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2 Réfléchir : Le guide a pour objectif principal d’accompagner et de nourrir une démarche de réflexion sur la thématique du « bien-vivre des peuples sur leurs territoires » en privilégiant pour l’année 2014-2015 l’axe « Les chemins de transition». Le présent guide regroupe un certain nombre d’informations et d’outils pour faciliter la réflexion. Sur cette base, il s’agit de voir que la transition est déjà en marche. De multiples initiatives, ici et là-bas, démontrent que les chemins de transition sont déjà empruntés et peuvent nous conduire au bien-vivre. Animer : Le guide est une invitation à alterner réflexions théoriques et temps d’intelligence collective en s’appuyant des outils et méthodes qui permettent d’explorer les questions et encourager la participation de chacun-e. Vous pouvez sélec- tionner les parties qui vous semblent pertinentes pour répondre à vos besoins et profiter des ressources documentaires à votre disposition et mettre à contribution les expériences et connaissances de chacun-e dans un climat de créativité, de coopération. Agir : Le guide souhaite être un outil de plus pour faciliter la réflexion et stimuler les échanges entre les membres du CCFD-Terre Solidaire, la société civile française et les partenaires. Cette démarche vise à élaborer collectivement des stratégies axées sur le Bien Vivre et à s’organiser en vue d’initier des actions collectives. Objectifs du guide d’animation Contenu du guide Edito par Hélène CETTOLO, déléguée de la Région Midi-Pyrénées Roussillon p. 3 Introduction la Transition, de quoi parle-t-on ? p. 4 Partie 1 - Nourrir l’humanité : la nécessaire transition agricole et alimentaire p. 6 Partie 2 - Transition écologique Quelle éthique chrétienne pour répondre aux problèmes environnementaux ? p. 10 La Transition écologique et risques p. 12 Partie 3 - Transition écologique vs transition économique et financière p. 14 Partie 4 - Transition écologique et démocratie p. 16 Partie 5 - Construire des alternatives p. 18 Dans chaque bloc, différents sujets sont approfondis. Vous y trouverez les rubriques suivantes : Actions du CCFD-Terre Solidaire Outils pour animer Comprendre Aller plus loin Partenaires Alliés 3 Édito par Hélène CETTOLO, déléguée de la Région Midi-Pyrénées Roussillon Le bien-vivre : terreau où germent de nouvelles alternatives Au fil de l’histoire, le modèle dominant de développement économique a fait de la croissance son objectif ultime et de l’accroissement des richesses son mode opératoire. Il est fondé sur la performance et la compétition ; il est caractérisé par la voracité des ressources naturelles non renouvelables et productrice de déchets en quantité. Il génère et entretient les situa- tions d’inégalités et de crises. Nous faisons face à l’essoufflement de ce modèle économique dans un contexte de ressources limitées de la planète et de changement climatique. Les sonnettes d’alarme sont tirées. Les économistes sont désormais plus nombreux à exposer les failles de notre modèle et à proposer d’autres approches et moyens pour qualifier la richesse et le bien-vivre. Pourtant, nous ne réagissons pas… ou du moins, il n’y a pas de mobilisation à la hauteur des dangers. Les multinationales et les banques continuent comme si de rien n’était. Les responsables politiques ne sont pas toujours au rendez-vous car l’horizon des décideurs reste court. Pourtant, se tourner vers un autre mode de vie est aujourd’hui une nécessité vitale. Retrouver le goût des autres et le goût des choses. Pour faire face aux défis écologiques et sociaux, une mutation semble de plus en plus inévitable. Au Nord comme au Sud, la transition écologique de nos sociétés est un des principaux enjeux du 21ème siècle. Cette notion s’est progressivement invitée dans les débats et les réflexions autour de ce concept foisonnent, en particulier dans le cadre des négociations internationales (agenda post 2015, négociations climat etc.). Dans les faits, son démarrage reste balbutiant mais partout, du local à l’international, des initiatives sont lancées et amènent à poser les possibilités d’un nouveau modèle d’économie soutenable. Ces initiatives, portées par des femmes et des hommes, partagent toute la même une volonté : sortir de l’impasse dans laquelle nous plonge la société de consommation pour retrouver le goût des autres et le goût des choses. Construire des alternatives Ce mouvement réinvente nos façons de produire, de se nourrir, de consommer, d’épar- gner, d’habiter, de vivre ensemble. Ces initiatives visent à faire converger des projets autour d’une vision positive de l’avenir, en invitant chaque individu ou groupe à partici- per. Des milliers de personnes se retroussent les manches pour vivre et agir pour mettre en place un mode de vie plus juste, plus heureux et plus soutenable. Elles portent un projet de société qui replace les citoyen-ne-s et l’intérêt général au centre de l’action. Dans la poursuite de notre réflexion sur les « richesses autrement » et du nouveau Rapport d’Orientation, interrogeons nous sur les apports de la transition au change- ment social. Que faisons-nous, à notre mesure, pour construire la société de demain ? Chacun-e doit tenter de se réapproprier sa responsabilité. Assumer les phénomènes de transition (Partie : Nos Horizons - Page 7) Nous vivons des phénomènes de « révolutions » dans nombre de domaines. Le CCFD-Terre Solidaire fait le constat que les lois du capitalisme sauvage et dérégulé, celles de la régulation du marché par lui-même, celles de l’exploitation sans frein de la nature qui risque de ne plus pouvoir se régénérer, celles des prétendus bienfaits que les plus pauvres pourraient attendre de l’accumulation de richesses par certains, ont démontré leur inefficacité. Il se fixe donc comme horizon de revisiter et d’actualiser le concept de développement. Ainsi, il contribuera à la for- mulation, avec ses partenaires, d’un ensemble cohérent de modèles alternatifs du « vivre heureux » en tenant compte des écosystèmes. L’Humanité, comme elle le fut déjà à certaines époques de son histoire, est condamnée à l’invention. […] Nous choisissons de vivre ces années dans une dynamique de « création transitionnelle », c’est-à-dire dans la recherche de solutions efficaces, favorisant le mieux-être, sans prétendre que de telles solutions soient applicables partout. Nous approfondirons l’approche de la viabilité en permettant de créer des réponses nouvelles aujourd’hui, sans que celles-ci interdisent à nos héritiers d’inventer les leurs plus tard. Ce texte est un extrait du Rapport d’Orientation. © CCFD-Terre Solidaire / Fanny Vandecandelaere

Comité catholique contre la faim et pour le …...Il se flxe donc comme horizon de revisiter et d’actualiser le concept de développement. Ainsi, il contribuera à la for Ainsi,

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Page 1: Comité catholique contre la faim et pour le …...Il se flxe donc comme horizon de revisiter et d’actualiser le concept de développement. Ainsi, il contribuera à la for Ainsi,

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Réfléchir : Le guide a pour objectif principal d’accompagner et de nourrir une démarche de réflexion sur la thématique du « bien-vivre des peuples sur leurs territoires » en privilégiant pour l’année 2014-2015 l’axe « Les chemins de transition». Le présent guide regroupe un certain nombre d’informations et d’outils pour faciliter la réflexion. Sur cette base, il s’agit de voir que la transition est déjà en marche. De multiples initiatives, ici et là-bas, démontrent que les chemins de transition sont déjà empruntés et peuvent nous conduire au bien-vivre.

