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176 FINANCIEEL FORUM / BANK- EN FINANCIEEL RECHT 2012/III-IV LARCIER CHRONIQUE / KRONIEK Chronique de droit bancaire et financier 2010 et 2011 (Luxembourg) Alex SCHMITT Avocat aux barreaux de Luxembourg et de Bruxelles Etude Bonn & Schmitt, Luxembourg LL.M. Harvard Law School Maître dEnseignement à la Faculté de Droit de lUniversité Libre de Bruxelles Armel WAISSE Avocat aux barreaux de Luxembourg et de Strasbourg Etude Bonn & Schmitt, Luxembourg Maître en droit privé (Université Robert Schuman Strasbourg) D.E.A. de droit privé (Université Robert Schuman Strasbourg) Table des matières INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177 PARTIE I. LÉGISLATION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177 I. Loi du 26 juillet 2010 portant modification de la loi du 9 mai 2006 relative aux abus de marché . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177 1. Approche générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177 2. Modifications et innovations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178 2.1. Renforcement des pouvoirs d’investigation conférés à la CSSF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178 (i) Extension du champ d’application rationae personae des pouvoirs d’investigation confiés à la CSSF . . . . . . . . . . . . . 178 (ii) Mise en place d’un régime spécial des inspections sur place des personnes non soumises à la surveillance prudentielle de la CSSF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178 2.2. Renforcement des pouvoirs de sanction conférés à la CSSF. 179 (i) Extension du champ d’application rationae materiae des pouvoirs de sanction de la CSSF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179 (ii) Articulation entre les procédures pénales et administratives 179 2.3. Nouvelle définition des marchés réglementés . . . . . . . . . . . 180 3. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180 II. Loi du 27 octobre 2010 portant renforcement du cadre légal en matière de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180 1. Approche générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180 2. Modifications et innovations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181 2.1. Dispositions modificatives et abrogatoires de dispositions législatives. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181 (i) Modification du Code pénal: renforcement des moyens de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181 (ii) Modification du Code d’instruction criminelle: renforcement des moyens procéduraux en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181 (iii) Modification de la loi du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181 (iv) Renforcement du cadre institutionnel des autorités . . . . . . . 182 2.2. Adoption d’une loi nouvelle portant organisation des contrôles de transport physique de l’argent liquide entrant au, transitant par le ou sortant du Grand-Duché de Luxembourg. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183 2.3. Adoption d’une loi nouvelle relative à la mise en œuvre des résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies et d’actes adoptés par l’Union européenne comportant des interdictions et mesures restrictives en matière financière à l’égard de certaines personnes, entités et groupes dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme . . . . . 183 3. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184 III. Loi du 17 décembre 2010 concernant les organismes de placement collectif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184 1. Approche générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184 2. Modifications et innovations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185 2.1. Introduction du passeport européen pour les sociétés de gestion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185 2.2. Simplification de la procédure de notification permettant la commercialisation dans un autre Etat membre des parts d’OPCVM établis dans un pays membre . . . . . . . . . . . . . . 185 2.3. Introduction d’un régime spécial des fusions d’OPCVM . . 185 2.4. Reconnaissance des structures maître-nourricier . . . . . . . . 185 2.5. Mise en place d’une documentation claire, correcte, concise et utile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185 2.6. Aménagements de l’organisation de la surveillance . . . . . . 186 2.7. Nouveautés fiscales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186 3. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186 IV. Loi du 28 avril 2011 portant essentiellement transposition des directives 2009/111/CE et 2009/49/CE. . . . . . . . . . . . . 186 1. Approche générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186 2. Modifications et innovations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187 2.1. L’extension des missions de la CSSF . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187 2.2. Introduction d’une nouvelle procédure d’agrément relative aux changements affectant les conditions d’agrément des établissements de crédit et professionnels du secteur financier (‘PSF’) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188 2.3. Droit d’établissement/Obligation d’agrément des établissements de crédit originaires d’un pays tiers . . . . . . . 188 DBF 3-4/2012 Larcier - © Groupe De Boeck s.a. [email protected] / Bonn & Schmitt / [email protected]

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176 FINANCIEEL FORUM / BANK- EN FINANCIEEL RECHT 2012/III -IV LARCIER

CHRONIQUE / KRONIEK

Chronique de droit bancaire et financier 2010 et 2011 (Luxembourg)

Alex SCHMITTAvocat aux barreaux de Luxembourg et de Bruxelles

Etude Bonn & Schmitt, Luxembourg

LL.M. Harvard Law School

Maître d�’Enseignement à la Faculté de Droit de l�’Université Libre de Bruxelles

Armel WAISSEAvocat aux barreaux de Luxembourg et de Strasbourg

Etude Bonn & Schmitt, Luxembourg

Maître en droit privé (Université Robert Schuman �– Strasbourg)

D.E.A. de droit privé (Université Robert Schuman �– Strasbourg)

Table des matièresINTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177PARTIE I. LÉGISLATION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177

I. Loi du 26 juillet 2010 portant modification de la loi du 9 mai 2006 relative aux abus de marché. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177

1. Approche générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1772. Modifications et innovations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1782.1. Renforcement des pouvoirs d’investigation conférés à la

CSSF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178(i) Extension du champ d’application rationae personae des

pouvoirs d’investigation confiés à la CSSF . . . . . . . . . . . . . 178(ii) Mise en place d’un régime spécial des inspections sur place

des personnes non soumises à la surveillance prudentielle de la CSSF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178

2.2. Renforcement des pouvoirs de sanction conférés à la CSSF. 179(i) Extension du champ d’application rationae materiae des

pouvoirs de sanction de la CSSF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179(ii) Articulation entre les procédures pénales et administratives 1792.3. Nouvelle définition des marchés réglementés . . . . . . . . . . . 1803. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180II. Loi du 27 octobre 2010 portant renforcement du cadre légal

en matière de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180

1. Approche générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1802. Modifications et innovations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1812.1. Dispositions modificatives et abrogatoires de dispositions

législatives. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181(i) Modification du Code pénal: renforcement des moyens de

lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181

(ii) Modification du Code d’instruction criminelle: renforcement des moyens procéduraux en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181

(iii) Modification de la loi du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181

(iv) Renforcement du cadre institutionnel des autorités. . . . . . . 182

2.2. Adoption d’une loi nouvelle portant organisation des contrôles de transport physique de l’argent liquide entrant au, transitant par le ou sortant du Grand-Duché de Luxembourg. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183

2.3. Adoption d’une loi nouvelle relative à la mise en œuvre des résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies et d’actes adoptés par l’Union européenne comportant des interdictions et mesures restrictives en matière financière à l’égard de certaines personnes, entités et groupes dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme . . . . . 183

3. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184III. Loi du 17 décembre 2010 concernant les organismes de

placement collectif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1841. Approche générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1842. Modifications et innovations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1852.1. Introduction du passeport européen pour les sociétés de

gestion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1852.2. Simplification de la procédure de notification permettant la

commercialisation dans un autre Etat membre des parts d’OPCVM établis dans un pays membre . . . . . . . . . . . . . . 185

2.3. Introduction d’un régime spécial des fusions d’OPCVM . . 1852.4. Reconnaissance des structures maître-nourricier . . . . . . . . 1852.5. Mise en place d’une documentation claire, correcte, concise

et utile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1852.6. Aménagements de l’organisation de la surveillance . . . . . . 1862.7. Nouveautés fiscales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1863. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186IV. Loi du 28 avril 2011 portant essentiellement transposition

des directives 2009/111/CE et 2009/49/CE. . . . . . . . . . . . . 1861. Approche générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1862. Modifications et innovations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1872.1. L’extension des missions de la CSSF . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1872.2. Introduction d’une nouvelle procédure d’agrément relative

aux changements affectant les conditions d’agrément des établissements de crédit et professionnels du secteur financier (‘PSF’) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188

2.3. Droit d’établissement/Obligation d’agrément des établissements de crédit originaires d’un pays tiers . . . . . . . 188

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LARCIER FORUM FINANCIER / DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2012/III -IV 177

ALEX SCHMITT & ARMEL WAISSE CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2010 ET 2011 (LUXEMBOURG)

2.4. Nouveau délai de remboursement pour le système de garantie des dépôts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188

3. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188

V. Loi du 20 mai 2011 portant transposition des directives 2009/110/CE et 2009/44/CE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189

1. Approche générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189

2. Modifications et innovations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189

2.1. Naissance d’un acteur financier sui generis: l’établissement de monnaie électronique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189

2.2. Innovations relatives au système de règlement des opérations sur titres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190

2.3. Renforcement des contrats de garantie financière . . . . . . . . 191

3. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191

VI. Loi du 28 octobre 2011 mettant en œuvre le règlement (CE) n° 1060/2009 et modifiant la loi du 5 avril 1993 relative au secteur financier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192

1. Approche générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192

2. Modifications et innovations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192

2.1. Surveillance prudentielle des utilisateurs de notation de crédit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192

2.2. Surveillance prudentielle des politiques de rémunération . . 192

2.3. Exemption de l’obligation de consolidation pour certaines entreprises d’assurances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193

3. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193

PARTIE II. JURISPRUDENCE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193

I. Les contrats de garantie financière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193

1. Cour d’appel 3 novembre 2010, n° de rôle 35824 . . . . . . . 193

Société L. contre monsieur G., la société X. et la banque B. 193

2. Tribunal d’arrondissement Luxembourg 20 mai 2010, n° 127843 du rôle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195

Société X. contre la banque A., la société B. et la société Z. 195

3. Cour d’appel (réf.) 21 avril 2010, n° 35720 du rôle . . . . . . 197

Société X. contre la banque A., la société B. et la société Z. 197

4. Cour d’appel (réf.) 21 avril 2010, n° 35723 du rôle . . . . . . 198

Société B. contre la société Z., la banque A. et la société X. 198

II. La responsabilité du banquier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199

1. Tribunal d’arrondissement Luxembourg 26 février 2010, n° 125068 du rôle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199

Société B. contre la banque Y. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199

2. Cour d’appel 10 février 2010, n° 34399 du rôle. . . . . . . . . 200

Monsieur C. contre la banque G. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 200

Introduction

La présente chronique est publiée dans ces colonnesdepuis l’année 1988. Voici déjà vingt-cinq ans que rendez-vous est pris pour relater les changements intervenus auLuxembourg en matière de droit bancaire et financier.Même si cette contribution a été suspendue l’une oul’autre année, les années subséquentes voient toujours sonretour et reprennent l’état du droit de l’année au cours delaquelle la chronique a fait défaut1.

Les premières chroniques avaient d’autant plus d’intérêtque rares étaient les publications au Luxembourg en lamatière. Un changement radical a eu lieu avec la naissancedu Journal des Tribunaux Luxembourg (JTL) en février2009. Cette revue bimestrielle (publiée également par leséditions Larcier) fait état des décisions importantesrendues au Luxembourg et renferme des contributions dequalité dans les matières les plus variées.

La présente chronique continue néanmoins à présenter unintérêt en vue d’alerter le public des évolutions du droitque connaît le Luxembourg et de l’informer des change-ments et innovations intervenus dans le domaine particu-lier du droit bancaire et financier. La présentation de lalégislation, qui sera abordée en ses données essentielles en

première partie, peut être d’autant plus utile qu’elle peutpermettre de comparer les choix opérés par les Etats euro-péens lors de la transposition de directives communau-taires2. Les décisions de jurisprudence les plus marquantesrendues au cours des années 2010 et 2011 par des juridic-tions luxembourgeoises seront présentées dans uneseconde partie. Les contrats de garantie financière ont faitl’objet de premières décisions jurisprudentielles, et laréalisation du gage en particulier a généré des réponsesprétoriennes qui doivent être relevées. Le thème plus clas-sique de la responsabilité du banquier a lui encore donnélieu à des décisions qui méritent d’être développées.

Partie I. Législation

I. Loi du 26 juillet 2010 portant modification de la loi du 9 mai 2006 relative aux abus de marché

1. Approche générale

Cette loi (ci-après la ‘loi du 26 juillet 2010’)3 a été adoptéeen vue de corriger la transposition de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier2003 sur les opérations d’initiés et les manipulations demarché (la ‘directive abus de marché’) qu’avait effectuée

1. Les plus récentes contributions ont été publiées dans cette revue en 2001 (pp. 33-41), 2002 (pp. 349-365), 2003 (pp. 280-300), 2004 (pp. 154-174), 2005(pp. 240-272), 2006 (pp. 348-384), en 2007 (pp. 423-445), 2009 (pp. 265- 289) et 2010 (pp. 333-351).

2. Nous précisons que les circulaires de la CSSF ne seront pas inventoriées dans leur exhaustivité, du fait de la simplicité de leur consultation sur le site Internet dela CSSF: www.cssf.lu/legislation-et-reglementation/circulaires.

3. Mémorial A n° 119 du 28 juillet 2010, p. 2045; voir également les documents parlementaires, projet de loi n° 6081.

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CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2010 ET 2011 (LUXEMBOURG) ALEX SCHMITT & ARMEL WAISSE

la loi du 9 mai 2006 relative aux abus de marché (la ‘loirelative aux abus de marché’)4.

La Commission européenne avait en effet considéré que leLuxembourg méconnaissait ses obligations communau-taires et lui avait adressé le 29 octobre 20095 unedemande formelle sous forme d’un ‘avis motivé’ au sensde l’article 258 du traité sur le fonctionnement de l’Unioneuropéenne6.

Une transposition non conforme des articles 12 et 14 de ladirective abus de marché était reprochée à la loi luxem-bourgeoise, causée par un champ d’application troprestreint des pouvoirs d’enquête et de sanction confiés àl’autorité de régulation compétente, la Commission desurveillance du secteur financier (la ‘CSSF’). La CSSF nepouvait notamment exercer son pouvoir d’investigationqu’auprès de personnes soumises à sa surveillance pruden-tielle. Etaient ainsi laissées hors de son pouvoir despersonnes pourtant assujetties aux obligations de la direc-tive abus de marché mais ne relevant pas de sa surveillanceprudentielle. La Commission européenne avait encoreestimé que le régime des sanctions administratives quipouvaient être infligées par la CSSF devait également êtreremanié du fait qu’il ne permettait pas à la CSSF detoucher les manquements non-professionnels quipouvaient être caractérisés de délits d’initiés ou de mani-pulations de cours.

Il convient immédiatement de relever que la loi du26 juillet 2010 revient en réalité à adopter textuellementle libellé du texte du projet de loi original ayant abouti àla loi relative aux abus de marché7. Les pouvoirs de laCSSF n’avaient été limités que par suite d’une oppositionformelle du Conseil d’État8. Les pouvoirs de la CSSF sontdonc restaurés à la hauteur de ce que prévoyait le législa-teur initialement.

2. Modifications et innovations

La loi du 26 juillet 2010 n’a ainsi pas pour vocation demodifier la substance de la loi relative aux abus demarché. Elle se borne essentiellement à modifier les deuxarticles incriminés par la Commission européenne9, et selimite donc à étendre les pouvoirs d’investigation et desanction de la CSSF. Elle réduit toutefois le champ d’appli-cation de la loi en modifiant la notion de ‘marché régle-menté’.

2.1. Renforcement des pouvoirs d�’investigation conférés à la CSSF

(i) Extension du champ d�’application rationae personae des pouvoirs d�’investigation confiés à la CSSF

Conformément à l’article 12, 2., c) de la directive abus demarché, la CSSF a désormais le pouvoir de procéder à desinspections sur place de manière générale, sans restrictionparticulière10, c’est-à-dire non seulement auprès despersonnes soumises à sa surveillance mais égalementauprès de toutes personnes visées par la loi relative auxabus de marché. Ainsi, la CSSF peut par exemple procéderà des inspections dans les locaux professionnels d’unémetteur d’instruments financiers, ou même d’unavocat11, ou encore d’une personne dont la surveillanceprudentielle incombe au Commissariat aux assurances.

(ii) Mise en place d�’un régime spécial des inspections sur place des personnes non soumises à la surveillance prudentielle de la CSSF

Si le régime des inspections sur place reste inchangé pourles personnes assujetties à la supervision de la CSSF, uneprocédure spéciale d’inspiration française12 est mise enplace par un nouvel article 29bis pour les personnesphysiques ou morales ne relevant pas de la surveillanceprudentielle de la CSSF. Ce pouvoir d’enquête ne pourraêtre mis en œuvre par la CSSF que si elle obtient “l’assen-timent exprès de la personne chez laquelle l’inspection a

4. Mémorial A n° 83 du 16 mai 2006, p. 1469; voir cette chronique, Revue droit bancaire et financier 2007, p. 431; voir également S. JACOBY et O. POELMANS, “Laloi du 9 mai 2006 relative aux abus de marché”, ACE, n° 2, juin 2006, p. 26; L. SCHUMMER, “MAD ou la tentative de lutter contre les abus de marché par la loidu 9 mai 2006”, Bulletin droit et banque, n° 40, p. 7; voir également A. SCHMITT et J. STEFFE, “Le délit d’initié”, Droit bancaire et financier au Grand-Duché deLuxembourg, Larcier, 1994, p. 617; O. POELMANS et S. CONIN, “Le délit d’initié: première décision de jurisprudence et projet de réforme législative”, Bulletindroit et banque, n° 36, p. 18.

