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425 Collecte, recherche et formation Collecte, analyse et diffusion des données de base (Naima Ghemires) Introduction L'information statistique joue un rôle important dans le suivi et l'analyse de la situation socio-économique. Elle permet de saisir les réalités et leur évolution et de mieux fonder les mesures de politiques sociales et économiques. Durant les deux dernières décennies, beaucoup d'événements sont venus bouleverser les structures socio-économiques et démographiques, de par le monde. La société marocaine n'a pas été épargnée, elle connaît une transition démographique et de profondes mutations économiques, sociales et culturelles. De même des changements importants sont intervenus dans les comportements et dans le mode de vie de la population. Comment saisir, dans leur fondement, ces transformations ? Quelles sont leurs causes ? Quelles sont leurs conséquences sur les comportements des différentes couches de population et sur leur niveau et qualité de vie ? Quelles sont les effets des politiques entreprises ? D'un autre coté l'information statistique est un élément important pour le suivi et le l'évaluation des différents programmes de développement, comme celui du BAJ, qui se sont fixés des objectifs chiffrés à atteindre. Ces programmes ont des besoins spécifiques en données tant de par leur périodicité que par leur niveau géographique, qui doit correspondre à leurs zones d'intervention. Telles sont quelques unes des questions auxquelles doit répondre l'information statistique. La mise en place d'un système d'information statistique performant qui permet une bonne connaissance de ces changements et un suivi de leurs répercussions s'avère indispensable pour aider à la formulation de politiques de développement cohérentes et efficaces. Celui-ci doit mettre à la disposition des différents opérateurs une information fiable, pertinente, rapide, cohérente, comparable dans le temps et dans l'espace et répondant aux normes internationales. Le système marocain d'information statistique répond-il à ces exigences et aux attentes des utilisateurs ? Pour tenter de donner des éléments de réponse à cette question, ce chapitre présente l'état de l'information démographique et socio-économique dans le système national de l'information statistique. La première partie est consacrée à une description des principales sources des données et des méthodes d'analyse et de diffusion utilisées. La deuxième partie met en relief certaines insuffisances du système dans le domaine des statistiques démographiques et socio-économiques. La dernière partie, porte sur une proposition d'un programme d'actions à entreprendre pour améliorer ce système.

Collecte, recherche et formation

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Collecte, recherche et formation

Collecte, analyse et diffusion des données de base (Naima Ghemires)

Introduction L'information statistique joue un rôle important dans le suivi et l'analyse de la situation

socio-économique. Elle permet de saisir les réalités et leur évolution et de mieux fonder les mesures de politiques sociales et économiques. Durant les deux dernières décennies, beaucoup d'événements sont venus bouleverser les structures socio-économiques et démographiques, de par le monde. La société marocaine n'a pas été épargnée, elle connaît une transition démographique et de profondes mutations économiques, sociales et culturelles. De même des changements importants sont intervenus dans les comportements et dans le mode de vie de la population. Comment saisir, dans leur fondement, ces transformations ? Quelles sont leurs causes ? Quelles sont leurs conséquences sur les comportements des différentes couches de population et sur leur niveau et qualité de vie ? Quelles sont les effets des politiques entreprises ?

D'un autre coté l'information statistique est un élément important pour le suivi et le l'évaluation des différents programmes de développement, comme celui du BAJ, qui se sont fixés des objectifs chiffrés à atteindre. Ces programmes ont des besoins spécifiques en données tant de par leur périodicité que par leur niveau géographique, qui doit correspondre à leurs zones d'intervention. Telles sont quelques unes des questions auxquelles doit répondre l'information statistique. La mise en place d'un système d'information statistique performant qui permet une bonne connaissance de ces changements et un suivi de leurs répercussions s'avère indispensable pour aider à la formulation de politiques de développement cohérentes et efficaces. Celui-ci doit mettre à la disposition des différents opérateurs une information fiable, pertinente, rapide, cohérente, comparable dans le temps et dans l'espace et répondant aux normes internationales.

Le système marocain d'information statistique répond-il à ces exigences et aux attentes des utilisateurs ? Pour tenter de donner des éléments de réponse à cette question, ce chapitre présente l'état de l'information démographique et socio-économique dans le système national de l'information statistique. La première partie est consacrée à une description des principales sources des données et des méthodes d'analyse et de diffusion utilisées. La deuxième partie met en relief certaines insuffisances du système dans le domaine des statistiques démographiques et socio-économiques. La dernière partie, porte sur une proposition d'un programme d'actions à entreprendre pour améliorer ce système.

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I. Situation de l'Information Statistique Avant de décrire le système d'information statistique actuel, nous fournirons un bref aperçu

sur sa genèse.

1. Historique Les premières structures statistiques du Royaume du Maroc ont été mises en place en 1942

avec la création d'un service central des statistiques. Cependant les activités de ce service sont restées limitées jusqu'à la fin des années cinquante. Après l'indépendance, les pouvoirs publics ont ressenti le besoin de disposer d'informations statistiques fiables et de coordonner et d'harmoniser les différents travaux statistiques ; aussi un comité de coordination des études statistiques (COCOES) fut créé par Dahir en 1959. Il définissait les principes de la coordination statistique, de l'obligation de réponse aux enquêtes statistiques et du secret statistique. Ce texte est en cours de révision pour tenir compte des changements. De même, pour répondre aux besoins en cadres de ce secteur, un centre de formation d'ingénieurs statisticiens fut créé à Rabat en 1961. En 1975, le service central a été érigé en Direction de la Statistique. Le Décret n° 463-76-2 du 19 Août 1975, fixe l'organisation et les attributions de cette direction. Ce même décret a créé des délégations régionales auprès du ministère de tutelle, le Ministère du Plan. Au sein de chacune de ces délégations est créé un service de statistique chargé des travaux de collecte et d'enquête au niveau de la région. Par ailleurs, la plupart des départements sectoriels ont créé des organes statistiques. Ils prennent en charge la réalisation des enquêtes sectorielles et surtout l'exploitation des statistiques découlant de leurs activités courantes. La Direction de la Statistique, noyau central du Système National d'Information Statistique (SNIS) est quant à elle chargée de la réalisation des opérations de grande envergure (recensements, enquêtes), des analyses et des études démographiques et socio-économiques à caractère national, de la centralisation et de la publication des données statistiques et de la coordination de toutes les activités statistiques nationales.

2. Principales sources des données démographiques et socio-économiques Le système d'information statistique est fondé d'une part, sur un dispositif d'enquêtes et

recensements, et d'autre part, sur les statistiques émanant des activités courantes des administrations sectorielles (statistiques sous-produites). Ce système fournit un flux périodique et régulier d'informations démographiques et sociales. Les résultats des recensements (1960, 1971, 1982 et 1994) et des multiples enquêtes, ont démontré que la population connaît des mutations profondes dans ses structures, ses composantes et ses caractéristiques démographiques et socio-économiques. Pour suivre cette évolution, il est nécessaire de mettre en place un système d’information actualisé en permanence.

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2.1. Enquêtes et Recensements

Depuis le début des années 80, des efforts importants ont été effectués dans le domaine des statistiques sociales et plusieurs grandes opérations réalisées, dont les plus importantes sont :

Recensement général de la population et de l'habitat (RGPH)

Le dernier recensement a été réalisé en 1994 (le prochain est prévu pour 2002). Il fournit d'importantes informations couvrant divers domaines.

• l'effectif de la population légale des diverses unités administratives ; • les caractéristiques démographiques et socio-économiques de la population ; • les conditions d'habitat de la population ; • il constitue une base pour les travaux d'analyse, de recherche et de prévision susceptible

d'éclairer l'action des différents décideurs.

A partir des données du recensement, la Direction de la Statistique a constitué un échantillon-maître utilisé pour le tirage des échantillons des enquêtes auprès des ménages. De même il est mis à la disposition de tous les utilisateurs qui désirent réaliser des enquêtes auprès des ménages sur des bases scientifiques (Ministère de la Santé Publique, Ministère de l’Education Nationale, Ministère de l’Habitat...).

Enquête démographique

Ce type d’enquête permet d'appréhender les niveaux et les tendances récents des phénomènes démographiques, et permet aussi une analyse détaillée de ces phénomènes. La dernière enquête a été réalisée en 1987-88. Elle a touché un échantillon de 30 000 ménages et s'est déroulée en cinq passages. Les principaux objectifs de cette enquête sont de :

• calculer les taux bruts de natalité et de mortalité ; • étudier les niveaux et les déterminants de la fécondité ; • construire une table de mortalité marocaine ; • donner des estimations de la migration et déterminer ses causes ; • fournir des données sur le mariage, le veuvage, le divorce et les facteurs influençant ces

événements ; • mesurer, à partir du suivi des cohortes de grossesse, l'intensité des avortements, le taux de

mortalité et le taux de mortalité infantile.

Dispositif d'enquêtes auprès des ménages

Un dispositif national d'enquêtes auprès des ménages a été mis en place à partir de 1983. Son objectif est de fournir un flux de données intégrées et fiables nécessaires à l'élaboration de politiques sociales et à l'évaluation de leurs résultats. Dans le cadre de ce dispositif une série d'opérations statistiques ont été réalisées durant la période 1983-1993. Elles ont concerné

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l'emploi, la consommation, les niveaux de vie des ménages... L'échantillon-maître constitué sur la base du recensement de 1982 a servi de base de sondages. Cette étape a permis de renforcer les compétences de la Direction de la Statistique en matière de sondage, de conception de dossiers méthodologiques des enquêtes, de collecte des données sur le terrain, du traitement et de la diffusion de l'information. A la suite de la réalisation du RGPH de 1994, l'échantillon-maître a été actualisé et un nouveau dispositif d'enquêtes auprès des ménages a été programmé ; il est axé sur les opérations statistiques suivantes :

• Enquête nationale sur la population et l'emploi : Cette enquête se compose de deux volets : enquête annuelle sur l'emploi en milieu urbain et enquête périodique au plan national (milieu urbain et milieu rural) qui touche en plus de l'emploi et certains thèmes prioritaires tels que le logement, l'éducation et la santé. L'enquête sur l'emploi a pour objectifs de déterminer le volume et les caractéristiques culturelles et socio-économiques de la population active et de ses diverses composantes (actifs occupés, chômeurs et sous-employés). Les principaux indicateurs sont publiés selon le sexe et avec une périodicité trimestrielle. L'enquête en milieu urbain touche environ 30 000 ménages, l'enquête nationale 45 000.

