Présentation destinée aux élusde Juziers et Gargenville

Cimenterie Calcia-Heidelberg

Septembre 2017

Avl3C (avl3c.org).- Association Vexinoise de Lutte Contre les Carrières Cimentières– Étude du groupe ciment –

IntroductionVoici une étude sur l'avenir proche des cimenteries, en pleine évolution.Elle concerne en particulier celle de Gargenville dont la pérennité de l'activité, telle que nous la connaissons actuellement, pose problème.Cette étude attire l'attention sur une évolution complètement méconnue de l'alimentation en énergie des cimenteries.Un récent accord Etat industries cimentières va tendre à en faire également des incinérateurs.(co-incinérateurs)

Va-t-on avoir un incinérateur de déchets(co-incinérateur) à Juziers-Gargenville ?

L'exploitant de la cimenterie de Gargenville,"Calcia-HeidelbergCement", pour continuer son activité, pendant une centaine d'années, doit trouver un gisement de calcaire cimentier, la carrière de Guitrancourt étant en fin de vie pour 2020.

Suite à différentes recherches, l'industriel a jeté son dévolu sur la commune de Brueil-en-Vexin pour ouvrir une nouvelle carrière dans la zone dite "109" de 550 hectares.Une première tranche, d'une centaine d'hectares, serait ouverte à moins de 700 m des habitations (Brueil-en-Vexin moins de 400 m). Rappelons que cette activité est très porteuse de nuisances (pollution,bruit, poussière, vibration, etc.).

Après avoir fait reconnaître « l'intérêt général » du projet par la préfecture de Versailles en 2015, il vient de déposer – le 4 juillet 2017 – une demande de permis d'exploiter à la préfecture (on dit plus permis d'exploiter, mais « demande d'autorisation environnementale unique »

Cette usine consomme actuellement par an : (dernières valeurs connues 2014)24 500 tonnes de charbon, 13 700 tonnes de coke de pétrole, 6 000 tonnes de farines animales (autorisation 2015 : 15 000 t/an) et émet environ 1000 tonnes de CO2 par jour de production (voir annexes 1 et 2).

Pouvons-nous accepter la relance d'une telle usine dans une agglomération de 25 000 habitants (Juziers, Gargenville, Issou, Epône, Elisabethville) ?

On peut aussi ajouter les communes de Mézières, Porcheville, Aubergenville soit environ 40 000 habitants (chiffre de 2014). Qu'en sera-t-il en 2050 ? 70 000, 80 000, 100 000... Croyez-vous que les générations futures accepteront sans broncher de telles industries ?

D'autant plus que l’industrie du ciment est très productrice de CO2 (dioxyde de carbone, gaz principal du réchauffement climatique). Elle sera de plus en plus assujetti à la taxe carbone dans les prochaines années, et de ce fait, ne pourra plus produire de ciment à un coût acceptable par rapport au marché mondial. Les quotas gratuits accordés par l'État iront en s'amenuisant d'années en années et la taxe carbone en augmentant. L'objectif est qu'elle doit dépasser les 100 euros en 2030.

«Les études montrent qu'un prix de 100 euros par tonne d'ici 2030 est insuffisant pour placer le monde sur la trajectoire des 2 degrés.»(http://www.agefi.fr/asset-management/actualites/quotidien/20170706/nicolas-hulot-veut-accelerer-hausse-taxe-carbone-222761)

La parade des industriels à cet inconvénient majeur, est d'utiliser des déchets industriels comme combustible. Une partie importante de ces déchets (bois, carton, papier, textile, latex contenu dans les pneus, boues d'épuration, farines et graisses animales), dit « carbone biomasse », n'est pas comptabilisée pour le paiement de la taxe carbone. Seuls les combustibles (charbon, pétrole et ses dérivés, gaz, etc.), dit « carbone fossile » sont taxés.*

*

Leur but est donc de « brûler » le plus possible de déchets,oh ! Pardon, des combustibles de substitution ou alternatifs (ça fait plus vert).

Autrement dit les cimenteries vont devenir de vrais incinérateurs (oh ! Pardon, des co-incinérateurs comme disent les textes).

Mais, au fait, c'est quoi la « co-incinération » et les

« combustibles de substitution » ?

Raisonnement purement comptable : pour le réchauffement climatique, que l'on brûle des combustibles d'origine biomasse ou fossile, il y a émission de CO2 dans l'atmosphère.Or le réchauffement climatique "c'est maintenant", il se contrefout que le CO2 soit biomasse ou fossile.

La co-incinération

C'est en partie un INCINÉRATEUR de déchets

Quelques définitions :

● Les installations de co-incinération sont des installations utilisant comme combustible des déchets de natures différentes ou des déchets mélangés à d'autres produits et dont l'objectif est de produire de l'énergie.

