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Citation et invention dans les Essais de Montaigne Yoshio YAMAMOTO « Nous autres naturalistes, estimons, qu’il y aye grande et incomparable preference, de l’honneur de l’invention, a l’honneur de l’allegation 1 » (III, 12, 1056C). De nombreuses recherches ont été consacrées à la citation et à ses effets ainsi qu’à la différence entre l’ « allegation » et les emprunts aux textes dans les Essais de Montaigne 2 . Leurs auteurs ne relèvent pas seulement que Montaigne dévalorise l’autorité des textes antiques par la dissimulation des noms des auteurs et par l’opposition sans fin des citations les unes aux autres, mais aussi qu’il essaie de mettre en concurrence son français avec le latin de grands écrivains ou poètes. Ne pourrait-on pas examiner les citations parsemées dans son livre par un nouveau point de vue ? Depuis l’Antiquité, une citation était faite pour valider un discours, accorder une sorte d’autorité à l’argument que présentait l’orateur. Elle postulait donc toujours la présence d’une auctoritas qui la fondait. Au Moyen- Âge, notamment dans la tradition scolastique, un passage cité d’ouvrages classiques avait une valeur de preuve, de confirmation par l’auctoritas 3 . Or Montaigne semble mettre en question cette autorité de la citation, ─────────── 1 Tous nos renvois entre parenthèses seront faits au texte des Essais dans l’édition de Villey-Saulnier : Les Essais, édition conforme au texte de l’Exemplaire de Bordeaux, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, Paris, PUF, « Quadrige », 2004 (1re éd. 1924). 2 Sur la citation chez Montaigne, bien des recherches ont été menées : Antoine Compagnon, La Seconde Main ou le Travail de la citation, Le Seuil, 1979; Michael Metschies, La Citation et l’art de citer dans les Essais de Montaigne, tr. Jules Brody, Paris, Classiques Garnier, 1997; Mary B. Mckinley, Words in a corner. Study in Montaigne’s Latin Quotations, French Forum Monographs 26, Lexington, 1981; Claude Blum, « La Fonction du ‘déjà dit’ dans les Essais : emprunter, alléguer, citer », Cahiers de l’Association Internationale des Etudes Françaises, nº 33, 1981, p. 35-51. 3 A. Compagnon, op. cit., p. 281-283.

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Page 1: Citation et invention dans les Essais de Montaigne

Citation et invention dans les Essais de Montaigne

Yoshio YAMAMOTO

« Nous autres naturalistes, estimons, qu’il y aye grande et incomparable preference, de l’honneur de l’invention, a l’honneur de l’allegation1 » (III, 12, 1056C). De nombreuses recherches ont été consacrées à la citation et à ses effets ainsi qu’à la différence entre l’ « allegation » et les emprunts aux textes dans les Essais de Montaigne2. Leurs auteurs ne relèvent pas seulement que Montaigne dévalorise l’autorité des textes antiques par la dissimulation des noms des auteurs et par l’opposition sans fin des citations les unes aux autres, mais aussi qu’il essaie de mettre en concurrence son français avec le latin de grands écrivains ou poètes. Ne pourrait-on pas examiner les citations parsemées dans son livre par un nouveau point de vue ?

Depuis l’Antiquité, une citation était faite pour valider un discours, accorder une sorte d’autorité à l’argument que présentait l’orateur. Elle postulait donc toujours la présence d’une auctoritas qui la fondait. Au Moyen-Âge, notamment dans la tradition scolastique, un passage cité d’ouvrages classiques avait une valeur de preuve, de confirmation par l’auctoritas3.

Or Montaigne semble mettre en question cette autorité de la citation,

───────────1 Tous nos renvois entre parenthèses seront faits au texte des Essais dans l’édition de Villey-Saulnier : Les Essais, édition conforme au texte de l’Exemplaire de Bordeaux, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, Paris, PUF, « Quadrige », 2004 (1re éd. 1924).

2 Sur la citation chez Montaigne, bien des recherches ont été menées : Antoine Compagnon, La Seconde Main ou le Travail de la citation, Le Seuil, 1979; Michael Metschies, La Citation et l’art de citer dans les Essais de Montaigne, tr. Jules Brody, Paris, Classiques Garnier, 1997; Mary B. Mckinley, Words in a corner. Study in Montaigne’s Latin Quotations, French Forum Monographs 26, Lexington, 1981; Claude Blum, « La Fonction du ‘déjà dit’ dans les Essais : emprunter, alléguer, citer », Cahiers de l’Association Internationale des Etudes Françaises, nº 33, 1981, p. 35-51.

