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577 > Colonisation et indépendance Séquence 11-HG00 Seuls les élèves en Terminale S étudient cette séquence. © Cned – Académie en ligne

Colonisation et indépendance

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Page 1: Colonisation et indépendance

577

> Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00

Seuls les élèves en Terminale S étudient cette séquence.

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Page 2: Colonisation et indépendance

Sommaire Séquence 11-HG00 579

Chapitre 1 > L’Europe domine le monde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 581

A Des Européens plus nombreux ou la tentation d’être présents sur toute la planète

B Une écrasante supériorité économique

C L’Europe se propose en modèle

Chapitre 2 > L’aventure coloniale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 589

A Principales causes de l’aventure coloniale � Des origines économiques et financières

� Une irrésistible volonté de puissance

� Des origines culturelles

B L’expansion coloniale

C L’ordre colonial � Contrôler

� Exploiter

D Un ordre de plus en plus contesté � Dans les métropoles, l’exemple français

� Dans les colonies, de la résistance à l’émergence des mouvements nationalistes

Devoir-type

Explication d’un document iconographique « 100 ans de domination coloniale » (affiche)

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Page 3: Colonisation et indépendance

Chapitre 3 > Du Tiers-Monde au Sud : Indépendances, contestations de l’ordre mondial et diversification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 607

A Un contexte favorable aux décolonisations

B Le temps des indépendances

C L’échec du Tiers-Monde a pesé sur les relations internationales

D La fin du Tiers-Monde et l’émergence des « SUD »

Sommaire séquence 11-HG00580

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Page 4: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 581

L’Europe domine le monde

Quels sont les aspects de la domination européenne sur le monde ?

PLAN : traitement de la problématique

Notions - clés Repères

A – Des Européens plus nombreux ou la tentation d’être présents sur toute la planète

Transition démographique – migrations – émigration – immigration – rayonne-ment culturel – rôle de la Grande Guerre dans les flux migratoires – loi des quotas – xénophobie -

Étudier un tableau de statistiques.

Transcrire des données brutes en pourcentage

En dégager les idées et informations essentielles

Expliquer un discours

B – Une écrasante supériorité éco-nomique

Mondialisation – importations – exporta-tions – division internationale du travail – supériorité technologique et scientifi-que – Europe “ carrefour du monde ” - échanges internationaux – protection-nisme – libre-échange – ports – hégémo-nie financière – City – bourse – capitaux – intérêts – débiteur – libre sterling -

Étudier un tableau de statistiques.

Transcrire des donnés brutes en pourcentage

En dégager les idées et informations essentielles

C – L’Europe se propose en modèle

Diffusion de la civilisation européenne – religion – “ conscience civilisatrice ” - “ fardeau de l’homme blanc ” - allégorie – relation dominant-dominé – position d’infériorité -

1. Découvrir un document (le lire très attentivement)

2. Analyser un document par une série de questions en partant toujours du document puis en l’enrichissant dans un 2e temps de ses connaissances per-sonnelles.

3. Dégager l’intérêt historique d’un document.

Problématique :

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Page 5: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 582

L’Europe de l’âge industriel monopolise les instruments de puissance au moins jusqu’à 1914 ; d’ailleurs cette puissance n’a cessé de se renforcer. La colonisation est une des applications de

cette suprématie.

La domination européenne combine pratiquement tous les aspects :

- humains

- économiques

- idéologiques

À partir de 1850, la population européenne augmente fortement, elle est alors en pleine transition démographique, son taux d’accroissement naturel est élevé. En 1914, la population européenne, c’est déjà plus du quart de la population mondiale ou plus de 480 millions d’habitants.

Nous avons déjà vu ces données dans le cadre de la révolution industrielle ; on en sait les aspects économiques positifs : main d’œuvre plus nombreuses pour les usines, augmentation du nombre des consommateurs…

L’Europe est alors l’espace le plus densément peuplé au monde, bien plus que l’Asie ; elle dispose d’un surplus de population. Avec la révolution des transports, une émigration de grande ampleur est désormais possible.

Dans la 2nde moitié du XIXe, environ 40 millions d’Européens ont émigré principalement vers les États-Unis d’Amérique et secondairement vers l’Amérique Latine. Quelques autres foyers d’émigration européenne sont à noter : Australie, Afrique du Sud.

Cette émigration est importante car les migrants emportent avec eux leur culture et contribuent au rayonnement mondial de la civilisation européenne ; ils amènent leur religion, leur langue, leurs idées, leurs techniques…

Prenons le cas plus spécifique des États-Unis.

Document 1

Origines géographiques des immigrants aux États-Unis de 1800 à 1940

Continents d’origine

1820-1900 1901-1910 1911-1920 1921-1930 1931 – 1940

EUROPE 17 285 913 8 136 016 4 376 564 2 477 853 348 289

ASIE 369 669 243 567 192 559 97 400 15 344

AMÉRIQUE LATINE et Canada

1 219 154 361 888 1 114 671 1 516 716 160 037

RESTE DU MONDE 248 870 53 915 23 017 15 240 4 761

Source : US Immigration and Naturalisation Service.

Questions :

Transcrivez ce tableau de valeurs absolues en pourcentages

Quels sont les principaux enseignements que vous en retirez ?

A Des Européens plus nombreux ou la tentation d’être présents sur toute la planète

Question 1

Question 2

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Page 6: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 583

Réponses :

Continents d’origine

1820-1900 1901-1910 1911 – 1920 1921-1930 1931 – 1940

EUROPE 90,4 % 92,5 % 76,69 % 60,33 % 65,91 %

ASIE 1,93 % 2,77 % 3,37 % 2,37 % 2,90 %

AMÉRIQUE LATINE ET Canada

6,37 % 4,11 % 19,53 % 36,93 % 30,29 %

RESTE DU MONDE 1,3 % 0,62 % 0,41 % 0,37 % 0,9 %

TOTAL 100 % 100 % 100 % 100 % 100 %

- L’immigration vers les États-Unis a été massive jusque vers 1910 et les migrants sont essentiellement des Européens.

- À partir des années vingt, on remarque une forte croissance de la part des latino-américains (ils sont plus nombreux de 1921 à 1930 que dans la décennie précédente alors que les Européens ont moitié moins émigré).

- Les années trente sont des années de fermeture (crise, perte d’attractivité des États-Unis ?)

Les États-Unis se définissaient encore comme pays d’immigration. Dans l’histoire du peuplement états-unien, on peut repérer plusieurs vagues :

- 1re moitié XIXe… 1850 – 1860 : départs massifs des Anglo-Saxons (dont 5 millions d’Irlan-dais)

- 2e vague… 1860 – 1890 : aux flux des Anglo-Saxons s’ajoutent celui des Européens du Nord (Scandinaves) + les Allemands

- 3e vague : de 1890 à 1914 : départs d’Européens du Sud (Italiens), de Slaves (Polonais) et des Juifs fuyant les persécutions (pogroms). Cette population n’a plus la religion protestante comme socle culturel ni la culture anglo-saxonne (comme les Irlandais) qu’avaient les premiers émi-grants ; son intégration est plus problématique et l’on assiste à une forte montée de la xénophobie aux États-Unis.

La Grande Guerre met un terme à ces flux migratoires, l’Europe, humainement affaiblie, n’a plus de population à envoyer à l’extérieur. Aux États-Unis, une nouvelle politique de fermeture des frontières est adoptée dans les années vingt, avec dès 1921 la loi des quotas renforcée en 1924 attribuant un chiffre maximum pour chaque nationalité. Les États-Unis n’accueillent plus annuel-lement que 300 000 personnes dans les années 1920 alors qu’elles étaient plus d’un million de 1900 à 1913 !

Document 2Victor Hugo et l’Afrique en mai 1879

“ Le moment est venu de faire remarquer à l’Europe qu’elle a à coté d’elle l’Afrique. Le moment est venu de dire à l’Espagne, à la France, qu’elles sont toujours là, que leur mission est modifiée sans se transformer, qu’elles ont toujours la même situation responsable et souveraine au bord de la Méditerranée, et que, si on leur ajoute un cinquième peuple, celui qui a été entrevu par Virgile et qui s’est montré digne de ce grand regard, l’Angleterre, on a à peu près tout l’effort de l’antique genre humain vers le travail, qui est le progrès, et vers l’unité, qui est la vie.

La Méditerranée est un lac de civilisation ; ce n’est certes pas pour rien que la Méditerranée a sur l’un de ses bords le vieil univers et sur l’autre l’univers ignoré, c’est-à-dire d’un côté toute la civilisation et de l’autre toute la barbarie. Le moment est venu de dire à ce groupe illustres de nations : Unissez-vous ! allez au Sud ! Il est là, devant vous, ce bloc de sable et de cendre, ce monceau inerte et passif qui depuis six mille ans fait obstacle à la marche universelle.

Victor Hugo. Discours prononcé à l’occasion d’un banquet commémoratif de l’abolition de l’esclavage, 18 mai 1879.

Réponse 1

Réponse 2

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Page 7: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 584

Dieu offre l’Afrique à l’Europe. Prenez-là. Prenez-la, non pour le canon, mais pour la charrue ; non pour le sabre, mais pour le commerce ; non pour la bataille, mais pour l’industrie ; non pour la conquête, mais pour la fraternité. Versez votre trop-plein dans cette Afrique, et du même coup résolvez vos questions sociales, changez vos prolétaires en propriétaires. Allez, faites ! faites des routes, faites des ports, faites des villes ; croissez, cultivez, colonisez, multipliez.

Victor Hugo

Questions

Présentez l’auteur (cherchez des informations complémentaires dans vos manuels de français, dans un dictionnaire…)

Quel motif (reproduit en caractères gras) retient Hugo pour coloniser l’Afrique ?

Quels sont les autres arguments évoqués ?

Quel est celui qu’il refuse a tout prix ?

Comment parle-t-il de l’Afrique ?

Quels seraient les avantages d’une installation d’émigrants en Afrique ?

D’où vient la référence : “ Croissez, cultivez, colonisez, multipliez ” ?

Réponses

Victor Hugo (1802 – 1885) fut un des grands écrivains français du XIX è, poète romantique, drama-turge, il est l’auteur de romans historiques comme “ Notre Dame de Paris ”. Député en 1848, il est un opposant farouche à Napoléon III et s’exile après le coup d’État de décembre 1851 jusqu’à 1870. De retour, il est élu sénateur en 1876.

Hugo quand il dit “ Versez votre trop-plein dans cette Afrique ” fait allusion à l’Europe comme un monde plein ; c’est d’un “ trop-plein ” démographique dont il est question.

Des arguments économiques ; favoriser l’agriculture : “ charrue ” ; le “ commerce ” ; “ l’indus-trie ” ; des arguments moraux : “ fraternité ”

Hugo refuse catégoriquement l’installation en Afrique pour des raisons militaires “ non pour le canon […] non pour le sabre […] non pour la bataille […] non pour la conquête […] ”

Hugo parle de l’Afrique d’une manière caricaturale et manichéenne : “ d’un coté toute la civilisation [l’Europe] et de l’autre toute la barbarie[l’Afrique] ; il la dévalorise systématiquement : “ monceau inerte et passif ” et nie la richesse et même l’existence de ses cultures : “ bloc de sabre de cendre ” [Une terre sans occupation humaine] “ obstacle à la marche universelle ”.

Atténuer les tensions sociales “ résolvez vos questions sociales ” ; un enrichissement possible pour tous “ changez vos prolétaires en propriétaires ” ; cela stimulerait l’activité économique : “ faites des routes… des ports… des villes ”

La dernière référence, sauf pour le qualificatif “ colonisez ” est emprunté à la religion, à la Bible et plus précisément au livre de la Genèse “ Croissez, multipliez vous ”

Question 1

Question 2

Question 3

Question 4

Question 5

Question 6

Question 7

Réponse 1

Réponse 2

Réponse 3

Réponse 4

Réponse 5

Réponse 6

Réponse 7

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Page 8: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 585

B Une écrasante supériorité économiqueL’Europe jusqu’à la spectaculaire affirmation des États-Unis après 1914 domine outrageusement l’économie mondiale alors qu’on assiste déjà au processus de mondialisation de l’économie. L’Europe importe des matières premières de contrées lointaines (coton, caoutchouc, sucre, café, viandes) et conquiert de nouveaux marchés pour ses produits manufacturés (textile, métallurgie…). La division internationale du travail qui en résulte est à l’avantage des Européens.

Que la Révolution industrielle ait eu pour cœur l’Europe n’est pas innocent, elle en acquiert une supério-rité technologique et scientifique sur le reste du monde. Cette supériorité est utilisée dans l’armement, la médecine, les transports… Cumulées, les applications de ces inventions technologiques et découvertes scientifiques permettent à l’Europe de soumettre des continents entiers : Afrique et Asie.

Document 3

1800 1860 1880 1900 1910

PopulationMondeEurope

975205

1260294

1380347

1595414

1750464

Produit National BrutMonde Europe

15641

25491

318127

444189

547232

ÉnergieMondeEurope

7528

200120

390240

765480

1160700

ExportationsMondeEurope

990660

32202100

63704050

92105480

148108650

Population en millions.

Produit national brut en milliards de dollars, prix constants 1960.Énergie, consommation en millions de tonnes équivalent charbon.Exportations en millions de dollars prix constants 1960.

Paul BAIRON, Commerce extérieur et développement économique de l’Europe au XIXe siècle, 1976.

Questions

Transcrivez ce tableau en pourcentage

Dégagez-en les informations essentielles

Réponses

1800 1860 1880 1900 1910

PopulationMondeEurope

10021

10023,3

10025,1

10025,96

10026,51

Produit National Brut

MondeEurope

10026,28

10035,83

10039,94

10042,57

10042,41

ÉnergieMondeEurope

10037

10060

10061,5

10062,7

10060,3

N.B. :

Question 1

Question 2

Réponse 1

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Page 9: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 586

ExportationsMondeEurope

10066,67

10065,21

10063,58

10059,50

10058,41

La part de la population européenne se stabilise vers 1880 au quart de la population mondiale ; la richesse européenne a fortement cru entre 1860 et 1900 pour se stabiliser vers 42 % de la richesse mondiale vers 1900 – 1910. Signe de cette écrasante suprématie économique, la consommation d’énergie qui équivaut dès 1860 à un peu moins des deux tiers de consommation mondiale. Paradoxalement, la part de l’Europe dans les exportations mondiales ne cesse de baisser et régulièrement pour atteindre 58 % vers 1910 ; ce n’est pas un signe d’essoufflement mais bien plus à interpréter comme l’affirmation de nouvelles puissances industrielles concurrentes (États-Unis et secondairement le Japon) en effet, en valeurs absolues, ces exportations croissent fortement : + 113 % de 1880 à 1910 !

La supériorité économique européenne est d’abord commerciale. L’Europe est alors le carrefour du monde ; les échanges internationaux partent d’Europe et y retournent. En témoigne l’accroissement spectaculaire du commerce international, plus de 4 % par an au XIXe Les épisodes de crise, notamment la dépression de 1873 à 1896 se sont traduits par une contraction du commerce international et l’élévation de barrières douanières (politiques protectionnistes) mais le libre-échange est resté la référence au XIXe notamment en Grande-Bretagne ; de fait les échanges Europe – Reste du Monde ont été multipliés par 3 de 1870 à 1913 !

Les économies européennes sont des économies ouvertes sur le monde – à relativiser par rapport à aujourd’hui ; à l’époque, il n’y avait pas d’équivalent – Les grands ports mondiaux sont tous européens (sur les côtes occidentales) : Hambourg, Liverpool et surtout Londres. La puissance commerciale européenne est essentiellement maritime ; la marine de commerce européenne est presque la seule existante ! Ce dispositif se complète bientôt d’un maillage à échelle presque mon-diale en réseaux de chemin de fer et la disposition des voies n’est pas gratuite, à fortiori dans les colonies. La voie relie la grande ville, le port d’où l’on exporte les matières premières vers la métropole.

La puissance commerciale se double d’une hégémonie financière. Le cœur du capitalisme mon-dial est à Londres, et plus précisément dans le quartier de la City, déjà réputé par la puissance de ses banques. La bourse de Londres (Stock Exchange) ainsi que les banques drainent les capitaux européens. Ceux-ci sont investis à échelle mondiale. C’est l’Europe qui est la “ banquière du monde ”. Les 2/3 des placements mondiaux avant la Grande Guerre sont détenus par le trio de tête européen : Allemagne, France et surtout la Grande Bretagne (à elle seule 50 %) ; tous pays européens confondus, c’est 90 % !

Les capitaux investis à l’étranger ont un double intérêt :

- ils rapportent des intérêts, des bénéfices qui sont ensuite rapatriés en métropole

- ils entretiennent la dépendance des pays débiteurs par le “ jeu ” de la dette.

Les espaces privilégiés par ces investissements ne sont pas uniquement des colonies, loin de là. La France prête beaucoup à la Russie fin XIXe – début XXe, ce sont les fameux emprunts russes. La Grande-Bretagne prête aux États Unis et aux autres pays neufs comme l’Australie et l’Argen-tine…

Reflet de cette puissance financière, la livre sterling s’impose comme monnaie internationale de référence.