5. Commission européenne, document IP/09/1633.6. Ancien art. 226 du traité des Communautés européennes; cette demande formelle de la Commission européenne exigeait une réponse qualifiée de ‘satisfaisante’

dans le délai de deux mois, sans quoi la Commission pouvait saisir la Cour de justice des Communautés européennes.7. Projet de loi n° 5415 déposé le 9 décembre 2004.8. Avis du Conseil d’Etat du 15 novembre 2005, document parlementaire n° 54152.9. Art. 29 et 33 de la loi relative aux abus de marché.10. Art. 29, § 1er, 3ème tiret de la loi relative aux abus de marché telle que modifiée.11. Voir l’avis de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, document n° 60814, et son avis rectifié, dépêche du bâtonnier au président de la Chambre des

députés, n° 60816.12. Art. L. 621-12 du Code monétaire et financier français.

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ALEX SCHMITT & ARMEL WAISSE CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2010 ET 2011 (LUXEMBOURG)

lieu”13. Si cet assentiment ne peut être recueilli, la CSSFdevra solliciter l’autorisation préalable du juge d’instruc-tion auprès du tribunal d’arrondissement dans la circons-cription duquel l’inspection sur place aura lieu14. Le juged’instruction vérifiera que la demande motivée de la CSSFest justifiée et proportionnée au but recherché et dési-gnera un officier de police judiciaire chargé d’assister lesagents de la CSSF lors de l’inspection sur place15. Il endonnera préalablement avis au procureur d’Etat16.L’inspection ne pourra, à peine de nullité, commenceravant six heures et demie ni terminer après vingt heures17.La personne visée et son conseil pourront y assister. Ils enreçoivent avis la veille, avec indication sous peine denullité, de l’objet et du but de l’inspection. Les intéressésne seront toutefois pas appelés “lorsqu’il y a lieu decraindre la disparition imminente d’éléments dont laconstatation et l’examen semblent utiles à la manifesta-tion de la vérité”18. Cette procédure s’inspire des règles duCode d’instruction criminelle et tend notamment àprotéger les droits de la défense des personnes visées parune enquête de la CSSF.

2.2. Renforcement des pouvoirs de sanction conférés à la CSSF

(i) Extension du champ d�’application rationae materiae des pouvoirs de sanction de la CSSF

La CSSF n’était autorisée à prononcer des sanctions admi-nistratives sur le fondement de la loi relative aux abus demarché qu’en cas de méconnaissance d’obligations profes-sionnelles19.

La loi du 26 juillet 2010 efface cette restriction et a poureffet que la CSSF est désormais habilitée à prononcer dessanctions administratives à l’égard de toute personne viséepar la directive abus de marché, comme le prévoit l’article14 de ce texte20. L’article 33 de la loi relative aux abus de

marché est modifié en conséquence. Le montant del’amende administrative sera compris entre 125 et1.500.000 EUR21.

(ii) Articulation entre les procédures pénales et administratives

Du fait que les infractions sont sanctionnées tant sur levolet pénal que sur le volet administratif, la superpositiondes autorités de répression est susceptible d’aboutir à descumuls de sanctions22. L’articulation des procédurespénales et administratives devait donc être prévue pourrespecter les exigences de la convention européenne desdroits de l’homme23, et notamment pour éviter qu’unepersonne ne soit poursuivie ou jugée une seconde foisalors que la décision antérieure d’acquittement ou decondamnation est déjà passée en force de chose jugée.

La loi du 26 juillet 2010 agit tant au niveau des élémentsconstitutifs qu’au niveau des modalités de poursuite desinfractions.

S’agissant des éléments constitutifs des infractions, lesinfractions poursuivies devant les juridictions pénales sedistingueront par leur élément moral, dans la mesure où ilfaudra établir un dol spécial, à savoir “la volonté deprocurer à soi-même ou à autrui à l’aide de tout moyenfrauduleux un bénéfice illicite même indirect”. La CSSFpoursuivra les manquements commis intentionnellementou sciemment (dol général), et les manquements nonintentionnels, qui sont commis par imprudence, négli-gence ou maladresse.

Le nouvel article 33 précise les modalités de poursuite desinfractions et choisit une compétence exclusive et alterna-tive pour sanctionner les abus de marché. Si le procureurd’Etat décide de poursuivre, la Commission ne procèdepas; si le procureur décide de ne pas poursuivre, la CSSFprocède. Au cas où un juge de l’ordre judiciaire serait saisi

13. Art. 29bis, 1. de la loi relative aux abus de marché telle que modifiée.14. Art. 29bis, 3. de la loi relative aux abus de marché telle que modifiée.15. Art. 29bis, 3. de la loi relative aux abus de marché telle que modifiée.16. Art. 29bis, 5. de la loi relative aux abus de marché telle que modifiée.17. Art. 29bis, 5. de la loi relative aux abus de marché telle que modifiée.18. Art. 29bis, 4. de la loi relative aux abus de marché telle que modifiée.19. Ancien art. 33 de la loi relative aux abus de marché.20. Selon l’art. 14 de la directive abus de marché, “sans préjudice de leur droit d’imposer des sanctions pénales, les Etats membres veillent à ce que, conformément à

leur législation nationale, des mesures administratives appropriées puissent être prises ou des sanctions administratives appliquées à l’encontre des personnesresponsables d’une violation des dispositions arrêtées en application de la présente directive. Les Etats membres garantissent que ces mesures sont efficaces,proportionnées et dissuasives”.

21. Les travaux préparatoires précisent que l’amende a été portée au seuil choisi par le législateur français, art. L. 465-1 du Code monétaire et financier, “afin degarantir un dispositif efficace de sanctions susceptibles d’être prononcées par la CSSF” (voir projet de loi n° 6081, commentaire des articles, p. 6).

22. Le Conseil d’Etat avait appelé à modifier le projet de loi original (n° 5415 déposé le 9 décembre 2004) essentiellement sur le fondement du respect de la règle nonbis in idem.

23. Et notamment de l’arrêt de la Cour européenne des Droits de l’Homme du 10 février 2009, Sergueï Zolotoukhine / Russie, requête n° 14939/03, et particulière-ment les § 82 et 83 de la décision; sur cet arrêt, voir notamment J. PRADEL, “Principe ne bis in idem, poursuites successives de nature différente et Cour européennedes droits de l’homme”, Dalloz 2009, p. 2014.

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180 FINANCIEEL FORUM / BANK- EN FINANCIEEL RECHT 2012/III -IV LARCIER

CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2010 ET 2011 (LUXEMBOURG) ALEX SCHMITT & ARMEL WAISSE

après que la CSSF ait infligé une sanction administrative,le nouvel article 33 prévoit l’imputabilité de l’amendeadministrative sur celui de l’amende judiciaire.

2.3. Nouvelle définition des marchés réglementés

Le législateur de 2006 avait choisi de donner à la loi rela-tive aux abus de marché un champ d’application pluslarge que celui de la directive abus de marché. En effet, lelégislateur luxembourgeois avait choisi d’appliquer cettelégislation aux marchés agréés des pays tiers qui répon-dent à des exigences équivalentes à celles définies dans ladirective 2004/39/CE concernant les marchés d’instru-ments financiers (la ‘MiFID’). L’équivalence sera reconnueau marché étranger dès lors qu’il satisfera les critères del’article 4, 1., 14) de la MiFID24. La rédaction initiale dela loi relative aux abus de marché devait donc permettred’étendre les pouvoirs de coopération de la CSSF au-delàde l’Union européenne.

Mais les quelques années d’application de la loi ontprouvé que la CSSF se heurtait à de graves difficultéspratiques pour porter un jugement ad hoc sur une éven-tuelle équivalence des critères MiFID par rapport auxrègles régissant les marchés agréés des pays tiers. Le para-graphe 6 de l’article 1er de la loi relative aux abus demarché est donc modifié. Désormais, le marché régle-menté d’un pays tiers sera “un marché pour lequel desdispositions et interdictions en matière d’abus de marchésimilaires aux exigences de la présente loi sont prévues”.L’équivalence des exigences ne sera plus appréciée parrapport à celles définies par la MiFID, mais par rapport àla loi luxembourgeoise, ce qui devrait contribuer àaugmenter la transparence des exigences applicables auxmarchés réglementés agréés dans des pays tiers25.

3. Conclusion

La loi du 26 juillet 2010 couvre donc entièrement lechamp d’application général recherché par la directive

abus de marché. Elle renforce les pouvoirs de la CSSF quiaffermit ainsi son autorité dans ses missions de protectiondes investisseurs et de transparence du marché. Les chan-gements qu’elle apporte constituent une étape importantedans le combat mené contre les abus de marché26 etrenforcent la protection des investisseurs.

II. Loi du 27 octobre 2010 portant renforcement du cadre légal en matière de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme

1. Approche générale

Cette loi (ci-après la ‘loi du 27 octobre 2010’27) vise àrépondre aux critiques formulées par le Groupe d’actionfinancière (le ‘GAFI’) le 19 février 2010 dans son troi-sième Rapport d’évaluation mutuelle du Luxembourg enmatière de lutte contre le blanchiment et contre le finance-ment du terrorisme (le ‘REM’)28. Les lacunes du régimeluxembourgeois au regard des recommandations du GAFIont ainsi été mises en lumière. Une loi nouvelle devait êtreadoptée en octobre 2010, à défaut de quoi le Luxembourgaurait été placé sur une liste grise établie par le GAFI à lademande du G2029. Elaboré par le ministre des Financeset le ministre de la Justice, et déposé le 19 août 2010, leprojet de loi a donc été soumis à des contraintes de calen-drier.

La loi du 27 octobre 2010 connaît un champ d’interven-tion vaste et hétéroclite. Elle modifie vingt-et-une loisdifférentes et crée deux nouvelles lois. Elle est articulée entrois parties.

Sa première partie constitue le cœur du renforcement dudispositif législatif en matière de lutte contre le blanchi-ment des capitaux et le financement du terrorisme. Ellecontient notamment des dispositions modificatives etabrogatoires dans le domaine pénal, mais également dansle secteur financier, le secteur des assurances et le secteurdes autres professions non financières.

24. Selon cet article, un marché réglementé est “un système multilatéral, exploité et/ou géré par un opérateur de marché, qui assure ou facilite la rencontre – en sonsein même et selon ses règles non discrétionnaires – de multiples intérêts acheteurs et vendeurs exprimés par des tiers pour des instruments financiers, d’une manièrequi aboutisse à la conclusion de contrats portant sur des instruments financiers admis à la négociation dans le cadre de ses règles et/ou de ses systèmes, et qui estagréé et fonctionne régulièrement conformément aux dispositions du titre III”.

25. Avis de la Chambre de commerce, document parlementaire n° 60811, commentaire de l’art. 1er, p. 6.26. Selon les rapports d’activités publiés par la CSSF, en 2010, la CSSF a ouvert huit enquêtes en matière de délits d’initiés et/ou de manipulation de cours et a traité

29 requêtes initiées par des autorités étrangères. Les différents éléments d’informations et les pièces obtenus au cours des investigations ont permis à la CSSF declôturer sans suite la majorité des dossiers et de transmettre certains dossiers au procureur d’Etat. Une injonction portant sur une des obligations de la loi relativeaux abus de marché a été prononcée envers une partie concernée. En 2011, la CSSF a ouvert six enquêtes en matière de délits d’initiés et/ou de manipulation decours. Les différents éléments d’informations et les pièces obtenus au cours des investigations ont permis à la CSSF de conclure dans un dossier à la commissiond’un délit d’initié et de le sanctionner en conséquence, de transmettre deux dossiers aux autorités judiciaires et de clôturer les dossiers restants sans suite. Lesvérifications en relation avec une enquête continuent en 2012. La CSSF a également traité 61 requêtes initiées par des autorités étrangères.

27. Mémorial A n° 193 du 3 novembre 2010, p. 3172; voir également les documents parlementaires n° 6163; voir également la circulaire CSSF 10/495 du 9 décembre2010 concernant l’entrée en vigueur de la loi du 27 octobre 2010 en matière de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme.

28. Voir www.fatf-gafi.org/fr/themes/evaluationsmutuelles/documents/name,1646,fr.html.29. Liste regroupant les Etats non coopératifs en matière de lutte anti-blanchiment.

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ALEX SCHMITT & ARMEL WAISSE CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2010 ET 2011 (LUXEMBOURG)

La seconde partie vise à l’adoption d’une loi autonomeportant organisation des contrôles de transport physiquede l’argent liquide entrant au, transitant par le, ou sortantdu Grand-Duché de Luxembourg.

La troisième partie crée une seconde loi autonome relativeà la mise en œuvre de résolutions du Conseil de Sécuritédes Nations Unies et d’actes adoptés par l’Union euro-péenne comportant des interdictions et mesures restric-tives en matière financière à l’égard de certainespersonnes, entités et groupes dans le cadre de la luttecontre le financement du terrorisme.

2. Modifications et innovations

2.1. Dispositions modificatives et abrogatoires de dispositions législatives

Les vingt-et-une lois modifiées, de même que les change-ments y apportés, ne seront pas évoqués dans toute leurexhaustivité. Seuls les points fondamentaux seront iciénoncés.

(i) Modification du Code pénal: renforcement des moyens de lutte contre le blanchiment d�’argent et le financement du terrorisme

Pour remédier aux critiques formulées par le GAFI, la loidu 27 octobre 2010 modifie le Code pénal et crée notam-ment de nouvelles infractions terroristes. Elle renforce ledispositif de protection des personnes jouissant d’uneprotection internationale30 (art. 112-1 nouveau). Laconfiscation spéciale des instruments de l’infraction estdoublement étendue: son champ d’application n’est doré-navant plus limité à l’infraction de blanchiment maiss’applique également à l’infraction de terrorisme; sonobjet n’est plus limité aux biens du condamné mais estétendu aux biens des tiers (art. 32-1 C.pén.). Elle élargit la

définition du groupe terroriste à l’association de deuxpersonnes31 (art. 135-3). Elle consacre en droit nationalles attentats terroristes à explosifs32 et gradue les peines enfonction de la gravité des conséquences qu’ils aurontcausées (art. 135-9 nouveau). Enfin, elle confirme l’auto-nomie de l’infraction de blanchiment33 (art. 506-8nouveau), précise son contenu et étend son champ d’appli-cation à certaines nouvelles infractions (modification del’art. 506-1).

(ii) Modification du Code d�’instruction criminelle: renforcement des moyens procéduraux en matière de lutte contre le blanchiment d�’argent et le financement du terrorisme

Le régime de l’instruction simplifiée34, encore dénommée‘mini-instruction’, est notamment étendu, sous certainesgaranties procédurales, aux délits commis en matière delutte contre le blanchiment et le financement du terro-risme35. Le parquet peut dorénavant requérir qu’uneperquisition, une saisie, l’audition d’un témoin ou encoreune expertise soient ordonnées sans qu’une instructionpréparatoire ne soit ouverte.

(iii) Modification de la loi du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme36

Le volet préventif de la loi du 12 novembre 2004 relativeà la lutte contre le blanchiment et contre le financementdu terrorisme (la ‘loi AML’) est renforcé.

La liste des professionnels visés par la loi AML estélargie37, de manière à assurer que toute institution finan-cière au sens du GAFI soit soumise aux obligations profes-sionnelles en matière de lutte contre le blanchiment etcontre le financement du terrorisme. De même, la loiAML s’applique désormais à tout professionnel étranger

30. Conformément aux exigences de la convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale, ycompris les agents diplomatiques, du 14 décembre 1973, approuvée par une loi du 6 mars 2006, Mémorial A n° 50 du 16 mars 2006, p. 1115.

31. Et non plus à trois personnes comme antérieurement.32. Conformément aux exigences de la convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l’explosif du 15 décembre 1997, approuvée par une loi

du 19 décembre 2003, Mémorial A n° 196 du 31 décembre 2003, p. 4087.33. Ce qui signifie qu’une condamnation pour blanchiment est envisageable même en l’absence de poursuites et de condamnation de l’infraction primaire, alors

qu’auparavant, l’infraction de blanchiment revêtait un caractère complémentaire à une infraction préalable nécessaire. L’autonomie de l’infraction de blanchimentavait été consacrée par un arrêt de la cour d’appel du 3 juin 2009 (voir document parlementaire n° 61634, p. 4).

34. Introduit en droit luxembourgeois par la loi du 6 mars 2006 portant introduction notamment de l’instruction simplifiée, du contrôle judiciaire et réglementantles nullités, Mémorial A n° 47 du 15 mars 2006, p. 1074; art. 24-1 du Code d’instruction criminelle.

35. Le projet initial prévoyait d’étendre le régime de l’instruction simplifiée aux infractions visées par les art. 112-1 et 135-1 et s. du Code pénal, visant des crimescommis en matière de financement du terrorisme. Cette extension avait été critiquée lors des travaux parlementaires, alors que ces textes visent des crimes qui nepeuvent faire l’objet d’une décriminalisation et pour lesquels le juge d’instruction doit être saisi.