• Enquête sur la consommation et les dépenses des ménages : Les enquêtes de consommation constituent une source d'information précieuse sur le niveau de vie de la population. Elles permettent de collecter des données sur la consommation et les dépenses des ménages en général (consommation alimentaire, habillement, habitation...) et sur certains aspects spécifiques tels que la nutrition, les conditions d'habitation... Elles permettent aussi de relever les disparités en matière de consommation entre régions et couches sociales. La dernière enquête a été réalisée en 1984-85 et il est prévu de réaliser la prochaine en 1999-2000.

• Enquête sur le niveau de vie des ménages : Les enquêtes telles que l'enquête sur l'emploi ou celle sur la consommation portent généralement sur des aspects spécifiques des conditions de vie des populations. Une approche globale et approfondie des conditions de vie exige que tous les aspects démographiques et socio-économiques soient intégrés afin que l'interaction entre les différentes variables puisse être analysée. L'enquête sur les niveaux de vie permet d'élaborer des indicateurs socio-démographiques ainsi que des données sur l'accès des différents groupes sociaux aux biens et services. Elle permet aussi d'identifier et d'analyser les caractéristiques des groupes sociaux vulnérables. Les indicateurs sont calculés en général par sexe. La dernière enquête nationale sur les niveaux de vie des ménages a eu lieu en 1990-91. Une nouvelle enquête, sur 15 000 ménages, a été lancée au début de 1998, la collecte sur le terrain va durer une année ;

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• Enquête nationale sur la famille : La famille, qui constitue la cellule de base de la société, connaît des mutations profondes. Plusieurs facteurs économiques, socio-démographiques et culturels sont à l'origine de ces mutations qui affectent sa taille et sa structure et la perception des rapports intra et extra-familiaux. Pour apprécier ces changements et leur impact sur l'individu, la famille et la société, une enquête a été réalisée en 1995 auprès d'un échantillon de 5 000 ménages. Elle a fourni un ensemble de données intégrées sur la composition de la famille, les rapports familiaux, les liens de solidarité au sein de la famille ainsi qu'un certain nombre de données socio-économiques et démographiques ;

• Enquête sur le budget-temps des femmes : Les résultats du recensement de 1994 font ressortir un taux d'activité inférieur à 10% pour la femme rurale. Ce chiffre reste très en deçà de la réalité. En effet, la femme rurale participe activement aux travaux agricoles en plus des activités domestiques. Cependant, comme elle ne reçoit pas généralement de rémunération en contre partie de son activité, elle se déclare, ou est déclarée par le chef du ménage, comme femme au foyer. Dans le cadre des enquêtes auprès des ménages, des améliorations ont été introduites pour mesurer l'activité économique de la femme, les enquêteurs ont saisi l'activité des femmes rurales par l'observation de leur emploi du temps, en classant les différentes activités réalisées par la femme entre activités à nature économique et autres activités. Comme la femme contribue aussi bien aux activités économiques qu'aux activités domestiques, son apport au bien être de la famille doit être estimé à sa vraie valeur et sur la base de toutes ces facettes. A cette fin, une enquête sur le budget-temps des femmes a été réalisée en 1997 auprès d'un échantillon de 6 300 ménages représentant les diverses couches sociales et les diverses régions du pays. Cette enquête permet de définir une méthodologie adaptée pour mesurer le degré réel de la contribution de la femme au développement économique et sociale, d’examiner l'effet des normes, des pratiques socioculturelles et de l'éducation sur la participation de la femme aux activités économiques et de décrire les différentes taches exercées par les femmes.

Enquête sur la population et la santé

L'enquête panel sur la population et la santé, réalisée en 1995 auprès de 4 750 femmes âgées de 15 à 41 ans (tirées d'un échantillon de 3 000 ménages), a permis des analyses sur les déterminants et tendances de la fécondité et de la mortalité infantile et juvénile. Cette enquête fournit une base de données qui permet de relever les changements intervenus depuis la dernière enquête réalisée en 1992. En effet, dans ce domaine plusieurs enquêtes ont été réalisées auparavant, il s'agit notamment de l'Enquête Nationale sur la Fécondité et la Planification Familiale 1979-1980 (ENPF) des Enquêtes Nationales sur la Planification Familiale, la Fécondité et la Santé de la Population au Maroc : ENPS I réalisée en 1987 et ENPS II réalisée en 1992. L'enquête marocaine sur la santé de la mère et de l'enfant, en cours de finalisation par le Ministère

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de la santé, a été réalisée sur un échantillon de 45 000 ménages et permettra de donner pour la première fois des données en relation avec la santé de la reproduction de la femme à l’échelle des provinces. De même, elle a permis d'estimer directement la mortalité infantile à des niveaux fins.

2.2. Statistiques courantes

En plus des enquêtes et recensements, les statistiques sous-produites des activités courantes des administrations constituent une source potentielle de données statistiques. La réalisation des enquêtes et recensements est généralement très coûteuse. En revanche, les informations tirées des dossiers administratifs le sont beaucoup moins. Elles concernent des domaines très diversifiés, sont recueillies de façon continue et permettent d'appréhender l'information pour l'ensemble du territoire. Donc, elles peuvent constituer une base pour des analyses à des niveaux géographiques très fins. Cependant, l'utilisation de ces données présente quelques inconvénients parce qu'elles ne sont pas conçues à des fins statistiques. Elles nécessitent ainsi la mise en place d'un programme d'action pour les améliorer. Ce programme doit être axé principalement autour d'une coordination de l'ensemble des composantes du système national d'information statistique, la mise en place d'outils de normalisation et de standardisation de l'information (nomenclatures, concepts, définitions...) et la sensibilisation des départements producteurs. Parmi les principales informations sous produites dans les domaines démographique et social on peut citer :

Démographie et état civil

L'utilisation des enregistrements des événements démographiques permet l'appréhension à tout moment des mouvements de la population. Les statistiques des naissances et des décès permettent le calcul des taux de natalité et de mortalité. Actuellement, un système d'exploitation de ces données a été mis en place, et les statistiques sont publiées mensuellement. Cependant, malgré les efforts entrepris pour améliorer cette source d'information, le taux de couverture reste encore faible, surtout pour les décès en milieu rural. En revanche, l’amélioration de l’enregistrement des naissances, permet désormais leur utilisation à des fins d’analyse démographique. Pour les mariages et les divorces, qui permettent d’étudier les constitutions et les dissolutions des familles, un dispositif de collecte de ces données a été mis en place. Auparavant la méthode de collecte a été testée à Rabat et à Casablanca et des analyses localisées ont pu être entreprises sur la nuptialité et la divortialité.

Education et formation

Les données sur ce secteur sont diversifiées et disponibles de façon régulière pour le secteur public. Elles concernent les différents types d'enseignement et fournissent des informations sur les élèves (par sexe, âge, milieu, niveau, discipline...), sur les enseignants et sur les établissements. Pour le secteur privé, qui prend de plus en plus d'importance, les données sont

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encore très fragmentaires. Cependant, des efforts sont engagés par le département de tutelle pour mettre en place un système d’information complet et cohérent.

Santé

Un système d’information sanitaire est actuellement opérationnel. Il se base sur les rapports d’activité qui sont élaborés régulièrement par les différentes entités qui agissent dans le domaine de la santé et de la planification familiale. Les données se rapportent au personnel médical et paramédical, à l'infrastructure sanitaire, aux mouvements des malades, aux soins médicaux et paramédicaux, aux campagnes de vaccination, aux activités des centres de planification familiale, aux programmes de santé maternelle et infantile.

3. Analyse et diffusion des données Les données collectées doivent être traitées, analysées et mises à la disposition des

utilisateurs potentiels. Elles doivent leur parvenir sous une forme compréhensible et dans des délais raisonnables. L'information est en effet un produit périssable : si elle n'est pas utilisée au moment où le décideur en a besoin, elle perd de son utilité. De même, les données statistiques sont en général difficile à comprendre. Le producteur doit les synthétiser, les analyser et les diffuser sous forme simplifiée pour permettre à l'ensemble des opérateurs de les utiliser de façon optimale.

3.1. Analyse des données

Pour améliorer et approfondir l'analyse et la recherche dans le domaine démographique et socio-économique, des structures spécialisées ont été mises en place. Le Centre des Etudes et Recherches Démographiques (CERED), créé en 1970, a pour mission d’effectuer des analyses approfondies et des recherches dans les domaines démographiques et socio-économiques. Il élabore en outre les projections de la population et œuvre à l'intégration des variables démographiques dans la planification du développement économique et social. L'observatoire des conditions de vie des ménages a pour mission essentielle de concevoir, analyser et suivre des indicateurs socio-économiques, élaborer des bilans périodiques des conditions de vie de la population, réaliser des études thématiques sur les conditions de vie de la population en général et des groupes vulnérables en particulier et de renforcer la collaboration entre les différents intervenants pour la conception d’études spécifiques sur les conditions de vie.

3.2. Diffusion des données

Les moyens de diffusion utilisés doivent permettre à l'ensemble des utilisateurs d'accéder aux données dans des délais raisonnables. Dans ce cadre, les principaux moyens de diffusion utilisés actuellement sont :

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Les publications

Deux types de documents sont publiés. Les périodiques statistiques (Annuaire Statistique du Maroc, Bulletin Statistique, Maroc en chiffres...) qui renferment des données statistiques se rapportant aux différents secteurs de l'activité économique et sociale et qui proviennent des travaux de collecte des statistiques sous-produites ou des enquêtes permanentes. Les ouvrages statistiques sont généralement des documents publiés à l'issue des enquêtes et recensements. Ils présentent soit des données statistiques accompagnées d'analyse, soit des études spécifiques, soit des études sectorielles.

Les bases de données statistiques

Elles constituent le moyen le plus adéquat de gestion rationnelle et de diffusion rapide d'importantes quantités d'informations. Plusieurs bases de données sont actuellement mises en place aussi bien à la Direction de la Statistique que dans certains départements sectoriels (santé, éducation, environnement...). La plus importante est la base de données statistiques, qui renferme les principales données par secteurs et leur évolution sur une période de plus de 25 ans. Elle contient plus de 30 000 séries.