Réponse 2

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Page 10: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 587

C L’Europe se propose en modèle

Document 4

“ La France va pouvoir apporter librement au Maroc la civilisation, la richesse et la paix ”Illustration dans “ le Petit Journal ” du 19 novembre 1911

© Kharbine-Tapabor.

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Page 11: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 588

Questions

Présentez le document

Quels sont les attributs de Marianne ? Qu’apporte La France ?

Montrez que cette illustration emprunte le langage de l’iconographie religieuse

Dégagez l’intérêt historique de cette illustration

Ces 4 questions sur un document correspondent à l’épreuve mineure d’histoire au baccalauréat ; c’est le commentaire de document.

Cette illustration est une allégorie [personnification d’une idée] de la France, avec Marianne, en femme plantureuse apportant ses bienfaits aux Marocains. Le document date du 19 novembre 1911 et est paru dans le grand quotidien français de l’époque : “ Le Petit Journal ”, il évoque la “ mission civilisatrice de la France ”. Au 1er plan, Marianne est rayonnante, démesurément grande, tout autour d’elle des indigènes se pâment en costumes locaux ; dans un plan intermédiaire, un fonctionnaire colonial armé impose à l’un d’eux le garde-à-vous et à l’arrière plan, une tribu de chameliers fait des gestes amicaux, saluent Marianne qu’ils reconnaissent au loin.

Marianne est reconnaissable comme symbole des Français et de leur République à son bonnet phrygien (Cf. 1792 et l’héritage républicain révolutionnaire de la Convention), au liseré à 3 bandes qui parcoure le côté droit de sa robe (les 3 couleurs nationales : bleu, blanc, rouge).La France apporte aux Marocains : - “ la civilisation ” : ici, l’agriculture ; un indigène laboure le sol avec la charrue apportée par

Marianne- “ la richesse ” : de la corne d’abondance tombent des pièces d’or- “ la paix ” : l’officier colonial au 2nd plan impose l’ordre par son autorité- la connaissance : un indigène lit, heureux, tandis que celui qui tient le livre la fixe béatement.

La scène est irréelle et volontairement irréelle. Marianne est représentée comme une divinité, de sa tête partent des rayons lumineux [elle est donc assimilée au soleil, à la lumière], elle est d’une grandeur telle qu’elle ne peut être confondue avec aucun autre des personnages de la scène. Tous, sauf un, ont le regard dirigé vers elle tandis qu’elle ne regarde aucun d’entre eux mais fixe l’horizon lointain. Le dessinateur a composé son dessin tout entier autour de Marianne. L’attitude des indigènes évoque l’adoration (celui qui embrasse sa cape) et la prière (position de croisement des mains). Ce sont en fait des personnages secondaires qui ne font que de la figuration afin que Marianne soit la mieux valorisée possible.

Cette illustration témoigne de la bonne conscience de certains des Français début XXe, persuadés d’avoir le meilleur régime politique (La République) qui soit, de la certitude d’avoir une mission civilisatrice ; l’autre (ici le marocain) est placé en position d’infériorité ; il a tout à apprendre… et qui plus est, c’est pour son bien ! Est répétée dans cette illustration sur le registre politique le vieux réflexe religieux du missionnaire et de sa bonne parole salutaire.

Ce n’est pas une nouveauté. La diffusion de la civilisation européenne au reste du monde est ancienne. Elle s’est accélérée au XVIe avec la constitution des premiers empires coloniaux. Le christianisme s’est diffusé sur la planète : le catholicisme en Amérique Latine, dans l’archipel philippin et au Québec ; le protestantisme dans le reste de l’Amérique du Nord, la pointe de l’Afrique australe et en Australie (à partir des XVIIIe – XIXe).

Le mouvement s’amplifie fin XIXe avec le partage par tous les Européens, à de rares exceptions près, d’une “ conscience civilisatrice ”, ce que l’écrivain britannique Rudyard Kipling nommait “ le fardeau de l’homme blanc ”.

L’Europe, sûre de sa civilisation, cache de plus en plus mal son appétit de conquête. Le développement des explorations scientifiques prépare le terrain à la conquête militaire, ainsi du britannique Stanley qui traverse l’Afrique équatoriale de l’embouchure du Congo à Zanzibar dans les années 1870.

La maîtrise stratégique de la planète est déjà réalisée avec le contrôle du canal de Suez comme de celui de Panama par les Occidentaux ; l’enjeu en étant la maîtrise des mers. Complétée de quelques bases, ici et là, et les Européens sont en rang pour se lancer dans l’aventure coloniale…

Question 1

Question 2

Question 3

Question 4

N° 1

N° 2

N° 3

N° 4

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Page 12: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 589

L’aventure coloniale

Pourquoi l’Europe a-t-elle relancé la colonisation et quelles sont les résistances qu’elle a rencontrées ?

PLAN – traitement de la problématique

Notions clés Repères

A – Principales causes de l’aventure coloniale1. Des origines économiques et financières

2. Une irrésistible volonté de puissance

3. Des origines culturelles

Colonisation – impérialisme – Ferry – colonies de peuplement – dépression économique.

Nationalisme – frénésie colonisatrice – Congrès de Berlin – rivalités – statut – prestige – expositions coloniales – intérêt stratégique – bases militaires

Missions – élite – civiliser – paternalisme – impérialisme culturel - racisme

Esprit critique et iconographie

B – L’expansion coloniale(EXERCICE)

Réaliser une carteCroisez des informations (d’un tableau, d’une chronologie)Expliquer son travail et l’analyser

C – L’ordre colonial1. Contrôler

2. Exploiter

Association – assimilation – autonomie – résident – protectorat – administration directe – gouverneur – Indirect Rule – dominions – self government - Commonwealth

Travail forcé, système des prestations – impôt – économie de troc - conscription

Analyser et présenter une caricature

D – Un ordre de plus en plus contesté1. Dans les métropoles, l’exemple français

2. Dans les colonies, de la résistance à l’émergence des mouvements nationalistes

Clémenceau – PCF – anti-colonialisme – intellectuels

Soulèvements – répression – Inde – Parti du Congrès – Gandhi – valeurs – conscience nationale

Étude d’une affiche de propagande

DEVOIR TYPE N° 1Le commentaire de document iconographique

Commenter une affiche de propagande selon la méthode du commentaire

Problématique :

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Page 13: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 590

Chronologie : l’aventure coloniale

Dates Événements

1830

1842

1853

1862

1863

1867

1869

1877

1880

1881

1882

1883-85

1883-95

1885

1885

1890-91

1894-96

1898

1899-1902

1905

1910

1910

1911-1912

1914

1921-26

1930

1932

1935

1936

1936

1937

1937

Début de la conquête de l’Algérie

Ouverture forcée de la Chine

La France en Nouvelle Calédonie

La Cochinchine tombe sous la dépendance française

Protectorat français au Cambodge début de la colonisation en Indochine

Le Canada, 1er « dominion » britannique

Inauguration du Canal de Suez

Victoria, reine d’Angleterre… et impératrice des Indes

Annexion de Tahiti par la France

Protectorat français en Tunisie

L’Égypte passe sous domination britannique

Conquête du Tonkin par la France

Conquête des territoires français d’Afrique Occidentale

Congrès de Berlin, partage de l’Afrique

Création du Congo belge

Conquête de la Somalie par les Italiens

Conquête et annexion de Madagascar par la France

Crise franco-britannique de Fachoda

Guerre des Boers

1re crise franco-allemande au sujet du Maroc

La Corée est colonie japonaise

Création de l’AEF (Afrique Équatoriale Française)

2e crise franco-allemande au sujet du Maroc

Ouverture du canal de Panama

Guerre du Rif au Maroc contre les Français et les Espagnols

Émeutes en Inde

La Mandchourie est occupée par les Japonais

Autonomie indienne

Indépendance de l’Égypte

Conquête de l’Éthiopie par l’Italie

Fondation du Parti Populaire Algérien (Messali Hadj)

Début de la conquête japonaise en Chine

La suprématie européenne au tournant des XIXe – XXe (1880 – 1914) ne tarde pas à se manifester ; en 1885 lors du Congrès de Berlin les puissances européennes ne cachent plus leur appétit colonial et de fait à la veille de 1914 l’Afrique est complètement dépecée, à deux exceptions près, le Liberia et l’Éthiopie.

Les empires coloniaux ainsi constitués sont pour les métropoles des instruments de puissance ; ils contribuent au processus de mondialisation et plus précisément à l’époque d’européanisation du monde. Les Européens imposent leur culture (langue, religion, système économique…) aux espaces qu’ils dominent.

La Grande Guerre, en affaiblissant durablement l’Europe, va ralentir l’élan colonial ; une configuration paradoxale se met en place et qui ne se dénouera qu’après 1945 ; tandis que les métropoles renforcent leur emprise sur les colonies, la contestation par les colonisés de leur domination commence timidement à se faire entendre.

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Page 14: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 591

A Principales causes de l’aventure coloniale

� Des origines économiques et financièresLa domination européenne a pris 2 formes simultanées : la colonisation (= occupation et appropriation d’espaces conquis) et l’impérialisme (= une volonté d’expansion politique, culturelle et économique). Colonisation et impérialisme se sont toujours mêlés.

Coloniser, c’est dans une optique économique, rechercher des avantages.

Jules FERRY, dans un célèbre discours à la Chambre des députés en juillet 1885 le résumait dans sa non moins célèbre formule : « la colonisation est la fille de la politique industrielle ».

L’intérêt d’avoir des colonies est multiple ; c’est :

� un moyen pour s’approvisionner en matières premières à bon marché ; exploiter les richesses du sous-sol, les mines d’or… ; disposer de produits bruts agricoles dans le cadre du système des plantations (café, coton, cacao…).

� un enjeu commercial : « la question coloniale, c’est, pour les pays voués par la nature même de leur industrie à une grande exportation, comme la nôtre, la question même des débouchés » (dixit, Ferry, 1885). Coloniser, c’est s’ouvrir des marchés pour écouler ses surplus en produits manufacturés.

� un enjeu financier : « les colonies sont, pour les pays riches, un placement de capitaux des plus avantageux » (idem). De fait, les capitaux investis dans les colonies rapportent plus que ceux inves-tis ailleurs ; cela devient surtout vrai dans l’entre-deux-guerres ainsi les Britanniques investissent pendant cette période un peu plus des 2/3 de leurs capitaux. Là-bas, tout est à construire : les ports, les voies ferrées, les routes…

� un moyen d’atténuer les tensions économiques et sociales ; les colonies de peuplement ont eu ce rôle de déversoir du « trop-plein » démographique des métropoles : l’Australie, le Canada ont joué ce rôle pour l’Angleterre ; l’Algérie – dans une bien moindre mesure – pour la France.

La colonisation s’est accélérée dans les années 1870 – 1880, en pleine dépression économique. Le contexte économique de concurrence effrénée entre puissance industrielle a favorisé et légitimé la recherche de nouveaux débouchés.

� Une irrésistible volonté de puissanceLes raisons politiques sont déterminantes pour expliquer la colonisation. Le colonialisme est, en effet, une des manifestations (extra-européennes) du nationalisme qui secoue toute l’Europe du XIXe jusqu’à 1945.

Il importe donc d’affirmer sa puissance nationale or la puissance d’un État se lit à la taille de son empire. Nous avons là la principale source de la frénésie colonisatrice qui a saisi les pays européens dans les années 1880. Le Congrès de Berlin équivalant malgré ses actes finaux au partage de l’Afrique en zones d’influence doit être lu dans cette perspective.

La course aux colonies n’est pas sans incidents. Les rivalités entre puissances colonisatrices se multiplient ; en 1898, la France s’oppose au Royaume Uni à Fachoda au Soudan. Les Britanniques constituaient un empire colonial africain de direction Nord-Sud (de l’Égypte à l’Afrique du Sud) ; les Français d’Ouest en Est (de l’Afrique Occidentale Française à la côte des Somalis) ; tôt ou tard ils devaient se rencontrer et s’opposer. Les 2 crises franco-allemandes au sujet du Maroc en 1905 et 1911 en sont un autre exemple. Alors que la France et surtout le Royaume Uni s’étaient taillé un empire colonial conséquent, l’Italie et l’Allemagne entrent en lice dans l’aventure coloniale ; l’Allemagne au Cameroun dès 1884, l’Italie en Somalie (1896) puis en Tripolitaine (1912) [actuelle Libye].

Avoir des colonies, c’est une question de statut, de prestige : « Rayonner sans agir, sans se mêler aux affaires du monde, en se tenant à l’écart de toutes les combinaisons européennes, en regardant comme un piège, comme une aventure toute expansion vers l’Afrique ou vers l’Orient, vivre de cette sorte, pour une grande nation, croyez-le bien, c’est abdiquer » (Ferry, id., 1885). Le prestige n’est pas seulement international ; il a également une résonance nationale. Dans l’entre-deux-guerres, se sont multipliées les expositions coloniales (et notamment la plus importante, celle de 1931 à

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Page 15: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 592

Vincennes) où se donnent à voir les réalisations de la métropole dans les colonies. Par cette auto-célébration, les gouvernements européens cherchent à satisfaire leur opinion publique et son goût pour la puissance, l’exotisme.

Enfin, pour toute puissance voulant s’assurer un rayonnement à échelle mondiale, posséder des colonies est d’un intérêt stratégique primordial. Déjà, on y implante des bases militaires.

� Des origines culturellesLes missions religieuses chrétiennes, catholiques et protestantes, accompagnent bien souvent les troupes coloniales avec comme objectif clairement affiché de propager le christianisme. Elles jouent un rôle clef dans l’enseignement et la diffusion de la culture métropolitaine (langue, valeurs…)

Document 1

« Les pionniers de la culture française »

« Le Révérend Père Piolet a été bien inspiré mais il n’a fait que traduire en deux mot l’exacte vérité des faits quand, à son histoire des Missions catholiques françaises, il a donné ce titre plus général de La France du dehors. En réalité nos missionnaires n’ont passé nulle part sans y « planter », comme on disait jadis, avec la foi, l’amour de la France. C’est à eux qu’en Orient, en Extrême-Orient, en Chine par exemple, nous avons dû la situation prépondérante et privilégiée qui longtemps a été celle de la France ; […] qui le serait et qui le redeviendrait du jour où nos gouvernements comprendraient qu’aider et soutenir l’action catholique au-delà des mers, c’est travailler à répandre, à développer et à consolider l’influence française. […

En Orient et en Extrême-Orient, ce sont nos missionnaires qui savent le fond des questions dont nos diplo-mates ne saisissent et ne connaissent forcément que les apparences. Ils y sont leurs meilleurs informateurs et leurs plus sûrs agents. Ils sont d’ailleurs, ils ont toujours été, notamment en Afrique et en Océanie, les pionniers de la culture française. ».

Sans nécessairement toujours le vouloir, ces missions ont joué un rôle dissolvant dans le colonialisme en permettant l’émergence d’une élite locale, en lui donnant des valeurs, des armes intellectuelles qui, plus tard, après une ou deux générations, serviront à contester la domination coloniale.

Convaincus de leur supériorité, les Européens se sont assignés la tâche de civiliser les indigènes : « les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures… elles ont le devoir de civiliser les races inférieures » (Ferry, id.).

Cette mission civilisatrice revêt 3 aspects (l’un n’excluant pas les autres) :

� le paternalisme : une vision du colonisé comme d’un mineur à qui il faut apprendre les bonnes manières [européennes, cela va de soi !] tout en prenant soin de lui en l’éduquant, le soignant…

� l’impérialisme culturel avec la volonté d’imposer ses normes, ses manières de vivre, ses idées politiques, économiques…

� le racisme. En effet, et en toute bonne conscience, règne alors la croyance en la supériorité de la « race » blanche. Dans le Larousse de 1865 à l’article « Colonie », on peut lire : « ils [les Noirs] ont le cerveau plus rétréci, plus léger et moins volumineux que celui de l’espèce blanche […] ce fait suffit à prouver la supériorité de l’espèce blanche sur l’espèce noire ».

Ce racisme est partout, dans les expositions coloniales et même… à l’école !

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Séquence 11-HG00 593

Document 2

Le racisme dans un manuel scolaire (1877)

G. BRUNO, le Tour de la France par deux enfants, 1877.

Cette illustration est extraite du Tour de France par deux enfants publié en 1877, le plus célèbre des manuels scolaires de l’école primaire ; on peut y lire : « la race blanche, la plus parfaite des races humaines ».

C’est, à coup sûr, un des passifs les plus lourds de la colonisation que d’avoir acclimaté le racisme, confiné jusqu’ici à des cercles scientifiques, aux opinions publiques…

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Séquence 11-HG00 594

B L’expansion coloniale

Exercice

Réaliser la carte de la colonisation en 1914

Consignes :

Vous utiliserez le fond de carte proposé ou mieux le reproduirez.

Pour réaliser la carte, vous devrez utiliser la chronologie en début de chapitre ainsi que le tableau page suivante.