36. Notons que cette loi avait déjà fait l’objet du règlement grand-ducal du 1er février 2010 portant précision de certaines dispositions de la loi modifiée du12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme.

37. Sont ainsi désormais soumis à la loi AML les gestionnaires et conseillers d’OPC, de SICAR et de fonds de pension, les organismes de titrisation lorsqu’ils exercentdes activités de prestataire de service aux sociétés et aux fiducies, les entreprises d’assurance, de réassurance et leurs intermédiaires, ainsi que les personnesn’entrant pas dans une catégorie déjà soumise à la loi qui exercent à titre commercial des activités ou opérations diverses telles que gestion de patrimoine, activitéde prêt, de crédit-bail, de change (voir l’annexe à la loi AML créée par la loi du 27 octobre 2010).

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CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2010 ET 2011 (LUXEMBOURG) ALEX SCHMITT & ARMEL WAISSE

qui fournit des prestations de service au Luxembourg sansavoir établi de succursale dans le pays.

L’identification du bénéficiaire effectif est précisée, et lesrégimes simplifiés et renforcés de vigilance sont remo-delés38.

L’importance de la détection des risques est soulignée39,celle-ci devant permettre de justifier les situations où unevigilance réduite est acceptable et corrélativement demettre en évidence les situations où des mesures renfor-cées de vigilance sont requises40. La définition de la‘personne politiquement exposée’ est accrue puisque sontdésormais englobées dans cette qualification les personnesexerçant une fonction publique à l’étranger même si ellesrésident au Luxembourg, ainsi que les personnes exerçantune telle fonction pour compte d’un Etat étranger, commepar exemple les ambassadeurs étrangers résidant auLuxembourg41.

Les obligations de coopération avec les autorités sontprécisées et renforcées42.

Le volet répressif est affermi, puisque le taux maximum del’amende pénale applicable aux professionnels qui mécon-naissent leurs obligations professionnelles est augmentéde façon substantielle43, et il est explicitement stipulé quele secret professionnel est totalement levé à l’égard de lacellule de renseignement financier (la ‘CRF’)44. Les profes-sionnels ne sont plus autorisés à révéler au client ou à destiers que des informations ont été communiquées ouqu’une enquête de la CRF est en cours ou pourrait êtreouverte45. La coopération entre autorités compétentes adésormais une base légale, et quitte le domaine de la

coopération informelle grâce au nouvel article 9-1 de la loiAML.

(iv) Renforcement du cadre institutionnel des autorités

La loi du 7 mars 1980 sur l’organisation judiciaire estmodifiée pour préciser le fonctionnement de la CRF, sesmissions et ses pouvoirs. Sa spécialisation et son indépen-dance par rapport au procureur d’Etat sont proclamées,de même que sa compétence nationale exclusive enmatière de blanchiment des capitaux et financement duterrorisme.

La loi du 23 décembre 1998 portant création d’unecommission de surveillance du secteur financier permetdésormais à la CSSF de vérifier que des personnes quientretiennent des liens avec le milieu du crime organisé nepuissent prendre contrôle, directement ou indirectement,des personnes soumises à sa surveillance.

La loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur finan-cier est complétée. Les sanctions que peut prononcer laCSSF varieront en fonction de la gravité de l’infraction46.Le pouvoir de la CSSF de prononcer des sanctions admi-nistratives est étendu à toutes personnes morales soumisesà la surveillance de la CSSF, et l’amende d’ordre peutatteindre un nouveau taux plafond de 250.000 EUR47.

Le Commissariat aux assurances voit également sescompétences renforcées, tout comme les sanctions qu’ilpeut prononcer et les moyens de surveillance dont ildispose48.

Les compétences des ordres professionnels sont égalementaccrues en tant qu’instances d’autorégulation49 (Chambre

38. Voir art. 3-1 et 3-2 modifiés de la loi AML.39. Nouvel al. complétant le paragraphe (3) de l’art. 3 de la loi AML: “Les professionnels sont tenus de procéder à une analyse des risques de leurs activités. Ils doivent

consigner les résultats de cette analyse par écrit.”40. Voir également les circulaires CSSF 11/519 du 19 juillet 2011 et 11/529 du 22 décembre 2011 concernant l’analyse des risques dans le cadre de la lutte contre le

blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.41. Nouveau paragraphe (4) de l’art. 3-2 de la loi AML.42. Modification des paragraphes (1) à (5) de l’art. 5 de la loi AML; les déclarations des opérations suspectes (les ‘DOS’), ainsi que les informations et pièces qui les

ont motivées, doivent être transmises à la cellule de renseignement financier (la ‘CRF’) ‘sans délai’ et non plus ‘promptement’. Il en est de même pour les demandesde renseignement formulées par la CRF, auxquels les professionnels doivent répondre ‘sans délai’. Le pouvoir de blocage de la CRF est précisé au paragraphe 3de l’art. 5. Le délai de blocage est augmenté de 3 à 6 mois (durée maximale initiale de validité de 3 mois, prorogeable par instruction écrite pour 1 mois, sans quela durée totale ne puisse dépasser 6 mois). Le dernier al. du paragraphe 3 précise que “le professionnel n’est pas autorisé à faire état de cette instruction à l’égarddu client sans le consentement exprès préalable de la cellule de renseignement financier”. Les pouvoirs de la CRF (demande d’informations et de pièces et pouvoirde blocage) peuvent désormais s’appliquer même en l’absence de DOS (nouveau paragraphe 3bis de l’art. 5 de la loi AML). Notons que la circulaire CSSF 11/528du 15 décembre 2011 supprime la transmission à la CSSF des DOS relatives à un éventuel blanchiment ou financement du terrorisme.

43. L’amende de l’art. 9 de la loi AML est augmentée de 125.000 EUR à 1.250.000 EUR, étant ainsi portée au même plafond que celui retenu par le législateur belge.44. Nouveau paragraphe (4) de l’art. 5 de la loi AML. Le risque d’une mise en balance par les professionnels des sanctions encourues en cas de violation de leur secret

professionnel (art. 458 C.pén.) et celles encourues pour méconnaissance de leurs obligations professionnelles (art. 9 de la loi AML) avait été critiqué par le REM.45. Paragraphe (5) de l’art. 5 de la loi AML.46. Art. 63 modifié de la prédite loi du 5 avril 1993; l’éventail des sanctions est le suivant: avertissement, blâme, amende d’ordre, interdiction d’effectuer des opéra-

tions ou activités, interdictions professionnelles, publicité des sanctions, astreinte.47. Au lieu de 12.500 EUR.48. Modifications de la loi modifiée du 6 décembre 1991 sur le secteur des assurances; le montant maximum de l’amende d’ordre que le commissariat aux assurances

peut prononcer est porté à 250.000 EUR, à l’instar du nouveau plafond prévu pour l’amende d’ordre que peut prononcer la CSSF.49. Ils sont notamment dotés du pouvoir de prononcer des amendes administratives majorées d’un montant maximal fixé à 250.000 EUR.

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des notaires, Ordre des avocats, Ordre des experts-comp-tables, Institut des réviseurs d’entreprises).

L’administration de l’enregistrement et des domainesreçoit compétence pour contrôler le respect des obliga-tions des professionnels qui ne sont soumis à aucune auto-rité de contrôle ou instance d’autorégulation. Elle peutdésormais donner des instructions, prononcer des injonc-tions, transmettre des informations au procureur d’Etat etprononcer des sanctions dont le taux s’inspire des dispo-sitions relatives à la CSSF et au Commissariat aux assu-rances50.

2.2. Adoption d�’une loi nouvelle portant organisation des contrôles de transport physique de l�’argent liquide entrant au, transitant par le ou sortant du Grand-Duché de Luxembourg

Un régime spécifique de contrôle du transport physique del’argent liquide est mis en place par cette nouvelle loi, envue de satisfaire aux critiques également exprimées dansle REM51.

Toute personne qui transporte de l’argent liquide52 d’unmontant égal ou supérieur à 10.000 EUR doit obligatoire-ment en faire la déclaration à l’administration desdouanes et accises, dont le pouvoir de contrôle est accru.Lorsque les agents de l’administration des douanes etaccises constatent l’absence de déclaration ou réception-nent une déclaration non véridique, ou, dans tout autrecas, savent ou soupçonnent que l’argent liquide provientd’activités illégales telles que le blanchiment ou le finance-ment du terrorisme, ils en informent sans délai la CRF.Dans l’attente de la réponse de celle-ci, les agents del’administration des douanes et accises sont habilités àretenir l’argent liquide faisant l’objet de leur constat sansque le délai de rétention ne puisse excéder 24 heures à

partir de l’information de la CRF53. Les infractions à cesdispositions seront punies d’une amende de 251 à25.000 EUR54.

Un règlement grand-ducal a été adopté le 7 avril 2011pour préciser cette loi55.

2.3. Adoption d�’une loi nouvelle relative à la mise en �œuvre des résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies et d�’actes adoptés par l�’Union européenne comportant des interdictions et mesures restrictives en matière financière à l�’égard de certaines personnes, entités et groupes dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme

Cette seconde loi autonome vise à renforcer et compléterla législation luxembourgeoise afin d’assurer plus efficace-ment le respect des interdictions et mesures restrictivesque le Luxembourg doit mettre en œuvre en vertu de sesobligations internationales à l’égard de l’Organisation desNations Unies (‘ONU’) et de l’Union européenne. Commepréconisé par le GAFI, le Luxembourg se dote d’uneprocédure nationale interne autonome pour appliquer desmesures restrictives à l’égard de certaines personnes,entités et groupes dans le cadre de la lutte contre le finan-cement du terrorisme56. Parmi ces mesures, notons l’inter-diction ou la restriction d’activités financières de toutenature, la saisie de biens meubles et immeubles, le gel defonds, d’avoirs ou d’autres ressources économiques,l’interdiction ou la restriction de fournir des servicesfinanciers, une assistance technique de formation ou deconseil en relation avec les personnes visées57.

Ce cadre légal reste général. Il présente le caractère d’uneloi habilitante qui permet la prise de règlements grand-ducaux ayant un champ d’application très ciblé58.

50. Nouveaux art. 26 à 28 de la loi AML.51. § 428 et s. du REM; cette loi complète le règlement 1889/2005/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relatif aux contrôles de l’argent

liquide entrant ou sortant de la Communauté; son règlement grand-ducal d’application du 1er octobre 2007 (Mémorial A n° 189 du 16 octobre 2007, p. 3442) aété abrogé par le règlement grand-ducal du 7 avril 2011, cité infra.

52. L’‘argent liquide’ est défini à l’art. 2 de cette loi du 27 octobre 2010; il englobe non seulement les espèces mais également les instruments négociables au porteur,y compris les instruments monétaires au porteur tels que les chèques de voyage, les instruments négociables (y compris les chèques, les billets à ordre et lesmandats), et les instruments incomplets, signés mais sans indication du nom du bénéficiaire.

53. Art. 7 de cette loi du 27 octobre 2010.54. Art. 8 de cette loi du 27 octobre 2010; les peines peuvent être portées au double en cas de récidive.55. Mémorial A n° 72 du 14 avril 2011, p. 1207.56. Avant l’adoption de cette loi, le Luxembourg se fondait sur les mesures restrictives mises en œuvre par voie de règlements communautaires directement applicables

en droit national.57. Art. 1 (2) de cette loi du 27 octobre 2010.58. L’art. 3 de cette loi du 27 octobre 2010 constitue la base légale sur laquelle le pouvoir exécutif peut adopter les règlements grand-ducaux nécessaires à la mise en

œuvre des interdictions et mesures restrictives onusiennes et européennes. Un règlement grand-ducal du 29 octobre 2010 (Mémorial A n° 196 du 3 novembre2010, p. 3258), modifié par règlement grand-ducal du 3 août 2011 (Mémorial A n° 179 du 22 août 2011, p. 3184) porte exécution de cette loi du 27 octobre2010. Il énonce dans son annexe I les personnes et entités visées, annexe régulièrement modifiée par règlements ministériels. Voir la liste exhaustive de cesrèglements ministériels sur le site Internet de la CSSF: www.cssf.lu/fr/legislation-et-reglementation/lois-et-reglements/news-cat/33/.

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CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2010 ET 2011 (LUXEMBOURG) ALEX SCHMITT & ARMEL WAISSE

3. Conclusion

Le Luxembourg accroît donc considérablement sonarsenal législatif en matière de lutte contre le blanchimentet le financement du terrorisme par l’adoption de cette loidu 27 octobre 2010. Les pouvoirs de ses instances admi-nistratives et judiciaires sont largement accrus. Cette loitraduit la volonté résolue du Luxembourg de respecter sesobligations internationales.

III. Loi du 17 décembre 2010 concernant les organismes de placement collectif59

1. Approche générale

La loi du 17 décembre 2010 concernant les organismes deplacement collectif (la ‘loi du 17 décembre 2010’)60 apour objet de transposer en droit luxembourgeois la direc-tive 2009/65/CE du 13 juillet 2009 portant coordinationdes dispositions législatives, réglementaires et administra-tives concernant les organismes de placement collectif envaleurs mobilières (les ‘OPCVM’), appelée communément‘directive UCITS IV’, qui a remplacé la directive 85/611/CE du Conseil du 20 décembre 198561 (la ‘directiveUCITS’).

Le secteur des fonds d’investissement en Europe, etnotamment au Grand-Duché de Luxembourg, doit sondéveloppement et son succès à la directive UCITS qui

avait fixé le cadre européen de la gestion collective d’actifset avait notamment introduit le principe du ‘passeporteuropéen’ de commercialisation de ces fonds. Bien que ladirective UCITS ait subi plusieurs modifications en vue deson adaptation, le besoin s’est fait sentir de la refondreentièrement dans le but de satisfaire aux exigences desmarchés financiers du XXIème siècle, d’où l’adoption de ladirective UCITS IV.

La transposition en droit luxembourgeois de la directiveUCITS IV aurait été envisageable dans le cadre d’unemodification de la loi du 20 décembre 2002 concernantles organismes de placement collectif (les ‘OPC’)62, telleque modifiée63 (‘la loi modifiée du 20 décembre 2002’)64.Le législateur a cependant préféré, dans un souci de clarté,élaborer un nouveau texte de loi destiné à remplacer la loiprécitée du 20 décembre 200265.

Il convient de relever que la CSSF a procédé à l’adoptionde deux règlements portant mesures d’exécution de ladirective UCITS IV:

– le règlement CSSF n° 10-0466 établissant les exigencesorganisationnelles, les conflits d’intérêts, la conduitedes affaires, la gestion des risques et le contenu de l’ac-cord entre le dépositaire et la société de gestion;

– le règlement CSSF n° 10-0567 concernant certaines dis-positions relatives aux fusions de fonds, aux structuresmaître-nourricier (master-feeder) et à la procédure de

59. Loi du 17 décembre 2010 concernant les organismes de placement collectif et– portant transposition de la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 portant coordination des dispositions législatives,réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) (refonte);– portant modification:. de la loi modifiée du 20 décembre 2002 concernant les organismes de placement collectif;. de la loi modifiée du 13 février 2007 relative aux fonds d’investissement spécialisés;. de l’art. 156 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenuMémorial A n° 239 du 24 décembre 2010, p. 3928.

60. Voir également la circulaire CSSF 11/498 du 10 janvier 2011 concernant l’entrée en vigueur de la loi du 17 décembre 2010 concernant les organismes de placementcollectif et des règlements CSSF n° 10-4 et n° 10-5 portant mesures d’exécution y relatives.

61. La directive 85/611/CEE du Conseil du 20 décembre 1985 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certainsorganismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), telle que modifiée, a été abrogée par la directive UCITS IV avec effet au 1er juillet 2011. Ladirective UCITS avait été transposée par la loi du 30 mars 1988 relative aux organismes de placement collectif (Mémorial A n° 13 du 31 mars 1988, p. 140),devenue ensuite, sous l’impact de la directive 2001/107/CE, la loi du 20 décembre 2002 (voir infra).

62. Et modifiant la loi modifiée du 12 février 1979 concernant la taxe sur la valeur ajoutée, Mémorial A n° 151 du 31 décembre 2002, p. 3660.63. Cette loi a été modifiée à plusieurs reprises, et notamment par:

– la loi du 10 juillet 2005 relative aux prospectus pour valeurs mobilières;– la loi du 13 juillet 2007 relative aux marchés d’instruments financiers;– la loi du 10 novembre 2009 relative aux services de paiement, à l’activité d’établissement de monnaie électronique et au caractère définitif du règlement dansles systèmes de paiement et les systèmes de règlement des opérations sur titres.

64. Les dispositions transitoires et le passage de la loi modifiée du 20 décembre 2002 à la loi du 17 décembre 2010 sont régis par les art. 183 et s. de la loi du17 décembre 2010. La loi modifiée du 20 décembre 2002 est abrogée avec effet au 1er juillet 2012 (sauf ses art. 127 et 129 abrogés avec effet au 1er janvier 2011),selon l’art. 192 de la loi du 17 décembre 2010.