3 A. Compagnon, op. cit., p. 281-283.

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établie par la tradition culturelle européenne. En effet, les textes antiques qu’il cite sont moins pour lui une convocation d’auctoritas que des emprunts ornementaux. À propos de la citation, on remarque dans ses Essais une contradiction entre la méfiance qu’il manifeste à son égard et la pratique abondante qu’il en a.

Comment Montaigne justifie-t-il sa pratique de la citation ? Cet examen nous conduira à éclaircir le sens du terme « naturalistes », par lequel Montaigne se désigne, dans le passage que nous avons cité au début. En fait, ce terme, qui signifie autre chose que « physiologiste », est d’autant plus intrigant qu’il n’a qu’une seule occurrence dans les Essais4. Voire, dans ce contexte des Essais, le mot « nature » ne renvoie pas à l’opposition de l’art ou l’artifice, mais suggère un autre sens : la nature humaine.

Dans un premier temps, nous remarquerons le lien étroit de l’œuvre de Montaigne avec des recueils de lieux communs, répandus largement dans l’Europe entière à l’époque. Nous envisagerons ensuite la méfiance de Montaigne envers les citations, en la liant avec une vague littéraire du seizième siècle, la controverse du Cicéronianisme. Enfin, nous examinerons le passage des Essais concernant sa pratique de la citation, pour en analyser le développement chronologique et constater comment évolue sa position sur les citations et l’invention. Ce qui nous conduira à entendre plus précisément le terme d’« invention » et ce que sont les « naturalistes ».

1Dans le chapitre 12 du livre troisième, Montaigne, après avoir applaudi

Socrate, commence à parler du recueil de lieux communs, livre contenant divers exemples ou sentences. Les « lieux communs5 » ne désignent pas ici

───────────4 Également au singulier, le terme « naturaliste » ne se trouve qu’une fois au début du chapitre 18 au première livre : « Je ne suis pas bon naturaliste (qu’ils disent) et ne sçay guiere par quels ressors la peur agit en nous » (I, 18, 75A). Cf. Roy E. Leake, Concordance des Essais, Genève, Droz, 1981, vol. 2, p. 814.

5 Sur les « lieux communs » à la Renaissance, voir Francis Goyet, « Les divers Acceptions de lieu ou lieu commun à la Renaissance », dans Lieux communs, topoï, stéréotypes, clichés, (éd.) C. Plantin, Paris, Éditions Kimé, 1993, p. 411-422; id., Le Sublime du « lieu commun ». L’invention rhétorique dans l’antiquité et à la Renaissance,

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les clichés au sens moderne ni ne renvoient aux koinoi topoi d’Aristote, qui se développaient, depuis l’Antiquité, dans la dialectique et la logique, plutôt que dans la rhétorique. Mais ils sont, à la Renaissance, les rubriques sous lesquelles on classe dans un recueil toutes sortes de citations, d’anecdotes collectées au fil de lectures. Dans ces conditions, le recueil de lieux communs, genre propre au seizième siècle, est une compilation de citations rangées par rubriques, par « lieux communs », qui visent souvent à consigner toutes les actions humaines, les vertus et les vices. Des rubriques par sujets, arrangées le plus souvent alphabétiquement, regroupent toutes les données relatives à un même sujet ou thème, et des index permettent un accès assez rapide à un sujet précis. On constate qu’à cette époque, les livres de ce type avaient une grande popularité. Montaigne était lui aussi environné de ces « lieux communs imprimés » tels que les Adages d’Érasme, l’Officina de Ravisius Textor et Politicorum libri VI de Juste Lipse. Il n’hésite pas à s’en servir et le titre même du chapitre 12, « De la phisionomie », est l’une des rubriques des recueils de lieux communs6.

Ainsi est-il certain qu’un lien étroit existe entre les Essais de Montaigne et les « lieux communs » de la Renaissance. Il convient de noter que l’époque donnait une grande importance à la copia, à l’abondance de la langue et du savoir. Les lettrés, les écrivains, les humanistes, pour le dire en un mot, ont voulu pourvoir leurs livres d’une richesse d’informations utiles et

Paris, Honoré Champion, 1996, surtout « Troisième Partie », p. 441-671; Ann Moss, Printed commonplace-books and the structuring of Renaissance thought, Oxford, Clarendon Press, 1996, surtout p. 101-214. Sur la distinction entre « lieu » et « lieu(x) commun(s) » dans l’Antiquité, voir Laurent Pernot, « Lieu et lieu commun dans la rhétorique antique », Bulletin de l’Association Guillaume Budé, nº 3, octobre 1986, p. 253-284.

