Colloque RPS

Embed Size (px)

Citation preview

Colloque sur les risques psychosociauxVendredi 19 novembre 2010Accueil et introductionGrald LEFEVRE Prsident, GARF Jean-Baptiste OBENICHE Directeur gnral, ANACT

11 1 1 1

RPS et formation : enjeux et perspectives pour les entreprisesGuy JOBERT Professeur de la Chaire de formation des adultes, CNAM Henri LANOUZIERE Conseiller technique, Direction gnrale du Travail

22 2 4 4

RPS, de quoi parle-t-on ? Construire une politique de prventionPhilippe DOUILLET Charg de mission, ANACT

88 8

Campagne europenne de prvention du stress au travail : premiers enseignementsSgolne JOURNOUD Charge de mission, ANACT

1212 12

Une dmarche de prvention pluridisciplinaire : tmoignage de DuPont de NemoursFranoise PAPACATZIS Responsable Prvention des risques psychosociaux, DuPont de Nemours

1414 14

Place et rle de la formation dans les dmarches de prvention : Prsentation de ltude ralise par le GARF et lANACT 19Sgolne JOURNOUD Charge de mission, ANACT Francis MORIER Responsable Etude et Prospective, GARF 19 19 21 21

Regards sur la formation des managersStephan PEZE Doctorant en Sciences de Gestion, Universit Paris Dauphine

2222 22

Table ronde : Formation aux risques psychosociaux : Quelles rponses ? Conclusion

Quels objectifs ? Quels besoins ? 26 32

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

Accueil et introductionGrald LEFEVREPrsident, GARF

Les risques psychosociaux constituent un sujet de proccupation majeure pour le GARF, qui a publi des enqutes menes conjointement avec lANACT (Agence nationale dAmlioration des Conditions de Travail). Le CNAM (Conservatoire National des Arts et Mtiers) constitue aussi un de nos partenaires historiques et nous bnficierons ce matin de lintervention de Guy Jobert, Professeur de la Chaire de formation des adultes au CNAM.

Jean-Baptiste OBENICHEDirecteur gnral, ANACT

LANACT intervient dans le champ de la prvention des risques professionnels mais nous travaillons dabord sur le volet de lorganisation du poste de travail. Nous nous situons donc en amont de la chane de prvention des risques professionnels, en essayant dagir sur les lignes de force qui dterminent les enjeux de sant au travail. Lun des principaux enjeux, sur ces questions, consiste privilgier une approche aussi collective que possible. Si la formation doit favoriser ladaptation du comportement du salari, elle peut aussi constituer un support de prvention des risques professionnels. Lentreprise a une obligation de prvention en ceci quelle doit sefforcer de placer ses salaris dans une situation non stressante. Les outils de la formation peuvent tre mis contribution afin dtudier plusieurs approches de lorganisation susceptibles de prvenir lexposition des salaris au stress. Il sagit donc, nos yeux, de privilgier une approche collective et en amont des situations de stress, plutt que de sinscrire dans une approche comportementale de gestion du stress.

Paris, le 19 novembre 2010

1

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

RPS et formation : enjeux et perspectives pour les entreprisesProfesseur de la Chaire de formation des adultes, CNAM

Guy JOBERT

I.

Travail, reconnaissance et risques psychosociaux1. Ncessit et limites de la formation Les formateurs ont t concerns par la question des maladies professionnelles et de la prvention des accidents du travail depuis fort longtemps. Une lgislation sest mise en place depuis laprsguerre pour favoriser cette prvention et les formateurs ont t abondamment mobiliss pour intervenir dans ce cadre. Dans les industries risque, la formation la scurit constituait mme une obligation pour manipuler certains quipements ou effectuer certaines procdures. Le risque considr tait alors laltration de lintgrit physique du salari. Le bilan que lon peut tirer des formations la prvention des risques professionnels nest pas seulement positif : cest souvent propos de ces formations que nous avons prouv, en tant que formateurs, les limites de notre action. Il ny a pas de rapport entre le volume et la qualit des formations la prvention et le taux daccidents du travail dans les entreprises. Lors de formations de formateurs, il marrivait de prendre les formations la prvention des accidents comme un exemple des limites de notre intervention : les comportements en situation ne sont pas toujours cohrents avec ce que lon a appris, mme lorsque ces savoirs sont effectivement acquis. Les chefs dentreprise taient dailleurs les premiers sen plaindre. Cest une des voies par lesquelles le dsespoir sempare du dirigeant dentreprise, du prventeur et du formateur. Certains travaux intressants, parfois mconnus, montrent que le niveau individuel nest pas celui auquel se jouent les comportements en situation de travail. Multiplier les prcautions travers les quipements de scurit peut entrer en contradiction avec lapplicabilit de ces principes : on ne peut pas toujours travailler en situation en mettant en uvre toutes ces prcautions, a fortiori lorsque les dlais dexcution sont tendus. Ces rgles sont destines, en large mesure, couvrir par avance la responsabilit de lentreprise en cas de problme, la responsabilit du non-respect de ces rgles tant rejete sur loprateur. Or on ne peut pas, dans de nombreuses situations, respecter de nombreuses rgles qui ont t apprises. Les travaux du Tavistock Institute, organisme bas Londres o travaillaient des psychanalystes dans les annes 60, a montr que le niveau organisationnel ntait pas le seul empchement la mise en uvre des rgles de scurit : il existe aussi une problmatique psychique. Les raisons pour lesquelles les individus prennent des risques et se mettent en danger sont parfois rechercher au niveau de linconscient et du fonctionnement psychique. Cela contribue lexpliquer lirrationalit de certaines conduites dans le travail et des travaux lclairent de faon tout fait troublante pour le formateur. Nous avons ainsi fait lapprentissage de la ncessit de la formation et des limites de cet exercice, entendu comme transmission dinformations et de connaissance, du point de vue des comportements au travail.

Paris, le 19 novembre 2010

2

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

A cela sajoute, dans le cas des risques psychosociaux, la question une pathologie de linvestissement subjectif : il ne sagit plus seulement de membres crass ou de doigts coups. Il est question de souffrance psychique et les limites signales prcdemment se trouvent redoubles. 2. Travail et comptence Pendant trs longtemps, laction des formateurs tait troitement lie la situation de travail, sans voir isol, aux plans intellectuel et conceptuel, cette notion de travail. La revue Education permanente a consacr en 1992, dans ses deux premiers numros, un dossier intituls comprendre le travail .Lobjectif tait de faire connatre le courant de la psycho-dynamique du travail. Javais sign larticle ditorial du premier numro, que javais intitul les formateurs et le travail, chronique dune relation malheureuse . Jy expliquais que pendant trs longtemps, nous navions pas eu les moyens intellectuels et conceptuels de construire la notion de travail, ce qui est aujourd'hui tout fait possible, grce lapport de plusieurs disciplines (sociologie, ergonomie, psychologie du travail). La comptence (que lon peut dfinir comme linvestissement subjectif dun individu dans son activit) est lie lactivit et il nest daction que situe. Il nest aussi de travail quhumain : le travail reprsente ce quil est ncessaire de mettre de soi dans le travail pour que la performance soit atteinte en situation. Cela correspond la notion de travail prescrit en ergonomie. Ds que cet investissement disparat, la performance disparat. Le principe de la grve du zle en fournit une bonne illustration. 3. La dynamique de la reconnaissance Les gens sinvestissent-ils dans leur travail parce que nous jouons quelque chose de nous-mmes qui est absolument vital. Do la centralit du travail et la mfiance que doivent nous inspirer les discours qui nient cette centralit. Nous sommes l dans des dimensions anthropologiques. Nous jouons dans le travail quelque chose dessentiel de la construction de notre identit et de notre sant mentale. La thorisation la plus intressante de cette approche fut fournie par la psycho-dynamique du travail. Celui-ci a un double statut. Il dsigne, dune part, notre action comptente, experte , sur le monde extrieur pour agir et le transformer. Il constitue, cet gard, une production dans le monde objectif. Il constitue, dautre part, une production subjective. Pour que le travail ait rellement ce double statut, la prsence dautrui est indispensable. Le travail est ce qui nous permet dagir sur le monde sous le regard dautrui. Nous sommes avant tout des tres sociaux. Lorsque le regard dautrui ne nous atteint plus, le travail perd son sens et nous entrons alors dans les pathologies qui relvent, dans une large mesure, des risques psychosociaux. Le processus par lequel ces mcanismes se mettent en uvre constitue ce que Christophe Dejours a appel la dynamique de la reconnaissance . On peut en effet montrer, dun point de vue conceptuel et dun point de vue clinique, quen cas daltration de la reconnaissance, les connaissances psychiques peuvent tre considrables. Tout se passe comme si, des deux fonctions reconnues au travail, la premire tait primordiale pour chacun dentre nous. Encore faut-il sentendre sur ce que sont les conditions de la reconnaissance. [Enregistrement inexploitable pendant plusieurs minutes] Dune certaine manire, la reconnaissance prcde la comptence. Le dveloppement de la comptence dpend en effet de la possibilit que lon rencontre ou non, dans le travail, dalimenter la dynamique de la reconnaissance. On ne dcrte pas la comptence : celle-ci se produit en chacun et au sein dun collectif. Son moteur est la possibilit ou non de soumettre une action experte et son

