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CLASSES
COOPERATIVES
PAR
COMPETENCES
SANS NOTES.
"Dans les pays qui réussissent, les enfants sont généralement moins
stressés et moins fatigués, grâce à des rythmes adaptés et pensés
pour eux, une notation qui arrive tard dans leur parcours scolaire, des
redoublements inexistants ou presque, du travail personnel encadré
pendant le temps scolaire. Nous avons pris, sur trop de ces sujets, une
mauvaise direction." Vincent Peillon, Refondons l'école, Pour l'avenir
de nos enfants, Edition du Seuil, Février 2013.
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FICHE INFORMATIVE
INTITULE DE L’ACTION : CLASSES COOPERATIVES PAR COMPETENCES SANS NOTES.
DEBUT ET FIN PREVUS DE L’ACTION : Septembre 2009.
ECOLE/ETABLISSEMENT : Collège La Marquisanne (ECLAIR) Adresse : Rue Belle Visto 83200 TOULON Tél. : 04 94 18 55 20 Télécopie : 04 94 92 91 57 Mèl: 0830181w@ac-nice Site : http://www.ac-nice.fr/college-marquisanne/ Chef d’établissement : M. Desault
REFERENT DE L’ACTION : Nom : TORNARE Marie-Pierre Fonction : Professeur de Lettres Mèl : [email protected]
EQUIPE ENGAGEE : Contexte : Dispositif de la sixième coopérative expérimenté depuis la rentrée 2009 et
accompagné par le PASIE.
Equipe d’enseignants :
Mme Bara (Arts plastiques)
Mme Bénard (mathématiques)
M. Barale (Education Musicale)
M. Costes (Technologie)
Mme Hayrault (histoire-géographie)
Mme Lahmar (Sciences Physiques)
Mme Marzelière (EIST)
Mme Rubio et Mme Carrère (EPS)
M. Scatena et M. Ferdjiani (anglais)
Mme Tornare (français)
Mme Paris (CPE)
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HISTORIQUE DE L’ACTION (constat à l’origine de l’action, actions antérieures dont
celle-ci est le prolongement..) :
2009 : Classe coopérative : une 6°. 2010 : Classes coopératives par compétences en français : deux 6°. 2011 : Classes coopératives : deux 6° dont une par compétences et sans notes. 2012 : Classes coopératives par compétences et sans notes : deux 6° et une 5°.
DEFI(S) ACADEMIQUE(S) CORRESPONDANT A L’ACTION: Défi 1 : Une pédagogie individualisée : « Créer des outils pratiques d'observation et d'évaluation des élèves en difficulté ou à besoins éducatifs particuliers » « Favoriser les projets de classe fédérateurs permettant le développement des compétences transversales » « Former à la validation des compétences, mieux utiliser au service des élèves les différents dispositifs d’évaluation : évaluations institutionnelles et statistiques (paliers du socle) d’une part, et régulation des apprentissages d’autre part » « Encourager les actions innovantes pour valoriser l’ensemble des compétences des élèves » « Développer l’auto-évaluation, favorisant l’autonomie et la responsabilité de l’élève » « Former à l’interprétation des évaluations afin d’en faire un outil de stratégie pédagogique pour l’établissement, la classe et l’élève »
RESUME (l’action en quelques mots) : Nous avons fait le choix de la coopération en nous
appuyant sur la théorie de Lev Vytgotski selon laquelle les interactions entre pairs sont
indispensables aux apprentissages : « « Ce que l’enfant est en mesure de faire aujourd’hui en
collaboration, il saura le faire tout seul demain », Lev Vygotski, Pensée et Langage La dispute,
1997, p.355.
L’intitulé du dispositif, « classe coopérative par compétences » met en avant l’interaction
entre un dispositif coopératif et un dispositif par compétences. Pour que l’interaction puisse
se faire, on enlève la note qui est un frein à la coopération puisqu’elle induit de la
compétition entre les élèves. Le dispositif sans notes renforce les effets de la coopération sur
les apprentissages et les relations entre pairs entre élèves et enseignants et au sein de
l’équipe pédagogique ou disciplinaire pour les mathématiques et l’EPS.
DESCRIPTIF de l’action : PUBLIC concerné (nb d’élèves, nb de classes et niveau(x):
- 2 divisions de 22 élèves et 20 élèves, en 6ème
- 1 division de 22 élèves en 5ème
Au total : 64 élèves.
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OBJECTIF(S) poursuivi(s): - Améliorer les acquis et la motivation des élèves, éviter le phénomène de décrochage
précoce, lutter contre l’échec scolaire. - Recentrer les élèves sur leurs apprentissages en les rendant davantage conscients
des objectifs à atteindre, de leurs progrès et donc davantage acteurs et responsables de leurs apprentissages.
- Lutter contre les dysfonctionnements liés à l’échec scolaire et au manque d’intérêt pour le scolaire : violences, incivilités, refus de participer aux activités menées en classe, phénomènes négatifs de groupe. Instaurer un climat de confiance, de respect, d’entraide et de coopération entre les élèves et entre l’équipe éducative, les élèves et leur famille.
- Accroître la fréquentation de l’école par les parents et leur implication dans la
scolarité de leur enfant. Etablir une relation de confiance avec les familles en
supprimant la pression exercée par la note.
- Apaiser les relations entre les élèves, entre les professeurs et les élèves,
- Avoir un meilleur outil d’analyse des résultats des élèves permettant de mieux
cerner les difficultés et ainsi de pouvoir mieux y remédier.
- Assurer une meilleure continuité pédagogique entre le primaire et le secondaire en
développant une culture commune de la compétence.
- Développer l’entraide et la coopération entre les enseignants également.
- Participer à la mutualisation des outils pédagogiques.
MODALITES de mise en œuvre :
1) Mise en place dans chaque matière d’un carnet de validation des compétences du programme élaboré à partir des programmes de 6ème et de 5ème ainsi que du Socle commun des compétences et des connaissances. Ce carnet est tenu par le professeur au fil de ses évaluations et de ses observations. 2) Le choix des couleurs : Pour une plus grande lisibilité, l’équipe a choisi le système des couleurs, déjà utilisé en primaire. Quatre couleurs renvoient aux différents niveaux d’acquisitions : rouge = non acquis ; orange = en voie d’acquisition ; vert = acquis ; bleu = expert (confirmé). Pourquoi quatre couleurs et non pas trois ? Le vert et le bleu permettent de distinguer deux niveaux d’acquisition des compétences, et cela évite de se retrouver uniquement avec des compétences en voie d’acquisition. En outre, dans le contexte de la 6ème coopérative, cela a facilité la coopération entre les élèves : les experts dans une compétence accèdent au statut d’ « élèves ressources » et comme tels, ils interviennent auprès de leurs camarades lors des séances en autonomie : ils les aident à faire leurs exercices par exemple. Tous les élèves de la classe parviennent à être experts dans une compétence au moins, même les plus faibles. 3) Le bulletin : Nous avons opté comme l’an dernier pour un bulletin trimestriel sans moyennes mais faisant la synthèse des compétences acquises par l’élève dans chaque matière. Nous ne faisons figurer que des appréciations détaillées dans chaque matière. Pour la note de vie scolaire, deux compétences remplacent la note :
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Présence et Respect des règles. Une rubrique « Compétences transversales » apparaît également. Pour ces deux rubriques, les mentions N.A., V.A., A et E (pour expert) sont accompagnées d’un commentaire les justifiant. 4) Les compétences transversales : L’équipe a choisi cette année de reprendre 9 compétences du Socle Commun qui permettent d’évaluer chaque élève dans sa globalité. Une case est prévue sur le bulletin ainsi qu’un onglet dans Pronot. Le professeur principal s’est servi des appréciations ainsi que des temps de concertations pour remplir le bilan trimestriel des CT. Les autres collègues y ont accès et peuvent proposer des modifications s’ils le souhaitent.
C.6 Respecter les règles de la vie collective
C.6 Comprendre l’importance du respect mutuel et accepter toutes les différences
C.7 Savoir s’auto-évaluer et être capable de décrire ses intérêts, ses compétences et ses acquis
C.7 Être autonome dans son travail : savoir l’organiser, le planifier, l’anticiper, rechercher et sélectionner des informations utiles
C.7 Identifier ses points forts et ses points faibles dans des situations variées
C.7 S’engager dans un projet individuel
C.7 S’intégrer et coopérer dans un projet collectif
C.7 Manifester curiosité, créativité, motivation à travers des activités conduites ou reconnues par l’établissement
C.7 Assumer des rôles, prendre des initiatives et des décisions
5) Le logiciel Pronote : L’équipe n’avait pas opté pour le logiciel SaCoche, trop compliqué à lire pour les parents et au fonctionnement trop proche de celui de la notation. Nous avons donc continué à rentrer nos compétences et les résultats de nos élèves dans Pronote, « Compétences personnalisées ». Mais cette année nous avons réussi à créer des onglets différents pour chaque discipline dans le menu déroulant de « Compétences personnalisées » ce qui a facilité la gestion des compétences dans chacune de nos disciplines.
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Cependant il n’y a toujours pas de tableau de synthèse lisible pour le conseil de classe.
EVALUATION/INDICATEURS :
- Résultats des élèves : acquisitions et progrès. - Absentéisme. - Evolution du savoir-être des élèves. - Décrochage précoce.
PARTENAIRES et contenu des partenariats : Aucun.
LIENS EVENTUELS AVEC LA RECHERCHE : Aucun. MOYENS MOBILISES : Aucun.
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ANALYSE/BILAN RECIT d’expérience (il permet de retracer le déroulement du projet, de reconstituer les différentes étapes de l’action) : Il s’agit d’une reconduction, voir le bilan 2012. FREINS et LEVIERS (difficultés et ressources, points d’appui dans la mise en œuvre de l’action) : FREINS :
- Le peu de temps dégagé pour que les équipes se rencontrent nuit à la coopération des enseignants.
- Le manque de personnel motivé et impliqué pour créer les équipes nécessaires pour encadrer les élèves en 5° : il manquait un professeur qui a été nommé à la rentrée et qui n’était pas volontaire pour le projet. Il a été remplacé en cours d’année par un autre professeur qui n’avait jamais enseigné et qui a éprouvé beaucoup de difficultés. Ajouté à cela, les aléas liés au remplacement des professeurs en cours d’année : il est difficile pour un collègue de remplacer un professeur en cours d’année sur le dispositif, car la démarche est très différente et nécessiterait une formation en amont.
- Le fait que le dispositif ne puisse pas s’étendre davantage : les effets sur les élèves ne durent que le temps d’une ou deux années scolaires, il n’y a pas véritablement de continuité sur les autres niveaux par manque de professeurs volontaires, ce qui empêche de mesurer les effets à long terme et notamment sur l’orientation, l’ambition scolaire et l’obtention du brevet.
- Le problème du conseil de classe et des sanctions qui ne sont pas en cohérence avec l’esprit du dispositif
- Des élèves de 6° ayant des problématiques personnelles qui influent à tel point sur les apprentissages et le comportement que malgré le dispositif deux d’entre eux sont passés en conseil de discipline et deux élèves ont décroché (absentéisme), l’une complètement, l’autre partiellement. Il a été impossible de les évaluer au 3ème trimestre compte tenu de leurs absences. Sur ces 4 élèves, deux d’entre eux sont arrivés en cours d’année et n’ont donc pas pu bénéficier complètement du dispositif.
