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6 Spectroscopie infrarouge 1* Généralités La spectroscopie infrarouge (parfois désignée comme spectroscopie IR) est une classe de spectroscopie qui traite de la région infrarouge du spectre électromagnétique . Autrement dit, les radiations infrarouges (IR) se situent dans la partie du spectre électromagnétique comprise entre la région visible et celle des micro-ondes. La région limitée entre 4 000 et 400 cm -1 est la plus utile d’un point de vue pratique pour le chimiste organicien. La spectroscopie IR recouvre une large gamme de techniques, la plus commune étant un type de spectroscopie d'absorption . Comme pour toutes les techniques de spectroscopie, elle peut être employée pour l'identification de composés ou pour déterminer la composition d'un échantillon. Les tables de corrélation de spectroscopie infrarouge sont largement présentes dans la littérature scientifique. Une analyse détaillée ne sera pas nécessaire puisque l’identification ne dépendra pas uniquement du spectre IR. 2* Base et théorie La partie infrarouge du spectre électromagnétique est divisée en trois régions : le proche, le moyen et le lointain infrarouges, nommés en relation avec le spectre visible. L'infrarouge lointain, va approximativement de 400 à 10 cm -1 (1000–30 μm). L'infrarouge moyen, allant approximativement de 4000 à 400 cm -1 (30–1,4 μm) peut être utilisé pour étudier les vibrations fondamentales et la structure rovibrationnelle associée. Le proche infrarouge, plus énergétique, allant approximativement de 14000 à 4 000 cm -1 (1,4–0,8 μm) peut exciter les vibrations harmoniques . La spectroscopie infrarouge exploite le fait que les molécules possèdent des fréquences spécifiques pour lesquelles elles tournent ou vibrent en correspondance avec des niveaux d'énergie discrets (modes vibratoires). Les molécules diatomiques n'ont qu'une seule liaison, qui peut être étirée. Les molécules les plus complexes ont beaucoup de liaisons, et les vibrations peuvent être conjuguées, ce qui conduit à des absorptions infrarouges ayant des fréquences

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Spectroscopie infrarouge

1* Généralités

La spectroscopie infrarouge (parfois désignée comme spectroscopie IR) est une classe de spectroscopie qui traite de la région infrarouge du spectre électromagnétique. Autrement dit, les radiations infrarouges (IR) se situent dans la partie du spectre électromagnétique comprise entre la région visible et celle des micro-ondes. La région limitée entre 4 000 et 400 cm-1 est la plus utile d’un point de vue pratique pour le chimiste organicien.

La spectroscopie IR recouvre une large gamme de techniques, la plus commune étant un type de spectroscopie d'absorption. Comme pour toutes les techniques de spectroscopie, elle peut être employée pour l'identification de composés ou pour déterminer la composition d'un échantillon. Les tables de corrélation de spectroscopie infrarouge sont largement présentes dans la littérature scientifique.

Une analyse détaillée ne sera pas nécessaire puisque l’identification ne dépendra pas uniquement du spectre IR.

2* Base et théorie

La partie infrarouge du spectre électromagnétique est divisée en trois régions : le proche, le moyen et le lointain infrarouges, nommés en relation avec le spectre visible. L'infrarouge lointain, va approximativement de 400 à 10 cm -1 (1000–30 μm). L'infrarouge moyen, allant approximativement de 4000 à 400 cm-1 (30–1,4 μm) peut être utilisé pour étudier les vibrations fondamentales et la structure rovibrationnelle associée. Le proche infrarouge, plus énergétique, allant approximativement de 14000 à 4 000 cm-1 (1,4–0,8 μm) peut exciter les vibrations harmoniques.

La spectroscopie infrarouge exploite le fait que les molécules possèdent des fréquences spécifiques pour lesquelles elles tournent ou vibrent en correspondance avec des niveaux d'énergie discrets (modes vibratoires).

Les molécules diatomiques n'ont qu'une seule liaison, qui peut être étirée. Les molécules les plus complexes ont beaucoup de liaisons, et les vibrations peuvent être conjuguées, ce qui conduit à des absorptions infrarouges ayant des fréquences caractéristiques pouvant être liées à des groupes chimiques. Ainsi par exemple, les atomes d'un groupe CH2, que l'on trouve communément dans les composés organiques peut vibrer de six manières différentes : étirements (stretching) symétriques et antisymétriques, cisaillement (scissoring), bascule (rocking), agitation hors du plan (wagging) et torsion (twisting) :

étirementsymétrique

étirementantisymétrique

Cisaillement Bascule Agitation Torsion

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Le spectre infrarouge d'un échantillon est établi en faisant passer un faisceau de lumière infrarouge au travers de cet échantillon. L'examen de la lumière transmise indique la quantité d'énergie absorbée à chaque longueur d'onde. On peut le faire avec un faisceau monochromatique, avec une modification de la longueur d'onde dans le temps. On peut alors produire les spectres en absorbance ou en transmittance, et indiquer les longueurs d'ondes d'absorption. L'analyse de ces caractéristiques indique des détails de la structure moléculaire de l'échantillon.Cette technique fonctionne exclusivement sur les échantillons présentant des liaisons covalentes. Des spectres simples sont obtenus à partir d'échantillons avec peu de liaisons actives dans l'infrarouge et avec de hauts degrés de pureté. Les structures moléculaires plus complexes conduisent à plus de bandes d'absorption et donc à des spectres plus complexes. Cette technique a cependant été utilisée pour la caractérisation de mélanges très complexes.