6 Fr. Goyet, « Montaigne et les recueils de lieux dits communs », dans Normativités du sens commun, Claude Gautier et Sandra Laugier (dir.), PUF, 2009, p. 61. Cet article reprend en ajoutant quelques notes son article ancien : « A propos de ‘ces pastissages de lieux communs’ : le rôle des notes de lecture dans la genèse des Essais », dans Bulletin de la société des Amis de Montaigne 5-6, 1986, p. 11-26 ; 7-8, 1987, p. 9-30. D’autres études sur le rapport entre Montaigne et « lieux communs » : P. Porteau, Montaigne et la vie pédagogique de son temps, Paris, Droz, 1935, p. 178-208; Michel Beaujour, Miroir d’encre, Le Seuil, 1980, p. 171-185; Michel Jeanneret, « The Vagaries of Exemplarity : Distortion or Dismissal ? », Journal of the History of Ideas, vol. 59, No. 4, 1998, p. 565-579.

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d’expressions subtiles. Ils ont montré également que les recueils de lieux communs étaient un outil convenable à la formation de la copia.

En matière de pédagogie, un exercice proposé aux élèves du seizième siècle était de fabriquer un recueil de lieux communs, sur un cahier de feuilles blanches, en haut desquelles l’on inscrivait un titre ou une rubrique7. Quand, à travers ses lectures, l’élève trouvait un passage digne d’être cité, il le recopiait d’abord sur une fiche. Ensuite, l’élève déplaçait le passage inscrit sur la fiche dans son cahier de lieux communs rangés généralement par ordre alphabétique : à ce moment-là, il devait juger à quelle rubrique le passage serait attribué. Les citations, sélectionnées et classées chacune dans la rubrique la plus pertinente, finissaient ainsi par former un cahier de lieux communs dans lequel l’élève pouvait retrouver facilement une matière pour orner son écriture et pour accorder une sorte d’autorité à son discours. Les pédagogues de la Renaissance ont attaché une grande importance à cette méthode et traité assidûment de ce genre de cahier. À leurs yeux, la méthode des lieux communs contribuait à former tout à la fois le jugement et la mémoire des élèves, et fournissait de la copia aux différents types de compositions ultérieures proposées comme exercices dans les cours.

Pour sa part, Montaigne devait bien connaître la méthode du cahier de lieux communs : ses notes sur ses exemplaires de César, Lucrèce ou Quinte-Curce le confirment. Il notait en effet dans la marge une rubrique correspondant aux exemples racontés que, plus tard, il extrayait à l’aide de la rubrique, organisant ainsi un chapitre de ses Essais. Cependant, il est intéressant que personne ne puisse affirmer aujourd’hui l’existence d’un cahier de lieux communs constitué de Montaigne. Il déclare en effet lui-même ne pas avoir de « gardoir », c’est-à-dire de tel cahier pour conserver les citations. Mais, au moins, il les transportait directement en son livre. Il fait mention de sa méthode avec plus de clarté et d’originalité au chapitre « Du démentir » :

───────────7 Sur la méthode du cahier de lieux communs, on doit beaucoup à l’ouvrage d’Ann Blair : Too much to know. Managing scholarly information before the Modern Age, New Haven, Yale University Press, 2010, surtout ch. 2, p. 62-116.

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7Citation et invention dans les Essais de Montaigne

Je n’ay aucunement estudié pour faire un livre ; mais j’ay aucunement estudié pour ce que je l’avoy faict, si c’est aucunement estudier que effleurer et pincer par la teste ou par les pieds tantost un autheur, tantost un autre ; nullement pour former mes opinions ; ouy pour les assister pieç’a formées, seconder et servir. (II, 18, 666C)

Montaigne a « estudié », c’est-à-dire rassemblé et compilé, pendant ses lectures, des citations d’autres auteurs, et s’en est servi pour soutenir (accompagner) ou pour orner ses propres idées, et non pour établir une partie essentielle de ses essais. C’est après la publication de ses Essais en 1588 qu’il amplifie et enrichit son écriture par des charges de citations8. On peut se pénétrer de ce fait par les nombreux ajouts inscrits dans la marge de l’Exemplaire de Bordeaux. Il n’avait fait aucun cahier de lieux communs, mais, en fait, employait ses Essais imprimés comme un cahier de ce type : chaque phrase ou passage qu’il avait écrit pouvait ainsi lui servir de rubrique dans laquelle ajouter de nouvelles phrases.

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Pourtant, bien que Montaigne ait une bonne connaissance des « lieux communs » et de la méthode du cahier, on constate qu’il les regarde avec un peu de méfiance. « Ces pastissages de lieux communs, dequoy tant de gents mesnagent leur estude, ne servent guere qu’à subjects communs ; et servent à nous montrer non à nous conduire, ridicule fruict de la science que Socrates exagite si plaisamment contre Euthydeme » (III, 12, 1056C). On a relevé que les « lieux communs » désignent, au seizième siècle, les rubriques de sujets sous lesquelles on va ranger les passages cités et ont un sens neutre, si bien qu’on remarquera ici que tout le poids péjoratif du texte consiste dans le terme « pastissages ». D’après Francis Goyet, le « pastissage » est « un méli-mélo pas repensé9. » C’était, en fait, un produit de la copia tel qu’on l’envisageait alors. Le procédé que recommandaient les pédagogues et humanistes avait en

───────────8 Les Essais, op. cit., (éd.) Villey-Saulnier, « Préface », p. XI.9 Goyet, art. cit., 2009, p. 62.