- Pour la 5ème : des élèves n’ayant pas participé au dispositif l’an dernier en 6° ont intégré la 5° parce qu’il fallait compléter l’effectif ou parce qu’ils étaient volontaires ou nous semblaient pouvoir progresser dans cette classe (nous passions de 5 classes de 6° à 4 classes de 5°). Ceux-ci ont beaucoup moins adhéré au dispositif : comme ils avaient été notés en 6°, ils n’ont pas compris pourquoi ils ne l’étaient plus en 5°.
- Les admissions d’élèves en cours d’année : nous avons accueilli dans chaque classe de 6ème 3 nouveaux élèves en cours d’année, sur les 3, deux ont dysfonctionné et ont mis à mal le climat de la classe, ce qui a gêné les apprentissages dans une des deux classes de 6°. LEVIERS : Ils sont nombreux et ont été largement analysés dans le bilan 2012, nous vous y renvoyons et nous contentons d’ajouter :
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- La grande réceptivité des élèves et des familles au dispositif : les élèves ont bien
adhéré à la coopération et à l’évaluation sans notes. Les familles qui n’étaient pas forcément convaincues par le projet souhaitaient que le dispositif soit prolongé en 5°.
- Une bonne cohésion des équipes autour du projet. - Le travail en équipe autour du professeur principal a permis une bonne circulation
des informations et une bonne réactivité par rapport aux difficultés rencontrées. La collaboration avec le CPE responsable du niveau (Mme Paris) et le principal adjoint M. Principiano mais aussi les infirmières Mme Maltèse et l’assistante sociale Mme Boy a été très étroite et a permis d’assurer la cohérence du travail mais également de proposer des réponses adaptées aux problématiques individuelles et collectives des élèves.
- L’innovation pédagogique dans chaque discipline (voir les bilans disciplinaires ci-joints)
- Regards extérieurs de collègues d’autres établissements qui ont permis de mieux appréhender les effets du dispositif. Ils perçoivent parfois mieux que nous ce qui est différent par rapport à leurs classes car nous n’avons pas de points de comparaison.
- Les diverses communications auprès des inspecteurs ou collègues qui nous ont permis d’approfondir notre réflexion et d’affiner nos analyses en prenant du recul.
- Les contacts avec d’autre professionnels via Respire ou lors des journées de l’innovation, la formation d’équipes extérieures à l’établissement qui nous ont permis de nous sentir moins isolés.
EFFETS CONSTATES (sur les acquis des élèves, sur les pratiques des enseignants, sur le leadership et les relations professionnelles, sur l’école/l’établissement, plus généralement sur l’environnement) :
- Du côté des élèves : ils ont une meilleure connaissance de leurs points forts et de leurs points faibles, ne se contentent pas du minimum, s’entraident et coopèrent beaucoup, le fait qu’il n’y ait pas de compétition entre eux les rend plus solidaires dans toutes les situations en classe et hors de la classe. Les élèves sont motivés et investis sur tous les dispositifs de remédiation et se sentent pris en compte dans leur individualité : il est facile de différencier, ils ont la remédiation pour les points faibles et la coopération, ils peuvent être ressources pour d’autres compétences, ils sont moins stressés par les évaluations. Dans les heures de vie de classe, ils se sont beaucoup autogérés et autorégulés. Cela a donné d’excellents résultats pour une des deux classes dans laquelle il y a eu beaucoup de problèmes relationnels entre les élèves avec l’arrivée de nouveaux éléments très perturbateurs.
- Evolution pédagogique des professeurs de l’équipe : Le changement de posture de l’enseignant a permis des évolutions pédagogiques ( voir bilans disciplinaires). Cela demande beaucoup d’investissement mais une fois que tout est mis en place, les classes fonctionnent bien. Il y a de nombreux rituels qui peuvent être difficiles à mettre en place mais qui ont un effet extrêmement structurant et qui permettent certaines acquisitions de se faire plus en profondeur : Quoi de neuf ? Experts, impressions de lecture, pochettes de remédiations, conseils de vie de classe, plans de travail.
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BILAN/ANALYSE de l’action: Le bilan sera disciplinaire cette année, car les effets ont déjà été analysés de manière globale l’an dernier dans le rapport 2012. Néanmoins, nous confirmons les analyses que nous avons faites en soulignant que les classes de 6° ont été particulièrement difficiles cette année, ce qui a rendu les effets du dispositif encore plus sensibles : nous avons été témoins des progrès des élèves et de la transformation radicale de certains d’entre eux, très perturbateurs ou signalés comme ingérables par les enseignants du 1er degré lors des constitutions de classes. Ces élèves se sont non seulement transformés du point de vue de leur savoir-être, mais aussi impliqués dans leurs apprentissages, et cela malgré des problématiques personnelles extrêmement difficiles. L’un d’eux, qui avait un comportement violent et inadapté est devenu délégué de la classe, a exercé ce rôle de manière remarquable et a fini l’année avec les Félicitations. Certains élèves qui étaient en phase de décrochage en début d’année, ont finalement poursuivi leurs apprentissages et appréhendent leur passage en 5ème avec la ferme intention de poursuivre les efforts amorcés. Enfin, les conseils de vie de classe ont montré une excellente capacité des élèves à s’autoréguler et a permis aux conflits entre élèves de prendre moins d’ampleur que cela n’aurait été le cas dans une classe non régie par la coopération. C’est ce qu’a souligné Mme Paris, CPE ayant en charge toutes les classes de 6° du collège et Mme Bara, professeur d’arts plastiques qui enseigne également dans toutes les classes de ce niveau. PLUS-VALUE de l’action : voir les bilans disciplinaires : les enseignants ont poursuivi et approfondi les expérimentations engagées l’an dernier. PERSPECTIVES pour l’année prochaine :
- Conseils de classe, sanctions et récompenses : Nous souhaiterions une forme plus participative du conseil de classe impliquant et responsabilisant davantage les élèves. Nous sommes à la recherche d’une nouvelle formule qui soit compatible avec les IO et cohérente avec le dispositif.
- Lien avec les familles : poursuivre le travail initié. Cette année, une réunion a été organisée en début d’année, ce qui a permis d’assurer auprès des familles une meilleure communication à propos du dispositif. Les familles ont été ensuite rencontrées collectivement à la soirée des parents mais aussi individuellement après les conseils de classes pour la restitution des bulletins et ensuite sur demande de l’équipe ou des familles.
- Pas de classe de 5° : les équipes vont se recentrer sur les classes de 6° par manque de professeurs : deux nouveaux enseignants en français du fait du départ de la responsable du projet (mutation) seront nécessaires.
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FRANÇAIS 6°
Les collègues qui sont venus observer les classes coopératives par compétences ont pu
constater un certain nombre d’effets liés à la pédagogie engagée :
- l’autonomie et l’implication des élèves, je ne reviendrai pas sur ces deux points que j’ai déjà
longuement développés dans le bilan 2012.
- Le niveau de maîtrise du passé simple dans les productions écrites, phénomène que l’on
m’a déjà signalé. Cette année, j’ai essayé de mieux comprendre le mécanisme d’acquisition
de cette compétence chez les élèves.
- L’assimilation du littéraire par les élèves et leur capacité à manipuler des concepts pour
répondre à des problématiques et élaborer des réflexions littéraires, et cela malgré leur
jeune âge et les difficultés liées à leur origine socioculturelle défavorisée.
Je vais donc développer ces deux derniers points pour tenter d’expliquer ce qui, dans ma
démarche pédagogique, a permis d’obtenir ces effets.
C’est une démarche que j’avais développée tout au long de ces quatre années
d’expérimentation, de manière intuitive d’abord, un peu comme un air musical que l’on a en
tête et qui s’enrichit progressivement de phrases nouvelles. J’en ai écrit la partition entre
temps ce qui m’a permis de le moduler et d’en améliorer les effets. Quand on sait sur quelle
touche appuyer pour obtenir telle ou telle note, on peut créer toutes sortes d’harmoniques,
décliner les sons, faire des variations, en fonction de l’effet que l’on veut produire,
transposer d’un instrument à l’autre. .. Mais point d’année de solfège avant les premières
gammes ! La démarche aura été pour moi en tous les cas, tout à fait inverse. La théorie n’a
surgi qu’avec la pratique, pour interagir ensuite avec elle, pourvu que j’adopte une posture
réflexive. Après plusieurs années de tâtonnement, cette année enfin, chaque choix
pédagogique m’aura semblé mieux pensé, partant d’une situation, d’un diagnostic, pour
obtenir des effets dans les acquisitions des élèves. J’ai eu le sentiment que ma démarche
était plus consciente et davantage maîtrisée, même si je sais devoir encore l’améliorer.
Cependant, cela n’a pas été un long fleuve tranquille car j’ai été confrontée, encore plus que
l’an dernier, à des situations de crise qui m’ont servi à réajuster, moduler, comprendre et en
fonction de cette compréhension, solutionner.
Une situation de crise : Le refus de lecture et les autres refus induits par
celui-ci
« Nous, on ne veut pas lire, on ne veut pas réfléchir. On veut des exercices de grammaire
et de conjugaison ! »
Voilà ce que m’ont répondu les élèves d’une des deux classes de 6° lorsqu’en début d’année,
lors d’une séance difficile, j’ai interrompu le cours et j’ai questionné les élèves sur leur
ressenti par rapport au travail engagé. J’avais commencé l’année avec l’étude du Médecin
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volant, de Molière. Lors des séances de lecture, la classe était particulièrement agitée, les
élèves peu intéressés. L’évaluation diagnostique avait révélé de bons acquis en langue (du
moins un bon « formatage » dans ce domaine, car dès que l’on sortait des exercices types, il
n’y avait pas de réinvestissement des savoirs), mais un niveau très faible dans les
compétences d’écriture et surtout de lecture. Cette posture de refus, était le fait d’une seule
classe, l’autre étant parfaitement réceptive aux activités proposées ce qui révélaient chez les
élèves des formations en amont très différentes dans le premier degré ainsi que des profils
différents (il y avait davantage d’élèves faibles et une tête de classe peu affirmée).
En tous les cas j’ai compris que les activités de lecture que je proposais créaient, chez les
élèves de cette classe en particulier, un climat insecure, du fait de leur nouveauté (démarche
et support) et de la grande difficulté éprouvée par les élèves qui se sont révélés être peu
habitués à la fréquentation de textes littéraires. J’ai pensé également, que ces mêmes
activités suscitaient chez ces élèves une réaction de déception par rapport aux attentes
qu’ils avaient. En y réfléchissant, ces attentes étaient implicitement calquées sur ce qu’ils
avaient majoritairement vécu dans leurs années antérieures. Je me suis retrouvée donc face
à un phénomène de groupe très difficile à enrayer, parce qu’il prenait racine dans une
culture du français profondément ancrée dans l’esprit et les postures cognitives de ces
élèves. A cela s’ajoutait une maturité surprenante dans le développement de l’adolescent :
Mme Bénard, le professeur principal, et moi-même, avions remarqué que les élèves avaient
déjà pour la plupart des problématiques d’adolescents de 4° (histoires entre eux, centres
d’intérêts, vies extrascolaires bien remplies avec la fréquentation régulière des réseaux
sociaux…). Cela rendait encore plus difficile la tâche de les impliquer dans les activités
scolaires qui pouvaient leur paraître nettement moins palpitantes que leurs vies déjà bien
remplies d’adolescents !