Animer : Le guide est une invitation à alterner réflexions théoriques et temps d’intelligence collective en s’appuyant des outils et méthodes qui permettent d’explorer les questions et encourager la participation de chacun-e. Vous pouvez sélec-tionner les parties qui vous semblent pertinentes pour répondre à vos besoins et profiter des ressources documentaires à votre disposition et mettre à contribution les expériences et connaissances de chacun-e dans un climat de créativité, de coopération.

Agir : Le guide souhaite être un outil de plus pour faciliter la réflexion et stimuler les échanges entre les membres du CCFD-Terre Solidaire, la société civile française et les partenaires. Cette démarche vise à élaborer collectivement des stratégies axées sur le Bien Vivre et à s’organiser en vue d’initier des actions collectives.

Objectifs du guide d’animation

Contenu du guide

Edito par Hélène CETTOLO, déléguée de la Région Midi-Pyrénées Roussillon p. 3

Introduction la Transition, de quoi parle-t-on ? p. 4

Partie 1 - Nourrir l’humanité : la nécessaire transition agricole et alimentaire p. 6

Partie 2 - Transition écologique Quelle éthique chrétienne pour répondre aux problèmes environnementaux ? p. 10 La Transition écologique et risques p. 12

Partie 3 - Transition écologique vs transitionéconomique et financière p. 14

Partie 4 - Transition écologique et démocratie p. 16

Partie 5 - Construire des alternatives p. 18

Dans chaque bloc, différents sujets sont approfondis. Vous y trouverez les rubriques suivantes :

Actions du CCFD-Terre Solidaire

Outils pour animer

Comprendre

Aller plus loin

Partenaires

Alliés

3

Édito par Hélène CETTOLO, déléguée de la Région Midi-Pyrénées Roussillon

Le bien-vivre : terreau où germent de nouvelles alternativesAu fil de l’histoire, le modèle dominant de développement économique a fait de la croissance son objectif ultime et de l’accroissement des richesses son mode opératoire. Il est fondé sur la performance et la compétition ; il est caractérisé par la voracité des ressources naturelles non renouvelables et productrice de déchets en quantité. Il génère et entretient les situa-tions d’inégalités et de crises. Nous faisons face à l’essoufflement de ce modèle économique dans un contexte de ressources limitées de la planète et de changement climatique.

Les sonnettes d’alarme sont tirées. Les économistes sont désormais plus nombreux à exposer les failles de notre modèle et à proposer d’autres approches et moyens pour qualifier la richesse et le bien-vivre. Pourtant, nous ne réagissons pas… ou du moins, il n’y a pas de mobilisation à la hauteur des dangers. Les multinationales et les banques continuent comme si de rien n’était. Les responsables politiques ne sont pas toujours au rendez-vous car l’horizon des décideurs reste court. Pourtant, se tourner vers un autre mode de vie est aujourd’hui une nécessité vitale.

Retrouver le goût des autres et le goût des choses.Pour faire face aux défis écologiques et sociaux, une mutation semble de plus en plus inévitable. Au Nord comme au Sud, la transition écologique de nos sociétés est un des principaux enjeux du 21ème siècle. Cette notion s’est progressivement invitée dans les débats et les réflexions autour de ce concept foisonnent, en particulier dans le cadre des négociations internationales (agenda post 2015, négociations climat etc.). Dans les faits, son démarrage reste balbutiant mais partout, du local à l’international, des initiatives sont lancées et amènent à poser les possibilités d’un nouveau modèle d’économie soutenable. Ces initiatives, portées par des femmes et des hommes, partagent toute la même une volonté : sortir de l’impasse dans laquelle nous plonge la société de consommation pour retrouver le goût des autres et le goût des choses.

Construire des alternativesCe mouvement réinvente nos façons de produire, de se nourrir, de consommer, d’épar-gner, d’habiter, de vivre ensemble. Ces initiatives visent à faire converger des projets autour d’une vision positive de l’avenir, en invitant chaque individu ou groupe à partici-per. Des milliers de personnes se retroussent les manches pour vivre et agir pour mettre en place un mode de vie plus juste, plus heureux et plus soutenable. Elles portent un projet de société qui replace les citoyen-ne-s et l’intérêt général au centre de l’action. Dans la poursuite de notre réflexion sur les « richesses autrement » et du nouveau Rapport d’Orientation, interrogeons nous sur les apports de la transition au change-ment social. Que faisons-nous, à notre mesure, pour construire la société de demain ? Chacun-e doit tenter de se réapproprier sa responsabilité.

Assumer les phénomènes de transition (Partie : Nos Horizons - Page 7)

Nous vivons des phénomènes de « révolutions » dans nombre de domaines. Le CCFD-Terre Solidaire fait le constat que les lois du capitalisme sauvage et dérégulé, celles de la régulation du marché par lui-même, celles de l’exploitation sans frein de la nature qui risque de ne plus pouvoir se régénérer, celles des prétendus bienfaits que les plus pauvres pourraient attendre de l’accumulation de richesses par certains, ont démontré leur inefficacité.Il se fixe donc comme horizon de revisiter et d’actualiser le concept de développement. Ainsi, il contribuera à la for-mulation, avec ses partenaires, d’un ensemble cohérent de modèles alternatifs du « vivre heureux » en tenant compte des écosystèmes.L’Humanité, comme elle le fut déjà à certaines époques de son histoire, est condamnée à l’invention. […]

Nous choisissons de vivre ces années dans une dynamique de « création transitionnelle », c’est-à-dire dans la recherche de solutions efficaces, favorisant le mieux-être, sans prétendre que de telles solutions soient applicables partout. Nous approfondirons l’approche de la viabilité en permettant de créer des réponses nouvelles aujourd’hui, sans que celles-ci interdisent à nos héritiers d’inventer les leurs plus tard.

Ce texte est un extrait du Rapport d’Orientation.

© CCFD-Terre Solidaire / Fanny Vandecandelaere

Page 2: Comité catholique contre la faim et pour le …...Il se flxe donc comme horizon de revisiter et d’actualiser le concept de développement. Ainsi, il contribuera à la for Ainsi,

Le thème de la transition écologique est révélateur du changement de la place accordée à la thématique environnementale /écologique dans la transformation des sociétés contemporaines. Pourtant, au même titre que la notion de développement durable, cette notion est loin de faire consensus, que ce soit sur le plan sémantique ou celui des choix de société qu’elle entraîne. En effet, elle renvoie à une révision en profondeur de nos modes de vies, de notre relation au temps, des systèmes de pensée et d’action, des relations entre les êtres humains à la nature. Elle propose une transformation du modèle de développement actuel.

TRANSITION (ECOLOGIQUE ET SOCIALE) VERS LA VIABILITE (cf. RO – Glossaire p.63)

Ces notions renvoient à la nécessité de faire émerger des modèles de développement alternatifs, compatibles avec l’exigence de réduction des inégalités sociales et de res-pect de l’équilibre éco-systémique global. La transition vers des sociétés et des économies viables renvoient notamment aux enjeux sui-vants : sortir de l’illusion d’une logique de croissance « sans limites » (fondée sur l’épui-sement des ressources naturelles) ; infléchir les trajectoires de croissance pour garantir à tous les peuples et tous les individus de se retrouver autour d’un point d’équilibre ; réorienter l’activité humaine vers d’autres secteurs d’activité et d’autres modes de production et d’échanges plus sobres en énergie (régionalisation et relocalisation des échanges, valorisation du potentiel des éco-systèmes et des cycles naturels de la biomasse, de petites unités de production reposant sur un double impératif de rentabilité et d’utilité sociale, etc). Cette transition vers la viabilités concerne tant le « Nord » que le « Sud », même si la problématique se pose évidem-ment, différemment selon les pays.

