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M. Bintner, P. Gauthier, S. Blanc, B. Boumahni, E. Mallet, A. Meurin, E. Archambault, R. Kohlmann Groupe Hospitalier Sud Reunion Chikungunya: Imagerie des manifestations neurologiques néonatales

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M. Bintner, P. Gauthier, S. Blanc,

B. Boumahni, E. Mallet, A. Meurin, E.

Archambault, R. Kohlmann

Groupe Hospitalier Sud Reunion

Chikungunya: Imagerie des

manifestations neurologiques néonatales

L’épidémie de Chikungunya

• 230 000 cas à la Réunion entre février 2005 et

mars 2006

• Alphavirus de la famille des Togavirus, proche du

virus WestNile et de la dengue, transmise à la

Réunion par l’Aedes Albopictus

• Forme classique = Forte fièvre, arthralgies,

myalgies, céphalées, éruption; évolution

douloureuse traînante (plusieurs mois…) et/ou

récidivante

Population étudiée en IRM

• Tout adulte ou enfant/nourrisson présentant des

troubles neurologiques dans un contexte fébrile

avec tableau clinique évocateur ou sérologie

positive (IgM, RT-PCR sang ou LCR), et dont

l’état clinique était compatible avec la réalisation

d’une IRM.

• Les contrôles sont réalisés en cas de 1ère IRM

pathologique, si possible à 4 et 12 mois

Confirmation biologique de la

maladie

Tous les cas présentés ont :

– un RT-PCR à Chik positif (présence virale)

dans le sang ou le LCR,

– ou une positivation des IgM à 15 jours

d’intervalle

Contexte clinique

• Nouveaux-nés à terme (sauf un cas de grossesse

gémellaire à 35SA et une césarienne à 35SA)

Césarienne chez 7/20 pour altération du rythme

cardiaque fœtal et chez 1/20 pour dystocie

• Fièvre maternelle dans les 48 heures qui ont

précédé l’accouchement (parfois le jour même)

• Apgar initial à 10 chez 17/20; 3 enfants ont un

Apgar altéré: 6/10, 3/9 et 0/8

Description clinique20 infections materno-néonatales confirmées par

la RT-PCR ou des IgM+ (20/153 femmes enceintes)

10 nouveau-nés ont eu une forme grave– 7 encéphalopathies dont 4 avec convulsions cliniques

– 4 état de choc (vasoplégie intense +++, 2 sepsis associés)

– 4 CIVD (3 associée à un choc, 1 isolée)

• Les souffrances myocardiques sont probablement

sous-estimées dans notre série en l’absence

d’échocardio systématique, mais pas

d’insuffisance cardiaque clinique.

Description clinique

• Prostration douloureuse (100%), difficultés à téter

• Eruption maculo-papuleuse (tronc, racine des membres, 100%)

• Oedèmes des extrémités (mains, pieds, 83%)

• Fièvre inconstante (33%)

• Thrombopénie chez 17 enfants (95%), parfois majeure

Infections materno - néonatales :

évolution à court terme

19 Nouveaux-nés malades + 1 sœur jumelle asymptomatique

Aucun décès

7 encéphalopathies : régression des symptômes cliniques et

IRM à partir du 4ème mois dans 2 cas

� 1 cas de séquelles certaines : épilepsie à 7 mois

� 1 séquelles attendues: leucomalacie à l’IRM (5 sem)

4 CIVD dont 2 avec thrombopénie sévère

� 2 séquelles attendues sur hémorragie intracérébrale

Les séquelles sont imprévisibles

Infection Materno-Fœtale(DRASS 20/01/06)

« Tout nouveau-né dont la mère a développé une infection à Chikungunya documentée pendant la grossesse et qui présente* des manifestations cliniques suggestives d’infection à Chikungunyas’exprimant sous une forme neurologique, cutanée, hépatique, hématologique, etc…, avec présence éventuelle de fièvre, à l’exclusion de toute autre cause apparente. » * entre J0 et J7ET présence d’au moins un des critères suivants :1) Isolement du virus par culture et/ou détection du génome CHIK

dans le sang, le LCR ou tout autre liquide biologique ou tissu 2) Détection d’IgM anti-CHIK avec présence ou non d’IgG anti-CHIK

dans le sérum et/ou LCR.