De la littérature avant toute chose…
Ma première réaction a été de répondre par la négative à leur demande : il n’y aurait pas de
batteries d’exercices de conjugaison et de grammaire systématiques. Je leur ai expliqué que
la grammaire était au service de la lecture et de l’écriture, qu’elle servait à lire et à écrire
pour se constituer un bagage culturel et apprendre à réfléchir, ce dont ils auraient besoin
tout au long de leur vie, de leur scolarité, pas seulement en français, pas seulement au
collège. Ensuite, j’ai souligné ce qui était vécu comme un changement radical : « Vous êtes
désormais au collège, au collège on ne travaille pas comme à l’école primaire. Vous devez
quitter le collège avec des connaissances littéraires et des savoir-faire dont vous aurez
besoin en lycée. Comment ferez-vous si vous arrivez en lycée et que vous n’avez jamais
entendu parler de Molière ? » A partir de là, certains élèves ont prêté une oreille plus
attentive à mes propos. Certains ont évoqué la situation de leurs grands frères et grandes
sœurs lycéens, qui eux aussi étudiaient Molière. Mais je savais que l’argument était
nettement insuffisant et que l’effet produit serait de courte durée.
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En réalité, j’ai fait le pari que la richesse culturelle et les problématiques esthétiques
et humaines mises en question dans les œuvres littéraires les conduiraient peu à peu à
s’impliquer dans les activités de lecture et d’écriture. Il me semblait que plus encore avec
cette classe, j’aurais à impliquer des sujets lecteurs (et non-lecteurs !), plus exactement
j’aurais à les faire dialoguer avec les textes littéraires.
J’ai tout de même fait des concessions. J’ai donné, de temps à autres, des fiches
d’exercices à faire en autonomie. Mais peu à peu, les élèves s’en sont désintéressés au profit
d’activités de lecture et d’écriture, de langue également, mais différentes de ce qu’ils
avaient l’habitude de pratiquer. J’ai instauré d’autres rituels, privilégiant les écrits
personnels (impressions de lecture, journaux de lecture, compte rendu de sorties et de
spectacles), les activités de langue contextualisées avec manipulation d’outils ( Bescherelles,
dictionnaires, fiches de grammaire et correcteur orthographique), l’écriture de suites de
texte, de paragraphes de commentaire, de comparaison et de confrontation, l’organisation
de débats, de marchés des connaissances, travaillant la langue à partir de ces situations de
lecteur, de scripteur ou d’orateur. En faisant alterner des temps collectifs et individuels, en
autonomie et dirigés, il s’est créé une atmosphère, un espace de vie et d’apprentissage à la
fois dynamique et apaisé, propre à la classe de français et où chacun a pu sinon s’épanouir,
du moins avancer à son rythme.
Peu à peu, l’intérêt pour la discipline et les activités proposées s’est manifesté :
« Madame, je crois que je commence à aimer Molière. » m’a confié E. dans le rang, en
attendant ses camarades. Quelques fois, les élèves ont produit des écrits spontanément,
sans que je ne les demande : des recherches, des réflexions sur les personnages ou des
textes lus en classe, y compris des élèves qui ne sont absolument pas « scolaires » au sens
strict du terme. Par exemple S. dont la problématique personnelle faisait de son
comportement en classe celui d’un véritable « électron libre » : se renfermait puis
intervenait de manière anarchique, se levait, disparaissait puis réapparaissait, papillonnait...
sur les deux heures du lundi matin, je ne parvenais en début d’année qu’à le garder 1h, au
prix de beaucoup d’efforts ! Il demandait systématiquement à aller à l’infirmerie au bout
d’une demi-heure de cours, je l’y ai envoyé lors de la 2ème heure pendant tout le 1er
trimestre. Ensuite, il n’a progressivement plus demandé, et à partir du 2nd trimestre, il est
resté présent et a participé aux activités pendant les deux heures. Alors qu’il refusait de faire
les évaluations bilans, j’ai obtenu peu à peu qu’il les fasse partiellement d’abord, presque
entièrement ensuite. Un jour, lors de l’étude de l’Odyssée d’Homère, pour laquelle la classe
a manifesté une forte adhésion, S. est arrivé avec un texte qu’il avait produit seul, à la
maison, et que voici :
« Le cyclope Polyphème est monstrueux. Il tue les gens « comme un lion des montagnes ».
Il prend ses proies et les écrase au sol. Il est terrifiant avec son œil au milieu du front, sa
grande taille. Le cyclope mange tout dans le corps d’un être humain : « chairs », « os »,
« intestins » ! Polyphème est un berger, il fait du fromage de brebis. Il dirige son troupeau en
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sifflant. Il est méchant et bête : il écrase les cervelles des compagnons d’Ulysse au sol. Pour
Polyphème, on parle d’un champ lexical de la violence. Il habite dans une vaste caverne
dont la porte est un énorme rocher. Polyphème est le fils de Poséidon, le dieu des mers. Il
n’est pas du tout futé car Ulysse lui fait boire du vin et il devient saoul. Ulysse a crevé l’œil
du cyclope en lui enfonçant un gros bout de bois pointu. Polyphème est énervé alors il jette
de gros blocs de pierre des cimes des montagnes sur Ulysse et ses compagnons. Polyphème
est l’un des monstres les plus effrayants que je connaisse. Il fait partie des ennemis
d’Ulysse. »
La production révèle non seulement des acquis dans le domaine de l’analyse littéraire mais
aussi une implication du sujet lecteur qui transparaît à travers les modalisations et la
référence explicite au sujet lecteur et qui est le fruit du dialogue instauré avec les œuvres.
La forte adhésion des élèves par rapport à l’étude de l’Odyssée s’explique en partie par le
travail réalisé en primaire autour du Feuilleton d’Hermès. Je tenais là un trait d’union avec le
premier degré. Il s’agissait simplement de puiser dans le fonds culturel des élèves, et cela me
parut beaucoup plus intéressant que de proposer des batteries d’exercices de grammaire
pour faire le lien avec certaines pratiques du 1er degré. Nous pensons ainsi proposer l’an
prochain l’étude de l’Odyssée dès la rentrée, d’autant plus que tous les élèves du réseau ont
participé à l’action de liaison « Lire notre Odyssée » et certains ont même eu des séances
d’écriture collective communes avec les élèves de 6°. Cela permettra de basculer plus
facilement sur des activités de lecture et d’écriture de type collège en évitant le « choc »
auquel les élèves de cette année ont été confrontés et en abordant ces activités nouvelles
dans un climat plus secure.
De l’estime de soi
Les élèves nous arrivent également avec des représentations profondément ancrées en eux
à propos de ce qu’ils sont capables ou de ce qu’ils ne sont pas capables de faire : « Je suis nul
en français » (A.). Ils ont également des a priori sur la matière qui dénotent le manque
d’intérêt et souvent les difficultés : « Je n’aime pas le français » (C.) ou « le français c’est
nul ! » (R.) Ils véhiculent également des préjugés sur leur savoir-être : « Moi, je ne suis pas
autonome ! » (Ch.) (sous-entendu, il ne faut donc pas me demander de l’être !) ou sur leur
être propre comme le déconcertant : « Je suis fou, Madame » (J. passait son temps à
émettre des sons pendant le cours en jouant de manière ostensible avec son matériel
scolaire)… Tout cela est perçu comme une fatalité dont l’élève est prisonnier ou dans
laquelle il se réfugie parfois pour qu’on le laisse tranquille… L’échec s’est inscrit dans les
strates les plus profondes de l’être, et lorsque les choses sont installées depuis des années, il
est difficile de les atténuer, encore plus de les effacer. L’idée est donc de remplacer cela par
autre chose. J’ai donc beaucoup travaillé cette année dans le sens d’une restauration de
l’estime de soi. Il m’a paru indispensable de proposer une nouvelle manière de faire qui
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permette aux élèves de sortir de ces représentations, de se tourner à nouveau vers l’avenir,
de reprendre espoir et de progresser. Outre l’entraide et la coopération, j’ai mis en place
différents rituels, qui ont eu un effet structurant mais également rassurant, en même temps
qu’ils ont favorisé les apprentissages.
J’ai affiché les textes produits collectivement ou individuellement, spontanément ou à ma
demande, sur les murs de la classe. J’ai encouragé les élèves à exprimer leur ressenti par
rapport à leurs lectures en veillant à le prendre toujours en compte et à le considérer
comme point de départ et point d’arrivée des analyses. J’ai privilégié la production collective
et individuelle de paragraphes de commentaire plutôt que de faire recopier le cours au
tableau. Tout a été fait à partir des productions des élèves. Les traces écrites sont soit
collectives, soit individuelles mais toujours le produit des élèves. Je photocopie pour chaque
élève les productions de son groupe et je distribue une fiche de synthèse les reprenant et
faisant le point sur les notions nouvelles et les conclusions qui ont émergé lors de la phase
de confrontation avec la classe. Cette fiche est émaillée d’extraits de travaux d’élèves pour
que ceux-ci se sentent valorisés mais aussi afin qu’ils s’approprient davantage les savoirs et
savoir-faire. A la place du « recopiage mécanique du tableau », les élèves rédigent
individuellement ou collectivement un paragraphe de commentaire à partir du plan de la
lecture analytique par exemple, ou le bilan d’une séance. La production écrite est ainsi
travaillée à chaque cours et placé au centre des apprentissages. Cette démarche présente
l’avantage de mettre constamment les élèves en activité ; ceux-ci ne sont jamais passifs. Ils
créent, construisent, ordonnent, synthétisent, et réfléchissent constamment, seuls ou avec
leurs pairs. Il m’a semblé indispensable de ritualiser ces opérations de l’esprit que mobilisent
non seulement les études littéraires mais toutes les disciplines. Cela crée une dynamique
que les collègues qui ont observé les classes ont tout de suite perçue : ils travaillent tous, et
même ceux qui au début de l’heure ont un démarrage difficile, se mettent en activité,
entraînés par les autres. Tout le monde est acteur et auteur, et les élèves ont
progressivement tous le sentiment de participer et d’avancer. Ils osent exprimer des idées
parfois très personnelles, aussi bien à l’écrit qu’à l’oral. Ils débattent de questions littéraires
tout à fait naturellement, avec des outils appropriés.
Je me suis appliquée également à favoriser les rapprochements entre les œuvres en
proposant des œuvres ou des extraits permettant ces rapprochements, mais sans jamais les
induire chez les élèves. Par exemple, avant d’étudier l’extrait du massacre des prétendant
dans l’Odyssée, j’ai donné à lire et à analyser un extrait de la colère d’Achille dans l’Iliade.
Ainsi, pendant l’explication, les élèves ont spontanément fait le lien entre la colère d’Achille
et la vengeance d’Ulysse, en observant le recours aux mêmes procédés de l’écriture épique,
et ils sont arrivés à la conclusion que le récit de l’Odyssée évoluait vers un récit épique
guerrier, que c’était un retour à l’esthétique du récit initial, comme un retour au point de
départ. Ils ont avancé l’idée qu’Ulysse devait apprendre à redevenir le héros de l’Iliade qu’il
avait été etc. Ce qui a permis d’évoquer l’aspect initiatique de l’Odyssée.
