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ENSEIGNEMENT DE PROMOTION SOCIALE —————————————————————— Cours de CHIMIE ORGANIQUE - Alcènes - —————————————————————— H. Schyns Décembre 2006

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ENSEIGNEMENT DE PROMOTION SOCIALE

——————————————————————Cours de

CHIMIE ORGANIQUE

- Alcènes -

——————————————————————

H. Schyns

Décembre 2006

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Alcènes Sommaire

H. Schyns S.1

Sommaire

1. PRÉSENTATION GÉNÉRALE

1.1. Structure générale1.2. Nomenclature1.3. Stéréoisomérie1.4. Conjugaison et délocalisation1.5. Propriétés physiques

1.5.1. Forme physique1.5.2. Densité1.5.3. Solubilité

1.6. Réactivité

2. RÉACTIONS DES ALCÈNES

2.1. Aperçu2.2. Additions

2.2.1. Addition catalytique d'hydrogène2.2.2. Principe des additions électrophiles2.2.3. Addition d'hydracides halogénés (Markownikov)2.2.4. Addition d'hydracides halogénés (anti-Markownikov)2.2.5. Addition d'eau (Markownikov)2.2.6. Hydratation par hydroboration (anti-Markownikov)2.2.7. Addition d'acides hypohalogénés2.2.8. Addition de dihalogènes

2.3. Substitution en α2.3.1. Substitution radicalaire par un halogène

2.4. Oxydations2.4.1. Degrés d'oxydation et oxydants2.4.2. Epoxydation par peracide2.4.3. Cis-hydroxylation par KMnO4

2.4.4. Ozonolyse2.4.5. Coupure oxydative par un oxydant fort

2.5. Polymérisation2.5.1. Principe de la polymérisation2.5.2. Polymérisation radicalaire

2.5.2.1 En bref2.5.2.2 Phase d'initiation2.5.2.3 Phase de propagation2.5.2.4 Phase de terminaison

2.5.3. Polymérisation cationique2.5.3.1 En bref2.5.3.2 Phase d'initiation2.5.3.3 Phase de propagation2.5.3.4 Phase de terminaison

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Alcènes Sommaire

H. Schyns S.2

3. PRODUCTION DES ALCÈNES

3.1. A partir des dérivés halogénés3.1.1. Par élimination d'un monohalogéné3.1.2. Par élimination d'un dihalogéné vicinal

3.2. A partir des alcools, par élimination3.3. A partir des alcynes, par hydrogénation

4. RÉSUMÉ

4.1. Production

5. NOTE SUR LA CATALYSE

6. SOURCES

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Alcènes 1 - Présentation générale

H. Schyns 1.1

1. Présentation générale

1.1. Structure générale

Comme les alcanes, les alcènes sont composés exclusivement de carbone etd'hydrogène. Contrairement aux alcanes, qui ne contiennent que des liaisonssimples, les alcènes contiennent au moins une liaison double entre deux atomesde carbone :

fig. 1.1 Un alcène linéaire, ramifié et cyclique

Ils peuvent de présenter sous une forme linéaire, ramifiée ou cyclique.

Par rapport aux alcanes, les alcènes ont dû perdre deux atomes d'hydrogène afin depouvoir former la double liaison. La formule brute des formes linéaires ouramifiées est donc :

CnH2n

Les cycloalcènes ont dû perdre deux atomes d'hydrogène de plus afin de pouvoirfermer le cycle :

CnH2n-2

La double liaison implique que deux atomes de carbone adjacents sont hybridéssous la forme sp2 .La double liaison est composée d'une liaison σ obtenue parrecouvrement des orbitales hybridées, et d'une liaison π, obtenue par mise enparallèle et recouvrement des orbitales 2p non hybridées.

Rappelons qu'un atome de carbone qui est impliqué dans deux doubles liaisons esthybridé sous la forme sp. Dans l'exemple de la fig. 1.2, le carbone central esthybridé sp, ses voisins sont hybridés sp2 et ceux des extrémités sont hybridés sp3.

CH3

C C C

CH3

H

H

fig. 1.2 Un atome de carbone sp porteur de deux doubles liaisons

1.2. Nomenclature

La nomenclature des alcènes a été abordée dans la partie intitulée "Aperçu généralet Nomenclature".

Le nom de l'alcène dérive de celui de l'alcane correspondant en remplaçantla terminaison -ane par -ène.

Pour indiquer la position de la double liaison dans cette chaîne, on fait précéder lesuffixe -ène par le numéro du premier carbone qui y est impliqué. La numérotationest faite de manière à donner le plus petit numéro à la position de la double liaison :

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Alcènes 1 - Présentation générale

H. Schyns 1.2

CH31 C

H2

CH

3 CH24

CH25 CH3

6

fig. 1.3 Hex-2-ène

Si la chaîne est ramifiée, la chaîne principale à considérer n'est pas la pluslongue mais bien la plus longue contenant la double liaison.

De plus, la double liaison a priorité sur tous les substituants, c'est elle qui imposele sens de numérotation :

12

34

56

78

fig. 1.4 7-Methyl-3-propyloct-2-ène

Quand l'hydrocarbure présente plusieurs doubles liaisons, on insère les préfixes di,tri, etc dans la terminaison :

fig. 1.5 Penta-1,3-diène

Quelques alcènes possèdent des noms usuels qui s'écartent de la règle IUPAC :

CH2 CH2 Ethylène

CH2 CH

CH3

Propylène

1.3. Stéréoisomérie

A cause de l'hybridation sp2, les six atomes qui entourent la double liaison sont dansle même plan. La double liaison est rigide; elle interdit la libre rotation des atomesde carbone autour de l'axe C=C.