� placez l’Europe coloniale en noir

� placez les 2 grands empires coloniaux britannique et français (utilisez des couleurs différentes). Pour le cas britannique, vous mettrez à part les dominions

� placez les autres colonies (n’utilisez qu’un seul figuré pour ne pas alourdir la carte et la laisser lisible)

� inscrivez les principaux noms propres sur votre carte

� placez les bases suivantes : Gibraltar, Malte, Suez, Hong Kong, Singapour

� tracez les 3 grandes routes maritimes :

la trans-américaine New York – Los Angeles par le canal de Panama

la 1re route des Indes contournant l’Afrique

la 2e route des Indes passant par Suez

� Donnez un titre à la carte

Possessions coloniales européennes de 1850 à 1914 par continent ou aires continentales

Métropoles En Afrique En Asie – Océanie – Pacifique En Amérique

Royaume Uni Égypte (1882), Soudan(1898) , Ouganda(1894) + Kenya( 1920) = Afrique orientale

Domination de l’Union Sud-Africaine (1909)

Afrique occidentale anglaise =

Sierra Léone

Gambie (1843)

Gold Coast (1874)

Nigeria (1885)

En Méditerranée : Gibraltar – Chypre – Malte (1878)

+ île Maurice et Seychelles (1814)

Australie (1887) découverte au XVIIIe siècle, Nouvelle Zélande (1840) (britannique en 1850),

Inde (1848)

Ceylan(1802) – Malaisie – Bornéo (Nord-Ouest)

Des archipels dans le Pacifique

Des concessions en Chine

Hong - Kong (1842)

Canada (dominion dès 1887)

Terre Neuve

Antilles

Honduras britannique (1862)

Guyane britannique

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Séquence 11-HG00 595

Métropoles En Afrique En Asie – Océanie – Pacifique En Amérique

France Alger (1830) - L’Algérie (1847)Côte des Somalis(1862)Tunisie (1881) – Sahara1895 AOF = Afrique occidentale française com-posée de :SénégalMauritanieHaute VoltaSoudanCôte d’IvoireDahomeyGuinée – Niger.1896 : MadagascarLa Réunion est française depuis 16381908 : AEF = Afrique équatoriale française com-posée de :GabonOubangui – ChariMoyen CongoTchad1912 : Maroc

5 comptoirs en Inde :PondichéryKarikalMahéYanaonChandernagor1854 : Nouvelle CalédonieFédération Indochinoise =Cochinchine (1862)Cambodge (1863)AnnamTonkin (1885)Laos (1893)Et le territoire de Kouang Tchéou Wan (1900)

Des concessions en Chine

Tahiti (1842)

Martinique (française depuis 1635)Guadeloupe (depuis le XVIIè siècle, redevenue française après 1815)GuyaneSt Pierre et Miquelon (français depuis 1536 !)

Allemagne Togo – Cameroun (1884) – Sud Ouest africain – Afrique orientale (1887)

Légère présence Pacifique

Concessions en Chine

Italie Erythrée – Somalie (1896) – Tripolitaine (1912)

Russie Sibérie – Turkestan – Transcaucasie – l’Amour

Hollande Java – Sumatra - Curaçao Guyane

Belgique Congo (1890)

Portugal Angola – Mozambique Comptoirs indiens (Goa) et chinois (Macao)

Espagne Maroc Sud – Rio de oro – 2 îles

États-Unis Hawaï – Guam - Philippines Porto – Rico (1898)

Japon Corée (1910) – Formose (1895) – Sud Sakhaline (1905)

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Page 19: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 596

Titre :

Légende

Puissances coloniales et espaces dominés Des instruments de domination

Puissances coloniales et espaces dominés Des instruments de domination

L'Europe coloniale

Colonies britaniques

Dominions britaniques

Colonies françaises

Autres colonies

Bases

Grandes routes maritimes

*

Une fois la carte réalisée, passons aux questions d’interprétation :

Quels sont les espaces privilégiés de la colonisation ? A partir de quand l’expansion coloniale s’est-elle accélérée ?

Comparez l’empire colonial britannique et l’empire colonial français.

Qu’est-ce qu’un dominion ?

Présentez le cas de l’Afrique

En quoi les cas allemands et russes sont-ils originaux (et différents l’un de l’autre) ?

Et la Chine ? Où est son originalité ?

Qu’est-ce qu’une colonie de peuplement ? Donnez en des exemples anglais… et unfrançais !

Question 1

Question 2

Question 3

Question 4

Question 5

Question 6

Question 7

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Page 20: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 597

L’ex

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4

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Page 21: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 598

Réponses aux questions de commentaire sur la carte

L’Asie et surtout l’Afrique sont les espaces privilégiés de la colonisation. L’expansion coloniale s’est accélérée après 1870 ; rares sont les colonies antérieures (et qui ne relève pas de la vague du XVIe siècle) : l’Algérie à partir de 1830, l’Australie et la Nouvelle Zélande.

L’empire colonial britannique est immense : 33 millions de km2 contre 10 millions pour l’empire français. L’empire britannique, c’est alors ¼ des terres émergées et ¼ de la population mondiale soit environ 450 millions d’habitants en 1914.

L’empire colonial britannique est éclaté, et ce n’est pas un signe de faiblesse. Les Anglais sont présents sur tous les continents : en Afrique, du Cap au Caire, en Asie avec le « joyau de la Couronne » : l’empire des Indes (équivalant à l’actuelle république indienne + le Pakistan + le Bangladesh + Sri Lanka + la Birmanie) et la Malaisie. Il faut leur ajouter les dominions.

L’empire français est plus compact :

- 2 blocs africains, l’AOF et l’AEF en Afrique Noire, vaste ensemble subsaharien

- le Maghreb avec surtout l’Algérie, transformée en 3 départements (donc perçue comme partie intégrante du territoire national) en 1871

- l’Indochine, lointaine, porte d’entrée en Chine

- les confettis du 1er empire colonial : Antilles, île de la Réunion, Guyane

- des terres nouvellement conquises dans le Pacifique : Nouvelle Calédonie, Polynésie…

Ce qui distingue assez nettement l’empire britannique de l’empire français c’est la possession de bases et comptoirs. Ces minuscules territoires ne sont pas disposés au hasard, mais sur des routes stratégiques ou commerciales comme la route des Indes avec Gibraltar, Malte, Suez… la route asiatique d’Inde vers la Chine par Singapour et Hong Kong.

Un dominion dans l’empire britannique est un territoire principalement peuplé par des Anglais (il s’agit donc de colonies de peuplement) avec une large autonomie, ayant son propre gou-vernement.

L’Afrique est complètement colonisée à 2 exceptions près : l’Éthiopie (jusqu’en 1936) et le Liberia.

L’Allemagne a un empire colonial très réduit, quelques territoires en Afrique occidentale (Togo, Cameroun), en Namibie… Cela peut s’expliquer par la jeunesse de cet État (créé et unifié en 1871) mais c’est un paradoxe car en 1914 c’est la première puissance industrielle européenne. Lier industrialisation et colonisation en affirmant que la seconde est une conséquence inéluctable de la première mérite donc plus que des nuances. En fait, l’Allemagne est entrée trop tardivement dans le jeu colonial, les places étaient déjà prises.

La Russie apparaît comme un cas singulier, pas de possession outre-mer. On pourrait croire qu’elle n’est pas une puissance coloniale, c’est tout l’inverse (et elle l’est restée à travers l’URSS jusqu’en… 1991 !), elle a conquis des territoires périphériques à l’Est (Sibérie), au Sud (Turkestan, Caucase).

La Chine n’est pas colonisée au sens traditionnel. Suite à la guerre de l’opium, elle a été contrainte de s’ouvrir en 1842 et a cédé le comptoir de Hong Kong au Britanniques. Les pays occidentaux se sont taillés des zones d’influence : française au sud dans le prolongement de l’Indochine, anglaise à partir de Shanghai le long du Yang Tzé, allemande (mais très réduite), russe en Mandchourie jusqu’à 1905, les Japonais prenant leur relais ensuite.

Une colonie de peuplement se distingue d’une colonie d’exploitation où les colons et adminis-trateurs métropolitains restent toujours très minoritaires. C’est un espace où s’installent des popu-lations européennes avec la volonté de faire souche ; c’est la cas des dominions britanniques : Canada, Australie, Nouvelle Zélande et de l’Algérie française dans les faits après 1870, encore que ce soit beaucoup des Européens du Sud qui vinrent s’établir, espagnols et italiens ; le dynamisme démographique français était trop réduit pour permettre l’envoi de nombreux émigrants.

Réponse 1

Réponse 2

Réponse 3

Réponse 4

Réponse 5

Réponse 6

Réponse 7

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Page 22: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 599

C L’ordre colonial

� Contrôler

Deux modèles théoriques principaux sont possibles : l’association ou l’assimilation. L’association garantit le respect des hiérarchies (l’existence d’un souverain quand il y en a un) et des coutumes indigènes, laisse aux autochtones une relative autonomie (possibilité de se gouverner soi-même). L’assimilation au contraire cherche à fondre les différents peuples dans le seul moule métropolitain au nom de l’égalité entre les hommes. Concrètement, cela revient à tenir pour nulle et non avenue les autres cultures.

La France

Elle adopte le second modèle, avec cependant d’importantes nuances, au nom des principes de 1789 :

- quelques territoires, comme le Maroc ou la Tunisie sont gérés selon le modèle associatif. Les autorités traditionnelles (souverain, administration) sont maintenues mais parallèlement un résident représente l’État français (il est nommé par le gouvernement), il a un pouvoir de contrôle sur les décisions locales. Dans ce cas, la colonie est placée sous tutelle et prend le nom de protectorat. Dans la pratique, l’association à la française était une fiction, le résident ayant tendance à concentrer tous les pouvoirs !

- l’essentiel des colonies était géré selon le modèle assimilationniste ou administration directe. La métropole, en ce cas, ne concède aucune de ses prérogatives ; elle gouverne, contrôle et impose ses décisions sans consulter les colonisés par le biais d’un corps de fonctionnaires coloniaux avec un gouverneur placé à leur tête. L’objectif initial était d’assimiler, de faire du citoyen français… à la chaîne, dans la pratique les indigènes sont exclus de la citoyenneté (du droit de vote). La coloni-sation à la française, ce fut souvent une entreprise de soumission et d’assujettissement. Ce modèle déjà verrouillé se durcit même après 1918 !

Le Royaume Uni

Il a une approche plus souple et se rattache au 1er modèle, associatif ; c’est l’Indirect Rule. Mais là encore, de très sérieuses nuances s’imposent selon la nature des colonies, selon qu’elles sont de peuplement ou d’exploitation.

- Dans les colonies de peuplement britanniques, les dominions, c’est la tradition du libéralisme politique, du self government qui s’est imposée avec élection d’un 1er ministre local même si le souverain reste représenté par un gouverneur. 4 territoires ont eu successivement le statut de dominion : le Canada en 1867, l’Australie en 1900, la Nouvelle Zélande en 1909 et l’Union Sud-Africaine en 1909. Les dominions, dans le cadre du Commonwealth, étaient étroitement associés économiquement entre eux et avec Londres selon la clause de la « Préférence impériale ».

- Dans les colonies d’exploitation, on retrouve toute la gamme des régimes possibles (avec une tendance plus marquée vers l’assimilationnisme) : des protectorats (comme en Égypte), de l’ad-ministration directe (comme en Afrique Noire ou en Inde avec présence d’un gouverneur).

� Exploiter L’exploitation se résume à 3 orientations : le travail forcé, l’impôt et le conscription.

Les populations colonisées sont réquisitionnées dans le cadre du système des prestations (travail obligatoire non rémunéré) au bénéfice de l’État sur des chantiers d’infrastructures collectives : routes, voies ferrées… et parfois même au profit d’entreprises privées.

Les réquisitions sont parfois monétaires, avec l’impôt ce qui impose aux indigènes de sortir de l’éco-nomie de troc ; pour la métropole, c’est aussi un moyen de limiter les coûts !

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Page 23: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 600

Document 3 : caricature anti-coloniale

Questions :

Q°1 : Décrivez l’illustration

Q°2 : Quelle contradiction dénonce-t-elle ?

Réponses :

L’illustration est duale ; un tiers gauche est une scène de classe, un instituteur blanc rappelle l’appar-tenance nationale des petits indigènes : « La République française est votre mère » sous les auspices de Marianne ; les 2/3 restants sont des scènes de l’exploitation quotidienne des colonisés : un homme gît à terre au 1er plan, un 2nd est accablé d’une lourde malle estampillée « impôts », au dernier plan, 2 hommes portent un cercueil sous la menace du fouet d’un fonctionnaire colonial.

Le caricaturiste a voulu dénoncer la contradiction entre les principes égalitaristes de la république française et la réalité de l’exploitation coloniale ; il dénonce 3 maux apportés par la colonisation : le développement de l’alcoolisme (l’homme au 1er plan est ivre et tient le goulot brisé d’une bouteille d’absinthe), des impôts (Cf. homme du 2e plan), le travail forcé et la violence des colonisateurs (scène de l’arrière-plan).

Enfin, les colonies sont des réserves humaines et dans le cadre des armées de conscription, on y lève en cas de nécessité des troupes au profit de la métropole pour combattre les rébellions et émeutes qui se présentent ou compléter les troupes métropolitaines en cas de conflit. C’est ce qui advint en 14 – 18 avec la mobilisation des indigènes, tirailleurs sénégalais par exemple…

D Un ordre de plus en plus contesté

� Dans les métropoles, l’exemple français

Au temps fort de la colonisation dans les années 1880, nombre de politiques ont appuyé le mouvement colonisateur. Il ne faudrait pas croire pour autant qu’il y avait unanimité sur le sujet. Au moment même où Jules Ferry prononce son célèbre discours colonialiste en juillet 1885, des députés protestent. Deux jours plus tard, Clémenceau, toujours à la Chambre des députés réplique : « il n’y a pas de droit des nations dites supérieures contre les nations dites inférieures […] N’essayons pas de revêtir la violence du nom hypocrite de civilisation ».

Il y eut toujours dans la gauche française un important courant anticolonialiste, à tout le moins réservé sur le sujet. Jaurès, socialiste, en 1896 mettait en garde contre les risques de guerre lors des compétitions coloniales.

Réponse 1

Réponse 2

L’Assiette au beurre, journal de sensibilité anarchiste, avril 1911.

© Kharbine-Tapabor

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Page 24: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 601

Certains auteurs mettent en garde sur le coût élevé des conquêtes coloniales. Guyot, en 1885, année décisive, dans ses lettres sur la politique coloniale rappelle que la France a ses friches, que le rail n’arrive pas partout, qu’elle manque d’instituteurs autrement dit coloniser n’est pas une priorité. Cela annonce un courant de pensée très présent après 1945, le cartiérisme qui prône l’abandon des colonies en raison de leur coût.

Le Parti Communiste Français (créé en 1920) a repris cette tradition anti-coloniale qu’il nomme « anti-impérialisme ». La colonisation y est dénoncée autant pour les exploitations et atrocités qu’elle génère que pour ce qu’elle représente, un « avatar du capitalisme monopolistique empêtré dans ses contradictions », « l’impérialisme comme stade suprême du capitalisme ». L’action du PCF et du mouvement communiste plus généralement a été essentielle par son rôle formateur des opposants et des futurs dirigeants nationalistes, comme en Indochine avec Ho Chi Minh.

Document 4

100 ans de domination française

Voir le DEVOIR TYPE (en fin de ce chapitre)

COMMENTAIRE DE DOCUMENT

Q°1 : De quel document s’agit-il ?

Q°2 : Que dénonce l’affiche ?

Q°3 : En quoi cette dénonciation s’appuie-t-elle sur l’idéologie communiste ?

Q°4 : Dégagez la portée et l’intérêt historique de ce document.

D’autres voix s’élèvent pour dénoncer le colonialisme ; c’est le cas de certains intellectuels comme André Gide dans son féroce « Voyage au Congo » de 1927, de scientifiques comme Einstein. Les Églises prennent leur distance ainsi Benoît XV en 1919 dans son encyclique Maxima Illud rappelle que l’universalisme chrétien est incompatible avec le seul intérêt patriotique.

Dans cette remise en cause de l’ordre colonial, n’oublions pas enfin le choc de la 1re guerre mondiale, de sa « boucherie » qui a tout à la fois chez les colonisateurs que chez les colonisés, instillé le doute

© FR ANOM. Aix en Provence (9Fi27).

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Page 25: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 602

quant à la grandeur et au prestige de la métropole, et par ricochet de l’aventure coloniale. Désormais, les priorités en métropoles sont autres. Pour la France ; c’est reconstruire et retrouver un dynamisme démographique perdu.

� Dans les colonies, de la résistance à l’émergence des mouvements nationalistes

L’ordre colonial n’a pas été spontanément accepté par les indigènes, on s’en doute. De nombreux soulèvements ont eu lieu en Inde en 1857 et 1919, en Algérie, en Nouvelle Calédonie en 1858. A chaque fois, ces révoltes ont été impitoyablement réprimées. Le rapport de force est encore par trop inégal.

Dans la contestation coloniale, mentionnons rapidement un cas original : l’Inde. Colonie britannique, elle connaît la 1re un mouvement nationaliste organisé avec la création en 1885 du Parti du Congrès. L’écho de ce parti serait probablement resté confidentiel sans la personnalité exceptionnelle d’un de ses leaders, Mohandas Gandhi ; plus connu avec le surnom de Mahatma « La grande âme ». Il a dénoncé l’occupation britannique avec une méthode bien personnelle mêlant l’insurrection morale, la désobéissance civile, des marches protestataires, le boycott des produits anglais. Sans exagérer l’impact, considérable, de son action, on peut lui reconnaître une force majeure, celle d’avoir détruit le mythe civilisateur de l’homme blanc.