Technique d’exploration IRM

• Chez le nourrisson: sagittal + axial SE T1,

axial FSE T2, axial diffusion + ADC, axial

T2EG-EPI, spectroscopie monovoxel TE30

sur la substance blanche; (2 injections de

gadolinium)

• Le « dépistage »: axial diffusion, axial EG

T2 (EPI), axial FSE T2 (FLAIR chez

l’adulte)

14/20 nourrissons sont explorés en IRMCas n° 0 à 15 jours 15 jours à 3 mois 3 à 4 mois 4 à 12 mois

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

total = 5 total = 13 total = 7 total = 5

6/20 nourrissons non explorés

• Tableau clinique rassurant

• Absence d’anomalie neurologique

3 phases d’imagerie

• La phase aiguë = 0 à 2 semaines

• La phase subaiguë = 2 sem à 3 mois

• La phase séquellaire > 3 mois

La phase aiguë précoce : 0 à 15j

• Hypersignal en diffusion de la substance blanche, d’intensité variable, avec ADC diminué

• Hypersignal en diffusion du corps calleuxavec ADC diminué.

• Imagerie T1 et T2 souvent considérée normale; hypersignal des capsules internes et du corps calleux en T2.

Phase aiguë: Forme mineure (cas 1)Garçon de 11jours; œdème, tachycardie, hyperpnée à J4

Hypersignal diffusion, avec ADC diminué touchant principalement le

Corps calleux, et la substance blanche frontale; T2 ambigu

IRM réalisée à J11.

Phase aiguë: forme moyenne (cas 2)

Garçon vu à J7; césarienne à 38SA pour

ralentissement du rythme cardiaque; Apgar

à 10; PN 2260g (RCIU); algique et

oedématié à J5 avec hypotonie.

Anomalies à l’EEG. Thrombopénie à 32000

IgM positives à Chik

Hypersignal en

Diffusion du corps

Calleux et de la

Substance blanche

bi-frontopariétale,

ainsi que des cap

sules internes

Diminution

Modérée du

Coefficient de

Diffusion

Apparent (en

bleu)

IRM à J7

Présence d’une fine bande hypo-

Signal du corps calleux en T1

(flèches rouges)

Hyper-signal des bras postérieurs

Des capsules internes en T2

(Flèches vertes)

Etude spectroscopique mono-

voxel à TE court (30msec), en

technique PRESS, centré sur la

substance blanche pariéto-

occipitale, réalisé à J7.

Spectre dans les limites de la

normale pour l’age (présence de

lipides à 0.9 et de lactate à

1.3ppm en quantité

physiologique)

Phase aiguë: forme moyenne (cas 3)

Garçon vu à J4 pour fièvre, œdème, algique;

PN 2470g, Apgar à 10;

Thrombopénie sévère à 18 000;

Fibrinogène <2g/l; TP<50%; TCA >1,5 x

normale

Hypersignal diffusion

du corps calleux et de la

substance blanche.

ADC

nettement

diminué

dans le

splenium

du corps

calleux.

IRM à J14

Spectroscopie à TE court (TE30)

centrée sur la substance blanche

pariétale gauche à J14

Important pic de lipides et de

lactate à 1.3ppm; pic

inhabituel à 3.65ppm; NAA

normal pour l’age.

Phase aiguë: Forme sévère (cas 4)

Garçon hospitalisé à J4, algique, avec

oedèmes puis convulsion; PN 3340g, Apgar

à 10.

Thrombopénie à 12 000; lymphopénie à 600

Fibrinogène normal, TP et TCA normaux

Hypersignal en diffusion (b=1000) ;

touchant la substance blanche mais

aussi les noyaux gris.

Diminution du coefficient de

diffusion apparent de 50%

(0.000545 mm²/s) par rapport au

tissu normal (0.00109 mm²/s)

Etude spectroscopique

monovoxel PRESS à TE30msec

centré sur la substance blanche

pariétale gauche à J6.

Le spectre obtenu est dans les

limites de la normale.

Phase aiguë: Forme sévère (cas 5)

Nouveau-né hospitalisé à J3 pour difficultés

d’alimentation, hypotonie et convulsion; PN

2745g; Apgar à 10.

Plaquettes = 117 000; 700 lymphocytes.