De ce fait, si les quatre valences libres sont occupées par des groupes différents(R1, R2, R3, R4), on peut concevoir six molécules différentes qui ne diffèrent que parl'agencement des groupes autour de la double liaison :

CisouZ

R1

R2

R3

R4

R1

R3

R2

R4

R1

R4

R2

R3

TransouE

R1

R2

R4

R3

R1

R3

R4

R2

R1

R4

R3

R2

fig. 1.6 Stéréoisomères et isomères de squelette

Pour illustrer ce constat, admettons que R1, R2, R3, R4 soient respectivement deschaînes linéaires à 1, 2, 3, 4 atomes de carbone.

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Alcènes 1 - Présentation générale

H. Schyns 1.3

Les trois molécules situées sur une même ligne sont des isomères de squelette; leschaînes principales (en gras) et latérales sont différentes.

Par contre, les molécules situées dans une même colonne possèdent le mêmesquelette et les mêmes substituants. La seule chose qui diffère est la positionrelative des substituants. On parle alors de stéréoisomérie.

Si les groupes substituants sont situés du même côté de la double liaison, on a uneforme cis, aussi appelée Z (de l'allemand zussamen = ensemble). S'ils sont de partet d'autre de la double liaison, on a la forme trans, aussi appelée E (de l'allemandentgegen = opposé).

1.4. Conjugaison et délocalisation

Lorsqu'une chaîne carbonée présente une alternance de doubles et de simplesliaisons, on parle de liaisons conjuguées :

Fig. 1.7 Segments avec des doubles liaisons conjuguées

Les doubles liaisons conjuguées sont le siège d'un intéressant phénomène quiconduit à la délocalisation des électrons π.

A CC

CC H

HH

HH

H

C C

C

C

H

H H

H

H

H

B

C

D CC

CC H

HH

HH

H

C C

C

C

H

H H

H

H

H

Fig. 1.8 Délocalisation des électrons dans les doubles liaisons conjuguées

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Alcènes 1 - Présentation générale

H. Schyns 1.4

Prenons le cas du buta-1,3-diène. Cette molécule est représentée de façonclassique à la ligne A de la Fig. 1.8 (à gauche).

En examinant la structure avec attention, on déduit que tous les atomes de carbonesont hybridés sp2. Dès lors, ils présentent tous une orbitale 2pz intacte. Pour desraisons énergétiques vues par ailleurs, toutes ces orbitales s'orientent parallèlementles unes aux autres (ligne B).

A ce moment, toutes les liaisons C–C sont du même type. Il n'y a aucune raisonpour favoriser la fusion des orbitales 2pz entre C1 et C2 d'une part, entre C3 et C4d'autre part plutôt que la fusion des orbitales 2pz entre C2 et C3. Par conséquent,c'est une fusion globale qui s'opère. Il se forme une longue orbitale moléculaire πdans laquelle tous les électrons 2pz de tous les atomes circulent librement (ligne C).On parle alors de délocalisation des électrons π.

Sur une formule développée, on note la délocalisation en remplaçant les doublesliaisons locales par un pointillé qui passe par tous les atomes hybridés sp2 (ligne D).

Fig. 1.9 Segments dans lesquels les électrons sont délocalisés (cf Fig. 1.7)

Tous les atomes de carbone impliqués dans les doubles liaisons conjuguéessont dans le même plan.

Il est important de noter qu'il suffit d'un seul carbone hybridé sp3 dans la série pourinterrompre la zone de délocalisation :

A cause du parallélisme des orbitales et de la délocalisation des électrons, la liaisonC2–C3 de la molécule de butadiène ne peut plus être considérée comme une liaisonσ pure autorisant une libre rotation. Il existe donc deux conformations distinctes dubutadiène : une conformation étirée (à gauche) et une conformation repliée (àdroite). Le passage de l'une à l'autre exige le franchissement d'une barrière depotentiel très importante.

1.5. Propriétés physiques

1.5.1. Forme physique

Les alcènes de C2 à C4 sont gazeux dans les conditions normales de températureset de pression. Les suivants, environ jusqu'à C20 sont généralement liquides maisl'état physique diffère selon l'isomère considéré (position de la double liaison, formecis- ou trans-). Les plus lourds sont solides.

Dans les conditions normales de température et de pression (abrév.: CNTP), lesalc-1-ènes (1) ont une température de fusion nettement inférieure à celle de l'alcanecorrespondant. Le point d'ébullition n'est que légèrement plus bas.

A partir du butène, les alcènes présentent non seulement plusieurs formesisomériques, mais aussi des formes cis- et des formes trans-. La règle énoncée ci-dessus ne vaut que pour les alc-1-ènes et non pour les autres isomères.

1 Les alc-1-ènes sont les alcènes dont la double liaison est portée par le premier atome de carbone.

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Alcènes 1 - Présentation générale

H. Schyns 1.5

Le tableau ci-dessous montre cependant que, pour un isomère donné, le point defusion de la forme cis- est toujours largement inférieur à celui de la forme trans-. Parcontre, les points d'ébullition des deux formes sont très proches.

nC Alcane Point defusion

Pointébullition

(°C)

Alcène Point defusion

Pointébullition

(°C)2 Ethane -183.3 -88.6 Ethène -169.2 -103.713 Propane -189.7 -42.1 Propène -185.3 -47.44 Butane -138.4 -0.5 But-1-ène -185.4 -6.3

cis-But-2-ène -138.9 3.7trans-But-2-ène -105.6 0.9

5 Pentane -129.7 36.1 Pent-1-ène -138.0 30.0cis-Pent-2-ène -151.4 36.9

trans-Pent-2-ène -136.0 36.46 Hexane -95.0 69.0 Hex-1-ène -139.8 63.3

cis-Hex-2-ène -141.4 68.8trans-Hex-3-ène -133.0 68.

cis-Hex-3-ène -137.8 66.4trans-Hex-3-ène -113.4 67.1

12 Dodécane -9.6 216.3 Dodéc-1-ène -35.2 213.416 Hexadécane 18.2 287.0 Hexadéc-1-ène 4.1 284.420 Eicosane 36.8 343.0 Eicos-1-ène 28.5 341.0

Températures en °C

Fig. 1.10 Points de fusion et d'ébullition des alcanes et alc-1-ènes

1.5.2. Densité

La densité des alcènes est inférieure à 1.