65. Cette approche est conforme à celle retenue par le législateur européen qui a lui-même procédé à la refonte des dispositions de la directive 85/611/CE dans le texted’une nouvelle directive.

66. Règlement CSSF n° 10-04 portant transposition de la directive 2010/43/UE de la Commission du 1er juillet 2010 portant mesures d’exécution de la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences organisationnelles, les conflits d’intérêts, la conduite des affaires, la gestion des risqueset le contenu de l’accord entre le dépositaire et la société de gestion, Mémorial A n° 239 du 24 décembre 2010, p. 3984.

67. Règlement CSSF n° 10-05 portant transposition de la directive 2010/44/UE de la Commission du 1er juillet 2010 portant mesures d’exécution de la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne certaines dispositions relatives aux fusions de fonds, aux structures maître-nourricier et à laprocédure de notification, Mémorial A n° 239 du 24 décembre 2010, p. 4002.

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ALEX SCHMITT & ARMEL WAISSE CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2010 ET 2011 (LUXEMBOURG)

notification (ce règlement a depuis lors été modifié parle règlement CSSF 11-0468).

2. Modifications et innovations

La loi du 17 décembre 2010 reprend la structure de la loimodifiée du 20 décembre 2002. Elle y intègre les change-ments fondamentaux apportés par la directive UCITSIV69.

2.1. Introduction du passeport européen pour les sociétés de gestion70

Les sociétés de gestion d’OPCVM71 sont dotées d’unpasseport européen leur permettant d’exercer, par le biaisde la libre prestation de service ou par l’établissementd’une succursale, dans d’autres Etats membres de l’Unioneuropéenne72 les activités pour lesquelles elles ont reçuune autorisation dans leur pays d’origine.

2.2. Simplification de la procédure de notification permettant la commercialisation dans un autre Etat membre des parts d�’OPCVM établis dans un pays membre

Selon l’article 54 de la loi du 17 décembre 201073,l’OPCVM qui souhaite commercialiser ses parts dans unautre Etat membre doit transmettre au préalable une lettrede notification à la CSSF, à laquelle certains documentsdoivent être joints74. La CSSF transmettra l’ensemble decette documentation aux autorités compétentes de l’Etatmembre dans lequel l’OPCVM se propose de commercia-liser ses parts, au plus tard dix jours ouvrables à partir dela réception de la lettre de notification75. La transmissionsera notifiée immédiatement à l’OPCVM qui pourra, dès

réception de cette notification, avoir accès au marché del’Etat membre d’accueil.

2.3. Introduction d�’un régime spécial des fusions d�’OPCVM

Les articles 65 à 76 de la loi du 17 décembre 2010 contien-nent un régime spécifique des fusions d’OPCVM, excluantexplicitement le chapitre XIV de la loi du 10 août 1915concernant les sociétés commerciales, telle que modifiée76.

2.4. Reconnaissance des structures maître-nourricier

Les structures maître-nourricier sont désormais reconnuesau profit des OPCVM77. Un OPCVM nourricier est définicomme un OPCVM (ou l’un de ses compartiments) autoriséà investir au moins 85% de ses actifs dans des parts d’unautre OPCVM (ou d’un compartiment d’investissement decelui-ci), dénommé OPCVM maître. Il est donc exempté del’observation de certaines restrictions d’investissementprévues par le chapitre V de la loi du 17 décembre 2010,alors que l’OPCVM maître reste soumis aux règles de diver-sification applicables aux OPCVM.

2.5. Mise en place d�’une documentation claire, correcte, concise et utile

Les articles 159 et suivants de la loi du 17 décembre 2010remplacent l’ancien ‘prospectus simplifié’ pour lesOPCVM78 par un document d’information plus clair, auxcontenu et format harmonisés au niveau européen,dénommé ‘informations clés pour l’investisseur’ (‘Keyinvestor information document’ ou ‘KIID’). Ce documentsuccinct reprend les informations essentielles de l’OPCVMqui doivent permettre à l’investisseur de prendre sa déci-sion de placement en pleine connaissance de cause79.

68. Règlement CSSF n° 11-04 modifiant le règlement CSSF n° 10-5 portant transposition de la directive 2010/44/UE de la Commission du 1er juillet 2010 portantmesures d’exécution de la directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne certaines dispositions relatives aux fusions de fonds, auxstructures maître-nourricier et à la procédure de notification, Mémorial A n° 5 du 13 janvier 2012, p. 95.

69. Seuls les changements fondamentaux seront ici passés en revue. Notons toutefois que la première partie de la loi du 17 décembre 2010 s’applique selon son art. 2 “àtous les OPCVM établis au Luxembourg” et non plus comme sous l’empire de la loi modifiée du 20 décembre 2002, aux “OPCVM situés au Luxembourg”. C’estdonc le lieu de l’agrément de l’OPCVM qui va constituer le critère déterminant (art. 4 de la loi du 17 décembre 2010), et non plus la localisation du siège statutairede la société de gestion.

70. Art. 113 et s. de la loi du 17 décembre 2010, et notamment ses art. 115 et 119.71. Visées au chapitre 15 de la loi. Notons également que l’art. 101, (1), 3ème al. de la loi du 17 décembre 2010 prévoit l’inscription des sociétés de gestion sur une

liste officielle tenue par la CSSF. La pratique a montré l’importance de disposer d’une telle liste qui n’était pas prévue par la loi modifiée du 20 décembre 2002.72. Sont assimilés aux Etats membres de l’Union européenne les Etats parties à l’accord sur l’Espace économique européen autres que les Etats membres de l’Union

européenne, art. 1er, (13) de la loi du 17 décembre 2010.73. Qui transpose l’art. 93 de la directive UCITS IV.74. Par. 2 de l’art. 54 de la loi du 17 décembre 2010.75. Par. 3 de l’art. 54 de la loi du 17 décembre 2010.76. Art. 66, (3) de la loi du 17 décembre 2010.77. Art. 77 à 86 de la loi du 17 décembre 2010, transposant les art. 58 à 67 de la directive UCITS IV.78. Introduit par la directive 2001/107/CE et jugé peu compréhensible pour les investisseurs.79. Art. 159, (2) de la loi du 17 décembre 2010. Ces informations doivent notamment comprendre les objectifs et la politique de placement de l’OPCVM, son profil

de risques, ses performances, ses coûts, et autres informations réputées essentielles, qui doivent être compréhensibles pour l’investisseur sans renvoi à d’autresdocuments (art. 159, (3) de la loi du 17 décembre 2010).

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2.6. Aménagements de l�’organisation de la surveillance

Les pouvoirs de la CSSF sont affermis en vue de luipermettre l’accomplissement de sa mission de surveillancedes OPC80. Ces aménagements prennent en considérationl’objectif visé par la directive UCITS IV d’harmoniser lespouvoirs des autorités de surveillance compétentes afind’aboutir à une application uniforme des règles de ladirective dans tous les Etats membres. La loi du17 décembre 2010 renforce également les dispositionsrelatives à l’échange d’informations entre les autorités desurveillance et les obligations réciproques de ces instancesen matière d’assistance et de coopération81.

2.7. Nouveautés fiscales

La loi apporte quelques modifications importantes enmatière fiscale. Les ‘exchange traded funds’ ou fonds indi-ciels sont exonérés de la taxe d’abonnement à compter du1er janvier 201182. En outre, la loi du 17 décembre 2010rend non imposables au Luxembourg, au profit descontribuables non résidents, les produits provenant de lacession d’une participation dans un OPC revêtant laforme sociétaire83. Les OPCVM de droit étranger qui sontgérés par une société de gestion luxembourgeoise ou dontl’administration centrale se trouve au Luxembourg sontexplicitement exclus du champ d’application de la taxa-tion luxembourgeoise84.

3. Conclusion

Depuis la directive UCITS I, les OPCVM ont rencontré unvif succès et ont figuré au cœur du développement de

l’industrie européenne des fonds d’investissement. LeLuxembourg contribue à ce développement. Notonsqu’au 30 septembre 2010, les actifs totaux s’élevaient à5,777 milliards d’euros85.

L’adoption de la loi du 17 décembre 2010 et le fait que leLuxembourg ait été le premier pays européen à transposerla directive UCITS IV ont encore accru le nombre d’OPCinscrits au Luxembourg86, prouvant que le Luxembourgest un pays des plus attrayants pour les prestataires deservices d’OPCVM, luxembourgeois ou non.

IV. Loi du 28 avril 2011 portant essentiellement transposition des directives 2009/111/CE et 2009/49/CE87

1. Approche générale

La loi du 28 avril 2011 transpose en droit luxembour-geois la directive 2009/111/CE (ou directive CapitalRequirements II, appelée communément la ‘CRD II’)88,laquelle a modifié les directives ‘Capital RequirementsDirectives’ ou ‘CRD’89. Souvenons-nous que les CRDavaient introduit au niveau communautaire le pendant del’accord-cadre sur la convergence internationale de lamesure et des normes de fonds propres adopté le 26 juin2004 par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (‘BâleII’). La CRD II90 a été adoptée après la crise financière de2008 qui avait fait preuve des carences dans la supervisiondu système bancaire.

La loi du 28 avril 2011 transpose également pour lesétablissements de crédit la directive 2009/49/CE en ce quiconcerne certaines obligations de publicité pour les

80. Chapitre 20 de la loi du 17 décembre 2010.81. Voir notamment les art. 135 et s. de la loi du 17 décembre 2010.82. Art. 175, (e) de la loi du 17 décembre 2010, à lire en combinaison avec l’art. 176, (4).83. Art. 178 de la loi du 17 décembre 2010 modifiant la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu.84. Art. 179 de la loi du 17 décembre 2010.85. Ces données proviennent du rapport de la Commission des finances et du budget du 8 décembre 2010, document parlementaire n° 61704, p. 4.86. Selon le rapport de la CSSF pour l’année 2011 (p. 104), le nombre d’OPC et de fonds d’investissement spécialisés (FIS) s’élevait à la fin de l’année 2011 à 3.845,

contre 3.667 à la fin de l’année précédente.87. Loi du 28 avril 2011 portant

– transposition de la directive 2009/111/CE du Parlement et du Conseil du 16 septembre 2009 modifiant les directives 2006/48/CE et 2007/64/CE en ce quiconcerne les banques affiliées à des institutions centrales, certains éléments de fonds propres, les grands risques, les dispositions en matière de surveillance et lagestion de crises;– transposition pour les établissements de crédit de la directive 2009/49/CE du Parlement et du Conseil du 18 juin 2009 modifiant les directives 78/660/CEE et83/349/CEE du Conseil en ce qui concerne certaines obligations de publicité pour les sociétés de taille moyenne et l’obligation d’établir des comptes consolidés;– parachèvement de la transposition de la directive 2009/14/CE du Parlement et du Conseil du 11 mars 2009 modifiant la directive 94/19/CE relative aux systèmesde garantie et le délai de remboursement;– modification de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier, etc.,ci-après la ‘loi du 28 avril 2011’, Mémorial A n° 81 du 5 mai 2011, p. 1268. La loi du 28 avril 2011 est entrée en vigueur le 9 mai 2011. La circulaire CSSF 11/515 concerne l’entrée en vigueur de la loi du 28 avril 2011.

88. Voir également la circulaire CSSF 10/475 du 20 juillet 2010 qui transpose une partie de la CRD II et introduit un régime applicable aux grands risques, confor-mément à l’art. 56 de la loi modifiée du secteur financier.

89. Les directives CRD sont la directive 2006/48/CE concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son exercice et la directive 2006/49/CE sur l’adé-quation des fonds propres des entreprises d’investissement et des établissements de crédit.

90. Les dispositions techniques de la CRD II (comme la définition des fonds propres, le calcul des exigences de fonds propres pour risques de crédit des créancestitrisées, etc.) ont été transposées par les circulaires CSSF 10/475 pour les banques et 10/483 pour les entreprises d’investissement.

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sociétés de taille moyenne et l’obligation d’établir descomptes consolidés.

Elle parachève finalement la transposition de la directive2009/14/CE relative aux systèmes de garantie des dépôtsen ce qui concerne le niveau de garantie et le délairemboursement.

2. Modifications et innovations

2.1. L�’extension des missions de la CSSF

La CSSF peut désormais échanger91, à l’intérieur del’Union européenne, avec les autorités, personnes etorganes cités à l’article 44-2, (2) de la loi modifiée du5 avril 1993 relative au secteur financier, dont dorénavantégalement les banques centrales du Système européen debanques centrales et autres organismes à vocation simi-laire en tant qu’autorités monétaires92, des informationsdestinées à l’accomplissement de leur mission légalerespective.

Le rôle de la CSSF en tant qu’autorité de surveillanceconsolidante est précisé. La CSSF est en charge de lasurveillance sur une base consolidée d’un établissement decrédit ou d’une entreprise d’investissement agréé(e) auLuxembourg qui est un établissement de crédit mère dansl’Union européenne ou un établissement de crédit contrôlépar une compagnie financière holding mère dans l’Unioneuropéenne93.

Ces modifications sont importantes pour l’organisationde la supervision prudentielle des groupes bancaires trans-frontaliers de l’Union européenne et notamment l’attribu-tion des pouvoirs de supervision entre les autorités despays d’origine (où sont situées les maisons mères) et lesautorités des pays d’accueil (où sont situées les filiales). LaCSSF remplit essentiellement le rôle d’autorité de pays

d’accueil étant donné que les banques luxembourgeoisessont en majorité filiales de groupes bancaires européensou non européens.

La CSSF a l’obligation en tant que superviseur sur unebase consolidée de créer des collèges94 en vue de faciliterl’exercice de ses missions95 et de renforcer la coopérationentre autorités compétentes impliquées dans lasurveillance des groupes bancaires ou d’entreprisesd’investissement. Les autorités de surveillance du paysd’accueil de succursales d’importance significativepeuvent désormais devenir membres de ces collèges96. Lesdroits à l’information des autorités de surveillance du paysd’accueil sont donc renforcés, en vue d’éviter l’asymétried’informations entre autorités compétentes des paysd’origine et des pays d’accueil97. La répartition des tâchesentre l’autorité consolidante au niveau de l’Union euro-péenne et les autres autorités de surveillance prudentiellecomprises dans le collège est précisée98.

La CRD II tente de remédier aux lacunes mises à jour parla crise financière, et tend à anticiper autant que possibleles réponses prudentielles face à des situations d’urgenceou de crise. Les banques centrales sont dorénavant englo-bées dans cette planification et coordination des activitésdes autorités de surveillance en cas de situation d’urgenceou d’évolutions négatives des marchés financiers.

En cas de situation d’urgence, la CSSF en tant que super-viseur sur une base consolidée assume un rôle d’alerte, etest explicitement autorisée à transmettre des informationsaux banques centrales européennes et de divulguer auxdépartements compétents des ministères des Finances detous les Etats membres concernés des informations quiprésentent un intérêt pour eux99. Cette disposition vise àpermettre l’injection de liquidités sur les marchés.

91. L’art. 44-2, (1) de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier traite par contre de l’obligation d’échange d’informations de la CSSF.92. Modification de l’art. 44-2, (2) de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier.93. Notons que la loi du 28 avril 2011 définit dorénavant le “superviseur sur une base consolidée” dans les art. 48 et 51-2 de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative

au secteur financier.94. Art. 50-1, (13) (pour la surveillance des établissements de crédit sur une base consolidée) et art. 51-6, (13) (pour la surveillance des entreprises d’investissement

sur une base consolidée) de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier.95. Ces missions sont exposées dans l’art. 50-1, (1) de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier.96. Art. 50-1, (14) renvoyant au (9) de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier.97. Modification de l’art. 50-1, (6) de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier; le point (9) de cet article transpose fidèlement l’art. 42bis, (1) de la

directive 2006/48/CE qui décrit le processus permettant de déterminer les succursales d’importance significative.98. Art. 50-1, (12) et 51-6, (12) de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier. En cas de désaccord dans le collège, chaque autorité prudentielle décide,

pour son périmètre de compétence (c’est-à-dire au niveau consolidé, sous-consolidé ou individuel), du processus d’évaluation de l’adéquation des fonds propresinternes (Internal Capital Adequacy Assessment Process, ou ICAAP).

99. Modification des art. 44-2, (5), 50-1, (6) et 51-6, (6) de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier.

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CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2010 ET 2011 (LUXEMBOURG) ALEX SCHMITT & ARMEL WAISSE

2.2. Introduction d�’une nouvelle procédure d�’agrément relative aux changements affectant les conditions d�’agrément des établissements de crédit et professionnels du secteur financier (�‘PSF�’)

Un agrément de la CSSF suffira désormais100 lors de toutemodification de l’objet, de la dénomination ou de la formejuridique d’un établissement de crédit ou PSF101 luxem-bourgeois, ainsi que lors de la création ou de l’acquisitionde filiales au Luxembourg et à l’étranger102. L’octroi del’agrément implique l’obligation de l’entité concernée denotifier à la CSSF tout changement concernant les infor-mations substantielles sur lesquelles la CSSF s’est fondéepour instruire le dossier d’agrément103.