TP<50%; TCA>1.5 x normale; fibrinogène

< 2g/l

IRM à J7Diffusion b1000

Hypersignal du corps

calleux, de la

substance blanche,

des capsules internes

et externes, du

faisceau pyramidal,

des noyaux rouges et

des thalami

Cartographie ADC montrant la

diminution marquée de la

substance blanche et des

noyaux thalamiques (*)

Séquence axiale T2 montrant une

hyperdensité anormale des bras

postérieurs des capsules internes

et peut-être une discrète

hyperdensité de la SB frontale;

hyperdensité du genou du corps

calleux.*

SB gauche

SB droite

PRESS, TE 30 ms

La phase sub-aiguë =

15j à 3 mois

• Hypersignal résiduel du splénium du corps

calleux en diffusion; ADC intermédiaire

• SB oedémateuse, en hyposignal diffusion,

hypoT1, hyperT2, évoluant vers des

cavitations de taille variable

• Parfois hypersignal T1 sans anomalie en

T2*: réaction macrophagique?

Phase sub-aiguë

Fille vue à 5 semaines de façon systématique; a présenté une forme habituelle à J4 associant érythème et douleurs; PN 2330g; Apgar à 10. Pas de convulsions.

Plaquettes = 96 000; lymphopénie à 400.

TP<50%; Fibrinogène<2g/l; TCA>1.5 x Nle

ASAT/ALAT = 100/78

Hyposignal très marqué de la substance blanche sur la séquence en

diffusion, avec ADC très augmenté, témoignant d’une séquelle

probable de Chikungunya.

Persistance d’un hypersignal en diffusion du splenium du corps

calleux.

5e

semaine

Cas n°6

Œdème et cavitations multiples de la SB des

carrefours et des lobes frontaux en T1 et en T2;

discret hyposignal T1 – hypersignal T2 du genou

du corps calleux.

Hypersignal T1 (sans diminution de signal

en T2*): réaction macrophagique?

Noter les cavitations multiples en

hyposignal marqué au sein de la substance

blanche.

Forme mineure à la phase sub-

aiguë

Enfant vu à 3 mois; chikungunya révélé à J5

par des douleurs et de la fièvre.

PN= 3130g; Apgar à 10.

T1

T2

Diff

Examen pratiquement normal hormis

une petite plage oedémateuse sous-

corticale frontale gauche.

Cas n°7

Bonne évolution clinique ultérieure

Phase subaiguë: Forme

hémorragiqueGarçon hospitalisé à J3 pour fièvre, douleurs, éruption morbiliforme;

Né à 37SA; PN = 3280; Apgar à 10.

Thrombopénie sévère à 5000, traitée par corticoïdes et transfusions plaquettaires.

Fibrinogène < 2g/l; TP<50%; TCA>1.5xNle

SGOT/SGPT = 268/75

Séjour prolongé en réanimation; hématome périventriculaire à l’ETF; hémorragies digestives.

T2-EPI-GRE

SE T1

IRM à la 3e semaine de vie

Présence d’un hématome sous-dural de la

fosse postérieure ( ), d’hématomes

parenchymateux multiples (*) et d’une

suffusion hémorragique au sein d’une

lésion oedémateuse de la substance

blanche frontale (>).

*

*

> Cas n° 8

Cas n° 4 vu à 3 semaines

Aspect Initial à J6

Sem 3

Sem 3

Sem 3

Persistance d’un

hypersignal en

diffusion du corps

calleux

ADC intermédiaire

ou augmenté

Scanner sans injection réalisé

le même jour, sans anomalie

décelable.

IRM Echo de gradient T2 en

EPI, montrant un petit

hématome pariétal gauche.

Cas

n° 4

Cas N° 5

Contrôle à

la 5e

semaine

diffusion

Aspect initial

ADC

Disparition de l’hypersignal en diffusion, remplacé

par un hyposignal intense, à coefficient de

diffusion très augmenté: « liquéfaction » de la

substance blanche.

T1 T2

T2

Hyposignal intense de la substance blanche

en T1, hypersignal en T2; par ailleurs petits

foyers ponctiformes d’hypersignal T1 non-

hémorragiques non graisseux, présumés

d’origine macrophagique. Présence de kystes

au sein de la substance balnche.