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effet fini par produire une accumulation des passages ou phrases sans examen ni choix. Pour Montaigne, l’abondance était liée au manque de discernement et considérée comme l’opposé de la digestion intellectuelle représentée traditionnellement par les images de l’innutrition ou de l’appropriation. De ce point de vue, on peut mieux comprendre sa critique envers un président de Parlement.

Un president se vantoit où j’estois, d’avoir amoncelé deux cens tant de lieux estrangers, en un sien arrest presidental. En le preschant à chacun il me sembla effacer la gloire qu’on luy en donnoit. Pusillanime et absurde vanterie à mon gré, pour un tel subject et telle personne. (III, 12, 1056B-C-B)

Ce président, tirant de leurs « lieux », rubriques de recueils, et transplantant d’innombrables citations en son arrêt, avait finalement montré, selon Montaigne, son insuffisance de jugement et de discernement ainsi que son manque d’acquisition et d’appropriation des textes d’autrui. En somme, c’est l’indigestion de lectures mal absorbées et l’impersonnalité des textes trop abondants en citations que met Montaigne en cause ici.

Impersonnelle, indigeste. Ces deux adjectifs caractérisent aussi bien l’imitation que la citation des Cicéroniens au seizième siècle10. Les Cicéroniens, insistant sur l’imitation stricte du style de Cicéron, en arrivent à l’admirer au point de refuser absolument celui d’autres. Leur objectif

───────────10 Michel Magnien, « Un écho de la querelle cicéronienne à la fin du XVIe siècle :

éloquence et imitation dans les Essais », dans Rhétorique de Montaigne, Actes du colloque de Paris, Paris, Champion, Préface de Marc Fumaroli, (éd.) F. Lestringant, 1985, p. 85-99; id., « ‘Latiniser en Françoys’ : citation et imitation dans les Essais », dans Montaigne in Cambridge, proceedings of the Cambridge Montaigne Colloquium 7-9 April 1988, (ed.) Philip Ford and Gillian Jondorf, Cambridge French Colloquia, 1989, p. 7-23; M. Mann Phillips, « From the Ciceronianus to Montaigne », dans Classical Influences on European Culture A.D. 1500-1700, (ed.) R.R. Borgar, p. 191-197. Cambridge University Press, 1976. Sur l’influence du Cicéronianisme au seizième siècle, A. Moss, « Literary imitation in the sixteenth century : writers and readers, Latin and French », dans The Cambridge History of Literary Criticism vol. 3 The Renaissance, (ed.) Glyn P. Norton, Cambridge University Press, 1999, p. 107-118.

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9Citation et invention dans les Essais de Montaigne

était d’écrire comme Cicéron, mais, en imitant seulement son style ou en collectant ses expressions, ils ne pouvaient d’ailleurs le faire. Il aurait fallu bien comprendre son esprit, à savoir sa nature même. On voit ici la limite de l’imitation des cicéroniens. La Rome dans laquelle avait vécu et travaillé Cicéron était déjà très loin ; le latin même n’était plus celui de Cicéron. C’est une sorte d’illusion que les Cicéroniens poursuivaient.

Par exemple, Le Prince des humanistes, Érasme, lançait à l’encontre de l’assiduité des Cicéroniens la remarque ironique qu’ils étaient tombés dans l’anachronisme. Il nous apprend également le danger de l’imitation aveugle : « Quod si totum vis exprimere Ciceronem, teipsum non potes exprimere. Si teipsum non exprimis mendax speculum tua fuerit oratio [...] » (Ciceronianus, ASD I-2, p. 649, 24-25). En imitant le style de Cicéron et forgeant un discours tout cicéronien, les Cicéroniens finissent donc, selon lui, par gâter non seulement leur écriture, mais leur nature propre. Ils ne peuvent en effet représenter leur personnalité par l’imitation du seul Cicéron. Car chaque homme diffère par sa nature de même que par sa voix ou son corps ; il doit se procurer un style accommodé à sa nature. C’est pourquoi, non par la lecture exclusive de Cicéron, mais par celle de divers écrivains ou de poètes les plus meilleurs, l’on doit apprendre différents styles et s’efforcer d’établir son propre génie, ingenium. L’anti-Cicéronianisme d’Érasme est donc coloré par l’importance accordée à la digestion du savoir et de la parole à travers des lectures variées, ainsi qu’à la découverte de l’aspect personnel et original de soi11.