2.3. Droit d�’établissement/Obligation d�’agrément des établissements de crédit originaires d�’un pays tiers

Un établissement de crédit (et toute autre personne exer-çant des activités du secteur financier) originaire d’un Etattiers, non établi au Luxembourg, mais qui y vient occa-sionnellement et passagèrement, notamment pourrecueillir des dépôts du public ou y prester un service rele-vant du secteur financier, doit dorénavant obtenir un agré-ment du ministre ayant dans ses attributions la CSSF104.L’obtention de l’agrément est soumise à la condition quel’établissement de crédit soit soumis à des règles desurveillance équivalentes à celles du Luxembourg105.

2.4. Nouveau délai de remboursement pour le système de garantie des dépôts

Le délai de remboursement dans lequel le système de

garantie des dépôts doit être en mesure de rembourser lescréances dûment vérifiées des déposants est réduit de troismois à 20 jours ouvrables106, et ne peut faire l’objet qued’une seule prorogation d’un maximum de dix joursouvrables. Les établissements de crédit doivent doréna-vant informer le déposant, “d’une manière aisémentcompréhensible”, du fait que son dépôt puisse être exclude la couverture107.

3. Conclusion

Malgré ces nouvelles exigences, la crise économiqueactuelle a révélé la vulnérabilité du système bancaire euro-péen, et a conduit la Commission européenne à adopter le20 juillet 2011 deux propositions visant à renforcer laréglementation dans le secteur bancaire. Ces propositions(‘CRD IV’)108 visent à remplacer les CRD par unenouvelle directive et un règlement. La proposition dedirective introduit un coussin de conservation de fondspropres identique pour toutes les banques de l’Unioneuropéenne, ainsi qu’un coussin de fonds propres anti-cyclique à déterminer au niveau national. La propositionde règlement devra contenir les exigences prudentiellesdétaillées relatives aux établissements de crédit et auxentreprises d’investissement. Le montant des fondspropres que doivent détenir les banques sera augmenté.Un ratio de couverture des besoins de liquidité (‘LiquidityCoverage Ratio’) et un ratio de levier (‘Leverage Ratio’)seraient également instaurés pour éviter le développementexcessif de l’effet de levier dans les bilans des établisse-ments de crédit et des entreprises d’investissement.

100. L’agrément du ministre ne sera plus requis.101. Notons qu’à partir de l’entrée en vigueur de la loi du 28 avril 2011, les PSF sont subdivisés en trois catégories (art. 1er, (28)) de la loi modifiée du 5 avril 1993

relative au secteur financier: les entreprises d’investissement, les PSF spécialisés et les PSF de support. Le nouvel art. 23, (1) traite des PSF qui ne font pas usagede l’agrément ou PSF dit ‘dormant’.

102. Art. 3, (5) et art. 15, (6) de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier.103. Art. 7, (4) et art. 19, (5) de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier.104. Art. 32, (5) et (6) de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier. La circulaire CSSF 11/515 pose les conditions cumulatives de l’obligation de

l’agrément (p. 5) et précise que les activités en amont ou en aval des activités visées par l’art. 32, (5) ne nécessitent pas un agrément, tels que “les actes préparatoiresà l’exercice desdites activités” ou “les visites de courtoisie par les personnes visées auprès de leur clientèle basée à Luxembourg”, ou encore “la simple prospectionde clientèle ou plus généralement la publicité et l’organisation d’une ‘road show’”. (pp. 5 et 6).

105. Art. 32, (5) de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier.106. Modification de l’art. 62-3, (1) de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier.107. Modification de l’art. 62-4, (1) de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier.108. Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établis-

sements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 2002/87/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la surveillance complé-mentaire des établissements de crédit, des entreprises d’assurance et des entreprises d’investissement appartenant à un conglomérat financier. En juin 2012, leConseil de l’Union et le Parlement européen ont chacun voté leur version du texte. Il reste à les réconcilier. D’abord prévu pour l’été, le vote final n’aura pas lieuavant l’automne.

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LARCIER FORUM FINANCIER / DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2012/III -IV 189

ALEX SCHMITT & ARMEL WAISSE CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2010 ET 2011 (LUXEMBOURG)

V. Loi du 20 mai 2011 portant transposition des directives 2009/110/CE et 2009/44/CE109

1. Approche générale

La loi du 20 mai 2011110 a pour objet exclusif la transpo-sition en droit luxembourgeois de deux directives commu-nautaires:

– la directive 2009/110/CE111, qui porte réforme des rè-gles régissant l’émission de monnaie électronique dansl’Union européenne. L’objectif poursuivi est de pro-mouvoir l’utilisation de cette monnaie comme substi-tut aux pièces et billets de banque. Introduite par ladirective 2000/46/CE112, la monnaie électroniquen’avait pas connu le succès escompté. Selon la Com-mission européenne113, cet échec était dû à des con-traintes entravant l’innovation technologique et à desrègles prudentielles disproportionnées. La directive2009/110/CE vise à supprimer ces obstacles;

– la directive 2009/44/CE, qui modifie la directive 98/26/CE concernant le caractère définitif du règlementdans les systèmes de paiement et de règlement des opé-rations sur titres, et la directive 2002/47/CE concer-nant les contrats de garantie financière. L’objectif estde renforcer les instruments et garantir le bon fonc-tionnement des systèmes de règlement des opérationssur titres.

2. Modifications et innovations

2.1. Naissance d�’un acteur financier sui generis: l�’établissement de monnaie électronique114

La directive 2009/110/CE s’intègre dans les dispositionsvisant à promouvoir l’émergence d’un espace unique depaiement dans l’Union européenne115.

La transposition de cette directive au Luxembourg aentraîné des modifications substantielles qui ont été insé-rées dans la loi du 10 novembre 2009 relative aux servicesde paiements116.

La définition de la monnaie électronique117 est remaniéede façon à la simplifier et à la rendre neutre par rapportaux innovations technologiques. La monnaie électroniqueest plus précisément définie comme une valeur monétairestockée électroniquement, émise en échange de la récep-tion de fonds, et destinée à payer des transactions118.Cette notion couvre ainsi autant la monnaie électroniquedétenue sur des instruments de paiement en la possessiondu détenteur (carte prépayée ou porte-monnaie électro-nique), que la monnaie électronique stockée à distance surun serveur (‘monnaie de réseau’ ou ‘cyber-agent’).

Un nouveau régime prudentiel, aligné sur le régime appli-cable aux établissements de paiement en vertu de la direc-tive 2007/64/CE sur les services de paiement119, est

109. Loi du 20 mai 2011– portant transposition:. de la directive 2009/110/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 concernant l’accès à l’activité des établissements de monnaie électroniqueet son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements, modifiant les directives 2005/60/CE et 2006/48/CE et abrogeant la directive 2000/46/CE;. de la directive 2009/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 modifiant la directive 98/26/CE concernant le caractère définitif du règlementdans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres et la directive 2002/47/CE concernant les contrats de garantie financière, en ce qui concerneles systèmes liés et les créances privées;– portant modification:. de la loi du 10 novembre 2009 relative aux services de paiement, à l’activité d’établissement de monnaie électronique et au caractère définitif du règlement dansles systèmes de paiement et les systèmes de règlement des opérations sur titres;. de la loi du 5 août 2005 sur les contrats de garantie financière;. de la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme;. de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier;. de la loi modifiée du 23 décembre 1998 portant création d’une commission de surveillance du secteur financier;ci-après la ‘loi du 20 mai 2011’, Mémorial A n° 104 du 24 mai 2011, p. 1638.

110. Projet de loi n° 6164.111. Sur cette directive, voir notamment B. MAY et M. VINCENT-MOREAU, “Transposition de la directive 2009/110/CE, une deuxième chance pour la monnaie élec-

tronique?”, Banque et droit, n° 135, janvier-février 2011, p. 15.112. Transposée par la loi du 14 mai 2002 portant transposition dans la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier:

– de la directive 2000/28/CE modifiant la directive 2000/12/CE concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son exercice;– de la directive 2000/46/CE concernant l’accès à l’activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de cesétablissements, Mémorial A n° 51 du 22 mai 2002, p. 881.

113. Evaluation of the e-money directive 2000/45/CE, Final report du 17 février 2006, consultable à l’adresse Internet: http://ec.europa.eu/internal_market/payments/docs/emoney/evaluation_en.pdf.

114. L’établissement de monnaie électronique est à distinguer de l’émetteur de monnaie électronique. L’établissement de monnaie électronique constitue une espèce dugenre de l’émetteur de monnaie électronique. Voir les définitions, art. 1er, 15bis) et 17) de la loi du 10 novembre 2009 relative aux services de paiements.

115. Le Single Euro Payment Area (SEPA).116. Circulaire CSSF 11/517 du 5 juillet 2011 concernant la monnaie électronique, l’entrée en vigueur de la loi du 20 mai 2011.117. Concernant la monnaie électronique, voir notamment G. BLANLUET, “La monnaie électronique”, Rev.dr.banc.fin. mars-avril 2011, n° 2, p. 128.118. Art. 1er, 29) de la loi du 10 novembre 2009 relative aux services de paiements.119. Sur cette directive, voir par exemple, M. VANDEN BOSCH et N. MATHEY, “La directive sur les services de paiement”, Rev.dr.banc.fin. juillet-août 2007, n° 4, p. 59.

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CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2010 ET 2011 (LUXEMBOURG) ALEX SCHMITT & ARMEL WAISSE

adopté. Les établissements de monnaie électronique nedisposeront plus désormais du statut d’établissement decrédit120, mais constitueront une catégorie sui generisd’acteurs financiers. Les établissements de crédit121 et lesétablissements de monnaie électronique sont habilités àémettre de la monnaie électronique. Une gestion saine etprudente doit être garantie, de même que l’existence d’unsolide dispositif de gouvernance interne122. L’établisse-ment de monnaie électronique n’a pas à mener une activitéexclusive puisqu’il est habilité à exercer les activités viséesà l’article 24-6 de la loi du 10 novembre 2009123, quienglobent les services de paiement124 ou encore des acti-vités commerciales. L’activité d’établissement de monnaieélectronique requiert un agrément accordé par le ministreayant dans ses attributions la CSSF, après instruction parla CSSF portant sur le respect des conditions légales125. Laprocédure s’inspire de la procédure d’agrément desétablissements de paiement126. La surveillance pruden-tielle sera effectuée par la CSSF.

Le montant de capital initial exigé est revu à la baisse,passant d’un million d’euros à 350.000 EUR127, demanière à permettre à des acteurs de petite taille d’intégrerle marché. Les modalités de calcul des fonds proprespermanents ont été simplifiées128. Des exigences enmatière de protection de fonds ont été introduites129. Lerégime d’exemption, qui permet à de petits établissementsd’obtenir une dérogation pour certaines des obligationsliées à l’agrément, est aligné sur le régime des établisse-ments de paiement130. Les établissements de monnaie élec-tronique sont soumis aux obligations visant à lutter contrele blanchiment et le financement du terrorisme131.

L’établissement de monnaie électronique est tenud’émettre de la valeur électronique à la valeur nominale

contre la remise de fonds132. Il est également tenu derembourser, à la demande du détenteur de monnaie élec-tronique, à tout moment et à la valeur nominale, la valeurmonétaire de la monnaie électronique détenue133. Leremboursement est gratuit, sauf si le contrat conclu entrel’émetteur de monnaie électronique et le détenteur demonnaie électronique prévoit le paiement de frais, pourles cas limitativement énumérés à l’article 48-2, (4) de laloi du 10 novembre 2009 relative aux services de paie-ment. L’émetteur de monnaie électronique ne peutaccorder des intérêts ou autres avantages liés à la déten-tion de la monnaie électronique134.

2.2. Innovations relatives au système de règlement des opérations sur titres

La directive 2009/44/CE a pour objectif de renforcer l’effi-cacité des systèmes européens de règlement et de compen-sation, afin de parvenir à faire face aux turbulences quiagitent les marchés financiers.

La transposition des dispositions de la directive 2009/44/CE s’est inscrite dans le titre V de la loi du 10 novembre2009 relative aux services de paiement.

Ces dispositions sont nées du fait du développement desliens entre les systèmes sur les marchés financiers. Cetteextension a été encore accrue par l’introduction du Codede conduite européen en matière de compensation et derèglement-livraison adopté le 7 novembre 2006 par lesfournisseurs de services d’infrastructures des marchéscentraux. Les systèmes européens de compensation et derèglement doivent veiller à ce que les choix proposés auxutilisateurs dans les articles 34 et 46 de la directive

120. La directive 2000/28/CE avait érigé les établissements de monnaie électronique en une catégorie d’établissement de crédit à activité particulière.121. Notons que les établissements de crédit peuvent continuer à émettre de la monnaie électronique. Ils y sont autorisés de plein droit, sans avoir à obtenir l’agrément

en tant qu’établissement de monnaie électronique. L’émission de monnaie électronique est ajoutée à la liste des activités pour lesquelles les établissements de créditdisposent du passeport européen, et l’annexe I de la loi du 5 avril 1993 relative au secteur financier est modifiée en conséquence.

122. Art. 24-7, 11) de la loi du 10 novembre 2009 relative aux services de paiement. Voir également la circulaire CSSF 11/520 du 11 octobre 2011 concernant lescirculaires applicables aux établissements de monnaie électronique en matière d’administration centrale et d’infrastructure.

123. Il s’agit notamment de la prestation de services opérationnels et de services auxiliaires étroitement liés à l’émission de monnaie électronique ou à la prestation deservices de paiement, de l’octroi de crédits liés à des services de paiement et de la gestion de systèmes de paiement.

124. Alors que l’établissement de paiement n’est pas autorisé à émettre de la monnaie électronique.125. Art. 24-2 et s. de la loi du 10 novembre 2009 relative aux services de paiement.126. Art. 7 et s. de la loi du 10 novembre 2009 relative aux services de paiement.127. Art. 24-11 de la loi du 10 novembre 2009 relative aux services de paiement.128. Art. 24-12 de la loi du 10 novembre 2009 relative aux services de paiement.129. Art. 24-10 de la loi du 10 novembre 2009 relative aux services de paiement.130. Art. 48-1 et 48 de la loi du 10 novembre 2009 relative aux services de paiement.131. Art. 28 de la loi du 10 novembre 2009 relative aux services de paiement. La loi AML est également modifiée. Notons qu’une obligation simplifiée de vigilance est

applicable pour la monnaie électronique si certains seuils ne sont pas dépassés (art. 3-1, (4), d) de la loi AML). Au-delà, une obligation renforcée de vigilancedevra être respectée à chaque fois que le client n’aura pas été physiquement présent aux fins de l’identification (art. 3-2, (2) de la loi AML).

132. Art. 48-2, (1) de la loi du 10 novembre 2009 relative aux services de paiement.133. Art. 48-2, (2) de la loi du 10 novembre 2009 relative aux services de paiement.134. Art. 48-3 de la loi du 10 novembre 2009 relative aux services de paiement. Cette interdiction confirme que les fonds reçus en échange de la monnaie électronique

ne sont pas des dépôts ou autres fonds remboursables au sens de l’art. 2, (3) de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier.

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ALEX SCHMITT & ARMEL WAISSE CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2010 ET 2011 (LUXEMBOURG)

MiFID135 ne demeurent pas de simples possibilités théori-ques mais constituent une véritable option. Les utilisa-teurs doivent pouvoir choisir le prestataire de services, etl’interopérabilité avec les systèmes sur les marchés euro-péens doit être facilitée.

Le cadre légal est harmonisé en vue d’instaurer des condi-tions de concurrence équivalentes entre les établissementsde crédit dans tous les Etats membres de l’Union euro-péenne.

2.3. Renforcement des contrats de garantie financière

Les dispositions de la directive 2009/44/CE modifiant ladirective 2002/47/CE sont transposées dans la loi du5 août 2005 sur les contrats de garantie financière.

La plupart des exigences formelles traditionnellementimposées aux contrats de garantie financière sont suppri-mées.

Les ‘créances privées’ ou prêts bancaires deviennent unecatégorie d’avoirs pouvant être donnés en garantie et ainsifaire l’objet d’un contrat de garantie financière au sens dela loi du 5 août 2005. L’harmonisation européennesuscitée par la transposition de la directive 2009/44/CEdevrait contribuer à l’amélioration de la liquidité sur lesmarchés financiers.

Les créances transmises au preneur de garantie peuventêtre identifiées par leur inscription sur une simple liste136.Cette règle probatoire n’empêche pas la garantie finan-cière de porter sur des créances futures qui seront considé-rées comme données en garantie dès leur naissance.

La notion de dépossession est modernisée. En vertu del’article 2074 du Code civil et du texte initial sur lescontrats de garantie financière, la dépossession en matièrede gage n’était valablement réalisée que par la notificationdu gage au débiteur de cette créance. Désormais, la dépos-session se réalise par la seule conclusion du contrat de

gage137. Le débiteur, qui risque de ne pas connaître l’exis-tence du contrat, reste protégé par le fait qu’il peut conti-nuer à se libérer valablement entre les mains du consti-tuant du gage tant qu’il n’a pas connaissance du gage. Denouveaux modes de dépossession d’inspiration anglo-saxonne sont introduits138.