Passage en revue des mots et concepts clés des initiatives de transition

TransitionLa transition désigne le passage d’un état à un autre, d’une situation à une autre.Désigne le mouvement qui travaille à conduire notre mode actuel de production et de consommation vers une situation écologi-quement durable, socialement équitable et spirituellement épanouissante. Qualifie également le chemin à emprunter ?

Autonomie Autonomie = « possibilité de décider, pour un organisme, un individu, sans en référer à un pouvoir central, à une hiérarchie, une autorité. », « droit de gouverner par ses propres lois ».Terme cher à certains précurseurs de la Transition (ex. Ivan Illich), l’autonomie est à la fois la capacité d’individus ou des ter-ritoires à répondre à leurs besoins (alimentaires, économiques, énergétiques …) mais également l’une des conditions essen-tielles permettant à un individu, un collectif humain ou à un territoire de faire ses choix par et pour lui-même, et de préserver son intégrité et sa liberté.

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OUTILS POUR ANIMER

• Animer avec un photo-langage (durée : 45 minutes ; nombre de participant-e-s :

à partir de 5. Au-delà de 10, faire des sous-groupes)• Objectif : le photo-langage est un outil basé sur l’expérience des participant-e-s : il permet de partir

de leur savoir et discuter à partir de leurs propres représentations sur le thème des transitions.

• Déroulé : Au préalable, l’animateur-trice aura sélectionné des images (photos, dessins, affiches etc.)

en lien plus ou moins direct avec le thème des transitions. Prévoir plusieurs jeux de photos si le

groupe est important.Après avoir disposé les photos sur la table, faire

déambuler les participant-e-s afin qu’ils puissent les découvrir. Les participants choisissent les images

sans les prendre. Une image peut être choisie par plusieurs personnes.

Leur demander en quoi cette photo les interpelle, en lien avec la thématique des transitions.

En sous-groupe, chacun-e explique brièvement les raisons de son choix. Une fois que chacun-e s’est

exprimé, le sous-groupe rédige une phrase qui reprend les éléments clés formulés. Une mise en

commun peut être effectuée où chaque sous-groupe retransmet ses réflexions aux autres groupes.

La transition : de quoi parle-t-on ?

OUTILS POUR ANIMER

• Jeu du dico (durée : 5 minutes par mot ; nombre de participant-e-s : à partir de 5. Au-delà de 10, faire des sous-groupes ; public jeune et adulte)

• Objectif : S’approprier le vocabulaire lié au thème des transitions.

• Déroulement : L’animateur-trice énonce un mot de la liste ci-dessous et demande aux participant-e-s d’écrire la définition qui lui semble la plus juste sur un bout de papier en se cachant des voisin-e-s. les réponses sont

collectées par l’animateur-trice qui ensuite énonce les réponses une par une. Les joueurs votent pour leur réponse préférée ou celle qui leur semble

la plus proche de la vérité, sans voter pour leur propre réponse. Faire plu-sieurs tours en adaptant au public les mots proposés.

Les points : pour compter les points, dessinez un tableau visible de tous avec le nom de chaque joueur. Pour chaque étape, il faut compter en

parallèle :• 1 point pour ceux qui ont trouvé la bonne définition

• 2 points multipliés par le nombre de votes en sa faveur.Faire le total pour chaque participant-e et le noter dans le tableau.

Exemple : Lucie a trouvé la bonne réponse. Elle a 1 point. Sur les 8 joueurs, 3 ont voté pour sa proposition. Lucie a gagné : 1+ (3x2) = 7 points.

Prénom Tour 1 Tour 2 Etc. Total

Lucie 7

Pierre

Cécile

RésilienceRésilient : Se dit de ce qui présente une résistance aux chocsLe concept de résilience ou « l’art de naviguer entre les torrents », est introduit en France par Boris Cyrul-nik pour qualifier la capacité pour un individu à faire face à une situation difficile.Dans le mouvement de la transition, il désigne la capacité des territoires et des écosystèmes à encaisser les chocs occasionnés par les catastrophes écologiques, écono-miques

ÉcosystèmeUn écosystème est un ensemble vivant formé par un groupement de différentes espèces en interrelations entre elles et avec leur environnement sur une échelle spatiale donnée.. L’écosystème regroupe des conditions particulières et permet le maintien de la viePenser un territoire de façon «écosystémique» c’est partir du postulat que son fonctionnement est fondé sur des interactions entre des composantes sociales, économiques, biologiques et physiques qui, ensemble, interagissent.

SobriétéLittéralement, modération, mesure, réserve.Qu’elle soit heureuse ou énergétique, elle invite à sortir du mythe de la croissance indéfinie, à réaliser l’importance vitale de la terre nourricière et à inaugurer une nouvelle éthique de vie.

Économie positiveL’économie positive considère le monde comme une entité vivante, qu’il convient de protéger et de valoriser et dont l’huma-nité n’est qu’une des dimensions.L’économie positive vise donc à réconcilier la démocratie, le marché et le long terme ; à rendre compatibles l’urgence du court terme et l’importance du long terme. (cf. Jacques Attali)

Économie circulaireOn associe généralement l’économie circulaire au concept de « Cradle to Cradle », théorie exprimée au début des années 2000 par Michael Braungart et William McDonough dans leur livre « Cradle to Cradle, Créer et recycler à l’infini ». L’économie circulaire est un concept à la fois économique, écologique et social. Elle entre dans le champ du développement durable en ce qu’elle préconise de minimiser le gaspillage. Elle vise à réduire la consommation d’énergies non renouvelables, des ressources naturelles comme les terres rares et des matières premières. Pour y parvenir, elle propose d’optimiser le taux de recyclage et celui de valorisation des déchets.

localLittéralement : qui concerne un lieu, une région, lui est particulier. Au sein du mouvement de la Transition resurgit l’idée que l’enracinement dans un territoire est un facteur important de résilience, d’épanouissement. La relocalisation occupe ainsi une place non négligeable dans le discours des théoriciens du mouvement des villes en transition

Coopération Littéralement : action de participer (avec une ou plusieurs personnes) à une œuvre ou à une action commune.La coopération est une clé de la transition. Le chemin de transition pourrait se résumer au passage de la compétition à la coopération.

Vision positivePour sauver la planète, nous n’avons pas besoin de percées technologiques miraculeuses ou d’énormes capitaux. Essentiel-lement, nous avons besoin d’un changement radical dans notre façon de penser et dans nos comportements. Ted Trainer

OUTILS POUR ANIMER

• Avec le nuage de mots qui suit, vous pouvez soit : • Partir du document pour susciter la discussion et réfléchir sur les

mots plus ou moins importants et les mots manquants. • Susciter la discussion pour parvenir à ce genre de nuage de mots.

action agriculture alimentation alternatives argent banques bonheur capitalisme citoyens climat conscience consommation croissance dette décroissance engagement ethique social existence finance formations Nature insurrection militantisme proximité nord sud partage prospéritép pétrole relocalisation revenu richesses résilience résistance slow sobriété soins palliatifs transition utopie écologie économie éducationsolidarité démocratie Bien-Vivre changement

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L’évolution de la population mondiale et ses besoins alimentaires

Aujourd’hui, notre planète compte 6,4 milliards d’hommes et de femmes et 850 millions d’entre eux souffrent de sous-alimentation chronique (soit une personne sur sept), principalement situés dans les pays en développement.

