ensemble dans le respect mutuel.

Que cette logique reflète les méthodes, systèmes, connaissances et compétences

acquises dans l'approche de situations conflictuelles.

De l’impact que la solution en cours d’élaboration aura sur la personne et les

commanditaires du négociateur.

La négociation d’une solution exige de chaque partie qu’elle fasse des concessions. Au

cours de ce processus d’échange, chacune des parties anticipe les conséquences

positives ou négatives de chacune d’elles suivant :

L'importance de l'enjeu.

Cette importance est relative, c'est-à-dire que le coût ou l’impact d’une concession

peut être très différent pour l’une et l’autre partie. Il est classique de voir des

blocages causés par des différences d’appréciations majeures ; ce qui apparaît à

l’un comme secondaire apparaît à l’autre comme primordial.

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La difficulté de persuader d'autres parties prenantes éventuelles.

Lorsque les conflits mettent en cause des groupes, les représentants qui négocient

une solution, ne sont pas toujours aussi libres qu’ils le prétendent (mandat apparent

par rapport au mandat réel). La peur de ne pas se montrer à la hauteur, et de devoir

faire rapport à ses mandants, peut déforcer le négociateur.

La perspective d’un échec.

La négociation d’une solution au conflit implique des décisions qui sont parfois

irréversibles, de concessions sans contreparties et irrattrapables, des changements

importants de personnes et des coûts dépassant les prévisions initiales. Si tout se

passe bien, le jeu en vaut la chandelle, mais si la solution retenue ne produit pas les

effets escomptés, les changements décidés pourront apparaître,

rétrospectivement, comme des erreurs impardonnables.

b) Des parties qui négocient sur base de critères différents et parfois incompatibles

Leurs objectifs

Les objectifs, qu’ils soient, personnels ou de groupe, secrets ou connus, précis ou imprécis,

peuvent être parfois en totale opposition. Ce ne sont plus, alors, des questions de perceptions

qui sont en cause mais des questions fondamentales, préliminaires, qu’il faut résoudre. Tant

qu’il n’y a pas de réconciliation sur des objectifs communs, et compatibles, il n’y a pas de

base sur laquelle fonder une solution mutuellement acceptable.

La perte de vue des objectifs est une des causes de blocage dans la recherche de solution.

Chaque partie considérant, normalement, ses objectifs comme prioritaires ne peut accepter

que les solutions qui permettent de les atteindre. Il est, donc, primordial de faire et de refaire

régulièrement le point sur la compatibilité des objectifs, de leur clarté, de leur précision et de

leur acceptation par toutes les parties en cause et de leurs représentants.

Leurs systèmes de valeurs

Chacune des parties est guidée par un ensemble de valeurs philosophiques, sociales,

économiques, politiques, éthiques, etc. qui « programme » ses décisions.

L’ignorance ou le non-respect des valeurs complique voire empêche la recherche d’une

solution acceptable. Il est essentiel - c’est même un préalable impératif – d’identifier et de

comprendre les systèmes de valeurs respectifs avant de commencer la recherche d’une

solution. Un accord sur un ensemble minimum commun est indispensable. C’est une étape

préalable clé.

Leurs opinions (les idées reçues, les préjugés, les illusions etc.)

Chacune des parties, et c’est inévitable, au cours de la détérioration des relations qui précède

le conflit, se forge des opinions sur ses origines. Chacun estime l’autre responsable ou

coupable. Chacun considère que l’autre ne recherche que son avantage, se refuse aux

concessions les plus simples, n’est pas de bonne foi, dissimule, ment, etc.

Ces opinions et jugements réciproques influencent la capacité des parties à s’écouter,

s’entendre et à se comprendre, à tel point, parfois, que les parties ne se parlent plus ou quand

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elles le font, sous la contrainte, ne procèdent qu’à des simulacres destinés à donner l’illusion

qu’elles recherchent une solution.

Si les parties se bercent d’illusions il n’y a aucune chance qu’elles réussissent à s’entendre. La

recherche d’une solution est suffisamment complexe pour ne pas avoir, en plus, à devoir tenir

compte fantasmes réciproques.

c) Des pièges intellectuels

Le piège du contenu des mots

Il est souvent différent pour chaque partie et c’est un des pièges les plus fréquents. On croit

parler de la même chose mais ce n’est pas le cas. Des mots tout à faits usuels peuvent avoir

des contenus très différents. Par exemple, que veut dire cette simple phrase : « Je suis

d’accord » ? A première vue, elle est tout à fait positive, mais il y a accord et accord. Un

accord du bout des lèvres est très différent d’un accord-engagement. Autre exemple :

« Prochainement, ou très bientôt, nous procéderons à… » ; quel est le délai dans la tête de l’un

ou l’autre partie ?

Un mot peut être chargé émotionnellement et déclencher des réactions non prévues. Les mots

tels que : changement, rationalisation, réforme, abandon, responsabilité, pouvoir,

souveraineté, drapeau, nation, etc. peuvent déclencher des réactions émotionnelles excessives

et incontrôlées.

Un mot peut être parfois tellement imprécis qu'il crée des confusions majeures. Le mot :

accord, ce mot tellement espéré, tellement attendu, dans la bouche de la partie adverse, est,

lorsqu’il est prononcé, considéré comme sacré et on n’y revient plus par peur de le voir

s’échapper. Il est la source de bien des déboires, d’illusions et de rancœurs. La première

question à poser à quelque qui vous dit : « D’accord ! » est évidement : « Merci de votre

accord, mais voudriez-vous me préciser ce sur quoi vous êtes d’accord ? »

Cette réflexion sur le mot « accord », vaut également pour des mots tels que : coopération,

collaboration, évaluation, équipe, liberté etc.

Un mot peut être agressif, excessif, péjoratif ; l’utilisation, volontaire ou involontaire, de

certains mots influence l’état d’esprit des négociateurs

Le piège de la bipolarisation des positions

Notre style de pensée, principalement en occident, et toute notre éducation rationnelle ont

développé une propension pour l'alternative laquelle est devenue un mode inconscient de

perception de la réalité. Il y a dichotomie entre : bon ou méchant, gagnant ou perdant, vrai ou

faux, bien ou mal, etc.

Mais la réalité est faite de situations et de personnes qui ne peuvent être cataloguées dans une

simplification de langage qui est outrancière et manipulatoire. En fait, il s’agit d’une

commodité de langage qui ne pose pas de problème tant qu’on ne réfléchit pas sérieusement à

ce que l’on dit et que ce qui est dit ne porte pas à conséquence. Si je dis que dans les films de

fiction, au cinéma, il y a des bons et des méchants, personne ne songera à me contredire

sérieusement. Mais lorsque le président Bush affirme, dans une conférence de presse, que tous

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ceux qui ne soutiennent pas les Américains sont contre l’Amérique, ce n’est pas la même

chose !

Quand quelqu’un angélise et/ou diabolise un individu ou des groupes d’individus, il y a

manifestement de l’excès, personne n’est ni totalement parfait ni absolument imparfait. Un

grand homme d’état peut avoir des vices cachés et un parrain de la mafia être un excellent

époux, un père attentionné, voire modèle sous certains aspects, et un ami sur qui l’on peut

compter.