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Alcènes 1 - Présentation générale

H. Schyns 1.6

1.5.3. Solubilité

Comme les alcanes, les alcènes ne sont composés que de carbone et d'hydrogène.Vu la faible différence d'électronégativité entre C (2.5) et H (2.1) on pourrait penserque les alcènes sont des molécules non polaires, donc insolubles dans les solvantspolaires. Cependant, la densité électronique de la double liaison permet unecertaine interaction avec des molécules polaires.Les alcènes sont :

- solubles dans d'autres hydrocarbures,- généralement solubles dans les solvants organiques non polaires,

D'autre part, en fonction du nombre d'atomes de carbone et du nombre et de laposition des doubles liaisons, ils sont :- plus ou moins solubles dans l'eau,- plus ou moins solubles dans les solvants organiques polaires.

Par exemple, le propène est relativement soluble dans l'eau et très soluble dansl'éthanol. L'hex-1-ène est insoluble dans l'eau mais parfaitement soluble dansl'éthanol.

En raison de leur grande réactivité (voir point suivant), les alcènes sont rarementutilisés en tant que solvants. On leur préfère les alcanes et cycloalcanes.

1.6. Réactivité

C CH+ +fig. 1.11 Site réactionnel des alcènes

La forte densité électronique de l'orbitale π la liaison double est une cible de choixpour les réactifs électrophiles. Ceci vaut particulièrement pour les réactifs ioniquestels que des acides (H+).

fig. 1.12 Energie des liaisons σ et π

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Alcènes 1 - Présentation générale

H. Schyns 1.7

De plus, la rupture de la liaison π demande beaucoup moins d'énergie que la ruptured'une liaison σ ainsi que le montre le diagramme ci-dessus.

La stabilité de la liaison π, c'est-à-dire l'énergie nécessaire pour la briser, dépendcependant de la structure de la molécule. Plus le nombre d'atomes d'hydrogène quientoure une double liaison est petit, plus celle-ci est stable :

fig. 1.13 Stabilité de la double liaison en fonction des substituants

D'autre part, la forme trans- (E-) est plus stable que la forme cis- (Z-) :

fig. 1.14 Stabilité relative des formes cis- et trans-

Il va de soi que la taille des substituants aura aussi une influence surl'encombrement et donc sur la réactivité de la double liaison.

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Alcènes 2 - Réactions des Alcènes

H. Schyns 2.1

2. Réactions des Alcènes

2.1. Aperçu

Les réactions des alcènes peuvent être regroupées en quatre grandes familles :

- additions : on découple la liaison π pour fixer deux groupes;- substitution : on remplace un groupe substituant par un autre;- oxydations : on fixe de plus en plus d'oxygène au niveau de la double liaison,

jusqu'à la briser;- polymérisations : on fusionne plusieurs molécules identiques pour former une

chaîne.

2.2. Additions

2.2.1. Addition catalytique d'hydrogène

L'hydrogène ne s'additionne pas spontanément sur la liaison éthylénique.

La réaction demande la présence d'un catalyseur métallique tel que le platine ou lenickel de Raney. Comme les atomes qui entourent la double liaison sont dans lemême plan, la molécule d'alcène s'adsorbe "à plat" sur le cristal. Les électrons π dela liaison forment alors un complexe avec le métal, ce qui diminue l'énergied'activation de la réaction d'addition.

fig. 2.1 syn-addition de H2 sur un alcène produisant des stéréoisomères

Les deux atomes d'hydrogène ne peuvent d'additionner que sur la face libre,c'est-à-dire du même côté de la liaison : c'est une syn-addition d'hydrogène.

Par contre, la molécule peut présenter l'une ou l'autre face quand elle se dépose surle catalyseur (fig. 2.1 gauche et droite). Les deux molécules finales ont la mêmeformule brute et les mêmes substituants, mais elles ne sont pas identiques (1); ellessont l'image l'une de l'autre dans un miroir ainsi que le montrent les projections deNewman. Il s'agit de stéréoisomères.

1 Sauf si, parmi les trois groupes fixés aux atomes de carbone, deux sont identiques.

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Alcènes 2 - Réactions des Alcènes

H. Schyns 2.2

L'hydrogénation des doubles liaisons est utilisée :

- pour préparer le composé saturé correspondant, quoique ce soit généralementla réaction inverse qui soit recherchée,

- pour doser les doubles liaisons par mesure de la quantité de H2 consommée,- industriellement pour transformer les graisses végétales en margarines

2.2.2. Principe des additions électrophiles

L'attaque d'une double liaison par un composé AB, qui peut s'ioniser, suit toujours lemême schéma en deux étapes et conduit à l'addition du réactif :

fig. 2.2 Bilan de l'addition

En solution dans un solvant polaire, le composé AB se dissocie en ses formesioniques.

fig. 2.3 Mécanisme de l'addition électrophile

Le cation A+ est attiré par la forte densité électronique de l'orbitale et vient s'y fixeren provoquant le basculement de la liaison (1). Lors de ce basculement, ledeuxième atome de carbone perd l'électron qu'il avait mis en commun; il devientdonc positif et forme un carbocation. Le contre-ion B– est attiré par cette chargepositive et vient s'y fixer, donnant à l'atome de carbone l'électron qui lui manquait.

La première étape (formation du carbocation) est beaucoup plus lente quela seconde (fixation du contre-ion).

2.2.3. Addition d'hydracides halogénés (Markownikov)

L'addition d'un hydracide halogéné tel que HCl, HBr, etc est l'exemple type d'attaqueélectrophile. Le produit obtenu est un dérivé chloré.

fig. 2.4 Formation du 1-chloro- et du 2-chloropropane

Si l'alcène n'est pas symétrique par rapport à la double liaison, la réaction peutdonner deux produits différents selon que le doublet bascule vers l'un ou l'autre desatomes de carbone.