Les valeurs dont se réclament les nationalistes sont diverses et empruntent à des registres différents :

- ce sont les valeurs fondamentales européennes (droits de l’homme, libertés, égalité entre personnes) retournées contre les colons comme le self-government revendiqué par le Parti du Congrès en Inde.

- c’est également le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes réaffirmés par Wilson, président états-unien pendant la Grande Guerre

- c’est enfin la naissance, bien embryonnaire encore, d’une conscience nationale.

L’entre-deux-guerres correspond à un début de structuration des mouvements nationalistes. Ne nous y trompons pas, ils ne concernent qu’une élite cultivée et européanisée ; les masses indigènes sont encore indifférentes.

Parmi ces mouvements, citons :

- le Destour en Tunisie (1919)- le Parti National indonésien (1919)- le Parti Communiste Indochinois (1930) d’Ho Chi Minh- le Parti Populaire Algérien (1937) de Messali Hadj

Dans l’entre-deux-guerres, les métropoles se raidissent et refusent toute idée d’ouverture ou d’évolution dans le statut des colonies. 1939 équivaut donc à une situation de blocage. Le basculement en faveur des mouvements nationalistes n’intervint qu’après 45, il fallut l’effacement définitif des vieilles métropoles coloniales dans la 2nde guerre mondiale et l’émergence de 2 nouvelles superpuissances anti-coloniales USA et URSS (du moins se présentaient-elles ainsi !). ■

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Page 26: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 603

L’explication de document iconographique

Une explication de document iconographique est réussie quand elle est fondée sur une observation minutieuse et une analyse rigoureuse. Là, vous ne risquez pas le piège principal : paraphrase ou composition…

Le document à expliquer :

Affiche « 100 ans de domination française » ; document 4 Séquence 11

De quel document s’agit-il ?

Ce document est une affiche [nature] du PCF et de la CGTU [source] intitulée « 100 ans de domi-nation française » de 1930 [date] qui dénonce l’occupation française de l’Algérie depuis un siècle ; elle est trait pour trait une contre-propagande aux célébrations officielles de l’événement. Le Parti Communiste français a été créé lors du Congrès de Tours en 1920 en application des idées de la 3e Internationale (1910), la CGTU est alors le 1er syndicat français, formation qui s’est éloignée de sa tradition anarcho-syndicaliste pour se rapprocher des idées révolutionnaires [contexte]. L’affiche est construite sur une double opposition : horizontale (droite-gauche) avec l’inégale répartition des richesses, verticale avec un homme enchaîné en haut et en bas des ballots divers de matières premières en partance pour la métropole [description rapide].

Que dénonce l’affiche ?

L’affiche dénonce :

- le pillage des colonies (des matières premières « pétrole, cuivre, fer… », des produits agricoles « vin, fruits, céréales… »)

- la Terreur et la répression de la métropole (l’homme enchaîné à un poteau)

- l’exploitation des indigènes « aux uns la misère » réduits à une économie de subsistance (un homme laboure péniblement son champ) par les colonisateurs européens « aux autres la richesse » qui se prélassent dans leurs quartiers (surmontés du drapeau bleu - blanc - rouge).

- la domination politique « debout pour l’indépendance des peuples coloniaux »

En quoi cette dénonciation s’appuie-t-elle sur l’idéologie communiste ?

Cette affiche reprend certaines des idées forces de l’idéologie communiste :

- l’appel à « l’indépendance des peuples coloniaux » est légitime, c’est la vulgate de « l’impéria-lisme comme stade suprême du capitalisme » donc à combattre.

- l’opposition entre une classe de dominés (les indigènes) et les dominants (la bourgeoisie coloniale et administrative européenne)

- le capitalisme comme instrument d’exploitation. Au 1er plan, les matières 1res prélevées ser-vent à alimenter le capitalisme industriel français. La dénonciation se construit d’abord en termes économiques.

Dégagez la portée et l’intérêt historiques de ce document

Cette affiche ne manque pas d’intérêt ;

- elle prouve qu’il n ‘y avait pas d’unanimité pro-coloniale en France ce que laisserait penser le succès de l’exposition coloniale l’année suivante.

Question 1

Question 2

Question 3

Question 4

evoir type

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Séquence 11-HG00 604

- elle rappelle l’ancrage politique de l’anti-colonialisme, nettement et majoritairement à gauche

- elle témoigne d’une prise de conscience chez les métropolitains de ce que signifie l’exploitation coloniale et du fait qu’elle soit devenue un enjeu politique important.

Sa portée n’en est pas moins intéressante. Dans l’immédiat, et pour l’opinion publique française à qui elle était destinée, cette affiche a eu un impact limité – c’est le propre d’une simple affiche – sur le court et moyen terme elle explique, en partie, l’attractivité du communisme en France pour les nationalistes colonisés et européanisés, pour les intellectuels. Le positionnement anti-colonial systématique du PCF lui donne alors une dimension humaniste et contestataire.

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ontenu du chapitre 3

Du Tiers-Monde au Sud : Indépendances, contestations de l’ordre mondial et diversification

Problématique :

Comment expliquer la place subordonnée des Pays En Développement (PED) sur la scène internationale de nos jours ?

Plan : traitement de la problématique

Notions-Clés Repères

IntroductionCommenter un planisphère : « Les décolonisations »

A Un contexte favorable aux décolonisations

� Le choc de la guerre

� Le renforcement des contestations

� Des adaptations insuffisantes (des métropoles)

Rapports internationaux – propagande japonaise – valeurs – Charte de l’atlantique – buts de guerre – anti-colonialisme – doctrine Jdanov – anti-impérialisme – ONU – Charte de l’ONU.

Leaders – « culture coloniale » – désobéissance civile – négritude – internationalisme – Parti du Congrès – Neo Destour-Istiqlal – Vietminh – Ligue arabe – panarabisme – panafricanisme.

Commonwealth – Indirect Rule – decolonisation négociée – conference de Brazzaville – blocage – insurrection – Union Française – opinion publique.

Etudier une proclamation manifeste du parti de l’Istiqlal (Maroc), janvier 1944.

B Le temps des indépendances

� Deux vagues successives. L’Asie

. L’Afrique

� Indochine et Algérie, deux déchirures coloniales. La guerre d’Indochine

. Une véritable guerre coloniale : les « événements d’Algérie » : 1954-1962

Empire des Indes – « quit India » – Ligue Musulmane – Ali Jinnah – Plan de partition – Union Indienne – Pakistan(s) occidental et oriental – Soekarno – impasse diplomatique.

Gold Coast – Nkrumah – rébellion tribale – protectorats – résidents – cycle répressif – autonomie interne – TOM – Loi-cadre Deferre – Communauté française – Congo – Katanga – ethnies – paternalisme – Lumumba – Mobutu.

Déclaration d’indépendance du Vietnam – corps expéditionnaire – accords Ho Chi Minh-Sainteny – guérilla – engagés – conflit de décolonisation et conflit de guerre froide – containment – Dien Bien Phu – accords de Genève – 17e parallèle.

Colonie de peuplement – arabe – berbère – Sétif – MLTD – FLN – Toussaint 1954 – ALN – « événement d’Algérie » – opération de pacification – attentats – appelés du contingent – « pouvoirs spéciaux » – torture – harkis – Pieds Noirs – 13 mai 1958 – GPRA – autodétermination – Putsch de 1961 – OAS – accords d’Evian.

Se repérer dans l’espace et dans le temps à travers 2 cartes de décolonisation, en ASIE et en AFRIQUE.

Etude d’une proclamation manifeste du FLN de 1954.

A travers un tableau-bilan chiffré, apprécier l’impact humain varié d’une guerre coloniale.

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Plan : traitement de la problématique

Notions-Clés Repères

� Les indépendances tardivesDictature de Salazar – assimilationniste – Angola : MPLA et UNITA – Mozambique : FRELIMO – « révolution des œillets » – Afrique australe – apartheid – Mugabe – campagnes de boycott – ANC – Mandela – Namibie : SWAPO – URSS : « prison des peuples ».

C L’échec du Tiers-Monde a pesé sur les relations internationales

� Un essai d’organisation

� Les pays du Tiers-Monde : acteur ou plutôt enjeu des Relations Internationales ?

SAUVY – Tiers Monde – tiers-mondisme.

Bandung – Nehru – Soekarno – Nasser – Zhou Enlaï – afro-asiatisme – « coup de Suez en 1956 » – OPEP – arme économique.

Troisième voie diplomatique – neutralisme – « mouvement des non-alignés » – « néo-colonialisme » – PVD – PED – dégradation des termes de l’échange – CNUCED – groupe des 77 – NOEI – mouvements révolutionnaires – Che Guevara.

Etude du texte fondateur du concept de Tiers-Monde (1952).

➠ Dans votre manuel, étudier la déclaration finale de la conférence de Bandung (1955).

D La fin du Tiers-Monde et l’émergence des « SUD »

� Une unité factice, des intérêts différents

� Des « SUD », les obstacles communs du mal développement

� Une inégale insertion au processus de mondialisation

Choc pétrolier de 1973 – cycle de la dette – corruption – échec de Cancun – accords CEE-ACP – OUA – OCAMM – Groupe de Casablanca – ASEAN.

Etat – frontière – intangibilité des frontières – Biafra – Erythrée – instabilité politique – ethnicisme – Rwanda 1994 – islamisme – course aux armements – coups d’Etat – démocratisation – corruption – pandémies – endettement – explosion démographique – migration – crise urbaine – atteintes à l’environnement.

Fracture Nord-Sud – NPI – « Tigres » – OMC – MERCOSUR – Banque mondiale – FMI – PMA – politique de coopération – aide au développement – néo-colonialisme.

Etudier un tableau de statistiques sur « l’évolution du développement humain de quelques pays du Tiers-Monde ».

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Du Tiers-Monde au Sud : Indépendances, contestations de l’ordre mondial et diversification

Avec l’accélération de la mondialisation depuis 1945, on évoque de plus en plus la métaphore d’un « village planétaire » : chaque espace de la Terre serait connecté au reste du monde, les brassages

humains et culturels iraient croissants. Pourtant, on parle aussi, et c’est contradictoire de l’affirmation précédente de césure Nord/Sud, c’est-à-dire d’une opposition de plus en plus marquée entre les pays développés post-industriels et le reste, en développement plus ou moins avancé. Or la division Nord/Sud recoupe assez étrangement la disposition entre anciens colonisateurs et colonisés.

Dès lors, il est tentant de soupçonner l’existence d’un lien entre le processus colonisation/décolonisation et les rapports actuels de domination entre Nord et Sud.

Pour sinon le vérifier, du moins commencer de le percevoir, voyons la carte intitulée « les décolonisa-tions » page suivante.

Document 1

Légende

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Questions Après une observation attentive et minutieuse du planisphère, répondez aux 4 questions suivantes :

� Quels sont les éléments nouveaux de l’après-guerre qui ont rendu possible la décoloni-sation ?

� Présentez les grands traits de la décolonisation. Qu’apprend-t-on sur son déroulement par la carte ?

� En quoi Suez 1956 est-il un événement symbolique ?

� Quels sont les silences de ce document ?

Réponses Quelques éléments de réponse :

� Les puissances coloniales, c’est-à-dire l’Europe occidentale, est le grand perdant du 2nd conflit mon-dial. 2 grandes puissances s’affirment désormais, toutes les deux anti-colonialistes : les Etats-Unis et l’URSS. En Asie, les Japonais ont balayé toute autorité coloniale européenne pendant près de 5 ans parfois… Enfin, un nouvel organisme, l’ONU a été mis en place en 1945 avec comme fondement : « le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ».

� La décolonisation s’est opérée en vagues successives :– la 1re entre 45 et 55 touche essentiellement l’Asie et notamment l’empire des Indes,– la 2nde entre 55 et 70 touche la plupart des pays africains,– enfin, reste une dernière vague de décolonisations tardives concernant des territoires de l’Afrique

australe, la Papouasie, le Surinam…

� 1956 est un événement symbolique dans la mesure où un Etat anciennement colonisé par les Britanniques, l’Egypte de Nasser réussit à imposer sa décision de nationaliser le canal de Suez en profitant du nouvel état des relations internationales. Pour réaliser la modernisation de l’Egypte, Nasser avait besoin de capitaux et pensait les prélever sur le canal qu’il estimait être le bien des Egyptiens qui avaient payé le prix du sang pour sa réalisation. Bien que vaincu militairement, la menace de recourir à l’arme atomique contre la France et le Royaume-Uni de l’URSS transforme cet échec en victoire diplomatique. Elle symbolise l’émergence d’un nouvel acteur sur la scène internationale : les pays du Tiers - Monde.

� Ce document reste incomplet car il ne dit rien de :– l’Amérique Latine, décolonisée depuis le XIXe pour ce qui est de la domination européenne,– des organisations régionales au sein du Tiers-Monde comme la Ligue Arabe, l’OUA,– des troubles internes au pays décolonisés (Afrique, Inde…),– …

A Un contexte favorable aux décolonisations

� Le choc de la guerre

La 2nde guerre mondiale bouleverse les rapports internationaux et ce n’est pas sans répercussions sur les empires coloniaux. Non seulement les métropoles coloniales sont fragilisées mais encore deux superpuissances s’affirment : USA et URSS, toutes deux anti-colonialistes.

� A l’exception du Royaume-Uni, l’essentiel des puissances coloniales européennes ont été balayées par la botte nazie : France, Belgique, Pays-Bas. Le crédit, jadis encore accordé aux métropoles, est ruiné. Les populations colonisées savent désormais que les métropoles ne sont pas invincibles même si en 45 par un retournement spectaculaire et ambigu, la France est comptée parmi les vainqueurs.

Dans leur effort de guerre, la France comme le Royaume Uni ont mobilisé des troupes issues des colonies en échange de vagues promesses d’autonomie. Les nationalistes réclament l’application de ces promesses.

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C’est en Asie qu’a débuté la décolonisation, et ce n’est pas par hasard. En effet, le Japon, dans les territoires qu’il a conquis, a développé une intense propagande contre les colonisateurs euro-péens ; contre les Français en Indochine, contre les Néerlandais en Indonésie, contre les Britanniques en Birmanie ou en Malaisie. Attention, il ne s’agit pas là d’une action anti-coloniale, les Japonais comp-taient se substituer comme puissance tutélaire aux métropoles européennes. L’occupation japonaise est particulièrement humiliante pour les colonisateurs européens, détenus en camps, subissant des traitements dégradants. Les victoires éclairs nippones contribuent à accentuer la faiblesse des métropoles européennes. Le sud-est asiatique a vécu la guerre débarrassé de l’occupant euro-péen. La défaite du Japon en septembre 45 signifie pour cet espace une double libération : des colonisateurs et de l’envahisseur japonais. La revendication à l’indépendance s’impose fort logiquement, ainsi Ho Chi Minh proclame-t-il l’indépendance du Vietnam le 2 septembre 45.

De la même manière que les Japonais ont joué sur le nationalisme asiatique, les Alliés américains et britanniques ont mobilisé des valeurs dans le cadre de l’effort de guerre ; ici idéologique. En août 41, Roosevelt et Churchill signaient la Charte de l’Atlantique, définissant ainsi quelques-uns de leurs buts de guerre (même si officiellement les USA ne sont pas encore en guerre à cette date), l’un d’entre eux, le 3e est assez explicite : « ils respectent le droit de tous les peuples de choisir la forme de gou-vernement sous laquelle ils veulent vivre ; ils souhaitent voir rétablir les droits souverains et le gouvernement autonome des nations qui en ont été dépouillées par la force ». Cette clause s’adressait aux nations captives des forces de l’Axe, mais les nationalistes des peuples colonisés ont fait leur cette revendication. Facile dès lors de montrer les contradictions entre les valeurs émancipatrices proclamées par les métropoles et la réalité de la sujétion coloniale.

� Les deux Grands vainqueurs de la guerre, Etats-Unis et URSS sont opposés à la colonisation pour des motifs différents :

L’URSS est anti-colonialiste par idéologie. Par fidélité à la doctrine marxiste et à Lénine, l’URSS dénonce l’impérialisme. Déjà, lors de la conférence de Téhéran, en novembre 43, Staline s’oppose à ce « les Alliés versent leur sang pour que l’Indochine, par exemple, retrouve son ancien statut de colonie française ». Cette position anti-colonialiste est réaffirmée en 1947, en pleine guerre froide (c’en est désormais l’un des enjeux) par la doctrine Jdanov dans laquelle l’URSS se place comme modèle de l’Etat anti-impérialiste : « la crise du système colonial… se manifeste par le puissant essor du mouvement de libération nationale dans les colonies et les pays dépendants… les arrières du système capitaliste se trouvent menacés ». On le voit, l’URSS est anti-colonialiste car c’est un moyen pour elle d’affaiblir les pays occidentaux ; d’ailleurs elle soutient prioritairement les mouvements nationalistes d’inspiration communiste. Qu’on ne s’y trompe pas pour autant, si Staline déclare en 1945 : « notre premier devoir est de donner l’indépendance aux peuples des anciens empires coloniaux », il n’en reste pas moins à la tête d’un empire colonial, l’URSS, longtemps passé inaperçu parce que les populations dominées étaient situées en continuité territoriale avec la mère Russie.