21
Tout cela a été rendu possible par la grande liberté d’expression accordée aux élèves : point
de jugement, point de censure, pas même à propos des erreurs : je veille à ne jamais les
interrompre pour leur faire corriger les erreurs de syntaxe et de lexique dans leur
formulation afin de ne pas faire obstacle au mouvement et au développement de leur
pensée. Mais lorsqu’ils ont fini, je reformule les idées, si nécessaire, avec les mots
adéquats, sans laisser de côté les concepts complexes, car les élèves sont capables de les
appréhender, pourvu que l’on parte de ce qu’ils ont en eux ainsi que de leurs mots. Par
exemple, lors de cette séance de lecture sur Le massacre des prétendants, A. a dit : « Ulysse
a la rage, comme Achille ». J’ai pris en compte l’idée en la reformulant : « Oui, Ulysse
éprouve à nouveau la fureur guerrière, la même que les héros de l’Iliade aux côtés desquels
il a courageusement combattu, la même qu’Achille. » Si la formule « avoir la rage » était
maladroite, elle révélait une compréhension approfondie des enjeux esthétiques et humains
du récit épique et permettait d’introduire la notion littéraire de « fureur guerrière ».
Cette démarche ─ accent mis sur l’expression personnelle des impressions de lecture et des
analyses, et reformulation (et non correction) des idées des élèves ─ a produit à mon avis
quatre effets majeurs :
-l’assimilation du littéraire (les élèves débattent de manière très naturelle de ces questions,
acquièrent des postures de littéraires)
-l’allongement des productions (voir en annexe les copies du même élève). Certains élèves
ont écrit spontanément une quinzaine de pages dans leur journal de lecture lors de leur
lecture personnelle de Sindbad, la dernière œuvre étudiée.
-le développement de la pensée (les productions sont de plus en plus et de mieux en mieux
argumentées, les élèves font spontanément des analogies et des recoupements entre les
œuvres ou les passages des œuvres lues).
-le lexique s’affine et devient de plus en plus précis, littéraire également (je retrouve dans les
copies des élèves les terminologies littéraires, mais aussi le lexique utilisé en classe ou vu
dans les textes). Pour justifier ce dernier point, voici un extrait de la copie d’A., un élève
plutôt en difficulté, qui manquait beaucoup d’autonomie en début d’année, qui ne
fournissait aucun travail à la maison, en dehors de la lecture de l’œuvre (il ne lisait d’ailleurs
pas les œuvres en début d’année) :
22
J’ai été très surprise de retrouver sous la plume d’A. des expressions que j’avais moi-même
employées en classe dans mes reformulations : « quel qu’en soit le prix », « le sort que lui
avait réservé …», sombrer « dans le désespoir »… D’autre part, on voit que A. a su formuler
ses impressions de manière précise et pertinente par rapport au texte. L’analogie avec
l’extrait dans le puits est justifiée car dans ce passage, Sindbad s’était d’abord laissé aller au
désespoir, et par instinct de survie, avait égoïstement tout fait pour avoir la vie sauve,
comme dans l’extrait donné en devoir.
Le lexique littéraire est manipulé également de manière tout à fait naturelle. (voir copies en
annexe). J’ai pu observer d’importantes évolutions en comparant les différentes copies d’un
même élève : quasiment plus de non-réponses, des réponses qui s’allongent, s’étoffent,
gagnent en pertinence et en argumentation, qui deviennent plus axées sur le littéraire, y
compris chez les élèves qui se considéraient, selon leur expression, comme « nuls en
français ». Lors de la restitution du devoir final sur l’Odyssée, voici ce que G. m’a confié:
« Madame, c’est le plus beau jour de ma vie ! C’est la première fois que je réussis en
français. » Cela m’a beaucoup touchée. En même temps, j’ai réalisé que non seulement
l’élève avait progressé et avait pris conscience de cela, mais il allait aussi pouvoir accéder à
une autre représentation de ses capacités, restaurer son estime de soi. Il a ainsi poursuivi sa
progression tout au long de l’année.
Pour favoriser encore l’estime de soi, j’ai constitué un dossier pour chaque élève
comprenant toutes les évaluations et les bilans trimestriels imprimés à partir de Pronot. Les
élèves pouvaient les consulter pour mesurer leurs progrès, faire le bilan de leurs acquis
avant le conseil. Cela m’a permis également de montrer concrètement aux parents, lors des
réunions, l’évolution de leur enfant. Il n’est pas toujours facile de communiquer aux familles
les résultats des acquisitions lorsqu’ils ne sont pas chiffrés. Mettre côte à côte deux devoirs
bilan, est en revanche très parlant, lorsque l’ont voit que les réponses s’étoffent, qu’il y a
plus d’acquisitions et moins de non-réponses. Même chose lorsque l’on confronte les bilans
trimestriels. Il est indispensable, pour que les élèves progressent et ne se découragent pas
qu’ils sachent très exactement quels sont leurs points forts et leurs points faibles. Proposer
23
régulièrement des situations d’auto-évaluation les conduit à mieux se connaître et de ce fait,
à mieux comprendre ce qu’ils doivent faire pour progresser. J’ai utilisé des fiches d’auto-
évaluation élaborées en classe pour les productions écrites, mais aussi j’ai demandé aux
élèves de rédiger de courts bilans en fin de trimestre ou après la restitution d’un devoir, des
plans de travail faisant la synthèse de ce qui était acquis et de ce qu’il restait à acquérir. Cela
prend du temps mais les effets sur les élèves (autonomie, développement de l’estime de soi,
de la capacité à s’auto-évaluer, distance réflexive par rapport aux activités, prise de
conscience des évolutions…) sont tout à fait intéressants.
D’autre part, j’ai davantage évalué les élèves en les observant en situation. Je précisais
systématiquement, en début de séance, quelles étaient les compétences travaillées et celles
qui étaient évaluées. Cela a permis aux élèves de considérer l’évaluation comme faisant
intégralement partie du processus d’apprentissage, et de moins la redouter, tout comme
l’erreur. Un jour qu’un élève s’étonnait de ne pas faire beaucoup d’évaluations en français,
et comme je répondais qu’en réalité je les évaluais plus qu’ils ne pensaient, en les observant
travailler notamment, Ch. a commenté : « Au moins, on ne stresse pas ! » . Autre avantage
et non des moindres, les élèves « atypiques » ─ et nous en avions un certains nombres dans
une des deux classes de 6°─ qui refusaient parfois de répondre aux questions en situation
d’évaluation écrite traditionnelle, ont non seulement pu être évalués, mais ont ensuite
mieux accepté les autres formes d’évaluations qu’ils refusaient au départ. C’est le cas de S.
et de J. dont les problématiques personnelles mettaient à mal leur capacité à mobiliser leurs
ressources lors de certaines séances, et les empêchaient soit d’entrer dans une activité
quelle qu’elle soit, soit simplement de supporter un stress supplémentaire, celui de
l’évaluation.
Enfin, j’ai également distingué des niveaux d’acquisition pour certaines compétences (voir
annexe). C’était un moyen pour moi d’avoir une vision plus précise de ce que savait faire
l’élève pour certaines compétences. Je considérais la compétence comme acquise à partir du
niveau 1, mais je pouvais continuer à mesurer les progrès lorsque l’élève passait aux niveaux
2 et 3. Cela évitait de n’avoir que des compétences en cours d’acquisition en fin de
trimestre, ce qui aurait découragé les élèves. Les acquisitions sont lentes, dans tous les
domaines, cela permet de laisser du temps aux élèves. Décomposer une compétences en 2
ou 3 paliers répartis sur l’année, peut s’avérer pertinent dans les différents domaines.
Les acquisition en langue : comment cela fonctionne ?
Une remédiation ciblée et ponctuelle sur des objectifs précis de langue entraîne rarement
une amélioration des acquis dans ce domaine, et ne permet pas aux élèves de progresser en
situation de tâche complexe, comme la production d’écrit par exemple. C’est ce que j’ai pu
constater une fois de plus cette année. Un élève qui sait conjuguer 15 verbes au passé
simple le jour de l’évaluation mais qui ensuite n’emploie pas une morphologie correcte dans
24
ses productions écrites n’a pas acquis la compétence. C’est que l’exercice de conjugaison et
les batteries d’exercices proposées par les livres de grammaire et les cahiers d’activités sont
étrangers au processus réel d’acquisition de la compétence. En réalité, c’est la répétition
régulière de situations variées de manipulation de la langue qui permet seulement
d’améliorer les acquis et cela passe par des étapes qui sont plus où moins marquées chez les
élèves. Il m’a semblé alors pertinent, pour une même notion, de la décomposer en plusieurs
niveaux d’acquisition qui correspondraient à ces différentes étapes.
Prenons par exemple la notion de Passé simple. Voici les étapes que j’ai pu identifier dans le
processus d’acquisition de la compétence « Employer les formes correctes du passé
simple » :
Etape 1 : La morphologie des différents groupes : les élèves assimilent les marques du PS
suivant les groupes (a/è ; i ; u ; in) ; ils ne savent généralement pas transférer ces
connaissances grammaticales dans leurs productions, même après la leçon et les exercices
traditionnels de conjugaison. Ce qui m’a conduite à travailler la compétence autrement.
Cette étape peut être très longue, les améliorations se font sentir au bout de 2 ou 3 mois
d’imprégnation par la lecture et l’écoute, par la mémorisation d’extraits restitués à l’oral et à
l’écrit, par les manipulations collectives et individuelles lors des activités d’écriture (écritures
et réécritures diverses) et par l’autocorrection à l’aide d’outils variés : fiches, Bescherelle et
correcteur orthographique.
On considèrera que cette étape est acquise même si les élèves commettent des erreurs dans
les désinences des personnes et les accords.
Etape 2 : Acquisition des terminaisons des personnes : Les élèves acquièrent d’abord la 3ème
personne, plus fréquente que la 1ère et dont ils sont souvent déjà un peu imprégnés à leur
arrivée en 6°. La lecture de l’Odyssée rend possible cette imprégnation ainsi que la
production de récits collectifs et individuels, la pratique récurrente d’exercices de réécriture,
la mémorisation d’extraits.
Etape 3 : Acquisition des terminaisons de la 1ère personne : les élèves les acquièrent plus
difficilement car cette étape entraîne souvent des confusions avec l’imparfait, à cause de la
terminaison -ai des verbes du 1er groupe ; de plus, les occurrences dans les textes sont moins
nombreuses. Au cours de cette étape, il n’est pas rare que les élèves mélangent les 1ère et
3ème terminaisons, ils écrivent « ils frappâmes » « je vit » ou « il courus », mais souvent,
l’étape 1 apparaît comme consolidée. La lecture de Sindbad a permis ce travail puisque les
voyages sont racontés à la 1ère personne du singulier et du pluriel. La production d’une suite
de texte à la 1ère personne ainsi que des exercices de réécriture et de mémorisation
permettent d’obtenir un niveau satisfaisant d’acquisition au bout de quelques semaines.
L’acquisition de la forme en –ai des verbes du 1er groupe est celle qui prend le plus de temps.
Tous les élèves ne l’ont pas acquise en fin d’année. Elle pourrait constituer à elle seule un
4ème niveau d’acquisition de la compétence. Ce 4ème niveau est-il exigible pour des élèves de
25
6° ? Ne peut-on pas considérer qu’ils ont besoin de temps pour l’acquérir ? Pour illustrer
mon propos, un extrait de la copie de B.:
Quant à la 2ème personne, elle n’est pratiquement pas employée dans les récits, je me suis
donc contentée de l’aborder lors de la leçon.