1 Rappelons qu'un liaison chimique est la mise en commun de deux électrons

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Alcènes 2 - Réactions des Alcènes

H. Schyns 2.3

Ainsi, dans le cas du propène (fig. 2.4) on peut former le 1-chloro et le 2-chloropropane. Cependant, on observe que le 2-chloroporpane est largementmajoritaire. Le chimiste russe Markownikov a énoncé cette règle expérimentale :

Règle de MarkownikovDans le cas d'addition d'un hydracide sur une double liaison, l'hydrogène sefixe préférentiellement sur le carbone qui est déjà le plus hydrogéné.

La règle s'explique facilement à partir du mécanisme réactionnel. Dans un cas lecarbocation intermédiaire est de type primaire, dans l'autre, il est de type secondaire.Or, on sait qu'un carbocation secondaire est plus stable (1) qu'un carbocationprimaire. La règle peut donc s'énoncer :

Dans le cas d'une addition sur une double liaison, le produit principal est celuiqui se forme en passant par l'intermédiaire le plus stable.

Nous verrons ci-dessous qu'en milieu aqueux il se forme de l'alcool en sous-produit.

2.2.4. Addition d'hydracides halogénés (anti-Markownikov)

En présence d'un composé susceptible de donner de radicaux libres, tel qu'uninitiateur de polymérisation radicalaire (cf. point 2.5.2), les hydracides halogénéss'additionnent selon un processus radicalaire. C'est l'effet Karash :

Initiation

R1

OO

R1 2 R1 O

R1 O + R1 OH + BrBrH

Propagation

Br + CH2 CH R2

CH2 CH R2

Br

CH2 CH R2

Br

CH2 CH R2

Br

CH2 CH R2

Br + BrH

CH2 CH R2

Br H

CH2 CH R2

H Br+ Br

fig. 2.5 Formation majoritaire du 1-bromoalcane

Le radical secondaire étant plus stable que le radical primaire, la réaction produitpréférentiellement le 1-bromoalcane. Comme le résultat est l'inverse de ce qui sepasse dans l'addition électrophile (règle de Markownikov), on dit qu'il s'agit d'unprocessus anti-Markownikov.

1 Le carbocation secondaire est plus stable que le primaire car sa formation exige une energie d'activation

inférieure et son énergie finale est plus basse.

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Alcènes 2 - Réactions des Alcènes

H. Schyns 2.4

Dans la phase de terminaison, non illustrée ici, les différents radicaux libres serecombinent entre eux. Cette recombinaison produit une foule de produitssecondaires parmi lesquels on trouvera le 1,2-dibromoalcane, des alcanes de poidsmoléculaire plus élevé et leurs formes bromées.

2.2.5. Addition d'eau (Markownikov)

On peut transformer les alcènes en alcool par addition d'une molécule d'eau.Toutefois, la réaction ne fonctionne qu'en présence d'une petite quantité d'acide(catalyse acide) :

fig. 2.6 Hydratation du propène en propan-2-ol

L'acide crée un carbocation qui fixe ensuite une molécule d'eau grâce aux doubletslibres de l'oxygène. La charge + excédentaire est éliminée sous la forme H+.L'acide n'est donc pas consommé par la réaction.

On note que toutes les étapes sont inversibles. Dès lors, il sera possible de formerun alcène par déshydratation d'un alcool.

Le mécanisme et la règle de Markownikov explique pourquoi il se formeprincipalement l'alcool secondaire et non l'alcool primaire. Cette technique est l'undes moyens industriels de production d'éthanol à partir d'éthylène.

L'acide utilisé est généralement H2SO4 et non un hydracide halogéné tel que HCl :

- ainsi que vu au point 2.2.3, HCl fournirait aussi le dérivé chloré,- HSO4

- est un anion moins nucléophile que Cl- car sa charge est répartie surplusieurs atomes, il risque donc moins de se fixer sur le carbocation,

- même si HSO4- se fixait sur le carbocation, il serait facilement déplacé

(hydrolysé) par H2O et le résultat serait identique.

2.2.6. Hydratation par hydroboration (anti-Markownikov)

Il est possible de produire l'alcool primaire à partir des alc-1-ènes à conditiond'utiliser le borane BH3 comme réactif intermédiaire.

Le bore est moins électronégatif que l'hydrogène (resp. 2.04 et 2.2). Le borane estdonc légèrement polarisé et c'est l'hydrogène qui porte la charge négative.

La première étape est une réaction concertée dans laquelle le bore se fixe sur lecarbone le plus négatif, c'est-à-dire celui qui se trouve en bout de chaîne.Rappelons que le groupe alkyle voisin de la double liaison a un effet "donneur"d'électrons. Le bore peut capter successivement trois molécules d'alcène :

fig. 2.7 Formation du trialkylborane

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Alcènes 2 - Réactions des Alcènes

H. Schyns 2.5

Dans la seconde étape, le borane est oxydé par le peroxyde d'hydrogène en milieubasique. A nouveau, la différence d'électronégativité entre en jeu : le bore (2.04) estdépouillé de ses électrons au profit des atomes de carbone voisins (2.55). Il est uncentre positif et dispose de plus d'orbitales 2p vides. Une cible idéale pour l'anionperoxyde :

fig. 2.8 Attaque du borane par H2O2 (catalyse basique)

Dans la dernière réaction de la fig. 2.8, l'une des branches alkyle passe sur l'atomed'oxygène qui est fixé au bore. Elle libère ainsi une orbitale du bore et un ion OH-.(1)La base n'est donc pas consommée par la réaction, elle agit simplement commecatalyseur.

