Charles de Foucauld face aux Touaregs. Rencontre et malentendu (Terrain, n° 28, pp. 29-42.)

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    Dominique Casajus

    Charles de Foucauld face aux Touaregs. Rencontre et malentendu.

    Article paru dans Terrain, n 28, 1997 : 29-42 [http://terrain.revues.org/index3167.html ].

    Nous sommes la fin du mois de janvier 1962* . Sur le plateau delAsekrem, un haut fonctionnaire franais visite une dernire fois le gourbi o

    Charles de Foucauld a vcu et travaill avec son informateur Ba-Hammou la

    fin de 1911. Cinq mois plus tt, De Gaulle a annonc quil renonait toute

    prtention sur le Sahara, levant ainsi lun des principaux obstacles sur lesquels

    avaient achopp en juin et juillet 1961 les plnipotentiaires de Lugrin et dEvian.

    Les ngociations ont alors repris et sont entres depuis dcembre dans une phase

    que tous savent finale. Inluctable, lindpendance de lAlgrie - Sahara compris

    - nest plus dsormais quune question de mois. Tandis quil contemple leHoggar ses pieds, paysage lunaire [...] mais devenu, force dme, si

    trangement franais , lhomme sent les larmes lui venir aux yeux...

    Ce haut fonctionnaire est Olivier Guichard. Il prside cette chose trange

    qui sappelait lOrganisation commune des rgions sahariennes [OCRS]

    (Guichard 1980 : 379 ; 380-381 pour la citation prcdente), machinerie

    juridique travers laquelle la France avait espr maintenir une forme de

    souverainet sur le Sahara, et que le revirement de De Gaulle a rendue caduque.

    Ces larmes verses sur un empire son crpuscule par un homme qui marche

    sur les traces du Pre de Foucauld peuvent servir dexergue la prsente tude,

    tant elles rvlent combien lermite du Hoggar aura t lune des figures

    tutlaires de la colonisation. Populariss par une abondante littrature

    hagiographique, son destin singulier, sa vie rmitique, sa mort tragique

    sanctifiaient luvre coloniale et contribuaient lgitimer les prtentions

    franaises sur les terres arides o il avait exerc son ministre et vers son

    sang1.

    Il y a toujours des Judas...

    Je nexaminerai pas ce que la geste clbrant la marche de Foucauld vers la

    saintet et le martyre a de controuv, et nen considrerai quun seul trait : les

    hommes dans lintimit desquels il a vcu presque continment du 11 aot 1905

    au 1er

    dcembre 1916 ny apparaissent quen simples figurants, marionnettes

    obsquieuses ou malveillantes quon agite et fait grimacer lorsque lintensit

    dramatique lexige. Ainsi, le tableau christique compos autour de sa mort

    ntait pas concevable sans un Judas. On le trouva donc. Le rle revint Madani

    ag Gibbo, lhomme auquel, le soir du 1er dcembre 1916, Foucauld a ouvert

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    sans mfiance la porte de lermitage fortifi de Tamanrasset2. Le personnageaura t pour les hagiographes une source intarissable de morceaux de bravoure.

    Ngre aux mille larcins que Foucauld a tant de fois secouru et combl de

    bienfaits , ce mauvais berger ayant entran sa suite la troupe des

    fellagas venue investir lermitage apparat comme lexcuteur de la besogne infme ; tout cela le dsigne, bien entendu, comme Judas ou le

    nouveau Judas , car il y a toujours des Judas (voir Andr 1937 : 73 ;

    Boutamne 1946 : 80 ; Gorre 1947 : 329 ; Lehuraux 1944 : 165 ; Pottier 1939 :

    173 ; Vignaud 1943 : 269). Il nest pas jusquau Tacebat autem, la formule dont

    Marc et Matthieu peignent lattitude de Jsus devant le sanhdrin, quun auteur

    nose donner pour titre au chapitre consacr la mort de Foucauld, o on lit ces

    lignes : ... [Madani] ne doit-il pas livrer lhomme, pour toucher les trente

    pices dargent ? (Pichon 1946 : 344 ; voir aussi Bazin 1921 : 462).

    Plus que leur haine elle-mme - sur laquelle il y aurait videmment quelque

    complaisance leur faire aujourdhui le procs -, ce sont les termes dans

    lesquels elle sexprime qui mintressent, car ils montrent combien ces auteurs

    de drames de patronage (Massignon 1963 : 781) nont jamais dout que

    lide quils se faisaient de Foucauld ft partage par les Touaregs du Hoggar.

    Car si Madani mrite sans doute le nom de tratre, en ce quil a tromp la

    confiance de lermite, il nest le nouveau Judas qu la condition davoir vu en

    Foucauld la figure christique ou le saint queux-mmes y voyaient ; or nous

    ignorons comment il le voyait, et ne pouvons exclure quil le considrait comme

    un infidle dont la mise mort et t un devoir pieux. Jaccorde quil taitdifficile aux hagiographes de se soucier des penses de Madani, mais nous

    allons rencontrer plus dune fois pareille incapacit crditer lautre dune

    pense autonome. Foucauld lui-mme na pas chapp ce travers. Le 23 juin

    1901, de la trappe de Notre-Dame-des-Neiges quil allait bientt quitter pour

    Beni-Abbs, il crivait Henry de Castries : Nous sommes quelques moines

    qui ne pouvons rciter notre Pater sans penser avec douleur ce vaste Maroc o

    tant dmes vivent sans "sanctifier Dieu, faire partie de son royaume [...]". Et il

    ajoutait : [...] pour faire en faveur de ces malheureux ce que nous voudrions

    quon ft pour nous, si nous tions leur place, nous voudrions fonder sur lafrontire marocaine [...] une sorte dhumble petit ermitage (Foucauld 1938 :

    83-84). Le prsuppos dont se nourrit le tourment qui le pousse alors vers le

    Maroc semble lui chapper totalement : il voudrait faire pour les Marocains ce

    quil souhaiterait quon ft pour lui sil tait leur place, mais se soucie-t-il de ce

    que les Marocains veulent, la place qui est la leur ? Gnreux sa manire,

    llan missionnaire se double dun trange aveuglement.

    Le Foucauld de la maturit sera moins conqurant, mais ses proches et ses

    zlateurs en resteront le plus souvent une propension produire la fois les

    demandes et les rponses dont le sort fait Madani ne fut pas la seule

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    missionnaire. Son ami Henri Laperrine, qui commande le territoire militaire des

    Oasis sahariennes, lui ayant propos avec insistance de se joindre une tourne

    d apprivoisement dans le territoire des Touaregs du Nord, il a accept

    dautant plus volontiers que le Maroc lui reste obstinment ferm.