J’ai réparti ces étapes sur l’année au fil des œuvres étudiées et des productions écrites des
élèves. C’est une sorte de progression spiralée. Je l’ai établie à partir de l’observation et de
l’analyse des productions des élèves ainsi que de l’évolution de leurs acquisitions. J’avais fait
auparavant des constats similaires en langue ancienne et j’ai transposé la démarche que
j’avais adoptée pour l’apprentissage de la morphologie des verbes, des noms et des adjectifs
en latin (déclinaisons).
J’ai remarqué également qu’un même élève pouvait simultanément échouer à un exercice
de réécriture sur les temps et rédiger un récit en employant les formes correctes. J’ai pu
faire la même observation pour la valeur des temps. Voici deux extraits d’une même copie :
Extrait de la production spontanée qui suivait:
26
S. écrit « ils accostirent » dans la réécriture et « ils accostèrent » dans son propre récit.
Ceci m’a interrogée sur la finalité des exercices proposés en évaluation. La réécriture est-elle
un bon moyen de vérifier l’acquisition de la compétence « Employer les formes correctes du
passé simple » ou encore « employer les temps selon leur valeur»? Visiblement pas pour S.
Est-ce réellement une finalité de savoir réécrire un texte en changeant la personne ou le
temps des verbes ou n’est-ce pas plutôt un moyen d’acquérir la compétence ? Si oui laquelle
ou lesquelles ? Si un élève échoue à la réécriture mais réussit dans un écrit spontané, n’est-
ce pas la preuve qu’il y a une autre compétence en jeu dans le premier exercice ? Laquelle ?
Ne serait-ce pas la compétence «Employer les formes correctes du passé simple dans un
texte non produit par l’élève » ? Mais est-ce réellement une compétence car dans quelle
autre situation que le brevet cette compétence sera-t-elle utile ?
Cette compétence « cachée » n’est-elle pas plutôt « Réaliser l’opération mentale permettant
de transposer un extrait en fonction d’une consigne donnée ? » à laquelle il faut ajouter la
compétence « Comprendre et suivre une consigne » ! Deux compétences qui n’ont pas de
lien direct avec les compétences grammaticales que l’on souhaite évaluer…
Pour preuve, B. a échoué à l’exercice de réécriture ci-dessus alors qu’il a acquis le niveau 3
de la compétence « Employer les formes correctes du passé simple » et qu’il maîtrise la
valeur des temps dans ses écrits spontanés. Il sait même utilisé le passé antérieur. Voici pour
preuve l’incipit du récit qu’il a rédigé lors de la même évaluation et dont j’ai déjà cité un
extrait plus haut (je précise que les élèves n’avaient qu’1h30 pour tout traiter et ont manqué
de temps, ce qui explique le caractère un peu relâché de l’écriture) :
27
Compte tenu de tout cela, j’ai choisi, pour S. et B., de valider la compétence « Employer les
formes correctes du passé simple » , même si l’exercice de réécriture présentait de
nombreuses erreurs. C’est la production de texte spontanée qui aura permis de voir le degré
d’acquisition. Même constat pour la compétence concernant la valeur des temps.
J’en ai conclu qu’il pouvait être intéressant de proposer plusieurs exercices pour évaluer une
même compétence. Il ne s’agit donc pas d’attendre de pouvoir vérifier l’acquisition de la
compétence dans chaque exercice mais plutôt de multiplier les possibilités offertes à l’élève
de montrer ses acquisitions.
Il est donc faux de dire que le passé simple est difficile, que les élèves ne parviennent pas à
l’acquérir. Ils y parviennent mais cela prend beaucoup de temps et surtout nécessite la
manipulation régulière de ce temps dans des situations contextualisées. La réécriture, qui
n’est pas le meilleur moyen d’évaluer cette compétence, est en revanche un bon moyen
pour permettre les acquisitions par la manipulation des formes et des outils ; c’est pourquoi
j’ai tenu à ce que les élèves la pratiquent très régulièrement; même chose pour toutes les
activités favorisant l’imprégnation. Car la plus grande difficulté qui fait obstacle à
l’acquisition de ce temps réside dans le fait qu’il s’emploie presque exclusivement à l’écrit.
Ceci constitue un obstacle majeur pour des élèves qui, dans leur contexte familial ne lisent
pas ou à qui l’on ne lit pas.
Compte tenu de la lenteur du processus d’acquisition, du peu de temps dont on dispose
chaque semaine, on se heurte forcément à un problème : l’ampleur du programme de
langue fait que soit l’on choisit de travailler en profondeur quelques notions fondamentales
comme les temps du récit, et on en néglige d’autres, soit l’on fait tout mais en surface et au
final, la majorité des élèves n’aura rien acquis ni de solide ni de durable. Ne faudrait-il pas
réfléchir à une réelle répartition des notions de langue tout au long de la scolarité des
élèves ? On sait que l’imparfait est abordé dès le CE1 et qu’à l’entrée de la 6° de nombreux
élèves n’ont pas acquis la compétence : « Employer les formes correctes de l’imparfait ».
Pour la plupart, ils savent le reconnaître et le conjuguer, mais ne l’orthographient pas
28
correctement et ne l’emploient pas conformément à sa valeur dans leurs productions. Ne
procédons-nous pas à rebours du processus réel d’acquisition ? J’entends par là qu’il serait
peut-être pertinent de renverser les choses et de commencer par faire observer, confronter,
analyser et manipuler les formes aux élèves au lieu de leur enseigner des mécanismes, tels
que la conjugaison par exemple. J’ai pu réellement observer ces deux dernières années que
des mécanismes restent des mécanismes et ne se muent jamais en compétences. Les élèves
n’appliquent pas, ils intègrent et s’approprient par l’imprégnation, par la manipulation et
dans des situations contextualisées.
Pour palier le problème du cloisonnement des activités grammaticales et des activités de
lecture, on s’est longtemps contenté au collège de partir du texte vu en lecture pour
observer et analyser les formes afin de faire déduire la morphologie du temps étudié, selon
une démarche inductive, sorte de propédeutique à « la leçon ». Cela est déjà beaucoup
mieux que de recourir au raisonnement déductif mais est loin de suffire ! Il m’est apparu
absolument indispensable de solliciter régulièrement l’observation des formes lues mais
aussi de prolonger les effets de cette observation par la manipulation en contexte de ces
formes, j’entends par là dans les productions d’écrits. Varier les situations d’apprentissage
m’a paru être également une nécessité absolue : en groupe et en individuel, par les canaux
visuel et auditif, par le raisonnement et la mémorisation (je parle de mémorisation de textes
et non de conjugaisons). J’ai pu vérifier que l’acquisition des compétences de langue passe
par le même processus de socialisation des savoirs que les autres compétences : discuter des
formes verbales en groupe, les négocier lors de productions écrites collectives, en recourant
aux outils adéquats, contribue à fixer les savoirs et à permettre un ancrage plus profond,
parce qu’il prend racine dans le vécu des élèves. J’avais déjà fait cette analyse dans mon
précédent écrit, cette année, j’ai pu encore mieux appréhender la démarche cognitive des
élèves et jouer sur ce qui la favorisait. En ritualisant ces situations d’apprentissage tout au
long de l’année, j’ai pu obtenir des résultats tout à fait satisfaisants pour la plupart des
élèves.
En prolongement de cela, j’ai eu le souci constant de faire comprendre aux élèves que
connaître les conjugaisons ne suffisait pas si cette connaissance n’était pas réinvestie dans
les productions écrites. C’est pour cela que j’ai fait évoluer la formulation de la compétence
qui était au départ : « Connaître la conjugaison du passé simple » et qui est devenue :
« Employer les formes correctes du passé simple » et « Identifier les formes de passé
simple ». Et je n’ai validé la compétence qu’en situation, dans des activités de lecture et
d’écriture. De cette manière, les élèves ont compris non seulement la nécessité d’écrire des
formes correctes dans leurs productions, mais ont pris conscience aussi que l’apprentissage
de la langue est indissociable de la réflexion, de la lecture et de l’écriture.
Enfin, j’ai encore mieux perçu cette année, qu’acquérir la compétence « Employer les
formes correctes du passé simple » requerrait un apprentissage spécifique.
Malheureusement, dans la plupart des cas, on laisse l’élève seul et démuni dans cette phase
29
d’apprentissage. Pour les plus chanceux d’entre eux, celle-ci se fait hors des murs de l’école,
dans la sphère familiale, par les parents avertis qui encadrent la production des écrits
donnés à faire à la maison, ou qui en proposent à leurs enfants hors du temps scolaire. Ceci
réduit le nombre d’élèves bénéficiant de cette formation aux enfants de cadres supérieurs et
à ceux qui sont parvenus à développer seuls ces compétences. Inutile de préciser que cela ne
concerne que très peu d’élèves de La Marquisanne.
Va-et-vient permanent entre la lecture et l’écriture
S’il m’est apparu comme indispensable de relier étroitement les activités de langue aux
activités de productions écrites et orales, de manière à contextualiser les connaissances et à
permettre aux élèves de les acquérir en profondeur grâce à la manipulation, j’ai pu faire le
même constat pour les compétences de lecture et d’écriture. Je me suis efforcée de lier
étroitement les deux activités. Par exemple, j’ai régulièrement utilisé des extraits des
impressions de lecture rédigées par les élèves dans leurs journaux et video-projetées.
L’objectif est de leur faire acquérir une posture distanciée par rapport à leurs propres
productions comme ils avaient été capables de le faire au moment de leur lecture
personnelle de l’œuvre. Car l’acte d’écrire n’est-il pas ce va-et-vient constant de la posture
de scripteur à celle de récepteur ? Ne s’agit-il pas de mesurer, au fil de l’écriture, les effets
supposés sur celui qui lira, de manière à les rendre les plus efficaces possibles ?
Autre moyen de faire acquérir cette posture aux élèves : la production collective et la co-
évaluation. Les interactions entre les élèves favorisent la distance réflexive nécessaire pour
appréhender les critères de réussite d’une production écrite. Elles permettent l’élaboration
d’une grille des critères précise et cohérente par rapport à la situation d’écrit, qui émane des
élèves et non de l’enseignant, et que ceux-ci réinvestissent donc plus facilement. Voir en
annexe le descriptif d’une séance d’écriture sur Sindbad, dans laquelle la démarche, les
objectifs, et les outils sont pensés en cohérence avec les activités de lecture. C’est ce va-et-
vient permanent entre la lecture et l’écriture qui favorise l’acquisition des compétences
visées. Dans cette séance, l’activité d’écriture est étroitement liée à l’activité de lecture et
inversement : j’ai réinvesti des écrits produits à l’issue d’une précédente séance de lecture
pour encourager la distance réflexive des élèves par rapport à la rédaction de la suite de
texte ; je visais ainsi à favoriser l’émergence des idées et l’intelligence du sujet.
Inversement, la séance d’écriture permettait aux élèves de mieux appréhender la dimension
axiologique et initiatique du conte, ce qui pouvait être réinvesti dans une activité de lecture
ultérieure… On voit comment les deux activités interagissent, l’une renforçant ou favorisant
les acquis de l’autre et inversement .