La bipolarisation est manipulatoire parce qu’elle occulte la réalité qui se présente sous forme

d’un agrégat de cas particuliers. La seule présentation objective possible d’une affirmation sur

une population donnée serait une représentation statistique sous forme d’une courbe de Gauss,

mais cela n’est pas très pratique reconnaissons-le. Tous les musulmans ne sont pas islamistes

ni extrémistes, tous les Flamands ne sont pas séparatistes et tous les Wallons ne sont pas

unilingues.

La bipolarisation liée à la généralisation peut faire des ravages et empêcher toute conciliation.

L’ignorance de la réalité des extrêmes, sur la courbe de Gauss, est la cause de nombreux

échecs dans la résolution de conflits politique majeurs.

La non-contradiction est un cas particulier de la bipolarisation. Il n’est pas concevable qu’un

même individu soit à la fois bon et mauvais. Cela nous semble contradictoire donc

impossible. Pour nous sortir de ce piège nous occultons inconsciemment (ou consciemment ?)

la partie qui nous gêne.

Le piège de l'argumentation classique ou du mode de persuasion

L’apprentissage de la persuasion se fait de manière plus ou moins efficace ; il y a très peu de

gens qui sont formés aux techniques d’argumentation. La majorité des gens utilisent des

procédés sommaires et intuitifs qui provoquent la contestation alors qu’ils visent l’adhésion.

Le modèle classique de l’argumentation comporte deux étapes :

1. Proposition : énoncé de la solution que l’on voudrait voir acceptée.

2. Justification : tentative de démonstration de la validité de la proposition) C’est le : «

Voilà pourquoi il faut retenir ma proposition »

Cette approche en deux temps stimule la contestation parce qu’elle ne tient pas compte des

caractéristiques du processus de l’écoute, qu’elle bloque au lieu de la faciliter. Lorsque

j’exprime une idée, j’attends de celui qui m’écoute, une attention totale et j’espère son

adhésion totale. Malheureusement, cette attente et cette espérance ne sont pas toujours

réalisées car celui qui écoute réagit et pas nécessairement positivement. Dès que celui qui

écoute passe du mode positif au mode négatif, il bloque son écoute pour se concentrer sur la

recherche d’arguments à opposer, ou sur la formulation de son opposition. NB Ce processus n’est pas toujours visible quoique une attention aux réactions corporelles « Body

language » permette de déceler les réactions d’opposition et d’adhésion.

Lorsque celui qui écoute manifeste son opposition, il déclenche une réaction négative dans le

chef de l’émetteur et les deux parties passent, souvent sans s’en rendre compte, sur un mode

négatif qui glisse vers le mode agressif ; chacun se sent incompris par l’autre.

Dans un contexte de relations normales, le processus d’argumentation spontané en deux

temps ne pose pas de problèmes mais en situation de conflit, il contribue à l’entretenir. Toute

mise en cause d’une proposition et de sa justification est vécue comme une "attaque"

déclenchant des comportements de type perdant-gagnant.

L’hypothèse de la bonne volonté, de l’écoute et de l’attention de l’autre, est un piège commun

dans lequel l’on tombe facilement par excès de confiance en soi. Il n’y a aucune raison pour

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que deux parties en conflit passent du mode négatif au mode positif. Pour y arriver il faut

utiliser des méthodes spécifiques, s’armer de patience, et parfois, passer par l’écriture, la

parole n’étant plus possible. L’irritabilité exacerbée par des échecs successifs, des

incompréhensions, des erreurs etc. fait que les parties ne peuvent « même plus se voir en

peinture ».

Le piège de l’auto suggestion du « bon droit » et de la « normalité »

Chacune des parties est persuadée d’avoir raison ; c’est peut-être le piège principal parce qu’il

mène à des confusions entre la croyance et le droit, entre ce qui est normal ou ne l’est pas.

La devise de la Grande Bretagne est : « Dieu et mon droit » ; quel résumé extraordinaire de

ce qui m’apparaît être la base de bien des conflits. L’opposition de la croyance en un dieu et

du droit à la justice. Je crois, mais qu’est-ce que croire ? Croire en Dieu et croire dans mon

bon droit est une réponse toute personnelle à une question qui l’est tout autant. Je ne puis à la

fois exiger pour moi la liberté de croire sans l’accorder à l’autre et exiger pour moi des droits

que je refuse à l’autre.

Ce qui est normal pour l’un ne l’est pas nécessairement pour l’autre. Qu’est-ce que la

normalité dans les relations humaines ? À partir de quand peut-on affirmer que deux états

entretiennent des relations normales ? La démocratie est-elle garante de relations politiques

normales ?

Dans un conflit chacune des parties est persuadée de son bon droit et de sa normalité, sinon il

n’y aurait pas de conflit. Certes il y a des conflits dans lesquels le « bon droit » est

indiscutable et malgré tout non reconnu, mais cela est une autre histoire. Pour se sortir de ce

piège il est indispensable, non seulement d’identifier les confusions entre droit, croyance,

normalité qui sont à la base du conflit mais encore de les clarifier pour les neutraliser.

3. La résolution des conflits exige une méthodologie appropriée

Compte tenu de ce qui précède, la résolution d’un conflit quel qu’il soit, exige de la part de

ceux qui veulent s’en sortir, une approche méthodique, de la bonne volonté, de la patience, en

bref une approche professionnelle.

Les quelques suggestions exposées ci-après ne constituent ni une potion magique, ni une

procédure à suivre pas à pas, mais un guide de réflexion. L'importance de l'enjeu, la difficulté

du conflit, l'urgence de la mise en place d’une solution, influencera l'étendue de la réflexion et

le choix des méthodes.

Comme le disaient les fondateurs de la PNL (Programmation Neuro Linguistique) … « Il n’y

a aucune obligation d’utiliser notre approche, mais si toutes les autres thérapies ont échoué,

pourquoi ne pas tester la nôtre ? »

a) La rédaction d’un synoptique du conflit

Il s’agit de la rédaction d’un document descriptif du conflit à faire approuver par les deux

parties. Ce sera la base, le premier accord, sur lequel construire la recherche d’une solution.

Lorsque le conflit n’a pas été résolu par la voie classique d’une négociation ordinaire, c’est

qu’il y a des causes qui n’ont pas été identifiées et la seule manière d’y parvenir c’est de

passer par une recherche méthodique de toutes les causes possibles en permettant à chacune

des parties de s’exprimer totalement, sans réserve tant sur sa position que sur sa perception de

la position de l’autre. Cette possibilité de s’exprimer par écrit donne l’opportunité à chacun de

communiquer, noir sur blanc, tous ses arguments, ses prétentions, ses peurs etc.

Page 10: Chapitre 4 La gestion des situations conflictuelles · 91 Deuxième partie : Les conditions d’un renouveau politique Chapitre 4 La gestion des situations conflictuelles Les messages

100

Ce document en deux volets, chaque partie développant la sienne, doit comporter :

Une description claire et synthétique de l'objet du conflit. Porte-t-il sur :

o Des résultats, des objectifs ou des moyens

o Des faits ou leur interprétation

o Des données qualitatives ou quantitatives

o Le passé ou le futur

o Des suppositions ou des preuves

o Des personnes ou des systèmes

Une description par chacune des parties des termes et facteurs à la base de sa

perception de la situation conflictuelle avec spécification des points d'accord et de

désaccord.