L’agroindustrie, le modèle dominant aujourd’hui, est à bout de souffle :• une personne sur six dans le monde souffre de la faim et 5 millions de personnes en sont mortes en 2012,• les céréales alimentent nos voitures : 232 kg de maïs, c’est un plein d’essence ou bien les calories suffisantes pour nourrir un enfant pendant 1 an,• les terres agricoles sont accaparées : 4 fois la surface de la France en 10 ans.Les paysans du Sud sont les premières victimes de la faim !

D’ici 2050, la population mondiale devrait passer à 9 milliards d’habitants, ce qui fera exploser les besoins en alimentation et en énergie. En particulier dans les pays du Sud, qui vont accueillir ces 3 milliards de personnes supplémentaires.

Dès lors, se posent un certain nombre de questions. Comment va t on produire des aliments en quantité suffisante ? En respectant les écosystèmes ? Et en les distribuant de manière

équitable entre tous ?

Les limites du modèle économique dominant

Parmi les grands enjeux et les défis du moment, qui modifient profondément le contexte de l’activité agricole et expliquent la faim dans le monde, on peut citer :• l’accaparement des terres et des ressources• Les subventions à la production et aux exportations des pays du Nord leur permettent d’inonder les marchés du Sud de produits à bas prix, concurrençant les productions locales. Les pays du Sud abandonnent leur diversité et leur souveraineté alimentaires pour se tourner à leur tour vers des cultures d’exportation plus compétitives.• Les denrées agricoles sont considérées comme de simples marchandises susceptibles d’accroître les profits des entreprises et le PNB d’une nation. Les semences sont modi-fiées afin de répondre à des critères de rentabilité maximale.• Le modèle alimentaire encouragé par les gouvernements les plus puissants et par les organismes internationaux est celui de l’agriculture intensive, considérée comme étant la seule viable et adaptée à un monde globalisé. • Cette agriculture, productiviste et à grande échelle, est un secteur gros consommateur d’énergie. La raréfaction des énergies et la montée concomitante des prix rendent la recherche de substituts urgente.• Les agricultures paysannes et vivrières sont éradiquées et avec elles les savoir-faire traditionnels. • Le phénomène des productions agricoles à grande échelle destinées aux agrocarburants encourage le développement de monocultures intensives à vocation exportatrice (canne à sucre, palmier à huile, soja, jatropha etc.), qui viennent concurrencer l’agriculture familiale et vivrière, entrainent l’accaparement des terres fertiles, des déplacements de populations, atteintes aux droits (droits de l’Homme, droit à l’alimentation, droits économiques, sociaux et culturels) et accentuent la dégradation des ressources naturelles (pollutions, déforestation). De plus, ces nouveaux marchés en détournant une partie de la production à

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PARTIE 1

des fins énergétiques, déséquilibrent l’offre et la demande alimentaire, ce qui accentue la spéculation et participe à la hausse des prix.• Le marché agricole mondial est concentré entre les mains de quelques multinationales privées, entraînant la dépendance et l’insécurité alimentaire de la quasi-totalité des peuples de la planète.• Une part de plus en plus importante de la surface cultivée actuellement sur la planète est dégradée par des pratiques agri-coles non viables et doivent être abandonnés.• Les changements climatiques créant des sécheresses importantes, la désertification ou des moussons trop conséquentes ;

La question qui est posée est celle de la possibilité pour l’agriculture de produire efficacement et de façon respectueuse de l’environnement et des ressources naturelles, dans un contexte

nouveau de ressources rares et de concurrence pour l’usage des terres.

Pour le CCFD-Terre Solidaire, la faim n’est pas une fatalité c’est un scandale ! En effet, des alternatives efficaces existent et sont à l’œuvre.

Nos solutions :Promouvoir d’autres modèles agricoles• Promouvoir l’agriculture familliale et locale, développer les techniques d’agro-écologie• Favoriser les circuits alimentaires courts• Remettre à plat les politiques de soutien aux agrocarburants

Réguler les marchés agricoles• Appuyer la mise en place de stocks alimentaires nationaux et régionaux et de régulation (pour amortir les hausses de prix)• Lutter contre la spéculation sur les matières premières agricoles• Exiger la transparence de l’information sur les productions et les stocks, surtout ceux détenus par les multinationales de l’agroalimentaire.

Repenser le commerce agricole mondial • Conditionner la signature des accords de libre-échange au respect des conventions internationales sur les droits de l’Homme, du travail et de l’environnement.• Réorienter les politiques commerciales : priorité aux besoins alimentaires au Nord et au Sud.

L’agroécologie, nouveau modèle de développement agricole ?

L’agriculture productiviste et la « révolution verte » prônées depuis plusieurs décennies montrent aujourd’hui ses limites : dégradation de la fertilité des sols, pertes de terres par érosion, aridification, diminution de la biodiversité, contribu-tion au réchauffement climatique. Après avoir au démarrage permis une forte hausse des rendements, leur fréquente stagnation aujourd’hui montre les limites de ce système.

D’autres modèles sont mis en en com-pétition avec le modèle «productiviste». Ils s’appuient sur un mode de pensée emprunté à l’écologie, que nous qua-lifierons, en reprenant les termes de la FAO (2003), d’approche «écosystème». Ils fondent la possibilité d’utiliser la biodiversité comme un input de la production agricole. Un certain nombre d’initiatives, qui obéissent aux principes de l’agroé-

cologie – respectant les équilibres de la nature et en valorisant les ressources – se multiplient partout sur la planète. Au Nord, comme au Sud, des techniques écologiques (la culture sans labour, l’agroforesterie, le push-pull… ) gagnent du terrain. Cer-tains paysans développent des alternatives aux systèmes de culture conventionnels pour répondre aux principaux challenges en matière de sécurité alimentaire mais aussi de gestion de l’eau, de reboisement, de lutte contre l’érosion, de la biodiversité, de protection de l’environnement, de réduction des coûts, etc.

NOURRIR L’HUMANITÉ : LA NÉCESSAIRE TRANSITION AGRICOLE ET ALIMENTAIRE

OUTILS POUR ANIMER

• Festival de films ALIMENTERRE www.festival-alimenterre.org/, notamment le film « Culture en Transition » de 2013.

• DVD « Liens à la terre », Sophie LEBROU et Bertrand MONIER, 2009.

• DVD « Terres à taire, histoire de soja ici et là-bas », Aman y Alla et CCFD-Terre Solidaire, 2010.

© CCFD-Terre Solidaire / Claude Huré

« L’agroécologie est pour nous bien plus qu’une

simple alternative agronomique. Elle est liée

à une dimension profonde du respect de la vie et replace

l’être humain dans sa responsabilité à l’égard

du Vivant »

Pierre Rabhi)

COMPRENDRE

• Alternatives Economiques n°327bis - Septembre 2013

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Agroécologie / Regards croisés Projet CIPCA (Bolivie) / La Fustière (Saverdun, Ariège)

C’est à Canté, dans leur ferme familiale de la Basse Ariège («La Fustière») qu’Emmanuel et Muriel Chemineau expérimentent, mettent en pratique et enseignent les techniques de l’agroécologie. L’idée est de tendre vers une autosuffisance alimentaire familiale durable par des pratiques élabo-rées respectant les processus naturels.