II. Besoins en matière d'information Malgré les efforts entrepris pour améliorer la couverture de l'information statistique et pour

la mettre à la disposition des décideurs, celle-ci souffre de certaines insuffisances. Ces insuffisances concernent et plus particulièrement des domaines clés tels que la migration, l'environnement, les données régionales, les données sur des groupes spécifiques (handicapés, personnes âgées, petite fille...).

1. Migration L'émigration marocaine à l’étranger a gagné en ampleur puis s’est légèrement atténuée. Elle

a des effets sur l'économique, le social, le culturel... Elle concerne l'individu, la famille et la société en général. Un système de suivi et d'analyse de l’émigration doit être mis en place. Il doit fournir les données nécessaires pour l'élaboration de politiques fondées sur une connaissance fiable de la situation. Le système doit permettre de répondre à certaines questions telles que : qui émigre ? pourquoi ? de quelle région est-il originaire ? vers quel pays émigre-t-il ? quelles sont ses conditions de vie au moment de départ ? quelles sont ses conditions de vie dans le pays d'accueil ? quelles sont les relations qu'il entretien avec son pays d'origine ? Pour la migration interne, certaines données tirées du recensement et des enquêtes auprès des ménages ont permis des analyses et des études dans ce domaine. Cependant elles restent insuffisantes. Il est nécessaire de disposer d'une information plus détaillée et régulière pour suivre l'évolution du phénomène et ses répercussions sur les conditions de vie des individus et sur la répartition spatiale de la population.

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2. Environnement Il a été reconnu au plan international que l'environnement constitue une composante

intégrale du développement durable. D'où la nécessité de mettre en place des indicateurs de suivi de ce secteur. Or le secteur de l'environnement souffre encore d'un manque notable de données statistiques. Il existe certes quelques informations (ressources naturelles, population, énergie, eau, pollution...) mais elles restent généralement très agrégées et globales et ne couvrent pas toutes les composantes. Plusieurs actions ont été entreprises dans ce domaine mais les résultats restent très fragmentaires. Un laboratoire national d'étude et de surveillance de la pollution et de la nuisance a été créé et une stratégie nationale pour la protection de l'environnement et le développement durable a été mise en place. L'un de ses objectifs est d'établir les données économiques sur l'environnement permettant une analyse des coûts et avantages des politiques de développement et de protection de l'environnement.

3. Données régionales Chaque région du Maroc présente des spécificités, mais les données fournies au plan

national ne reflètent pas les différences entre les niveaux de développement. Par ailleurs, la politique de régionalisation et de déconcentration engagée par le Maroc accorde des responsabilités de plus en plus importantes aux collectivités territoriales dans la gestion du développement local, ce qui a entraîné des besoins croissants en informations régionales et locales. La réalisation d'enquêtes représentatives pour l'ensemble du territoire est très coûteuse. En général les enquêtes réalisées fournissent les données nationales et par milieu de résidence (urbain, rural). Certaines permettent d'avoir l'information pour les régions et quelquefois pour les grandes provinces. Le recensement touche l'ensemble de la population et peut donc fournir des données très fines. En 1994, les données ont été publiées par province et les principaux indicateurs par commune sur la base d’un échantillon de 25% des questionnaires. Le traitement de l'ensemble des questionnaires nécessite de très gros moyens et des délais très longs. Seules les données concernant les provinces les plus défavorisées (14 provinces) qui rentrent dans le cadre du programme des priorités sociales (BAJ 1) ont été exploitées exhaustivement. Les données tirées des dossiers administratifs peuvent jouer un rôle très important dans ce domaine puisqu'elles sont recueillies de façon régulière et sont relevées à la base. Mais pour le moment, elles présentent encore des insuffisances dans la qualité de l'information.

4. Les groupes spécifiques Certains groupes de population nécessitent une attention particulière et l'adoption de

mesures et de programmes d'actions spécifiques, comme les handicapés, les petites filles, les personnes âgées... Pour ces groupes il est nécessaire de mettre en place des systèmes

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d'information qui peuvent servir de base à la détermination des programmes pour leur intégration économique et sociale...

5. Les statistiques sur le genre Bien que la majorité des données soient distribuées par sexe, il existe toujours un besoin de

mettre en relief les écarts et les inégalités entre sexes pour introduire la dimension genre dans les différents programmes de développement. Certaines initiatives ont été déjà lancées, comme l'enquête sur la contribution de la femme au développement ou le système d'observation de la violence à l'encontre de la femme. Elles nécessitent un renforcement et un suivi constant.

III. Quelques propositions pour améliorer l'information Pour être performant, le système d'information statistique doit être évolutif et capable de

répondre à des besoins de plus en plus pressants. Quelques actions peuvent être entreprises pour améliorer l'information démographique et sociale afin qu'elle puisse jouer pleinement son rôle d'infrastructure de base du développement harmonieux et durable. Elles consistent à dynamiser l'organe de coordination et d'orientation des travaux statistiques, le comité de coordination et des études statistiques (COCOES), l’organe officiel chargé de coordonner, à promouvoir les études statistiques, sensibiliser l'ensemble des intervenants potentiels dans le système d'information sur le rôle des données statistiques dans la prise de décision, instaurer un espace de dialogue permanent entre producteurs et utilisateurs des données, qui permettra, entre autres, de déterminer les besoins réels en information et de bien orienter les travaux de collecte, d'analyse et de recherche, sensibiliser les départements sectoriels sur l'importance des statistiques administratives courantes et sur la nécessité de les améliorer et de les utiliser à des fins statistiques.

Les enquêtes de grande envergure sont très coûteuses alors que les résultats obtenus ne sont souvent fournis qu’à l’échelle nationale et par milieu de résidence, ce qui n'est pas suffisant en raison des disparités régionales. On peut proposer, dans ce cas, de réaliser l'enquête nationale de façon périodique (tous les 2 ou 3 ans) et entre deux enquêtes consécutives, faire des enquêtes rapides ciblées par exemple sur des zones ou des populations spécifiques (les pauvres, les handicapés, les femmes, les migrants...) accompagnées de recherches anthropologiques.

Il convient d’améliorer et de diversifier les méthodes d'observation utilisées actuellement. Pour certaines enquêtes et études dont les résultats seront utilisés pour la programmation des politiques de développement, il est préférable d'utiliser des méthodes d'observation autres que les méthodes classiques, telles que la méthode participative qui permet à l'enquêté d'exprimer lui-même ses besoins réels tels qu'il les conçoit. Certes ces méthodes sont encore peu répandues, aussi est-il important d'investir dans la recherche dans ce domaine.

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La collecte ne doit pas se limiter à des données quantitatives et doit aussi concerner des données qualitatives. Ces informations (qualité du service de santé, de l'enseignement...) sont des éléments très importants pour orienter les politiques entreprises pour l'amélioration des conditions de vie.

Il faudrait veiller à créer une culture statistique et à démocratiser l'information. Tout le monde doit y avoir accès. Dans ce cadre, le rôle des organisations non gouvernementales est important. Elles doivent sensibiliser la société civile à l'importance de l'utilisation de l'information pour la prise de décision.

Les services de diffusion de l'information doivent être améliorés en utilisant les technologies nouvelles qui évoluent de façon permanente et ainsi que les normes internationales (Commission Statistique des Nations Unies, Bureaux International du Travail, Fonds Monétaire International...) pour permettre les comparaisons.

Conclusion Malgré les défaillances dont souffre encore le système national d’information statistique, il a

enregistré des améliorations au cours des deux dernières décennies surtout dans le domaine des statistiques démographiques et sociales. Il s’achemine vers un système d’information intégré particulièrement en matière de population et des efforts sont entrepris pour mettre en place un système d’indicateurs démographiques et sociaux calculés de façon régulière. Par ailleurs, dans le cadre du Programme des Priorités Sociales (BAJ 1) qui touche actuellement les provinces les plus défavorisées, une liste d’indicateurs de suivi a été définie pour permettre d’évaluer les programmes d’action entrepris dans ces provinces. Enfin, on doit citer le rôle important joué par les organisations des Nations Unies dans le développement de l'information statistique démographique et sociale. Le FNUAP, le PNUD, la Banque Mondiale, l'UNESCO... ont apporté leur appui à la mise en place des systèmes d'informations et à leur amélioration. Aussi est-il souhaitable qu'elles continuent à apporter leur contribution pour assurer une amélioration et une meilleure utilisation des données statistiques.

Références D. S., La stratégie de développement à moyen terme de l’information économique et sociale 1997-2001. D. S., Le Système national de l’information statistique face à la nouvelle donne économique et politique, Actes du séminaire du 4 Oct. 1996. D. S., Les indicateurs sociaux 1997. D. S., Programme de priorités sociales (BAJ 1), Indicateurs de suivie, Avr. 1998. Ministère de la Santé publique, Guide d’utilisation du sous-système national d’information sanitaire SMI/PF, Sept. 1991. Ministère de la Santé publique, Guide d’utilisation des données des programmes SMI/PF, Juil. 1997.

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Liens réciproques entre population et développement au miroir de la recherche : état

des lieux (Abdelfattah Ezzine)

I. Le contexte méthodologique La collecte des documents et informations nécessaires à ce chapitre s’est opérée en deux

étapes :

• préparation d’une fiche de lecture pour chaque document répertorié dans les catalogues ou les fichiers des institutions travaillant dans ce domaine. La grille de lecture de cette fiche se divise en trois parties : identification du document, analyse du document en plus des remarques et observations formulées après lecture.

• élaboration d'un questionnaire destiné aux chercheurs et organismes (publics, civils et privés) qui a été conçu, comme la fiche de lecture, avec des informations supplémentaires sur les formes d'exploitation de résultats de la recherche, le cadre de la recherche et les bailleurs de fonds.

L’analyse des travaux du CERED1 sera faite à part pour les raisons suivantes :

a) le CERED est un établissement public de recherche en matière de population dont l’une des attributions est la préparation, sur la base des études, de dossiers techniques nécessaires à l’élaboration de la politique nationale de la population dans le cadre de la Commission Supérieure de la Population.

b) le caractère institutionnel de ses travaux, qui répondent généralement à une demande.