3La limite de l’imitation relevée par Érasme, son refus de l’assimilation font

écho à la partie où Motaigne explique son procédé de citation. Revenons au chapitre « De la Phisionomie ».

Montaigne y affirme un principe de citation absolument contraire à l’étalage d’érudition dont faisait preuve le président mentionné en haut :

───────────11 Sur la découverte du moi chez Érasme, voir Jean Lecointe, L’idéal et la différence : la

perception de la personnalité littéraire à la Renaissance, Genève, Droz, 1993, p. 436-441.

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Comme quelqu’un pourroit dire de moy que j’ay seulement faict icy un amas de fleurs estrangeres, n’y ayant fourny du mien que le filet à les lier. Certes j’ay donné à l’opinion publique que ces parements empruntez m’accompaignent. Mais je n’entends pas qu’ils me couvrent, et qu’ils me cachent : c’est le rebours de mon dessein, qui ne veux faire montre que du mien, et de ce qui est mien par nature ; et si je m’en fusse creu, à tout hazard, j’eusse parlé tout fin seul. (III, 12, 1055B)

Son but est moins de se cacher derrière des connaissances doctrinales que de se représenter lui-même à l’aide d’emprunts faits à des textes d’autrui. C’est de là que se développe sa position concernant les citations et l’on peut suivre chronologiquement l’évolution de son idée. Voici, tout d’abord, la version de 158812.

Je desrobe mes larrecins, & les desguise. Ceux cy les mettent en parade & en compte : aussi ont ils plus de credit avec les loix que moy. Comme ceux qui desrobent les chevaux, je leur peins le crin & la queuë, & par fois je les esborgne : si le premier maistre s’en servoit à bestes d’ample, je les mets au trot, & au bast, s’ils servoyent à la selle.

En employant la métaphore du voleur de cheval, Montaigne nous révèle sa manière de citer. Il met ici l’accent sur le fait qu’il utilise les citations en sens contraire au texte où elles étaient originellement placées.

Ensuite, dans une marge de l’Exemplaire de Bordeaux, il a ajouté un passage à droite de la page (fo 475 ro) :

───────────12 Pour comparer les textes de 1588 et 1595 ainsi que les variantes, on a consulté la

nouvelle édition de la Pléiade : Les Essais, texte établi et annoté par Jean Balsamo, Michel Magnien et Catherine Magnien-Simonin, 1 vol., « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, 2007, « Notes et variantes », p. 1827. Et l’on peut voir les images en fac-similé dans Michel de Montaigne, Essais, Reproduction en fac-similé de l’EXEMPLAIRE DE BORDEAUX 1588, annoté de la main de Montaigne, tome III, édition établie et présentée avec une introduction par René Bernoulli, Genève-Paris, Éditions Slatkine, 1987.

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11Citation et invention dans les Essais de Montaigne

Je desrobe autant que je puis mes larrecins, & les desguise. Et si j’en desclare quelcun, c’est pour en couvrir deus fois autant. Comme ceux qui desrobent les chevaux, je leur peins le crin & la queuë, & par fois je les esborgne. Il me plait de les emploier souvant a usage du tout contrere a celuy qu’en tire son premier maistre au hasard de mettre quelcun en supçon que ce soit par ignorance de son vrai et original usage. Parfois sulement divers. Come s’il s’en sert à bestes d’ample, je les mets au trot, & au bast, s’ils servoyent a la selle. (Nous soulignons)

On voit ici que la mention que Montaigne dissimilait la citation est amplifiée et qu’il ouvre la voie à une utilisation plus variée des passages d’autrui. Cette addition sera raturée et puis réécrite en haut de page, mais coupée définitivement lors de la reliure en 161413.

Et il joint aussi un nouveau passage au mot « Parfois », inscrit verticalement, à gauche de la page (fo 475 ro) :

Et parfois les [m]esle et [mo]n trein [si su]btilement [qu’i]l est difficile [de] les distinguer et [ca]che dans [mo]n trein [pro]premant [qu’]il faut auoir bonne veuë et les auoir maniez souuant pour les distinguer et chosir. C’est un’ humeur puerile [un’] humeur scholastique d’estre plus jalous de l’honur de l’allegation que de l’invantion : [et] que nous autres naturalistes condamnons estrangemant. Ce qui se peut. (raturé par Montaigne14)

───────────13 Dictionnaire de Michel de Montaigne, P. Desan (dir.), Paris, Classque Garniers, 2016,

l’entrée « Exemplaire de Bordeaux », p. 421-426.14 Nous renvoyons pour la restauration du texte raturé à l’édition d’Armaingaud : Les