    Semblant prendre le mot au pied de la lettre, il crit le 14 juin 1904 au

    commandant Regnault : Laperrine [...] a fait la tourne aussi pacifiquement,

    piscopalement, que vous leussiez faite : cest une tourne dapprivoisement,

    comme il dit ; dont le seul but est de mettre en confiance ces populations qui

    nous connaissent si mal et sont encore mfiantes... (soulign par Foucauld) (in

    Gorre 1946, II : 77). En fait, ce que le commandant dsigne sous cet

    euphmisme sappellerait mieux de lintimidation dbonnaire ; dans son rapport

    de tourne, il est dailleurs plus abrupt : Je jugeais indispensable de visiter au

    plus tt les tribus nouvellement soumises [...] de faon me rendre compte sur

    place de la sincrit et de ltendue de ces soumissions (Laperrine 1904). Justeavant que Foucauld natteigne In Salah, alors capitale de lannexe du Tidikelt,

    Moussa agg Amastan, lun des principaux chefs et bientt lamenoukal des

    Touaregs du Hoggar, venait en effet dy faire sa soumission au capitaine Mtois.

    Pleinement conscient que ce ne sont pas l des conditions trs favorables

    pour aborder une terre de mission, il crit Mgr Gurin le 4 juillet 1904 :

    Sauront-ils [les Touaregs] sparer entre les soldats et les prtres, voir en nous

    des serviteurs de Dieu, ministres de paix et de charit, frres universels ? Je ne

    sais... (Foucauld 1925 : 252). On lui sait gr de ses doutes, que lditeur de ceslignes ne partagera pas, puisque le chapitre o elles figurent sintitule Laptre

    des musulmans .

    Lanne suivante, il revient au Hoggar, nouveau dans une colonne de

    larme, dirige par le capitaine Dinaux, et cest au cours de cette tourne quil

    sinstalle Tamanrasset, sur le territoire de la tribu des Dag-Ghali. Si le prtre

    croit encore lapprivoisement5, le militaire a dautres objectifs. Il entend rappeler Moussa son rle de chef soumis [...], dire aux djemas [assembles

    de notables] ce que nous voulions et les conditions de leur soumission [...]

    rendre la situation nette en un mot - et le commandement plus facile dans la

    suite (Dinaux 1907 : 12).

    Quoi quil arrive, ils nauront pas laide de Dieu...

    Et l, nous avons le tmoignage dun Touareg : les vers qui suivent ont t

    composs au cours de cette tourne par Elou ag Boukheida, un adolescent de la

    tribu des Tatoq (Foucauld 1925-1930, II : 316-320).

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    [...] Les places abandonnes de nos anciens campements

    et les lieux o nagure se tenaient les runions galantes

    sont remplies de Chanba, dArabes6

    et de paens qui ne tiennent jamais en place.

    Je pleure, je sanglote, je rpands des larmes ;

    je ne puis rien ; si seulement javais des compagnons

    nombreux, je les attaquerais au milieu de leurs bagages

    et de leurs tentes ; ils ne pourraient se protger par leur service de garde,

    ils nauraient pas le temps de se rfugier sur les hauteurs,

    une partie dentre eux seraient frapps par les javelots ; [...]

    O vous, au nom de Dieu et pour lamour des saints,

    o que vous soyez, avant tout, marchez contre eux ;

    quoi quil arrive, ils nauront pas laide de Dieu :

    ils marchent dans la dsobissance au Prophte,

    ils sont destins un grand feu dans lenfer.

    Mieux vaut pour vous gagner, par la guerre sainte,

    les rcompenses clestes que de vous soumettre des hommes bouche

    non voile

    et moustaches de chiens...

    Foucauld a recueilli cette pice de vers en 1907, au cours dune troisime

    tourne, nouveau dirige par le capitaine Dinaux. Elou lavait-il distingu

    parmi les Franais de la colonne ? A-t-il pens, dans le dernier vers, la

    moustache et la barbe que lermite taillait au ciseau et sans miroir ? On ne sait.

    Dans sa colre et son chagrin, il na probablement vu en lui quun paen parmi

    dautres et aura tout au plus t intrigu par son trange accoutrement. Quoi

    quil en soit, pour celui qui aspirait tre regard comme le frre universel, laprise de ce texte sous la dicte dut tre un moment cruel.

    Il a not, dans lintroduction quil a rdige pour ce pome en 1915 ou

    1916 : La presque totalit des Kel-Ahaggar regardent la France comme une

    contre trs petite, une sorte dle ayant au plus cent kilomtres de diamtre,

    habite par une population peu nombreuse, idoltre, barbare, dhumeur

    vagabonde, ne tenant jamais en place, ne faisant que voyager, envahir les pays

    des autres, et molester les peuples civiliss tels que les Touaregs. Les Kel-

    Ahaggar se croient la nation du monde la plus civilise, la plus police et la plusdlicate, en mme temps quune des plus puissantes. Ils [...] les tiennent tous [les

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    peuples chrtiens] pour des sauvages idoltres et ne les appellent que du nom

    dikofr, "paens". Ils ne distinguent pas les Europens des sauvages cannibales

    de lAfrique centrale et demandent parfois aux Franais sil est vrai quils ont,

    vers le Sud, des frres qui mangent la chair humaine. Les Europens, disent-ils,

    sont tous gouverns par des reines ; ils pousent leurs surs ; ils prennent leursfemmes lessai ; etc., etc.7

    On a cit ce texte un peu long, car il dcrit un tat desprit encore vivace

    aujourdhui. Si les malheurs du temps leur ont appris quils ntaient pas une

    nation puissante, les Touaregs appellent toujours les Europens les paens ,

    samusent volontiers de lhumeur vagabonde des touristes quils voient se hter

    de place en place, et quelques-uns dentre eux souponnent lethnologue en

    visite dune lointaine parent avec des peuples mridionaux auxquels ils

    attribuent des habitudes alimentaires barbares. Certains, pour mtre agrables,

    mont assur quil fallait voir en kfer(sing. de ikofr) un simple nom de

    tribu (twshit) peu prs vid de son sens premier, mais il nempche que la

    connotation pjorative, toujours prsente, revient parfois au premier plan. Mme

    dans les familles avec lesquelles javais depuis longtemps des rapports amicaux,

    il tait habituel de gronder devant moi les enfants en leur disant que sils

    ntaient pas sages, lkferles gorgerait avec son grand couteau ; supposer

    que les Europens ne soient plus vraiment vus comme des paens, il faut donc

    croire que la cruelle rpression de linsurrection senoussiste de 1916-1917 en a

    fait des croquemitaines... Quant aux religieux chrtiens (almasifutn), paens

    parmi les paens, ils ont (tout au moins auprs des Touaregs nigriens que jeconnais) la rputation de se livrer des cultes impies, comme de prier en se

    prosternant vers louest. Lune des premires questions que mait pose en 1976

    mon htesse Jouwa tait : Y a-t-il aussi en France de ces mauvaises gens (rkaghlak) qui vivent sans avoir denfants ? Jeus quelque peine comprendre

    que les mauvaises gens taient les Petites Surs de Jsus, religieuses qui

    suivent une rgle inspire du Pre de Foucauld et dont quelques-unes sont

    tablies en pays touareg. Ce qui est pour les uns lidal de la chastet est pour

    les autres la honte dune vie affranchie du devoir denfanter. Pour un

    ethnographe dbutant, la leon de relativisme culturel tait abrupte mais bonne prendre.