Paris, le 19 novembre 2010

3

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

rsultat au jugement dautrui pour alimenter cette dynamique de la reconnaissance. Il nest nul besoin dagir sur les gens pour que la comptence se dveloppe. Il faut crer les conditions favorables la reconnaissance. Du coup, laction nest plus dirige vers les individus mais vers les situations, notamment en termes dorganisation du travail. Le formateur apparat, dans cette analyse, comme un des acteurs qui vont faire en sorte que lorganisation du travail et le type de management crent plutt des conditions favorables au dveloppement des comptences. Il sagit dune action indirecte. Par ailleurs, lorsque lcart se creuse trop entre lide que je me fais de ce que je dois faire dans une situation de travail donne et ce que je peux faire rellement dans cette situation, survient de nouveau une crise de la reconnaissance, non pas sous les yeux dautrui mais ses propres yeux. L aussi, les risques psychosociaux apparaissent. [Passage inexploitable]

Henri LANOUZIEREConseiller technique, Direction gnrale du Travail

II.

Le point de vue de la Direction gnrale du TravailLa Direction gnrale du Travail est quelque peu inquite de certaines formations qui voient le jour depuis peu dans les entreprises en matire de risques psychosociaux. Nous constatons en effet un risque de drive qui doit nous alerter. [Passage inexploitable] Aucun nouveau texte na t adopt en matire de risques psychosociaux. Nous disposons dun cadre lgal qui nous parat suffisant, constitu autour de deux piliers pour lapprhension de ces risques : la sant au travail et le dialogue social. Il convient aussi de rappeler que la responsabilit de lemployeur porte sur llment sur lequel il a prise : lorganisation du travail. Nous demandons aux employeurs dvaluer les risques de quatre natures : risques lis aux exigences de travail et lorganisation ; risques lis au management des relations de travail ; risques lis aux valeurs et attentes des salaris et lquilibre entre la vie prive et la vie professionnelle ; risques lis au changement et leur accompagnement.

Nous allons former les agents du ministre du Travail cette approche, qui devra guider le regard port sur le Document Unique didentification des risques. En ltat actuel de la rglementation, nous demandons lemployeur didentifier des mesures daccompagnement court terme ( chaud ) afin de grer dventuelles situations de stress. Il sagit toutefois dune mesure durgence. Cela ne peut tenir lieu de politique de prvention. Celle-ci

Paris, le 19 novembre 2010

4

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

doit sarticuler autour de la recherche des dterminants organisationnels, techniques et humains ayant pu conduire lapparition des risques psychosociaux. Le plan daction des entreprises doit comporter des mesures dintervention susceptibles dtre mises en uvre chaud et froid sur ces trois registres. Un deuxime pilier est le dialogue social. Le ministre avait plac les entreprises de plus de 1 000 salaris devant un choix : signer avec les partenaires sociaux un accord ou mettre en uvre un plan daction en matire de prvention des risques psychosociaux. Cela dit, le dialogue social ne se dcrte pas davantage que le bien-tre au travail. A ce jour, 450 entreprises ont conclu un accord ou dpos un plan daction en matire de risques psychosociaux. La dynamique sest poursuivie aprs lchance qui avait t fixe par les pouvoirs publics et nous recevons encore des accords ou plans daction labors par des entreprises. Daucuns pourraient voir dans ce nombre dinitiatives un chec relatif, au regard des 1 300 entreprises de plus de 1 000 salaris prsentes dans notre pays. Si nous avions reu 1 300 accords ds le mois de fvrier, cela et certainement tmoign dun chec, car cela en aurait dit long sur la faon dont ces dmarches eussent t menes. En ralit, 70 % des accords que nous recevons sont des accords de mthode : les entreprises y ont ngoci avec les organisations syndicales la faon dont elles allaient aborder la question des risques psychosociaux. Le plan durgence est termin mais trouve des prolongements naturels dans le deuxime plan stress au travail (2010-2014). Nous continuons aussi travailler sur la question de loutillage des TPE et des PME, qui sont assez dmunies sur le sujet. Nous souhaitons leur faciliter les choses mais nous devons veiller ne pas tomber dans lcueil de la facilit. Nous travaillons llaboration dun cahier des charges mthodologique et dontologique des consultants intervenant en entreprise. Enfin, nous avons conu rcemment un module de formation destin aux agents de contrle du ministre du Travail, qui nous demanderons, en 2011, de se pencher sur les Documents Uniques dvaluation des risques. Pour lheure, il semble que les formations qui se dveloppent soient souvent des actions de formation cls en main , portant sur ladaptation au stress. Or tel nest videmment pas lobjectif dune politique de prvention : celle-ci doit plutt viser ladaptation de lhomme au travail, ce qui est trs diffrent. Cest cette approche que nous allons nous efforcer de faire prvaloir.

III.

Echanges avec la salleDe la salle Je suis responsable de formation dans une entreprise de 2 000 personnes qui est entre dans une dmarche de prvention des risques psychosociaux. Nous avons fait appel un cabinet qui nous accompagne dans la mise en place de cette dmarche, qui sappuie notamment sur un dispositif dcoute des salaris et sur des actions de formation destines aux managers. Le service Formation a t charg de contribuer llaboration du contenu dune formation la prvention des risques psychosociaux. Or nous ne disposons pas de comptences particulires sur un sujet aussi vaste et aussi sensible. Quels moyens avons-nous afin de nous assurer que les organismes susceptibles de nous accompagner sont srieux et comptents ? Existe-t-il un label ou pouvons-nous demander des garanties au ministre du Travail ce sujet ?

Paris, le 19 novembre 2010

5

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

Henri LANOUZIERE Tout dpendra de la commande que vous allez passer ces socits extrieures. Il nexiste pas de labellisation et il ny en aura pas. Mon intervention doit vous fournir quelques lments permettant de circonscrire le sujet et vos attentes en la matire. Nous mettrons la disposition des entreprises le cahier des charges mthodologiques auquel jai fait rfrence. Pour le reste, un premier repre simple consiste voir si le consultant qui vous accompagne vous livre une formation cls en main consistant par exemple reprer une personne qui mange seule la cantine ou qui a un souci excessif du dtail ; ou sil vous aide valuer la charge de travail, la reconnaissance du travail et mettre en place une politique daccompagnement du changement, pour citer quelques des principaux axes de rflexion sur ces sujets. Guy JOBERT Je ne crois pas que certains cabinets soient comptences ou srieux dans labsolu. Il convient dabord de prciser quelle est votre position sur ces questions. Quelle ide vous faites-vous des raisons dune situation donne et des leviers sur lesquels il faut agir ? La premire tape consiste donc prciser votre positionnement sur ces questions. Odile GUILLETTE, consultante-formatrice Jai exerc la fonction de DRH et, ce titre, jai eu loccasion danimer des actions de formation afin de favoriser le facteur humain dans lentreprise. Je me heurtais alors, dans de nombreux cas, un dialogue de sourds. Aujourd'hui, mes clients sont des DRH qui me disent se heurter aux mmes difficults. La logique de bonus-malus de la CNAM intresse les DRH mais je nen entends plus parler. Quen est-il exactement ? Henri LANOUZIERE Javais reu lcho des dbats qui avaient eu lieu sur ce sujet. Je sais seulement que celui-ci nest plus dactualit. Je ne suis pas en mesure, malheureusement, de vous en dire davantage. Jean-Baptiste OBENICHE La question des risques psychosociaux a permis de replacer le sujet du travail au centre des proccupations, y compris au plus haut niveau des entreprises, sous un angle particulier : celles-ci y voient un facteur de risque potentiel pour leur image. Il est vital que les DRH contribuent la reconnaissance de limportance de cette question, au-del des enjeux de communication. Les partenaires sociaux savent bien quune ngociation peut tre conduite de faon cosmtique . Laccord de mthode relve dune approche distincte, qui vise dfinir en premier lieu la faon dont on doit aborder un sujet. Lenjeu est bien de faire changer quelque chose dans lentreprise. Nous avons une opportunit pour faire prvaloir cette approche et nous avons tous un rle jouer. Tout ce qui relve de la standardisation, sur de telles questions, conduira une impasse.

Paris, le 19 novembre 2010

6

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

Henri LANOUZIERE Quelles que soient les modalits de mise en uvre des politiques de prvention des risques psychosociaux, nous remarquons dabord une diffrence dans le mode dassociation des DRH aux dcisions majeures de lentreprise. Dans certaines socits, le DRH est rattach au Directeur gnral et associ toutes les dcisions majeures, auquel cas une politique de prvention peut vritablement tre porte. Les DRH dautres entreprises nous disent quils ne disposent pas des moyens daction et quils ne sont pas associs aux projets de restructuration en cours, auquel cas la politique quils conduisent risquent dtre sans objet. Cette diffrence sera cruciale pour lefficacit des plans daction au sein des entreprises.