La sécurité juridique du bénéficiaire de la garantie estrenforcée puisque la garantie financière peut prévoir quele débiteur ne puisse invoquer à l’encontre du bénéficiaireun droit de compensation qu’il pourrait faire valoir contrele créancier originaire139. Le constituant d’une garantiefinancière peut également valablement et définitivementrenoncer à tout recours qu’il pourrait exercer à l’encontredu débiteur des obligations financières couvertes, que cesoit un recours subrogatoire ou un recours personnel140.

La notion d’appropriation en tant que méthode de réalisa-tion du gage est clarifiée141.

L’article 24 de la loi du 5 août 2005 sur les contrats degarantie financière dispose désormais explicitement queles dispositions relatives aux procédures d’insolvabilité etautres procédures visées à l’article 20, (4) visent égalementles sûretés et garanties consenties par une partie résidantou établie au Luxembourg en vertu d’une loi étrangère quiont une nature similaire aux garanties financières viséespar la loi du 5 août 2005 sur les contrats de garantiefinancière142.

3. Conclusion

La loi du 20 mai 2011 modifie de façon substantielle deuxlois clés en matière bancaire et financière: la loi du10 novembre 2009 relative aux services de paiement et laloi du 5 août 2005 sur les contrats de garantie financière.Elle modernise les instruments à la disposition des prati-ciens du droit bancaire, et renforce l’attractivité de laplace financière luxembourgeoise143.

135. Directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil, dite directive‘MiFID’.

136. Art. 2, (2) de la loi du 5 août 2005 sur les contrats de garantie financière.137. Art. 5, (4) de la loi du 5 août 2005 sur les contrats de garantie financière.138. Art. 5, (2), a) de la loi du 5 août 2005 sur les contrats de garantie financière.139. Art. 2, (5) de la loi du 5 août 2005 sur les contrats de garantie financière.140. Art. 2, (6) de la loi du 5 août 2005 sur les contrats de garantie financière.141. Art. 11, (1), a) de la loi du 5 août 2005 sur les contrats de garantie financière.142. Cette solution était déjà celle qu’avait retenue des auteurs malgré les difficultés d’interprétation de la teneur initiale de la loi du 5 août 2005 sur les contrats de

garantie financière; voir notamment S. JACOBY, “Les garanties financières face aux procédures d’insolvabilité”, JTL, n° 7 du 4 février 2010, p. 24, notammentnos 55 et s., p. 28.

143. Notons qu’au 26 avril 2012, la Belgique, la France, l’Espagne, Chypre, la Pologne et le Portugal n’avaient toujours pas transposé la directive 2009/110/CE, ce quiavait causé la réception par ces pays d’avis motivés adressés par la Commission européenne. Pour le défaut de transposition en France, voir notamment J. LASSERRE

CAPDEVILLE, “Monnaie électronique: un retard de transposition problématique”, Dalloz 5 juillet 2012, n° 26, Entretien, p. 1728.

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CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2010 ET 2011 (LUXEMBOURG) ALEX SCHMITT & ARMEL WAISSE

VI. Loi du 28 octobre 2011 mettant en �œuvre le règlement (CE) n° 1060/2009 et modifiant la loi du 5 avril 1993 relative au secteur financier144

1. Approche générale

La loi du 28 octobre 2011 est brève: elle se décline en troisarticles, indépendants les uns des autres. Elle a pour objetde mettre en œuvre en droit luxembourgeois différentesdispositions de droit européen qui concernent le secteurfinancier et le secteur des assurances.

2. Modifications et innovations

2.1. Surveillance prudentielle des utilisateurs de notation de crédit145

Les pouvoirs d’injonction, de suspension146 et deprononcé de sanctions administratives147 dont dispose laCSSF sont désormais applicables à l’encontre des utilisa-teurs de notations de crédit soumis à sa surveillance148, encas de non-respect des dispositions de l’article 4, para-graphe 1 du règlement CE n° 1060/2009149. Le Commis-sariat aux assurances peut également appliquer à leurencontre les pouvoirs dont il dispose en vertu des articles46 et 101 de la loi modifiée du 6 décembre 1991 sur lesecteur des assurances, en cas de violation de l’article 4,paragraphe 1 précité.

2.2. Surveillance prudentielle des politiques de rémunération

La loi du 28 octobre 2011 transpose une disposition de ladirective 2010/76/UE du Parlement européen et duConseil du 24 novembre 2010 qui modifie les directives2006/48/CE et 2006/49/CE en ce qui concerne lesexigences de fonds propres pour le portefeuille de négocia-tion et pour les retritisations, et la surveillance pruden-tielle des politiques de rémunération, connue sous le nomde ‘CRD III’.

Une nouvelle condition est pesée à l’agrément des établis-sements de crédit: le dispositif de gouvernance internerequis par l’article 5, § 1bis de la loi modifiée du 5 avril1993 relative au secteur financier doit désormaiscomprendre “des politiques et pratiques de rémunérationpermettant et promouvant une gestion saine et efficace desrisques”150, et ne récompensant donc pas les prises derisques excessifs. La même exigence est posée pour l’agré-ment de certaines entreprises d’investissement151.

Les pouvoirs de surveillance et d’enquête de la CSSFincluent désormais son droit d’exiger de l’établissement decrédit et de l’entreprise d’investissement qu’ils limitent larémunération variable sous forme de pourcentage du totaldes revenus nets lorsque cette rémunération n’est pascompatible avec le maintien d’une assise financière saine,ou qu’ils utilisent des bénéfices nets pour renforcer leur

144. Loi du 28 octobre 2011 mettant en œuvre le règlement (CE) n° 1060/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 sur les agences de notationde crédit et portant modification de:– la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier;– la loi modifiée du 8 décembre 1994 relative:. aux comptes annuels et comptes consolidés des entreprises d’assurances et de réassurances de droit luxembourgeois;. aux obligations en matière d’établissement et de publicité des documents comptables des succursales d’entreprises d’assurances de droit étranger;ci-après la ‘loi du 28 octobre 2011’, Mémorial A n° 223 du 3 novembre 2011, p. 3856, projet de loi n° 6216.

145. Ces règles sont issues de la transposition de l’art. 36 du règlement (CE) n° 1060/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 sur les agencesde notation de crédit, ci-après le ‘règlement CE n° 1060/2009’.

146. En vertu de l’art. 59 de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier.147. En vertu de l’art. 63 de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier.148. Notons que le règlement CE n° 1060/2009 a été modifié par le règlement UE n° 513/2011 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2011. Les pouvoirs

d’agrément, de surveillance et de sanction relatifs aux agences de notation de crédit ont été transférés à l’autorité européenne de surveillance des marchés finan-ciers, l’ESMA.

149. L’art. 4 du règlement CE n° 1060/2009, relatif à l’utilisation des notations de crédit dispose en son paragraphe 1 que: “Les établissements de crédit au sens de ladirective 2006/48/CE, les entreprises d’investissement au sens de la directive 2004/39/CE, les entreprises d’assurance non-vie régies par la première directive 73/239/CEE du 24 juillet 1973 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’accès à l’activité de l’assurancedirecte autre que l’assurance sur la vie, et son exercice, les entreprises d’assurance vie au sens de la directive 2002/83/CE du Parlement européen et du Conseil du5 novembre 2002 concernant l’assurance directe sur la vie, les entreprises de réassurance au sens de la directive 2005/68/CE du Parlement européen et du Conseildu 16 novembre 2005 relative à la réassurance, les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) au sens de la directive 85/611/CEE et lesinstitutions de retraite professionnelle au sens de la directive 2003/41/CE ne peuvent utiliser à des fins réglementaires que les notations de crédit émises par desagences de notation de crédit établies dans la Communauté et enregistrées conformément au présent règlement. Si un prospectus publié conformément à la directive2003/71/CE et au règlement (CE) n° 809/2004 contient une référence à une ou plusieurs notations de crédit, l’émetteur, l’offreur ou la personne qui sollicitel’admission à la négociation sur un marché réglementé veille à ce que le prospectus comporte également des informations indiquant de manière claire et bien visiblesi ces notations de crédit ont été ou non émises par une agence de notation de crédit établie dans la Communauté et enregistrée conformément au présentrèglement.”

150. Voir également la circulaire CSSF 10/437 du 1er février 2010, définissant les lignes directrices concernant les politiques de rémunération dans le secteur financier,au champ d’application plus vaste.

151. Celles visées aux art. 24-2 à 24-6, 24-7, (3) et 24-9 de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier.

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LARCIER FORUM FINANCIER / DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2012/III -IV 193

ALEX SCHMITT & ARMEL WAISSE CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2010 ET 2011 (LUXEMBOURG)

assise financière. Une exigence spécifique de fondspropres, supérieure au minimum légalement requis, peuten outre être imposée par la CSSF, en fonction de certainscritères énumérés par la loi152.

2.3. Exemption de l�’obligation de consolidation pour certaines entreprises d�’assurances

La loi du 28 octobre 2011 transpose pour le secteur del’assurance la directive 2009/49/CE153 et modifie enconséquence la loi modifiée du 8 décembre 1994 relativeaux comptes annuels et comptes consolidés des entre-prises d’assurances et de réassurances. Les entreprisesd’assurances et de réassurances mères dont toutes lesfiliales, tant individuellement que collectivement, présen-tent un intérêt négligeable sont dispensées de l’établisse-ment de comptes consolidés.

3. Conclusion

La loi du 28 octobre 2011 est certes brève, mais les chan-gements apportés au droit financier méritent d’êtrerelevés.

Partie II. Jurisprudence

I. Les contrats de garantie financière

1. Cour d�’appel 3 novembre 2010, n° de rôle 35824154

Société L. contre monsieur G., la société X. et la banque B.

Cette décision constitue très certainement une des pluscélèbres applications et interprétations de la loi du 5 août2005 sur les contrats de garantie financière, telle quemodifiée (la ‘loi du 5 août 2005’).

Les faits n’en sont pas moins fameux.

En mai 2007, un chanteur français souscrit auprès de lafiliale luxembourgeoise d’une banque islandaise un

montage financier assez complexe avec effet de levier. Lasomme de 35 millions d’euros lui est alors prêtée, dont 9millions lui sont remis pour rénover sa propriété deSaint-Tropez, les 26 autres millions étant investis dansdes supports d’investissement adossés à des contratsd’assurance vie dont la gestion était censée engendrer unrendement supérieur à l’intérêt de la dette. La banqueavait bien évidemment assorti le prêt de diverses garan-ties, dont une hypothèque portant sur le bien immobiliersis à Saint-Tropez, le gage des contrats d’assurance vie,de même qu’un gage général portant sur tous les avoirsde l’emprunteur auprès de la banque. Le montage estcomplété en 2008 par un accord portant sur la gestion endevises de la dette, dans le but de spéculer sur les deviseset de réduire le montant de la dette. Malheureusement,les investissements dans les contrats d’assurance vie sontloin de rapporter les revenus espérés, alors que la dépré-ciation de l’euro par rapport à de nombreuses devisesentraîne l’explosion de la dette qui progresse de plus de20%.

De son côté, la filiale luxembourgeoise de la banque islan-daise fait l’objet d’une liquidation prononcée en décembre2008. Face au défaut de remboursement du prêt, le liqui-dateur de la banque demandait la réalisation des contratsde gage. L’emprunteur saisit le juge des référés par assi-gnation lancée le 5 août 2009 dans le but de voir interdire,sinon voir ordonner la suspension de la réalisation desgages, et au cas où la réalisation des gages aurait déjà étéeffectuée, voir priver de ses effets l’acte unilatéral de réali-sation des gages.

Effectivement, au jour où le juge des référés a statué, lesgages avaient été réalisés.

La problématique principale soulevée par cette affaire estcelle de savoir si le juge des référés a le pouvoir d’empê-cher, de bloquer une procédure d’exécution d’un gage.

L’arrêt commenté réforme l’ordonnance du juge desréférés. Les deux décisions appliquent pourtant les mêmesdispositions, à savoir l’article 20, (4)155 de la loi du 5 août

152. Art. 53, (2) de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier.153. Directive 2009/49/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 modifiant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil en ce qui concerne

certaines obligations de publicité pour les sociétés de taille moyenne et l’obligation d’établir des comptes consolidés.154. Sur cet arrêt, voir N. THIELTGEN, “Chronique de jurisprudence de droit bancaire luxembourgeois (avril 2010-mars 2011)”, Bulletin droit et banque, ALJB, n° 48,

octobre 2011, p. 71; JTL, n° 13 du 10 février 2011, p. 33 (arrêt reproduit suivi d’une brève annotation); D. BOONE, “Un coup d’arrêt aux actions conservatoiresvisant à suspendre les effets des réalisations de garanties financières (cour d’appel de Luxembourg 3 novembre 2010)”, Jurisnews, n° 9/2010, vol. 3, p. 121.

155. Cet article disposait alors, avant d’être modifié par la loi du 20 mai 2011 (voir supra I.V.) que: “(4) A l’exception des dispositions de la loi du 8 décembre 2000sur le surendettement, les dispositions du Livre III, Titre XVII du Code civil, du Livre 1er Titre VIII et du Livre III du Code de commerce ainsi que les dispositionsnationales ou étrangères régissant les mesures d’assainissement, les procédures de liquidation, les autres situations de concours et les saisies ou autres mesuresvisées au point b) de l’article 19 ne sont pas applicables aux contrats de garantie financière et aux contrats de compensation et ne font pas obstacle à l’exécutionde ces contrats et à l’exécution par les parties de leurs obligations notamment de retransfert ou de rétrocession.Les mêmes règles valent en cas de décès ou d’incapacité du constituant de la garantie financière, du débiteur des obligations financières couvertes ou d’une partieà un contrat de compensation.”

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CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2010 ET 2011 (LUXEMBOURG) ALEX SCHMITT & ARMEL WAISSE

2005 et le considérant (17)156 de la directive 2002/47/CEdu 6 juin 2002 sur les garanties financières (la ‘directive2002/47/CE’).

Pour le juge des référés (ordonnance du 4 décembre2009157), l’action visant à bloquer une procédure d’exécu-tion d’un gage par voie de référé avait été jugée recevablepar son interprétation des deux textes susvisés. D’unepart, le juge indique que les termes de l’article 20, (4) dela loi du 5 août 2005 sont à interpréter de manière stricteet ne concernent que les procédures limitativementénumérées et non le droit commun des contrats qui restedonc applicable. D’autre part, le considérant (17) de ladirective 2002/47/CE réserve expressément la possibilitéd’un contrôle judiciaire a posteriori sur la réalisation oul’évaluation de la garantie financière. Le juge de premièreinstance, considérant que les conditions du référé-urgencede l’article 932 du nouveau Code de procédure civile(‘NCPC’) sont remplies, accueille la demande et prononcela suspension des effets de l’acte de réalisation des gages etla suspension des effets de toute attribution des droitsgagés, ces mesures devant produire effet jusqu’à ce qu’unedécision sur le fond de l’affaire ou qu’un accord amiablesoit intervenu entre les parties (à condition qu’une actionsoit introduite devant une juridiction du fond dans le délaide trois mois à compter de la signification de l’ordon-nance).

On se souvient de l’émoi provoqué par cette décision: lescontrats de garantie financière de droit luxembourgeois,dont la force et la sécurité du créancier gagiste étaientvantées, y compris à l’étranger, laissaient paraître unefaille.

Les juges d’appel vont réformer l’ordonnance, moins d’unan après son prononcé.

Le raisonnement mis en œuvre par la cour d’appel estdifférent de celui retenu par le premier juge. Celui-ci avaitd’abord vérifié que la loi du 5 août 2005 permet bien aujuge des référés de suspendre la réalisation d’un gage. Ilavait ensuite constaté la réunion des conditions du référé-urgence de l’article 932 du NCPC (c’est-à-dire l’urgence etl’existence d’un différend).

Les juges d’appel débutent au contraire immédiatementleur analyse par les conditions d’application du référé.

S’agissant de l’article 932 du NCPC, les juges rappellentque quand bien même les conditions légales sont présentesen la cause, le juge des référés peut encore refuser d’inter-venir “après la mise en balance des intérêts respectifs”.Les juges s’interrogent sur l’urgence de la situation, àsavoir “si les mesures de suspension d’effet et de nomina-tion de séquestre peuvent être qualifiées de mesures provi-soires urgentes dans la situation de l’espèce où, a priori,les gages ont été réalisés, dès lors que ces opérationsd’exécution des gages peuvent faire l’objet d’une action enresponsabilité de la part du lésé”. En effet, les juges cons-tatent que le considérant (17) de la directive 2002/47/CEréserve bien ce contrôle a posteriori, qui serait réalisabledans le cadre d’une action en responsabilité, “sans l’inter-vention du juge des référés au stade actuel de la procé-dure”. Mais c’est surtout l’opportunité de la mesure auregard de son caractère conservatoire, et notamment parrapport à l’article 20, (4) de la loi du 5 août 2005 qui vaguider les juges. Quatre phrases de la motivation méritentd’être citées dans leur intégralité à ce propos:

“Lors du dépôt de la loi, le Gouvernement a clairementmarqué son intention de donner à cet article le caractèred’une loi de police et le texte a l’ambition de mettre lescontrats de prises de garantie financière à l’abri d’unepossible remise en cause et d’offrir ainsi aux organismesprêteurs un cadre dans lequel ils peuvent opérer en toutesécurité (voir l’exposé des motifs TP 5251, p. 20 sousarticle 20).