    La Mchoire du marabout

    Voil donc Foucauld install Tamanrasset, au milieu dhommes hostiles

    et qui le tiennent pour un paen. Moins mfiant que les siens, Moussa agg

    Amastan a cependant peru que ce moine avait un statut particulier et, ds la fin

    doctobre 1905, il vient lui demander conseil sur ce quil doit dire Laperrine. Ilnen faut pas plus pour quun biographe fasse de Foucauld le directeur

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    spirituel des Touaregs et le conseiller intime de Moussa (Carrouges 1954 :

    221 et 224). Tel tait bien le souhait de Laperrine, lorsquil crivait au capitaine

    Regnault le 19 fvrier 1904 : Je rve den faire le premier cur du Hoggar,

    chapelain de Moussa. Tout en ajoutant - apprivoisement oblige - quil

    prfrerait lavoir loin de nous, quon shabitue le voir sans baonnetteautour (Lehuraux 1944 : 61). Ctait oublier que, comme Massignon et

    Kergoat lont soulign, Moussa avait dj un matre spirituel, en la personne du

    lettr kounta Chekh Baye, qui lavait converti comme labb Huvelin avait

    converti Foucauld (Massignon 1963 : 776 ; Kergoat 1988 : 95 sqq.).

    Faut-il donc en dduire quentre lermite et lamenoukal le malentendu a

    t total, et accrditer limage dun Foucauld prchant, un peu ridicule, un

    homme dont lopinion tait dj faite ? On pourrait conclure l-dessus, et mettre

    le cas Foucauld, aprs Cook et bien dautres, au rpertoire de lincomprhension

    interculturelle. Lintrt du personnage est prcisment que son cas nest pas sisimple. Examinons en effet ce que les Touaregs ont dit, non plus seulement des

    Franais en gnral, mais de Foucauld lui-mme. Nous disposons pour cela de

    deux sortes de documents : les dclarations quils ont faites des tiers, et les

    lettres quils lui ont crites.

    On doit tre trs prudent vis--vis de toutes les opinions recueillies par des

    Franais ou des agents de la France, car il nest que trop probable que les

    personnes interroges disaient ce quon attendait delles. Cest ainsi que Dassin

    oult Ihemma, la sur dAkhamouk, a fait en 1933 au capitaine Lucchetti, chefde lannexe du Hoggar, une dclaration ainsi reproduite : Aim de tous les

    Touaregs, le souvenir du "Marabout8" [...] ne prira quavec notre derniersouffle [...], cest un homme qui na fait que du bien notre population et

    certainement doit tre mont droit au ciel depuis le jour o Dieu la rappel vers

    Lui (Lesourd 1933 : 158, note 1). Il y a certes lieu de croire que Dassin

    estimait Foucauld mais, convoque au bureau du capitaine, pouvait-elle dire

    autre chose ?

    De mme, on ne sait trop que penser des propos de Yaya Boutamne,

    Arabe algrien ayant servi comme interprte dans larme franaise, lorsquil

    rapporte quen 1923 les Touaregs gardaient de Foucauld le souvenir dun

    homme vivant trs humblement, mangeant ce que mangent les Touaregs,

    shabillant comme eux, lexception du voile, mais laissant involontairement

    apparatre, par sa seule distinction naturelle, quil tait issu dune des plus

    nobles familles de France (Boutamne 1946 : 74). Le mtier dethnologue

    serait une sincure sil tait si facile de discerner ce qui dfinit la distinction

    dans une culture dont on ne sait rien. En ralit, malveillante dans les rcits

    hagiographiques de lassassinat de Foucauld, bienveillante ici, cest toujours la

    mme inclination penser la place de lautre quon retrouve. Lauteur,francophone et trs francophile, a attribu aux Touaregs sa propre admiration

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    pour la culture franaise et mis dans leur bouche ce qui, au moment o il crit,

    est devenu le portrait officiel du Pre dans lhagiographie coloniale.

    Moins suspecte, parce que moins hagiographique, parat lanecdote

    rapporte par Laperrine : Les adolescents et enfants touaregs [...] sont

    absolument en confiance avec lui [...] cest ainsi quen lhonneur des incisives

    absentes du Pre ils ont baptis "la Mchoire du marabout" une crte rocheuse

    au milieu de laquelle se trouve une brche remarquable, que la lgende attribue

    au coup de sabre dun gant (Laperrine 1948 : 150). Voil qui nest gure

    rvrencieux, mais tmoigne sa manire dune familiarit plutt amicale. De

    mme, je crois le docteur Hrisson vridique lorsquil affirme que les Touaregs

    en parlaient comme dun homme connaissant leur langue mieux queux-mmes

    (cit par Bazin 1921 : 386), ne serait-ce que parce que jai entendu dire la mme

    chose dun ethnologue qui ne la parle certainement pas aussi bien que Foucauld.

    On peut citer aussi le tmoignage de Maladou, une femme des Dag-Ghali morteil y a quelques annes. Elle navait plus dans son vieil ge que deux souvenirs au

    sujet de lermite (Pandolfi, in litt., 18. 11. 1995) : le tricot, quil avait entrepris

    denseigner aux femmes et aux jeunes gens, et la panique des Dag-Ghali aprs

    son assassinat - tous staient alors enfuis vers la montagne, dans la crainte des

    reprsailles de larme franaise9. Autant de tmoignages qui permettent dereconstituer ce qua d tre limage, assez loigne de licne consacre mais

    prsentant tout de mme quelques ressemblances avec elle, que la plupart des

    Touaregs se sont faite de Foucauld : un homme au visage marqu par les

    privations et les jenes, soucieux dans les petits dtails de ce qui pourraitamliorer leur vie matrielle, ayant fait leffort dapprendre leur langue, et dont

    on savait que les militaires tenaient lui.

    Car le fait est l. Quelque sympathie quils aient eue pour lui, ils le savaient

    protg par une arme doccupation, et citoyen dune nation paenne.