Les Etats-Unis se placent aussi contre la colonisation avec comme justification le fait d’avoir été autrefois une colonie (les Treize Colonies) et d’avoir réussi à arracher leur indépendance. C’est oublier que les Américains étaient des colons qui se séparèrent de leur métropole. C’est ce mythe historique qui motive pour une bonne partie l’anti-colonialisme américain. D’ailleurs, dès 1946, les Etats-Unis accordent l’indépendance aux Philippines. Pendant la guerre, le président Roosevelt n’a cessé de réaf-firmer son hostilité à la colonisation ; en 1944 il s’exprime ainsi à propos de la colonisation française en Indochine : « l’Indochine… devrait être mise sous tutelle d’une commission internationale. Il y a presque cent ans que la France exerce son empire sur ce pays, trente millions de gens dont le sort est pire maintenant… ». Comme pour l’URSS, la position américaine ne manque pas d’être ambiguë ; en effet, si les USA perçoivent la décolonisation comme souhaitable et inéluctable, les impératifs de la guerre froide autorisent de la ralentir : « Nous savons distinguer les cas où la possibilité d’invoquer la menace communiste est susceptible de justifier des délais et les cas où il n’existe pas de raison valable d’attendre » (John Foster Dulles, secrétaire d’Etat, 1953).

� Dès sa fondation, l’ONU est utilisée comme tribune par les anti-colonialistes. Dans sa Charte fondatrice est stipulé « le droit des peuples à disposer d’eux mêmes ». Une fois leur indépen-dance acquise, les anciennes colonies font connaître à l’ONU leurs revendications. Dès 1952,par une résolution, l’ONU condamne l’irrespect du droit des peuples à disposer d’eux mêmes et réclame que l’on favorise l’accession aux indépendances par consultation démocratique des populations concernées. En 1960, par la déclaration sur « l’octroi de l’indépendance aux pays coloniaux », l’ONU réitère sa position anti-coloniale car la colonisation est une entreprise contraire aux droits humains, génératrice de conflits et plus généralement contraire aux libertés.

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Séquence 11-HG00 611

� Le renforcement des contestations

La décolonisation n’est pas tombée comme un fruit mûr pour les peuples colonisés. Si le nouveau contexte international né de la guerre y a grandement contribué, l’action contestatrice des colonisés ne fut pas moins importante.

� Tout d’abord, des leaders nationalistes par leur charisme se font les porte-parole des mou-vements d’émancipation. Ces personnalités sont à bien des égards des produits de la « culture coloniale » ; ils sont plus ou moins occidentalisés et mobilisent, chacun, un système de valeurs origi-nal pour dénoncer la colonisation. Ils représentent les élites locales et aspirent à prendre en charge l’avenir de leur pays.

Quelques noms doivent être retenus :

– MOHANDAS GANDHI ou autrement appelé le « MAHATMA », « la grande âme » en Inde qui dès les années 30 avait développé de vastes campagnes de désobéissance civile et prônait une résistance non-violente face à l’occupant britannique pour le discréditer moralement.

– Jomo KENYATTA (pour le Kenya) qui voulait emprunter à la culture européenne les principes qui lui convenait afin de mettre fin à « l’esclavagisme colonial ».

– Léopold Sédar SENGHOR, écrivain sénégalais, chantre de la négritude qui cherche à redonner aux Noirs la fierté d’eux-mêmes : « Le Bon Nègre est mort ; les paternalistes doivent en faire leur deuil ». Senghor retourne contre les Français les valeurs d’égalité et de liberté, dénonce le racisme colonial et réclame des actes plutôt que de « bonnes paroles ».

– HO CHI MINH, leader du Parti Communiste vietnamien en lutte contre la France qui s’appuie à la fois sur les valeurs fondatrices de la République : Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et le triptyque « liberté, égalité, fraternité », et sur l’internationalisme révolutionnaire du communisme pour justifier sa lutte anti-coloniale et sa prise des armes.

� Des hommes isolés, aussi talentueux qu’ils puissent être, ne peuvent à eux-seuls renverser le processus colonial. Des mouvements nationaux anti-coloniaux s’organisent, se structurent pour être le lieu privilégié de la contestation.

Pour certains d’entre eux, leur existence est ancienne. Pensons au Parti du Congrès en Inde fondé dès 1885, co-dirigé par Gandhi et Nehru et qui en 1942 par la résolution « Quit India » exige l’indépendance de l’Inde à court terme. Autres exemples, le Neo Destour en 1934 en Tunisie dirigé par Habib BOURGUIBA ; le parti de l’Istiqlal au Maroc fondé en 1934, qui reçoit l’appui américain dès 1943.

� 1945 marque un tournant car les mouvements nationaux se radicalisent, ainsi du PC viet-namien d’Ho Chi Minh qui, dès 41 avait créé une branche armée contre les Japonais, le Vietminh, désormais réutilisée contre les Français. Ces mouvements se fédèrent parfois à échelle nationale comme dès 1943 dans le « Manifeste du peuple algérien » où Ferhat ABBAS réunit toutes les organisations musulmanes algériennes d’opposition. A échelle internationale, on retrouve cette même coopération entre mouvements, avec par exemple la création de la Ligue Arabe dès 1945 qui prône le panarabisme c’est-à-dire la réunion idéale de toutes les populations arabes musulmanes en un seul et même Etat, indépendant, cela va de soi ! ; ou la réunion du 5e Congrès panafricain à Manchester en 1945 avec comme slogan : « Peuples coloniaux et assujettis du monde, unissez-vous ! ».

Dès le départ, ces mouvements se distinguent les uns des autres par les moyens qu’ils sollicitent pour parvenir à leur but, l’indépendance. Avec Gandhi, c’est une résistance singulière (désobéis-sance civile, boycott, négociations) dont il faut reconnaître à la fois la force morale mais aussi l’efficacité politique limitée. Autre moyen, assez proche du précédent : la grève, arme « invincible » selon le congrès panafricain de Manchester… Pourtant, même cela n’a pas suffi et le moyen le plus efficace, bien que le plus coûteux, fut encore la rébellion armée ou localisée ce que firent à des échelles variées Vietnamiens, Kenyans, Algériens, Malgaches…

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Page 35: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 612

� Des adaptations insuffisantes (des métropoles)

Les métropoles coloniales ne réagissent pas toutes unanimement face aux revendications d’in-dépendance. L’attitude générale est plutôt à la fermeture.

Le Royaume-Uni

L’attitude britannique est d’abord fermée ; c’est en fait l’attitude d’un homme, Churchill, qui en bon conservateur refuse tout ce qui équivaudrait à une perte de prestige et d’influence pour son pays. Sa défaite aux législatives de 1945 et la victoire d’Attlee et des travaillistes débloquent la situation. Dès lors, le Royaume-Uni s’engage dans une décolonisation progressive et adapte ses relations avec ses colonies. Les Britanniques choisissent de privilégier leurs intérêts économiques sur les liens politiques ; ils sont prêts à renoncer à leur domination politique (avec l’Indirect Rule, des élites locales susceptibles de prendre en main la destinée politique de leur nation avaient émergé). Pour maintenir les liens économiques, les colonies sont intégrées dès 1947 au Commonwealth.

Les Britanniques s’engagent donc dans la voie d’une décolonisation négociée. C’est là une tendance générale qui trouvera bien des contre-exemples.

La France

La France opte pour une stratégie tout à fait différente. La France est sortie affaiblie de la guerre ; l’empire représente encore en 1945 un élément de grandeur et de puissance.

Du 30 janvier au 8 février 1944 se réunit la conférence de Brazzaville, sous l’égide du général de Gaulle. Il en ressort des dispositions confuses et contradictoires. La France s’engage à promouvoir plus de libéralisme, des réformes, une amélioration de la situation matérielle et morale des colonisés. D’un autre côté, de Gaulle refuse « toute idée d’autonomie, toute possibilité d’évo-lution hors du bloc français de l’empire ».

De fait, certains événements confirment cruellement le blocage des autorités françaises. Le 8 mai 1945, jour de victoire en métropole, une émeute à Sétif est impitoyablement réprimée laissant plu-sieurs milliers de morts côté algérien. En mars 1947, une autre insurrection éclate à Madagascar ; la métropole réagit brutalement. Il y aurait eu entre 80 000 et 120 000 morts et disparus. Face à l’Indochine autoproclamée indépendante, la France enverra la troupe…

La France n’a pas su quoi faire de ses colonies : les associer ou les assimiler. En 1946, avec la Constitution de la IVe République est créée l’UNION FRANCAISE ; elle constitue un indéniable progrès, mais limité. Les populations de l’Union, que l’on ne nomme plus indigènes, ont droit à une représentation politique ; des droits fondamentaux leur sont reconnus : instruction, grève, syndi-cat… La loi cadre Defferre de 1956 instaure quand même des exécutifs locaux, même limités, élus au suffrage universel. On conviendra que ce n’est pas là une réponse aux revendications d’indépendance. Ce n’est qu’après 1958 que la France s’engage plus nettement vers la décolonisation.

Autres grandes métropoles coloniales

� L’ItalieVaincue en 1945, c’est aux Nations Unies que revient de régler le sort des colonies : la Libye acquière son indépendance dès 1951, la Somalie la sienne après 10 années supplémentaires de tutelle ita-lienne.

� La Belgique et les Pays-BasCes 2 pays s’enferment dans une attitude de refus, bien plus raide qu’en France, que ce soit sur le Congo ou la future Indonésie.

� Portugal et EspagneIls ne semblent pas avoir entendu du tout les revendications anti-coloniales. Toute évolution reste impensable.

La période qui va de l’après-guerre aux années 60 est aussi marquée par une profonde évolution des opinions publiques des métropoles à l’égard de la colonisation. Prenons l’exemple français.

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Page 36: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 613

En 1945, l’opinion publique française reste globalement attachée à son empire colonial ; il est en effet source de grandeur. Pourtant, les mêmes institutions qui avant-guerre se montraient réser-vées sur le colonialisme accentuent et systématisent leur refus ; c’est la cas des Eglises et du parti communiste, premier parti politique français après-guerre. Des intellectuels dénoncent l’oppression coloniale comme Sartre.

Plus originale est le développement du cartiérisme.

Le cartiérisme, du nom du journaliste Raymond Cartier, est une attitude hostile à la colonisation non par idéologie mais par pragmatisme. Les colonies coûtent beaucoup plus cher qu’elles ne rapportent : « Le colonialisme a toujours été une charge en même temps qu’un profit, souvent une charge plus qu’un profit » ; elles représentent un boulet pour les économies européennes. En ces temps de reconstruction et de forte croissance économique, « les trente glorieuses », elles ne sont plus souhaitables.

B Le temps des indépendances

La période des indépendances est vaste, elle correspond à toute la 2nde moitié du XXe siècle ; néanmoins on peut en extraire quelques lignes directrices.

� Deux vagues successives

L’Asie

C’est en Asie que débute le processus de décolonisation, dès 1946 avec l’indépendance de l’archipel philippin pour se clore en 1957, pour l’essentiel.

Nous mettrons à part le cas de l’Indochine française ; elle sera examinée ultérieurement avec l’Algérie comme exemple de déchirure coloniale (B – 2).

� En Asie, la colonie par excellence, c’est le « joyau de la couronne britannique » c’est-à-dire l’empire des Indes.

En juillet 1945, avec la victoire des travaillistes aux législatives du Royaume-Uni, l’indépen-dance de l’Inde est acquise ; reste à négocier ses conditions. En Inde, la revendication d’indé-pendance est très ancienne ; elle est portée par le parti du Congrès de Gandhi et de Nehru, qui la réaffirma par la résolution « Quit India » de 1942. Les négociations se heurtent aux divisions des Indiens, en effet l’Inde est un territoire multiethnique, multiconfessionnel et même multinational. La minorité musulmane est numériquement importante ; ses représentants craignent de la voir noyée dans la majorité hindouiste aussi Ali Jinnah, chef de la Ligue Musulmane réclame-t-il une scission de l’Inde pour que les musulmans aient leur territoire, à l’inverse du parti du Congrès qui refuse toute idée de partition. Les violences entre les communautés hindouiste et islamique se multiplient (meurtres, attentats …) ; la situation de l’Inde est proche de la guerre civile.

Faute de voir s’esquisser un accord, les Britanniques font connaître dès février 1947 leur déci-sion de quitter l’Inde pour juin 1948, dernier délai. Le vice-roi des Indes, Lord Mountbatten, propose un plan de partition.

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Page 37: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 614

Document 3

L’émancipation de l’Asie

Maurice Vaïsse, Les relations internationales depuis1945. © Armand Colin, 2002.

Ce plan aboutit le 15 août 1947 : deux Etats indépendants naissent des décombres de l’Inde coloniale : la République ou Union Indienne à majorité hindoue derrière Nehru et le Pakistan, à majorité musulmane dirigé par Ali Jinnah. Le Pakistan est alors constitué de 2 entités séparées par près de 1 700 km, le Pendjab à l’ouest (actuel Pakistan), le Bengale à l’est (actuel Bangladesh, cette partie ayant acquises son indépendance du Pakistan en 1971).

Malheureusement, l’indépendance y est très douloureuse ; les massacres intercommunautaires sont la règle (près d’un million de morts), de vastes déplacements de population, 12 millions de personnes, ont lieu entre les 2 Etats. Le 20 janvier 1948, Gandhi est assassiné par un extrémiste hindou ; ce meurtre illustre la fin d’un rêve, celui d’une Inde unifiée. Un contentieux indo-pakistanais se noue autour de la riche province du Cachemire (au Nord) revendiquée par les deux Etats.

Dans la foulée, les Britanniques accordent l’indépendance à l’île voisine de Ceylan (actuelle Sri Lanka) dès décembre 1947, à la Birmanie en janvier 1948 mais là sous la pression des attentats, et enfin plus tardivement à la Malaisie en 1957.

Tous ces Etats, excepté la Birmanie, adhèrent au Commonwealth. Les Britanniques ont préservé leurs intérêts économiques et leur capacité d’influence.

� L’attitude conciliatrice des Britanniques n’est pas suivie par les Pays-Bas. Les Néerlandais ont été chassé de l’archipel indonésien par les Japonais pendant la guerre. Le leader nationaliste indo-nésien Sukarno, chef du Parti National, proclame l’indépendance dès la défaite des Japonais, en août 1945. Faute d’être présents sur place, les Néerlandais reconnaissent l’indépendance d’un Etat fédéral indonésien sur Java et Sumatra en 1946. Mais sous la pression de leur opinion publique et des milieux d’affaires coloniaux, les Pays-Bas tentent de reprendre le contrôle de leur ancienne colonie. En juillet 1947, ils envoient un corps expéditionnaire, complété par une seconde inter-vention armée en 1948. La reconquête militaire des Indes néerlandaises, l’Indonésie est presque effective sur le terrain.

Le cas indonésien est exemplaire du poids écrasant du nouveau contexte international d’après-guerre. Les Pays-Bas doivent faire face à une levée de boucliers quasi générale : l’ONU condamne leur intervention, de même que les Etats-Unis, la Grande Bretagne et les nouveaux Etats indépendants d’Asie.

La reconquête militaire débouche sur une impasse diplomatique aussi les Pays-Bas se résignent-ils à accorder l’indépendance aux Etats-Unis d’Indonésie en décembre 1949.

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Page 38: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 615

L’Afrique

Document 4

La décolonisation de l’Afrique (jusqu’en 1968)

Rabat

Alger Tunis

Tripoli

Fort-Lamy

Le Caire

NiameyBamako

El Ajun

Nouakchott

Dakar

ConakryFreetown

MonroviaPorto NovoAccra

1958

Lagos

Yaoundé

ab

b

Kinshasa

Brazzaville

TCHAD

SOUDAN

ÉTHIOPIE

ANGOLA

BOSTWANA

RHODÉSIE

SWAZILAND

LESOTHO

SUD-OUESTAFRICAIN

RÉPUBLIQUED'AFRIQUE DU SUD

ZAMBIE

KENYA

TANZANIE

MADAGASCAR

RÉP. DÉM.DU CONGO

RÉP. CENTRAFRICAINE

SOMALIE

NIGER

NIGÉRIACÔTE

D'IVOIRE

MALI

Hte-VOLTA

LIBÉRIA

ALGÉRIE

MAROC

PORTUGALESPAGNE

ÉGYPTE

ITALIE

MAURITANIE

SAHARAESPAGNOL

TUNISIE

LIBYE R. A. U.

1

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9101112

1315

16

14

INDÉPENDANCE DE L'AFRIQUE

MO

ZA

MB IQ

U E

Abidjan

Ouagadougou

Lomé

Libreville

Luanda

Windhoek

Le Cap

Caberones

Lorenço Marques

Lusaka

Salisbury

Dar es-Salem

Tananarive

Nairobi

Kampala

Addis-Abéba

Mogadishu

khartoum

Bangui

1962

1956

1960

1960

1960 19601960

1960

1958

1956

1951

1960

1960

1960

1960

19601960

1960

1956

1963

1960

1960

1960

1960

1963

1960

19611964

1964

1966

1968

1968

Canaries(Esp.)

Principe& S. Tome(Port.)

Comores(Fr.)