Paris, le 19 novembre 2010

7

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

RPS, de quoi parle-t-on ? Construire une politique de prventionCharg de mission, ANACT

Philippe DOUILLET

I.

Les enjeux

1. Le contexte dans lequel sinscrit la demande de formation Nous sommes passs en peu de temps, depuis deux ou trois ans, dune phase de dni une prise de conscience relle des enjeux que recouvrent les risques psychosociaux dans lentreprise. Nous pouvons mme parler dune forme d engouement pour ces sujets ; mais il est vrai que la rglementation a eu un effet dentranement important vis--vis des entreprises, qui sy sont senties plus ou moins contraintes. Cela explique sans doute la diversit que nous constatons dans le contenu des dmarches qui ont t lances. Nous savons que les grandes entreprises ont plutt privilgi, dans un premier temps, des approches tertiaires, centres sur lindividu. Puis laccent a t mis sur des actions de formation et de sensibilisation. Aujourd'hui, une troisime phase se fait jour, autour du diagnostic et dune analyse plus collective de lorganisation. Nous voyons cependant que les entreprises hsitent entre plusieurs approches et combinent plus ou moins adroitement plusieurs des mthodes qui leur sont proposes. 2. La dlimitation du sujet O commencent les risques psychosociaux ? Il nest certes pas simple de rpondre cette question. Le risque est denglober dans ce cadre tous les problmes auxquels une entreprise peut tre confronte, alors quun tri est ncessaire. Inversement, sans sinscrire a priori dans ce cadre, de nombreuses actions menes (formation de tuteurs, formation des managers lorganisation de leur collectif de travail) ont videmment un impact sous langle des risques psychosociaux. Jidentifie par ailleurs le risque dune drive psychologisante , qui conduirait dfinir un traitement des aspects psychologiques du problme en mconnaissant ses autres dimensions plus collectives et organsiationnelles.

La cible principale et efficace dune politique de prvention nest pas lindividu mais lorganisation, afin de permettre aux salaris de dvelopper leurs comptences, dans le respect de leur identit. Il arrive aussi que les entreprises se trompent de cible : dans certaines entreprises, les plans de restructuration se succdent un rythme lev, parfois avec une certaine violence, et des actions de formation la prvention du stress sont menes paralllement, sans que jamais le lien soit fait avec ces rorganisations.

Paris, le 19 novembre 2010

8

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

3. Comment ? La question de la mthodologie revient comme un leitmotiv en matire de risques psychosociaux : les entreprises se sentent dmunies face de multiples approches possibles. Il se pose dabord un problme dobjectivation (qui ne se rsume pas la quantification). Nous plaidons pour des systmes de veille et de suivi qui rassemblent des indicateurs mdicaux (rouage capital dans le processus), dautres indicateurs relevant des ressources humaines et des signaux faibles , souvent trs intressants. Une approche croise de ces diffrents paramtres nous parat trs importante. Il faut aussi organiser lexpression des salaris propos du travail et des formes de dbat sur la qualit du travail et les moyens pour y arriver. Cela suppose aussi de faire une place lmotion indissociable de ce sujet, compte tenu de sa dimension subjective et de la faon dont les individus linvestissent. Un autre enjeu porte sur lvaluation des actions menes. Cela inclut la question de leur prennit : comment seront-elles maintenues dans le temps ? Enfin, nomettons pas lenjeu du dialogue social : nous voyons quel point les partenaires sociaux sont en difficult sur ce sujet, tel point quils se posent de nouvelles questions sur leur rapport la ngociation. Sans prjuger de leur contenu, les accords de mthode offrent une rponse intressante de ce point de vue. 4. Qui ? Force est de constater que les services de prvention, dhygine et de scurit ne constituent pas, contrairement ce que lon pourrait penser, les principaux acteurs de la question des risques psychosociaux, laissant plutt les DRH prendre la main. Les managers semblent aussi avoir du mal se positionner face ces enjeux, ce qui alimente une demande importante vis--vis de la formation, sans toujours sinterroger sur la pertinence de la dmarche : ils ont parfois limpression quil sagit surtout de leur assigner un objectif supplmentaire. Les actions les plus intressantes sont celles qui runissent un systme dacteurs afin dassocier ces diffrentes parties prenantes (ressources humaines, acteurs de sant, managers, instances reprsentatives du personnel) pour apprhender globalement les questions de sant et de travail dans lentreprise.

II.

Lintervention et lapproche de lANACT

Avant dagir, il convient dabord de prciser la notion de risques psychosociaux et de partager sa dfinition avec les principaux acteurs au sein de lentreprise (dirigeants, reprsentants du personnel, intervenants extrieurs le cas chant). Cette phase est essentielle, car les outils nont de sens que sils sont placs dans une dmarche ayant des objectifs clairs et explicites. Dans un deuxime temps, le recueil des donnes permet dobjectiver ce dont on parle. Ce recueil peut sappuyer sur des indicateurs quantitatifs (absentisme, turn over) et qualitatifs. Cette tape nous fournit loccasion, en tant quintervenants accompagnant la mise en uvre de la dmarche, de dresser un panorama de lengagement des salaris dans leur travail et de ce qui peut le freiner ou lentraver. Nous avons dvelopp cette approche autour dune grille danalyse des situations centre sur les facteurs de tension et les ressources. Elle permet de mettre au jour ce que nous appelons des situations de problme .Paris, le 19 novembre 2010 9

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

A nos yeux, les risques psychosociaux rsultent dun dcalage entre les contraintes de lorganisation et les attentes des salaris. Outre les moyens matriels et le cadre lui permettant de travailler, le salari attend de pouvoir se raliser dans son travail. Si lquilibre entre ces attentes et ce que propose lorganisation est toujours prcaire, les risques psychosociaux peuvent se faire jour lorsquun dcalage trop important apparat. Ils naissent dans la relation avec la hirarchie mais aussi avec les clients et dans le cadre de contextes de changement. Les facteurs de tension peuvent rsider par exemple dans : une nouvelle organisation du travail ; des changements permanents dans les objectifs assigns ; labsence de soutien des salaris et la disparition du management intermdiaire.

Il nous parat important, cependant, de mettre laccent sur les ressources qui existent dans lentreprise. Nous entendons par l tous les lments susceptibles de favoriser linvestissement des salaris. Il peut sagir de facteurs de reconnaissance ou encore du caractre innovant de lentreprise, source de motivation pour les collaborateurs. Dans de nombreux cas, les risques psychosociaux apparaissent lorsque les rgulations sont inoprantes. Cest le cas par exemple lorsque les collectifs de travail, bien que leur qualit soit reconnue, ne peuvent intervenir pour soulager un salari ayant une trop lourde charge de travail, dans la mesure o eux-mmes sont dbords. Une question peut alors tre pose concernant la rpartition de la charge de travail. Cela suppose bien sr danalyser les situations de travail dans tous leurs aspects concrets, en lien avec les dimensions stratgiques de lentreprise. Si le contenu des plans daction tourns vers les risques psychosociaux varie en fonction des situations rencontres, on retrouve souvent plusieurs chapitres autour desquels sarticulent ces actions : linformation et la sensibilisation ; la mise en place de systmes de veille, qui vont permettre dobjectiver le sujet (indicateurs macro et microconomiques, indicateurs relatifs la sant au travail, etc.) ; dfinition dune mthode danalyse des situations de travail ; identification de personnes-ressources capables de jouer un rle de veille ou de reprer des situations prsentant un contexte difficile ; construction dactions de formation destines au management et tous les acteurs concerns par le sujet dans lentreprise.

III. Echanges avec la salleRenaud MULLER, matre de confrences, universit de Clermont-Ferrand Il me semble quune question se pose aussi sur la position du manager. Dans le champ de la recherche, le manager est souvent considr comme un animateur mais plus rarement envisag comme un rgulateur des tches.