Essais, reproduction typographique de l’exemplaire annoté par l’auteur et conservé à la Bibliothèque de Bordeaux, édition préparée par Arthur Armaingaud, Ernest Courbet et Henri Monod, Paris, Imprimerie nationale, 1906, 1927 et 1931, 3 vol. In-folio, t. III, p. 247. Et l’on peut consulter les images digitalisées de ces pages en ligne sur le site : http://www.lib.uchicago.edu/efts/ARTFL/projects/montaigne/. Une étude sur la rature de ce chapitre a été faite par Catherine Magnien : « Litures et trasseures au chapitre ‘‘De la physionomie’’ : réflexions sur la rature dans l’Exemplaire de Bordeaux », dans Montaigne Studies, vol. XXVI, 2014, p. 87-103.

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Pour la première fois, on rencontre l’expression « nous autres naturalistes [...]. » Ce que Montaigne entend par « l’allegation », c’est un entassement de citations comme l’a fait le président, qui révélait une humeur « puerile » et « scholastique », et duquel se méfiait Montaigne. Pourtant il n’accorde pas encore ici un sens positif à « l’invantion ».

Finalement, tous ces passages que l’on vient d’observer entièrement sont raturés et Montaigne finit par les récrire à nouveau en pied de la page précédente (fo 474 vo).

Parmy tant d’emprunts, [je]suis bien aise d’en pouvoir desrober quelqu’un : le desguisant et difformant a nouveau service. [je] desrobe autant que je pui tout a faict aucuns de mes larrecins : aucuns je les desguise, et come les larrons des chevaus je leur peins le crin et la queuë et par fois je les esborgne : si le premier maistre s’en servoit a bestes d’amble je les mets au trot, et au bast s’ils servoint a la selle : Au hasard que je laisse dire a quelcun que c’est par faute d’avoir entandu leur natural usage. J’en mesle d’autres si confusement [a] mon trein que je les cache tout a faict. Autant que je puis je leur donne quelque particuliere adresse de ma main a ce qu’ils en sont d’autant moins purement estrangiers. Quelcun je le cache et confons si fort en mon trein que j’en oste toute connoissance. Ceusy les mettent leurs larrcins en parade et en conte. Aussi ont-ils plus de credit aux loix que moy. Nous autres naturalistes, estimons, qu’il y aye grande et incomparable preference, de l’honneur de l’invention, a l’honneur de l’allegation. (raturé par Montaigne)

Supprimant la comparaison avec le voleur de chevaux et diminuant en intensité mise sur l’assimilation de la citation, Montaigne privilégie désormais « quelque particuliere adresse », « l’honneur de l’invention » qu’estiment beaucoup les « naturalistes ». À travers cette évolution du texte, on peut constater que Montaigne déplace progressivement l’accent du fait de cacher la citation à celui de l’appliquer à son texte lui-même.

Or « invention » renvoie généralement à une partie de la rhétorique antique,

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13Citation et invention dans les Essais de Montaigne

l’inventio, qui consiste à inventer une topique ou un argument qui renforce une argumentation. Les orateurs les cherchaient dans le stockage d’excerpta, afin de les adapter à chaque discours (délibératif, judiciaire ou démonstratif). Mais l’on observe un déclin des deux premiers genres oratoires à la Renaissance, en raison du changement de régime politique. C’est dire qu’à la Renaissance, les affaires publiques étaient discutées dans la chambre du roi entouré par les ministres, tandis que, dans l’ancienne Rome, les représentants étaient assemblés dans le sénat. Au seizième siècle, plus n’était besoin d’orateurs capables d’improviser un discours, mais de conseillers qui sachent bien ce qui concernait toute action humaine15.

Cependant, pour un discours démonstratif concernant en général les vertus ou les vices des personnages, un recueil de lieux communs pouvait offrir à un orateur ou à un prêcheur, diverses sujets ou thèmes adaptés à la situation. Dans ce cas, l’inventio ou invention désigne les rubriques du recueil, dans lequel toutes les données sont stockées : maximes, exemples ou sentences. On remarquera dans les Essais quelques emplois du terme d’invention en ce sens :

De faire ce que j’ay descouvert d’aucuns, se couvrir des armes d’autruy, jusques à ne montrer pas seulement le bout de ses doigts, conduire son dessein, comme il est aysé aux sçavans en une matiere commune, sous les inventions anciennes rappiecées par cy par là [...]. (I, 26, 148C. Nous soulignons)

Il semble que l’expression soulignée renvoie exactement aux rubriques, « lieux communs » du seizième siècle. L’« invention » permet ainsi aux écrivains de constituer un ornement pour leurs textes et de faire étalage de leurs connaissances encyclopédiques. De son côté, Montaigne se soucie peu de montrer l’origine de ses emprunts : « Ez raisons et inventions que je transplante en mon solage et confons aux miennes, j’ay à escient ommis ───────────15 Marc Fumaroli, « Rhetoric, Politics, and Society : From Italian Ciceronianism to

French Classicism », dans Renaisssance Rhetoric : Studies in the Theory and Practice of Renaissance Rhetoric, (ed.) James J. Murphy, University of California Press, 1983, p. 253-273.