La reconnaissance écrite par les parties que le tableau synoptique représente

correctement leurs positions.

b) L'analyse FOP : F (fait) O (opinion) P (principe)

Le document synoptique doit ensuite faire l’objet d’une analyse par chacune des parties afin

d’en extraire les :

FAITS

Les faits sont des données incontestables par les parties.

Ex : le bilan de l'entreprise, un chiffre d’affaire, le taux d'escompte de la Banque

nationale, un texte de loi, un règlement d’ordre intérieur, l’âge, la nationalité, le statut

social (indépendant ou employé) etc.

OPINIONS

Les opinions sont des points de vue individuels, des supputations, des préjugés sur les

causes ou les conséquences d'un fait ou situation, sur une personne ou un groupe de

personnes

PRINCIPES

Les principes sont des règles ou normes admises par une partie et en vertu de laquelle

elle accepte ou rejette une proposition. Par exemple :

o Les interdits ou exigences résultants d’une pratique religieuse

o Le principe de l’ancienneté qui préside aux nominations

o Le principe des droits acquis qui empêche une modification

o La règle de la parité linguistique qui exclut une nomination

o La déontologie qui exige le respect du secret

Le but de cette analyse est d’identifier les fondements du conflit en précisant le nombre et la

nature des oppositions et des désaccords.

Cette analyse dont les conclusions sont écrites et acceptés par les deux parties constitue une

nouvelle étape dans la réconciliation en ce sens que les deux parties sont d’accord sur les

désaccords.

c) L'analyse PIN : P (positif) I (intéressant) N (négatif)

Cette analyse a pour objet de faire ressortir plus clairement les domaines de changement

potentiel, les zones de friction, mais surtout la base minimale sur laquelle un accord est

possible pour relancer la dynamique positive de la négociation Elle met en évidence ce

qu’il y a de :

POSITIF

Est considéré comme positif par une partie, tout point jugé bon pour lui dans la

position de l’autre partie.

INTERESSANT

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101

Est considéré comme intéressant, tout point qui pourrait devenir positif moyennant

certaines conditions précises.

NEGATIF

Est considéré comme négatif tout point considéré par une partie comme mauvais,

c'est-à-dire qui entraîne des conséquences inacceptables ( à justifier) pour lui.

d) L’élaboration d’une plate-forme de résolution

C’est la phase critique qui consiste dans l'élaboration d'une base commune pour rechercher

une solution. Elle précise :

les domaines d'accord, c'est-à-dire, la base positive et commune sur laquelle les parties

ne s’opposent pas.

les domaines à discuter, c'est-à-dire, les points sur lesquels les parties sont d'accord de

rechercher des solutions, réponses, précisions qui les ferait progresser mutuellement

vers un accord global.

les domaines exclus, c'est-à-dire, les points sur lesquels il y a accord de ne rien

changer jusqu’à la décision mutuelle de les faire glisser vers le domaine à discuter ou

qui feront l’objet d’un accord dans la solution qui mettra fin au conflit.

Une solution parfaite en tous points pour chaque partie n’est pas toujours possible. Des

accords dits de compromis doivent parfois tenir compte de contraintes inévitables et

irrémédiables.

Cette phase est primordiale mais si elle réussit, elle constitue un pas important vers un accord

global et la résolution du conflit.

e) L’adoption d’un mode relationnel "gagnant/gagnant"

La recherche de la solution d’un conflit ne peut se concevoir que sur le mode « gagnant/

gagnant » c'est-à-dire une attitude respectueuse de chacune des parties pour l’autre partie et

de la prise en compte de la nécessité que chacune des parties doit pouvoir sortir du conflit,

non pas en ayant grappillé des miettes çà et là, mais en ayant acquis les moyens d’atteindre

ses objectifs.

Cette recherche par le dialogue renouvelé lors des phases précédentes est spécifique à chaque

conflit, il n’existe pas de méthode générale mais des comportements adaptés et des techniques

de communication qui, bien maîtrisées sont efficaces Il y a deux stratégies classiques (sur

base des travaux de Michael Kirton) ; elles ne sont pas exclusives.

La stratégie de la « tête de pont » : c’est la réaliste, celle des adaptateurs.

Elle se fonde sur une base de départ constituée par des points d’accords, suffisamment,

solides et nombreux, une bonne réserve de domaines discutables et un petit nombre de

domaines exclus.

La tête de pont s'étend au fur et à mesure des changements de position et des nouveaux

accords enregistrés.

Ce processus est continué jusqu'au moment où la tête de pont fait basculer le conflit

vers un accord global. Les domaines exclus peuvent devenir inclus et faire l’objet

d’accords impensables au début.

La stratégie de la « solution de rêve » : c’est la plus risquée, celle des innovateurs

La solution que les parties recherchent est donc irréaliste, compte tenu des positions

actuelles, mais la recherche est acceptée par les deux parties comme un espoir de

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102

trouver, un jour, les moyens de la mettre en œuvre, elle constitue une sorte d’idéal ou

un but à atteindre.

Le processus de discussion est inverse de celui de la tête de pont. Les parties se

rapprochent de leurs positions (irréconciliables) actuelles à partir de la solution idéale

par la construction d’un schéma d’accords théoriques (impensables actuellement) mais

qui seront indispensables si l’on veut arriver à la solution retenue.

4. La résolution des conflits exige la maîtrise de ses paramètres psychologiques

Une relation conflictuelle n’est agréable pour personne ; les parties concernées, mal dans leur

peau, souffrent de la situation à des degrés divers. Cette souffrance déclenche des

comportements d’agressivité ou de fuite, des réactions épidermiques exagérées, des blocages

ou des rejets non toujours justifiés qui compliquent, voire rendent impossible, la recherche

d’une solution rationnelle.

Ces difficultés, de nature psychologiques, ne sont pas insurmontables si chaque partie prend

conscience de leur impact sur la recherche, qui devrait rationnelle, d’une solution

mutuellement acceptable. La raison devrait, évidemment, primer mais la réalité ne tient pas

compte de cette évidence. Si la maîtrise du « climat émotionnel » ne peut garantir une solution

optimale, elle peut y contribuer de façon importante. La recherche d’un compromis exige de

chaque partie des concessions parfois déchirantes qui ne peuvent se concevoir que dans un

climat suffisamment serein.

Comment assurer la sérénité ? Voici quelques conseils pratiques ; certains pourront apparaître

comme des évidences mais attention au préjugé de l’évidence ! Lorsque j’écris : «

conseils pratiques » j’entends qu’il ne s’agit pas seulement de se dire : « ah, mais oui, comme

c’est évident ! », mais de savoir traduire cette évidence par des comportements réflexes en

situation de tension, parfois, extrême. Ce n’est pas la même chose ! Il faut garder à l’esprit

les différences entre : savoir et savoir-faire, savoir-faire et savoir être.

a) Eviter d’envenimer les relations par des comportements irritants.

Le stress généré par la situation de conflit diminue notre capacité d’autocontrôle et favorise

les excès :

Des accusations telles que : vous ne me comprenez pas ! , vous ne m’écoutez pas !,

etc. sont irritantes et doivent être évitées. Si vous avez le sentiment de ne pas être

écouté ou compris, utilisez le mode « je » ; « j’ai le sentiment de ne pas être écouté ou

compris » est moins agressif.