Paris, le 19 novembre 2010

10

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

Henri LANOUZIERE Les managers constituent la cible prioritaire des actions de formation. La plupart de nos pistes daction tourne autour du rle de rgulateur du manager, pourvu que celui-ci soit en mesure de remplir cette fonction, ce qui nest pas acquis. Laction de formation ne porte donc pas seulement sur la dfinition et la comprhension des risques psychosociaux mais sur lacte de management luimme : quelles sont les conditions pour que le manager puisse jouer ce rle de rgulation ? Cela peut soulever la question de leffectif dont il a la responsabilit, de la rpartition des tches ou encore de sa formation. Jai en tte lexemple intressant dune entreprise o des experts techniques ont t mis en place, en soutien des salaris et du management, afin de dcharger ces derniers dune partie des sollicitations qui leur sont adresses. Alain LEBLINVOT, responsable HSE Comment intgrer la position de la mdecine du Travail dans le suivi mdical des salaris qui doit faire partie dun systme de veille, selon la mthode que vous avez dcrite ? Comment contourner, notamment, la difficult lie lobligation de confidentialit autour de la situation mdicale de chaque salari ? Philippe DOUILLET Le systme de veille doit tre constitu par un croisement dindicateurs. Les indicateurs dordre mdical doivent y figurer mais ils ne sont pas les seuls. Selon les expriences, lassistante sociale constitue aussi un acteur important prendre en compte. Il est capital que le mdecin du travail joue son rle en identifiant par exemple des tendances dvolution dans les difficults que rencontrent les salaris ou en constatant la rcurrence de situations difficiles. Il lui appartient de trouver le compromis adquat entre linterdiction qui lui est faite de communiquer des donnes caractre individuel et la responsabilit qui lui incombe de signaler dventuelles difficults du point de vue du collectif de travail, dans un secteur donn ou lchelle de lentreprise.

Paris, le 19 novembre 2010

11

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

Campagne europenne de prvention du stress au travail : premiers enseignementsCharge de mission, ANACT LANACT participe depuis plus dun an une campagne finance par lUnion europenne et impulse par un rseau de promotion de la sant au travail, European Network for Work Health Promotion (ENWHP), qui mne rgulirement des actions lchelle europenne sur diffrents thmes lis la sant au travail (recherche, actions de formation, campagnes de sensibilisation). La dernire campagne lance en 2010, appele se poursuivre jusquen mars 2011, sintitule Mieux vivre au travail . Elle a pour objectif de sensibiliser et dinformer les acteurs de lentreprise sur le stress et les risques psychosociaux. Cette campagne a aussi pour but de reprer, dans les diffrents pays europens, des pratiques de prvention et de promotion de la sant mentale (expression plus souvent employe au niveau des institutions europennes). Dans chaque pays, un site Internet ddi a t cr (www.mieuxvivreautravail.anact.fr en France). Au-del dune rubrique dactualit sur le sujet (colloque, derniers travaux parus, etc.), il a vocation mettre plusieurs outils la disposition des acteurs concerns, parmi lesquels un questionnaire dauto-valuation, par les entreprises, des actions quelles mnent concernant la prvention des risques psychosociaux. Avec 431 rponses, la France se classe en tte du nombre de questionnaires remplis par les entreprises, ce qui confirme lattention croissante des acteurs de lentreprise sur ces sujets. Pour autant, si lintrt est vif, le score moyen des entreprises franaises (39, contre 53 en moyenne) est infrieur celui des autres pays europens, ce qui tmoigne du chemin quil reste parcourir dans lHexagone. Prs de la moiti des entreprises ayant rpondu au questionnaire dclare avoir lanc une action en matire de risques psychosociaux. Cependant, 18 % dentre elles seulement indiquent mener un plan spcifique sur ce sujet. 54 % des entreprises dclarent navoir lanc aucune initiative en matire de risques psychosociaux. Nous avons travaill avec dix entreprises franaises qui ont bien voulu nous dcrire de faon plus dtaille leurs pratiques en matire de prvention des risques psychosociaux.. Une publication paratra galement au mois de mars et regroupera 36 cas issus de lensemble du continent afin de revenir sur les pratiques juges les plus intressantes du ct des entreprises. LANACT a retenu plusieurs critres danalyses des expriences : une politique porte par la direction gnrale de lentreprise ; le caractre paritaire de la dmarche (implication des partenaires sociaux) ; limplication des salaris ; la mise en uvre dune large communication autour de la dmarche ; la formation et la sensibilisation des acteurs (ressources humaines, CHSCT, mdecin du travail) ; lanalyse des facteurs de risques et des ressources mobilisables (humaines et financires) ;12

Sgolne JOURNOUD

Paris, le 19 novembre 2010

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

le niveau de renseignement du Document Unique dvaluation des risques.

Lexemple de la socit DuPont de Nemours, devant articuler une politique internationale et la rponse des contextes locaux, nous a paru particulirement intressant. Franoise Papacatzis va maintenant revenir sur cette exprience.

Paris, le 19 novembre 2010

13

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

Une dmarche de prvention pluridisciplinaire : tmoignage de DuPont de NemoursResponsable Prvention des risques psychosociaux, DuPont de Nemours

Franoise PAPACATZIS

I.

La socit DuPont de Nemours

Lentreprise DuPont de Nemours, cre par un Franais en 1802, est aujourd'hui une entreprise multinationale et 100 % amricaine. 9me chimiste mondiale, la Socit compte 60 000 collaborateurs prsents dans 80 pays. Nous avons invent le Nylon, le Lycra, le Nomex ou encore le Teflon, pour ne citer que quelques marques parmi les plus connues. La France constitue, lchelle du Groupe, une petite filiale (1 300 personnes) compose de sept sites, principalement des sites de production, tous classs Seveso. Il existe quatre valeurs fondamentales dans lentreprise : la scurit des personnes ; le respect des personnes ; lenvironnement ; lthique dans le comportement.

Ma fonction a t cre en 2005. Prsente depuis vingt ans au sein de DuPont de Nemours, jy ai exerc des responsabilits en France puis au plan europen et au plan mondial. Aprs une formation la psychanalyse, je me suis forme la dynamique de groupe, lingnierie de formation et la mdiation. Jaborderai ici notre exprience avec humilit, tant la question des risques psychosociaux est complexe. La dmarche que nous avons mise en place est spcifique DuPont de Nemours et nest pas ncessairement transposable ailleurs.

II.

La dmarche

1. Origines En 1805, lusine DuPont de Nemours, aux Etats-Unis, a explos, causant la mort de la moiti du personnel. Le fondateur de lentreprise, qui tait un disciple clair de Lavoisier, a alors fait de la scurit une priorit absolue de lEntreprise, orientation qui demeure aujourd'hui. La prvention des risques psychosociaux constitue le prolongement naturel de la prvention des risques physiques, pour laquelle DuPont de Nemours avait dj men une dmarche avant-gardiste. Cest sans doute en raison de cette longue histoire et de cette proccupation constante que lEntreprise a cr en 2005, en France, la fonction de responsable Prvention des risques psychosociaux . Sagissant des risques physiques, DuPont de Nemours applique une politique stricte, base sur des observations statistiques : lEntreprise sest rendu compte qu partir de 30 000 actes ou situationsParis, le 19 novembre 2010 14

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

dangereux, il se produisait 3 000 quasi-accidents, 30 accidents avec arrt et un dcs. La politique mene par lEntreprise consiste donc prvenir tous les facteurs de risque identifis, y compris la prsence dune tache de caf sur le sol, qui peut entraner des chutes. 2. Principes et organisation Ds 1995, DuPont de Nemours a cr un dpartement de sant et scurit au travail dans chacune de ses filiales, avec un mdecin par pays et un portail Intranet ddi la sant physique et mentale. Depuis lors, des campagnes de prvention sont menes chaque trimestre au sein de lEntreprise. Chaque employ peut valuer sa sant physique et mentale et un numro vert a t mis en place afin que les salaris disposent, sils le souhaitent, dune coute extrieure lEntreprise. Plus rcemment, une organisation ddie au respect a t mise en place, avec un Monsieur Respect nomm au plan mondial, dont laction est relaye par des directeurs gnraux et un rseau de conseillers en matire de respect des personnes. Il existe aussi une procdure interne visant traiter les soupons de harclement moral, incivilit, conflit ou incident interpersonnel grave. Un comit de pilotage est en cours de cration en France. Jaurai la responsabilit de lanimer, avec mes cts les mdecins du travail, les Secrtaires des CHSCT, les dlgus syndicaux centraux et des reprsentants de lencadrement dans diffrentes activits de lEntreprise. Ce comit aura pour rle de : raliser des diagnostics ; ngocier laccord sur les risques psychosociaux en cours ; dfinir chaque anne deux ou trois axes de prvention des risques psychosociaux (le management et le respect tant les axes retenus pour 2011) ; affiner le contenu des Documents Unique dvaluation des risques ; suivre les actions menes et communiquer sur ces actions.

3. Actions menes Nous menons des observations du climat social, en nous attachant reprer dventuels dysfonctionnements organisationnels, auquel cas nous tablissons un rapport qui constitue gnralement le socle dun plan dactions. Il existe aussi un programme de formation des superviseurs et des groupes danalyse de pratiques managriales : de petits groupes de managers sont constitus, sur une base volontaire, afin de leur permettre dchanger propos de leurs difficults et des solutions quils ont pu identifier. Nous avons par ailleurs cr les ateliers changement et incertitude , afin daccompagner en amont les changements dans lEntreprise, dans divers domaines (mthode, outils informatiques, rorganisation, accompagnement des plans sociaux). Mon rle me conduit galement jouer un rle de mdiation entre individus ou au sein de groupes, lorsquun problme mest signal. Cela me permet de reprer les attitudes de mal-tre pouvant exister dans lEntreprise et dessayer dagir sur lorganisation afin dy remdier.