Le projetLe diplôme d’ingénieur en agriculture obtenu par Emmanuel ne le pré-parait pas à la pratique qu’il met au point depuis maintenant 10 ans. Il ne s’agit pas, dans son activité, de techniques à appliquer, mais plutôt du respect des aspects éthiques, philosophiques, sociaux de son travail. C’est sur le long terme que les pratiques se sont affinées, résultats de l’obser-vation de l’écosystème; il s’agit d’une adaptation aux particularités du sol, au climat local et à divers autres paramètres (économie, sociologie,…).

Ce travail passionnant de recherche, d’expérimentation et d’application a conduit Emmanuel à proposer des stages de formation pour transmettre son savoir, sa pratique et sa philosophie (quelques thèmes: -découverte du sol, -engrais verts, -semences et variétés, -rotation des cultures, -gestion de l’eau, -complémentarité élevage/cultures, …etc.).

Donner de la « valeur » aux services de la nature

Les techniques agricole existent et/ou repré-sentent une source d’économie et d’efficacité. Elles peuvent donc être utiles dans la conception des nouveaux agro-écosystèmes. Cependant, le problème n’est pas seulement technique et agronomique ; il touche autant les visions du monde véhiculées par le modèle productiviste, et celles véhiculées par le monde de la conservation de la Nature.

Nous considérons la nature - les autres êtres vivants et leur milieu -, comme un stock de ressources maîtrisable et indéfiniment exploitable, grâce aux sciences et techniques, et ce dans le cadre du marché conçu comme le moyen de satisfaire des désirs individuels sans limites. Il y a longtemps que « la nature », pour certaines de ses composantes, est d’une certaine façon devenue une marchandise (pas comme les autres, ou « quasi-marchandise »). On a des prix de marché des terres, des hectares de forêts vendues ou louées, des concessions d’exploitation de diverses ressources du sous-sol, des rentes foncières ou minières, etc.

PARTIE 1 NOURRIR L’HUMANITÉ : LA NÉCESSAIRE TRANSITION AGRICOLE ET ALIMENTAIRE

© CCFD-Terre Solidaire / Karine Esteves

Visite de Daniel Sanchez Galarza, partenaireCette agriculture paysanne, ouverte à la polyculture et au petit élevage (activités complémentaires) assure une production saine, la pérennité du milieu naturel, l’autonomie des acteurs (indépen-dance vis à vis des banques, des fabricants de machines agricoles, des firmes phytopharmaceutiques, des semenciers, …) Ce concept est tout à fait dans l’esprit des projets touchant à l’agro-alimentaire que soutient le CCFD-Terre Solidaire ; et bien sûr, notre partenaire bolivien Daniel Sanchez Galarza a été particulièrement intéressé lors de sa visite à La Fustière (27 mars 2014).L’échange a été réellement intéressant: pour chaque aspect de son activité présenté par Emmanuel, Daniel développait les pratiques mises en œuvre dans les campagnes boliviennes mettant en évi-dence l’existence d’un fond commun de techniques paysannes. A noter également une approche similaire sur la gestion de la forêt.Il est réconfortant de constater que, même sur des continents éloi-gnés, existent ces valeurs paysannes communes qui peuvent main-tenir ou développer une agriculture autosuffisante respectueuse des hommes et de la nature.

ALLER PLUS LOIN

• Etude prospective « Afterres 2050 » www.solagro.org/site/393.html

• FDM n°249, mai 2010, Dossier « Les vertus de l’agro-

écologie », p. 13-20

• FDM n°269, novembre 2012, Dossier « Semences paysannes,

une voie d’avenir », p. 11-18

ALLER PLUS LOIN

Où en sommes-nous des transitions agricoles ?

De nombreux exemples dans l’Hexagone montrent que la transition agricole est déjà enclenchée.

Agriculture biologique – Circuits courts – Autonomie alimentaire – Relocalisation de l’alimentation - AMAP(liste de mots clés à mettre en valeur)

Nous profitons chaque jour de « services » gratuits de nature (climat, beauté du paysage et intérêt touristique, formation des sols, croissance des végétaux…

Il est possible de donner une « valeur » à ces services natu-rels. Donner une valeur à la nature, c’est estimer sa capacité à contribuer au bien-être des gens parce qu’elle est utile et rare. Cette valeur de la nature s’inscrit dans une logique d’utilité et conduit à attribuer aux actifs naturels une valeur qui reflète leur contribution au bien-être social et au bien-vivre.

« Afterres 2050 : scénario de transition alimentaire et agricole »

Solagro est une association créée en 1981 à Toulouse, qui a pour projet officiel d’ouvrir d’autres voies pour l’agriculture, l’énergie et l’environnement» afin d’assurer une gestion plus durable des ressources naturelles. C’est ainsi qu’au travers d’études et d’évaluations, de missions d’assistance à des maîtrises d’ouvrage ou de formations, Solagro s’attache à la valori-sation d’un modèle énergétique durable et à la défense d’une production agricole plus soutenable.

En matière d’agriculture, Solagro s’est lancée il y a deux ans dans un projet d’étude prospective : Afterres 2050. L’objectif était simple : éclai-rer les «chemins du possible vers une agriculture viable et désirable en construisant un scénario agricole et alimentaire durable, crédible, com-préhensible et quantifié physiquement pour la France à l’horizon 2050». Il s’agit d’un scénario redéfinissant notre mode d’alimentation, notre modèle agricole et notre usage des terres à l’horizon 2050. La réflexion s’est enclenchée autour d’une question fondamentale : aurons-nous suffisamment de surfaces agricoles pour nous nourrir en 2050 ?

L’enjeu ressemble fort à une équation, dont les termes connus et vali-dés statistiquement sont les suivants : en 2050, il faudra composer avec une augmentation sensible de la population (environ plus 8 millions de personnes, soit 71 millions d’habitants en France) et donc des besoins ali-mentaires comme non-alimentaires, coïncidant avec la perte de surfaces agricoles et la stabilisation des rendements – le pic de production agricole étant franchi. A cela, il convient d’ajouter d’autres variables «supposées», qui correspondent aux feuilles de routes environnementales décidées par les institutions publiques

: la réduction de moitié des pesticides en 2018, la réduction de 75% de l’émission des gaz à effet de serre (le fameux facteur 4), l’amélioration de la qualité de nos ressources en eau, etc.

Au cœur de la transition, la sobriétéLes résultats publiés à l’été 2013 rappellent avec force que le régime actuel n’est pas soutenable et mettent l’accent sur la nécessaire revalorisation de la sobriété dans nos modes de consommation, en redéfinissant à la baisse notre assiette alimentaire.

Quelles solutions imaginer sur nos territoires ?Les résultats soulèvent également un certain nombre de questions quant à l’organisation de la production. Des collectivités territoriales (Ile de France, Rhône Alpes, Centre, et Picardie) prévoient de décliner le scénario national à l’échelon local et ainsi, en proposant un modèle pour le futur, d’ouvrir le débat, d’échanger sur les stratégies, les méthodes permettant d’engager les transitions.

Plus d’informations sur : www.solagro.org

ALLER PLUS LOIN

La transformation du système alimentaire

L’ensemble du système alimentaire est concerné par la transformation écologique. Le système alimentaire

actuel est un produit de l’histoire mais aujourd’hui ce système est défaillant et il convient d’en changer. Nous sommes

- consommateurs co-responsables de ce système et chacun doit s’interroger

sur le niveau de qualité alimentaire qu’il désire.

Sommes nous suffisamment informés pour désirer ce changement ?