Des gestes tels que : hochement de tête pour marquer son désaccord de manière

excessive, haussement d’épaules pour marquer son incompréhension, tapotement des

doigts pour montrer son impatience, etc. sont énervants et doivent être évités.

Des mots tels que : Toujours, jamais, menteur, incapable, artificiel, superficiel,

ridicule, etc. utilisés sans discernement, causent des réactions parfois excessives. En

temps normal, ces mots ne causeraient aucune réaction mais en situation conflictuelle,

le niveau d’acceptabilité baisse et il faut en tenir compte.

Des formulations dévalorisantes pour l’autre partie telles que la minimisation de

l’enjeu pour elle, doivent être évitées. Par exemple : « mais cela ne compte pas pour

vous ! », « cela ne vous coûte rien ! », « votre département, service, organisation, etc.

n’est tout de même pas le centre du monde ! ».

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103

Des formulations valorisantes pour soi, l’auto encensement, ou l’autosatisfaction sont

extrêmement irritantes parce qu’elles impliquent le contraire pour l’autre partie. Par

exemple : « mais moi je ne fais que mon devoir ! », « mon département, mon

personnel, mon service sait bien, lui, ce qu’est le travail sérieux ! », « moi j’ai toujours

eu le sens de la collaboration ! »

b) Eviter les réactions en chaîne et neutraliser les relations

Premier conseil : ne pas réagir du tac au tac. C'est-à-dire sa résister à la tentation de

réplique cinglante, de la réponse du berger à la bergère, de la spirale infernale de la

contrattaque qui déclenche une nouvelle attaque etc.

Deuxième conseil : recadrer l’attaque par des questions neutres. Par exemple : « je ne

comprends pas votre accusation mais je suis prêt à vous écouter, expliquez-vous à fond sur ce

point ! » Cette approche s’apparente au judo, elle force l’adversaire à s’expliquer et donc à

prendre des risques parce qu’il doit se justifier. S’il a de bonnes raisons et se justifie l’on

peut toujours les accepter sur le fond tout en demandant une meilleure maîtrise dans la forme.

Si les raisons données ne tiennent pas l’on peut facilement les contredire.

Troisième conseil : garder le contrôle de soi pour ne pas tomber dans un piège potentiel (voir

plus loin les manipulations) de l’attaque tactique qui vise à déstabiliser l’adversaire. Le

contrôle de soi est essentiel dans la maîtrise et la gestion du climat émotionnel. Il faut en

permanence garder la relation sur le mode raison en empêchant le mode émotion de faire

déraper les discutions. Ce n’est pas facile, le stress diminue nos résistances.

c) Informer l'autre partie sur ce que l’on va dire ou faire

Dans une relation tendue il est bon de « mettre des gants » pour éviter de heurter les

susceptibilités. Une affirmation trop directe peut être prise comme une agression, une

question trop abrupte peut être considérée comme une menace. Informer l'autre partie de ce

que l'on va dire, lui demander la permission est une bonne manière d’éviter des réactions

négatives inutiles et toujours désagréables.

Ex : "Puis-je vous poser une question ? " "Si vous me permettez, je voudrais vous faire une

proposition, « Cela vous ennuierait-il de faire une synthèse de votre position actuelle ? », « Je

voudrais prendre le temps de réfléchir à votre proposition, cela ne vous dérange-t-il pas ? »

Cette approche comporte plusieurs avantages :

- elle donne l'impression à l'autre partie de prendre une décision

- elle clarifie ce qui va se dire : question ou proposition

- elle permet, à l’autre partie de se préparer

- elle met de l’huile dans les rouages relationnels.

d) Maitriser ses émotions mais exprimer ses sentiments

Une relation conflictuelle génère un stress inévitable qui abaisse le niveau de résistance aux

émotions qui se libèrent plus rapidement si l’on n’y prend pas garde et interfèrent avec le

processus de recherche d’une solution qui doit rester rationnel. La colère suscite des propos

agressifs qui nuisent à la relation, la peur suscite une angoisse qui se marque par des

tremblements et des gestes incontrôlés qui trahissent l’état d’esprit et font perdre le contrôle

de la discussion. Une joie intempestive devant un gain inespéré trahit l’importance du point

marqué et peut donner l’impression d’une victoire qui n’en est pas une. Il faut donc

développer la capacité de rester neutre, (avoir la face du joueur de poker !)

Certaines personnes, restent capables, en toutes circonstances, d’exprimer leurs sentiments, en

termes modérés, sur le déroulement de leur relation avec l’autre partie. Lorsqu’elles

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expriment leurs sentiments elles le font sur le mode : « Je », c'est-à-dire qu’elles n’impliquent

pas l’autre partie. Elles sont capables d’exprimer des sentiments positifs comme négatifs :

« Je n’aime pas du tout la manière dont la situation évolue ! », « Je ne suis pas certain que

nous sommes dans la bonne voie ! », « Je suis ravi de cette avancée dans nos relations ! » etc.

La contribution de l’expression des sentiments est capitale pour le maintien d’un « dialogue

humain » qui est indispensable pour toutes les parties.

e) Eviter les contrepropositions systématiques

Au cours de la recherche d’une solution, chaque partie fait des propositions plus ou moins

élaborées ce qui présente un risque évident de cafouillage. Chaque partie en fonction de son

inspiration ou en réaction à une proposition émise par l’autre propose ou contre propose

parfois de manière intempestive et perturbatrice, ce qui nuit au processus de recherche. Les

parties ne savent plus où donner de la tête et perdent le fil de leur progression. La maîtrise du

processus de recherche d’un accord dans un conflit, qui par définition, est un désaccord, est

essentielle.

Une contreproposition, est une forme de négation qu’il faut éviter. Voici quelques

suggestions :

Faire exprimer par les deux parties toutes les propositions avant de les examiner en

les mettant toutes sur le même plan.

Examiner toutes les propositions exprimées jusqu’à ce qu’il y ait accord ou non en

respectant les principes d’un débat professionnel.

Si, au cours des cet examen une partie désire faire une nouvelle proposition, elle

s’ajoute, simplement à la liste comme étant une « nouvelle » proposition et pas comme

une contreproposition.

Ne pas s’exprimer pour « occuper le terrain » mais pour contribuer à la solution.

Certaines personnes parfois, pleines de bonnes intentions confondent créativité avec

productivité ; la solution d’un conflit ne se trouve pas dans une masse de propositions

spontanées mais dans la qualité de proposition, bien étudiées. De plus, chaque

proposition rejetée démotive son auteur qui doit faire un effort pour surmonter son

dépit et le stress qu’il engendre. Le gaspillage d’énergie est parfois très important et

frustrant.

f) Ne pas marquer son désaccord, le justifier

Si une proposition est tout à fait inacceptable, la rejeter entraîne une réaction négative de celui

qui l'a faite et toutes les bonnes raisons qui motiveront le refus seront perçues négativement.

Il faut proposer à son auteur une analyse pour le conduire à son retrait, c’est plus productif.

Exemple : "Votre proposition est digne d'intérêt, examinons-la ensemble".