● La co-incinération peut consister à utiliser l'incinération de déchets comme combustible d'appoint dans des installations dont la vocation première n'est pas l'incinération. Exemple : les cimenteries.

Source :Chambre de commerce et d'industrie de région Paris Île de France

● Ces combustibles, qui remplacent en partie les combustibles fossiles classiques, sont des déchets en provenance de différentes industries.

Pour faire simple, on brûle un certain pourcentage de déchets avec le charbon ou le coke de pétrole.

Déchets liquides

Déchets de peintures - Huiles usagées - Déchets chimiques - Résidus de distillation - Déchets de solvants - Déchets pétrochimiques -Boues d'hydrocarbures - Fond de cuve - etc.

Déchets solides

Farine et graisse animale -Pneus usés - Résidus de caoutchouc - Sciure et Copeaux de bois imprégnés - Coke de pétrole (résidus de distillation) - Déchets de papier – Textile – Résidus de plastique - Résidus de broyage automobile – Boîtiers de batterie - Combustibles solides de récupération(CSR) -Refus de tri (objets en plastique non recyclables) -Boues de station d'épuration (STEP)- Etc.

Les combustibles de substitution

Comme on vient de le voir, il ne s'agit pas simplement de déchets « propres » comme on nous le présente dans la communication des industriels du ciment.

Le côté pervers de ce « Business », est que la demande des industrielssoit de plus en plus forte et que la concurrence s'installe entre « la valorisation matière »(ex : fibre polaire) et la « valorisation énergétique » (ex : combustible) et que cela dégénère en « aspirateur à déchets ».

« ...Marc Cheverry, chef du service de l'Ademe dédié à la prévention et à la gestion des déchets, appelle à se poser les bonnes questions pour éviter de créer des surcapacités. Sa crainte ? Qu'un développement incontrôlé crée des "aspirateurs à déchets" comme ce fut le cas avec l'incinération... »(https://www.actu-environnement.com/ae/news/csr-combustion-dechets-developpement-18880.php4)

« Les cimentiers poussent d’ailleurs en [ce] sens. Ils sont en effet à l’heure actuelle extrêmement dépendants des énergies fossiles très coûteuses et lorgnent avec envie sur cette nouvelle source d’énergie peu chère et qui leur permettrait d’afficher une image plus « verte ».

« A côté de cela, les cimentiers comme on l’a vu mais aussi les politiques voient dans les déchets plastiques une belle alternative pour produire de l’énergie à moindre coût, et avec une note un peu « verte », sans pour autant investir dans les énergies renouvelables. »

(http://www.clikeco.com/P-25-88-F1-recyclage-ou-valorisation-energetique-des-dechets-plastiques.html)

Où en sommes-nous actuellement ?

Les cimenteries françaises se sont engagées à atteindre un taux de substitution de 50 % d'ici 2020 (source SFIC. Syndicat français de l’industrie cimentière).

– Déjà, certaines usines ont des taux de substitution de plus de 60% et ont un objectif de 80%.

– L'usine Holcin-Lafarge de Saint-Pierre-la-Cour en Mayenne, annonce un prochain taux de 83%.

– « La cimenterie Lafarge de Martres-Tolosane inaugure ce vendredi (16 Juillet 2016) un nouvel équipement permettant l’usage de pneus comme combustible pour ses fours. D’ici 2019, elle vise d’atteindre 80% de combustibles de récupération. »

Source : plaquette 2015 Calcia Villiers-au-Bouin (Extrait)

Source : plaquette 2015 Calcia Couvrot (Extrait)

Source : plaquette 2015 Calcia Beffes (Extrait)

Source : plaquette 2015 Calcia Beaucaire

Ces quelques exemples montrent bien la tendance générale à l'utilisation de déchets industriels comme combustibles de substitution dans l'ensemble des cimenteries.

Exemple d'arrêté préfectoral de la cimenterie Calcia de Villiers-au-Bouin du 7 mai 2014 (extrait)

ARRETE COMPLEMENTAIRE ACTUALISANT LA SITUATION ADMINISTRATIVE DES INSTALLATIONS DE LA SOCIETE CALCIA ET PRENANT EN COMPTE LA CO-INCINERATION DE COMBUSTIBLES SOLIDES DE RÉCUPÉRATION (CSR)

Volume autorisé par an

C'est donc 80 000 tonnes de déchets par an, qui sont autorisés pour cette cimenterie !!!

Nous sommes devant un choix déterminant pour l'avenir !

Doit-t-on relancer la cimenterie Calcia-Heidelberg avec toutes ses nuisances (pollution, bruit, poussière, trafic routier etc.) pour 70, 80, 100 ans... en pleine agglomération ?