Zanzibar

Érythrée1962

Katanga

Biafra

Tanganyka

1966

Anciennes possessions :

Guinée équatoriale (Esp.) Indépendance en 1968

françaises

anglaises

belges

italiennes

Date d'indépendance

Indépendance proclaméeunilatéralement par la Rhodésie (1965)

Séparation du Commonwealth (1961)ConférencesTerritoires demeurés sousdépendance étrangère

Capitales d'État

a - Rio Muni b - Fernando Poo et Annobon

.La seconde vague de décolonisation touche le continent africain dans les années 60. Deux grandes puissances coloniales se partagent l’essentiel de l’Afrique : la France et le Royaume-Uni.

La décolonisation de l’Afrique britannique

C’est globalement une décolonisation pacifique. Son modèle est la décolonisation de la Gold Coast ou Côte de l’or, futur Ghana. Kwame Nkrumah, leader national de la Gold Coast refuse l’idée d’une confrontation avec la métropole : « Nous préconisons… des méthodes non violentes, consti-tutionnelles et légitimes », au contraire il souhaite le maintien des liens associé à l’indépendance. Cette évolution a été facilitée par l’autonomie dont disposait ce territoire dès 1951 ; Nkrumah fut même 1er ministre dès 1952. L’indépendance est acquise dès mars 1957 pour le Ghana, nouvel Etat qui entre aussitôt dans le Commonwealth.

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Page 39: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 616

L’exemple du Ghana sert de modèle pour la décolonisation de l’Afrique anglophone, d’autres territoires suivent la même voie vers l’indépendance : le Nigeria en 1960, la Sierra Leone en 1961, puis la Tanzanie toujours en 1961, l’Ouganda en 1962, la Zambie (ex-Rhodésie du Nord) en 1964.

Reste le cas original du Kenya. Original, car il contredit le processus pacifique de décolonisa-tion. La décolonisation du Kenya fut difficile, elle s’accompagna de troubles. Dès 1945, Kenyatta, le leader nationaliste kenyan réclame l’indépendance. A cette opposition, finalement classique dans un processus national de décolonisation s’ajoute la rébellion d’une tribu, les Mau Mau qui réclament la restitution de leurs terres, saisies par des colons britanniques. L’indépendance est finalement accordée en 1963.

Toute l’Afrique anglophone n’est pas pour autant libérée du fardeau colonial dans les années 1960 ; l’Afrique australe connaît une évolution originale, notamment la Rhodésie du Sud (futur Zimbabwe) qui proclame unilatéralement son indépendance en 1965 ; or ce sont les colons, la petite minorité blanche, qui gouvernent. On se rapproche ici du modèle « racial » de la République d’Afrique du Sud.

Les indépendances négociées au Maghreb : Tunisie et Maroc

Le Maghreb ou Afrique du Nord se compose de 3 entités territoriales : Maroc, Algérie et Tunisie, toutes sous la domination coloniale française. L’Algérie ne relève pas des indépendances négociées, au contraire, c’est l’autre type de la déchirure coloniale que nous examinerons ultérieurement.

Le Maroc et la Tunisie sont deux protectorats, ils ont gardé leur souverain et une assez large auto-nomie. Dans les 2 cas, la métropole doit faire face à de puissants mouvements nationalistes et elle tergiverse, optant finalement pour la répression.

Au Maroc, le sultan renforcé par le parti de l’Istiqlal dénonce en 1947 dans un discours à Tanger la tutelle coloniale française. La France répond par la répression et use de ses représentants légaux , les résidents, dont le maréchal Juin. Après les émeutes de Casablanca (décembre 1952), les autorités françaises décident de déposer le sultan en août 1953 et d’exiler Mohammed Ben Youssef à Madagascar. C’était oublier la popularité extraordinaire du sultan. Dès lors, la métropole est pri-sonnière du cycle répressif qu’elle a enclenché ; les attentats se multiplient. En 1955, la France entame des négociations permettant le retour du sultan au Maroc et sur le trône ; il devient Mohammed V. Le 2 mars 1956, le Maroc obtient son indépendance.

En Tunisie, tout s’accélère en 1951 quand la Libye voisine acquiert son indépendance. Habib Bourguiba, leader nationaliste à la tête du Neo Destour exige l’autonomie interne, il se heurte au raidissement de la position française. La répression s’abat ; Bourguiba est arrêté en 1952 et exilé. Le terrorisme se multiplie. La France est alors en pleine impasse. Le processus de décolonisation se débloque avec l’arrivée de Pierre Mendés France à la présidence du Conseil.

Le 31 juillet 1954, il prononce un discours à Carthage dans lequel il promet l’autonomie interne :

Document 5

Discours de Carthage de Mendès France – 31 juillet 1954

Notre politique est une politique libérale conforme aux traditions de notre histoire aussi bien qu’aux aspirations profondes du peuple tunisien et aux promesses qui lui ont été faites.L’autonomie interne de l’Etat tunisien est reconnue et proclamée sans arrière-pensée par le gouver-nement français, qui entend tout à la fois l’affirmer dans son principe et lui permettre dans l’action à la consécration du succès. Le degré d’évolution auquel est parvenu le peuple tunisien – dont nous avons lieu de nous réjouir d’autant plus que nous y avons largement contribué – la valeur remarquable de ses élites justifient que ce peuple soit appelé à gérer lui-même ses propres affaires.C’est pourquoi nous sommes prêts à transférer à des personnes et à des institutions tunisiennes l’exercice interne de la souveraineté.

.

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Page 40: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 617

Par autonomie interne, il faut comprendre l’octroi d’une libre gestion et décision des Tunisiens sur les affaires courantes ; ce qui relève de la défense, de la diplomatie demeurant sous tutelle métropolitaine.

Bourguiba revient d’exil en juin 1955. Le processus de décolonisation est relancé. Après négocia-tions, la Tunisie accède à son tour à l’indépendance le 20 mars 1956.

La décolonisation de l’Afrique Noire française

L’Afrique Noire française est organisée en 2 ensembles :– L’AOF = Afrique Occidentale française– L’AEF = Afrique Equatoriale française

Le chemin vers l’indépendance est rarement conflictuel ; notons toutefois la spectaculaire exception malgache avec la répression sanglante de 1947. Dès 1944, lors de la conférence de Brazzaville, on l’a vu, de Gaulle promettait une évolution du statut des colonies. Cette évolution intervient avec l’avènement de la IVe République. Est alors créée l’Union Française, les colonies obtiennent le statut de « territoires d’outre-mer ». Le modèle retenu est assimilationniste car les habitant des TOM ont la citoyenneté française et élisent des députés à l’Assemblée Nationale.

En 1956, la loi-cadre Defferre étend la marge d’autonomie accordée aux TOM (chacun a son assemblée et son gouvernement). De Gaulle, de retour au pouvoir en 1958, poursuit et amplifie cette évolution en créant la Communauté Française. Chaque territoire obtient l’autonomie interne et par référendum doit se prononcer sur l’adhésion à la Communauté ou l’accession directe à l’in-dépendance, se coupant ainsi de l’appui français. Seul un territoire sur les 12 colonies d’Afrique Noire française dit NON, la Guinée de Sékou Touré ; elle accède aussitôt à l’indépendance.

L’Afrique Noire n’est pas un enjeu crucial pour la métropole : trop peu de colons européens y sont ins-tallés ; l’urgence est ailleurs, en Algérie. Dès 1960, tous les territoires africains de la Communauté demandent et accèdent à l’indépendance. La décolonisation politique est réussie, elle se com-plète par la signature d’accords de coopération militaire, économique… garantissant l’influence française sur l’Afrique francophone.

Un échec : la décolonisation du Congo

Le Congo belge n’était pas une colonie assimilable à ses voisines françaises. D’une part, c’est un territoire vaste, très riche en ressources naturelles notamment sa province du Katanga, au sud ; d’autre part, la Belgique y menait une politique paternaliste et autoritaire. L’Afrique noire française ayant acquis son indépendance, c’est sans préparation et dans la précipitation que la Belgique octroie l’indépendance au Congo. Or le pays est profondément divisé : les différentes ethnies se braquent les unes contre les autres, des massacres anti-européens ont lieu ; les chefs natio-nalistes s’opposent entre-eux : Patrice Lumumba, 1er ministre, partisan d’un Etat congolais centralisé obtient le soutien de l’URSS… il est assassiné en 1961. Le président Kasavubu obtient quant à lui le soutien des Etats-Unis, alors que le Katanga fait sécession. La crise congolaise s’inter-nationalise et le pays sombre dans la guerre civile. Les Casques Bleus de l’ONU interviennent, ils sauvent l’unité du pays mais n’empêchent pas l’installation d’une dictature féroce du général Mobutu, chef de l’armée après un coup d’Etat en novembre 1965.

� Indochine et Algérie, 2 déchirures coloniales

La guerre d’Indochine

Pour comprendre le cas indochinois, il faut partir de la guerre. Les Japonais ont chassé sans ména-gement tous les représentants français et ont encouragé les velléités d’indépendance à l’égard de la France. Ho Chi Minh dès 1941 avait fondé le Viet-minh (Front de l’Indépendance du Vietnam) et en septembre 1945, il proclame unilatéralement l’indépendance du Vietnam.

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Page 41: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 618

La France tergiverse. Elle est éloignée, sans représentants et dans un 1er temps reconnaît le gou-vernement provisoire du Viet-Minh. La position française est particulièrement ambiguë en effet De Gaulle fait envoyer un corps expéditionnaire commandé par le général Leclerc, qui débarque à Saïgon dès octobre 1945. Le but est atteint : la France reprend pied en Indochine en contrôlant la province du Sud la Cochinchine. Parallèlement et officiellement en mars 1946 par les accords Ho Chi Minh-Sainteny, la France reconnaît la République du Vietnam mais comme « un Etat libre au sein de l’Union Française » autant dire que l’ordre colonial est maintenu.

La logique de guerre s’enclenche très tôt, par le bombardement d’Haiphong (dans la province du Tonkin, au Nord). L’engrenage actions militaires – représailles du Viet-minh démarre ; la guerre d’Indochine a commencé.

Les nationalistes vietnamiens prennent le maquis pour échapper à la répression française et entame une âpre guerre de « guérilla », contrôlant les campagnes du Tonkin et de l’Annam. Pour les Français, l’ennemi est insaisissable. La guerre d’Indochine est lointaine pour l’opinion publique française qui y reste assez indifférente ; seuls des soldats engagés et des militaires de carrière y combattent.

La guerre d’Indochine, en plus d’être un conflit de décolonisation est aussi, comme la guerre de Corée (1950-1953) un conflit de la guerre froide. Le Viet Minh peut compter sur le soutien soviétique en armements, et dès 1949 sur celui de la Chine communiste de Mao. De son côté, la France bénéficie du soutien militaire et financier des Etats-Unis dès 1950 dans le cadre de leur politique du containment. Rien n’y fait, les armées françaises s’enlisent.

Pour dépasser ses difficultés, le haut commandement militaire français décide de concentrer des troupes à Dien Bien Phu (dans le Tonkin occidental) pour attirer le viet-minh et le vaincre. Les Français sont pris à leur propre piège : la cuvette de Dien Bien Phu tombe le 7 mai 1954 face aux assauts du général Giap : 12 000 soldats sont prisonniers ; un vrai désastre !

La fin de la guerre est officialisée en juillet 1954 par les accords de Genève. La France est vaincue en conséquence elle retire ses troupes ; le Laos, le Cambodge, le Vietnam accèdent à l‘indépendance mais le cas vietnamien n’est pas réglé définitivement. Le Vietnam est divisé en 2 Etats rivaux (à l’instar de la Corée) : au Nord la République démocratique du Vietnam, communiste d’HoChi Minh, au sud du 17e parallèle une république nationaliste pro-occidentale, soutenue par les Américains.

La guerre du Vietnam est déjà en germe par ce découpage….

Une véritable guerre coloniale, les « événements d’Algérie » : 1954-1962

Dans l’empire colonial français, l’Algérie occupe une place originale, en effet elle est considérée comme partie intégrante du territoire national et non comme une colonie, ce qu’elle est pourtant. Cette position est réaffirmée par le ministre de l’intérieur en 1954, François Mitterrand : « L’Algérie, c’est la France ». L’Algérie a commencé d’être conquise en 1830. La IIIe République subdivise l’Algérie en 3 départements, c’est dire qu’on la considère comme partie du territoire national. L’Algérie, c’est aussi la seule colonie de peuplement française ; en 1954 sur 10 millions d’habitants, un million sont d’origine européenne et 9 millions d’origine arabe ou berbère. Sur le principe depuis 1947, tous les Algériens sont citoyens français quelque soit leur origine, dans les faits la réalité dément cruel-lement ce beau principe. Les Algériens musulmans votent dans un collège séparé des Algériens européens avec autant de sièges. En clair, ce sont des citoyens de seconde classe. De plus, les colons européens se sont souvent appropriés les meilleures terres – qu’ils ont d’ailleurs eux-mêmes mis en valeur – ; ils sont une force de blocage et de conservatisme.

Dès 1945, le nationalisme algérien, très ancien, se réveille. On sait la brutalité de la réaction métro-politaine avec l’écrasement sanglant des émeutes de Sétif le 8 mai 1945. Affaiblis, les nationalistes algériens se réorganisent en attendant d’entrer en action. Dans un 1er temps, regroupés dans le MLTD (Mouvement pour Le Triomphe des Libertés démocratiques), les nationalistes s’unissent dès 1954 dans le FLN (Front de Libération Nationale), organisme au-dessus des partis.

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Page 42: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 619

Le FLN se dote d’une armée : l’ALN (Armée de Libération Nationale).

Document 6

Le Manifeste du FLN

Alger, le 31 octobre 1954.Au peuple algérien, aux militants de la cause nationale.

But :

Objectifs intérieurs :

Objectifs extérieurs :

En contrepartie :

Indépendance nationale par

� La restauration de l’Etat algérien souverain, démocratique et social, dans le cadre des principes islamiques.

� Le respect de toutes les libertés fondamentales sans distinction de races et de confessions.

Rassemblement et organisation de toutes les énergies saines du peuple algérien pour la liquidation du système colonial.

� Internationalisation du problème algérien.

� Réalisation de l’unité nord-africaine dans son cadre arabo-musulman […]. Pour prouver notre désir réel de paix, limiter les pertes en vies humaines et les effusions de sang, nous avançons une plate-forme honorable de discussions aux autorités française […] :A. L’ouverture de négociations avec les porte-paroles autorisés du peuple algérien sur les bases de la reconnaissance de la souveraineté algérienne, une et indivisible.B. La création d’un climat de confiance, par la libération de tous les détenus politiques et l’arrêt de toutes poursuites contre les forces combattantes.C. La reconnaissance de la nationalité algérienne par une déclaration officielle abrogeant les écrits, décrets et lois, faisant de l’Algérie une terre française en déni de l’histoire, de la géographie, de la langue, de la religion et des mœurs du peuple algérien.

� Les intérêts français, culturels et économiques, honnêtement acquis seront respectés, ainsi que les personnes et les familles ;

� Les Français désirant rester en Algérie auront le choix entre leur nationalité d’origine et […] la nationalité algérienne […] ;

� Les liens entre la France et l’Algérie feront l’objet d’un accord entre les deux puissances.

.

Questions � Que réclame le FLN ?

� Montrez les contradictions sur ses principes ?

� Quels moyens le FLN se donne-t-il pour parvenir à son but ?

� Quels gages de « bonne conduite » est-il prêt à signer ?

� En quoi cette proclamation est-elle devenue caduque dès le lendemain ?

Réponses � L’indépendance et la « liquidation du système colonial ».

� Le FLN réclame l’indépendance au nom des droits de l’homme : « respect de toutes les libertés fondamentales sans distinction de races et de confessions » mais avec la limite des « principes islamiques ».

� Le FLN souhaite une « internationalisation du conflit » ; bien sûr utiliser la tribune de l’ONU mais aussi jouer sur la solidarité panarabe, notamment égyptienne : « unité nord-africaine dans son cadre arabo-musulmane ».

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Page 43: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 620

� Le FLN comme signe de bonne volonté est prêt à :– « ouvrir des négociations » à condition d’être lui-même représenté : « porte-parole auto-

risés du peuple algérien ».– « libération de tous les détenus politiques et arrêt de toutes les poursuites contre les

forces combattantes » ; c’est plus une demande aux autorités françaises.– « les intérêts français … respectés »– « choix entre leur nationalité d’origine et… la nationalité algérienne » pour les Français

d’Algérie.

� Cette proclamation, plutôt conciliatrice, est une entame de négociation or dès le lendemain, à la Toussaint 1954, par une série d’attentats, le FLN entre dans la voie de l’insurrection armée.

Le 1er novembre 1954 débutent les « événements d’Algérie » (ainsi les qualifiaient les autorités françaises niant qu’il s’agisse d’une guerre mais plutôt d’une simple opération de pacification) ; une série d’attentats sanglants visent des particuliers « européens ». La guerre a commencé. La date a son importance, l’effet de surprise est complet… 1954, c’est aussi la fin de l’Indochine, la métropole française est affaiblie.