L'atome de bore étant revenu dans son état initial. Il est encore plus polarisé qu'audépart car l'électronégativité de l'oxygène (3.55) est supérieure à celle du carbone.Le processus peut facilement se poursuivre sur la deuxième puis la troisièmebranche alkyle :

fig. 2.9 Formation du trialkyloxyborane

Dans la troisième étape, il s'agit de détacher les radicaux alkyloxy du bore par unehydrolyse catalysée par une base. Dans le trialkyloxyborane, l'atome de bore centralest fortement électropositif. On retrouve un schéma assez semblable à celui de lafig. 2.8 mais cette fois, c'est OH- qui intervient (2)

1 C'est un mécanisme de ce genre que l'on retrouvera dans la polymérisation des alcènes selon le procédé

Zigler-Natta (cf. cours de polymères)2 On s'est arrangé pour détruire H2O2 en excès à la fin de l'étape 2

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Alcènes 2 - Réactions des Alcènes

H. Schyns 2.6

fig. 2.10 Hydrolyse basique du trialkyloxyborane

Dans la dernière réaction de la fig. 2.10, le bore forme un hydroxyde aux dépens del'eau, ce qui régénère la base.

Le processus se poursuit de la même manière jusqu'à ce que les trois branchessoient détachées :

fig. 2.11 Bilan de la fin de l'hydrolyse

2.2.7. Addition d'acides hypohalogénés

L'addition d'acides hypohalogénés de type HXO (p.ex.: HClO) forme unehalohydrine (p.ex. chlorohydrine). Elle suit à peu près les mêmes règles que laréaction d'hydratation en milieu acide.

Attention, l'acide hypochloreux ne se scinde pas comme on pourrait le croire selon :

HClO Ù H+ + ClO-

mais bien selonHClO Ù OH- + Cl+

La formation du cation Cl+ électrophile est due à la forte électronégativité de OH-.Elle est expliquée par le mécanisme suivant :

fig. 2.12 Formation du cation Cl +

Le cation Cl+ joue le même rôle que H+ dans la suite du mécanisme. Il se fixepréférentiellement sur l'atome de carbone le plus hydrogéné :

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Alcènes 2 - Réactions des Alcènes

H. Schyns 2.7

fig. 2.13 Formation d'une chlorohydrine

Le chlore se fixe sur la double liaison d'un côté tandis que l'eau se fixe par l'autrecôte. La réaction est régiosélective.

Evidemment, à cause de la présence d'acide, on ne peut exclure la réactionconcurrente : l'hydratation simple conduisant à l'alcool.

2.2.8. Addition de dihalogènes

Les dihalogènes s'additionnent assez facilement sur les doubles liaisons. L'additions'opère en deux étapes.

En se rapprochant de la double liaison, la molécule de dihalogène se polarise sousl'effet de la forte densité électronique de la liaison π (1). Elle subit une rupturehétérolytique. Le cation (ici, Br+) se fixe sur la double liaison et forme un ionhalonium (ici, bromonium), qui est un ion ponté.

fig. 2.14 Formation d'un ion bromonium

A cause de l'encombrement provoqué par l'halogène déjà fixé, l'anion X– ne peutarriver que par l'autre côté de la double liaison. Il s'agit donc d'une anti-addition.L'anion se fixe préférentiellement sur l'atome de carbone le moins encombré. Sacharge (–) repousse le doublet de la liaison C–Br vers Br+, ce qui ouvre le cycle etneutralise la charge centrale.

fig. 2.15 Ouverture du cycle bromonium

1 Rappelons que le plan de la double liaison est perpendiculaire au plan formé par les quatre substituants

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Alcènes 2 - Réactions des Alcènes

H. Schyns 2.8

Dans le cas du E but-2-ène de la fig. 2.15 on arrive à la même molécule quel quesoit l'atome de carbone attaqué par l'anion.

2.3. Substitution en α

2.3.1. Substitution radicalaire par un halogène

La substitution se passe en phase gazeuse et à haute température, sinon,c'est la réaction d'addition vue au point 2.2.8 qui a lieu.

Dans cette réaction, la double liaison n'est pas affectée. Elle sert à stabiliser leradical formé et c'est l'atome de carbone situé en α de la double liaison qui subit lasubstitution :

Br Br500 °C

Br2Initiation

CH2 C

C

RH

H

H

+ Br CH2 C

C R

H

H

+ BrH

CH2 C

C R

H

H

+ Br Br CH2 C

C

RH

Br

H

Br+

Propagation

fig. 2.16 Substitution radicalaire

Le radical est stabilisé par résonance avec la double liaison :

CH2 C

C R

H

H

CH2 C

C R

H

H

fig. 2.17 Stabilisation du radical

Le radical primaire est moins stable que le radical secondaire. Toutefois, on ne peutpas exclure une réaction de déplacement de la double liaison et, dès lors, unesubstitution sur l'autre atome de carbone. De plus, le radical libre risque dedéclencher une polymérisation.

2.4. Oxydations

2.4.1. Degrés d'oxydation et oxydants

Par oxydation d'une molécule organique, on comprend généralement ajout d'unatome d'oxygène à la chaîne carbonée. C'est en effet souvent le cas.

Il faut garder à l'esprit que, en toute généralité, les oxydations sont des réactionsdans lesquelles une espèce (l'oxydant) voit son état d'oxydation diminuer tandis quel'autre (le réducteur) voit son état d'oxydation augmenter. Dès lors, la substitution

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Alcènes 2 - Réactions des Alcènes

H. Schyns 2.9

d'un atome d'hydrogène (+1) par un atome de chlore (-1) peut aussi être considéréecomme une oxydation du carbone.

Dans le cas qui nous intéresse ici, l'oxydant est une molécule oxygénée et leréducteur est l'atome de carbone. A titre d'illustration, dans la fig. 2.18, le passaged'un état d'oxydation à un autre nécessite l'action d'un oxydant. Par contre, lepassage de la forme époxy à la forme diol est une "simple" réaction de type acide-base.

fig. 2.18 Degré d'oxydation du carbone

fig. 2.19 Pouvoir oxydant des réactifs

Selon le réactif utilisé, on arrive directement à l'une ou l'autre forme oxydée ducarbone. Il est intéressant de noter que certaines formes implique la rupture de lachaîne carbonée. En d'autres mots, pour raccourcir une chaîne carbonée, onutilisera souvent une oxydation ménagée.