Ne devrait-on pas, au contraire, profiter de l'occasion pour réfléchir à la reconversion du site avec des industries "propres".

Cet emplacement, d'une cinquantaine d'hectares exploitables* en bord de Seine et exposés sud-sud-est, trouverait facilement preneur (superficie actuelle de 100 hectares dont 35 hectares d'usine, bureau et entrepôt).

Mesdames, Messieurs les élus de Juziers et de Gargenville accepteriez-vous l’implantation d'un incinérateur en pleine agglomération ? Et bien c'est ce qui risque d'arriver !

Nous n'échapperions pas à cette tendance si la cimenterie continuait son activité.

Réfléchissez bien à la décision que vous allez prendre, vous engagez nos communes pour plusieurs décennies !

* Cette superficie ne prend pas en compte les coteaux très pentus.

Les normes

Alors, bien sûr, on va vous dire « mais il y a des normes, des règlements et des contrôles ! ».

Ah ! Les normes ! Enfin quelque chose qui nous protège...

Savez-vous comment sont élaborées les normes ?

Diverses définitions des normes (selon la littérature) :

● Valeurs limites à ne pas dépasser pour ne pas avoir de risque sanitaire.

● Compromis entre les impératifs de santé publique et ce qui est compatible avec la technologie et l'économie.

● Élaborées avec les professionnels du ciment et les services de l’État.

● Critères d'établissements selon les possibilités techniques et économiques du moment (exemple : la dioxine *).

* Cette molécule très dangereuse (12 nanogrammes [1 milliardième de gramme] tue un singe), n'est mesurée que depuis 2002 ! Et avant...

Rappelons qu’il n’y a pas de seuil « en dessous duquel il n’y a aucun effet sur la santé »

Ce n'est pas la dose qui fait le poison mais la durée d'exposition.

Les contrôles :● Par l'exploitant

Ils sont laissés à l'initiative de l'exploitant et sous sa responsabilité, c'est de l’autocontrôle !

● Par des organismes indépendants(par rapport à qui ?) C'est l'exploitant qui le choisit et le rémunère directement.Rappelez-vous que le client a toujours raison !

● Par l’État Deux fois par an (pas pour tous les polluants) à vérifier

A entendre les industriels, on a l'impression qu'en dessous de ces seuils, il n'y a aucune pollution.

Et si les normes sont trop contraignantes, les industriels s'en arrangent :● Le "Dieselgate"(affaire Volkswagen sur les moteurs diesel, peut être Renault et

Peugeot) où les industriels de l'automobile n'ont pas hésité à mettre en place un programme informatique sur les véhicules pour tromper les contrôles officiels.

● Autre exemple, 57 contrôles inopinés des rejets atmosphériques ont été réalisés en 2014 par la DRIEE. Les résultats ont mis en évidence des dépassements de valeurs limite d’émission pour 11 d'entre-elles (installation de combustion) soit environ 20% de société en infraction. « L’environnement industriel en Ile de France". Brochure DRIEE 2015 »

Sans compter les trafics éventuels possibles (affaire Chimirec).

Actions en justiceProcès CHIMIREC pour trafic de déchets dangereux : le marathon judiciaire continue

« Élimination irrégulière de déchets dangereux par dilution d’huiles pollués aux PCB, exploitation d’une installation classée pour la protection de l’environnement sans autorisation, fourniture d’informations inexactes à l’administration, altération frauduleuse de la vérité… Les accusations portées contre la société CHIMIREC, son PDG et six de ses cadres devant la Cour d’Appel de Paris en mars 2017 étaient nombreuses et lourdes. En tant que parties civiles, France Nature Environnement, souhaitait que les juges d’appel confirment les condamnations prononcées en 2013 par le Tribunal Correctionnel (TC) de Paris. Malheureusement, le 22 juin 2017, la cour d'appel de Paris a écarté une partie des faits reprochés aux prévenus quant au trafic de déchets dangereux mais confirmé des condamnations pour les autres faits. FNE a décidé de se pourvoir en cassation dans ce dossier.»

(http://www.fne.asso.fr/actualites/proc%C3%A8s-chimirec-pour-trafic-de-d%C3%A9chets-dangereux-le-marathon-judiciaire-continue)

Arrêtés préfectoraux et demandes de dérogation :Quant aux arrêtés préfectoraux, les industriels peuvent les contourner en demandant des dérogations qu'ils obtiennent dans bien des cas.(voir l'extrait de l'arrêté CSR 2016 en annexe 3)

Quelques exemples :

« Dossier de demande de dérogation à la Valeur Limite d’émission des rejets de SO2 » (Cimenterie EQIOM de Rochefort sur Nenon (39), SV le 13/01/2017)