Paris, le 19 novembre 2010

15

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

4. La place de la formation Ds 2002, DuPont de Nemours avait lanc une dmarche de formation la prvention du harclement moral. En 2005, jai lanc les ateliers de transition , afin daccompagner les salaris, en amont des rorganisations, dans le processus de changement, de sorte quils le vivent mieux, a minima, dfaut de laccepter. Une formation de prvention et de gestion du stress a t mise en place en 2006. Je forme les reprsentants de lencadrement, les instances reprsentatives du personnel et les CHSCT la notion de risques psychosociaux, afin que chacun parle le mme langage dans lEntreprise. Nous avons cr une formation la gestion des conflits et des incivilits. Il existe enfin, depuis 2010, une formation de quatre heures ddie au tltravail. Elle rpond une vritable attente, dont nous navions pas mesur lampleur, au regard du sentiment disolement quprouvent les salaris en tltravail. La formation constitue avant tout un espace de parole. Si loutillage thorique est certes utile, ces moments, qui recrent du collectif, permettent surtout aux salaris de retrouver une vision globale et une lecture comprhensible de leur environnement. Cela ma aussi permis, dans certains cas, didentifier des problmatiques graves et dlaborer un changement. Les salaris trouvent l une occasion de poser le conflit hors deux-mmes et dexprimer une colre ou un dsarroi, partir desquels nous pouvons ensuite essayer dagir collectivement. Jai pu mesurer, dans mon exprience de terrain, quel point les causes des facteurs de risque taient intriques. Il est inexact, mes yeux, daffirmer que les causes de risques psychosociaux sont uniquement organisationnelles. Un autre facteur important rside par exemple dans lanxit gnrale des salaris. Je fais dailleurs lhypothse dune pathologie du lien lorigine des risques psychosociaux. Je pense au lien social mais aussi au lien psychique qui relie chaque individu au monde. Les individus ne comprennent plus le monde en raison de phnomnes que nous connaissons bien : la monte de lindividualisme, la mondialisation, les nouvelles technologies, qui suscitent des comportements nouveaux et potentiellement destructeurs de liens (fragmentation de la pense, zapping des tches et de la consommation, sentiment disolement, virtualit des changes, incapacit danticiper et de mettre en lien les vnements entre eux).

III. Echanges avec la salleBatrice BAUDOT Je travaille au sein dune grande entreprise sur les risques psychosociaux. Votre intervention me parat trs clairante. Jen retiens notamment la question de lengagement des salaris et du cadre dfinir avant toute intervention. Pourriez-vous revenir sur ces deux points ?

Paris, le 19 novembre 2010

16

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

Franoise PAPACATZIS Les gens ont besoin dun chef identifi et dobjectifs clairs. La fiche de poste doit tre limpide, faute de quoi les salaris se sentiront perdus. Cest ce moment-l que lagressivit va se faire jour. Or le chef tant parfois loign, a fortiori dans une entreprise matricielle comme la ntre, lagressivit peut se tourner vers dautres personnes. Il est donc important que le responsable hirarchique soit prsent, ne serait-ce que par tlphone, afin de permettre au salari de sexprimer. Il doit aussi exister des processus transparents et comprhensibles pour tous en matire dvaluation et de progression de carrire. Quant lengagement des salaris, jessaie pour ma part de faire prendre conscience aux salaris quils ont aussi un rle jouer. On ne peut mettre sur le dos de lentreprise, par exemple, tous les problmes lis lindividualisme. Je les invite rgulirement commencer par se dire bonjour entre eux, se parler, etc. Nous travaillons naturellement sur lorganisation mais il me parat important de faire grandir chacun du point de vue de cette responsabilit individuelle. Franois PLUMET, IREFE (Institut Rgional dEtudes, de Formation et dExpertise de la CFDT) Ile-de-France La CFDT sest dote dinstituts de formation et nous organisons des formations depuis prs de cinq ans autour des risques psychosociaux, en particulier sous langle des apports de la psychodynamique et de notre lgitimit parler du travail. Il me parat important de ne pas ngliger la place des organisations syndicales dans ce type de dmarche. Franoise PAPACATZIS Au sein de DuPont de Nemours, les organisations syndicales ont dabord t trs rticentes quant ma fonction : elles me voyaient comme un suppt de la Direction. Le dialogue et lexprience ont permis de faire voluer ces rapports, au fil des ans. Je crois beaucoup au fait davancer ensemble pour une dmarche de ce type. Jai besoin des organisations syndicales, ne serait-ce que pour me signaler des problmes constats sur le terrain. Ce type de dmarche constitue aussi une excellente occasion dalimenter le dialogue social, qui peine parfois sinstaurer rellement dans notre pays. Christophe BIGNET Je suis Secrtaire du CHSCT dune entreprise aussi grosse que DuPont de Nemours, 3M, qui intervient galement dans le secteur de la chimie. Nous voyons arriver dans notre entreprise des mthodes de management telles que le Lean Management et SIG SIGMA. Comment percevez-vous le dferlement de ces mthodes, du point de vue de leur impact sur les salaris ? Franoise PAPACATZIS La mthode Lean Kaizen a galement t mise en place au sein de DuPont de Nemours. Dun point de vue humain, ce type de mthode base sur la chasse au gaspillage, sans permettre aux gens de se parler entre eux, me parat une catastrophe, y compris du point de vue de la performance : celle-ci

Paris, le 19 novembre 2010

17

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

sera sans doute au rendez-vous pendant six mois. Mais nous risquons de constater des effets dltres par la suite.

Paris, le 19 novembre 2010

18

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

Place et rle de la formation dans les dmarches de prvention : Prsentation de ltude ralise par le GARF et lANACTCharge de mission, ANACT Une dmarche de prvention suppose lengagement de la Direction et la mise en place dun groupe de projet impliquant notamment les partenaires sociaux, les interlocuteurs RH, la mdecine du travail et lassistante sociale. Le processus doit tre aliment par des indicateurs internes, pour apprhender la situation au sein de lentreprise. La formation est galement essentielle, pour comprendre comment, partir des donnes disponibles, mettre en place des actions concrtes. Avant de lancer une formation, il est indispensable de sinterroger sur la situation de lentreprise au regard du sujet qui doit y tre abord et sur les objectifs qui sont viss. En effet, la manire daborder ces questions ne sera pas identique selon que lentreprise vit une situation sereine froid , ou lorsquelle traverse un situation chaud , cest--dire quand elle se trouve dans un contexte de crise caractris par un climat social dgrad, des conflits sociaux, des actes de violence, des cas de burnout et /ou de dpressions, voire des suicides. Selon ces deux cas de figure, les enjeux varient. Dans le premier, la priorit est de prendre en charge les individus en souffrance. Dans le second, il sagit avant tout de mettre en place un systme de veille et dalerte. La situation des entreprises nest pas toujours aussi marque, entre situation chaud et situation froid , et le basculement dun contexte lautre demeure fragile. Traiter le stress au travail et les RPS est un sujet sensible qui met en avant des diffrences de points de vue entre les acteurs ainsi quun risque de mise en cause du management. Pour autant, aborder ce sujet froid , en labsence de manifestations graves, facilite le dialogue et ouvre vers des actions concrtes. La tentation est grande dapporter une rponse par la formation la problmatique du stress en entreprise. Elle sinscrit dans une logique daction centre sur linformation, loutillage et la monte en comptences des collaborateurs directement concerns et/ou des managers. Cette approche nest pas spcifique la prvention des RPS. De nombreux dysfonctionnements ou problmes rencontrs en situation de travail sont souvent perus exclusivement comme des insuffisances de comptences sans que lon examine les ventuelles causes organisationnelles. Lactualit sur les problmes de souffrance au travail, la difficult des entreprises apprhender le problme du stress et agir sur ses causes, ainsi que labondance et la diversit de loffre de formation sur ce champ, tendent renforcer cette tentation. Il ne sagit pas ici de minorer les intrts de la formation dans la prvention des risques professionnels, bien au contraire, mais de dfinir parmi les autres leviers dactions sa place, son rle ainsi que ses conditions de ralisation.