La France réplique par la répression ; il est alors impensable de lâcher les 3 départements d’Algérie. On envoie 56 000 soldats, on fait appel aux réservistes et deux ans plus tard, c’est déjà un contin-gent de 400 000 qui est en Algérie, en effet le gouvernement Guy Mollet décide l’envoi des appelés du contingent en 1956. L’armée obtient des « pouvoirs spéciaux » pour traquer le FLN et ses partisans, le recours à la torture se généralise (chez le FLN aussi !). Les militaires cherchent à pacifier l’Algérie, c’est-à-dire à désolidariser la population algérienne des combattants nationalistes.

Une partie des Algériens combattent aux côtés de l’armée française : les harkis.

Malgré quelques opérations musclées pour détruire les réseaux du FLN comme la bataille d’Alger en 1957, les attentats continuent. C’est l’impasse et les Pieds Noirs (Européens d’Algérie nés en Algérie) craignent d’être abandonnés c’est pourquoi le 13 mai 1958, le palais du gouverneur général est investi par des manifestants, un comité de salut public se crée et l’appel à DE GAULLE est lancé.

La IVe République meurt de l’affaire algérienne. De Gaulle doit faire face à une situation bien compromise : la France est régulièrement condamnée à l’ONU et par les Etats-Unis pour cette guerre et les divers forfaits qui l’ont accompagnée (bombardement du village tunisien de Sakiet Sidi Youssef en février 1958 par exemple).

De Gaulle hésite (nous n’évoquerons pas ici les aspects franco-français de la guerre d’Algérie ni ses répercussions politiques – considérables – en France), apaise les Pieds-Noirs d’un subtil et obscur : « Je vous ai compris » dans son discours d’Alger en juin 1958.

Dans les faits, et malgré bien des péripéties, De Gaulle s’engage sur la voie des négociations. C’est une politique réaliste, le temps n’est plus à l’aventure coloniale et de Gaulle cherche à se débarrasser du boulet algérien ; de plus le prestige international de la France est sérieusement atteint. Sur le terrain, de Gaulle poursuit l’effort militaire (plus de 800 000 soldats sont en Algérie en 1958) pour mieux négocier avec le nouveau GPRA (Gouvernement Provisoire de la République algérienne) créé au Caire fin 1958. De Gaulle suit l’évolution de l’opinion publique française : en 1959, il propose l’autodétermination pour les Algériens. Les Français d’Algérie se sentent trahis et croient pouvoir inverser le processus de décolonisation de l’Algérie : semaine des barricades à Alger en janvier 1960, putsch manqué des généraux en avril 1961, attentats de l’OAS – Organisation de l’Armée Secrète – qui créent un vrai climat de terreur. Des négociations secrètes sont entamées qui aboutissent aux accords d’Evian de mars 1962. La France obtient des garanties – qui ne seront pas respectées – et finalement l’Algérie proclame son indépendance le 3 juillet 1962.

L’affaire algérienne est une déchirure coloniale exemplaire : les Européens d’Algérie fuient en masse vers la métropole (« la valise ou le cercueil » leur dit-on !) , rien n’est préparé pour les recevoir ; les harkis qui n’ont pas pu fuir sont massacrés par le FLN.

Le bilan est accablant : (voir page suivante).

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Page 44: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 621

Document 7

Le bilan des victimes

Pertes globales

Entre 200 000 et 300 000, selon les estimations d’historiens

Victimes chez les « forces de l’ordre » (armée française)

24 614 morts dont environ 4500 musulmans (15 583 tués au combat ou par attentat, 7917 par accident, 1114 par maladie ou suicide)64 985 blessés (dont 35 615 par combat ou attentat et 29 370 par accident)

Victimes civiles du terrorisme du FLN

19 166 morts (2 788 Européens, 16 378 musulmans)21 151 blessés (7 541 Européens, 13 610 musulmans)14 171 disparus (875 Européens, 13 296 musulmans)

Perte des « rebelles » (armée du FLN) 141 000

Guerre civile entre le LN et le MNA (Mouvement national algérien de Messali Hadj, dont la lutte pour l’indépendance est antérieure à celle du FLN et qui refuse de se soumettre à celui-ci).

En Algérie : 6 000 tués et 14 000 blessésEn France : 4 055 tués et près de 9 000 blessés.

Terrorisme de l’OAS (de 1961 à juin 1962) 2 700 morts, dont 2 400 Algériens

Enlèvement de civils européens

3 018 entre le 19 mars et le 31 décembre 1962 (dont 1 245 sont libérés et 1 165 considérés comme morts) ; 382 en 1963 (dont 41 retrouvés morts)

D’après G. Pervillé, « le vrai bilan des victimes », l’Histoire N°181, octobre 1994.

.

� Les indépendances tardives

En 1970, nombre de territoires restent à décoloniser, notamment en Afrique.

La fin de l’empire portugais

En Afrique, le domaine colonial portugais se compose de 4 territoires : les îles du Cap-Vert, la Guinée-Bissau, l’Angola et le Mozambique. A l’inverse des autres métropoles coloniales, britannique, belge et française, le Portugal refuse toute idée d’abandon des colonies. Ce blocage s’explique par des raisons politiques : le Portugal est une dictature traditionaliste depuis 1932 avec à sa tête Antonio Salazar. Celui-ci garde une vision très XIXe des colonies : des territoires à exploiter (surtout les richesses minières), des territoires à civiliser ; le modèle colonial est assimilationniste et nombre de Portugais partent s’installer dans les colonies.

En dépit de ce blocage portugais, les mouvements nationalistes se développent néanmoins, dès 1955. Malgré la répression sans pitié (exil, torture, meurtres), ces mouvements croissent et pour survivre jouent la carte de l’internationalisation. Ces mouvements utilisent les pays voisins comme base arrière pour mener leur guérilla mais aussi les rivalités ouest-est.

Prenons l’exemple de l’Angola. Dans ce pays, deux partis nationalistes rivaux luttent contre l’oc-cupant portugais : le MPLA (Mouvement Populaire pour la Libération de l’Angola) d’inspiration marxiste, qui obtient le soutien de l’URSS (envoi d’armes) et de Cuba (envoi de soldats) ; et l’UNITA plutôt pro-occidentale.

L’implacable répression coloniale, les rivalités à couteaux tirés entre mouvements de libération entre-tiennent le conflit dans sa longueur et sa cruauté.

Au Mozambique, c’est le FRELIMO (Front de Libération du Mozambique) qui lutte contre les Portugais.

La situation demeure verrouillée sur le sol africain. Et pourtant, c’est rapidement que des solutions seront trouvées quand la métropole changera d’attitude. En 1974, la « révolution des œillets »

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Page 45: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 622

met fin à la dictature au Portugal. C’est l’armée qui renverse la dictature, se faisant indirectement le porte-voix d’une jeunesse portugaise qui n’a plus envie de mourir pour garder l’empire colonial. De fait, les nouvelles autorités démocratiques portugaises lâchent l’empire : la Guinée-Bissau est indépendante en 1974 puis c’est au tour des îles du Cap-Vert, du Mozambique et de l’Angola dès l’année suivante.

Reste que si la décolonisation est obtenue, les troubles en Angola et Mozambique entre mouve-ments nationalistes continuent. Ces deux pays sombrent dans la guerre civile.

L’Afrique australe

Cette partie de l’Afrique, la pointe sud, est dominée par une puissance régionale : la république d’Afrique du Sud. Or, c’est un Etat très original car depuis 1948, officiellement en tout cas, règne l’apartheid c’est-à-dire une politique d’Etat discriminatoire et de ségrégation entre commu-nautés noires et blanches. Ce modèle « racial » n’est pas sans déteindre sur les voisins.

� Un Etat de l’Afrique australe, la Rhodésie du Sud s’était autoproclamée indépendante en 1965 sans négociation avec les Britanniques, leur puissance coloniale. A cela une raison de taille : les colons européens (5 % de la population) voulaient garder le pouvoir sur le modèle ségrégatif d’Afrique du Sud et assurer leur mainmise sur la propriété agricole. Isolée, non reconnue par le Commonwealth et les Britanniques, la Rhodésie accorde l’égalité politique entre Noirs et Blancs en 1980. Les élections portent au pouvoir Robert Mugabe, chef de la majorité noire. Il proclame une 2nde indépendance, cas unique dans l’histoire de la décolonisation, la vraie à ses yeux en avril 1980 et rebaptise le pays en Zimbabwe. N’empêche que les habitants du Zimbabwe sont les grands perdants de cette histoire ; d’une dictature blanche raciste, il passe à une… dictature noire tout aussi raciste que la précédente !

� L’évolution de la République d’Afrique du Sud est plus réussie. De 1948 à 1991, un strict apartheid règne : la minorité blanche maintient son pouvoir et sa richesse par la force et la violence. Ce régime officiellement raciste est alors de plus en plus unanimement condamné par la communauté inter-nationale ; des campagnes de boycott se développent dans les années 1980. En 1991, la minorité blanche doit partager le pouvoir. La démocratisation de l’Afrique du Sud est aussi sa décolonisation, au sens où l’ordre colonial oppressif perd son ressort quand le plus ancien opposant à l’apartheid, le chef historique de l’ANC (African National Congress), emprisonné depuis 1962 et libéré en 1990, Nelson Mandela, accède à la présidence de la République en 1994.

� Dans cet espace de l’Afrique australe, un dernier territoire a bénéficié de l’ouverture de l’Afrique du Sud et de la fin de l’opposition est-ouest : la Namibie annexée par l’Afrique du Sud. Malgré la guérilla de la SWAPO et les condamnations réitérées de l’ONU, ce territoire reste sous tutelle sud africaine jusqu’à ce qu’il perde tout intérêt stratégique quand la menace communiste s’évapore en Angola (départ des Cubains, écroulement de l’URSS avant implosion). Le 21 mars 1990, la Namibie devient indépendante.

L’éclatement de l’URSS ou la fin de la « prison des peuples »

Avec la démission de Gorbatchev, président de l’URSS, le 25 décembre 1991 disparaît l’URSS. Des décombres de l’empire soviétique naissent de nombreux Etats en Europe orientale : Pays Baltes, Ukraine, Biélorussie, Moldavie ; dans le Caucase : Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie ; et en Asie centrale : Kazakhstan, Ouzbékistan… A bien des égards, il s’agit là de la dernière vague de décolonisation, passée inaperçue face à l’enjeu géopolitique considérable que constituait la disparition de l’URSS. C’est en bonne partie de l’incapacité à gérer ses nationalités qu’est morte l’URSS.

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Page 46: Colonisation et indépendance

Séquence 11-HG00 623

C L’incapacité du Tiers-Monde à peser sur les relations internationales

C’est l’économiste et démographe Alfred SAUVY qui invente la notion de Tiers-Monde en 1952 pour qualifier ces nouvelles nations indépendantes en voie de développement :

Document 8

L’apparition de l’expression « tiers-monde » en 1952

Nous parlons volontiers des deux mondes en présence, de leur guerre possible, de leur coexistence, etc., oubliant trop souvent qu’il en existe un troisième, le plus important et, en somme, le premier dans la chronologie. C’est l’ensemble de ceux que l’on appelle, en style Nations unies, les pays sous-développés […]. Ces pays ont notre mortalité de 1914 et notre natalité du XVIIIe siècle […]. On conçoit bien que cet accroissement démographique devrait être accompagnés d’importants investissements […]. Or, ces investissements vitaux […] se heurtent au mur financier de la guerre froide. Le résultat est éloquent : le cycle millénaire de la vie et de la mort est ouvert, mais c’est un cycle de misère […].Peut-être le monde n°1 pourrait-il, même en dehors de toute solidarité humaine, ne pas rester insensible à une poussée lente et irrésistible, humble et féroce, vers la vie. Car enfin, ce tiers-monde ignoré, exploité, méprisé comme le tiers-état, veut, lui aussi, être quelque chose.

Alfred SAUVY, « Trois mondes, une planète », L’Observateur, 14 août 1952© France Observateur.

Questions � D’où vient l’expression « Tiers-Monde » ? A quoi Sauvy fait-il référence ? A quel écrit ?

� Comment explique-t-il l’oubli du Tiers-Monde ?

� Qu’est-ce qui fait son unité selon l’auteur ?

Réponses � Sauvy invente cette notion par référence au tiers-état, c’est-à-dire au troisième ordre de la

société d’Ancien Régime « ignoré, exploité, méprisé » par les deux autres ordres privilégiés. Quand il affirme « être quelque chose », Sauvy pastiche Sieyès et son essai « Qu’est-ce que le Tiers-état » de 1788.

� Sauvy explique l’oubli du Tiers-Monde par des considérations géopolitiques ; toute l’attention va à la guerre froide et à la bipolarisation des relations internationales : « deux mondes en présence, de leur guerre possible », « mur financier de la guerre froide ».

� L’unité du Tiers-Monde tient selon l’auteur à des caractéristiques communes :– « des pays sous-développés »– « en accroissement démographique »– « misère »

Le Tiers-Monde est donc bien plus que les pays nouvellement décolonisés, il faut y inclure d’autres espaces : Amérique Latine, Moyen Orient …

Cette notion eut une grande importance. Elle permit de penser l’opposition pays développés – pays en voie de développement mais elle a aussi, et dès le départ, ses insuffisances. Elle créé un ensemble unique, qui soyons clair, est une vue de l’esprit et cela dès 1952 ; elle sera le support aux discours « tiers-mondistes » qui expliquent assez paresseusement les rapports entre pays industrialisés et les pays du tiers-monde en terme uniquement d’exploitation (bien entendu capitaliste !).

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Séquence 11-HG00 624

� Un essai d’organisation

L’apparition du Tiers-Monde sur la scène internationale peut être datée très précisément à 1955 : les guerres de Corée et d’Indochine viennent de prendre fin. C’est d’Asie que vient « le vent nouveau ».

� A Bandung, en Indonésie, 29 pays d’Afrique et surtout d’Asie tiennent une conférence en avril 1955. Quelques grands ténors du Tiers-Monde s’affirment : Nehru pour l’Inde, Soekarno pour l’Indonésie, Nasser pour l’Egypte et Zhou Enlaï pour la Chine. Même si une précédente conférence s’était tenue à New Delhi en 1947, c’est Bandung qui marque l’acte de naissance politique des « peuples de couleur ».Bandung est l’ancienne capitale de l’Indonésie devenue indépendante en 1949. La conférence est l’incarnation de l’afro-asiatisme, courant qui met en avant la communauté de destin et d’intérêt des pays asiatiques et africains. Sont présents à cette conférence seulement 29 Etats afro-asiatiques parmi lesquels l’Inde, le Pakistan, l’Indonésie, la Chine populaire, le Nord Vietnam, la Libye et l’Egypte ; ce faible nombre s’explique aisément car si la décolonisation de l’Asie est largement entamée, ce n’est pas le cas en Afrique. Tout autant que les présents, comptent les absents : les Etats-Unis, l’URSS et les Etats européens. Dans un contexte de guerre froide, atténuée par la « coexistence pacifique », les pays du Tiers Monde réunis à Bandung cherchent confusément une « troisième voie ».Les pays présents à cette conférence réclament unanimement la fin du colonialisme, en effet l’Afri-que est toujours sous la sujétion coloniale, au nom des droits de l’homme et de la Charte des Nations Unies c’est-à-dire pour l’essentiel du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Ils rejettent le racisme, l’ingérence des puissances extérieures qu’elles soient européennes ou des deux supergrands, Etats-Unis et URSS ; ils mettent en avant un certain neutralisme.A court terme, Bandung eut un écho considérable. Il joua un rôle d’amplificateur aux revendica-tions d’émancipation ; il contribua à mobiliser ces nouvelles nations pour investir l’ONU, l’orienter et s’en servir comme tribune. Le mouvement des non-alignés découle assez directement de Bandung. Néanmoins, quant au fond, sur le respect du droit international, sur la coopération économique, il eut un impact bien faible.

� Un coup d’éclat Suez 56.

Suez, en 1956 succède aux discours de Bandung. Nous ne reviendrons pas sur le détail des faits et son impact géopolitique à échelle mondiale qui relève plus des relations internationales. Depuis deux ans, Nasser a pris le pouvoir en Egypte ; par son charisme, il s’impose comme le leader de la Ligue Arabe et s’illustre à Bandung. Pour financer un vaste programme de modernisation et de développement, il nationalise le canal de Suez, possession franco-britannique. C’est l’occasion de chasser les deux puissances coloniales et de restaurer le nationalisme égyptien comme le panarabisme. On le sait, les Français et Britanniques accompagnés des Israéliens entreprennent une action militaire pour recouvrer le canal et ces 3 pays, bien que vainqueurs militairement doivent partir faute du soutien américain et face à la menace nucléaire soviétique. Suez redonne aux Arabes leur fierté et affaiblit les deux grandes puissances coloniales d’alors. En jouant les allées et venues entre supergrands, les pays du Tiers-Monde, ici l’Egypte, prennent conscience qu’ils peuvent sinon influer du moins conquérir leur autonomie dans les relations internationales .

� La création de l’OPEP en 1960 ressemble à bien des égards au « coup de Suez ». Elle participe du même postulat tiers-mondiste, recevable en partie seulement, selon lequel c’est la colonisation ou son avatar le colonialisme qui explique et génère le sous-développement et les difficultés économiques des pays du Tiers-Monde.