En étudier, ensemble, les divers aspects et expliquer le pourquoi des insuffisances pour aider

l’auteur à conclure lui-même à l’inacceptabilité de sa proposition.

g) Prudence et méfiance. Attention aux manipulations La résolution d’une situation conflictuelle met en jeu des intérêts divergents. L’honnêteté des

participants ne peut être considérée comme allant de soi. Sans tomber dans la paranoïa, il faut

garder la tête froide. Les techniques de manipulation sont nombreuses et efficaces, elles ont

fait l’objet d’études sérieuses Il vaut mieux les connaître et les maîtriser.

h) Patience. S'attendre au refus qui n’est souvent qu’un obstacle dû à une incompréhension.

La recherche d’un accord implique le désaccord. L’on pourrait même dire que le désaccord

est la règle et l’accord un aboutissement, donc, l’exception. Il faut avoir en permanence à

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l’esprit que le vieux principe de « cent fois sur le métier remettez votre ouvrage » est

d’application en matière de résolution de conflit. Il est bien connu que les experts en matière

de négociations internationales maîtrisent parfaitement ce facteur de succès.

i) Cadenasser l’accord

Pratiquer la technique de l'accord global, c'est-à-dire, différencier l’accord partiel (sur un

point) de l’accord global (sur tous les facteurs en cause) qui résout le conflit. Distinguer

également le oui « du bout des lèvres et les yeux dans le vague » dans lequel des réserves non

énoncées (les doigts croisés dans le dos) du oui « engagé droit dans les yeux ».

Verba volent, scripta manent. Un écrit signé devant témoins est une nécessité absolue.

En matière de résolution de conflits même des accords écrits donnent lieu à des

interprétations ultérieures, alors en l’absence d’écrit, tout est permis.

5. Comprendre et maîtriser processus de la recherche d’un accord

La recherche d’un accord entre deux ou plusieurs personnes ne pose pas de difficultés

insurmontables, en situation normale, lorsque tout le monde est de bonne foi, que l’enjeu n’a

pas d’intérêt majeur pour les parties, et que les ressources disponibles permettent de satisfaire

tout le monde. Mais en certaines situations difficiles où des intérêts conflictuels sont en jeu,

la recherche d’un accord exige le respect de certaines règles et la maîtrise de certains

comportements. Des recherches comportementales menées dans les années 1970 1980 ont

permis de modéliser le processus optimal de recherche d’un accord ; ce processus comporte

trois phases : l’introduction, la clarification, l’entente et 13 comportements spécifiques.

Source :Huthwaithe Research Group Neil Rackaham.

Le processus est influencé par des interactions de nature rationnelle et émotionnelle qui

facilitent ou perturbent son déroulement Les parties doivent être particulièrement attentives à

toutes les étapes de ce processus qu'ils doivent maîtriser parfaitement pour atteindre leurs

objectifs.

Une discussion spontanée, en temps normal ne respecte pas toujours le processus et cela ne

porte pas à conséquence mais en situations conflictuelles, il est capital de le respecter.

a) La phase d'introduction comprend deux comportements

Proposer

Consiste à soumettre, pour approbation par le groupe, des suggestions ou des idées sur le

fond, la forme et les procédures de travail, exemple : "Voici les objectifs de notre réunion, les

acceptez-vous ?"

Contre-proposer

Consiste à soumettre une autre proposition en parallèle ou en opposition à une proposition

déjà faite mais non encore examinée, exemple "Avant de discuter nos objectifs nous pourrions

peut-être nous présenter !"

b) La phase de clarification comprend deux comportements

Questionner (donner la parole à l’autre)

Consiste à rechercher des informations, une clarification des faits ou des opinions sur les

propositions et/ou les contre-propositions ainsi que toute autre information de nature à mieux

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comprendre ce qui a déjà été communiqué. Il donne la parole aux autres, c’est généralement

bien perçu. Exemple : "Pourquoi l'objectif N° 1 ?" "Pouvez-vous expliquer pourquoi vous

suggérez les présentations avant l'accord sur les objectifs ?"

Affirmer (prendre la parole)

Consiste à fournir des faits, des informations ou des opinions, suite, ou non à une demande.

La prise de parole même si elle est indispensable peut dériver sur une monopolisation qui est

généralement mal perçue et peut susciter une opposition. Exemple : "L'objectif N° 1 est

prioritaire pour moi dans le contexte concurrentiel actuel"

c) La phase d'entente comprend quatre comportements

Vérifier la compréhension

Consiste à établir si une contribution précédente a été comprise et ainsi rechercher un premier

accord au niveau de la compréhension. Il donne la parole aux autres et c’est l’ancrage d’un

accord futur. Exemple : "Puis je m'assurer que sur ce point, nous parlons bien de la même

chose ?" "Puis-je donc considérer que, sur ce point, nous sommes tout à fait d'accord ?"

"Comment comprenez-vous cette procédure. Expliquez-moi ce que vous entendez par ... ?".

Une réponse positive indique un progrès dans le groupe, une réponse négative indique la

nécessité d’une clarification.

Reformuler ou résumer

Consiste à synthétiser sous une forme plus ou moins compacte le contenu d'une discussion ou

des accords conclus antérieurement et à faire accepter cette reformulation ou ce résumé par le

groupe. Il stimule le groupe à s’unir. Exemple : "Résumons-nous : si nous acceptons de

donner la priorité à cette nouvelle stratégie de marketing, les points suivants. A.B.C. de notre

programme-qualité sont d'application immédiate. Sommes-nous bien tous d'accord ?"

Développer

Consiste en une extension ou un élargissement d'une proposition faite par un autre participant

tout en lui en attribuant la paternité. Ce comportement est une des clés de l’accord puisqu’il

reprend une proposition pour la rendre plus acceptables. Exemple "... votre proposition de

campagne publicitaire serait encore plus efficace si on la soutenait par une action de relance

auprès de nos distributeurs ».

Décider

Consiste en une proposition de rapprochement de points de vue divergents par l’utilisation de

diverses méthodes et systèmes qui permettent de construire un accord en toute rationalité.

Exemples : les classements par pondération, les arbres de décision, les systèmes experts, etc.

(Voir l'article : "Décider en groupe" de Jay Hall).

d) 3 comportements facilitant les interactions et l'accord

Supporter : Consiste à déclarer ouvertement son accord et son soutien à une

proposition à une opinion ou à un concept émis par un participant, exemples : "Oui,

ça me va », "Ca me semble correct." "Parfait Paul, je vais essayer ta proposition."

"Bien d'accord avec la majorité sur ce point."

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Encourager : Consiste à déclarer ouvertement son soutien à un participant, exemple :

"C'est Jacques qui a le plus d'expérience, faisons-lui confiance. " Je considère la

proposition de Jacques comme idéale dans le contexte de nos objectifs »

Faire participer : Consiste à inviter un membre du groupe, en retrait et jusque-là

passif, à s'exprimer, exemple : "Jacques, quelle est ton idée sur ce sujet ? Crois-tu que

notre proposition soit vraiment réaliste ?" "Karl tu as été très calme jusqu'à présent, je

me demande si notre solution te convient ? »

e) 3 comportements perturbant les interactions et l'accord

S'opposer : Consiste à exprimer son désaccord et à désapprouver une proposition,

une opinion, un fait émis par un participant, soit de façon positive, soit de façon

négative, exemple : "Non, je ne suis pas d'accord avec vous sur ce point.", "Je

n'aime pas du tout cette idée.", "Le seul problème, c'est que votre suggestion ne

peut être mise en pratique."