30
Connais-toi toi-même
En conclusion, je dirais que le démarrage aura été difficile cette année, mais au bout du
compte, tous les élèves ont progressé et ont non seulement accepté de participer aux
activités proposées, mais aussi ont pris plaisir à le faire. Voici le poème qui m’a été offert en
fin d’année, lorsque les élèves ont appris que je quittais l’établissement l’an prochain. Sa
lecture a été un moment fort en émotion. C’était aussi pour moi une preuve de plus que si
l’on considère les élèves de manière bienveillante, que l’on est convaincu de leur capacité à
progresser et que l’on met tout en œuvre pour cela ─ j’entends par là que l’on sort des
manuels scolaires et des cahiers d’activités tout prêts, pour aller à leur rencontre, que l’on
réfléchit à la manière dont ils apprennent réellement et que l’on met en place ce qu’il faut
pour leur faire atteindre des objectifs ambitieux ─ la magie s’opère. On assiste à de
véritables métamorphoses, et l’on est heureux de voir les élèves eux-mêmes heureux de
savoir et de réussir.
Je parlais de musique au début de mon bilan, voici celle qu’une élève s’est appliquée à
retranscrire par écrit (nous avons fini l’année par l’étude de la poésie) :
31
Il est intéressant de voir, dans ce poème dont la démarche est très personnelle (son auteur
n’a d’ailleurs pas voulu que je le lise en sa présence), que l’élève s’exprime au nom de la
classe en employant le collectif « on », pour évoquer le vécu du groupe. Apparemment, les
élèves ont fortement perçu qu’apprendre était avant tout une expérience collective.
J’ai eu des témoignages de reconnaissance assez surprenants par leur forme et leur contenu,
dans cette classe qui au départ était en rupture et en crise par rapport à l’enseignement du
français. Finalement, en m’adressant à l’intelligence, la sensibilité et l’humanité de ces
élèves, j’ai obtenu une cohésion très forte autour des apprentissages. Non seulement les
élèves ont progressé dans leurs acquis (ils ont pour beaucoup rattrapé leur retard et sont
arrivés quasiment au même niveau d’acquisition que l’autre classe de 6°), mais ils ont été
conscients de leurs progrès. Cette forte adhésion par rapport aux activités proposées a été le
corollaire d’un changement qui s’est produit en profondeur. A mon sens, la reconnaissance
qu’ils ont témoignée a été à la mesure du violent sentiment de rejet qu’ils ont verbalisé en
début d’année ; ce rejet exprimait une peur de l’échec, une méconnaissance et une
mésestime de soi héritées de leur passé scolaire et qui s’étaient cristallisées dans les
activités de lecture.
Ces témoignages de gratitude sont selon moi l’expression d’un autre changement moins
conscient, engageant l’être profond de ces élèves et qui a été vécu avec l’intensité d’une
enjeu existentiel : la restauration de l’estime de soi. C’est ce que dit, de manière assez
explicite le poème cité plus haut. Je pense en effet que cette année, en plus des
apprentissages disciplinaires, ces élèves auront appris à réagir face aux difficultés : à les
connaître et à les reconnaître, à leur faire face plus sereinement pour les surmonter. Plus
encore, ils ont appris qu’ils avaient en eux la ressource nécessaire pour y parvenir.
Marie-Pierre Tornare, Professeur de Lettres et professeur principal d’une des
deux classes de 6°.
35
ANNEXE 2 : GRILLE D’AUTO-EVALUATION ELABOREE EN
CLASSE APRES CONFRONTATION DES RECITS
COLLECTIFS
« Ecrire une autre aventure de Sindbad »
Nom : Prénom : Date :
Etape 1 :
Situation
Initiale
Départ de Bagdad (Bassora) : répétition de la même
situation initiale que dans les autres voyages.
Etape 2 :
Elément
Perturbateur
Evénement qui vient « perturber » le voyage.
Etape 3:
Les Péripéties
Elles racontent les aventures qui découlent de l’élément
perturbateur
□ Il y a des éléments merveilleux
□ Les décors ou êtres merveilleux sont décrits : outils
lexicaux provoquant l’émerveillement, l’étonnement ou
la peur:
□ champs lexicaux □ comparaisons □ hyperboles
□ Les réactions de Sindbad sont précisées (désespoir,
peur etc)
Sindbad réussit à surmonter ses épreuve grâce à :
□ l’entraide et la coopération □ ses qualités
□ Il y a du suspense
Etape 4 :
Elément de
Résolution
Evénement qui va permettre à Sindbad de rentrer chez
lui
Etape 5 :
Situation Finale
Retour de Sindbad à Bagdad
Pour toutes les
étapes
□Sindbad est le narrateur : le récit est à la 1ère
personne :
je/nous
Les temps du récit (passé simple et imparfait) sont bien
employés
□ Imparfait actions de 2nd
plan □Imparfait descriptif
/de répétition
□ Passé simple : actions de 1er plan.
36
ANNEXE 3 : Copies d’un même élève à 3 mois d’intervalle
Evaluation sur Le Médecin Volant, novembre 2012.
42
ANNEXE 5 : GRILLE DE COMPETENCES AVEC NIVEAUX D’ACQUISITION
EVALUATION DES COMPETENCES DE LECTURE-ECRITURE 6ème
C.1.Rédiger un paragraphe de commentaire.
C.1.Analyser un passage.
C.5.Exprimer ses impressions de lecture.
Niv
eau
1 :
A p
art
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es é
lém
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explic
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u texte
Niv
eau
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3 :
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utils
lexic
aux p
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entifiés.
Niv
eau
1 :
Analy
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e s
’appuyant que s
ur
des é
lém
ents
explic
ites.
Niv
eau
2 :
An
alys
e s’
app
uya
nt
sur
des
élém
ents
imp
licit
es.
Niv
eau
3 :
Analy
se s
’appuyant sur
des
outils
lexic
aux pert
inents
et cla
irem
ent
identifiés.
Niv
eau
1 :
Exprim
er
ses é
motions o
u u
n a
vis
pert
inent.
Niv
eau
2 :
Exprim
er
ses é
motions o
u s
on
avis
en u
tilis
ant un lexiq
ue p
récis
et adapté
.
Niv
eau
3 :
En fais
ant des r
appro
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ents
judic
ieux e
t arg
um
enté
s.
45
MATHEMATIQUES 6°
Historique :
Depuis 4 ans, je suis professeure de mathématiques dans les classes de sixièmes
coopérative. L’année dernière, j’ai eu une classe coopérative à évaluation par compétences.
Cette année, je suis professeure de mathématiques de deux sixièmes coopératives à
évaluation par compétences. Je suis par ailleurs la professeure principale d’une de ces deux
classes.
Les séances de mathématiques:
L’équipe de mathématiques du collège a fait le choix d’avoir des progressions communes
spiralées afin que les savoirs et les savoirs faire soient revus systématiquement. Aussi, les
autres professeurs de sixième ont les mêmes grilles d’évaluation (voir annexe). La différence
est qu’ils notent leurs élèves et qu’ils n’ont pas de classes coopératives en 6ème.
J’ai changé beaucoup de chose dans ma pratique au cours de ces 4 années. Le cours
magistral n’existe plus aujourd’hui. Pour faire découvrir aux élèves des nouvelles notions, je
les introduis avec des activités de découverte souvent en binôme, ensuite, nous faisons une
synthèse de l’activité, en commun. Nous écrivons alors la règle au tableau puis dans le cahier
de cours avec un exemple type. Puis, je donne la première feuille d’exercices et ensuite je
mets les suivantes en libre service au fond de la classe et les élèves vont chercher les
suivantes (le programme de la séance est écrit au tableau). Suivant la nécessité, ils se placent
par deux pour continuer les feuilles (soit en groupe imposé soit comme ils veulent) ou les
plus rapides vont aider les autres. Au cours suivant, soit nous continuons ou chacun en est
resté, soit nous introduisons une nouvelle notion. Je termine souvent la séquence par un
problème à tâche complexe qu’ils font souvent en groupe d’ailleurs.
Ce type de fonctionnement permet à chacun d’avancer à son rythme et de mieux prendre en
compte l’hétérogénéité. Elle est utilisée comme une ressource surtout pour les découvertes
de notions mais elle est aussi exploiter pour que chacun aille au plus loin de ses possibilités
(les élèves ne font pas tous les même feuilles à chaque fois…).
Pour la construction de mes séances je passe beaucoup de temps pour qu’en classe, les
élèves soient le plus possible au travail et que je sois juste là pour accompagner les élèves
mais ils construisent eux les cours. Je cherche tout le temps des nouvelles entrées suivant les
leçons afin que les élèves soient souvent en autonomie et qu’ils travaillent eux même au lieu
« d’écouter » le professeur qui parle, car lorsque je pratiquais comme cela, les progrès des
élèves étaient moindres.
Depuis 4 ans j’ai vraiment changé ma façon de travailler. J’essaie de faire beaucoup plus
travailler les élèves sur l’intuitif surtout pour les découvertes de nouvelles notions car je me
suis posée beaucoup de questions sur comment construire les compétences chez les élèves
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sur le long terme. J’essaie de donner beaucoup de sens à tout ce que nous faisons. Les
premières années d’enseignement j’avais peur de passer trop de temps à cela et de ne pas
finir les programmes. Avec un peu de recul, je pense que les savoirs s’encrent mieux en
donnant le plus possible de sens, les savoirs restent alors acquis, il suffit parfois de
simplement les réactiver. Je pense que j’ai encore à progresser dans ce sens.
travail en coopération :
Pour l’apprentissage, l’hétérogénéité est une vraie richesse, je constitue souvent des
groupes de 3 ou 4 élèves ou des binômes hétérogènes, que ce soit pour la découverte de
nouvelles notions ou pour faire des exercices d’application. Les élèves se sentent très à l’aise
avec ce type de fonctionnement car ce ne sont pas toujours les mêmes élèves qui « aident »
ou qui sont ressources pour l’autre. D’ailleurs, les élèves les plus en difficulté sur certaines
notions font des progrès, ils acceptent mieux l’aide de leurs camarades. Il est parfois plus
facile pour eux de se faire expliquer une notion par un pair.
Souvent, grâce aux compétences évaluées quand les élèves sont repérés comme « expert »
dans un domaine ou une compétence, ils deviennent ressources pour les autres et peuvent
se déplacer en séance d’exercices, pour aller aider leurs camarades ou les autres qui vont
vers eux pour leur poser leurs questions. Cela fonctionne très bien car ne faisant plus de
séances ou de moment de correction d’exercices, je passe simplement dans les rangs pour
valider les réponses et du coup les élèves ayant terminé et compris, passent aussitôt soit
dans les rangs aider leurs camarades soit à la fiche suivante. Les élèves font d’ailleurs
beaucoup plus d’exercices que quand je faisais une correction des exercices. Cela m’arrive
encore parfois mais c’est très rare, c’est quand aucun élèves n’arrivent à avancer sinon je
préfère passer dans les rangs et leur donner des indications individuellement.