Les investigations nous ont permis de repérer quatre sources d'informations dans ce domaine :

• les institutions supérieures de formation et de recherche, où les étudiants préparent leurs diplômes et où existent des équipes de recherche ;

• les bureaux d'études et les ONG nationaux qui produisent un savoir et un savoir-faire notoires. Si les premiers sont restés muets sur leurs activités et sont difficiles à repérer, les seconds ont coopéré, mais ont une production qui n’est pas très riche et non archivée ;

• les institutions et les ONG internationaux ont un impact très important. Malheureusement, plusieurs sont dans une période de transition car leurs plans quinquennaux pour la période suivant la CIPD de 1994 n'ont pas encore démarré, comme c'est le cas du Programme des

1 CERED, (1998), « La recherche démographique au Maroc » In La recherche marocaine en sciences humaines et sociales : Approches et arguments, sous la direction d’Ezzine A., Publication de l’Institut Universitaire de la Recherche Scientifique, Vol. 1.

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Nations Unies pour le Développement (PNUD), du Programme Alimentaire Mondial (PAM), de l' Agence Canadienne de Développement International (ACDI), de la Konrad Adenauer Stiftung (KAS), etc. ;

• le dépouillement des catalogues des maisons d'édition marocaines les plus actives et connues (Le Fennec, Eddif, Toubkal, etc.) et de la Revue « Il paraît au Maroc » éditée par l'Association Marocaine des Professionnels du Livre depuis avril 1997.

Au terme de cette investigation, diverses remarques et constatations peuvent être faites. D’une part, on ne dispose pas de sources d'information fiables et pertinentes. Les retards accusés dans l'indexation des informations et les dysfonctionnements de ces sources sont notoires et rendent le suivi et la collecte des données, difficiles. A cela, s'ajoute le problème d'accès à l'information et de disponibilité de la documentation. En règle générale, la pratique bureaucratique conditionne la collecte. La littérature grise produite par les bureaux d'études et les organismes de recherches est à la pointe en matière de population et de développement. Ces recherches et études se situent, en général, à mi-chemin entre un savoir authentique et un savoir-faire tout court. Il s'est avéré que cette littérature découle d'une demande et qu'elle suit de près le rythme et la cadence des recommandations internationales.

Mais la recherche universitaire institutionnelle reste en retrait par rapport à ce type de travaux. Les recherches effectuées dans les établissements supérieurs non universitaires (INSEA, ISIC, INAS2, etc.) sont plus valorisées que les recherches universitaires proprement dites. Faute de moyens, d'implication et de cadre juridique approprié, elles demeurent dans l'ensemble fragmentaires et théoriques. Ces problèmes découlent aussi de l'absence de coordination entre les instances publiques responsables du suivi et de la mise en œuvre des recommandations et l'université. Cela explique le retard de cette dernière qui, malgré la tendance actuelle prônant l'intégration de l'université dans son milieu économique et social, souffre davantage de cette « marginalisation institutionnelle » que les autres établissements supérieurs sous la tutelle de ministères autres que celui de l'enseignement supérieur de la formation des cadres et de la recherche scientifique.

Les instances publiques, civiles ou privées n'ont pas encore développé de partenariat avec l'université dans le domaine de la recherche, pour la mise en action des recommandations ou des stratégies en matière de population et de développement. De plus, les conventions qui existent ne sont pas bien exploitées. De ce fait, l'ouverture se fait essentiellement sur les universitaires et non sur l'université.

2 INAS (Institut National d’Administration Sanitaire), INSEA (Institut National des Statistiques et d’Economie Appliquée), ISIC (Institut Supérieur d’Information et de Communication).

439

Dans le cadre de cette démarche, nous avons retenu les sources de documentation suivantes : l'INSEA, l'INAS, la division de la population au Ministère de la santé publique (MSP) et la revue de l'Institut supérieur de journalisme (ISJ)/ISIC, en plus des publications issues des maisons d'édition marocaines et des dossiers sur les manifestations organisées durant la période étudiée.

II. Description de l'échantillon collecté L'échantillon collecté se compose de 87 documents, dont 22 articles et études tirés de cinq

numéros de la Revue marocaine de recherches en communication publiés entre 1995-97/98 par l'ISIC (ex-ISJ). Le tableau ci-dessous fournit l'origine de ces 87 documents.

Tableau 1 : Répartition des documents collectés selon l'année de parution et le cadre de réalisation

1995 1996 1997/98 Total INSEA 5 14 17 36 ISIC/ISJ 3 2 1 6 Université 4 - 1 5 MEN - 1 - 1 MSP 9 3 1 13 MI - 8 - 8 Colloques/Congrès 1 1 1 3 Maisons d'édition 3 3 1 7 Autre - 3 5 8 Total 25 35 27 87

Sur l’ensemble de ces documents, 44 ont été réalisés dans le cadre de préparation de diplômes préparés à l'INSEA ou à l'INAS. Les autres ont été réalisés, dans leur majorité, dans le cadre d'un programme ou d'une activité subventionnée par un bailleur de fonds international. Parmi les sources subventionnées, on remarque l'existence de trois organismes publics : le Ministère de l’éducation nationale (MEN), le Ministère de l’intérieur (MI) et le Ministère de la santé publique (MSP).

Malgré l'existence, au sein de son organigramme, d'une cellule d'éducation en matière de population, chargée depuis 1981 de former les enseignants du primaire et du secondaire et de mettre en place un curriculum d'éducation en matière de population, la production du MEN est modeste. Il a organisé, à la veille de la CIPD de 1994, un symposium maghrébin sur l'éducation en matière de population, dont les travaux n’ont été publiés que fin 1997. D'après notre enquête, cette cellule serait tombée en désuétude depuis l'entrée en lice de l'ISIC, qui bénéficie des aides de l'UNESCO et du FNUAP depuis 1986, année où le rapport de la commission des Nations Unies pour le développement a souligné que « l'ISJ (devenue ISIC) occupe une place convenable qui le met en mesure de développer l'information sur les problèmes de la population eu égard à l'infrastructure importante. L'ISJ peut, également, devenir un Centre National d'Etudes et de

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Formation dans les domaines de la communication axés sur les problèmes de la population »3. Les sources émanant du Ministère de l’Intérieur, sont les résultats du projet « migration interne et aménagement du territoire », publiés en 8 volumes.

Les textes figurant dans les documents collectés sont au nombre de 111, dont 58 ont été publiés dans des revues ou sous forme d'ouvrage, et 53 sont diffusés sous forme polycopiée. Ce dernier type de textes, la « littérature grise », est difficile à repérer. Pour la langue de rédaction, le français l'emporte. La langue de rédaction reste d’ailleurs, en général, l'un des indicateurs révélateurs de la qualité scientifique du document, en raison surtout de l'aisance dans l'utilisation des concepts, de la terminologie, et des références. Le tableau suivant révèle la répartition des titres recensés selon leur nature et la langue de rédaction.

Tableau 2 : Répartition des titres recensés selon la nature et la langue de rédaction.

Arabe Français Total Articles 8 6 14 Etudes 10 15 25 Recherches dont : - 64 64

Publiées - 16 16 Non publiées - 48 48

Rapports 3 2 5 Manuels 2 1 3 Total 23 88 111

III. L'état de la recherche économique et sociale Parmi les textes dépouillés (tableau 2), les travaux à caractère économique représentent

47% de l’ensemble. La plupart d’entre eux sont produits par l'INSEA sous forme de mémoires pour l'obtention du diplôme. En revanche, les travaux menés dans le cadre des disciplines sociales sont réalisés dans d’autres cadres. Cependant, l'analyse thématique de ces 111 unités ne reflète pas cette répartition si on adopte le critère institutionnel ou la perception rigide des disciplines, car les recherches économiques sont peu nombreuses dans le domaine de la population et du développement, même au sein de l'INSEA.

1. La recherche économique La recherche économique continue de privilégier les thèmes du développement, de la

migration et surtout de la pauvreté. Ces trois thèmes sont d'ailleurs présentés en interdépendance dans ce type de recherche. On remarque, paradoxalement, que le thème du développement n'a jamais été l'objet d'une approche épistémologique. A notre avis, le problème de la recherche économique au Maroc ne réside pas seulement dans « l'importation » de paradigmes et de

3 Lamouri M., (1995), « Allocution de monsieur le Directeur », Actes du Séminaire sur La communication en matière de population et ses exigences sociales, publ. ISJ, 225 p.+76 p.

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concepts, mais aussi dans l'absence d'un travail critique qui consiste à situer le savoir par rapport à un projet de société. Il ne s'agit pas de se limiter à résoudre des problèmes concrets, il faut aussi essayer de résoudre les problèmes fondamentaux du développement, et tenter de comprendre ce

que le développement est en tant que paradigme, mais non ce qu'il devrait être4, tout en questionnant les logiques sociales et la logique du développement5. Dans ce même ordre d'idées, la mise à niveau des structures économiques est présentée comme une action incontournable. Or, « il n'existe pas une théorie économique de la mise à niveau. Tout au plus, pourrait-on dire que la théorie de la dynamique des systèmes peut offrir une ébauche de cadre d'analyse »6. La démarche économique prédominante consiste à décrire les mécanismes sans se préoccuper de l'analyse du tissu économique et de ses déterminants socio-historiques et socioculturels. L'attrait des thèmes et des paradigmes encourage le transfert des concepts et des approches.

La pauvreté, sujet émergeant, a été l'objet d'un séminaire7 et d'un atelier8. Si le séminaire a opté pour l’étude du profil de la pauvreté, afin de l'appréhender et de mettre en œuvre les stratégies de son allégement, l'atelier avait comme but d'étudier les moyens de lutte contre la pauvreté afin de l'éradiquer dans un futur lointain. Ces analyses de la pauvreté ont montré l'alignement des chercheurs marocains sur les recherches occidentales. Le cas de l'économie informelle est typique dans ce contexte. Ce type d’économie, présenté comme une caractéristique des situations de pauvreté et de vulnérabilité, n'a pas été perçue comme invention originale des « laissés pour compte » de la logique économique dominante, sur la base de leurs réseaux sociaux.