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parfois d’en marquer l’autheur [...]. »(II, 10, 408c) On découvre ici sa refutation tout à la fois de l’autorité et de l’assimilation, ainsi qu’une parenté avec la « negligentia diligens » cicéronienne (Orator 78) et la « sprezzatura » de Castiglione, notions qui représentent l’inattention soignée, la désinvolture nonchalante16.

Différant de ces « inventions », des rubriques de sujets, « l’honneur de l’invention » a une autre signification, qui révèle le principe de citation de Montaigne. Il faut ici renvoyer à un passage du chapitre « De l’institution des enfants » :

Si sçay-je bien combien audacieusement j’entreprens moy mesmes à tous coups de m’esgaler à mes larrecins, d’aller pair à pair quand et eux, non sans une temeraire esperance que je puisse tromper les yeux des juges à les discerner. Mais c’est autant par le benefice de mon application que par le benefice de mon invention et de ma force. (I, 26, 147C. Nous soulignons)

Montaigne traite ici le même thème qu’au chapitre « De la phisionomie » : la fonction et le sort des « larrecins », des citations mêlées avec son propre texte.

Ainsi, « l’invention » dans ce contexte désigne l’accommodation ou l’application. C’est cela même qu’Érasme posait dans son Ciceronianus comme idéal de l’imitation, et qu’à la fin du siècle Juste Lipse théorisera dans son Instituo Epistolica comme l’imitation adulte17.

───────────16 Voir Dorothy Gabe Coleman, « Montaigne’s Text : ‘Negligentia Diligens’ », dans

Montaigne in Cambridge, supra. n. 10, p. 103-113 et Kathy Eden, « Montaigne on style », dans The Oxford Handbook of Montaigne, (ed.) P. Desan, Oxford U.P., 2016, p. 394. Cf. « J’ay volontiers imité cette desbauche qui se voit en nostre jeunesse, au port de leurs vestemens: un manteau en escharpe, la cape sur une espaule, un bas mal tendu, qui represente une fierté desdaigneuse de ces paremens estrangers, et nonchallante de l’art. Mais je la trouve encore mieus employée en la forme du parler » (I, 26, 172B. Nous soulignons).

17 Sur la rhétorique de Lipse, voir M. Fumaroli, L’âge de l’éloquence, Genève, Droz, 1980, p. 152-161; id., « Genèse de l’épistolographie classique : rhétorique humaniste de la lettre, de Pétrarque à Juste Lipse », dans Revue d’Histoire Littéraire de la France, nov.-

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15Citation et invention dans les Essais de Montaigne

4Abordons enfin le terme de « naturalistes ». Pierre Villey a défini ces

naturalistes dans sa note comme des « Partisans de la nature (par opposition à l’art)18 » et Isabelle Pantin a expliqué également comme « ceux qui s’occupent des choses, non des paroles, et préfèrent la nature à l’art19 » dans l’édition du Livre de Poche. Pourtant ces explications semblent insuffisantes, car la dissimulation et l’application des citations faites par Montaigne ne sont qu’un résultat de l’art, d’une opération tout artificielle. Il n’est pas juste de prendre la nature pour l’opposé de l’art, et il faudrait retenir le sens de nature humaine. Ainsi, l’interprétation du terme « naturalistes » deviendrait plus précise que celle de Villey et de Pantin.

Pour réfléchir sur le rapport entre la nature (humaine) et l’art chez Montaigne, il est utile de lire le passage suivant :

[...] les plus fermes imaginations que j’aye, et generalles, sont celles qui, par maniere de dire, nasquirent avec moy. Elles sont naturelles et toutes miennes. Je les produisis crues et simples, d’une production hardie et forte, mais un peu trouble et imparfaicte ; depuis je les ay establies et fortifiées par l’authorité d’autruy, et par les sains discours des anciens, ausquels je me suis rencontré conforme en jugement : ceux-là m’en ont assuré la prinse, et m’en ont donné la jouyssance et possession plus entiere. (II, 17, 658A)

Tout d’abord, la nature, l’inné à l’état brut, est reconnue ; puis elle se fortifie par les idées partagées avec autrui et surtout avec les anciens ; finalement, elle

───────────déc., 1978, n. 6, p. 886-905; id., « Rhétorique d’école et rhétorique adulte : remarques sur la réception européenne du traité ‘‘Du sublime’’ au XVIe et au XVIIe siècle », dans Revue d’Histoire Littéraire de la France, jan.-fév., 1986, n. 1, p. 33-51.