2.4.2. Epoxydation par peracide

Le peracide est souvent formé par l'équilibre d'une solution d'un acide faible et deperoxyde d'hydrogène. R est fréquemment un cycle benzénique :

CR

O

OH

OH OH R C

O

O OH

+ + OH2

fig. 2.20 Formation du peracide

La réaction est un processus concerté qui se déroule en une seule étape. De ce fait,la position relative des substituants reste inchangée :

fig. 2.21 Formation de l'époxy en une étape

En milieu acide, le cycle époxy s'ouvre aisément pour donner le diol.

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Alcènes 2 - Réactions des Alcènes

H. Schyns 2.10

2.4.3. Cis-hydroxylation par KMnO4

KMnO4 forme un composé cyclique très fugitif qui s'hydrolyse facilement pourdonner le diol. Dans la réaction, Mn est réduit de l'état +7 à +5.

fig. 2.22 Formation du diol par KMnO4

Une réaction très similaire a lieu quand on remplace KMnO4 par OsO4 (tétroxyded'osmium).

2.4.4. Ozonolyse

L'ozone est un composé dans lequel les électrons sont délocalisés :

fig. 2.23 Formes mésomères de l'ozone

Le mécanisme de basculement des doublets électroniques des liaisons est assezsemblable à ce qui se passe dans le cas de KMnO4. Le premier composé cyclique,très instable, est un molozonide.

Le basculement des doublets se poursuit dans le même sens, ce qui entraîne lacoupure de la liaison C-C. L'un des C prend une charge + tandis que le O terminalprend une charge +. La molécule se réarrange pour former un ozonide.

fig. 2.24 Ozonolyse d'un alcène

L'ozonide se décompose en présence d'eau pour former deux cétones (oualdéhydes selon la structure du composé initial) en libérant du peroxyde d'hydrogèneH2O2. Celui-ci est immédiatement réduit (détruit) par Zn, sinon l'oxydation pourraitse poursuivre jusqu'à l'acide carboxylique.

2.4.5. Coupure oxydative par un oxydant fort

L'alcène est coupé au niveau de la double liaison et, selon sa structure, il donnera

- soit deux cétones, si quatre substituants R;- soit une aldéhyde et une cétone, si trois substituants R et un H;- soit deux aldéhydes, si chaque C porte au moins un H.

Dans ce milieu, les aldéhydes sont rapidement transformées en acidescarboxyliques.

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Alcènes 2 - Réactions des Alcènes

H. Schyns 2.11

Les cétones résistent mieux à l'oxydation, mais dans des conditions très énergiques,on peut néanmoins les décomposer en deux acides carboxyliques.

fig. 2.25 Coupure oxydative par KMnO4

2.5. Polymérisation

2.5.1. Principe de la polymérisation

La polymérisation est le procédé par lequel on enchaîne un nombre important demolécules simples, appelées monomères, pour en faire une macromolécule demasse très élevée, appelée polymère.

Les alcènes, surtout mono-éthyléniques, sont des réactifs très prisés pour lapolymérisation.

C C

H

R1

H

R2

C C

H

R1

H

R2

n

n

fig. 2.26 Polymérisation d'un monomère éthylénique

Les polymères sont à la base de l'industrie des plastiques. Un cours complet leurest consacré par ailleurs. Nous nous contenterons ici d'en voir les grandes lignes.

Les alcènes peuvent polymériser selon quatre modes :

- polymérisation radicalaire,- polymérisation cationique,- polymérisation anionique,- polymérisation catalytique ou Ziegler-Natta.

Nous ne détaillerons que les deux premiers modes ci-après.

2.5.2. Polymérisation radicalaire

2.5.2.1 En brefLa polymérisation radicalaire s'effectue par propagation d'un radical libre.

Un radical libre est une molécule possédant un électron non apparié. Ce radicaltend à récupérer un électron auprès d'une autre molécule, ce qui le rend trèsréactionnel (1). En particulier, s'il s'attaque à un composé éthylénique, il brise la

1 Les radicaux ont été rencontrés lors de la pyrolyse des alcanes.

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Alcènes 2 - Réactions des Alcènes

H. Schyns 2.12

liaison π, forme une liaison σ avec l'un des électrons. Ceci laisse le reste de lamolécule attaquée avec un nouvel électron non apparié, recréant ainsi un nouveauradical libre. A un certain moment, deux radicaux libres se rencontrent, mettent encommun leurs électrons libres pour former une liaison σ, ce qui termine leprocessus.

La fusion des monomères n'entraîne aucune perte de matière, c'est pourquoi onparle de polyaddition.

En résumé, le processus se déroule en trois phases :

- l'initiation,- la propagation,- la terminaison.

Elles sont décrites ci-dessous.

2.5.2.2 Phase d'initiationLes radicaux libres sont le plus généralement formés par rupture homolytique d'unemolécule nommée initiateur. Les initiateurs les plus courants sont des moléculessymétriques dont les deux parties, souvent assez "lourdes", sont réunies par uneliaison une liaison σ. Lorsqu'on élève la température, l'agitation thermique provoquela rupture homolytique de ce maillon faible de la molécule.

Un initiateur thermique très courant est le peroxyde de benzoyle (PB) (1) :

C

O

C

O

O

OC

O

O

C

O

O

+90°C

Peroxyde de benzoyle

C

O

O

C + C

O

Oradical libre initial

fig. 2.27 Mécanisme d'initiation par le peroxyde de benzoyle

La localisation de l'électron libre constitue le centre actif du radical car c'est à cetendroit que la réaction aura lieu.