Par ailleurs, les radiations IR de fréquences comprises entre 10 000 et 400 cm-1 sont absorbées

par une molécule organique en tant qu’énergie de vibration moléculaire. Le spectre de vibration

ici apparaît sous forme de bande.

La position des bandes dans un spectre IR est présentée en unités de nombre d’onde )

ou fréquence de vibration qui est l’inverse du centimètre (cm-1) ; elle est proportionnelle à

l’énergie de vibration.

Il existe deux types de vibrations moléculaires : les élongations et les déformations

angulaires. Une élongation est un mouvement rythmique le long de l’axe de la liaison de sorte

que la distance interatomique est croissante ou décroissante. Tandis qu’une déformation

angulaire consiste en une variation de l’angle formée entre deux liaisons successives, c’est-à-dire

ayant un atome en commun.

Une molécule a autant de degré de liberté que la somme des degrés de liberté de chacun

de ses atomes. Chaque atome a trois degré de liberté correspondant aux coordonnées cartésiennes

(x, y, z) nécessaires pour décrire sa position dans la molécule, par rapport aux autres atomes.

Une molécule de n atomes a donc 3n degrés de liberté. Pour les molécules non-linéaires, trois

degrés de liberté décrivent la rotation et trois autres décrivent la translation : les 3n – 6 degrés

restants sont les degrés de liberté de vibration ou encore les vibrations fondamentales. Les

molécules linéaires ont 3n – 5 degrés de liberté de vibration, puisque seulement deux degrés de

liberté sont requis pour décrire la rotation.

Exemple   : la molécule de CO2 est linéaire et contient trois atomes ; elle possède donc

quatre vibrations fondamentales [(3 x 3) - 5] = 4

Les calculs situent les fréquences d’élongation des liaisons suivantes dans les régions

d’absorption indiquées.

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Type de liaison Région d’absorption (cm-1)

C – C, C – O, C – N 1 300 – 800

C = C, C = O, N = O 1 900 – 1 150

C = C, C = N 2 300 – 2 000

C – H, O – H, N – H 3 800 - 2700

3* Préparation de l'échantillon

Les échantillons gazeux ne nécessitent que peu de préparation avant purification, mais par contre requièrent normalement une cellule de mesure avec une longueur de parcours importante (typiquement entre 5 et 10 cm), les gaz n'absorbant que peu dans l'infrarouge.

Les échantillons liquides peuvent être placés entre deux plaques d'un sel très pur (habituellement le chlorure de sodium, ou sel de table, bien qu'un nombre important d'autres sels comme le bromure de potassium ou le fluorure de calcium soit aussi utilisé). Les plaques sont transparentes à la lumière infrarouge. Cependant, comme de nombreux sels sont très solubles dans l'eau, les échantillons et agents de lavage doivent être anhydres.

Les échantillons solides peuvent être préparés de quatre manières :

* La première d'entre elles est de broyer l'échantillon avec un agent liant (souvent du nujol) dans un mortier avec un pilon. Un film mince de ce broyat est appliqué sur les plaques et mesuré.

* La deuxième méthode consiste à moudre finement une quantité de l'échantillon avec un sel purifié spécialement (comme le bromure de potassium) afin de supprimer les effets de diffusion des gros cristaux. Ce mélange poudreux est ensuite comprimé dans une presse afin de fournir une pastille translucide au travers de laquelle un faisceau de spectromètre peut passer.

* La troisième technique est dite de déposition de film, et est principalement utilisée pour les matériaux polymères. L'échantillon est tout d'abord dissout dans un solvant adéquat. Une goutte de cette solution est déposée à la surface d'une cellule de KBr ou de NaCl. La solution est ensuite évaporée jusqu'à séchage complet et le film ainsi formé sur la cellule est analysé directement. Il faut faire attention à ce que le film ne soit pas trop épais, empêchant la lumière de le traverser. Cette technique permet des analyses qualitatives.

* La quatrième méthode est utilisée pour les analyses des produits plastiques rejetés, par exemple, car cette technique préserve l'intégrité physique globale de l'échantillon.

Il est important de savoir que les spectres obtenus à partir de différentes méthodes peuvent présenter de légères différences entre eux en raison des états physiques des échantillons.

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4* Méthode classique

Schéma de fonctionnement d'un spectromètre infrarouge « classique ».