    Ambivalence de sentiments quon retrouve bien dans un tmoignage recueilli l

    encore par Laperrine (1948 : 154 ; voir aussi Hrisson 1937 : 186) : Une

    femme noble du Hoggar, qui a vou une profonde reconnaissance au Pre de

    Foucauld depuis quil a sauv ses cinq petits enfants de la famine de 1907, medisait un jour : "Combien cest terrible de penser quun homme si bon ira en

    enfer sa mort parce quil nest pas musulman." Et elle mavoua quelle et

    beaucoup de ses compagnes priaient Allah chaque jour pour que le marabout

    devienne musulman. Dans un chass-crois dincomprhension, sils nen

    taient plus comme Elou ag Boukheida le confondre dans la mme maldiction

    que les autres paens de la colonne Dinaux, les pauvres musulmans du

    Sahara10 pour la conversion desquels il ne cessait de prier gmissaient de lesavoir promis la damnation.

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    Mes yeux se sont ferms ; tout est sombre pour moi...

    Avant de passer aux lettres adresses Foucauld lui-mme, il faut parler

    des lettres crites des tiers par Moussa agg Amastan. La lettre quil a fait

    envoyer aprs la mort de Foucauld Marie de Blic a dj maintes fois t cite : A la seigneurie de notre amie Marie, la sur de Charles notre marabout, que

    les tratres et trompeurs, les gens dAzdjer, ont assassin, de la part du Tebeul

    Moussa agg Amastan, amnokal du Hoggar11. Que le salut soit beaucoup surnotre amie Marie la dnomme ! Ds que jai appris la mort de notre ami, votre

    frre Charles, mes yeux se sont ferms ; tout est sombre pour moi ; jai pleur et

    jai vers beaucoup de larmes, et je suis en grand deuil. Sa mort ma fait

    beaucoup de peine. [...] Charles le marabout nest pas mort que pour vous autres

    seuls, il est mort aussi pour nous tous. Que Dieu lui donne la misricorde, et que

    nous nous rencontrions avec lui au paradis ! (Bazin 1921 : 466).

    On aimerait se taire aprs une telle lettre, mais elle est, elle aussi, prendre

    avec prcaution. Cest presque une lettre officielle, quun interprte militaire a

    traduite de larabe Fort-Motylinski, chef-lieu de lannexe du Hoggar ;

    loriginal arabe na pas t crit par Moussa, lequel parle larabe mais ne lcrit

    pas. Elle a suivi les canaux administratifs et mme, si lon peut dire, la voie

    hirarchique : la date laquelle elle a t rdige (13 dcembre 1916) laisse en

    effet supposer que Moussa la remise au sous-lieutenant Constant, qui le quittait

    ce jour-l12 pour faire route avec son dtachement vers Fort-Motylinski. Il faut

    tenir compte aussi des circonstances de sa rdaction. Linsurrection senoussistedure depuis plusieurs mois et gagne le Hoggar ; Moussa ne cesse de rclamer

    des secours en hommes et en munitions13. Ecrite le jour mme o il voit avecangoisse le dtachement de Constant labandonner ses seules forces face aux

    insurgs, cette lettre dans laquelle, sengageant chtier les gens qui ont tu le

    marabout [...] jusqu ce que nous ayons accompli notre vengeance , il se pose

    en ami fidle de la France, sadresse, me semble-t-il, autant aux officiers dans

    les mains desquels elle va passer qu sa destinataire avoue. Ces rserves tant

    faites, on ne peut croire que tout ne soit que calcul dans ces lignes altires et

    brlantes, qui renvoient sa mdiocrit la prose besogneuse des tcherons delhagiographie ; et les documents dont je vais faire tat plus loin me font croire

    la sincrit du chagrin de leur auteur.

    On hsite galement faire fond sur cette lettre crite le 25 avril 1920 par

    Moussa Ren Bazin (Bazin 1921 : 404). Il sagit encore dune lettre passe par

    la voie administrative. Ta lettre mest parvenue, o tu me demandes de te

    donner des dtails sur le grand ami des Touaregs-Hoggar. Soit ! Sache que le

    marabout Charles mavait en trs grande estime, Dieu le rende bienheureux, et le

    fasse habiter en Paradis, si cest Sa volont ! Maintenant, voici les dtails que tumas demands : sur sa vie, dabord. Les gens dentre les Touaregs-Hoggar

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    laimaient trs profondment durant sa vie, et maintenant encore ils aiment sa

    tombe comme sil tait vivant. Ainsi, les femmes, les enfants, les pauvres,

    quiconque passe prs de sa tombe, la salue, disant : "Que Dieu lve le rang du

    marabout en paradis, car il nous a fait du bien durant sa vie !" Aussi tous les

    gens du Hoggar honorent sa tombe comme sil tait vivant, vraiment oui, toutautant.

    Le chef touareg, lpoque commandeur de la Lgion dhonneur, na

    certes plus rien prouver en matire de fidlit la France, mais il est assez

    diplomate pour comprendre ce quon souhaite lui entendre dire. De plus, il sait

    qui est Bazin, quil appelle savant entre les savants franais, Ren Bazin, de

    lAcadmie [alkadmdans le texte arabe ; le scribe connaissait donc le motfranais] . Les sentiments quil exprime sont sans doute sincres, mais la vision

    de Touaregs honorant la tombe de Foucauld comme sil sagissait dun saint

    musulman a quelque chose dun peu invraisemblable, et demanderait en tout cas tre confirme par dautres sources ; lattitude dAkhamouk voque plus haut,

    pour difficile que soit son interprtation, ne semble pas indiquer un grand souci

    de la tombe de lermite14.

    Et toi, tu es Tamanrasset comme le pauvre !

    Tournons-nous maintenant vers les tmoignages qui ne sont pas passs par

    un truchement extrieur, cest--dire aux lettres crites Foucauld lui-mme.

    Nous retrouvons Moussa agg Amastan, dont on a conserv une lettre datant

    du 20 septembre 1910. Il la crite lors dune halte Alger, au retour dun sjour

    en France que les autorits avaient jug habile dorganiser, comptant lblouir au

    spectacle de la puissance du pays colonisateur. Je reproduis la traduction

    franaise que Foucauld a crite en regard du texte arabe15 : A lhonor,lexcellent, notre ami et cher entre tous, le sieur prtre Abed Assa [abd Issa],

    le sultan Moussa ben Mastane te salue [...]. Voici que nous arrivons de Paris,

    aprs un heureux voyage. Les autorits de Paris ont t contentes de nous. Jaivu ta sur [Marie de Blic], et je suis rest deux jours chez elle ; jai vu de mme

    ton beau-frre ; jai visit leurs jardins et leurs maisons. Et toi, tu es

    Tamanrasset comme le pauvre !