C C C

H

H

H

H

C C

H

H

H

Hfig. 2.28 Formation du maillon initial

Lors d'une collision avec une molécule de monomère éthylénique, le centre actif duradical s'approprie l'un des électrons de la liaison π. Il forme alors une liaison σ avec

1 IUPAC : diphenylperoxyanhydride

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Alcènes 2 - Réactions des Alcènes

H. Schyns 2.13

le monomère, laissant un nouvel électron libre au bout du segment C–C. Cetélectron libre constitue un nouveau centre actif qui est capable de poursuivre leprocessus. La liaison σ du monomère, elle reste intacte.

2.5.2.3 Phase de propagationAprès l'initiation de la synthèse, la réaction de propagation prend le pas. L'électronlibre situé à l'extrémité de la première molécule attaque un nouveau monomère etl'enchaîne. Le centre actif se retrouve à l'extrémité du nouveau maillon et tout estprêt pour que le processus se répète.

Pendant cette étape, le centre actif s'éloigne progressivement de l'initiateur et dedéplace le long de la chaîne en construction :

C C

H

H

H

H

C C

H

H

H

H

C C

H

H

H

H

C C

H

H

H

H

fig. 2.29 Propagation du radical libre

Dans la polymérisation radicalaire, la totalité de la phase de propagation se passeen une fraction de seconde. Le bilan de cette fraction de seconde peut s'écrire :

C C

H

H

H

H

C C

H

H

H

Hn

C C

H

H

H

H

C C

H

H

H

H

+ n

fig. 2.30 Bilan de la phase de propagation

Ce temps très court peut surprendre à première vue. Il n'a pourtant rien d'irréaliste.En effet, lors d'une polymérisation, des millions de monomères se trouvent àproximité directe du centre actif.

2.5.2.4 Phase de terminaisonEn principe, la réaction de propagation pourrait se poursuivre tant qu'il reste desmolécules de monomère dans le milieu. En réalité, cette situation est trèsimprobable. Dans la plupart des cas, la croissance de la chaîne polymérique estarrêtée par une réaction de terminaison.

Les mécanismes principaux de terminaison sont :

- la recombinaison (ang.: combination),- la dismutation (ang.: disproportionation),- le branchement (ang.: branching)- le transfert (ang.: transfer).

Il y a recombinaison quand les électrons libres terminaux de deux chaînes en coursde croissance se rencontrent et se recombinent pour former une liaison σ. Dans cecas, les deux centres actifs disparaissent, les deux chaînes fusionnent en une seuledont la masse est doublée :

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Alcènes 2 - Réactions des Alcènes

H. Schyns 2.14

C C

H

H H

H

n-1

CC

H

HH

H

m-1

n+m

fig. 2.31 Terminaison par recombinaison

Il y a dismutation quand l'une des chaînes en croissance s'approprie un atomed'hydrogène d'une autre chaîne active pour autant que cet atome d'hydrogène setrouve sur l'avant-dernier atome de carbone. La chaîne qui a perdu l'hydrogèneforme une double liaison terminale. La dismutation ne modifie pas le nombre dechaînes présentes ni les masses moléculaires.

C C

H

H H

H

n-1

CC

H

HH

H

m-1

C C

H

H H

H

H

n-1

CC

HH

H

m-1

fig. 2.32 Terminaison par dismutation

Dans le scénario du branchement, une chaîne en croissance capture un atomed'hydrogène situé au milieu d'une autre chaîne (active ou non). La chaîne prédatricetermine sa croissance en transférant son activité. L'autre chaîne, qui se retrouveavec un atome de carbone porteur d'un électron libre, peut poursuivre sa croissance.On obtient ainsi des polymères branchés.

C C

H

H H

H

C

H

H

C

H

C C

H

H H

H

H

C

Hfig. 2.33 Terminaison avec branchement

Ce processus ne modifie pas le nombre de chaînes présentes mais affecte ladistribution des masses moléculaires et les autres propriétés du polymère final.

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Alcènes 2 - Réactions des Alcènes

H. Schyns 2.15

Le transfert est assez semblable à la dismutation et au branchement mais ilimplique une molécule que l'on introduit spécifiquement dans le milieu à cet effet.

2.5.3. Polymérisation cationique

2.5.3.1 En brefLa polymérisation cationique d'un alcène est initiée par un cation. Ce cations'attaque à la concentration de charges négatives de la double liaison C=C. Lemécanisme est analogue à celui de l'addition des hydracides. L'attaque forme uncarbocation qui s'attaque à un autre monomère et ainsi de suite. La réaction s'arrêtepar éjection d'un proton H+ et il se forme une double liaison en bout de chaîne.

Une polymérisation cationique limitée doit être envisagée comme réactionconcurrente lors de l'addition des hydracides et chaque fois qu'un alcène esttraité en milieu acide.

2.5.3.2 Phase d'initiationComme la polymérisation cationique s'effectue par propagation d'un carbocation, elleconcerne surtout les alcènes qui portent un groupe donneur d'électrons près de ladouble liaison. En principe, la polymérisation est initiée par un acide qui crée uncarbocation :

fig. 2.34 Initiation de la polymérisation cationique

En pratique, les choses sont un peu plus compliquées. Elles impliquent dutrichlorure d'aluminium AlCl3 qui agit comme catalyseur grâce à l'orbitale vide del'aluminium :

fig. 2.35 Polymérisation cationique catalysée par AlCl3

2.5.3.3 Phase de propagationLe carbocation situé à l'extrémité de la molécule attaque la double liaison d'un autremonomère. Les électrons de la liaison p basculent et un nouveau carbocation seforme à l'extrémité du monomère qui vient d'être capturé. Le processus se répète deproche en proche et le centre actif s'éloigne progressivement de l'origine de lachaîne. Le contre-ion AlCl3OH reste à proximité du centre actif :

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Alcènes 2 - Réactions des Alcènes

H. Schyns 2.16

fig. 2.36 Propagation de la polymérisation cationique

2.5.3.4 Phase de terminaisonLa propagation est s'arrête par élimination d'un proton. Celui-ci est capté par lecontre-ion. On obtient toujours une double liaison en fin de polymérisation :

fig. 2.37 Terminaison de la polymérisation cationique

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Alcènes 3 - Production des Alcènes

H. Schyns 3.1

3. Production des Alcènes

Les réactions dans lesquelles les alcènes apparaissent du côté des produitsapparaîtront naturellement dans les chapitres consacrés aux fonctions présentes ducôté des réactifs. Nous nous contentons ici d'en faire un bref aperçu.