Attaquer et se défendre : Consiste soit à agresser un participant directement, ou

indirectement, par l'utilisation de jugement de valeurs et d'arguments ad hominem,

soit à se défendre contre des attaques supposées ou réelles. Exemples "quel tas de

bêtises, c'est bien une attitude de ..." (commercial, comptable, administratif. etc.)

"Quant à votre second point, ou bien c'est de l'incompétence pure, ou bien c'est une

invention propre à ruiner des années de patient travail." "Ne me regardez pas

comme ça, ce n’est pas ma faute si ce type-là fait partie de mon équipe ...."

Interrompre : Consiste à empêcher un participant de s'exprimer en lui coupant la

parole, exemples : "En ce qui concerne cette affaire, je crois que... (interruption)"

"On ne vous demande pas de croire, on vous demande des faits !"

6. Comprendre et maîtriser les rôles qu’adoptent les participants

De nombreuses recherches ont démontré que les gens ont tendance à utiliser certains

comportements plus souvent que d'autres, en fonction de leurs personnalités, intérêts et

niveaux de motivation. L'étude détaillée des comportements individuels ainsi que leur

classement permet de définir les rôles "joués" dans les groupes de travail auxquels ils

participent. On peut distinguer trois grands types de rôles.

a) Le rôle centré sur l'atteinte du résultat

Ils se caractérisent par l’apport d’idées, de suggestions, d’opinions, de solutions et de

recherche d’opinions, de faits, de suggestions, de solutions etc. Celui qui tient ce rôle,

Questionne, reformule, résume, recentre le débat. Il n’utilise que rarement les

comportements négatifs

b) Le Rôle centré sur la cohésion du groupe

Il se caractérise par des encouragements, le support, le développement des idées des

autres, la réduction des désaccords et la recherche de compromis faire. Il participe à la

police des débats en faisant intervenir ceux qui se taisent et en interrompant les bavards

c) Le Rôle centré sur l'autosatisfaction

Il se manifeste par un excès de prise de parole pour faire des contrepropositions "plus"

intéressantes ou logiques, pour rejeter des propositions déjà acceptées par la majorité du

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groupe, pour prolonger les débats en apportant constamment des nouvelles idées,

opinions, suggestions, pour avancer des solutions dont l'utilité n'est pas évidente, pour

refuser tout compromis en amplifiant les divergences semer systématiquement le doute en

mettant en cause la validité des propositions.

Ce participant est un maître du jeu du "Oui, ... mais ... ! », du « On ne sait pas vraiment si

cela va marcher ! », du « Chez nous, c’est différent !" Il a l’art de transformer les

objectifs de la réunion en objectifs de contestation et/ou de revendication personnelle.

7. La connaissance des techniques de manipulation

Ce chapitre est basé sur de nombreuses expériences personnelles et celles des cadres qui

suivaient mes séminaires sur la communication. Il a pour objet de montrer comment des

techniques manipulatoires peuvent être mises en œuvre par des personnes formées en ce

domaine pour détourner le travail du groupe et empêcher celui-ci d’atteindre ses objectifs,

notamment celui de résoudre un conflit.

La connaissance de ces techniques est essentielle ; en effet, celui qui les maîtrise dispose d’un

avantage déterminant et intolérable.

Les quelques 30 techniques que je présente ne forment pas un inventaire exhaustif ; ceux que

la question intéresse pourront utilement consulter les ouvrages de Wladimir Volkoff, et de

Lionel Bélenger. A noter que ces techniques peuvent être utilisées isolément ou en

combinaison avec d’autres suivant les circonstances : dialogue, réunion, exposé écrit, etc.

1 La stratégie de la fixation du moment d’une réunion

C'est le choix du jour, de l’heure et de la durée de la réunion pour mettre les participants sous

pression. Par exemple avant le déjeuner ou en fin d’après-midi encore mieux un vendredi

vers 16.00h. Avec un agenda bien chargé les participants seront plus « malléables »

2 La stratégie de la fixation de l'agenda d’une réunion

C’est structurer l'agenda de façon à mettre le sujet délicat à la fin. De cette manière, les

dépassements bien classiques pour les premiers sujets s'accumulent ; il est difficile de

maîtriser les temps de parole ! Ces dépassements amputent le temps prévu pour le sujet

délicat qu'il faudra traiter " malgré tout" tout en respectant l'heure de départ parce que

chacun a d'autres obligations et peut être, même devoir, à contre cœur, le reporter.

3 L'impréparation des participants

C’est communiquer tardivement l’agenda aux participants pour mieux en garder le contrôle.

Moins un participant est préparé au mieux on peut le manipuler. L’oubli (involontaire !)

d’inviter une personne dont on sait qu’elle est difficile à convaincre ou opposée au sujet à

traiter fait partie de cette technique.

C’est aussi ne communiquer aucun document avant la réunion de façon à se réserver le

monopole du savoir. " Savoir c'est Pouvoir ! "

4 La surprise

Sortir " un lapin de son chapeau " pour dérouter les participants. On ne discute pas de ce que

chacun attendait, l'essentiel, mais on discute de choses secondaires, voire triviales.

L'effet de surprise se décline de diverses façons: invité surprise, changement d'agenda,

modification d'horaire et réunion plus courte qu'annoncée etc.

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5 Le flou artistique et la fausse démocratie

Lancer les débats, sans préciser ce que l'on en attend du groupe, en termes de résultat. Il n’y

a pas de plan, pas d'objectifs, pas d'introduction claire qui permettent au groupe de discuter

efficacement. Laisser le groupe dans un vide soi-disant démocratique (non directivité

manipulatoire), de sorte qu’il discute de tout et de rien. Un tour de table dans lequel chacun

peut s’exprimer sans instruction précise permet de noyer le débat dès le début.

6 L'écran de fumée

C’est dévier le débat sur une fausse piste ; pour éviter que le vrai débat ait lieu, on prend la

parole pour égarer les esprits en lançant des idées intéressantes mais inutiles dans le cadre des

objectifs de la réunion.

7 Semer la pagaille

Laisser la discussion s'enliser sans intervenir. Ne pas recentrer le débat, ne pas résumer les

discussions, ne pas identifier les tendances ni faire clarifier les oppositions.

Ne pas rappeler à l'ordre ceux qui s'égarent (plus on s'égare, au mieux !). Ne pas fixer un

temps de parole. Ne pas constater que la discussion tourne en " eau de boudin " etc.

8 La non-assistance à groupe en perdition

N'apporter aucune aide aux participants, ne pas rappeler les procédures et les règles de

décision afin de pouvoir, ultérieurement, soit contester les décisions prises et accuser les

participants d'inefficacité ou d'erreurs, soit retourner contre eux leurs manquements et arguer

du fait accompli. " C’est vous qui avez décidé ! ".

9 Bloquer la communication

Ne pas laisser de temps aux participants pour se consulter, en petits comités par des

suspensions de séances. Garder le groupe sous pression en arguant de l’urgence et de

l’impossibilité de se consulter. Ajourner un débat qui ne progresse pas comme on le

souhaite, à une date ultérieure, sous de fallacieux prétextes.