Je me sens à l’aise avec ce type de fonctionnement, je ne fais quasiment jamais de discipline,
les élèves travaillent et avancent tous, ils sont contents d’apprendre et s’entraident à la
moindre occasion. Il est vrai que souvent il y du bruit dans la classe mais c’est toujours parce
ce qu’ils travaillent, s’expliquent des notions, reformulent les cours pour leurs camarades. Il
faut accepter de ne pas avoir le silence complet…
Evaluation par compétences :
Pour les mathématiques, j’ai commencé par reprendre la grille de compétence que j’avais
réalisée avec les programmes, l’année dernière, j’ai choisi de regrouper certaines
compétences car il y en avait trop et cela devenait difficile pour les élèves et pour moi-même
de nous repérer. La grille de cette année est jointe en annexe. Pour l’année prochaine,
j’envisage encore d’adapter ma grille en changeant des petites choses, peut-être mettre
moins de compétences avec des niveaux d’acquisition ? Peut-être regrouper des
compétences ? Peut-être en dissocier d’autres ? J’ai distingué les compétences qui sont au
programme de la sixième mais pas au socle commun (en italique). J’ai commencé à travailler
sur la grille de l’année prochaine et j’espère pouvoir la réduire à 2 feuilles.
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Je fais très peu d’évaluation, dans l’année je fais entre 4 et 5 évaluations bilan (voir annexe)
sur tout depuis le début de l’année (avant chaque veille de vacances). Je fais des petits tests
de 10 minutes (voir annexe) environ tous les 15 jours ou toutes les semaines suivant les
besoins. Je donne un devoir maison à rendre par semaine, mais je ne donne pas de devoir du
jour pour le lendemain ou très rarement. Souvent j’évalue les élèves en activité, je n’ai pas
besoin qu’ils soient en évaluation pour savoir ce qu’ils savent faire ou pas. Certains d’entre
eux parfois ne veulent pas ou ne peuvent pas écrire le jour de l’évaluation car ce jour, ils ont
autre chose en tête de plus préoccupant. Ainsi, il faut trouver un autre moyen de les
évaluer, soit oralement, soit en activité ou autre…Quand je les évalue en séances, je les
avertis et je leur indique quelles sont les compétences évaluées.
A chaque évaluation je donnais, l’année dernière, les compétences sous forme de tableau en
début de copie, avec les codes couleurs mais cette année, j’ai choisi de mettre la
compétence avant l’exercice car l’élève repère mieux ce qu’il y a à revoir ou retravailler
(souvent ils ont du mal à associer l’exercice à la compétence). Je compte faire comme cela
l’année prochaine aussi.
Les deux dispositifs
La coopération et l’évaluation par compétences sont totalement complémentaires, les
dispositifs se renforcent l’un l’autre. Dans ma classe je ne sens plus de compétition entre eux
chacun est au centre de ses apprentissages. Quand ils s’occupent des autres élèves, c’est
pour les encourager et les aider.
La remédiation :
Après la première évaluation bilan je prépare une pochette individuelle appelée « pochette
remédiation » pour chaque élève avec :
- les exercices non traités au contrôle, car quand l’exercice est non traité la
compétence est alors non évaluée, du coup je peux alors leur laisser plus de temps
pour reprendre les exercices non traités.
- Les exercices de remédiation aux compétences qui n’ont pas été acquises depuis le
début de l’année à chacun. (j’ai une batterie d’exercices pour chaque compétence)
En une heure, ils travaillent individuellement sur leur pochette et je passe dans les rangs
pour les aider. Souvent je fais un petit groupe de 5 élèves et nous travaillons ensemble sur
une compétence ciblée pendant que les autres sont en autonomie. Pour certain, je donne du
matériel en fonction des besoins car en manipulant ils acquièrent des réflexes, ils ont besoin
de manipuler pour s’approprier les savoirs. Les élèves ayant tout acquis aident leurs
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camarades ou sont en autonomie sur des jeux de puzzle de calcul mental, de carré magique,
des problèmes de recherche…
Ce type de fonctionnement a été une vraie réussite et je compte le reconduire l’année
prochaine, car la plupart des élèves venaient me demander les « pochettes remédiation »
pour travailler pendant les heures d’aide aux devoirs ou de permanences et me les rendaient
ensuite. J’ai constaté de vrais progrès et une envie de réussir la compétence non acquise. Du
coup les élèves se sont surpassés afin de valider et de comprendre des notions non
assimilées auparavant.
Evolution des élèves (exemples)
Dans ces classes certains élèves se sont révélés avec ce dispositif.
- C qui dès le début de l’année disait tout le temps « de toute façon, je suis nulle en
maths ». Cela a duré environ un trimestre même en discutant longuement avec elle,
elle n’était pas rassurée. Cette élève avait des difficultés. Mais avec cette évaluation
par compétences elle a réalisé qu’elle savait faire des choses et elle a pris confiance
en elle. C’est une élève qui est allée au soutien mis en place toute l’année et qui allait
voir le professeur chargé de ce soutien afin de lui signaler les compétences qu’elle
voulait travailler. C’est une élève pour laquelle les enseignants d’école primaire avait
parlé de grosses difficultés en maths mais qui a acquis les compétences nécessaires
pour suivre les mathématiques en 5è.
- S et J pour qui il était très difficile de suivre les cours car ils avaient des
problématiques familiales qui prenaient le pas sur les apprentissages. Pour S, étant
signalé ingérable par l’école primaire, il suivait la plupart des cours de maths car il
était content d’aider ses camarades, il s’est senti pris en compte car il pouvait
travailler à sa vitesse. Pour J, cela a été un peu plus compliqué, d’ailleurs un suivi
médical a été proposé.
Conclusion :
- Tout d’abord, tous les élèves ont progressé et aucun élève n’a décroché sur toutes
ces classes de sixièmes coopératives.
- Le côté « non définitif » de la couleur motive les élèves car ils ne voient plus l’erreur
comme un échec. Il est plus clair pour les élèves de savoir ce qu’ils doivent revoir
après l’évaluation.
- La compétition entre élèves disparaît et ils se centrent plus sur eux-mêmes face à
leur apprentissage.
- Quand j’ai besoin de faire des groupes de compétences, il est plus facile pour moi de
bien cibler les difficultés de chacun.
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- Les élèves se retrouvant au niveau expert dans une compétence deviennent des
« élèves ressources » pour les autres, je me suis rendue compte que chaque élève
arrive à être « expert » au moins une fois dans un domaine précis, ce qui permet de
les valoriser tous et de leur faire accepter plus facilement d’être aidés à leur tour.
- De plus, les élèves ont été volontaires puisqu’ils venaient eux-mêmes chercher du
travail sur les compétences.
J’ai beaucoup utilisé les groupes hétérogènes cette année car ce ne sont pas toujours les
mêmes élèves qui « aident » et chaque élève se sent à l’aise avec ce type de
fonctionnement. Et d’ailleurs, les élèves les plus en difficulté sur certaines notions font des
progrès, ils acceptent mieux l’aide de leur camarade et de se faire expliquer une notion par
un pair. J’ai réalisé que ma posture en classe a changé depuis ces classes, je suis davantage à
côté d’eux que face à eux. Je suis là pour les accompagner dans leurs apprentissages ce qui
est la définition même du pédagogue.
En début d’année, les classes étaient un peu agitées en mathématiques mais elles se sont
calmées en un mois et je pense que ce système d’évaluation a apaisé les rapports entre
élèves. Ils prennent conscience que c’est pour eux et non pour les autres qu’ils travaillent et
que personne ne les « jugera » par une note et qu’ils ne seront jamais sanctionnés par une
« mauvaise note ».
Je pense qu’il y a encore beaucoup de choses que je peux améliorer, notamment en ce qui
concerne l’évaluation. Je voudrais aussi utiliser davantage l’autoévaluation et la co-
évaluation qui semble bien fonctionner dans certaines matières. Je dois encore travailler sur
l’acquisition des compétences et l’ancrage des savoirs. J’essaie encore des choses différentes
souvent afin d’amener les élèves au plus loin de leurs possibilités.
Cindie Bénard, Professeur de mathématiques et professeur principal
d’une des deux classes de 6°
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EPS 6° et 5°
Nous avons amélioré l’organisation des compétences sur Pronote par rapport à la 1ère année
de fonctionnement. Chaque activité fait l’objet d’un domaine dans lequel nous regroupons
les compétences en termes de connaissances et de capacités. Un domaine commun à toutes
les activités nous permet de lister les compétences en termes d’attitudes. Ceci afin d’éviter
les répétitions et de donner plus de cohérence à l’évaluation de ce type de compétences.
Le fait d’avoir étendu le dispositif à plusieurs classes (deux 6° et une 5°) et par conséquence
à deux professeurs d’EPS, nous a permis d’affiner notre organisation en terme d’évaluation.
L’évaluation par compétences existe depuis de nombreuses années en EPS et nous
fonctionnons ainsi dans toutes nos classes. Nous constatons que pour ces classes où la note
n’est plus une finalité (puisque sans notes) l’élève comme l’enseignant gardent à l’esprit la
compétence évaluée.
Les points positifs : L’élève sait exactement ce que l’on attend de lui. Il est capable de le
verbaliser. De plus, ce dispositif facilite le fonctionnement dans les activités de coopération
et d’opposition. On a pu constater moins d’inhibition face aux différentes tâches confiées
aux élèves (arbitrage, juges, chrono, observation).
Les points négatifs : Par rapport à l’organisation spécifique de l’EPS avec les changements de
cycles obligatoires (changement d’installation sportives et évaluation en fin de cycles), il
nous est impossible de mettre en place une remédiation à court terme. Elle pourra se faire
bien évidemment lors du cycle de niveau II de l’activité programmée au cours de la scolarité
de l’élève.
Anne-Sophie Rubio, professeur d’EPS et professeur principal de la 5°.
Pascale Carrère, professeur d’EPS.
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EIST (6e) SVT(5e)
Evolution de l’évaluation par rapport à l’année précédente :
- grille d’évaluation des compétences remodelée et simplifiée : les élèves se repèrent plus
facilement et pour le professeur, meilleur équilibre entre les compétences évaluées.
- les compétences « réaliser » évaluées par l’observation des élèves dans la pratique (sans
passer par l’écrit), les autres compétences sont évaluées de manière variable (certaines
cependant nécessitent un passage obligatoire à l’écrit).
Travail personnel réduit avec utilisation plus fréquente de l’outil informatique en EIST
(qui a été plus motivant pour les élèves ) : répondre à une question envoyée par mel
par le professeur, effectuer une recherche sur internet, remplir un questionnaire à
partir d’un site internet, …
Problèmes rencontrés : cette année, plusieurs élèves qui n’acceptent pas facilement de
travailler en groupe, difficultés de gestions d’élèves arrivant dans la classe en cours d’année
et perturbant l’équilibre acquis.
Frédérique Marzelière, professeur de SVT
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ARTS PLASTIQUES 6° et 5° Deuxième année d’expérience des classes coopératives,
par compétences et sans notes en Arts Plastiques. L’expérience des classes coopératives par compétences et sans notes est encore cette
année, très positive. L’élargissement du projet à 3 classes, deux 6ème et une 5ème, a permis un
travail et une analyse plus approfondis du le projet, de sa mise en œuvre dans chaque
discipline et de ces effets sur les classes, les élèves et leurs apprentissages.