3.1. A partir des dérivés halogénés

3.1.1. Par élimination d'un monohalogéné

En milieu basique, on élimine facilement l'atome d'halogène avec l'hydrogène portépar le carbone voisin :

C C

Cl H

C C + ClHOH-

fig. 3.1 Elimination d'un dérivé halogéné

3.1.2. Par élimination d'un dihalogéné vicinal

Lorsque deux halogènes sont portés par atomes de carbone adjacents, la présenced'un métal tel que le zinc favorise la formation d'une double liaison :

C C

Cl Cl

C C +Zn

ZnCl2

fig. 3.2 Elimination d'un dihalogéné vicinal

3.2. A partir des alcools, par élimination

En milieu acide, on élimine facilement le groupe hydroxyle avec l'hydrogène portépar le carbone voisin :

C C

OH H

C C + OH2

H+

fig. 3.3 Elimination d'un alcool

3.3. A partir des alcynes, par hydrogénation

De même que l'hydrogénation des alcène conduit aux alcanes, on peut hydrogénerprudemment les alcynes pour arriver aux alcènes. Le catalyseur doit être désactivésinon, on passe directement aux alcanes.

C C C C

H HH2

Pd désactivé

fig. 3.4 Hydrogénation d'un alcyne

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Alcènes 4 - Résumé

H. Schyns 4.1

4. Résumé

Réactions• Additions

- addition d'hydrogène par voie catalytique- addition électrophile de composés ioniques (Markownikov et anti-Markownikov)• Substitutions en α• Oxydations

- douces- modérées- fortes

• Polymérisations- radicalaires- anioniques- cationiques

Additionélectrophile

Mkov

AlcèneCnH2n

Hydracidehalogéné

HX

Dérivé(s)halogéné(s)

Hydrogénation

NiRaPt

Alcane

H2

Additionradicalaire

R-O-O-R(Karash)

Anti-Mkov

Additionélectrophile

H2O

Alcool(s)Addition

électrophileBH3

HOOHMkov

Anti-Mkov

Halo-hydrine

(-X et -OH)

HXO

Additionélectrophile

Mkov

fig. 4.1 Résumé des réactions des alcènes (1ère partie)

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Alcènes 4 - Résumé

H. Schyns 4.2

AlcèneCnH2n

DihalogèneX2

DérivéDihalogéné

Anti-Addition

électrophile Substit.

αHT°

ϕ gaz.

AlcèneHalogéné

PeracideCOOOH

KMnO4

OzoneO3

EpoxyDiol

vicinalAldéhydeCetone

Acidecarboxyl.

Oxydationdouce

Oxydationdouce

Oxydationforte

Conc.Chaud

Oxydationmodérée

DiluéFroid

Polymères

Polyméri-sation

Initiateur

fig. 4.2 Résumé des réactions des alcènes (2ème partie)

fig. 4.3 Légende des résumés

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Alcènes 4 - Résumé

H. Schyns 4.3

Productionà partir• des alcools, par déshydratation (milieu acide)• des dérivés halogénés, par élimination (catalyse basique)• des dérivés dihalogénés, par élimination en présence de Zn• des alcynes, par hydrogénation modérée (Pd désactivé)• des esters, par pyrolyse

AlcèneCnH2n

Alcool

Dérivéhalogéné

Alcyne

Cataacide

H2O

EliminationCata

basique

HX

Dérivédihalogéné

vicinalElimination

CataZn

Elimination

ZnCl2

hydrogé-nationdouce

CataPd

Ester Pyrolyse

fig. 4.4 Résumé des réactions de production des alcènes

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Alcènes 5 - Note sur la catalyse

H. Schyns 5.1

5. Note sur la catalyse

L'hydrogénation catalytique des alcènes peut se faire en phase gazeuse ou enphase liquide. Le catalyseur lui-même est constitué soit de particules poreuses demétal solide, soit de métal déposé sur un support solide poreux (silice, alumine,charbon).

fig. 5.1 Profils de réactions non catalysée (à gauche) et catalysée (à droite)

Sans catalyseur, la réaction doit franchir une barrière énergétique importante pourpasser du réactif de départ (D) au produit final (F).

Par contre, le catalyseur permet la stabilisation d'un produit intermédiaire (I) que l'onpeut former en passant une barrière énergétique beaucoup moins élevée. Demême, la barrière énergétique à franchir pour transformer la forme intermédiaire (I)en produit final (F) est aussi beaucoup moins importante.

Si deuxième barrière énergétique est plus basse que la première, la deuxième étapeest rapide et la vitesse de réaction globale est contrôlée par celle de la premièreétape.

Si la deuxième barrière énergétique est plus haute que la première, le produitintermédiaire à tendance à se décomposer pour revenir aux réactifs initiaux. Latransformation de l'intermédiaire en produit final est donc beaucoup plus lente.

L'énergie libérée entre l'état final et l'état initial est identique dans les deux cas.

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Alcènes 6 - Sources

H. Schyns 6.1

6. Sources

- Chimie inorganique (3ème édition)D.F. Shriver & P.W. AtkinsEd.: De Boeck Université - 2001

- Chimie organique (17ème édition)Paul ArnaudEd.: Dunod - 2004

- Chimie organique (2ème édition)H. GalonsEd.: Masson - 2003

- Organic ChemistryVollhardt