    Le mot traduit par sieur prtre est orthographi dans le texte arabe

    marb. Il sagit du mot franais dorigine arabe marabout , crit comme

    devant se prononcer la franaise16, alors que larabe et exig un tfinal. Ilnest pas sr que Moussa connaisse loriginal arabe, et on peut penser quil la

    adopt linstigation de Foucauld lui-mme. Aux nombreux commentaires djsuscits par laffectueuse gronderie qui conclut la lettre, on peut ajouter que la

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    vie de pauvret de ce Foucauld que Moussa appelle abd Issa, serviteur de

    Jsus , correspond assez bien lidal touareg de la tetubt, la pnitence 17.Les potes contemporains le chantent parfois (surtout, il est vrai, pour gmir de

    ce quils sont incapables de le raliser) et Moussa la lui-mme voqu dans un

    majestueux pome dont Foucauld a intitul la traduction Craignez Dieu (Foucauld 1925-1930, I : 388). Notons cependant que cette lettre non plus na

    pas t crite par Moussa ; sil ne sagit plus dune lettre officielle, ce nest pas

    encore une lettre intime. Il faut aussi relever que la principale information quil

    lui donne est que les autorits ont t contentes de nous [la dlgation

    touargue] ; Moussa noublie pas que le saint homme quil salue est proche

    des autorits, ce quon retrouve dans dautres lettres de lamenoukal.

    Je tembrasse...

    Jai bien conscience davoir t dune prudence un peu vtilleuse dans le

    traitement de ces trois lettres, mais le fait quelles sont passes par un interprte

    me limposait. Considrons maintenant un document qui ne prsente pas cet

    inconvnient. Lionel Galand a retrouv, dans les papiers personnels dAndr

    Basset, vingt-six lettres crites en caractres touaregs (tifinagh) par desTouaregs Charles de Foucauld. Mme sil nest pas toujours sr que le scribe

    et lauteur se confondent, ces lettres nont rien dofficiel, car les tifinagh ne sont

    utilises que pour des lettres sans apprt. Ne voulant pas dflorer unepublication collective en cours dlaboration**, je limiterai mes citations cequi touche directement mon propos.

    Les correspondants identifis appartiennent soit lentourage de Moussa

    agg Amastan soit la tribu des Dag-Ghali. Leurs noms sont ceux quon retrouve

    le plus frquemment dans le diaire de Foucauld (Foucauld 1986), de sorte que

    ces lettres peuvent au moins nous renseigner sur lattitude son gard des

    Touaregs les plus proches de lui. Celles qui ont pu tre dates ont t crites en

    1913 et 1914. Plusieurs lui sont parvenues alors quil tait en France, en

    compagnie dOuksem ag Chikat (le frre de Maladou, dont il a t question plus

    haut), un jeune Dag-Ghali quil avait emmen dans les familles Foucauld et de

    Blic en esprant que ces quelques semaines passes auprs de foyers chrtiens

    lui seraient un choc salutaire.

    Ses correspondants lappellent marabu (MRBW dans le texte touareg, o

    seules les consonnes et certaines voyelles finales sont notes), crivant l encore

    le mot la franaise. Ils utilisent aussi le mot amghar, terme de respect par

    lequel on sadresse en gnral un homme g. On rencontre galement mdi,

    ami , compagnon , ou meri, ami affectionn . Dans une lettre crite peu aprs son voyage en France, Ouksem ag Chikat, voulant sans doute se

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    conformer lusage pistolaire des Franais, lui dit je tembrasse - une

    formule qui devait paratre trange dans un pays o les adultes de mme sexe ne

    sembrassent pas (Foucauld 1951-1952, III : 1190). On lui qumande des petits

    dons ; on le remercie pour des remdes ; on le prie de transmettre des salutations

    sa sur ; une correspondante lui promet de lui faire parvenir des fromages ; onlui annonce une naissance, une mort. Ces lettres tmoignent dune grande

    familiarit, et on peut mme parler daffection, encore quil faille se demander si

    certaines formulations, comme le je tembrasse dOuksem, ne sont pas

    davantage destines complaire au vieil ermite qu exprimer des sentiments

    rellement prouvs. En tout cas, Foucauld y donne limage dun homme bien

    intgr dans le milieu touareg, et auquel on souhaite dmontrer de laffection.

    Ce climat de familiarit transparat aussi dans son diaire, o on le voit se soucier

    du mariage de lun, assister lautre dans ses derniers instants puis aller son

    enterrement. Et il parle souvent ses correspondants franais de laffection que

    lui tmoignent ses voisins touaregs, de la consolation quils lui apportent.

    Quant Moussa, ct des termes mdi, meri ou marabu quil utilise lui

    aussi, il appelle Foucauld, dans une lettre date du 5 janvier 1914, akli-n-Ghissa,

    lquivalent littral en touareg du abd Issa de la lettre dAlger. Dans une autre

    lettre, il lappelle Charles (ShGhL dans le texte touareg), transcrivant le rde

    Charles par la vlaire constrictivegh et non lapicale vibrante r. Pour une oreille

    franaise, ces deux phonmes correspondent peu prs un rgrassey et un r

    roul. En gnral, les Touaregs entendent le rfranais comme une apicale et non

    comme une vlaire, et cest dailleurs ainsi que Moussa transcrit le prnom deFoucauld dans la lettre Bazin cite plus haut, alors que les Franais sessayant

    la langue touargue auraient plutt tendance le transcrire par une vlaire.

    Moussa a donc crit le prnom de Foucauld comme celui-ci lentendait et non

    pas comme, selon toute probabilit, il lentendait lui-mme. Quon me permette

    de voir dans cette vlarisation du rde Charles une marque de sollicitude18.

    Ne mabandonne pas...

    Et, surtout, Moussa livre dans ses lettres des lments qui jettent sur son

    rapport Foucauld une trange lumire. La lettre du 5 janvier 1914, trs

    chaleureuse, se termine par ces paroles : Ne mabandonne pas. Je veux de toi

    une chose : prie beaucoup pour moi (ou hi teiid : [ergh] dagh ek haret, ttter i

    houllan). Une autre lettre, date du 6 mars 1914, contient cette phrase : Tant

    que je vivrai, je suivrai ton conseil, car cest le conseil dun ami affectionn

    (koud eddregh ed elkemegh i meter ennek foull innn ameter ennek i n

    meri19).

    Faut-il penser, lire ces phrases figurant cette fois dans de petites missives

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    apparemment spontanes, que Foucauld a bien t le directeur spirituel de

    Moussa ? Il importe, ici encore, dtre circonspect, et tout dabord de revenir sur

    les mises en garde de Massignon voques plus haut. Cet auteur doit tre cit,

    tant ce quil dit parat sappliquer la lettre du 6 mars : Foucauld mit quelque

    temps sapercevoir que Moussa agg Amastan, le chef du Hoggar, tout en lenremerciant avec motion20, ntait pas surpris comme par une rvlation, destouchants "conseils Moussa" (cits dans Bazin) que Foucauld lui

    communiquait de temps en temps, pour le rendre chrtien21. Car Moussa enrecevait dj danalogues, en son berbre natal, farci de termes liturgiques

    arabes bien plus parlants son me [...]. Dun autre ermite, de Chekh Baye

    [...] (Massignon 1963 : 776).