© CCFD-Terre Solidaire /Walter Prysthon Jr/

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PARTIE 2 TRANSITION ÉCOLOGIQUE

Nous vivons une crise écologique sans précédent. Inexorablement, la terre se réchauffe, la pollution augmente, les ressources naturelles s’épuisent, ainsi que les capacités de la nature à absorber les déchets. La logique productiviste est de plus en plus contestée et nous prenons de plus en plus conscience que nous sommes dans un monde limité.

Extraits : Une lecture chrétienne de la crise écologique

Il est dès lors légitime de se demander comment s’intègrent les questions environnementales au système de valeurs chré-tiennes et quelle réponse pouvons-nous donner à ces interrogations ? Pour ce faire, il est utile de revenir à la Bible et à d’autres textes (voir en particulier doctrine sociale de l’Église catholique).

Extrait de la Lettre de Justice et Paix n° 169 mai 2012« L’Eglise a une parole spécifique à dire sur la crise écologique, car la solution n’est pas à considérer seulement du côté des renouvellements technologiques, ni même des réorganisations économiques : elle est à chercher dans l’Homme lui-même. L’Homme est au cœur de la nature. Nous, chrétiens, disons volontiers qu’il est acteur dans le projet créateur de Dieu. Il ne doit pas se contenter de subir les dégradations de l’environnement dans lequel il vit. Il est l’artisan de ce qu’il devient par ses choix de vie, par son rapport aux hommes et aux choses et par la vision de l’avenir qu’il développe. Il l’est aussi par sa volonté de maîtriser l’usage qu’il fait des biens dont il dispose, et par son attention à ne pas accaparer pour lui-même ces biens, mais à les partager avec ses frères humains, actuels et ceux des générations futures.

L’Eglise a quelque chose de fort à dire sur l’Homme et sa manière d’être au monde, sur l’usage des ressources dont il peut disposer, sur la solidarité à laquelle il est appelé avec ses frères humains. C’est ce que le pape Benoît XVI désigne sous le terme de « développement humain intégral » en appelant l’être humain à devenir protagoniste de la construction d’un monde différent, juste, équilibré, harmonieux, respectueux de la nature et des humains.

L’apport spécifique d’une lecture chrétienne de l’écologie se situe dans un regard différent sur les grandes expériences constitutives de toute vie humaine, tels que le rapport au temps, le rapport à l’espace et le rapport à autrui. Le regard chrétien doit être inspiré par sa vision de ce qu’est l’homme dans le projet créateur de Dieu. Cette vision est exprimée dans la « théologie de la création ». Le croyant doit savoir replon-ger son existence dans le don de vie qui lui a été fait et qui ne lui appartient en aucune manière. C’est un gage de liberté et de dépassement de toutes les contraintes immédiates qui pèsent sur l’homme, lui-même inscrit dans le temps, dans l’espace et dans un rapport avec autrui ».

Intervention du pape François l’occasion de la journée mondiale pour l’environnement 2013. (Version orale)Lorsqu’on parle d’environnement, a-t-il dit, «on pense au livre de la Genèse qui rapporte que Dieu confia la terre à l’homme et à la femme pour qu’ils la cultivent et la protègent. Qu’est ce que cela signifie? Cultivons nous et protégeons nous vraiment la nature, ou bien exploitons nous et négligeons nous la Création? Cultiver et protéger est un ordre de Dieu valable dans le temps et applicable à chacun de nous. Cela fait partie de son projet qui est de faire grandir le monde dans la responsabilité, afin d’en faire un jardin, un espace vivable pour tous. Benoît XVI a plusieurs fois rappelé que la mission attribuée à l’humanité par le Créateur implique le respect des rythmes et de la logique de la Création. Mais l’homme est souvent dominé par la tendance à dominer, posséder, manipuler et exploiter, et non par le respect de la nature considérée comme un don gratuit . Ainsi perd-on le sens de la contemplation et de l’écoute de la Création. Ainsi oublie-t-on de cueillir ce que Benoît XVI appelle le rythme de l’histoire d’amour entre Dieu et l’homme. Ce défaut vient de ce qu’on pense et vit de façon horizontale, loin de Dieu et loin de ses signes.Mais ce «cultiver et protéger» comprend aussi les rapports humains. Si la crise actuelle est largement liée à l’environnement, elle touche également l’homme. La personne est en danger et ceci justifie la priorité d’une écologie humaine. Ce danger est d’autant plus grave que sa cause est profonde. Il ne s’agit pas d’économie mais d’éthique et d’anthropologie. Il s’agit d’une culture du gaspillage et du rejet qui tend à devenir commune.

La mode aujourd’hui c’est l’argent et la richesse, pas l’homme. C’est la dictature de l’argent. Dieu a chargé l’homme de gérer la terre, non l’argent. Là est le devoir de chacun de nous. A l’inverse, la vie et la personne n’y sont plus considérées comme des valeurs premières. Cette culture rend insensible jusqu’au gâchis alimentaire. La société de consommation nous a habitués à l’excès et au gaspillage des aliments, auxquels on finit par ne plus accorder de valeur. Et ceci va bien au-delà des simples paramètres économiques car ces denrées sont en fait comme volées aux pauvres et aux affamés. Je vous invite donc à réfléchir sur cette problématique. Si une nuit d’hiver, tout près de cette place, quelqu’un meurt dans la rue, ce n’est pas une information alors que si un réseau électronique saute c’est un drame! Si la Bourse fléchit de quelques points, c’est une tragédie, mais pas que des êtres humains soient rejetés comme on jette des ordures. Partout de par le monde il y a des enfants qui n’ont rien à manger et on fait comme si c’était normal. Il ne peut pas en être ainsi ! Prenons tous l’engagement à respecter et protéger l’environnement et la création. Soyons attentifs à toute personne et luttons contre la culture du gaspillage et du rejet au profit d’une culture de la solidarité et du dialogue».

L’atelier Chrétiens Coresponsables de la Création (CCC) de CVX

La conférence des évêques de France, dans son document Grandir dans la crise (2011), invite à prendre la mesure des mutations en profondeur que la crise économique et financière a révélées. Dans son document Enjeux et défis écologiques pour l’avenir (2012) elle indique que « les chrétiens et les communautés chrétiennes ont vocation à se saisir des questions posées par la crise écologique dans un esprit évangélique. Il n’est pas possible d’aimer Dieu et son prochain en restant indifférent à l’avenir de la Création. »

L’atelier Chrétiens Coresponsables de la Création (CCC) de CVX a répondu à cet appel en réfléchissant, en particulier, sur les responsabilités de nos pays riches ; il lui apparaît urgent de changer notre façon de considérer la surconsommation de nos pays (et bientôt des pays émergents), non par la technique, mais par une approche spirituelle nouvelle, que nous avons appelée : « Spiritualité de la Création ».

Nous sommes aidés, en cela, par les publications de plusieurs chercheurs, d’origine et de spécialités différentes (scientifiques, journalistes, théologiens) qui, tous, se sont penchés sur l’origine de la crise et les moyens qui pourraient nous permettre d’en sortir (1)

Il n’est pas possible de résumer en quelques lignes les immenses apports de ces chrétiens et de bien d’autres à l’élaboration d’une spiritualité de la création, mais il ressort de la lecture et de la méditation des ouvrages qu’ils ont publiés, que la crise dans laquelle notre monde est englué et dont nul ne sait qui la traversera et qui y restera enfermé, est avant tout une crise morale qui s’origine dans une recherche du profit immédiat maximum sans chercher à en envisager les conséquences néfastes pour les habitants du monde, contemporains ou futurs. Cette recherche du profit maximum passe par l’incitation à la surconsommation au moyen de la publicité pour tout et n’importe quoi, qui aboutit inévitablement à l’épuisement des matières premières et même de l’eau potable et de l’air respirable.