2. La recherche sociale La démographie joue un rôle croissant dans la recherche sociale, et a acquis une approche

riche et diversifiée grâce aux recensements et aux enquêtes nationales. Elle reste la seule discipline reconnue par l'administration, avec ses contraintes déontologiques et ses implications scientifiques. Les autres disciplines, surtout la sociologie, n’ont pas pu se développer de manière institutionnelle, et restent donc sous-utilisées, d’autant qu’elles continuent à souffrir du handicap idéoculturel les plaçant au rang de « science qui dérange »9. Malgré leurs performances cognitives dans ce domaine, ces disciplines n'ont pas bénéficié d'une reconnaissance et d'un soutien institutionnel officiel. De ce fait, leur contribution reste épisodique et fragmentaire. Ce qui explique partiellement le retard de formulation d'une perception globale des questions liées à la

4 Perrot D., (1989), La dimension culturelle du développement : un nouveau gadget, CLES, n° 14, 2ème Sem., pp. 41-54. 5 Ezzine A., (à paraître), « Logique du développement et logiques sociales : le cas du Maghreb », in Panoramiques, Numéro spécial sur « Maghreb-Europe : Les défis du prochain siècle ». 6 Souissi D., (1996), Synthèse de la rencontre maghrébine, Mondialisation de l'économie : intégration régionale et restructuration au Maghreb, UME, p. 286. 7 Actes des journées d'études sur « Pauvreté : conception, mesure et stratégies d'allégement ». (1996), Coll. Etudes socio-économique sur la population et le développement. 8 INSEA, (1988), Atelier sur « Les politiques de luttes contre la pauvreté dans les pays du bassin méditerranéen », Rabat. 9 Bourdieu P., (1993), « Une science qui dérange » in Questions de sociologie, Ed. Cérès, Coll. Idéa, Tunis, pp. 19-36.

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population et au développement, non seulement en termes de croissance, mais sous forme de projet de société.

Si les recherches économiques ne se sont pas hasardées à étudier des thèmes relevant du champ de la recherche sociale, cette dernière a en revanche forcé les barrières de la recherche économique et celles de la recherche médicale. Dans cette perspective, la pluridisciplinarité a commencé à gagner du terrain comme pratique indélébile, ce qui a aidé à rendre visible plusieurs indicateurs qui étaient occultés, comme c'est le cas de la participation de la femme au développement, des travaux sur le genre, de la relation entre la femme et l’environnement, etc. Mais, vu le manque de coordination, de soutien et de complémentarité en matière d'encadrement, de planification et d'orientation de ces travaux, les recherches n’ont généralement pu être approfondies. « En général, la recherche a été plus le fait de démographes-statisticiens que de

représentants d'autres disciplines »10.

3. Les travaux du CERED Entre 1995 et 1998, le CERED a publié 13 ouvrages. La plupart revêtent la forme de

recueils d’études ou de travaux de groupes de recherche autour d’une problématique définie. Le CERED, fruit de la coopération entre le FNUAP et le gouvernement marocain, est, depuis deux décennies, une source d’information fiable. Ses travaux sont les plus en liaison avec les recommandations de la CIPD de 1994, et couvrent plusieurs thèmes. La démographie reste le vecteur des recherches théoriques ou de la recherche appliquée. L’intérêt pour ces thèmes (voir Tableau 3) répond à une demande officielle et aux priorités de la politique nationale. Depuis 1998, année où la nouvelle réforme régionale est entrée en vigueur, on constate que les travaux à caractère régional commencent à émerger.

Tableau 3 : Les thèmes abordés dans les travaux du CERED (1995-98)

Thèmes Nombre Femme et genre 4 Rural 2 Migration (internationale) 1 Pauvreté/Vulnérabilité 2 Famille 2 Sécurité sociale 1 Démographie 8 Enfance 1 Développement 3 Environnement 1

Source : Dépliant du CERED, Déc. 1997

10 FNUAP, (1997), Rapport d'analyse du programme et d'élaboration de la stratégie : Royaume du Maroc. Ed. le Fennec, p. 16.

443

IV. Les problématiques étudiées et les paradigmes adoptés L'analyse des problématiques étudiées montre que 25 thèmes ont été abordés de manière

indépendante ou en corrélation.

Tableau 4 : Les dimensions (thèmes et variables) des problématiques étudiées.

1995

1996

1997

-98

Tot

al

Observations

1. Santé 11 7 2 20 Recherches initiées par le MSP (INAS et DP) 2. Démographie 2 8 5 15 3. Planification familiale 5 5 3 13 4. Sexualité 2 2 1 5 5. Education en matière de population 5 4 - 9 Colloques organisés par l’ISIC (ex-ISJ) et actes ou

articles parus dans la RMRC publiée par l’ISIC (ex-ISJ). 6. Communication en matière de population 8 5 6 19 7. Education/Enseignement 2 1 5 8 8. Famille /Ménage 1 2 1 4 9. Enfant 2 1 1 4 10. Fille - 2 - 2 11. Garçon - 1 - 1 12. Jeunesse 1 1 1 3 Exploitation de l’enquête par sondage du GRES 13. Personnes âgées - 1 - 1 14. Revenu/ Salaire/ Niveau de vie 2 1 1 4 15. Emploi/Chômage - 3 3 6 16. Migration 1 8 - 9 Projet MIAT du MI (Cf. 20). 17. Pauvreté 6 1 3 10 2 Colloques organisés par des professeurs de l’INSEA 18. Ressources humaines 2 1 1 4 19. Environnement 3 2 - 5 20. Equipement/ Aménagement 1 8 1 10 Projet MIAT du MI (Cf. 16). 21. Urbain (espace, milieu) 3 - 5 8 22. Rural (espace, milieu) 4 2 3 9 23. Techniques et méthodes 3 3 8 14 24.Développement 2 4 6 12 25. ONG 1 1 2 4

1. Le thème de la santé vient en tête Le MSP procède à des enquêtes qu'il analyse selon un plan prédéterminé, comme c'est le

cas de l'Enquête Panel sur la Population et la Santé de 1995 (EPPS 95) réalisée en collaboration avec Macro-International Inc. et l'appui financier de l'USAID (United States Agency for International Development). Le but de cette enquête est la mise à jour des données sur la fécondité et ses déterminants, la pratique de la contraception et la santé materno-infantile, afin de dégager les tendances de certains indicateurs démographiques. Les questionnaires (des ménages et individuels) ont été adaptés à partir du questionnaire modèle utilisé pour les pays à prévalence contraceptive élevée du programme DHS. Cette enquête s’inscrit dans la continuité de l'enquête DHS de 1992 et avait, entre autres objectifs, de valider les informations sur les intentions de reproduction des femmes au Maroc.

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L'analyse thématique a permis de constater que les recherches sur la sexualité ne se font pas en relation avec la recherche médicale et ni avec la santé reproductive. Ces recherches, à caractère sociologique, analysent le comportement sexuel en relation avec la socialisation, le plaisir et la relation homme-femme. Les congrès de l’Association Marocaine de Sexologie ont ouvert une voie dans ce domaine. Les recherches sur la planification familiale ont quant à elles été enrichies par l'intégration d’approches socioculturelles et socio-anthropologiques. Ce qui aura, dorénavant, un impact décisif sur la qualité des activités et des recherches dans le domaine de l'IEC (Information, Education et Communication).

2. Les travaux dans le domaine de l'IEC Les travaux dans le domaine de l'IEC sont réalisés essentiellement par l'ISJ/ISIC.

Malheureusement, bien qu’étant pour la plupart le résultat de séminaires et colloques organisés en collaboration avec le FNUAP, ces travaux ne sont pas bien diffusés. La dernière publication11 a été réalisée dans le cadre des recommandations de la CIPD de 1994, mais elle ne prend pas en considération les travaux issus du symposium maghrébin sur l'éducation en matière de population, organisé par le MEN en juillet 1994. Ce manuel est destiné aux étudiants de l'ISIC et aux enseignants de communication en matière de population. Les six unités qui composent ce manuel ne sont pas préparées de manière uniforme et graduelle répondant à un souci pédagogique de formation, mais constituent une bonne initiative derrière laquelle se trouve une équipe pluridisciplinaire. Elle mérite une évaluation à court et moyen terme pour l'approfondir et l'enrichir.

3. L’approche pluridimensionnelle des questions sociales Le thème de l'éducation a été étudié en corrélation avec le chômage des scolarisés et leur

insertion dans le marché de l'emploi, mais surtout en corrélation avec la scolarisation de la fille (rurale essentiellement). La famille a fait l'objet d'études en relation avec le revenu et le lieu de résidence (rural, urbain). Ces espaces ont servi aussi comme dimension à de nombreuses problématiques. L'étude de ces questions sociales s'est faite en rapport avec des techniques et des méthodes d'analyse, de gestion, d'organisation et de conception. La majorité de ces études et recherches ont été réalisées dans le cadre de préparation de diplôme de l'INSEA.

Dans le cadre des recherches relatives aux questions sociales, il est intéressant de présenter, à titre d'exemple, trois recherches types.

3.1. « Le projet inter-régional UNESCO/FNUAP, INT/96/P62 »

L'objet de cette enquête réside dans la compréhension des facteurs socioculturels affectant les comportements démographiques et leurs implications en vue de la formulation et de

11 Collectif, (1997), Cours de communication en matière de population, (en arabe), ISIC, FNUAP, 249p.

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l'exécution de politiques et de programmes de population. Le rapport préliminaire se divise en trois parties : la partie méthodologique, descriptive, est riche en enseignements sur la pratique de la recherche, la partie théorique dans laquelle la littérature traitant des aspects socioculturels de la population est passée en revue de manière synthétique, la partie analytique, qui se termine avec des conclusions et des recommandations. C'est le travail le plus en relation avec les directives de la CIPD de 1994.

3.2. Le projet « migration interne et aménagement territorial » (MIAT)

Les activités de ce projet, réalisé par le MI avec la contribution du FNUAP, telles qu’elles sont décrites dans le rapport du FNUAP, sont les suivantes : une étude préliminaire des caractéristiques des migrants sur la base d'indicateurs spécifiques et d'une cartographie adéquate, une enquête sur les caractéristiques socio-économiques des migrants dans le contexte de l'aménagement du territoire, une enquête sur les équipements publics, et enfin des recherches sur les corrélations qui existeraient entre les migrants et les équipements publics selon leur distribution spatiale. Ces activités sont décrites dans 8 volumes, dans lesquels est fourni, conformément aux recommandations de la CIPD de 1994, un éclairage sur les causes et les conséquences de la migration interne. L'une des critiques majeures concernant ce projet est sa conception qui penche vers le côté négatif de la migration, qui oublie que la constitution marocaine garantit aux citoyens la liberté de choisir leur lieu de résidence, et que la migration peut être analysée comme un facteur d'intégration nationale et de brassage ethnico-culturel. La problématique de cette recherche met en perspective la fixation des populations, au lieu de questions telles que celle de la qualité de la vie, des équipements et des services.