Sgolne JOURNOUD

Schmatiquement, le recours la formation dans une dmarche de prvention des risques professionnels sappuie principalement sur trois typologies en vue de :

Paris, le 19 novembre 2010

19

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

1) sensibiliser lensemble de lentreprise, 2) outiller les acteurs impliqus dans la dmarche de prvention, 3) rguler les dysfonctionnements et problmes identifis. Bien entendu chacune de ces typologies correspond des objectifs, modalits et populations cibles diffrents Au dmarrage dune dmarche de prvention, la premire action formation visera sensibiliser lensemble des acteurs de lentreprise. Il sagit gnralement dapporter un premier niveau dinformation sur le sujet aux diffrents acteurs salaris, manager, RH, partenaires sociaux afin de savoir de quoi on parle. Cest galement loccasion de partager des reprsentations trs diverses sur un sujet sensible et parfois conflictuel, afin de se mettre daccord sur les termes retenir dans le contexte de lentreprise : stress, RPS, souffrance au travail, sant mentale ou encore bien-tre, etc. Un point dattention ce stade : Lorsquune entreprise organise une sance de sensibilisation, elle ouvre en quelque sorte la bote de Pandore . Elle doit donc se prparer ce quil y ait des suites. Dans un deuxime temps,La formation outillage sadressera tous les acteurs impliqus dans la dmarche, que ce soit les responsables RH, les responsables des risques psychosociaux dans les entreprises qui sen sont dots ou les reprsentants du personnel. Lobjectif est de les prparer engager le diagnostic, puis mener lanalyse et laborer des plans dactions. La formation de rgulation intervient un troisime niveau, lissue du diagnostic. Elle vise mettre fin aux dysfonctionnements observs et peut aborder les diffrents niveaux de prvention (primaire, secondaire, tertiaire) en croisant les diffrentes familles de risques telles que : le changement organisationnel, lorganisation et les contraintes de travail, ou encore le management, etc A titre dexemple, au niveau primaire, le management est souvent mis en cause dans les diagnostics conduits, et les formations destines ce public sont identifies comme un levier dactions. De notre point de vue, il ne sagit pas ici de stigmatiser cette population en la montrant du doigt et en lui rappelant les bons principes de management, mais de la sensibiliser sur son rle en tant que capteur de tensions, transmetteur des actions de prvention, et enfin rgulateur par son action de management du travail. Pour conclure, la formation nest pas une fin en soi. Elle doit sintgrer parmi dautres leviers dactions (reconnaissance, travailler sur le contenu du travail) et de dmarches (diagnostic, processus de dialogue social, recueil dindicateurs). Au-del de la formation, il importe de dpasser les comportements individuels et collectifs pour rinterroger lorganisation et le management du travail, en particulier, de sinterroger sur les marges de manuvre des acteurs concerns pour agir. Comme pour lensemble de la dmarche sur la prvention des RPS, il est impratif dimpliquer la Direction qui doit montrer son engagement, notamment pour les formations de type outillage qui guident la phase de diagnostic et bien souvent impulsent les acteurs dans une vritable mise en mouvement.

Paris, le 19 novembre 2010

20

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

En fin de compte, agir en formation sur les RPS, cest traiter des dysfonctionnements, et donc ouvrir un certain nombre de sujets en lien avec organisation, comptences, management et dialogue social.

Francis MORIERResponsable Etude et Prospective, GARF Toutes les interventions que nous avons coutes depuis ce matin montrent la complexit du sujet. Pour les acteurs de la formation, il reprsente un vritable dfi. Lactualit a mis laccent sur les risques psychosociaux mais beaucoup de travaux avaient dj t mens prcdemment sur le sujet. Le GARF avait ralis plusieurs tudes pour informer les acteurs de terrain des enjeux, notamment au moment de la publication de la loi RSE. La faon de manager les quipes et de conduire la formation sinscrit dans cette responsabilit sociale et environnementale. Les acteurs de la formation ne doivent pas rester isols en attendant quon leur demande dintervenir. Ils doivent chercher tre associs en amont, ce qui, je le reconnais, nest pas forcment simple. Leur dmarche doit se situer la fois au niveau de la stratgie de lentreprise et de la stratgie de ressources humaines. Il ne sagit pas seulement de dvelopper des comptences dans une optique de performance mais damlioration de la qualit de vie au travail. Sils ne sont pas les seuls, les acteurs de la formation sont probablement les mieux placs pour avoir une approche transversale de lactivit, des hommes et de lorganisation. Cette manire denvisager les choses sapplique particulirement en ce qui concerne les risques psychosociaux.

Paris, le 19 novembre 2010

21

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

Regards sur la formation des managersDoctorant en Sciences de Gestion, Universit Paris Dauphine Ma prsentation sinscrit dans le cadre dune recherche en cours, mene en partenariat avec lANACT. Elle nest pas destine vous expliquer ce quil faut faire pour former les managers. Lide est avant tout douvrir la rflexion sur des formations qui sont de plus en plus courantes mais qui posent un certain nombre de questions. Les lments sur lesquels je mappuie sont issus dune vingtaine dentretiens organiss avec des chargs de prvention, des chargs de mission risques psychosociaux, des consultants, des coachs ou des responsables syndicaux. Jai galement assist un certain nombre de journes universitaires ou de colloques. Lobjectif tait didentifier les actions menes actuellement en matire de gestion des risques psychosociaux. Jai eu accs principalement de grandes entreprises. Globalement, les tudes montrent que les salaris et DRH sinterrogent sur la qualit du management et les comptences des managers. Lamlioration des pratiques managriales est la premire rponse apporte par les entreprises aux problmatiques de risques psychosociaux. Pour y parvenir, elles font appel de la formation. Les managers eux-mmes reconnaissant quils se sentent souvent dmunis, car ils nont pas toujours t prpars la conduite des quipes. Beaucoup de rapports ont t rdigs la demande du gouvernement sur ce contexte. Tous font rfrence la formation des managers. Ils insistent, des degrs divers, sur la ncessit de leur apporter des connaissances sur le cadre lgal, les facteurs de risques, leurs consquences de ces derniers et les dmarche de prvention. En parallle, ils reviennent sur limportance de savoir animer des quipes. De nombreux accords ont t signs au sein des entreprises depuis deux ans. Une majorit dentre eux prvoient une formation des managers, qui peut sintgrer dans des dmarches de professionnalisation et stendre toute la ligne hirarchique. Globalement, lobjectif est de favoriser une prise de conscience et de travailler sur lamlioration des pratiques managriales. A ct des formations classiques, qui ne sont dailleurs pas homognes, se dveloppent des ateliers dchanges de pratiques, le coaching et laccompagnement. Les dispositifs sont trs divers. Toutefois, lensemble des actions vise sensibiliser, permettre aux managers de connatre les acteurs chargs de la prvention, faciliter la dtection des personnes en difficult et mieux apprhender les facteurs de risques. Des outils peuvent tre proposs pour prendre du recul par rapport la situation de travail, identifier les points de tension et dfinir des solutions plus adaptes. Un certain nombre de questions peuvent se poser quant la structuration de la dmarche : en interne ou non ? quelle adaptation lorganisation ? quels profils dintervenants ? participation sur la base du volontariat ou non ? mlange des mtiers ou non ? mlange hirarchique ou non ? du haut vers le bas ou linverse ?22

Stephan PEZE

Paris, le 19 novembre 2010

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

Il est galement important de sinterroger sur la manire de larticuler avec la politique globale de gestion des risques psychosociaux au sein de lentreprise et avec les autres modes daccompagnement des managers. Elle doit sintgrer dans un ensemble plus gnral. Elle doit en outre tre prennise dans une logique de professionnalisation. Les pratiques doivent tre repenses non pas ponctuellement mais de manire plus profonde. La pertinence de la dmarche peut aussi soulever des questionnements. Quels messages sont envoys aux managers en mettant en place une formation ? Celle-ci entrane-t-elle des risques de stigmatisation de cette population, en donnant limpression quils ne sont pas comptents dans leurs fonctions dencadrement ? Jusquo leur transfre-t-on la responsabilit de problmes qui ne se jouent pas leur niveau ? Comment prendre en compte le mal-tre des managers ? La rflexion ne doit pas prendre uniquement en compte la gestion des risques psychosociaux et leur rduction. Elle doit aller au-del et porter, de manire globale, sur les mthodes de management en vigueur au sein de lentreprise. Le terme de managers renvoie en outre des situations trs varies. Certaines personnes sont cadres, dautres non. Elles peuvent hirarchiquement encadrer des quipes, y compris avec des collaborateurs travaillant en leur sein de manire indpendante, ou intervenir dans une logique matricielle. Cette diversit doit tre prise en compte. La mise en place de formations managriales pour rsoudre les problmes est peut-tre une fausse bonne ide. Il est demand aux managers de revoir leurs pratiques mais peut-tre rencontrent-ils aussi des difficults pour tre lcoute de leurs quipes, du fait de laspiration par dautres tches (reporting, multiplication de runions, etc.) ? Dans un certain nombre de cas, leur donner davantage de temps pour se concentrer leurs fonctions dencadrement pourrait dj constituer un dbut de solution. Je ne prtends pas dire ce quil faut faire ou ne pas faire mais je me pose un certain nombre de questions, quil me semble ncessaire de rgler avant de mettre en place une dmarche de formation des managers. Celle-ci doit rellement tre adapte au diagnostic et lorganisation et impliquer les managers afin de rpondre leurs besoins en vue de les soutenir.