Un travail de discernement est nécessaire, nous amenant à nous interroger personnellement sur le superflu, le nécessaire et les conséquences sociales et environnementales de la consommation, nous amenant aussi à voir ensemble quelles sont nos peurs et nos craintes afin que nous arrivions plus facilement à les surmonter. Choisie librement, la sobriété est une manière très concrète de vivre le partage et la solidarité avec les pauvres et toute la Création. Elle devient un instrument de libé-ration par rapport aux « idoles » de la société de consommation en mettant l’accent sur un autre modèle de déve-loppement qui ne passe plus par l’acquisition sans fin de biens, qui cesse de faire désirer un mode de vie qui n’est

pas généralisable, et qui oriente la course à la technologie vers le respect de tout homme et de la Création. Chacun doit avoir assez pour vivre en bonne santé et dans la dignité. Respecter son prochain, c’est reconnaître sa dignité. Décentrés de nous-mêmes en vivant plus simplement, nous serons plus attentifs aux besoins des autres, particulièrement de tous ceux qui sont pauvres (de cœur ou matériellement) et vulnérables.

Quelle éthique chrétienne pour répondre aux problèmes environnementaux ?

ALLER PLUS LOIN

Quelques propositions d’aide au discernement du groupe CVX 31

Selon la Bible, la domination sur la Terre nous est accordée par le Créateur : la co-responsabilité

qu’il nous donne éclaire-t-elle nos fins et nos moyens d’action ?

A titre personnel ou en tant que membre de com-munautés chrétiennes, quelles invitations spécifiques

recevons-nous de Dieu quant à la problématique environnementale et sociale ?

Quelles sont les limites fixées à l’être humain dans sa relation à la Création ? Comment les ressentons-

nous (indifférence, acceptation, révolte, gratitude …) et les vivons-nous concrètement ?

Quelle est notre responsabilité vis-à-vis des actions qui menacent notre planète ?

Quels comportements dans nos propres modes de vie ou au sein des groupes auxquels nous

appartenons (famille, entreprises, Eglise, groupes sociaux, syndicats, associations, partis

politiques, etc ) vont à l’encontre du projet créa-teur initial de Dieu qui ne voyait que bonnes

choses dans sa création originelle ? Quelle conversion spirituelle personnelle suis-je

prêt à accomplir pour « vivre autrement » ?Contact :

« Il n’est pas suffisant de savoir que les pauvres sont les favoris de Dieu si nous conti-nuons à les considérer et à les traiter comme des étrangers. Si nous leur donnons seulement assistance et charité sans une reconnaissance de leur propre valeur et de leur propre dignité et si nous les considérons toujours comme étant inférieurs, limités et étrangers à nous-mêmes ». (Lettre du conseil exécutif mondial de CVX à l’occasion de la journée mondiale 2010). Du fait que la dégradation de l’environ-nement rend les conditions de vie des pauvres encore plus difficiles, il est important que notre préoccupation pour la sauvegarde de la Création soit liée à une exigence de justice dans la répartition des richesses.(Briser le lien tragique entre la dégradation de l’environnement et la pauvreté, Osservatore Romano, 30/08/2006)

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Zoom Pays ASIE / Changement climatiqueFocus on the Global South Focus est une ONG régionale basée dans plusieurs pays d’Asie (Thaïlay néo-libéral. Elle combine plu-sieurs actions : recherche politique, plaidoyer, militantisme et for-mation de terrain pour générer une analyse critique et encourager les débats nationaux, régionaux et internationaux. Ces dernières années, l’organisation s’est investie sur la question du change-ment climatique en jouant un rôle vital de mise en relation entre les combats environnementaux et économiques. L’organisation analyse les impacts du changement climatique sur les conditions de vie et le phénomène croissant des migrations climatiques. Elle porte un regard critique sur les mesures d’ajustement proposées aux niveaux nationaux et régional, notamment les mécanismes de compensation comme le REDD, considéré comme un certificat pour l’accaparement des terres. Elle anime des réseaux et organise des mobilisations dans le but de promouvoir des politiques répondant réellement aux enjeux climatiques.

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La montée du thème de la transition écologique relève d’une combinaison de plusieurs éléments : la montée des questions environnementales, des débats sur la « justice environnementale », une écologisation des pratiques individuelles (injonction à des comportements plus vertueux en matière de gestion des déchets, de mobilité, de consommation, d’habitat...) et des pratiques pro-fessionnelles (ex. : monde agricole, univers de la distribution …), une affirmation croissante de risques (technologiques, clima-tiques, etc), une évolution de l’action publique répondant, aux exigences de protection de l’environnement et de la santé.La thématique de la transition écologique est donc largement configurée par des pratiques (re)définissant de nouvelles pra-tiques et les conditions d’un Bien Vivre.

Une crise écologique majeure (Extrait RO)

Des changements climatiques dont les pays « développés » sont principalement et historiquement responsables [4], dont les pays du Sud payent le plus lourd tribut, et dont les impacts seront encore démultipliés si les trajectoires de développement de tous les pays ne sont pas repensées. Des problématiques interconnectées de changements climatiques, de désertification et de rareté des ressources en eau, de perte de biodiversité, de déforestation.De « fausses solutions » (risques associés aux agro-carburants, aux mécanismes de marché carbone, aux organismes géné-tiquement modifiés, etc.) mises en avant face au double défi alimentaire et écologique. Fausses solutions qui ont des effets dévastateurs sur les communautés rurales du Sud et qui ne répondent pas aux enjeux climatiques/ environnementaux – voire représentent un risque. Et ce, alors que de « vraies » solutions existent (renforcement de l’efficacité énergétique, ges-

tion durable des ressources par les communautés, valorisation de semences locales et traditionnelles, etc.).Des pressions exercées sur les écosystèmes dont dépendent les communau-tés locales et sur leurs territoires de vie (grands projets d’infrastructures, acti-vités extractives, monocultures, etc.).Une prise de conscience progressive des limites de notre planète. Des déci-deurs qui reconnaissent la nécessité de s’engager dans des démarches de transition écologique et énergétique, mais dont les propositions peinent à remettre en cause le modèle qui est pourtant à l’origine des déséquilibres écologiques (ex. le concept de « croissance verte »).

Paris 2015 : conférence des Nations Unies sur le climatL’année 2015 sera marquée par trois étapes importantes pour la gouver-nance internationale pour un développement durable. Le calendrier 2013-2015 comprend en effet trois négociations internationales majeures :• La révision des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD)• La fixation aux différents pays d’Objectifs de Développement Durable (ODD)• La Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 21)

En vue de l’échéance COP21, le CCFD Terre Solidaire est impliqué dans un certain nombre de dynamiques collectives (Commission Climat et Dévelop-pement de Coordination SUD, Coalition COP21, dynamique d’organisations catholiques, groupe Justice climatique de la CIDSE, etc.).Le calendrier 2014-2015 offre donc une opportunité unique de mettre au cœur de l’actualité les questions des changements climatiques et du déve-loppement durable et de mobiliser les citoyens sur la transition écologique et sociale.

© Claude Huré/CCFD-Terre Solidaire

ALLER PLUS LOIN

Transition écologique, plutôt que développement durable ?

• Bourg, D. et Fragnière, A. (Dirs) (2014). La pensée écologique : une anthologie.