« Demande présentée par la société des ciments calcia à Ranville en vue d’obtenir une dérogation aux émissions d’oxyde de soufre venant des rejets atmosphériques du four de la cimenterie »( le 26/12/2016 par Préfecture - DCLE -ENVIRONNEMENT)

« À Xeuilley, la cimenterie Vicat plaide pour une dérogation aux nouvelles limites d’émissions d’oxyde de soufre. Sujet délicat, de Pierreville à Frolois »(L'est Républicain-Le 04/10/2016 à 05:03)

« Le dossier de réexamen est accompagné de la demande de dérogation concernant le niveau d’émission de SO2 justifiée au regard de la balance coût investissements et bénéfices environnementaux. » (usine Calcia de Beffes)

Comme on le voit dans l'annexe n°3, la dérogation aux normes se pratique et pas à minima !

– Pour le soufre,1020 mg/Nm3 * au lieu de 50 mg/Nm3 soit env. 20 fois la norme ! – Pour l'ammoniaque, 100mg/Nm3 au lieu de 30 mg/Nm3 soit env. 3 fois la norme !

* milligramme par normo mètre cube

Le discours des industriels Attention de ne surtout pas vous laisser éblouir (ou abuser) par le beau discours et belle présentation ripolinée en « vert » des industriels du ciment, le service Marketing a fait son œuvre.

« plus vert que moi tu meurs »

Malgré tout, ils seront toujours de gros producteur de CO2, le principe même de la fabrication du ciment fait que l'on a deux sources d'émission de CO2 :

– La décarbonatation* du calcaire, environ 62 %

– la combustion des combustibles, environ 38 %

« Le secteur cimentier met en avant les avantages de la valorisation qu’ils développent. Comme le met en évidence la revue "Incidences 7" , ils ont développé un vocabulaire très « green » dans toutes leurs communications : on ne dit pas incinération de déchets, mais « valorisation de combustibles de substitution», on ne brûle pas des déchets, on « substitue de l’énergie fossile non renouvelable », on ne dit pas « sciures imprégnées de déchets dangereux » on dit RESOFUEL ou AFR (alternative fuel and raw materials), WDF (waste derived fuel), PDF (packaging derived fuel)… » (Inter-Environnement Wallonie asbl - Fédération des associations d’environnement -Août 2007)

* Au cours de la fabrication du clinker, le calcaire (carbonate de calcium), chauffé entre <800°-1000°C> se décompose en chaux libre (CaO) et en CO2 (gaz carbonique) qui s’échappe par la cheminée.

Le CO2 émis lors de la "décarbonatation" est évalué à 890 kg par tonne de clinker.

Sur les besoins de cimentCe diagramme montre une baisse constante de la production/consommation de ciment en France. En 1974 (32 millions de tonnes) et 2008 (24 millions de tonnes). De 2008 à 2015, la consommation a continué à baisser à 17,2 millions de tonnes soit environ moins 30 %.

2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 20170

5

10

15

20

25

30

24,824,1

20,4 19,821,4

2019,2

18,217,2

Diagramme de production/consommation de cimenten France métropolitaine en million de tonnes

Consomma-tionProduction

mil

lio

n d

e to

nn

es

En conclusion :

Qu'on le veuille ou non, la cimenterie de Gargenville comme toute les cimenteries pollue énormément en rejetant du CO2 ( dioxyde de carbone, gaz principal du réchauffement climatique) et autres particules nocives.

A ce titre elle paye la taxe carbone.

Mais pour pouvoir continuer à polluer à moindre coût, il existe une parade qui consiste à utiliser des déchets industriels ( pneus, boues d'épuration, bois....) en lieu et place des combustibles fossiles ( charbon, pétrole...) qui sont taxés.

Les cimenteries d'une manière générale s'orientent vers une double activité, leur métier de base, production de ciment, et incinération des déchets.

Avec quelles conséquences?

On pourrait se rassurer en se disant qu'il existe des normes, des garde-fous qui nous protègent. Erreur. Il n'en est rien. Les normes font régulièrement l'objet de dérogation, pour pouvoir continuer à polluer au nom de l'activité économique.

Si vous acceptez pour vos administrés la double peine : rejet de CO2 et autres particules nocives, Nox etc, et à l'avenir les émanations consécutives à la fonction incinérateur, la question des conséquences sur la santé de vos administrés se posera, inéluctablement, un jour ou l'autre .

La question du maintien de la cimenterie de Gargenville au sein d'une population de 25 000 habitants (Juziers, Gargenville, Issou, Epône, Elisabethville etc) est une vraie question de santé publique.

Rappel des combustibles utilisés actuellementà le cimenterie de Gargenville

Annexe 1

Annexe 2

(Du 10 novembre 2015)

Annexe 3

EXTRAIT « Arrêté CSR » du 23 mai 2016-consolidé au 29 novembre 2016