Paris, le 19 novembre 2010

23

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

Echange avec la salleDe la salle, Universit Clermont II Dans le management traditionnel, le chef tait seulement charg de donner des ordres. A partir des annes 60, il est devenu un passeur de contraintes . Son rle est de donner envie. Je me demande si une partie de la crise actuelle nest pas lie aux fait que le manager se trouve lui-mme dans des situations impossibles. Dans ce contexte, le coach ne fait-il pas que renforcer quelque chose qui fonctionne dj trs mal ? Namne-t-il pas une pression psychologique supplmentaire ? Il est en tout cas intressant de se replacer dans une vision historique plus large pour essayer de comprendre le malaise que nous constatons aujourdhui. Stephan PEZE Vous avez raison. Rita DI GIOVANNI, Charge de mission, MIDACT Toutes les entreprises nont pas de responsables de la formation. Lorsquelles en ont, ceux-ci sont souvent mal positionns dans la dmarche de prvention des risques psychosociaux. Ils interviennent gnralement trs tardivement, une fois que le travail dvaluation a t ralis. La plupart des entreprises commencent par la formation des managers. Or une fois que ceux-ci ont t mis en situation de prendre en compte les problmes, ils ne peuvent se rattacher aucune dmarche globale. Le plus souvent, celle-ci na pas encore t construite. Du fait de ce manque de coordination, ces personnes se retrouvent donc en grande difficult. De la salle, Cadre en Qualit, Prvention et Organisation, Comit dentreprise dEDF GDF Nous avons sign un accord sur la prvention des risques psychosociaux. Celui-ci prvoit un comit de suivi, auquel participe la responsable de la formation. Nous avons privilgi une approche pluridisciplinaire. Malgr la difficult de travailler avec un grand nombre dacteurs, il sagit dune exprience enrichissante. Anne-Marie DEVAIVRE, AINF Nous avons men, il y a quatre ans, une tude sur les voies formant les futurs cadres, en loccurrence les coles dingnieurs, les coles de commerce et luniversit. Nous avons pu constat que les risques psychosociaux ntaient pas forcment apprhends. Un directeur ma mme expliqu que son tablissement formait aux choses srieuses . Ce discours ne pourrait probablement pu tre tenu aujourdhui mais ce nest tout de mme pas trs ancien. De la salle Il a t trs peu t question du retour dexprience, qui est trs utilis dans le domaine de la scurit. Cette mthode permet de comprendre ce qui sest pass.

Paris, le 19 novembre 2010

24

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

De la salle Nous lutilisons dans tous les cas daccident, mme bnin. Nous en tirons des enseignements que nous diffusons mondialement. Nous allons tendre cette dmarche aux attitudes respectueuses et irrespectueuses, sur lesquelles nous commenons travailler. L encore, nous mettrons en place une communication mondiale. De la salle Tenez-vous compte de la dimension culturelle, surtout en ce qui concerne les attitudes respectueuses et irrespectueuses ? De la salle Pour le moment, nous sommes cals sur les standards amricains.

Paris, le 19 novembre 2010

25

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

Table ronde : Formation aux risques psychosociaux : Quels objectifs ? Quels besoins ? Quelles rponses ?Laurence CARLINET, Directrice du Dveloppement, AGEFOS PME Frdric CATHUS, Charg de mission, Groupe ALPHA Raphale GRIVEL, Responsable Formation et Innovation RH, ARKEMA Mathilde MONTALBONEL, Responsable Formation, VTE Olivier PASTUREL, DRH Europe, Schneider Electric La table ronde est anime par Patrick CONJARD, Charg de mission, ANACT. Patrick CONJARD Nous sommes tous convaincus de limportance de la formation dans la prvention des risques psychosociaux. Les interventions prcdentes ont toutefois montr que sa place dans la dmarche soulevait un certain nombre dinterrogations. Chez Schneider Electric, il me semble que des rflexions sont menes sur le positionnement de la formation des managers dans les dmarches de prvention. Olivier PASTUREL Je travaille au sein de la DRH Europe de Schneider Electric. Depuis deux ans, jai men un projet de rorganisation de la fonction RH, dont le premier message tait le manager est le premier RRH de son quipe . Evidemment, une telle approche a des consquences importantes, notamment sur le rle qui lui est confi. Depuis de nombreuses annes, nous avons intgr un volet sur la prvention des risques psychosociaux mme si le terme employ tait diffrent au sein de nos formations. Nous avons galement resserr les liens entre les intervenants mdico-sociaux prsents dans lEntreprise, la fonction RH et la fonction managriale, mme ceux-ci se manifestent plutt en aval, dans le curatif. Nous avons donn nos managers des outils extrmement performants, notamment dans la gestion individuelle de leurs collaborateurs. Ils ont t informs de ce quils devaient faire dans le cadre des entretiens dvaluation, des entretiens de carrire ou des 360 . En revanche, nous navons probablement pas mis suffisamment laccent sur leurs consquences concrtes pour les individus. Dune manire gnrale, nos formations ne dpassent pas le cadre de loutil. Il faudrait quelles investissent dautres champs, y compris les aspects psychologiques. La gestion des risques psychosociaux est une problmatique du quotidien. Elle doit tre prsente dans tous les actes managriaux. Patrick CONJARD Raphale Grivel, vous disposez maintenant dun peu de recul par rapport aux dmarches de prvention des risques psychosociaux et la place qui y est accorde la formation.

Paris, le 19 novembre 2010

26

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

Raphale GRIVEL Je ne sais pas si je dispose de recul mais je suis effectivement en charge de la dmarche sur la prvention du stress au sein dARKEMA. La formation est totalement intgre dans lapproche globale de prvention du stress de lEntreprise, puisque je suis la fois responsable de la formation et des projets RH. La dmarche a t engage il y a trois ans, avec la constitution dun groupe pluridisciplinaire. Elle sest traduite notamment par la mise en place dune journe de formation sur le rle du manager face au stress. Celle-ci a t intgre dans une formation existante destine aux managers confirms. Il sagit, selon moi, dun point extrmement important. Un accord sur la prvention du stress a t sign au mois de mai dernier, avec quatre organisations syndicales. Il intgre les aspects de formation, de sensibilisation et de communication. Patrick CONJARD Je crois que vous avez t confronte aux problmatiques de stigmatisation des managers qui ont t voques tout lheure. Raphale GRIVEL Nous avons ajout une journe de formation sur le rle du manager face au stress dans le cursus existant mais nous la proposons galement dans notre catalogue. Nous avons enregistr trs peu dinscriptions. Cette situation minterpelle beaucoup. Le fait de se porter volontaire pour participer ce type dactions renvoie probablement des choses difficiles, ventuellement la crainte de la stigmatisation ou la culpabilisation. Patrick CONJARD La formation nest pas isole. Comment larticuler avec les dmarches de prvention ? Frdric Cathus, quelles sont les observations que vous avez pu faire ce sujet ? Des tendances se dgagentelles ? Des volutions sont-elles dj intervenues ? Frdric CATHUS Le Groupe ALPHA a un positionnement un peu spcifique, puisquil travaille principalement avec les reprsentants du personnel. Ces derniers taient aussi dmunis que les Directions sur ce sujet. Finalement, la maturation a t parallle et globalement convergente. La nature des demandes que nous recevons a volu trs sensiblement depuis 12 ou 18 mois. Beaucoup ne rentrent pas dans le cadre des instances reprsentatives du personnel mais sont formules soit par les Directions seules, soit de manire paritaire. Il sagit dun mouvement de fond, qui rvle probablement beaucoup de choses sur la faon dont le sujet est pris en compte dans les entreprises.

Paris, le 19 novembre 2010

27

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

Les Directions acceptent dsormais que la stratgie puisse avoir des consquences sur la sant au travail. Ce ntait pas forcment le cas il y a encore peu de temps. Cette prise de conscience est galement lie des considrations juridiques et conomiques. Depuis lexprience de France Tlcom, les entreprises mesurent galement limpact possible en termes dimage. Dune manire gnrale, les Directions sont sorties du dni. Elles acceptent les missions de diagnostic et, pour la plupart, la mise en place de plans dactions. Elles ont plus de difficults admettre que leur modle organisationnel puisse tre remis en cause. La plupart des modles organisationnels qui ont t mis en place (fonctionnement en mode projet, fonctionnement matriciel, lean management, etc.) sont assez pathognes. Nous pouvons proposer des ajustements mais il nest pas toujours facile, en tant quintervenant extrieur, de savoir qui sadresser et quand le faire. Les choses voluent nanmoins. Nous entrons dans une inversion de cycle. Nous pouvons faire lhypothse que les variables RH seront de plus en plus intgres dans les rflexions.