3.3. Développement urbain et dynamiques associatives

Cette étude a été réalisée dans le cadre des activités du PGU, et parrainée et financée par le PNUD, le CNUEH et la Banque Mondiale (publication de l’ANHI, 1997). Elle aborde la question de la gouvernance et le rôle des amicales et des associations de quartiers dans la gestion urbaine. Elle s'est intéressée au phénomène associatif par l'établissement d'un état des lieux sur la situation des amicales d'équipement et de gestion. Les résultats de cette étude ont été présentés lors d’un atelier de travail groupant les principaux acteurs urbains, dont le but était l'élaboration des termes de référence pour la réalisation d'un guide à l'intention des amicales. Cette étude est unique en son genre au Maroc, malgré l'organisation d'un séminaire sur « Gouvernance et sociétés civiles » organisé par le GURI, le GERM et le PGU à Rabat les 9 et 10 Mai 1997.

Les techniques et les méthodes utilisées dans le cadre de ces recherches sont diverses. On en a relevé une dizaine, utilisées seules ou en combinaison avec d'autres, dont l'observation, le questionnaire, l'entretien (approfondi ou communautaire), le focus group, le récit de vie, l'étude de cas, la collecte des données, l'analyse de contenu, la méthode qualitative, reposant sur l'analyse

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théorique et l'approche synthétique, et la méthode quantitative utilisant les méthodes statistiques. La majorité des chercheurs donnent un aperçu des techniques et méthodes utilisées, mais, lors de la présentation des données, l'analyse a été menée de manière unidimensionnelle, avec l’utilisation de tableaux à entrée unique.

Si les recherches démographiques et économiques argumentent leurs analyses au moyen de techniques statistiques, la plupart des recherches sociales souffrent en revanche de carences dans la maîtrise de ces techniques. Le paradigme du développement reste le vecteur de ces recherches. Il explicite le changement social beaucoup plus comme l’aboutissement d'un processus de réforme que comme un projet de société. Le paradigme de la pauvreté revient en force depuis le congrès du développement social de Copenhague. Pour certains, les pauvres peuvent être perçus comme constituant une classe sociale. Mais on remarque que la relation entre la pauvreté et l'appauvrissement des espaces urbains reste à étudier. Le concept de « culture de pauvreté », formulé par Oscar Lewis, sert de référence sans pourtant être analysé.

V. L'impact des résultats des recherches sur la prise de décision

Depuis la fin des années 80, malgré une conjoncture économique en récession, le Maroc n'a pas échappé au tourbillon des réformes et à la vague de démocratisation exacerbée par les effets cumulés des mutations de l'environnement international, des retombées socio-économiques et socio-politiques de la mondialisation, de la fronde sociale et de la pression politique. Dans ce contexte d'ouverture et dans ce climat de construction nationale, la recherche scientifique a constitué un facteur de réussite de cette transition. Ces recherches ont aidé à la formulation de stratégies et de programmes, mais aussi à l'IEC et au plaidoyer, actions nécessaires pour l'appui et la mise en œuvre des programmes. Néanmoins, ces actions restent éparpillées, manquent de coordination et d'objectifs clairs. Les ONG, avec le soutien de bailleurs de fonds, ont bénéficié de la formation de leur personnel et du perfectionnement de leur approche, avec le « ciblage » de leurs actions. Mais les ONG n'ont pu développer de réseaux performants pour différentes raisons. Trois pôles se distinguent dans le cadre de cette utilisation de la recherche pour la prise de décision : la femme, la pauvreté, les enfants des rues. Si les informations et les données sont abondantes, leur diffusion et leur exploitation restent limitées. Les techniques et les méthodes, en ce qui concerne leur optimisation, ne cessent d'évoluer mais sans relation avec l'université. Ainsi on passe de l'approche-projet à l'approche-programme (comme dans le cas du programme national de lutte contre la pauvreté, en relation avec le programme d'insertion des enfants des rues). Seulement, le manque de coordination et le déficit observé en matière de communication créent des interférences qui nuisent à la bonne utilisation des résultats des recherches et à la prise de décision.

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Conclusion Si certaines des personnes interviewées lors de la collecte des données ont soutenu que la

CIPD de 1994 a été un événement « surmédiatisé » sans retombées scientifiques, nous pouvons, au terme de cette étude, affirmer que cette CIPD a tout de même suscité des activités de recherche intenses. Il est vrai que le soutien officiel apporté à ces recherches s’institutionnalise progressivement, mais il manque de coordination. En parallèle, la prise en charge des recommandations du CIPD-94 par les ONG et l'aide internationale ont fait bénéficier la recherche de cette synergie. L'institutionnalisation de ces activités nécessite non seulement une intégration de l'université dans son milieu économique et social, mais demande aussi l'ouverture de l'université aux ONG pour les encadrer de manière adéquate par la mise en place des programmes de recherche-action et de filières de formation dans le domaine du travail social, sous forme d'action intégrée entre l'université, les instituts spécialisés et les ONG.

Le CERED, comme l’a montré le Rapport d’analyse du programme et d’élaboration de la stratégie publié par le FNUAP, ne pourra accomplir sa mission que par un renforcement en logistique et en personnel. Son ouverture sur les universitaires doit se transformer en ouverture structurelle et institutionnelle sur l’université et ses composantes (départements, unités ou groupes de recherche, etc.), pour combler son déficit en personnel spécialisé dans des disciplines autres que la démographie et les statistiques tout en bénéficiant de la réforme de l’enseignement supérieur.

Le bilan de ces études et recherches démontre que la plupart des recommandations de la CIPD-94 ont été étudiées de manière directe ou indirecte, intéressée ou désintéressée. Les lacunes peuvent être expliquées par le défaut de formation, le désengagement de certaines instances concernées, le manque de structure de coordination, etc. On peut citer, à titre d'exemple, le peu d'études ou de recherches sur l'emploi du temps, le budget-temps, les loisirs et les pratiques culturelles dans la question du développement et de la population, comme on peut citer aussi la modestie de travaux sur la qualité de la vie ou de certaines données sur la situation des personnes âgées.

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Formation, population et développement (Salama Saïdi)

I. Définition des concepts Avant de débuter ce chapitre, il est important de clarifier les concepts utilisés, afin d’éviter

toute équivoque ou double emploi avec d’autres parties traitées dans cet ouvrage. Une première clarification qui s’impose nous amène d’abord à délimiter le domaine d’intérêt de ce chapitre. En effet, tel que le sujet de ce chapitre est libellé, on pourrait comprendre a priori qu’il s’agit de traiter de la formation au sens large et de ses relations et effets sur la population et le développement. Dans ce cas, le chapitre devrait traiter la question de la formation telle que la formation professionnelle dans des domaines très variés (ex : formation en menuiserie, en électricité, etc.) dispensée dans les centres spécialisés existant un peu partout au Maroc.

Toutefois compte tenu de l'orientation de l’ouvrage dont ce chapitre fait partie, il a été décidé de concentrer l'intérêt sur la formation en Population et Développement tel que cela est compris par ceux qui s’intéressent aux phénomènes habituellement liés à ce concept (santé de la reproduction, des domaines de politique de population, des considérations du genre, etc.)

La formation en population sous-entend une addition de connaissances complémentaires à des groupes de personnes bénéficiant d’un capital intellectuel donné. Elle concernera donc des professionnels ou des cadres qui sont intéressés, de par leur travail actuel ou futur, par les problèmes de population et leurs relations avec le développement. On peut distinguer trois domaines où on peut faire appel à la formation en population : le domaine de la recherche, le domaine de l’enseignement académique et le domaine des projets en population et développement.

II. Analyse de la situation La formation en population et développement se pratique de différentes manières et dans

différents contextes. On distingue trois grands groupes de formation :

• la formation académique universitaire ; • la formation académique post-universitaire ; • la formation de recyclage.

Du point de vue institutionnel, la formation en matière de population et développement au Maroc est prise en charge dans sa quasi-totalité par le gouvernement, et ce dans le cadre des programmes d’institutions spécialisées. Un nombre important de départements ministériels font de la formation en population, toujours liée aux activités qui s’inscrivent dans le cadre des

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mandats respectifs de chaque ministère. Il s’agit principalement du Ministère de la prévision économique et du plan, du Ministère de la communication et du Ministère de la santé publique.

1. La formation académique universitaire en population et développement Elle est assurée au sein de l'Institut National de Statistiques et d’Economie Appliquée

(INSEA). L'INSEA dispense la formation en population à deux niveaux, universitaire et post-universitaire. La formation universitaire dispensée dans le cadre du programme d’enseignement standard, concerne la démographie. Dans le cadre des curricula de l’enseignement du cycle des ingénieurs de la statistique actuellement en vigueur, un cours de démographie à deux niveaux (démographie I et démographie II) est dispensé aux étudiants de 3ème année. C’est un cours d’initiation aux concepts de base, tels que la mortalité, la fécondité, etc.

A un niveau supérieur, celui du cycle des ingénieurs statisticiens, un programme de formation complet est offert aux étudiants. Il comprend plusieurs aspects, notamment des méthodes d’analyse des phénomènes démographiques, des méthodes de collectes de données démographiques, des études de doctrine de population, etc. Ce programme de formation dure deux années et les lauréats reçoivent un diplôme d’ingénieurs statisticiens démographes.

Le tableau suivant montre les effectifs des lauréats qui ont été formés au sein de ce programme12 :

Année Lauréats 1987 11988 -1989 11990 -1991 -1992 61993 61994 41995 31996 71997 81998 5Total 41

Sur le plan de l’organisation académique, ce programme de formation dépend du département de Démographie et des Sciences Humaines, un des cinq départements que compte l’INSEA depuis 1991. Le développement de l’enseignement de la démographie à l’INSEA a bénéficié d’une assistance financière du FNUAP pendant 5 ans (1992-96) ; un second projet de même nature s’inscrit dans le cadre du 5ème cycle du programme de coopération entre le Maroc et

12 INSEA, Statistiques des Etudiants en Formation a l’INSEA au Titre de l'année Universitaire 1997/98, Service des Affaires Estudiantines.

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le FNUAP pour la période 1997-2001. Il s’intitule « Formation et recherche en démographie et domaines connexes à l’INSEA ».

Ce projet qui devra durer quatre années et deux mois (soit 50 mois) s’articule autour de deux axes, la formation et la recherche. Les activités afférentes à la formation sont :

• l'élargissement des programmes de formation en démographie, compte tenu des besoins réels du pays et de ses nouvelles orientations ;

• la réalisation de programmes de formation sur des thèmes spécialisés et d’actualité en démographie.