    De quels conseils sagissait-il ? On a retrouv dans lermitage de

    Tamanrasset un carnet sur lequel Foucauld avait consign deux textes, intituls

    respectivement Dire Moussa et Lettre Moussa 22. Le premier est datde 1912, le second de mai 1914. A cela sajoutent, consigns dans son diaire, les

    conseils qu sa demande il a donns Moussa le 23 octobre 1905 (Foucauld

    1986 : 50 sq.). Les conseils de 1905 et de 1912 sadressent au chef indigne que

    Foucauld veut voir en Moussa. La Lettre Moussa est un sermon

    exclusivement religieux ( Aime Dieu pardessus toute chose. Aime tous les

    hommes comme toi-mme... ).

    Foucauld ayant lhabitude de faire des copies de ce quil crivait, il nest

    pas exclu que le texte de mai 1914 reprenne les conseils dont Moussa leremercie dans sa lettre du 6 mars. Auquel cas il sagirait de paroles difiantes

    quun musulman pouvait recevoir, et Chekh Baye en profrait sans doute

    danalogues. Cela reste vrai si les conseils dont parle Moussa sont des directives

    politiques dans le style de celles de 1905 et 1912, car Baye prconisait une

    attitude conciliante vis--vis des autorits coloniales. Mais si elles

    convergeaient, les directives des deux mentors de lamenoukal se fondaient sur

    des prsupposs opposs ; Baye souhaitait le retour des Touaregs une foi plus

    orthodoxe, et lintention de Moussa tait dtablir au Hoggar un royaume

    musulman - cest dans cette perspective quil sappuyait sur les autoritscoloniales (Bourgeot 1995 : 301 ; Kergoat 1988 : 95 sq.) -, tandis qu linverse

    Foucauld a souvent dit son espoir quune fois civiliss les Touaregs

    deviendraient chrtiens23. Cette proximit entre Foucauld et les militaires dontMoussa se montre conscient dans chacune de ses lettres (y compris les lettres en

    tifinagh) na donc pas pour lui le sens quelle a pour Foucauld24. Sans doutecelui-ci avait-il fini par admettre que la conversion des Touaregs serait luvre

    non dannes mais de sicles25 , mais le pieux Moussa naurait pu que frmir

    la perspective dun Hoggar christianis, mme plusieurs sicles aprs sa mort26.Faisant cho lincomprhension entre lermite et les femmes qui priaient poursa conversion lislam, le malentendu entre les deux hommes se rsume dun

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    mot : Moussa a cout en musulman des conseils - politiques ou religieux,

    ctait tout un dans lesprit de lermite - que Foucauld lui prodiguait en chrtien,

    et mme en missionnaire, ft-il discret.

    Et pourtant, il faut bien ladmettre, le Ne mabandonne pas... de la lettre

    du 5 janvier 1914 apporte un lment que ni Massignon ni Kergoat nont

    souponn. Le prsent article aurait t tout autre sans cette phrase, qui semble

    montrer que le malentendu na pas empch une certaine rencontre entre le

    saint-cyrien devenu trappiste 32 ans et le chef touareg revenu la pit aprs

    une jeunesse galante et guerrire. Pas plus que dans aucune autre de ses lettres,

    on ne peut certes exclure que Moussa ait seulement voulu tre agrable

    lermite ; il nen reste pas moins que, quil ait tenu compte ou non de ses

    conseils, lamenoukal du Hoggar a accept davouer ce non-musulman quil

    avait besoin de ses prires, tmoignant ainsi dun abandon qui plaide pour la

    sincrit des lettres cites plus haut.

    Sil na aucun moment eu lintention de se faire serviteur du mme

    matre, Moussa a donc aim et reconnu lhomme Foucauld, y compris dans sa

    dimension dhomme de Dieu et de serviteur de Jsus. Mme en admettant avec

    Massignon (1963 : 776) que Chekh Baye a vaincu Foucauld, car cest lui qui

    a islamis le Hoggar du vivant de Foucauld , il faut donc penser que lun des

    artisans de cette victoire a aim et pleur le vaincu. La religion dont Foucauld

    pensait tmoigner par sa bont27 na pas t reue, mais le religieux la t, lui

    qui cependant ne dsirait rien pour lui et dont le seul vu tait duvrer ensilence pour son Eglise. Rencontre entre deux hommes, et mme entre deux

    religieux, mais qui sont rests dans deux mondes ferms lun lautre.

    De la mme manire, lamiti des Dag-Ghali pour Foucauld ntait pas

    destine devenir une allgeance la France. A la fin de 1916 ou au dbut de

    1917, ils passrent dans le camp de linsurrection senoussiste ; mme Ouksem,

    le gentil Ouksem qui embrassait Foucauld, entra en dissidence, et il nest pas

    exclu quil ait utilis contre les troupes franaises le beau fusil que lui avait

    offert lermite28. Sils ont fait la diffrence entre le prtre et les militaires, ilsnoubliaient pas les baonnettes lombre desquelles vivait le Hoggar, et dont la

    prsence tait si naturelle aux yeux de Foucauld quil ne songeait pas combien

    elle pesait ses compagnons. Moussa pouvait sen accommoder car il esprait

    tirer parti de la situation coloniale, mais comment les Dag-Ghali, qui avaient

    perdu la moiti de leurs guerriers lors du combat de Tit, lauraient-ils pu ?

    Foucauld mort, ils ne virent plus que les baonnettes et leur firent face larme

    la main.

    La gamme de sentiments que font apparatre les divers documents

    parcourus ici est fort large, allant de la tendresse de Moussa lhostilit deMadani. Pour ce qui est de ses voisins immdiats, il y a tout lieu de penser que,

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    malgr tous les malentendus, Foucauld tait all loin dans leurs curs, plus loin

    peut-tre, lui le colonialiste , que beaucoup de ceux qui font aujourdhui leur

    fonds de commerce de la bruyante dfense de l identit touargue . Mais

    quelle amiti naurait pas t fausse dans cette situation fondamentalement

    violente ? On rendrait davantage justice un homme dont la personnalit horsdu commun mrite mieux que limagerie sulpicienne forge par lhagiographie,

    en faisant la part de la violence sur laquelle les Touaregs, dont quelques-uns

    lont aim, ont vu se dtacher sa silhouette fragile et casse. Ils ont t sensibles

    sa force dme, mais le Hoggar nen est pas devenu pour autant terre franaise.

    Ni chrtienne.

    Bibliographie

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    Toulouse, Apostolat de la prire.