18 Les Essais, op. cit., (éd.) Villey-Saulnier, p. 1056, n. 20.19 Les Essais, édition réalisée par Denis Bjaï, Bénédicte Boudou, Jean Céard et Isabelle

Pantin, (dir.) Jean Céard, 3 vol., Le Livre de Poche, « Classiques », 2002, Livre troisième, p. 438, n. 8. Et l’on a constaté aussi Dictionnaire de la langue française du Seizième Siècle, Paris, Didier, 1961, t. V, p. 401, l’entrée « Naturaliste », qui l’explique « Ami de la nature, du naturel ».

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est prise ou possédée, autrement dit, devient pleinement l’idée de Montaigne. C’est le rapport coopératif de la nature avec l’art que l’on peut observer dans ce processus20.

Au moment où Montaigne réécrivait avec beaucoup de citations ses Essais, notamment après 1588, cette coopération était mise en œuvre : il avait publié d’abord son livre dans une forme « un peu trouble et imparfaicte », mais naturelle et toute sienne ; à travers ses lectures, il a pratiqué des citations et fait des additions, travaux de l’art ou de l’artifice ; enfin, il a lié sa nature à l’art, et produit ainsi son idée la plus parfaite. Montaigne vise ici à s’habituer à l’appropriation d’autres opinions tout comme les Persans qui ont voulu enseigner à leurs enfants. Leurs enfants étaient instruits « non seulement de preceptes et parolles, mais principalement d’exemples et d’œuvres, afin que ce ne fut pas une science en leur ame, mais sa complexion et habitude ; que ce ne fut pas un acquest, mais une naturelle possession » (I, 25, 142-143A). Montaigne met donc en avant la force de l’habitude pour transformer la science, art ou artificiel, en « une naturelle possession », autrement dit en une seconde nature. Comme l’ont fait les Persans, les Lacédémoniens, pour leur part, apprenaient à leurs enfants à bien faire, bien vivre et mourir. C’est par « une continuelle exercitation de l’âme » (ibid.), autrement dit, par une pratique constante que l’habitude se transforme en ‘‘nature’’. On découvre encore ailleurs la mention de cette idée au chapitre « De ménager sa volonté ».

[...] appellons encore nature l’usage et condition de chacun de nous. [...] L’accoustumance est une seconde nature, et non moins puissante. (III, 10, 1009-1010B)

Montaigne n’entend pas se réformer lui-même, mais perfectionner finalement sa forme propre. « [...] Somme me voicy apres à achever cet homme, non à en refaire un autre. Par long usage cette forme m’est passée en substance, et

20 Fr. Goyet traite et analyse ce rapport entre la nature et l’art, surtout dans le chapitre III, 2, « Du repentir » : Les Audaces de la prudence. Littérature et politique aux XVIe et XVIIe siècles, Paris, Classiques Garnier, 2009, p. 237-259.

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17Citation et invention dans les Essais de Montaigne

fortune en nature » (III, 10, 1011B).

*Concluons. Montaigne, prenant une position anti-cicéronienne, accorde

une grande importance à l’appropriation de l’artificiel à sa nature. La citation dans les Essais est liée à la seconde nature que Montaigne renvoie à l’emploi de l’expression « l’honneur de l’invention ». Le terme « naturalistes » désigne donc ceux qui fortifient leur écriture propre ou leurs pensées innées par le recours à l’artificiel, proprement dit grâce à l’art de la citation21.

« Je naturaliserois l’art autant comme ils[=les savants] artialisent la nature » (III, 5, 874C). Lançant ainsi un défi à la méthode et à la tradition intellectuelle qui sont faits jour autour de la citation, Montaigne est parvenu à rendre son livre « consubstantiel à son autheur, d’une occupation propre, membre de ma vie » : à en faire sa seconde nature.

(Doctorant à l’Université Waseda)

───────────21 Jules Brody relève que l’originalité de Montaigne réside dans cet art de la citation : « La

première réception des Essais de Montaigne : Fortunes d’une forme », dans L’Automne de la Renaissance 1580-1630, (éd.) Jean Lafond, XXIIe colloque international d’études humanistes, Tours, 2-13 Juillet, 1979, Paris, J. Vrin, 1981, p. 26-27. Et Bernard Beugnot a remarqué que l’application du texte telle que la pratique Montaigne, ouvre la voie au dialogue ou à l’entretien à l’époque classique : « Dialogue, entretien et citation à l’époque classique », dans Revue Canadienne de Littérature Comparée, hiver, 1976, p. 39-50.

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