2. La formation post universitaire en Population et Développement Il s’agit du Programme de Formation en Population et Développement Durable (PFPDD).

Ce programme qui était dispensé en Belgique à l’Université Catholique de Louvain au Centre International de Formation et de Recherche en Population et Développement a été transféré à l’INSEA (Rabat) en 1995. Il fait partie d’un Programme Global de Formation en Population et Développement qui comprend 6 centres similaires à ceux de Rabat, dont cinq destinés à une formation en anglais, qui reçoivent tous l’appui du FNUAP. Depuis son transfert au Maroc, ce programme a formé trois promotions d’une vingtaine de ressortissants de pays africains. En plus de la formation en population et développement durable, ce projet vise aussi la réalisation d’activité de recherche en liaison avec les activités de la formation et la publication et la diffusion de ces travaux de recherches. Ce programme cible des cadres en milieu de carrière, ayant différents profils de formation antérieure. C’est ainsi que la promotion 1997-98, par exemple, comprenait des architectes, sociologues, statisticiens, spécialistes de l’aménagement du territoire, médecins, ingénieurs agronomes, etc.

Le PFPDD vise à doter ses participants d’outils d’analyse pour les aider à introduire les aspects de la population dans les processus de développement économique de leur pays, tout en œuvrant à la mise sur pied des politiques de population. La formation dispensée dans ce programme est multidisciplinaire, elle « intègre de façon systématique et pertinente les aspects sectoriels et thématiques, méthodologiques et techniques, institutionnels et politiques »13. Son but ultime est d’assurer aux pays africains un développement harmonieux de leur économie et de leur population. Les aspects de la population devront donc être intégrés à la planification socio-économique. Cette approche holistique permet d’établir des modules variés. Elle émane du souci de préparer les participants au programme à leur rôle d’initiateur d’activités en matière de population dans leurs fonctions respectives et de promouvoir le développement des politiques de population à travers le mandat de leur institution.

13 INSEA-FNUAP, (1998), Programme de Formation en Population et Développement Durable, Cadre Conceptuel et Analytique, Janvier 1998.

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3. Formation de recyclage en population et développement 3.1. Rôle du Centre d’Etudes et de Recherches Démographiques (CERED)

Le Ministère de la Prévision Economique et du Plan (MPEP) a apporté une contribution notable à la formation des cadres marocains en matière de population. C’est ainsi que le Centre d’Etudes et de Recherches (CERED) qui en relève, a joué un rôle de pionnier dans l’introduction de l’enseignement de la démographie dans plusieurs institutions nationales : les cadres du CERED ont assuré l’enseignement des cours de démographie à l’INSEA au moment du lancement du programme de formation du 3ème cycle des démographes. Ces cadres ont également assuré pendant deux années (1994-96) la formation en démographie, introduite dans le curricula de l’enseignement offert aux étudiants de l'Ecole Nationale d'Administration Publique (ENAP). De plus le CERED organise des sessions de formation destinées aux cadres du MPEP à l’échelle centrale ou régionale, ou à ceux d’autres départements ministériels. Ces sessions s’articulent autour de sujets relatifs à la population, tels que l’introduction des variables démographiques dans la planification économique, la population et la planification, etc. Pour les départements autres que le MPEP, les sessions de formation traitent des problèmes de population en relation avec l’urbanisme ou avec l’habitat ou la santé, selon le centre d'intérêt du département auquel est adressée la formation.

3.2. Rôle de l’Institut National d’Administration de la Santé (INAS)

Le Ministère de la Santé, à travers les programmes de l’Institut National d’Administration Sanitaire (INAS) dispense des formations destinées à des groupes de différents niveaux. La création de l’INAS en 1989 a été dictée par la nécessité d’améliorer la gestion des services et programmes de santé par la formation de cadres supérieurs spécialisés. Ces derniers peuvent exercer aussi bien dans le secteur de santé publique que dans le secteur privé. L’INAS fonctionne en partenariat avec plusieurs organismes internationaux tels que l’OMS, le FNUAP, l’ACDI, l’USAID, et des universités telles que l’Université de Montréal et l’école de santé publique de Nancy14. Ces institutions lui donnent un appui depuis sa création aussi bien pour ses activités de formation que pour celles de recherche et de développement de ses ressources humaines. Le programme de l’INAS s’articule autour de la formation de niveau de maîtrise, dont le curriculum comprend, entre autres, les statistiques sanitaires et la démographie. La formation continue se fait à travers des séminaires, des ateliers de courte durée (1-21 jour) et un enseignement à distance. Entre 1988-97, l’INAS a organisé 52 sessions de formation continue soit 403 jours, au profit de 1 242 participants dont 688 médecins. Cette formation a concerné les thèmes suivants : la planification sanitaire, le management, la recherche opérationnelle et l’évaluation. L’INAS offre

14 INAS, (1997), Une vocation dans les domaines de la santé publique et de l'administration des services de santé, document d’information générale.

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aussi un programme de renforcement des capacités d’encadrement et de recherche à ses enseignants, en leur ouvrant des opportunités de formation à l’étranger.

3.3. Rôle de l’Institut Supérieur de l’Information et de la Communication (ISIC)

L’Institut Supérieur de l’Information et de la Communication réserve une place notable aux problèmes de population dans ses curricula. Depuis son établissement en 1969, les problèmes de population ont constitué l’un des trois axes principaux de ses programmes de formation : audio-visuel, presse écrite et communication. Cette dernière composante vise à doter les étudiants de connaissances techniques sur la manière de formuler les messages en population et santé de la reproduction et à choisir les canaux les plus appropriés pour les véhiculer aux groupes cibles sélectionnés. Les étudiants qui choisissent l’option communication en population ont souvent été embauchés pour exercer dans des projets de population. Jusqu’en 1996, l’Institut a formé quelque 110 participants dont la moitié étaient des fonctionnaires de divers départements ministériels. Parmi les lauréats de ce programme, 8 exercent actuellement leur fonction dans des projets de population. Le programme de formation de l’ISIC a bénéficié d’un support financier du FNUAP. Deux projets ont été exécutés entre 1987-96 par cette institution et un troisième projet en cours de finalisation.

3.4. Rôle des ONG

L’Association Marocaine de Planification Familiale, affiliée à la Fédération Internationale de Planification Familiale (IPPF) a entrepris à titre ponctuel des formations sur des sujets particuliers, relevant du domaine de la population. Récemment, à la suite des tentatives destinées à donner un rôle plus visible aux ONG dans le domaine de la population, d’autres associations marocaines se sont également intéressées à ce type de formation.

3.5. Formation de recyclage en Population et Développement au sein de projets mixtes recherches/formation

Ces projets sont en cours de réalisation au sein de l’INSEA. Il s’agit :

Un projet de coopération INSEA-AUPELF-UREF.

Ce projet entre dans le cadre de la coopération entre le Fonds Francophone et les pays du Sud. Il concerne spécifiquement les aspects relatifs à la transition démographique dans les pays du Maghreb et de l’Afrique francophone, dont le Maroc. Il a pour but d’examiner la situation et l’évolution des facteurs qui déterminent la transition démographique de ces pays avec pour objectif final de faire des prévisions pour les 25 années à venir. Les phénomènes qui retiennent l’attention dans le cadre de ce projet sont :

• la fécondité et la mortalité générale et infantile ; • la nuptialité et les mobilités dans l’espace ; • le statut de la femme et de l’enfant ;

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• les aspects culturels, institutionnels et économiques de la transition démographique.

Des enseignants de l’INSEA ont déjà bénéficié d’une formation de courte durée dans le cadre de ce projet. Ils ont également assisté à des colloques et séminaires.

Coopération INSEA-MED Campus

Ce projet entre dans le cadre de la coopération inter-universitaire entre les pays de la Communauté européenne et ceux de la Méditerranée.

Des cadres enseignants de l’INSEA ont pris part à plusieurs séminaires dont les thèmes portaient sur :

• population, développement et environnement au Maghreb ; • migration et développement ; • transition démographique et développement au Maghreb.

De plus quelques enseignants de l’INSEA ont bénéficié de séjours de formation à l’Université Catholique de Louvain (Belgique) ou à l’Institut d’Etude Politiques de Paris (France).

Un projet de coopération INSEA-UCL

Ce programme de coopération entre l’INSEA et l’Université Catholique de Louvain, concerne principalement la formation des démographes. Il a une durée de trois années prenant fin en 1998. Il s’articule autour de deux axes : la recherche en démographie et l’appui à la formation des ingénieurs statisticiens démographes. Cette coopération INSEA-UCL s’est concrétisée grâce aux échanges entre les enseignants de l’INSEA, qui ont effectué des séjours de 10 jours, de 1 mois, 3 mois et 6 mois à l’UCL, ainsi que par des visites d’enseignants chercheurs de l’UCL à l’INSEA.

3.6. Formation de recyclage au sein des projets de développement

Cette catégorie de formation nous amène à analyser les activités relatives à l’amélioration des capacités nationales en matière de population, telles que dispensées dans le cadre des projets de coopération bilatérale ou multilatérale. Une revue de la situation de ces projets révèle qu’il y a quelques donateurs qui s'intéressent à la formation en population et développement. Il s'agit de l’Agence Américaine pour le Développement International (USAID) et du Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP). Mais l’aide fournie par ces deux organismes n’a pas la même vision des problèmes et des priorités.

Formation en population et développement dans le cadre de la coopération bilatérale du

Maroc avec les Etats Unis.

Cette coopération a surtout porté sur les programmes de planification familiale et sur ceux de la santé de la mère et de l’enfant (PF/SME), pour lesquels l’USAID a été le donateur de premier rang. Cette coopération s’est réalisée principalement, depuis 1970, avec le Ministère de la

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Santé Publique ; elle est actuellement dans sa 5ème phase qui va prendre fin en 1999. La formation en population et développement15 a été intégrée dans différentes composantes du programme d’action 1997 de l’USAID. On trouve surtout une concentration d'intérêt dans le domaine de la formation décentralisée des cadres, pour être en ligne avec la politique de régionalisation du gouvernement. Cette formation a surtout pour but de renforcer les capacités nationales dans la gestion et l'administration des programmes de PF/SME. La formation en population et développement est aussi un axe important dans le projet pilote de la région du Centre Nord où elle a ciblé le personnel des services d’urgence pour les soins obstétriques et gynécologiques. On relève également une composante formation du personnel FP/SME dans le système d’information de gestion (Management Information Système) ainsi que dans l’axe « partenariat pour la santé » qui a ciblé uniquement les médecins généralistes du secteur privé. Ainsi, le Ministère de la Santé Publique qui exécute le projet, a formé 2 366 personnes dans différents domaines liés au FP/SME. De plus, 14 cadres ont participé à des voyages d’étude, à des séminaires et conférences à l’étranger (France ou Etats Unis). Un budget total de 1 412 851 USD a été réservé à cette formation.