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    Boutamne Y., 1946. La mort du Marabout Charles de Foucauld , Cahiers

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    dIn Salah, commandant la compagnie des Oasis sahariennes duTidikelt (3 mai-29 octobre 1905) , Bulletin du Comit de lAfrique

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    51 ; n 3, pp. 62-72.

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    1925-1930.Posies touargues, Paris, Leroux.

    1938.Lettres Henry de Castries, Paris, Grasset.

    1951-1952. Dictionnaire touareg-franais, Paris, Imprimerie

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    nationale, 4 t.

    1966.Lettres Mme de Bondy. De la Trappe Tamanrasset, Paris,

    Descle de Brouwer.

    1986. Carnets de Tamanrasset, Paris, Nouvelle Cit.

    s.d. Lettres du Pre Charles de Foucauld Monsieur Ren Basset,

    doyen de la facult des Lettres dAlger , copie dactylographie,

    Archives Foucauld, Fonds Basset, Bibliothque des langues orientales.

    Gorre G., 1946.Les amitis sahariennes du Pre de Foucauld, Paris, Arthaud,

    2 t.

    1947. Sur les traces de Charles de Foucauld, Paris, Arthaud.

    Guichard O., 1980. Mon Gnral, Paris, Grasset.

    Hrisson R., 1937. Avec le Pre de Foucauld et le gnral Laperrine, Paris,

    Plon.

    Kergoat L., 1988. Charles de Foucauld et lislam. Politique et mystique, thsedEtat, universit de Paris-Sorbonne.

    Laperrine H., 1948. Les tapes de la conversion dun houzard, le Pre de

    Foucauld , Cahiers Charles de Foucauld, n 8, pp. 143-155.

    1904. Rapport du chef descadrons Laperrine, commandant

    militaire suprieur des Oasis sahariennes sur sa tourne dans le sud de

    lannexe du Tidikelt du 14 mars au 3 juillet 1904 , Archives du

    service historique de larme de terre, Vincennes, Carton 1H 1036.

    1910. Rapport du colonel Laperrine, commandant militaire du

    territoire des Oasis, sur sa tourne dans lAhaggar (24 fvrier-20 avril

    1910) , Archives du service historique de larme de terre,

    Vincennes, Carton 1H 1086.

    Lehuraux L., 1944. Au Sahara avec le Pre Charles de Foucauld, Alger,

    Baconnier.

    Lesourd P., 1933.La vraie figure du Pre de Foucauld, Paris, Flammarion.

    Massignon L., 1963. Foucauld au dsert devant le Dieu dAbraham, Agar et

    Ismael , Opera minora, Beyrouth, Dar-el-Maaref, t. 3, pp. 772-784.

    Merad A., 1975. Charles de Foucauld au regard de lislam, Lyon, Chalet.

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    Pandolfi P., 1995. Le ventre et le dos. Parent et rsidence dans un groupe

    tributaire de lAhaggar : les Dag-Ghali, thse dethnologie prsente

    luniversit de la Runion.

    Pichon Ch., 1946. Charles de Foucauld, Paris, Ed. de la Nouvelle France.

    Pottier R., 1939.La vocation saharienne du Pre de Foucauld, Paris, Plon.

    Six J.-F., 1982. Charles de Foucauld, Paris, Le Centurion.

    1993.Laventure de lamour de Dieu. 80 lettres indites de Charlesde Foucauld Louis Massignon, Paris, Ed. du Seuil.

    Thomas M.-R., 1960. Sahara et communaut, Paris, Presses universitaires deFrance.

    Triaud J.-L., 1995. La lgende noire de la Sansiyya, Paris, Ed. de la Maison

    des sciences de lhomme, 2 t.

    Vignaud J., 1943. Frre Charles ou la vie hroque de Charles de Foucauld,

    Paris, Albin Michel.

    Notes

    * Quelques passages de ce texte faisaient partie dune communication prononce au colloque

    Anthropologie des traditions intellectuelles : lItalie et la France organis par Michel Izard

    et Fabio Viti, qui sest tenu en juin 1996 la Maison Suger. [Lensemble de larticle a t

    intgr dans un essai biographique paru par la suite : Casajus, La vie saharienne et les vies

    de Charles de Foucauld , in Lionel Galand (dir.),Lettres au marabout. Messages touaregs auPre de Foucauld, Paris, Belin, 2000 : 47-100)

    ** Cet ouvrage a paru sous le titre Lettres au marabout. Messages touaregs au Pre de

    Foucauld, Lionel Galand (dir.), Paris, Belin, 2000. [note ajoute la version mise en ligne]1. Olivier Guichard nest pas si affirmatif, qui en reste la discrte vocation dune motionvieille de vingt ans au moment o il crit. Pour ne rien dire de la littrature hagiographique,

    lauteur dun ouvrage consacr lOCRS proclame dans le chapitre exposant les fondements de la souverainet franaise sur le Sahara (Thomas 1960 : 99) : Foucauld fut

    de la race des martyrs qui descendaient dans larne pour tre dvors par les fauves . Ceconcert ne fut pas unanime puisque Louis Massignon sest insurg contre ce portrait de

    Foucauld en saint de la colonisation (1963 : 775).

    2. Sur lassassinat de Foucauld et le mythe auquel il a donn lieu, voir la lucide analyse de J.-

    L. Triaud (1995, II : 803sq.).

    3. Le mot menkal, dont la littrature coloniale a presque fait un mot franais, dsigne ici le

    chef suprme des Touaregs du Hoggar. Akhamouk a succd dans cette dignit Moussa agg

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    Amastan.

    4. A lpoque dAkhamouk, lamenoukal na plus aucun pouvoir, et nest que le relais de

    ladministration coloniale (Pandolfi 1995 : 148).

    5. Le mot apparat dans sa correspondance jusquen 1916. Quand mme il ne serait pas un

    euphmisme, il pose videmment quelques problmes (voir Bourgeot 1995 : 494).6. Hormis les grads, les militaires de la colonne Dinaux taient tous arabes, et pour la plupart

    Chanba.

    7. On peut citer dans le mme sens ce que Foucauld crit Basset le 5 mai 1915, proposdune invasion de sauterelles : Cette scheresse et ces sauterelles ont linconvnient de

    porter les indignes, si superstitieux, penser que nous leur portons malheur ; les marabouts

    ont beau jeu pour leur faire croire que ces calamits sont le chtiment de leur soumission des

    chrtiens (Foucauld s.d. : 145).

    8. Sur ce mot, voirinfra, note 16.

    9. Lehuraux parle ce propos de mauvaise conscience, tmoignant l encore de son incapacit se mettre la place de lautre (Lehuraux 1944 : 184). Ils avaient peur, tout simplement,

    comme on peut avoir peur dune arme doccupation.