Certes, l’article en question n’interdit pas au juge desréférés de prendre des mesures urgentes. Mais ce juge nesaurait toutefois prendre, comme en l’espèce, des mesuresqui auraient pour conséquence de paralyser une partie desprocédures de liquidation et qui rendraient inopérantes lesdispositions aux termes desquelles l’exécution descontrats de garantie financière et l’exécution des obliga-tions contractées par les parties en vertu de ces contrats sepoursuit, nonobstant d’ailleurs toutes sortes de mesurescoercitives prévues à l’article 19, (b) de la même loi.

Or, si l’exécution des contrats de garantie financière nesaurait être interrompue, a fortiori ne saurait-elle êtreremise en cause en référé par des mesures qui affectent lesopérations déjà enregistrées.”

156. Ce considérant dispose que: “(17) La présente directive prévoit des procédures d’exécution rapide et non formelles afin de préserver la stabilité financière et delimiter les effets de contagion en cas de défaillance d’une partie à un contrat de garantie financière. Elle concilie cependant ces objectifs avec la protection duconstituant de la garantie et des tiers en confirmant expressément la possibilité pour les Etats membres de conserver ou d’introduire dans leur législation nationaleun contrôle a posteriori que les tribunaux peuvent exercer en ce qui concerne la réalisation ou l’évaluation de la garantie financière et le calcul des obligationsfinancières couvertes. Ce contrôle devrait permettre aux autorités judiciaires de vérifier que la réalisation ou l’évaluation a été effectuée dans des conditionscommerciales normales.”

157. N° rôle: 123551, réf. n° 879/2009; JTL, n° 7 du 4 février 2010, p. 41.

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LARCIER FORUM FINANCIER / DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2012/III -IV 195

ALEX SCHMITT & ARMEL WAISSE CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2010 ET 2011 (LUXEMBOURG)

Les mêmes considérations sont retenues à l’encontre del’application de l’article 933 du NCPC, conduisant à laréformation de l’ordonnance du 4 décembre 2009.

Ainsi, la banque prêteuse pourra être poursuivie enresponsabilité si elle commet des fautes dans la réalisationdes contrats de garantie financière, mais la mise en œuvrede la réalisation des garanties financières ne pourra pasêtre suspendue en référé.

Les juges d’appel appliquent donc les mêmes dispositionsque le premier juge, mais les interprètent de manière radi-calement différente. Si le juge de premier degré avait choisiune interprétation grammaticale fondée sur la lettre de laloi, les juges d’appel retiennent quant à eux une interpré-tation téléologique, tirée de la ratio legis de la loi du5 août 2005. C’est le but poursuivi par le législateur quiest retenu, à savoir la protection du preneur d’unegarantie financière, et donc du prêteur. La loi du 5 août2005 est érigée en ‘loi de police’, alors même que l’expres-sion n’était certainement pas la plus adéquate en l’espèce.

Les contrats de garantie financière en sortent fortifiés, etla sécurité juridique des prêteurs est consacrée.

Notons que cette décision aurait fait l’objet d’un pourvoien cassation.

2. Tribunal d�’arrondissement Luxembourg 20 mai 2010, n° 127843 du rôle158

Société X. contre la banque A., la société B. et la société Z.

En garantie de contrats de prêts d’un montant total de 25millions d’euros consentis par la banque A. à la société Z.les 24 avril et 25 septembre 2008, la société X. a nanti,par contrat du 30 avril 2008, la totalité des actions qu’elledétient dans la société Z., soit 32,68% de son capitalsocial, en faveur de la banque prêteuse.

La société Z. n’ayant plus été en mesure d’honorer leséchéances de remboursement des prêts qui lui avaient été

octroyés, la banque A. a d’abord exercé le 9 avril 2009,conformément au contrat de gage et à l’article 9 de la loidu 5 août 2005, son droit de se voir attribuer les droits devote attachés aux actions nanties. Elle a ensuite procédé àla réalisation des actions nanties en les vendant le10 novembre 2009 à la société B. au prix de1.000.000 EUR, donc bien en-deçà du montant des prêtsqui avaient été accordés.

La société X., constituant du gage, estime ce prix large-ment inférieur à la valeur des actions nanties, et va donnerassignation à la banque A. et à la société B., en présencede la société Z., aux fins d’obtenir, par ordre de subsidia-rité, (i) l’annulation de la vente des actions nanties pourviolation de la loi du 5 août 2005 pour n’avoir pas réaliséla vente de gré à gré à des ‘conditions commercialesnormales’ comme imposé par l’article 11 de cette loi; (ii)l’annulation de la cession litigieuse pour violation del’article 1658 du Code civil du fait de la vileté du prix desactions nanties; (iii) la résolution de la cession sur lefondement de l’article 1167 du Code civil (actionpaulienne); (iv) l’allocation de dommages-intérêts sur basede l’article 1382 du Code civil pour violation de la loi du5 août 2005 en sus de la violation du contrat de gage; (v)la nomination d’un expert indépendant aux fins d’évaluerles actions nanties.

La société Z. sera placée sous administration provisoirequelques semaines après l’assignation lancée par la sociétéX.

L’apport essentiel de la décision concerne la notion de‘conditions commerciales normales’ insérée dans l’article11 de la loi du 5 août 2005 comme permis par l’article 4,paragraphe 6 de la directive 2002/47/CE159: le législateurluxembourgeois a soumis la vente de gré à gré en tant quemode de réalisation du gage à la condition que cettecession se fasse à des ‘conditions commerciales normales’.

Mais quelle signification revêt ce concept flou, ce standardjuridique160 que le législateur161 a laissé entre les mainsdes juges? La seule précision qui nous soit donnée

158. Commenté par N. THIELTGEN, “Chronique de jurisprudence de droit bancaire luxembourgeois (mars 2010-mars 2011)”, Bulletin droit et banque, n° 48, octobre2011, p. 54; D. BOONE, “Une interprétation judiciaire du concept de ‘conditions commerciales normales’ au sens de la loi sur les garanties financières (Trib.arrond.Luxembourg 20 mai 2010)”, JurisNews, n° 2/2011, vol. 4, p. 135.

159. L’art. 4, 6. de la directive 2002/47/CE ouvre en effet une option aux Etats membres en leur réservant la possibilité d’imposer l’obligation de procéder à laréalisation ou à l’évaluation des instruments financiers donnés en garantie et au calcul des obligations financières couvertes dans des conditions commercialesnormales.

160. Sur ces concepts, voir notamment S. RIALS, “Les standards, notions critiques du droit” in Les notions à contenus variables en droit, Etudes publiées par C.PERELMAN et R. VANDER ELST, Travaux du Centre national de recherches en logique, Bruxelles, 1984; E. CASHIN-RITAINE et E. Maître ARNAUD, Notions-cadres,concepts indéterminés et standards juridiques en droit interne, international et comparé, Bruylant, 2009.

161. Tant luxembourgeois que communautaire.

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CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2010 ET 2011 (LUXEMBOURG) ALEX SCHMITT & ARMEL WAISSE

concerne le but assigné à la notion, laquelle doit permettred’‘éviter les abus’162.

Cette décision est la première à notre connaissance qui vacontribuer à façonner cette notion, et les précisions qui ysont apportées sont déterminantes.

Impossible de ne pas reproduire les motifs de la décisionvisant à définir la notion de ‘conditions commercialesnormales’ tant les précisions qui y sont apportées méritentd’être développées in extenso:

“Les ‘conditions commerciales normales’ visées corres-pondent à des conditions résultant du libre jeu de l’offreet de la demande, au moment de la réalisation du gage eten tenant compte des informations disponibles à cetteépoque, de la nature et des particularités concrètes desactifs concernés et des conditions du marché applicable.Si, tel que c’est le cas en l’espèce, il n’existe aucun marchéréglementé ou organisé pour l’échange des instrumentsfinanciers en question, il convient de ne pas s’arrêter à lavaleur réelle intrinsèque des titres (difficile, voire impos-sible à déterminer de manière définitive), mais de consi-dérer la meilleure offre qu’il est possible d’obtenir dans lesconditions données pour les actifs en question.

Sauf abus de droit, on ne peut en effet exiger du créancier-gagiste, face à une défaillance caractérisée de son débiteur,d’attendre l’issue de développements spéculatifs affectantle cas échéant la valeur des actifs nantis, avant de procéderà la réalisation de son gage.”

Le tribunal arrête donc une définition très concrète des‘conditions commerciales normales’: il s’agit de procéderà une appréciation globale, fondée sur toutes les informa-tions disponibles, sur la nature et les particularitésconcrètes des actifs gagés et sur les conditions du marchéapplicable163. Cette appréciation se fera au jour de laréalisation du gage, et le créancier pourra vendre au prixcorrespondant à l’offre la meilleure qu’il pourra obtenir àce jour, sans qu’on puisse lui reprocher de ne pas avoir suattendre les résultats de développements spéculatifsconcernant les avoirs gagés.

Le tribunal pose également une règle relative à la chargede la preuve: du fait que la société X. invoque la violation

du contrat de gage et de la loi du 5 août 2005, c’est à elled’établir en quoi la vente litigieuse au prix d’un milliond’euros ne correspond pas à des ‘conditions commercialesnormales’. Le tribunal constate que les évaluations avan-cées par la demanderesse sont toutes antérieures de plusd’un an (à savoir 13, 19 voire 24 mois) à la date de lacession, alors que “pendant ce temps la valeur des titresnantis peut changer de manière radicale”. Les éléments depreuve apportés au débat par les parties en présenceétablissent par contre les graves difficultés financièressubies par la société Z.

Le tribunal constate également que la banque A., alorsqu’elle n’y était nullement contrainte par une dispositionlégale ou contractuelle, a procédé à une évaluation par uncabinet d’experts indépendants en novembre 2009 afin depouvoir justifier la mise à prix des actions nanties. Lerapport du cabinet d’experts avait conclu à une valeur dela société Z. comprise entre zéro et 1.700.000 EUR. Leprix de la vente de gré à gré sera finalement supérieur àcette évaluation puisque les 32,68% du capital social de lasociété Z. seront cédés pour le prix de 1.000.000 EUR.

Le tribunal relève encore que la société X. ne démontrepas qu’il aurait été possible de céder les actions nanties àun prix plus élevé.

Le créancier gagiste sera donc bien avisé de recourir à unrapport d’experts en vue d’obtenir une évaluation objec-tive des actifs nantis. Bien que non imposé par la loi ni parle contrat, ce rapport s’avère dans les faits capital pourpermettre au créancier gagiste de légitimer le prix desavoirs.

Enfin, le tribunal énonce qu’en tout état de cause, la sanc-tion encourue en cas de non-respect de la condition légaledoit être bien comprise. Se basant sur les travaux parle-mentaires de la loi du 5 août 2005, le tribunal affirmedans un obiter dictum que ce n’est pas l’annulation de lacession qui est encourue, mais la mise en jeu de la respon-sabilité civile du créancier gagiste. Le fait pour le créanciergagiste de conclure une vente de gré à gré qui ne se feraitpas à des conditions commerciales normales ne sera doncpas sanctionné au stade de la formation du contrat commepourrait l’être la vileté du prix, mais a posteriori, par sa

162. Les travaux parlementaires de la loi du 5 août 2005 ne nous apportent pas réellement d’éléments permettant de délimiter cette notion; voir document parlemen-taire n° 5251, notamment p. 19 in Commentaire des articles, où il est seulement indiqué brièvement que “pour éviter des abus, le texte reprend une faculté laisséepar le paragraphe 6. de l’article 4 de la directive en exigeant qu’en cas de vente de gré à gré celle-ci soit faite à des conditions commerciales normales, faute pourle créancier gagiste d’engager sa responsabilité”. La ratio legis de la disposition est donc claire: la notion de ‘conditions commerciales normales’ vise à empêcherd’éventuels abus; sur cette indétermination de la notion de ‘conditions commerciales normales’, voir D. BOONE et D. MARIA, “Renforcer la sécurité juridique dela réalisation des garanties financières, l’appel à la loi”, ACE, n° 9, novembre 2010, p. 3 et notamment p. 6: “Les carences de la loi sur les garanties financières:‘On ne connaît son cheval qu’en chemin’”.

163. Cette définition est conforme aux analyses qu’avaient menées les auteurs: voir notamment D. BOONE et D. MARIA, o.c., notamment p. 11; voir également P.SCHLEIMER, “Réalisation des garanties financières et pratiques des prêteurs bancaires”, JTL, n° 7 du 4 février 2010, p. 8 et notamment nos 17 et s., p. 12 et s.

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ALEX SCHMITT & ARMEL WAISSE CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2010 ET 2011 (LUXEMBOURG)

condamnation à payer des dommages-intérêts. La viola-tion de cette modalité de la cession ne remettra donc pasen cause la validité de la vente, protégeant ainsi l’acqué-reur de l’anéantissement rétroactif de la vente pour cemotif.

Les autres moyens développés par la demanderesse neméritent pas de développements particuliers, en dehors del’argument tiré du non-respect de l’article 2078 du Codecivil, visé dans le dispositif de l’assignation de la deman-deresse, mais non repris dans ses motifs.

Les faits de l’espèce nous apprennent que le créanciergagiste avait lui-même pris la position du vendeur desavoirs gagés. Le pouvait-il alors que les actions litigieusesétaient toujours la propriété de la société X., constituantdu gage?

L’article 2078 du Code civil interdit la convention quipermettrait au créancier gagiste de disposer du gage sansrespecter les formalités des enchères (dite clause de voieparée) ou de s’approprier lui-même l’objet du gage (ditepacte commissoire). Le tribunal évince l’argument enrépondant de manière lapidaire que “le contrat de gagelitigieux étant régi par la loi du 5 août 2005 sur lescontrats de garantie financière, la mise en œuvre du gagelitigieux s’opère conformément aux dispositions de cetexte de loi spécial, à l’exclusion du texte général del’article 2078 du Code civil”. La réponse à cette interroga-tion déjà posée par certains auteurs164 est donc claire165:le créancier gagiste peut vendre lui-même le bien gagé,sans avoir à obtenir l’accord du constituant du gage.

3. Cour d�’appel (réf.) 21 avril 2010, n° 35720 du rôle

Société X. contre la banque A., la société B. et la société Z.

Cet arrêt met en présence les quatre mêmes parties quecelles impliquées dans la décision commentée supra. Enplus de l’action sur le fond tendant à obtenir l’annulationde la cession des actions gagées166, la société X., consti-tuant du gage, avait engagé une action en référé ayantdonné lieu au présent arrêt.

La société B., acquéreur des actions par suite de la réalisa-tion du gage, ne parvenait pas à obtenir la transcriptiondu transfert dans le registre des actions de la société Z. Lasociété X., constituant du gage, contestait que la cessiondes actions à la société B. ait été consentie à des ‘condi-tions commerciales normales’, et avait intenté une actionen référé visant à obtenir la désignation d’un séquestre etla mise sous séquestre des actions cédées. Le juge depremier degré avait jugé l’action irrecevable, et un appelfut interjeté par la société X. Cet appel est jugé non fondépar la cour d’appel qui estime que les conditions de l’insti-tution d’un séquestre ne sont pas réunies.

Selon la cour d’appel, le ‘différend sérieux’ requis parl’article 932 du NCPC n’est pas justifié par l’appelante.L’existence d’un différend concernant la propriété desactions litigieuses n’est en effet pas rapportée par lademanderesse qui ne justifie pas du caractère nul de lacession. La cour d’appel énonce brièvement la définitiondes ‘conditions commerciales normales’ qui sera déve-loppée par le tribunal d’arrondissement de Luxembourgun peu moins d’un mois plus tard: “les conditionscommerciales normales constituent les conditionspouvant normalement et au vu des circonstancesconcrètes de chaque espèce, être obtenues lors d’unecession d’actions nanties, la société X. ne se prévalant parailleurs pas du moindre élément – de fait ou de droit –permettant de retenir le contraire”. A nouveau, les évalua-tions trop anciennes produites par la société X. sont oppo-sées au rapport des experts indépendants sur la baseduquel le créancier gagiste peut justifier sa mise à prix,ainsi qu’aux changements importants qui ont affecté lasituation financière de la société Z. Le constituant du gageéchoue donc à rapporter la preuve que la vente des avoirsgagés n’a pas respecté des ‘conditions commercialesnormales’. La cour d’appel constate encore que la condi-tion de l’urgence posée par l’article 932 du NCPC n’estpas davantage établie, et précise que “le fait que la validitéd’une cession d’actions sociales soit contestée devant lesjuges du fond ne suffit, en soi, pas pour retenir qu’il y aiturgence à voir mettre les titres en question sousséquestre”.