En août 1960, les grandes compagnies pétrolières, anglo-américaines, décident de baisser le prix du pétrole. Ne profitant pas de la rente pétrolière, des Etats producteurs décident de créer en septem-bre 1960 l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) : Venezuela, Irak, Iran, Koweït, Qatar, Arabie Saoudite puis Algérie, Libye, Nigeria. L’OPEP a un double objectif : augmenter les royalties pour les pays producteurs et nationaliser la production ainsi de l’Irak en 1972.

Par l’arme économique, certains pays du Tiers-Monde peuvent se faire entendre mais ce n’est là qu’une minorité et une action isolée.

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Séquence 11-HG00 625

� Le Tiers-Monde : acteur ou plutôt enjeu des relations internationales ?

� Bandung initie une troisième voie diplomatique, le neutralisme à l’égard des 2 grands. De cette impulsion naquit le « mouvement des non-alignés », tentative pour peser sur les Relations Internationales sans en être l’objet. Le moins que l’on puisse en dire, c’est que ce fut là un échec. Voyons en quoi.

Dès 1956, Tito (pour la Yougoslavie), Nasser et Nehru se réunissent pour relancer les principes du neutralisme entrevus à Bandung. C’est à Belgrade en 1961 que naît officiellement le mouvement des non-alignés. 25 pays sont présents à cette conférence. Sont réaffirmés de grands principes comme le rejet des deux blocs, soviétique et américain, du colonialisme ou plutôt du « néo-colonialisme ». On prévoit ensuite une périodicité de 3 ans pour les sommets des non-alignés : 1964 au Caire, 1970 à Lusaka, 1973 à Alger.

Malgré ces beaux principes, le « mouvement des non-alignés » est l’exemple d’une illusion, en effet nombre de ces Etats membres ou fondateurs sont de facto dans la sphère communiste sinon soviétique : la Chine Populaire, la Yougoslavie en dissidence avec la mère patrie, et plus clairement Cuba ! Le mouvement des non-alignés est nettement anti-américain, son neutralisme n’est que de façade. Pire, il est rongé de l’intérieur, car ses Etats - membres se disputent parfois les mêmes territoires.

� Son échec politique est criant, néanmoins comme à Alger en 1973, c’est une tribune qui soulève des problèmes de fond, comme celui de l’ordre économique mondial.

Les pays du Tiers-Monde sont aussi appelés à l’époque « pays sous-développés » ; cette dénomina-tion toujours « européocentriste » sinon « occidentalo-centrée » traduit néanmoins une réalité économique indéniable : le fossé entre pays développés et pays en voie de développement ne cesse pas de se renforcer, déjà dans un rapport de 1 à 60 en 1964 au sujet de la richesse (proportion de l’écart entre le pays le plus riche et le pays le plus pauvre). Fort accroissement démogra-phique, exportations quasi exclusives de matières premières restent des caractéristiques communes aux pays du Tiers-Monde, or aucun décollage économique n’est repérable à l’horizon. Ces pays prennent conscience de la priorité des questions économiques et notamment de la dégradation des termes de l’échange (rapports entre la valeur des exportations – matières premières – et la valeur des importations – produits industriels –) : l’inflation renchérit les produits importés alors que le cours des matières premières exportées baisse.

Face à cet échange inégal, le Tiers-Monde s’organise pour peser sur l’organisation du commerce international. Ce sera l’objet des CNUCED (Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement), dont la première se tint en 1964 à Genève. 120 pays sont représentés dont 77 pays en voie de développement. Assez rapidement, la conférence s’enlise : la France propose une fixation des prix et la création d’un fonds d’aide au développement, à l’inverse les Anglais et Américains refusent toute remise en cause du libéralisme économique. Pour dépasser cet échec, les 77 s’unissent et portent leurs réclamations dans une conférence à Alger en 1967 : « la gravité du problème requiert d’urgence l’adoption d’une stratégie globale du développement ». Rien de bien concret ! Les CNUCED s’institutionnalisent comme organisme permanent de l’ONU ; la seconde se tient à New Delhi en 1968, la 3e au Chili en 1972. Rien de décisif n’en ressort.

D’où l’exigence formulée à Alger lors du sommet des « non-alignés » en 1973 de mettre en place un « nouvel ordre économique international », le NOEI. Cette demande est relayée par une décla-ration de l’assemblée générale de l’ONU en mai 1974 qui rappelle le nécessité de « rapports justes et équitables entre les prix des matières premières, des produits primaires… exportés par les pays en voie de développement et les prix… des biens… et matériel importés par eux ».

Ces paroles resteront lettre-morte ; la crise vient d’éclater en 1973 et ruine les espérances des PVD (Pays en voie de développement).

� L’échec des Pays du Tiers-Monde à peser sur les relations économiques internationales, flagrant dès le milieu des années 1960 a suscité localement l’éclosion de mouvements révolutionnaires, notamment en Amérique Latine. Ernesto « CHE GUEVARA » en est le héros, lui qui voulait semer la guérilla contre les « forces impérialistes » en Afrique, en Bolivie … Sa figure christique, de révolution-naire romantique, a entretenu l’illusion d’une solution par la révolution aux problèmes du Tiers-Monde. La mort du Che en 1967 signe le glas des espérances révolutionnaires.

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D La fin du Tiers-Monde et l’émergence des « Suds »

� Une unité factice, des intérêts différents

� Les problèmes économiques ont pris le dessus sur les aspects politiques. L’année 1973 est sur ce point l’année cruciale, elle révèle crûment les intérêts antagonistes au sein même des pays du Tiers-Monde. L’OPEP, essentiellement les pays arabes producteurs de pétrole, décide les 16 et 17 novembre 1973, en pleine guerre israélo-arabe d’augmenter le prix du baril de pétrole par quatre. C’est le détonateur de la crise. Les pays développés sont gravement touchés : forte inflation, explosion du chômage. L’utilisation de l’armé économique pour faire pression sur les Etats-Unis a fonctionné. Or, on oublie un peu vite que les pays du Tiers-Monde ont également et pour certains plus durement subi la crise économique.

Le choc pétrolier enrichit les Etats pétroliers du Moyen et Proche-Orient, pays faiblement peuplé pour certains, ainsi l’Arabie Saoudite augmente sa richesse de 2 fois et demie dans l’année qui suit le choc. Mais tous les pays du Tiers-Monde ne sont pas exportateurs de pétrole, nombre d’entre eux sont aussi dépendants des importations énergétiques. La facture pétrolière s’avère trop lourde, les pays du Tiers-monde s’enfoncent dans la crise et commence le cycle infernal de la dette. Quelques pays, comme le Nigeria, disposent bien de gisements pétroliers mais ils ne réussissent guère à profiter de la manne pétrolière, privilégiant plutôt des dépenses improductives quand ce n’est pas la corruption qui engloutit les revenus pétroliers.

La crise économique fait voler en éclat l’idée de solidarité entre pays du Tiers-Monde. La notion même de Tiers-Monde perd toute signification. Les pays en développement – mieux vaut ainsi les dénommer – sont laissés à eux mêmes ; en témoigne le relatif échec du som-met de Cancun (Mexique) en octobre 1981 où étaient promises des négociations entre pays développés et pays en développement.

� On pourrait trouver un seul contre-exemple à la césure économique NORD-SUD qui commence à se durcir : les accords CEE-ACP. En 1975, par les accords de LOME I, la Communauté Européenne signe un accord de commerce privilégié avec 35 pays ACP (= Afrique, Caraïbes, Pacifique). Ces accords sont renouvelés en 1979 : Lomé II, étendus à 58 pays ; ils prévoient des aides finan-cières, un accès facilité au marché européen et un certaine stabilisation des prix des produits exportés vers l’Europe, essentiellement des matières premières agricoles. Ils continuent de nos jours, renouvelés en 2000, et concernent 71 Etats ACP.

� Si, à échelle mondiale, l’idée de Tiers-Monde perd toute efficacité et signification, n’en demeu-rent pas moins des tentatives d’organisation locale, parfois antérieure à 1973. En Afrique, l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine) dont le but était de veiller à la paix et au respect des frontières avait fait preuve de son échec aussi d’autres organisations africaines ont vu le jour : l’OCAMM (Organisation commune africaine, malgache et mauricienne) francophone et sa rivale, le Groupe de Casablanca (réunissant des pays islamiques : Maroc, Ghana, Guinée, Mali…). En Asie, on assiste à l’apparition en 1967 de l’ASEAN (Association des Nations d’Asie du Sud-Est) afin d’organiser l’essor économique de cette région.

� Des « Suds » : les obstacles communs du mal développement

Au-delà des divergences d’intérêts économique et politique qui nous interdisent d’utiliser désormais le vocable « tiers-monde », il existe néanmoins des critères communs et bien qu’ils ne se retrouvent pas dans tous les pays en développement, fréquents, ils caractérisent les pays du Sud.

� Ces obstacles sont d’abord politiques :

Les PED ont pour la plupart hérité de la notion d’Etat, forgée par les anciens colonisateurs, ainsi que de frontières. Or très souvent, ces frontières sont artificielles en ce sens qu’elles ne correspondent à aucune réalité ethnique ou économique. Nombre de PED sont multiethniques. Ces pays, surtout en Afrique, avec l’OUA, pour s’affirmer ont rappelé l’intangibilité des frontières. Certaines ethnies minoritaires ont souhaité accéder à l’indépendance, il en a résulté nombre de conflits dont le plus

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Séquence 11-HG00 627

célèbre est celui du Biafra, région des Ibos chrétiens à l’Est du Nigeria – pays à dominante musulmane – qui proclama son indépendance en mai 1967. Les autorités nigérianes déclenchèrent une guerre qui dura 3 ans et permit d’écraser le mouvement sécessionniste. A l’inverse, l’Erythrée a acquis son indépendance après une guerre de 30 ans contre l’Ethiopie en 1993 ainsi que le Timor oriental en 2002, après que l’ONU y a envoyé une force militaire pour empêcher toute reconquête indonésienne. Des conflits persistent : au Cachemire, revendiqué par l’Inde et le Pakistan, au Sri Lanka où les Tamouls luttent toujours pour faire sécession.

Les troubles ne se développent pas seulement sur des querelles de frontières. On a vu se multiplier les guerres civiles pour des motifs très divers. En Afrique, c’est autour de l’ethnicisme c’est-à-dire la volonté de domination exclusive d’une ethnie, d’un groupe de population sur les autres composantes nationales. Le cas type s’est produit au Rwanda en 1994 quand d’avril à juin, les Hutus ont massacré près de 500 000 Tutsis. Sans encore atteindre la proportion du génocide rwandais, le cas du Congo-Zaïre ou Congo-Kinshasa s’en rapproche, pays dans lequel les troubles persistent, où les affrontements inter-ethniques sont monnaie courante. Le Soudan est un autre exemple de ces guerres ethniques : le sud chrétien et animiste a subi une véritable politique d’extermination par la faim menée par le nord musulman avant qu’un droit à l’autodétermination n’intervienne en 2002. Dans les pays islamiques, c’est la menace islamiste qui se précise depuis 25 ans. On pourra définir l’islamisme comme un projet politique totalitaire de fondamentalistes religieux musulmans dans lequel la Charia – Loi Islamique – gère toute la vie quotidienne. L’islamisme en Algérie a conduit depuis 1992 à une véritable mise à sac du pays, ravagé par le terrorisme.

De fait, alors qu’au Nord on assiste depuis la chute de l’Union Soviétique à un certain – et relatif – désarmement ; au Sud, c’est l’inverse qui se produit avec une course aux armements, à l’arme atomique, obtenue en Inde (1974), en Afrique du Sud(1979), au Pakistan (1998), en cours en Iran et en Corée du Nord.

La violence politique se trouve souvent à la tête de l’Etat. Depuis la décolonisation, les coups d’Etat sont nombreux, surtout en Afrique. Prenons l’exemple du Congo-Kinshasa. Depuis la prise de pouvoir de Mobutu en 1965, la dictature continue. Ce militaire a été chassé en 1997 par Laurent Désiré Kabila, chef des rebelles ; ce dernier disparaît en 2001 dans un attentat… Trop souvent, le pouvoir politique dans les PED est confisqué par les militaires, un groupe ethnique ou un parti : Parti Baas en Irak jusqu’en 2003, Parti Communiste en Chine ou au Vietnam, en Corée du Nord… Ce constat négatif doit cependant être nuancé. La démocratisation a spectaculairement progressé en Amérique Latine dans les années 80, démocratie établie en 1983 en Argentine, en 1985 au Brésil (à l’exception de Cuba) et en Afrique australe dans les années 90 (à l’exception du Zimbabwe).

� Ces obstacles sont également de nature socio-économique :

Les PED doivent faire face à deux grands défis :

– l’endettement, évalué à 2000 milliards de $ en 1995 qui asphyxie les économies africaines ou asiatiques. Les remises de dettes partielles accordées (G7 de Lyon en 2000) n’effacent pas le problème. Les PED tentent de s’organiser pour exiger l’ouverture des marchés des pays du Nord comme le G21 (groupe de 21 pays en développement) qui ont réussi à faire échouer les négo-ciations de l’OMC à Cancun sur les produits agricoles en 2003 par leur opposition.

– l’explosion démographique . Le Sud c’est 1/4 des richesses mondiales pour 3/4 de la popu-lation mondiale. Il y a là un déséquilibre caricatural qui explique l’accroissement des migra-tions Sud-Nord. L’effort de scolarisation est énorme à accomplir pour une population très jeune ; et quand la population se qualifie, très souvent elle migre vers des postes mieux rémunérés dans les pays du Nord.

Il existe enfin des obstacles communs avec les pays développés mais particulièrement aigus dans les PED :

La crise urbaine. Les villes des PED, en tout cas les capitales, et en de plus rares cas des métropoles régionales, sont devenues géantes comme Le Caire, Lagos, Mexico, Sao Paulo, Bombay… Ces villes expriment tous les contrastes sociaux des PED : quartiers modernes financiers ou résidentiels aisés s’opposant à d’infinis bidonvilles, précaires et illégaux.

Les atteintes à l’environnement sont spectaculaires et notamment la destruction des forets primaires au Gabon, en Indonésie et surtout en Amazonie.

On n’oubliera pas non plus la corruption.

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Séquence 11-HG00 628

� Une inégale insertion au processus de mondialisation

La fracture Nord-Sud balafre notre planète mais nous ne pouvons pas nous en tenir à ce constat trop simplificateur. Depuis 1973, les PED se singularisent les uns par rapport aux autres.

Il est possible de faire des regroupements régionaux :

L’Asie

Elle donne l’impression de sortir du mal développement. Les anciens NPI d’Asie : Corée du Sud, Taiwan, Singapour sont depuis près de 20 ans considérés comme des pays du Nord. La Chine, dans l’OMC depuis 2001, à l’instar de l’Asie pacifique, connaît des taux de croissance sans égal par ailleurs. L’Asie a su s’insérer dans le commerce mondial, en utilisant d’abord l’abondance et le côté bon-marché de sa main d’œuvre. Jusqu’en 1997, on pouvait parler de « prospérité économique » pour cette zone, quand les « Tigres » (Malaisie, Thaïlande, Indonésie, Philippines) s’industrialisaient, prenant le relais des 4 NPI. La crise de 1997 a révélé la fragilité de l’essor économique pour ces derniers.

L’Amérique latine

Elle s’est également insérée dans les échanges mondiaux mais les progrès ne sont pas aussi spectacu-laires qu’en Asie. Globalement, la richesse y progresse mais les écarts sociaux sont caricaturaux. Les tentatives d’organisations régionales comme le MERCOSUR ne sont pas convaincantes pour l’instant ; ces pays restent très dépendants des institutions financières internationales comme le FMI et la Banque Mondiale comme l’a montrée le naufrage de l’Argentine en 2001-2002. Des maux plus spécifiques persistent et gangrènent sinon la société du moins l ‘économie et la politique comme le trafic de drogue, spectaculaire en Colombie.

L’Afrique subsaharienne

Elle donne l’impression depuis 25 ans de s’enfoncer dans le mal développement. C’est un terri-toire délaissé, qui ne réalise qu’à peine 3% de la richesse mondiale. Elle cumule presque tous les obstacles au développement vus précédemment, et ce n’est pas par hasard si on y localise la plupart des Pays Les Moins Avancés (PMA) du monde. Endettement, guerre, corruption, pandé-mies… La situation de l’Afrique est très préoccupante.

Le monde islamique

Il présente en fait une grande diversité. Les monarchies pétrolières d’Arabie côtoient des PMA comme l’Afghanistan. Aujourd’hui, plus que les contrastes de richesse, c’est le péril de l’isla-misme qui pointe et pourrait être mortel à tout processus de développement : en Afghanistan de 1996 à 2002 ; en Iran de 1979 à nos jours, en Algérie depuis 1988.

A travers cette étude du Sud, on perçoit bien que les difficultés économiques et sociales des PED persis-tent. Une tentative partielle de réponse a été proposée : les politiques de coopération ou d’aide au développement dont la France dans le cadre de la francophonie a été un leader. On a vu les accords de Lomé entre les pays ACP et l’Union Européenne, régulièrement reconduits depuis 1975. Cette aide au développement a été fortement critiquée comme étant « néocolonialiste », entretenant la dépendance, technique, culturelle … des PED de même que l’est de plus en plus la main mise sur les économies défaillantes des PED du FMI et de la Banque Mondiale dans le but, officiel, de restreindre la dette. ■

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