Rappel : « L’expérience de la classe coopérative par compétences et sans note permet
d’observer chez les élèves une manière différente d’appréhender l’apprentissage. Pour
l’élève, libéré de la note, l’objectif en classe s’est déplacé, il ne s’agit plus d’obtenir une note,
trop souvent liée à la valeur, à la compétition ou bien même à la performance. Il s’agit
désormais pour l’élève d’être capable de… L’évaluation par compétences permet donc de
présenter des objectifs précis à atteindre dans un travail à réaliser. On remarque
effectivement que les élèves ayant moins la pression du résultat chiffré sont plus à même de
découvrir, d’expérimenter, de parcourir. L’élève en chemin vers son autonomie, l’élève
engagé progressivement dans les processus de décision. « … le cheminement qui donne loisir
à l’élève de tâtonner, d’esquisser, de bifurquer, de réfléchir, de se documenter, de revenir sur
ces pas, de découvrir des voies inattendues, de faire des choix. » extrait des programmes de
l’enseignement des Arts Plastiques au collège (BO spécial n°6 du 28 aout 2008) »
1/Les avantages : En Arts Plastiques particulièrement cette expérience permet une utilisation optimale de
l’évaluation par compétences préconisées depuis 2008 dans les programmes.
« Le renouvellement des Programmes de l’enseignement des Arts Plastiques en 2008 (BO
spécial n°6 du 28 aout 2008), a permis de redéfinir les apprentissages en référence au socle
commun de connaissances et de compétences. Ainsi il apparait désormais, dans les
programmes, pour chaque niveau, les compétences artistiques, numériques, culturelles et
comportementales que les élèves doivent acquérir en fin d’année. Ce système permet donc
une évaluation par compétences précise et lisible, tant pour les élèves que pour le
professeur. »
Les élèves sont donc centrés sur la ou les compétences à acquérir dans le travail à réaliser. Ils
sont plus autonomes, plus détendus dans le travail ce qui les autorisent à l’initiative, à
l’expérimentation et donc à l’erreur. Le système d’évaluation par compétences permet
également un vrai travail d’observation du chemin parcouru, une vraie évaluation de la
progression de l’élève. Les élèves travaillent une même compétence plusieurs fois de façon à
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pouvoir « s’améliorer ». Le professeur en fin de trimestre évaluera d’où l’élève est parti et
où il est arrivé.
Aussi il semble plus facile pour les élèves des classes coopératives d’évoluer entre « non
acquis, en voie d’acquisition, acquis et expert », l’effort à accomplir semble plus « humain »,
plus accessible. De plus ce système de valeur (NA, VA, A, E) est directement liée à une
compétence précise et non au travail ou à la réalisation de l’élève. En effet l’évaluation par
compétences, « sans note », aspire à faire disparaitre, le terrible malentendu, qui voudrait
que la note obtenu soit lié à la valeur de l’élève évalué.
Pour l’ensemble de mes autres classes, j’utilise également l’évaluation par compétences,
c’est ce qui me permet d’observer, les acquisitions concrètes de mes nombreux élèves au
travers des différents problèmes posés. Cette année j’ai mis au point ma grille dévaluation
(ci-joint) que j’adapte en fonction des niveaux et des classes (notes, sans notes, projets...)
L’évaluation par compétences est ainsi convertie en une valeur ou une note à la fin du
trimestre, qui sert de synthèse ou de moyenne et qui n’est dévoilée aux élèves qu’en fin de
trimestre. Même avec l’obligation d’établir un résultat chiffré, il est intéressant d’évoluer sur
un trimestre sans la mesure de la note et uniquement avec les compétences.
2/Les difficultés
Pour ma part il m’a semblé plus facile d’aborder ce projet avec une année de recul, et avec
l’augmentation du nombre de classe coopérative. Il a fallu beaucoup de temps pour
repenser sa façon d’enseigner et d’évaluer. Il a fallu réfléchir pour créer de nouveaux outils.
Le travail en équipe est essentiel là encore, mais il est souvent difficile de trouver du temps.
3/ Les changements
De mon point de vue, l’essentiel est dans la notion de « coopération ». Qu’elle soit effective
dans le cours, ou bien juste « implicite », elle est très présente dans ces trois classes. En
effet pour avoir pu observer l’évolution des cinq 6ème de cette année, je remarque que,
malgré les difficultés, les deux 6ème coopératives sont plus impliquées, plus responsables,
plus citoyennes. L’ambiance de travail y est plus agréable. Les conflits existent mais ils sont
gérés, solutionnés par le dialogue et la coopération entre élèves.
L’expérience des classes coopératives par compétences et sans note est riche en
enseignement. Il est nécessaire un certain temps, un certain « cheminement » pour penser
autrement l’évaluation et la relation à la note. Un vaste chantier qui a pour objectif premier
d’ajouter du sens pour les élèves en vue de leurs réussites.
Marie Bara, Professeur d’arts plastiques
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HISTOIRE-GEOGRAPHIE 6° Points positifs : Les élèves travaillent à leur rythme et peuvent être réévalués régulièrement en fonction d'une progression plus personnelle : des compétences non acquises en début d'année sont revues et peuvent être acquises en fin d'année. L'entraide se développe dans la classe : Les élèves référents sont valorisés et progressent davantage en réinvestissant leurs savoirs. Même des élèves en difficulté peuvent aider et gagner de la confiance en eux. Des élèves en difficulté peuvent être valorisés et aidés par leurs pairs : l'individualisme est moins présent car les élèves n'hésitent pas à partager leurs acquis. Les élèves ne travaillent pas pour une note et sont donc plus ouverts à tout types d'exercices : la majorité des élèves réclament le travail et ne rechignent pas devant les tâches à effectuer. Les compétences sont retravaillées de façon spiralaire. L'autonomie devant les exercices est plus importante : certains font la « course » entre eux pour faire le plus grand nombre de fiches de travail. Une aisance se développe dans la lecture des consignes et dans la réalisation des exercices. Un grand nombre de compétences est mobilisé et travaillé aussi bien dans les savoirs être que les savoirs faire. Les évaluations sont prises au sérieux par les élèves : ceux-ci veulent réussir et acquérir les compétences Points négatifs : Le niveau sonore de la classe est plus élevé. Le bavardage se développe : la coopération et le travail de groupe peut générer des bavardages et des dérives. Les déplacements d'élèves facilitent les conflits et les tensions ( vols, disputes....) Certains élèves n'adhèrent pas au principe et en font le moins possible.
Sandra Hayrault, Professeur d’histoire-géographie.
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ANGLAIS 6° et 5°
5°: bilan globalement positif. Je n'ai jamais eu l'impression que les élèves travaillaient pour "la note"
même si il n'y en avait pas. Ils avaient l'air détendus et contents d'apprendre. Ils essayent de bien
faire quand les compétences sont évaluées et se préoccupent du résultat mais sans que cela ne
devienne une obsession comme dans les autres classes. Malheureusement, pour certains élèves
l'expérimentation n'a rien changé (W., M., et M.Z.), je n'ai pas réussi à les intéresser.
Une des 6°: bilan mitigé car même si les compétences sont acquises dans l'ensemble, il semble que la
façon de travailler a été mal comprise par les élèves qui ont souvent confondu travail en groupe avec
agitation. Il est vrai qu'ils ne travaillaient pas pour "la note", en fait ils faisaient le travail demandé
très rapidement et après plus rien ne les intéressait. Par contre, ils attachaient beaucoup
d'importance à la validation des compétences et aux couleurs sur pronote. Je pense être un peu
responsable de ce demi-échec dans la mesure où je n'ai jamais vraiment réussi à créer une ambiance
de travail sereine. La classe a pris un mauvais départ puis j'ai eu beaucoup de mal à redresser la
situation.
Youssef Ferdjani, professeur d’anglais.
Bilan de la 6ème sans notes ( 6ème 1) en Anglais.
- Un début d’année très positif, les élèves ont bien joué le jeu de la coopération. Des problèmes de comportement pour certains élèves avec qui j’ai travaillé et qui se sont résolus petit à petit.
- En fin de second trimestre l’arrivée successive de deux élèves ( S et N) a perturbé le travail classe et a exacerbé les problèmes de comportement et les inimitiés. Il est apparu impossible de travailler correctement en coopération dans la classe à partir de leur arrivée à toutes les deux.
En ce qui concerne Pronote, toujours des problèmes de lisibilité des compétences ( entre
VALIDATION , COMPETENCES, COMPETENCES PERSONNALISEES, PALIER 3 ET NIVEAU A1) cela reste
assez confus………………………
Jean-Rémy Scaténa, Professeur d’anglais en 6°
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TECHNOLOGIE 5°
Donc voici mon bilan de la classe sans note pour cette année. Je commencerai par les points négatifs pour finir sur les points positifs. Les points négatifs : Pour les élèves: 1-Une recherche de qualité de travail moins importante. 2-Une interprétation des compétences difficile. Pour moi: 1-Des difficultés à mettre en relation mes activités aux compétences listées dans le livret. 2-De grosses difficultés à évaluer les élèves par compétences sous les 3 formes non-acquis, en cours d'acquisition et acquis voir expert. A la base l'évaluation par compétences me pose des problèmes je dois donc travailler en premier lieu sur ce sujet. Les points positifs : Pour les élèves: Un climat de travail plus apaisé. Un esprit d'équipe et une autonomie renforcés. Pour moi : L'aspect positif pour les élèves. Pour conclure sur cette expérimentation je dirai quelle est en partie positive pour le climat d'apaisement et d'autonomie qu'elle procure mais du fait de mes difficultés freine mon enthousiasme dans mon enseignement et la motivation des élèves sur la qualité de leur travail.
Ce bilan est mon point de vue que je souhaite pouvoir débattre et échanger afin de le faire évoluer surtout sur les points négatifs.
Christian Costes, professeur de technologie.
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SCIENCES PHYSIQUES 5° Grille des compétences Pronote 5°
Saïda Lahmar, Professeur de sciences physiques.
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A propos de l’action… J’ai éprouvé beaucoup de plaisir à participer à ce projet qui s’est enrichi et développé tout au long de ces quatre années d’expérimentation. J’ai eu beaucoup de chance de pouvoir travailler avec des collègues investis auprès des élèves et impliqués dans l’innovation. J’ai beaucoup appris à leur contact. Ce qui fait la force de ce projet, c’est à mon sens qu’en plus de proposer des solutions véritablement pertinentes par rapports aux enjeux pédagogiques et éducatifs de notre époque, il émane d’un vrai travail d’équipe et il a vu le jour grâce à la coopération de tous. Car nous avons commencé par nous appliquer à nous-mêmes ce principe fondateur de notre démarche pédagogique, à savoir la coopération. Cette action a donc à mon sens toutes les chances de se pérenniser. L’avantage d’un projet construit par la collaboration de toute une équipe, c’est qu’il garde du sens, même après le départ des collaborateurs. Nous avons depuis 2009 vécu le départ de plusieurs enseignants ayant participé à l’élaboration du projet, sans que l’action ne soit pour autant affaiblie. D’autres enseignants se sont intégrés aux équipes, ont su à la fois s’épanouir dans ce dispositif et le faire évoluer et progresser. Cette expérience aura à jamais transformé et enrichi mes pratiques et c’est d’une toute autre manière que j’aborde mon retour au lycée, avec l’impatience de pouvoir poursuivre cette évolution, continuer à innover et à apprendre au contact d’élèves plus âgés. Cindie Bénard, qui a travaillé depuis le début sur les classes coopératives, qui les connaît tout aussi bien que moi, et qui les a portées elle aussi depuis le début, est partante pour en être la responsable à partir de la rentrée prochaine. Je suis convaincue qu’elle saura, avec les équipes, les faire évoluer et progresser encore. Marie-Pierre Tornare, professeur responsable du projet.