La cour d’appel ajoute à l’argument juridique tenant à

164. H. WAGNER et A. DJAZAYERI, “La réalisation du gage en temps de crise: aspects juridiques”, Bulletin droit et banque, n° 45, mai 2010, p. 39, notamment p. 43où il est indiqué que “si c’est le créancier gagiste qui décide des conditions commerciales et autres termes de la vente, y compris la recherche d’un cessionnaireéventuel, et en assumera, le cas échéant, la responsabilité, l’acte de vente sera effectivement conclu entre le constituant du gage, qui reste toujours propriétaire del’avoir gagé, en qualité de cédant et le futur cessionnaire. Le créancier gagiste interviendra à l’acte de vente en tant que tiers intervenant, notamment pour se voirattribuer la valeur de l’avoir gagé vendu et éteindre sa créance”, à moins “que le créancier gagiste soit partie à l’acte en qualité de mandataire du constituant”;voir également H. WAGNER et Fr. GUILLAUME DE LIEDERKERKE, “Enforcing financial collateral arrangements in the new world – challenging times!”, Bulletin droitet banque, n° 47, avril 2011, p. 50, et notamment p. 52: “The private sale should be entered into by the pledgee and not by the pledgor. The pledgee will proceedwith the sale in its own name (on the basis of the in rem right it holds over the financial instruments) without need for the pledgor’s assistance or involvement.”

165. Le tribunal précise toutefois que “le moyen, non autrement développé” appelle cette réponse.166. Voir supra Partie II, I. 2. Tribunal d’arrondissement Luxembourg 20 mai 2010, n° 127843 du rôle.

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l’absence de réunion des conditions tirées de l’article 932du NCPC le fait que la mise sous séquestre et la désigna-tion d’un séquestre ne seraient “en l’espèce pas oppor-tunes, toute atteinte aux droits éventuels de la société X.résultant de la cession du 10 novembre 2009 (…) pouvantêtre réparée moyennant l’octroi de dommages et intérêts àdéterminer, le cas échéant, par les juges du fond”.

L’action fondée sur l’article 933 du NCPC est égalementrejetée, la société X. ne justifiant “pas en son chef d’undroit de propriété ou de possession certain et évident quiserait manifestement violé par la cession incriminée”.

La désignation d’un séquestre et la mise sous séquestre desactions gagées ne peuvent donc pas être ordonnées auprofit du constituant du gage qui conteste les modalités deréalisation du gage.

La décision du tribunal d’arrondissement du 20 mai2010167 est dans le droit fil de cet arrêt de la cour d’appel,ce qui renforce encore la portée de la définition des ‘condi-tions commerciales normales’ qu’elle pose.

4. Cour d�’appel (réf.) 21 avril 2010, n° 35723 du rôle

Société B. contre la société Z., la banque A. et la société X.

Voici la troisième décision impliquant les quatre mêmesparties que précédemment168.

Cette fois, c’est la société B., acquéreur des actions gagées,qui a intenté l’action judiciaire devant le juge des référéspour voir enjoindre à la société Z., sous peine d’astreinte,de procéder à la transcription sur le registre des action-naires de sa qualité d’actionnaire169.

La société Z., débitrice dont les actions avaient été gagées,de même que la société X., constituant du gage, s’oppo-saient à la demande du fait que la vente de gré à gréconsentie au profit de la société B. aurait été consentie àvil prix, en violation des stipulations du gage.

Le juge des référés avait qualifié cette contestation desérieuse et jugé la demande irrecevable sur le fondementdes articles 932 et 933 du NCPC. La société B. interjetaappel, et la cour d’appel va porter un regard différent surla problématique de l’affaire.

La question de l’espèce peut être facilement résumée: unecession de gré à gré étant intervenue à titre de modalité deréalisation du gage portant sur des actions, la société dontles actions avaient été gagées se doit-elle de procéder à lamodification de son registre d’actionnaires et d’y trans-crire l’acquéreur en qualité de son nouvel actionnaire,alors même que la procédure de réalisation du gage estcontestée?

La cour d’appel commence par rappeler que la demandeest basée principalement sur l’article 932 du NCPC, lequel“autorise le juge des référés, dans les cas d’urgence, àprendre toutes sortes de mesures qui ne se heurtent pas àune contestation sérieuse”. La cour précise que “lesmesures en question sont très variées dans leur nature etleur portée. Elles sont à moduler par le juge en fonction dela situation conflictuelle opposant les parties. Il s’agit demesures provisoires de nature à remédier à une situationconflictuelle, sans pour autant trancher le fond du litige nifixer le droit des parties”. Il va s’agir pour le juge desréférés de se baser “sur une apparence de régularité et dedroit avant de statuer”. La cour d’appel va relever que ladéfaillance de la société Z., débitrice des prêts consentispar la banque A., impliquait pour le créancier gagiste deréaliser le gage donné en garantie de sa créance170.

Si “l’obligation d’une vente à des conditions normales apour objet de protéger les intérêts du constituant du gageet d’éviter les collusions frauduleuses entre le créancier etl’acquéreur”, les juges du second degré constatent qu’“ilexiste en l’espèce un ensemble d’éléments qui font appa-raître que cette règle de conduite fut respectée” (et la courde se référer au rapport du cabinet d’experts, ainsi qu’auxsérieux problèmes financiers connus par la société Z.postérieurement à la rédaction du rapport d’experts). Cesfaits établissent selon la cour d’appel “une apparence dedroit suffisante permettant de dire que la réalisation dugage s’est faite dans des conditions commercialesnormales et que le prix convenu reflète objectivement lavaleur réelle au jour de la vente des actions en question”.

Les juges relèvent encore que le constituant du gage s’étaitcontractuellement engagé à renoncer à tout droit ou touteobjection s’opposant au transfert des actions nominativesgagées, et que la condition de l’urgence est remplie enl’espèce, “l’acquéreur des actions en question ayant le

167. Voir supra Partie II, I. 2. Tribunal d’arrondissement Luxembourg 20 mai 2010, n° 127843 du rôle.168. Voir supra Partie II, I. 2. Tribunal d’arrondissement Luxembourg 20 mai 2010, n° 127843 du rôle et Partie II, 1.3. Cour d’appel (réf.) 21 avril 2010 n° 35720 du

rôle.169. Nous ne développerons pas ici la seconde demande de la société B tendant à voir suspendre la nomination par cooptation de deux nouveaux administrateurs.170. Il est là encore précisé que l’art. 11 de la loi du 5 août 2005, qui permet au créancier gagiste, sauf convention contraire, de céder ou faire céder les avoirs nantis

de gré à gré à des conditions commerciales normales, est une “dérogation aux règles établies par le Code civil (art. 2078)”.

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ALEX SCHMITT & ARMEL WAISSE CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2010 ET 2011 (LUXEMBOURG)

droit d’exercer dans les plus brefs délais tous les droitsinhérents aux actions transférées”.

Le juge des référés va donc faire droit à la demande de lasociété B., acquéreur des avoirs nantis, et ordonner latranscription des actions en question, enjoignant à lasociété Z. de transcrire dans son registre des actions nomi-natives la qualité d’actionnaire de la société B. dans undélai de quinze jours à compter du prononcé de l’arrêt,sous peine d’une astreinte de 500 EUR par jour de retardcourant à l’expiration de ce délai.

Cette affaire nous donne ainsi tous les éléments permet-tant de connaître les conséquences d’une action sur le fondintroduite par le constituant du gage qui souhaitecontester que la vente de gré à gré des avoirs qu’il avaitgagés se soit faite à des conditions commercialesnormales. Non seulement la vente ne sera pas annulablesur ce fondement, seule une action en responsabilité civilepouvant être introduite par le constituant du gage insatis-fait, mais encore l’action en référé tendant à l’obtentiond’une mise sous séquestre des avoirs mis en gage sera enprincipe jugée irrecevable, alors que l’action en référéengagée par l’acquéreur des actifs gagés en vue d’obtenirla reconnaissance de sa qualité de nouveau propriétairedevra en principe être admise.

II. La responsabilité du banquier

1. Tribunal d�’arrondissement Luxembourg 26 février 2010, n° 125068 du rôle

Société B. contre la banque Y.

La société B. reproche à la banque Y. de ne pas avoirexécuté deux ordres de virements signés par ses deuxgérants transmis à la banque le 14 juillet 2009, alors quele compte bancaire présentait quelques semaines plus tôtun solde créditeur supérieur au montant de ces deux vire-ments. Interrogée sur les causes de l’absence d’exécutionde ces virements, la banque Y. s’est fondée sur l’absence deprovision suffisante du fait de l’exécution au début dumois de juillet 2009 d’un ordre de virement daté d’octobre2008. Notons que cet ordre de virement avait été donné àla banque par courrier électronique.

La société B. reproche à la banque d’avoir exécuté cetordre de virement qui tendait à solder le compte alors qu’ilne respectait pas les formes de transmission agréées entreles parties.

La banque explique que cet ordre de virement avait ététenu en suspens du fait de la procédure de sursis de paie-ment touchant la banque Z. A la suite de la scission de labanque Z. et de la reprise de ses activités bancaires par labanque Y., celle-ci a exécuté les ordres de virement quiavaient été tenus en suspens dans l’ordre de leur réceptionet pour autant qu’aucune annulation n’avait étédemandée. L’ordre de virement d’octobre 2008 a ainsi puêtre exécuté en juillet 2009, mais l’ordre de virement émisle 14 juillet 2009 n’a pas pu être exécuté faute de disponi-bilité de fonds sur le compte.

La problématique soulevée touche à l’étendue de laresponsabilité contractuelle du banquier dans le cadre del’exécution d’un ordre de virement. Selon la demande-resse, la banque a manqué à son obligation de diligence enexécutant un ordre de virement transmis seulement parcourrier électronique alors que tous les ordres de vire-ments qui lui avaient été précédemment transmis avaienttoujours été signés conjointement par ses deux gérants. Lemode de preuve d’un ordre de virement est donc en discus-sion devant les juges du fond.

Les juges rappellent d’abord que pour l’exécution desordres de virement, la banque agit comme mandataire dudonneur d’ordre. Il s’agira pour le donneur d’ordre quiinvoque l’exécution non conforme d’un ordre de virementd’établir une faute commise par la banque. Les jugesprécisent que “dans le cadre de l’exécution des ordres devirement, il appartient au banquier de s’assurer del’origine de l’ordre de virement qu’il reçoit ainsi que devérifier avec suffisamment d’attention la régularité et lasincérité du titre. On entend par là non seulement lecontrôle de la forme et de l’apparence du titre, mais aussicelui des circonstances générales qui entourent l’opéra-tion”171.

Les juges exposent ensuite qu’“un ordre de virement n’estsoumis à aucune condition de forme et peut être donnésous forme notamment d’un message électronique”,d’autant qu’en l’espèce, le formulaire d’ouverture ducompte, de même que les conditions générales de labanque prévoient expressément que la banque accepte derecevoir des instructions par téléphone, télécopie ou cour-rier électronique. Peu importe que les ordres de virementprécédemment donnés à la banque l’aient été sous uneautre forme, puisque “ce changement quant à la forme del’ordre donné n’est pas, à lui seul, un indice suffisant pouralerter la banque quant à la régularité et la sincérité duditordre”.

171. Cour d’appel 27 janvier 2005, n° 25363 du rôle.

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CHRONIQUE DE DROIT BANCAIRE ET FINANCIER 2010 ET 2011 (LUXEMBOURG) ALEX SCHMITT & ARMEL WAISSE

La banque précise encore qu’il n’est en rien contesté quel’adresse électronique expéditrice corresponde à l’adressee-mail de l’un des deux gérants, ni que celui-ci ait envoyéle message électronique litigieux en octobre 2008.

Peu importe que l’ordre émane d’un seul des deux gérants:selon les juges, à partir du moment où la transmission parcourrier électronique a été convenue entre les parties,l’ordre ne pourra émaner que d’une seule adresse e-mail,de la même manière que pour un ordre de virement donnépar téléphone, l’ordre ne sera transmis à la banque qu’àpartir d’un seul numéro de téléphone. D’ailleurs, les jugesrelèvent que la demanderesse n’allègue pas que le secondgérant se soit opposé à l’ordre de virement litigieux.

La solution posée par cette décision nous paraît logique etdifficilement contestable: l’ordre de virement, mandat dedroit commun, est régi notamment par l’article 1985 duCode civil172, duquel il est traditionnellement déduit qu’iln’est soumis à aucune règle de forme173.

Le courrier électronique constitue un des modes de preuverecevables. Seul le défaut de consentement du donneurd’ordre pourrait remettre en cause l’admission de ce modede preuve, à charge pour le donneur d’ordre d’enrapporter la preuve.

2. Cour d�’appel 10 février 2010, n° 34399 du rôle

Monsieur C. contre la banque G.

Un père de famille, monsieur C., qui avait l’habitude degérer ses comptes bancaires à distance via Internet,reproche à la banque G., teneuse de ses comptes à vue,comptes épargne et dépôt-titres, d’avoir exécuté desordres émis en faveur de son fils alors qu’il n’aurait jamaisdonné de telles instructions à la banque. Monsieur C.intente donc une procédure visant à désavouer la signa-ture figurant sur un courrier adressé à la banque parlequel il aurait transmis de telles instructions.

L’expert judiciairement nommé conclut effectivement àune imitation de la signature de monsieur C.

Les juges du premier degré déboutent pourtant monsieurC. de sa demande. Selon eux, si le banquier dépositaire esten principe soumis vis-à-vis de ses clients à une obligationde résultat et doit a priori supporter les conséquences del’ordre faux ou falsifié qu’il a exécuté, le banquier manda-

taire ne doit quant à lui supporter le poids du virementeffectué sur ordre faux ou falsifié que si une faute peut luiêtre reprochée. Les premiers juges ont ainsi décidé quedans l’hypothèse où le banquier assume à la fois le rôle dedépositaire et de mandataire ayant exécuté un ordre faux,il appartient aux juges de mettre en balance les fautescommises de part et d’autre et de retenir ensuite la respon-sabilité de l’une des parties ou de conclure à un partage deresponsabilité. Monsieur C. ayant été négligent en laissantson fils accéder à ses coordonnées bancaires et codesd’accès au service de gestion des comptes et servicesbancaires via Internet, les premiers juges ont retenu lafaute de monsieur C. alors que la banque, qui n’a pascommis de faute, a été libérée de son obligation de restitu-tion.

Les juges d’appel vont refuser d’avaliser ce raisonnement.Selon eux, dès lors que le banquier exécute un ordre devirement faux, il n’agit pas en qualité de mandataire deson client puisqu’aucun mandat valable ne lui a étéconféré par ce dernier. Ce ne peut être qu’en sa seulequalité de dépositaire que sa responsabilité sera recher-chée: “En sa qualité de dépositaire irrégulier, devenupropriétaire et donc débiteur des fonds déposés, lebanquier ne peut être valablement libéré, par applicationdes articles 1239 et 1937 du Code civil, que s’il a remisles fonds au créancier-déposant ou à la personne désignéepar lui (…). L’obligation de restitution du banquier dépo-sitaire étant de résultat, il ne peut y échapper qu’enétablissant que le paiement est le résultat d’une fauteimputable au client ou d’une cause étrangère qui ne lui estpas imputable (…)”. Les juges d’appel révisent l’appré-ciation de la conduite de monsieur C. qu’avaient portéeles juges du premier degré. Pour les juges du seconddegré, le fait que le fils de monsieur C. ait eu accès auxcoordonnées bancaires de son père de même qu’auxcodes d’accès du service via Internet ne permet de déceleraucune négligence coupable ou faute commise parmonsieur C. Au contraire, la procuration que son père luiavait donnée sur ses comptes détenus auprès de la banqueprouve la confiance que le père estimait pouvoir avoir enson fils.

La clause des conditions générales selon laquelle labanque “ne peut être rendue responsable de la mauvaiseutilisation ou de l’utilisation frauduleuse des donnéessecrètes, que ce soit par le client ou par un tiers” n’est

172. Lequel dispose que “le mandat peut être donné ou par acte public, ou par écrit sous seing privé, même par lettre. Il peut aussi être donné verbalement; mais lapreuve testimoniale n’en est reçue que conformément au titre ‘Des contrats ou des obligations conventionnelles en général’. L’acceptation du mandat peut n’êtreque tacite, et résulter de l’exécution qui lui a été donnée par le mandataire”.

173. Voir notamment A. SCHMITT et E. OMES, “La responsabilité du banquier en droit bancaire privé luxembourgeois”, Doss. JT, Larcier, 2006, n° 154, p. 95; P.Bouteiller, “Responsabilité civile du banquier, service de caisse”, Juris-Classeur Banque – Crédit – Bourse, Fascicule 152, n° 44.

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d’aucun secours pour la banque. Les juges du seconddegré estiment en effet qu’elle a pour unique “objetd’exonérer la banque de sa responsabilité contractuelle,elle ne fait pas obstacle à la demande en restitution duclient qui exige que son compte soit recrédité à la suite de

l’exécution d’un faux paiement en se fondant sur le droitdu paiement et de l’application du principe suivant lequel‘qui paie mal, paie deux fois’”.

La banque, dépositaire, n’est ainsi pas libérée de son obli-gation de restitution.

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