    10. Lettre Marie de Bondy du 3 juillet 1904 (Foucauld 1966 : 129).

    11. Les gens dAzdjer sont les Touaregs Kel-Ajjer. Tebeul est le mot touareg ettebel,

    qui dsigne aujourdhui encore un chef important.

    12. Cest ce qui apparat dans une lettre du capitaine Depommier au commandant militaire desOasis, datant du 14 avril 1917, conserve dans le carton OA 41 du Centre des archives

    doutre-mer dAix-en-Provence.

    13. Cest ce qui apparat dans plusieurs documents conservs au Centre des archives doutre-mer dAix-en-Provence, carton OA 41.

    14. Il semble qu Beni-Abbs ses voisins arabes avaient son gard les gestes de vnration

    quon a pour les saints musulmans ; lappartenance une religion est trop lie, dans la

    conception des Touaregs, une appartenance ethnique (cest aussi en ce sens que kfer est

    un nom de tribu) pour quon imagine une attitude comparable de leur part.

    15. Une photographie de la lettre figure dans Barrat et Barrat 1958 (115).

    16. Le mot est flanqu de larticle arabe, mais toujours orthographi la franaise dans le fac-

    simil du texte arabe de la lettre Bazin cite plus haut, et dans la lettre de condolances

    Marie de Blic, dont Six (1982 : 93) a publi une photographie.

    17. Ali Merad crit que lislamologue nhsitera pas reconnatre, travers lenseignement

    du Petit Frre de Jsus - comme travers sa qute de perfection morale - certains idaux quisinscrivent dans la rvlation coranique et dans la pure tradition de lIslam primitif (Merad

    1975 : 48). Lislamologue quest Ali Merad, crivant dans une Algrie indpendante,

    assurment. Pour les Touaregs vivant sous la botte coloniale, et peu experts en islamologie, la

    chose demande tre dmontre. Or ce qucrit Moussa semble prouver que ctait bien le

    cas pour lui.

    18. Il mest arriv de voir un Touareg de la rgion dAgadez saluer des Touaregs du Sud enutilisant leurs formules de salutation et non celles dont il avait lhabitude, par courtoisie, ma-

    t-il sembl. Cest au fond dune courtoisie semblable que Moussa fait preuve ici.

    19. On reprend pour ces deux phrases la retranscription en caractres latins faite par Foucauld

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    sur la lettre mme, ct des tifinagh, en notant gh ce quil notait par un ravec un point

    souscrit.

    20. Il serait intressant de savoir ce que Massignon avait en tte quand il parlait des

    remerciements mus de Moussa. Foucauld et Massignon ne se sont pas vus aprs 1913, et

    aucune des lettres de Foucauld Massignon publies par Six (1993), qui semblent reprsenter

    la totalit des lettres conserves, ne fait tat dune lettre de Moussa. Y aurait-il eu

    antrieurement dautres lettres de Moussa, dont Foucauld aurait parl Massignon ?

    21. Les intentions de Foucauld envers Moussa ntaient pas si simplistes. Massignon fait

    dailleurs Foucauld plus naf quil ntait. Celui-ci savait trs bien qui tait Baye pour

    Moussa, au moins ds la fin de 1907, si lon en juge par une lettre du 26 novembre 1907 (cite

    par Gorre 1946, II : 47).

    22. Voir Bazin 1921 (323 sq.). Pottier (1939 : 250sq.) fait tat dun carnet qui semble tre lemme. Les versions que ces deux auteurs donnent de ces textes sont un peu diffrentes, mais

    cest sans doute le fait de leur ngligence et non lindice quil y aurait deux carnets.

    23. Il laffirme sans ambigut dans une lettre labb Caron du 9 juin 1908 (Foucauld 1925 :256-257). Sans doute son opinion a-t-elle vari puisque le docteur Dautheville, quil a

    frquent la fin de 1908, rapporte des propos qui tmoignent dune grande ouverture vis--

    vis de lislam (Kergoat 1988, II : 162-163). Mais un texte contemporain de ces lettres reprend

    les ides de la lettre labb Caron ; le 1er janvier 1914, il crit sa cousine, au sujet

    dOuksem, qui vient de passer avec lui plusieurs mois en France : Merci de vos prire pour

    Ouksem, continuez-les : quand son me viendra-t-elle tout fait ? Lui, son pre, son beau-

    pre, sa mre, dautres encore sont des mes de bonne volont, mais cesser de croire ce quona toujours cru, ce quon a toujours vu croire autour de soi, ce que croit tout ce quon a aim et

    respect, est difficile, surtout quand on croit un ensemble raisonnable et admissible et quonest dans limpossibilit absolue dtudier le fondement de cette croyance et de se rendre

    compte quhistoriquement elle repose sur une grossire imposture... Prions et esprons (Foucauld 1966 : 226). Le 15 juillet 1916, il crit encore Massignon que, depuis Notre

    Seigneur, tous les hommes ont la vocation dtres chrtiens (Six 1993 : 206).

    24. Laperrine crit dans un rapport de tourne : Pour lui [Moussa], la perfection est

    lorganisation des tribus arabes des hauts plateaux ; en poussant limitation des Arabes il

    croit nous faire plaisir ; pour lui, Franais et Arabes algriens se confondent. [...] Trs

    religieux, il considre comme mritoire de combattre certaines coutumes touargues quiltrouve peu orthodoxes (Laperrine 1910).

    25. Lettre de 1907 cite par Six (1993 : 275).

    26. Un interprte moderne de Foucauld ne loublie-t-il pas, lorsquil le loue de stre cartradicalement de toute mthode missionnariste ou proslytiste (Six 1993 : 331) ? Mmeaujourdhui, les foucaldiens ont parfois du mal se mettre la place des Touaregs.

    27. Foucauld crivait dans son diaire en 1909 : Mon apostolat doit tre lapostolat de la

    bont. En me voyant, on doit se dire : Puisque cet homme est si bon, sa religion doit tre

    bonne. Si on me demande pourquoi je suis doux et bon, je dois dire : Parce que je suis le

    serviteur dun bien plus bon que moi. Si vous saviez combien est bon mon matre Jsus ! [...]

    Je voudrais tre assez bon pour quon dise : Si tel est le serviteur, comment donc est le

    Matre ? (1986 : 188-189).

    28. Au retour du voyage avec Ouksem, Foucauld crivait Raymond de Blic, le 22 novembre

    1913 : Ce voyage a eu un effet que je sens ds ces premiers jours, cest daugmenter laconfiance quon a en moi, et, par suite, en tous les Franais (Bazin 1921 : 420). Cest

  • 8/8/2019 Charles de Foucauld face aux Touaregs. Rencontre et malentendu (Terrain, n 28, pp. 29-42.)

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    prcisment dans ce par suite quil se trompe.