Cas N° 5

Contrôle à la 5e

semaine

Phase tardive > 3mois

• « fonte » de la substance blanche prédominant en

frontal, diminution de taille des cavitations;

dilatation passive ventriculaire: intérêt du T2 pour

apprécier les cavitations

• « pseudo-normalisation » du signal de la substance

blanche restante

• Absence d’anomalie en diffusion (signal

homogène)

Cas n° 6: contrôle à 3 mois

Réduction de taille des cavités frontales; élargissement de la fissure

inter-hémisphérique antérieure; normalisation du signal en

diffusion (hormis les cavités)

T2 fat-sat

Pas de lésion décelable de la moelle

Remarque: pas d’étude systématique effectuée sur la moelle

Cas n° 6: contrôle à 3 mois

Bonne évolution clinique à 6 mois

Cas n° 5, contrôle à 4 mois

Atrophie sévère du corps calleux.

Atrophie sévère de la substance blanche

périventriculaire (dilatation passive) et bi-

frontale (élargissement de la fissure inter-

hémisphérique) + cavitations en regard du

carrefour.

diffusion T1 T1

« Normalisation » du signal en diffusion, hormis les plages

cavitées, qui restent en hyposignal diffusion et T1.

Multiples foyers hyper-T1 non-hémorragiques, de résorption

macrophagique?

Cas n° 5, contrôle à 4 mois Hypotonie importante à 1 an

Cas N°4: contrôle à 4 mois

Atrophie du corps calleux

Atrophie de la substance blanche bi-

frontale avec persistance de micro-

kystes

Evolution clinique « moyenne » à 4 mois

Spectroscopie monovoxel à TE court centré sur la substance

blanche pariétale gauche:

Croissance partielle (insuffisante) du pic de NAA: perte

axonale probable.

diff

T2

T1

Discrète dilatation ventriculaire passive.

Signal normalisé en diffusion.

Atrophie mineure du genou du corps calleux

initial

« Bonne » évolution clinique à 6 mois

initial

Discrète atrophie calleuse

Dilatation passive des ventricules latéraux.

Normalisation du signal en diffusion.

Examen clinique coté à 87/100.

Cas n° 2

Contrôle à 9

mois

Physiopathologie

Le mécanisme de l’hypersignal en diffusion

reste incertain:

– Œdème cytotoxique?; mais l’évolution clinique

est habituellement favorable

– Œdème de la gaine de myéline?; pourrait

expliquer cette évolution

Chikungunya et grossesse

• 151 femmes exposées pendant leur grossesse ou à

l’accouchement sur 3066 naissances en 9 mois

prises en charges au GHSR

• 118 symptomatiques > 7 jours avant

accouchement� 118 NN asymptomatiques (2

IgM+ à J15, Chik mère 4 et 6 sem. antepartum,

chik post-natal ?)

Les incertitudes

• Le mécanisme de l’atteinte neurologique reste incertain en l’absence de biopsie cérébrale ou d’autopsie ; la mise en évidence du virus dans le parenchyme cérébral reste àdémontrer et son rôle dans la pathogénie reste àdéterminer. En l’absence d’atteinte inflammatoire ou de présence authentifée di virus dans le parenchyme cérébral, il paraît prudent de qualifier les anomalies observées de « encéphalopathie à chikungunya »

• Le mécanisme en cause dans la transmission materno-néonatale reste à élucider

• L’évolution à long terme des enfants atteints est encore inconnue.

• Les formes cliniques asymptomatiques sont-elles toujours muettes en imagerie?

Conclusions

• L’imagerie en diffusion est la plus sensible et la plus facile à interpréter à la phase aiguë; elle semble constituer un bon indicateur pronostic, les formes les plus sévères ayant une mauvaise évolution à 1 an; la spectroscopie permet peut-être d’étayer ce pronostic

• A la phase sub-aiguë, dans un contexte évocateur, la mise en évidence d’un œdème sévère de la substance blanche en diffusion, en T1 ou T2, avec présence de cavitations, permet le diagnostic rétrospectif d’encéphalopathie au chikungunya

• Des hématomes intra-parenchymateux ou sous-duraux peuvent survenir en cas de thrombopénie sévère.

Conclusions, suite

A la phase chronique, on observe une atrophie plus ou moins sévère, proportionnelle à la gravitéinitiale, prédominant sur la substance blanche des lobes frontaux et temporaux, mais également le corps calleux.

Le scanner à la phase aiguë ne montre pas d’anomalie. Intérêt éventuel pour mettre en évidence les hématomes.

remerciements

• Au Docteur Patrick GERARDIN pour les photos

• Au Docteur Boumahni pour l’étude clinique