Nous devons certainement nous interroger sur le rle et le pouvoir de dcision de la fonction RH au sein de lentreprise. Trop souvent, celle-ci nintervient pas en amont des projets. Tant que cette situation naura pas volu, nous rencontrons des problmes, notamment de risques psychosociaux. Ce matin, a t voque la question du choix des prestataires. Je reconnais quune bulle est en train de se crer sur le sujet des risques psychosociaux. En ce qui concerne le diagnostic, il existe un march ancien et trs construit. Les intervenants sont srieux. La situation est moins claire pour la suite du processus, en loccurrence la dfinition des plans dactions. Il faut tre extrmement vigilant. Le cahier des charges doit tre prcis. Les prestataires doivent avoir une exprience et prsenter des rfrences. Vous devez par ailleurs vous assurer que vous comprenez les modles thoriques prsidant leur intervention. Patrick CONJARD Mathilde Montalbonel, il me semble que vous placez la formation au second plan, laccent tant mis sur le conseil et laccompagnement. Mathilde MONTALBONEL Je suis psychologue du travail au sein de la SCOP VTE (Violences Travail Environnement). Cette structure existe depuis dix ans. Son seul objet est dintervenir dans les dmarches de prvention des risques psychosociaux. Je suis officiellement responsable de la formation mais lintitul de mon poste me sert seulement communiquer avec les entreprises. En effet, celles-ci ne nous consultent que parce quelles ont une demande de formation. En fait, je suis coordinatrice de la prvention secondaire. La formation nest quun outil. Elle est souvent un prtexte pour intervenir dans les entreprises.

Paris, le 19 novembre 2010

28

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

Patrick CONJARD LAGEFOS PME a travaill sur la place de la formation dans la prvention des risques psychosociaux. Un sminaire, auquel lANACT a particip, a notamment t organis ce sujet au mois davril dernier. A cette occasion, une enqute avait t mene auprs de DRH. Laurence Carlinet, en quoi leur rle est-il davantage mis en avant dans les processus de changement ? Laurence CARLINET Les OPCA ne sont pas seulement des financeurs. Ils ont dsormais des missions de conseil, de sensibilisation et dinformation. Nous avons men une enqute auprs des DRH de nos socits adhrentes. Evidemment, nous excluions de fait les TPE et PME qui ne disposent pas dune telle fonction. Au total, nous avons obtenu une cinquantaine de rponses. Globalement, les DRH se sont dclars motivs et relativement comptents mais trs peu outills. Il est en outre apparu que les thmes lis au stress taient trs peu prsents dans les politiques de formation. Ils restent galement absents des priorits des branches professionnelles. Patrick CONJARD Si la formation autour de la prvention des risques psychosociaux nous parat importante, elle ne correspond peut-tre pas tant que cela la ralit du terrain. Laurence CARLINET Les risques psychosociaux ne sont plus tabous mais le sujet nest pas encore intgr dans les politiques de formation. Olivier PASTUREL Si nous voulons sensibiliser les managers sur des sujets RH, nous avons souvent intrt les aborder de manire un peu dtourne. Il faut que les managers se rapproprient la question de lorganisation du travail. Je pense que nous lavons abandonn depuis une dizaine dannes. Jespre que nous pourrons rinvestir ce champ. Quelques volutions se font jour. Je le constate chez Schneider Electric. Frdric CATHUS Il serait ncessaire de renforcer la formation des dirigeants pour quils intgrent mieux les problmatiques de ressources humaines. Les efforts devraient commencer ds la formation initiale. Le management nest pas quune affaire de stratgie et de gestion. Malheureusement, nous constatons que les progrs faits sont souvent lis des proccupations dordre juridique ou dimage.

Paris, le 19 novembre 2010

29

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

Patrick CONJARD La plupart des accords prvoient de la formation. La plupart des sollicitations que nous recevons se placent galement sur ce terrain. Quelles sont les particularits de la formation mise en uvre dans le domaine des risques psychosociaux ? Vos tmoignages montrent quelles semblent nombreuses. Raphale GRIVEL La conception des formations sur les risques psychosociaux est spcifique. Elle repose gnralement sur des approches pluridisciplinaires et paritaires. Patrick CONJARD Comment sy retrouver dans loffre de formation ? Raphale GRIVEL Il est vrai quil est difficile de slectionner des prestataires. Nous portons une vive attention au lien entre le domaine dactivit principal de lorganisme et la prvention des risques psychosociaux. Parfois, celui-ci semble assez hasardeux. Il faut galement bien dfinir ses besoins. Certains intervenants sont plus spcialiss sur les approches individuelles, dautres sur les approches collectives. Il est probablement souhaitable de faire appel plusieurs partenaires en fonction des dimensions dployer. Patrick CONJARD Existe-t-il des postes de prventeur dans vos entreprises ? Quel est leur profil ? Olivier PASTUREL Les questions de sant au travail sont clairement portes par la fonction RH. Il en a toujours t ainsi, mme si leur champ est aujourdhui plus large. Une fonction mdico-sociale est galement prsente dans lentreprise. Elle est trs implique dans la prvention des risques psychosociaux. Elle intervient comme expert. Laurence CARLINET Dans les grandes entreprises, nous observons la constitution de rseaux de veille, dconnects du management direct. Des rflexions sont en cours sur lutilisation des tuteurs, notamment dans le contexte de prise en compte de lemploi des seniors. Des parcours pourraient se mettre en place mais la plupart restent construire.

Paris, le 19 novembre 2010

30

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

Patrick CONJARD Mathilde Montalbonel, peut-tre pouvez-vous nous dire quelques mots sur les spcificits de la formation dans le domaine de la prvention des risques psychosociaux ? Mathilde MONTALBONEL Lorsquune entreprise fait appel VTE, elle est souvent en situation durgence. Notre cadre dintervention est donc spcifique. Nous essayons toutefois de dpasser cet tat de crise. Un jour, nous avons t contacts par une association du champ mdico-social. Un de ses services rencontraient de graves difficults, avec des relations trs compliques entre les individus. Lalerte tait relativement importante. Nous avons un certain nombre de pr-requis pour intervenir. Le principal est limplication de la Direction. Nous avons choisi de dployer une formation, car aucun coupable navait t dsign. Si cela avait t le cas, nous aurions peut-tre privilgi un autre mode daction. Nous avons essay de crer les conditions dun rassemblement de lensemble des collaborateurs, en favorisant les changes. Nous avons essentiellement eu un rle danimateur. Progressivement, nous avons pu revenir aux problmatiques directement lies au travail. Le modle des tensions, que nous avons repris lANACT, nous a permis davancer. Souvent, la formation sert de prtexte pour alimenter le dbat.

Paris, le 19 novembre 2010

31

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

ConclusionPatrick CONJARD, Charg de mission, ANACT Beaucoup de rflexions convergent. Les dbats que nous avons eus depuis ce matin confirment que nous ne sommes pas dans une approche idalise de la formation. Si elle est un levier, il faut faire preuve de vigilance et respecter un certain nombre de conditions. La formation nest pas, en tant que telle, une solution aux problmes de risques psychosociaux. Il faut galement prendre en compte les questions dorganisation du travail et de comptences. Nous sommes largement revenus sur ces aspects au cours de la journe. Si elle nest pas une solution, la formation est un levier daction. Elle permet une mise en mouvement des acteurs (Direction, partenaires sociaux, management, etc.). La formation sur la prvention des risques psychosociaux prsente un certain nombre de particularits. Elle requiert, par consquent, une approche spcifique. Nous devons probablement continuer approfondir ces aspects. Francis MORIER, Responsable Etude et Prospective, GARFIl serait prtentieux de vouloir faire une synthse de la journe en quelques minutes, tant les interventions taient riches. Je me contenterai de livrer quelques rflexions partir ce que jai retenu. Guy Jobert, parlant des comptences dans lagir humain nous a indiqu quelles reprsentaient un investissement de la personne . Henri Lanouzire a insist sur la place du dialogue social dans les organisations. Enfin, jaimerai citer Franoise Papacatzis, qui nous a dit concevoir la formation comme devant fournir des espaces de paroles ,. Je terminerai en proposant aux acteurs de la formation trois orientations pour conduire leur action face aux enjeux des RPS : la comprhension du travail, la concertation avec les autres acteurs, la construction de sens. COMPREHENSION du TRAVAIL : pour rpondre aux besoins de comptences ne suffit pas, il nous faut une vritable connaissance du travail et conduire une analyse de lactivit CONCERTATION AVEC les ACTEURS : la formation na de sens que si elle se place dans une dmarche concerte avec tous les autres acteurs concerns, mdecins, CHSCT, etc. CONSTRUCTION de SENS : les comptences ne sont pas seulement au service de la performance mais doivent galement permettre le dveloppement des personnes. Je remercie tous ceux qui ont contribu cette journe, et notamment lANACT, partenaire privilgi du GARF.

Paris, le 19 novembre 2010

32

Les risques psychosociaux en entreprise

GARF

Document rdig par la socit Ubiqus Tl. 01.44.14.15.16 http://www.ubiqus.fr [email protected]

Paris, le 19 novembre 2010

33