Pour la période 1998-99, le programme comprend des activités de formation aux techniques de groupes en éducation sanitaire, la formation de formateurs régionaux dans le domaine de la gestion de qualité, une formation dans la gestion de la logistique, dans l’utilisation des données, et enfin la formation des médecins du secteur privé en PF. Ce programme prévoit aussi l’amélioration des capacités du personnel du secteur public dans la gestion de qualité et la diffusion de l’information, particulièrement dans le contexte de la régionalisation. La coopération avec les Etats Unis a également porté sur la formation de longue durée de cadres nationaux dans des institutions étrangères. Elle a concerné 3 candidats du MSP. Notons aussi que 34 candidats, dont des directeurs et des administrateurs relevant du secteur non gouvernemental, ont bénéficié d’une formation de courte durée. La coopération avec les Etats Unis est une coopération par objectif. La stratégie utilisée consiste à fixer des buts chiffrés en matière de population. Par exemple, la fécondité qui était de 3,3 en 1995 au départ du projet, devrait atteindre 3,0 en l’an 2000. La prévalence contraceptive devrait atteindre 54 pour cent en l’an 2000, etc. De ce fait, la formation dispensée au sein des projets répond aux besoins des activités au fur et à mesure de leur exécution.

Formation de recyclage au sein de projets de coopération avec le Fonds des Nations Unies

pour la Population.

Le souci des programmes de coopération entre le gouvernement marocain et le FNUAP est de répondre aux besoins et aux priorités du pays dans le domaine de la population. Cette

15 Annual Performance Report, (1997), Rapport n° A-04 sur « Morocco Family Planning and Maternal and Child Health, Phase 5 Project », January 21, 1998.

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coopération, qui a débuté il y a un quart de siècle (en 1974), se caractérise par une diversification des domaines d’intérêt. Le passage en revue de quelques uns de ces programmes de coopération a montré que la formation et le renforcement des capacités nationales en matière de population ont été un souci permanent dans la conception des stratégies et plan d’action du FNUAP. En effet, en plus de la formation académique en population et développement qui a reçu l’appui du FNUAP (voir ci-dessus), une formation plus ponctuelle a toujours été intégrée aux projets de coopération du FNUAP. En 1987-91 par exemple, ce programme de coopération comprenait des composantes de cette formation. Le projet FNUAP/Ministère de la Santé de 1989 (MOR/98/PO7) sur la formation professionnelle, prévoyait la formation de 240 sages femmes dans les 8 écoles de sages femmes du pays, la formation et l’encadrement de 4 formateurs en SMI/PF en programmation/services SMI/PF et épidémiologie/statistiques, la formation en matériel didactique de 160 formateurs/animateurs dans les provinces, ainsi que de 50 personnes chargées de l’éducation pour la santé dans les provinces ou chargées de l’enseignement des méthodes de communication dans les écoles. L’agence d’appui technique de ce projet était l’Université Libre de Bruxelles (Belgique), et l’organisme d’application le Ministère de la Santé Publique. De même, dans le cadre de ce cycle de programme, le projet MOR/88/PO3 sur l’amélioration des statistiques de l’état civil (MOR/88/PO3) comprenait des activités de formation des inspecteurs du Ministère de l’Intérieur, des agents de tous les bureaux de l’état civil, ainsi que des voyages d’études et séminaires pour les statisticiens des délégations régionales relevant de ce département. L’agence d’appui de ce projet était le département de la coopération technique pour le développement (DTCD), l’organisme d’application étant la Direction de la Statistique du Ministère chargé du Plan.

Le cycle de coopération en cours (1997-2001), qui a adopté l’approche programme, (plutôt que l’approche projet), fait place aussi à la formation en population et développement. Plusieurs principes ont été observés dans la définition du cadre conceptuel de ces programmes, l’un de ces principes étant le développement des capacités nationales et le transfert des technologies. En outre, en application des recommandations de la Conférence Internationale sur la Population et le Développement du Caire (CIPD), l’appui du FNUAP aux activités en matière de Population au Maroc ne se limite plus exclusivement aux départements gouvernementaux comme par le passé, mais s’étend au secteur des ONG dont quelques unes ont été retenues comme partenaires dans cette coopération. Il s’agit de l’Association Marocaine de Planification Familiale, de l’Union Marocaine de la Femme, et l’Association Démocratique des Femmes Marocaines.

Trois sous-programmes ont été définis dans ce cycle 1997-2001 : Santé en matière de Reproduction, Plaidoyer et Stratégies de Population et Développement. Ils contiennent tous des activités de renforcement des capacités nationales :

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Le sous programme « Santé en matière de Reproduction" du Ministère de la Santé vise entre autres l’amélioration des performances du système de santé et la qualité des services de santé de la reproduction/PF dans des provinces prioritaires. Dans ce cadre, le cours de maîtrise de l’Institut National d’Administration Sanitaire (INAS) continue d’intégrer une formation des gestionnaires de santé provinciale. De plus, le sous-programme donnera son appui au renforcement de la formation de base des sages femmes, infirmières de santé maternelle et infantile (SMI)/Planification Familiale (PF), auxiliaires de santé, ainsi qu’à l’introduction de nouveaux volets de la santé de reproduction dans le curriculum de formation dans les 8 instituts de formation et centres de santé.

Le domaine d’intervention des « Stratégies de Population et Développement » prévoit deux projets de recherche, études et formation dont les agences d’application seront d’une part le Centre d’Etudes et de Recherches Démographiques (CERED) et l’INSEA.

Conclusion : Esquisse d’un débat sur la formation, population et développement au Maroc

Il est légitime de se poser des questions sur le futur de la formation en matière de population, son contenu, sa pertinence, son classement parmi les priorités de formation dans le pays, etc. Une multitude de questions viennent à l’esprit et méritent d’être posées pour continuer d'œuvrer dans le sens d’une formation en population qui soit pour le développement. Le passage en revue et l’analyse de la formation en population et développement telle que dispensée depuis plusieurs décennies pose la question du cadre de partenariat où cette formation a lieu. Plusieurs départements ministériels sont impliqués. Le financement de cette formation est principalement assisté par des organismes étrangers qui en constituent les donateurs de fonds. Dans la situation actuelle, la coordination entre les activités des uns et des autres a besoin d’être renforcée. Cette formation en Population aurait gagné en efficacité si l’orchestration avait pu être mieux assurée par le département ministériel chargé de la coopération internationale. Des projets de coopération sont acceptés et réalisés en respectant les mandats et les objectifs des donateurs, mais les vrais priorités de la population, celles des segments les plus défavorisés, comme la population rurale vivant dans l’isolement géographique et l’isolement des services de santé, etc. ne semblent pas avoir reçu toute l’attention qu’ils méritent. C’est ainsi que des budgets très importants ont été dépensés pour le secteur de la population, dont la formation a constitué un élément important, mais les résultats obtenus en termes d’indicateurs démographiques et de santé sont en deçà des efforts déployés. C’est le cas par exemple des taux de mortalité maternelle, les plus élevés au Maghreb, celui des taux d’accouchement assistés, les plus faibles. Ce qui amène à poser la question de l’évaluation de l’impact de la formation en population sur le développement.

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La formation en population est dispensée dans plusieurs institutions et départements ministériels depuis longtemps. Toutefois, il n’y a pas eu jusqu’à présent de tentative d’évaluation de cette formation sur les indicateurs du développement. Il est sûr que la baisse des taux de mortalité maternelle ou les progrès réalisés dans l’assistance à l’accouchement, pour ne prendre que ces deux exemples, sont dus à d’autres facteurs que la formation. Mais en faisant la part des choses, et en procédant à des recherches complémentaires et approfondies sur le terrain, on parviendra à isoler l’impact de la formation en population sur certains indicateurs de développement.

Un autre aspect qu’il s’agit de faire ressortir est celui de la nature de cette formation. Mise a part la formation en milieu universitaire qui a un caractère continu, la formation en population, qui est intégrée dans des projets de développement, est souvent fragmentaire. Les problèmes diffèrent d’un projet à l’autre, les bénéficiaires changent selon les activités à l’intérieur des projets, et peu de place est laissée à la continuité, à l’accumulation du savoir. Très souvent la formation dans un domaine donné s’arrête avec la fin du financement du projet.

La situation décrite ci-dessus pose deux problèmes importants, celui de la pérennité des activités de formation et celui d’une vision globale de la formation en population :

• la pérennité dans la formation en population est un aspect très important car l’interruption dans l’accumulation du savoir porte atteinte à l’efficacité de la formation. Elle réduit son impact sur le renforcement des capacités techniques des bénéficiaires et affaiblit son efficacité sur le développement. Il est dès lors impératif que la continuité dans les activités de formation en population soit intégrée aux projets et constitue un souci majeur de ceux qui conçoivent et planifient la formation. Des mesures de relais en cas de cessation de financement des donateurs étrangers devraient être prévues ;

• une vision globale de la formation en population et développement est importante parce qu’elle permet une rentabilité plus élevée des ressources humaines en évitant les redondances. Ceci amène à souligner la nécessité de développer une stratégie nationale de formation en population. Une telle stratégie devrait être développée en plusieurs étapes :

• évaluation des réalisations des objectifs de formation tels que prévus dans les projets de coopération ;

• à la lumière des résultats de cette évaluation, identifier les besoins qui restent à combler en matière de formation en population ;

• enfin, sur la base de ces besoins, développer une stratégie de formation en population et développement qui serait à mettre en exécution par les organismes intéressés.

Cette stratégie devrait également tenir compte du fait que l’approche interdisciplinaire reste la plus appropriée pour une formation en population efficace. La composante population est, en

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effet, une donnée transversale qui doit se retrouver dans tous les aspects du développement. Ainsi conçue, une telle stratégie pourrait apporter une contribution plus efficace au développement, en aidant de manière plus pertinente à la réalisation du « bien être de l’individu » tel que stipulé dans les recommandations de la CIPD.

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