Dans un spectromètre infrarouge « classique » (il existe des montages spéciaux dépendants des activités poursuivies), un rayon de lumière infrarouge est produit et séparé en deux faisceaux. L'un passe au travers de l'échantillon, l'autre au travers d'une référence qui est parfois le composé dans lequel l'échantillon a été dissous. Les faisceaux sont ensuite réfléchis jusqu'à un détecteur, après être passés par un séparateur qui alterne rapidement les faisceaux entrant dans le détecteur. Les deux signaux sont comparés et le spectre ainsi obtenu tracé.

L'utilisation d'une référence permet :

d'éviter les fluctuations de sortie de source qui peuvent affecter les données. Ces fluctuations ont des origines diverses, comme le vieillissement.

d'éviter la prise en compte des effets de solvant (la référence est habituellement le solvant pur correspondant à celui dans lequel l'échantillon est dissout).

Aperçu des longueurs d'ondes d'absorption pour les molécules organiques

Quelques domaines d'absorption correspondant à divers types de liaisons chimiques. Les nombres d'ondes ou fréquences de vibration sont exprimées en cm-1.5* Interprétation du spectre

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Il n’y a pas de règles strictes pour l’interprétation d’un spectre IR. Cependant, avant toute

interprétation, certaines conditions doivent être remplies :

Le spectre doit présenter une résolution et une intensité adéquates.

Le spectre doit être celui d’un composé raisonnablement pur.

Le spectrophotomètre doit être calibré pour que les bandes soient observées à leur

propre fréquence ou longueur d’onde.

Le conditionnement de l’échantillon doit être spécifié. Si un solvant est employé, il

faut préciser le type de solvant, la concentration de l’échantillon et l’épaisseur de la cellule

devront être indiqués.

Une analyse précise des vibrations d’une molécule complexe n’est pas envisageable : dès

lors, le spectre IR doit être interprété à partir de comparaisons empiriques de spectres et par

extrapolation sur des molécules plus simples. On peut résoudre beaucoup de questions soulevées

lors de l’interprétation du spectre IR en utilisant les informations obtenues à partir de la masse,

de l’UV et des spectres RMN.

6* Usages et applications

La spectroscopie infrarouge est très répandue dans la recherche académique et l'industrie en tant que technique simple et sûre de mesure, de contrôle de qualité et de mesure dynamique. Elle est, par exemple, utilisée en médecine légale pour les cas criminels ou civils pour la caractérisation de la dégradation polymérique. Elle est sans doute la technique de spectroscopie appliquée la plus utilisée.

Les instruments d'acquisition sont maintenant miniaturisés et donc transportables, même pour des usages en extérieur. Avec l'accroissement des technologies de filtrage informatique et de traitement des résultats, les échantillons en solution peuvent maintenant être mesurés précisément (l'eau présente une large absorbance sur les longueurs d'ondes intéressantes, ce qui rend un spectre non traité ininterprétable). Certains instruments possédant leurs propres bases de données, l'identification peut ainsi également être automatisée.

En se calant sur une fréquence spécifique dans le temps, les modifications dans les propriétés ou la quantité d'une liaison particulière peuvent être mesurées. Cette méthode est particulièrement utile pour mesurer le degré de polymérisation en production. Les instruments de recherche modernes peuvent acquérir des mesures sur la largeur du spectre voulue aussi souvent que 32 fois par seconde. Cela peut se faire dans le même temps que d'autres mesures par d'autres techniques, ce qui permet l'observation de réactions et processus chimiques de manière plus rapide et plus précise.

La spectroscopie infrarouge est une technique probante à la fois en chimie organique et en chimie inorganique. Ainsi on peut l'utiliser en analyse de surface dans l'industrie de la micro-électronique pour des semi-conducteurs comme le silicium, l'arséniure de gallium, le séléniure de zinc, le silicium amorphe, le nitrure de silicium, etc.

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7* Effets isotopiques

Les différents isotopes d'espèces particulières peuvent donner des détails fins en spectroscopie infrarouge. Ainsi, la fréquence d'étirement O-O de l'oxyhémocyanine est expérimentalement déterminées à 832 et 788 cm-1 pour ν(16O-16O) et ν(18O-18O) respectivement.

Si l'on considère la liaison O-O comme un ressort, la longueur d'onde d'absorption ν peut être calculée :

où k est la constante de ressort pour la liaison, et μ est la masse réduite du système A-B :

(mi est la masse de l'atome i).

Les masses réduites de 16O-16O et 18O-18O peuvent être approchées par 8 et 9 unités atomiques, respectivement. Donc :

Références

1. W.S. Lau, Infrared characterization for microelectronics, World Scientific, 1999 2. P. Hamm, M. H. Lim, R. M. Hochstrasser, « Structure of the amide I band of peptides

measured by femtosecond nonlinear-infrared spectroscopy », dans J. Phys. Chem. B, vol. 102, 1998, p. 6123

3. S. Mukamel, « Multidimensional Fentosecond Correlation Spectroscopies of Electronic and Vibrational Excitations », dans Annual Review of Physics and Chemistry, vol. 51, 2000, p. 691