10 La stratégie de la décision

C'est le choix de la technique de décision la plus appropriée pour obtenir le résultat désiré et

non le résultat optimal. Au lieu d'utiliser l’une des nombreuses méthodes rationnelles et

objectives difficiles à manipuler, l'on proposera un vote plus facile à téléguider.

Savoir formuler une proposition ou une question permet d'orienter une décision collective. Il

est, par exemple, bien connu qu'il est difficile de s'opposer et de dire " non " en groupe. Par

une question habilement formulée, l'on peut quasi garantir le résultat d'un vote.

11 Forcer la conclusion En annonçant que la fin de la réunion approche, qu'il se fait tard et que chacun a d'autres

priorités en souffrance, l'on met les participants sous pression. Ce faisant le président arrache

la décision, ce qui lui permet de la téléguider dans le sens désiré.

12 Les passe-droits et les privilèges

Refuser de donner à chacun le droit de s'exprimer en prétextant le manque de temps. Tous les

participants n'ont pas le même poids. Certains sont privilégiés.

Le président oublie systématiquement les demandes de parole de certains participants. C'est

aux " amis " qu’il confie le soin de résumer les discussions.

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13 La transaction imaginaire

Proposer, pour en terminer avec un débat qui n’aboutit pas, une « transaction pour mettre tout

le monde d'accord » sur base d’une proposition murement préparée et suivie immédiatement

d’un vote sans qu’elle ait pu être examinée correctement. De guerre lasse, le groupe

l’adopte.

14 Le chantage :

Aux bons sentiments : Il occulte la raison en donnant mauvaise conscience.

Pur et simple : C'est la pression de la discipline de vote.

15 La minimisation et l'exagération

C'est l'utilisation du toujours et du jamais, de superlatifs, etc. dans le but de modifier la

perception d'une situation. Il ne fait pas chaud mais très chaud !

C'est l'utilisation du " c'est pas si grave… " du " c'est toujours la même chose… " , du " on

ne peut jamais … " du " si ça continue, c'est la catastrophe…" . Le préjudice n’est pas très

important ! Il n'a pas fait de tort à ses collègues ! Ce qu'on lui reproche n'est pas si grave !

Si on le licencie, tout son département est en danger !

16 La généralisation ou l’amalgame C’est un processus d’argumentation qui consiste à déduire une règle générale, à partir d’une

ou plusieurs constatations ou expériences. Ce processus très commun, est toutefois souvent

vicié par des déductions hâtives ou erronées. Il est fréquent d’entendre dire par exemple que:

les Anglaises sont rousses, les Allemands sont efficaces, les Italiens sont créatifs et jouent de

la guitare etc. Ces généralisations qui n’en sont pas ne sont que des préjugés. Nous en faisons

tous, tout à fait inconsciemment.

Pour faire plus vrai, et pour attirer l’attention, certaines personnes peu scrupuleuses

transforment une observation, un fait isolé en une généralité, l’exception devient la règle, le

« un » devient « tous », le «des » devient « les ».

Il est fréquent d’entendre des reporters, à la Radio ou à la télévision, utiliser des expressions

telles que : « le pays est à feu et à sang », « la ville n’est plus qu’un tas de cendre » ; chacun

sait bien que cela n’est pas vrai et que cela n’est qu’une image dont le but est de frapper

l’imagination des auditeurs ou téléspectateurs.

Il faut donc être très attentif à ce qui est dit ou écrit et distinguer le « les » du « des » : Les

politiciens sont… ou Des politiciens sont.., n’a pas la même signification.

La généralisation à partir d’observation doit être faite de manière objective. Combien de faits

ou de constatations ont-ils été rassemblés pour procéder à la déduction et l’ensemble de ces

constatations est-il cohérent ?

L’estimation de la fréquence d’une observation doit être correcte. Se produit-elle toujours,

souvent, rarement, exceptionnellement ?

Lorsqu’une critique est émise sur l’action d’un parti, s’applique-t-elle à tous les membres ou à

une minorité d’entre eux ?

C’est la banalisation d’une faute commise en prétendant que tout le monde la commet ou

qu’elle est inévitable. La fraude fiscale, par exemple est un " sport national " ! C'est

évidemment ignorer que la majorité des citoyens n'a aucune possibilité de frauder.

17 Le tour de passe-passe. C'est remplacer un vrai débat par un faux débat. C'est focaliser l'attention sur un sujet

secondaire alors que le sujet essentiel n'est pas évoqué ou sommairement traité.

Pendant que l'on discute de la couleur des murs des couloirs et du ticket repas de la cantine

on ne parle pas de l'essentiel, c'est à dire de l'augmentation des prix !

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C’est faire débattre un comité sur des propositions qui n’ont pas été communiquées et de

prétendre, en cours de la discussion, que l’on ne dispose pas de toutes les informations pour

décider.

18 Le doute et la suspicion. " Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose ! ". Procédé bien connu et toujours

efficace. C’est le moyen utilisé par Bush et Blair pour décider de l’invasion de l’Irak en dépit

de l’avis contraire du Conseil de sécurité. Le " On ne sait jamais " glissé au bon moment peut

déstabiliser un convaincu. Le " Croyez-vous à la totale honnêteté de x ? " est ravageur.

19 Mélanger systématiquement le vrai et le faux.

Qu’il y ait des bons et des mauvais citoyens durant la guerre de 40/45, c’est une évidence,

mais encore faut-il préciser les critères de jugement permettant de distinguer les bons des

mauvais. La réalité est que si certains Belges et non Belges se sont effectivement rendus

coupables de faits hautement répréhensibles à l’époque, la plupart des Belges se sont

comportés de façon tout à fait honorable, allant parfois jusqu’à poser des d’actes d’héroïsme,

ou de dévouement exemplaire. Personne n’a jamais fait le compte.

20 Prouver une affirmation par des images qui ne sont pas authentiques ou truquées. C’est la méthode utilisée pour prouver que, durant la période coloniale, les Belges faisaient

couper les mains, même des enfants. La publication d’une photo d’un corps mutilé sans

précision des circonstances, de la date et du lieu de la mutilation, et sans vérification de son

authenticité, constitue une manipulation évidente et une violation grave de la loi et de

l’éthique de la presse. On peut comprendre l’erreur involontaire mais lorsque les média

publient des images non authentifiées, sciemment, il s’agit bien de manipulation et de

violation de la déontologie journalistique. Cette méthode est d’ailleurs largement utilisée

dans les images publicitaires pour prouver l’efficacité des produits.

21 Confondre image avec message et mélanger message faux avec image vraie.

Il faut expliquer les images, par des commentaires appropriés, surtout si elles prêtent à

diverses interprétations. Une image doit rester un support à un message et non pas « être le

message ».

La publication sur Internet (site anticolonial Cobelco), sans commentaires appropriés, du

tableau d’un artiste qui montre un Administrateur de territoire faisant administrer la chicotte

est un bon exemple. Les photos publiées dans le Monde du 23 juin 2006, issues des archives

de l’Union Minière, au Congo Belge, en sont un bel exemple. La photo du haut d’une demi

page montre des Noirs nus et squelettiques avec la légende « travailleurs de l’entrepreneur

Wittaker à Ruashi ». La deuxième photo de même format, montre le cercle des cadres de

l’Union Minière. Le lecteur inattentif est évidemment choqué. Il faut lire en bas de page le

commentaire en petits caractères pour réaliser que ces hommes sont des « futurs travailleurs »

qui vont entrer à l’hôpital de la société pour être soignés. Le Monde ne montre pas les autres

photos du même lot notamment, la photo des mêmes travailleurs bien nourris, en bonne santé

après deux mois de séjour.

22 Focaliser, hypnotiser.

C’est l’utilisation des faiblesses de nos organes sensoriels et de notre cerveau, faiblesses qui

sont, par ailleurs, le revers de leurs qualités. Lorsque l’on se concentre sur un point particulier

d’une image pour mieux l’analyser, on ne peut en voir la totalité. Lorsque l’on se concentre

pour écouter quelqu’un, l’on n’entend plus le bruit environnant. Lorsque nous nous

concentrons sur un sujet, nous oublions le monde extérieur.

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Ce type de manipulation utilise la structure duale de notre cerveau : l’hémisphère gauche qui

est le siège de la raison et l’hémisphère droit qui est le siège des émotions et des sentiments.

En focalisent notre attention sur des crimes ou des situations éminemment dramatiques le

manipulateur développe un sentiment de culpabilité qui bloque nos capacités intellectuelles

grâce auxquelles nous pourrions réagir rationnellement en mettant en question la véracité des

affirmations et accusations.

Le prestige de l’autorité et la réputation des chaines de radio ou de télévision induit une

véritable confiance hypnotique du public, ce qui leur permet de communiquer des analyses

biaisées. La manipulation de l’opinion publique est une réalité dont peu de gens ont

conscience.

23 Les faux raisonnements.

Ce sont tous les raisonnements piégés par des affirmations fausses (contrevérités) ou non

vérifiées.

La relation de cause à effet, la déduction ou l'induction sont très efficaces dans la persuasion ;

malheureusement elles peuvent être fréquemment erronées.

Les arguments du type " fait accompli " et " la théorie juridique du droit acquis " sont des cas

classiques ; aucun juriste, à ma connaissance, n'a émis de théorie en ce sens.

Les arguments du type : « Si nous décidons et que nous nous trompons, nous commettons une

faute plus grave que celle commise ! »

« Si nous décidons aujourd’hui et qu’il est innocent il sera trop tard pour revenir en

arrière ! » sont de bons exemples de faux raisonnements.

24 L'alternative.

Elle consiste à enfermer la discussion dans deux options opposées et extrêmes. On omet de

rechercher et de proposer des options intermédiaires. C'est blanc ou noir, le chaos ou l'ordre,

bien ou mal. La dichotomie simpliste est une technique remarquable parce qu'elle apparaît

offrir un choix.

25 La fausse hypothèse.

Ce procédé extrêmement efficace, consiste à baser un raisonnement sur une hypothèse non

vérifiée. Si nous remettons notre décision à plus tard, c'est-à-dire lorsque nous aurons tous lu

le rapport, il sera trop tard et les conséquences de ce retard seront dommageables.

26 La déstabilisation par l’argumentation « ad hominem ».

C’est la personne qui est mise en cause et non ses actes. La confusion volontaire entre la

personne et des actes, commis, parfois de manière involontaire et exceptionnelle, est

clairement manipulatoire et diffamatoire.

C'est aussi l'utilisation d'accusations, souvent à peine voilées, d'incompétence, de caractère

ombrageux, d'instabilité émotionnelle, de sénilité précoce, de péché de jeunesse, etc.

Ce sont, aussi, toutes les attaques vicieuses faites dans le dos, l'intéressé n'ayant pas

connaissance des critiques qu'on lui adresse avec vigueur à son insu.

Ce sont, enfin, les excès de langage, termes irritants et excessifs destinés à faire monter le

taux d'adrénaline et faire faire un faux pas!

C’est mettre en doute la bonne foi, c’est évoquer de possibles intérêts occultes : « vous êtes

un agent du capitalisme, un exploiteur, un antisémite etc. ». Ces accusations, non fondées et

souvent intempestives sont extrêmement efficaces parce que difficiles à contrer, l’accusé étant

en position défensive.

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27 L’achat du silence, la corruption

Le procédé est vieux comme le monde mais toujours efficace. Il consiste « à mouiller » les

opposants potentiels en leurs accordants des avantages tels qu’ils perdent la possibilité de

participer objectivement à une décision. Ils sont devenus, du fait de leur compromission, les

complices de ceux qui les leurs ont accordé. Cette technique se décline de nombreuses

manières par exemple:

En politique, ce sont les titres et prébendes accordés par ceux qui sont au pouvoir

pour acheter les votes.

Dans la maffia, c’est l’ordre donné d’éliminer physiquement un ennemi ; celui qui a

du sang sur les mains devient « docile ».

Dans les affaires, ce sont tous les « cadeaux » qui « mettent de l’huile dans les

rouages » et facilitent l’obtention de conditions de ventes plus favorables. Celui qui a

bénéficié d’un « voyage d’étude » devient malléable lors des négociations sur les prix.

Dans les administrations, et services publics, ce sont les dessous de table, les

enveloppes, les postes d’administrateurs de complaisance dans des sociétés de

fournisseurs de service distribués ou alloués aux décideurs pour gagner de juteux

contrats.

L’étude de la corruption mériterait à elle seule un livre. La presse en fait état

quotidiennement ; je ne cite personne mais chaque lecteur identifiera facilement une ou

plusieurs situations proches de lui.

28 Les menaces.

C’est décourager les bonnes volontés, en exagérant les difficultés et les risques d'un projet

dont on ne veut pas, c’est inventer des obstacles imaginaires, susciter l'angoisse en imaginant

des conséquences extrêmes et imprévisible telle l’ouverture de la boite de Pandore.

C’est par exemple : une évocation d’une remise en cause de la carrière professionnelle, une

allusion discrète à un déplacement possible à l’étranger, etc.

Les arguments du type : « On ne peut pas imaginer les conséquences graves auxquelles nous

serons confrontés si nous décidons de… ! » « Que se passera- t-il si l’intéressé conteste notre

décision et saisit la justice ? » « Combien risque de nous coûter cette décision si elle est

erronée ? », n’ont pour autre fonction que de faire monter le taux d’adrénaline chez les

participants, de susciter leur angoisse et d’éviter que la décision ne se prenne.

29 Le changement de canal d’argumentation

Cela consiste à contredire une argumentation rationnelle par des arguments émotionnels. Par

exemple attaquer la personne qui présente une analyse méthodique et chiffrée d’un projet par

la mise en cause de son honnêteté ou de son expérience. Ce changement de niveau : de

projet à personne ou/et de rationnel à irrationnel est très efficace parce qu’elle déstabilise

l’attaqué en le mettant sur la défensive.

30 Le changement de perspective temporelle

Elle consiste modifier la perspective d’un débat en passant du passé au futur. C’est un des

trucs les plus utilisés en politique. Un débat sur les responsabilités dans un échec se

transforme en promesses de rectification des causes et d’améliorations. Cette technique est

basée sur la faiblesse de nos capacités mémorielles ; cette faiblesse a pour nom : l’oubli.

En réunion, elle est fréquemment utilisée ; lorsqu’une discussion n’évolue pas dans le sens

désiré par le président, il propose un ajournement ou un renvoi aux calendes grecques. Peu

nombreux seront ceux qui s’en souviendront.

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