Paris: Presses Universitaires de France

• Bourg, D. et Laville, B. (2012). Transition écologique, plutôt que développement

durable. Entretien. Vraiment durable - Penser le développement durable, 1:

79-95.

• Frémeaux Philippe, Kalinowski Wojtek et Lalucq Aurore (2014) Transition

écologique, mode d’emploi. Alternatives économiques/Les Petits matins, 264 p.

• Hopkins,Rob (2010 B), Manuel de Tran-sition : de la dépendance au pétrole à la résilience locale, Les Éditions écosociété.

• Le Treut Hervé (2009), Nouveau climat sur la terre. Comprendre, prédire, réagir.

Paris. Flammarion, coll. « Nouvelle biblio-thèque scientifique ».

• Juan Salvador, (2011), La transition écologique, Eres, Paris

OUTILS POUR ANIMER

« Jeûnons pour le climat »

Invitation à vivre une nouvelle mobilisation internationale : un « Jeûne pour le climat » qui durera et s’amplifiera jusqu’en décembre 2015, date de la Conférence Climat (COP21) de Paris. Mouvement mondial composé de groupes de jeunes, d’écologistes, de groupes religieux,ils demandent par ce jeûne une action urgente des gouvernements concernant le changement climatique.

Plus d’infos : http://fastfortheclimate.org/fr/

Zoom sur la Coalition pour la protection du Patrimoine Génétique Africain

Créée en 2004, la COPAGEN est une coalition d’organisations locales, nationales et régionales présentes dans 9 pays d’Afrique de l’Ouest. Cette coalition, qui lutte contre l’introduction des OGM et agit pour la reconnaissance des droits des communau-tés sur leurs ressources génétiques est devenue, au fil des années, une voix importante et une référence en Afrique en matière de politique agricole et de biosécurité.

Dans les différents pays, les membres sont composés d’organisations d’agriculteurs, de consommateurs, de syndicats, de femmes, des groupes de jeunes, des ONG nationales et internationales, des groupes culturels, des universitaires, des organisations artistiques et des particuliers.

Leurs différentes actions consistent en l’organisation de marches paci-fiques, de conférences de presse et autres actions médiatiques. En plus des activités spécifiques menées par chaque coalition nationale, la COPAGEN au niveau régional élabore des outils de sensibilisation des communau-tés locales, mènent des études d’impact sur les cultures génétiquement modifiées (par exemple le coton BT au Burkina) et développe des actions de plaidoyer sur la question de l’accaparement des terres agricoles dans la zone UEMOA et en Guinée.

Le CCFD-Terre Solidaire soutient les actions de la COPAGEN depuis 2006, via des financements à Inades Formation, qui assure la coordination de la coalition.

OUTILS POUR ANIMER

Animation pour les ados : des chansons écolo !

Objectif : brise-glace pour démarrer une animation sur le thème de la transition éco-

logique.Déroulement : passer la chanson sans dis-

tribuer les paroles. Faire réagir sur les paroles. Distribuer les paroles écrites et relancer la discussion. Et pourquoi pas un Karaoké ?

STROMAE, « Humains à l’eau »MICKEY 3D « Respire »

LES COW-BOYS FRINGANTS, « Plus rien »RIDAN, « Objectif Terre »

AKHENATON, « La fin de leur monde »CHRISTOPHE MAE, « C’est ma terre »

TRYO, « Ballade en forêt »Ressources internet autour de ces chansons :

www.paroles.net pour retrouver les paroles et www.youtube.fr pour voir les clips.

PARTIE 2 TRANSITION ÉCOLOGIQUE

La Transition écologique et risques

© Jean Fremont/CCFD-Terre Solidaire

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PARTIE 3 TRANSITION ÉCOLOGIQUE VS TRANSITION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

Transition écologique vs transition économique et financière

Crise financière, crise de la dette, austérité budgétaire, crise climatique, raréfaction des ressources naturelles et énergétiques … Existe-t-il d’autres voies pour le modèle économique ? Le découplage observé ces der-nières années entre l’évolution du PIB et le niveau de satisfaction des besoins des populations sur les ter-ritoires impose de réfléchir au contenu à donner aux activités économiques et financières. La création de richesses désormais ne pourra se faire qu’en privilégiant l’intérêt des générations futures. A travers une «économie positive», il s’agit également de penser une finance positive, qui retrouve son rôle de support de l’économie réelle.

Extrait d’un témoignage de Pedro Velasco, anthropologue et philosophe mexicain, témoignage recueilli par Jean Merckaert et paru dans la revue Projet, n° 331« La crise que nous traversons est globale. Si seules les dimensions financières et économiques sont le plus souvent mises en avant, il s’agit avant tout de la crise d’un modèle économique devenu insoutenable écologiquement tant il ignore et accentue la destruction du socle naturel dont il dépend ; insoutenable socialement tant les inégalités s’accentuent en dépit de décennies de croissance. La crise financière a montré la profonde instabilité intrinsèque du système. Cette crise pourrait constituer une occasion de rebattre les cartes. Il faut, aujourd’hui, remettre l’économie à sa juste place : un moyen au service des êtres humains. Cela passe par la réaffirmation de la légitimité politique à réguler l’économie afin de garantir l’intérêt général. Tandis que les fondamentaux qui régissent nos sociétés sont remis en question, des voix trouvent un espace pour exprimer des idées différentes. Il s’agit, maintenant, de les entendre et d’agir en conséquence ».

La transition par l’économie sociale et solidaire

Depuis peu, de nombreux acteurs ont ainsi décidé de joindre l’action à la parole en s’engageant dans le combat pour relever le défi de la transition, économique avant tout, mais aussi sociétale et environnementale. L’économie sociale et solidaire et les entreprises sociales sont au rendez-vous : de par leur lien avec la Transition, et par leur potentiel pour un changement effectif vers une société plus juste et plus solidaire, l’ESS et les entreprises sociales se situent à l’avant-garde de la Transition.

L’ESS repose sur un projet collectif et social à but non lucratif. Ses règles sont : la juste répartition de la création de richesses, les valeurs collectives de solidarité, l’épanouissement de la personne et la libre adhésion. Ses principaux acteurs privilégient la durabilité économique au court-termisme des marchés. Les activités ne sont pas délocalisables ni opéables et sont une alternative plausible dans certains domaines aux modèles fondés sur la financiarisation des échanges, la compétition des organisations.

Les nouvelles approches de l’économie territoriale Certains territoires développent de nouvelles formes d’économie territoriale, s’appuyant sur des logiques : • d’économie circulaire, qui privilégie la valorisation des coproduits, des déchets/matières premières et la sobriété ;• d’économie de la fonctionnalité (ou économie collaborative), qui permet de substituer à la vente d’un bien (voiture, logement...), la vente d’un service (auto-partage, location de matériel) ou d’une solution intégrée (covoiturage) remplissant les mêmes fonctions que le bien - voire des fonctions élargies - , tout en consommant moins de ressources et d’énergie et en créant des exter-nalités environnementales et sociales positives. Les nouvelles technologies de communication (smartphones, GPS, internet) favorisent la fluidité d’accès à ses services ;• d’économie de la contribution par le biais des réseaux qui font apparaître des pratiques culturelles et économiques fondées sur un autre modèle que l’hyper consommation, le court terme et l’obsolescence programmée

Le circuit court de la finance et la finance solidaire

Faire la transition écologique, c’est donc donner sa juste place à la finance, en faisant appel à tous ses outils, mais en ayant bien compris que notre avenir dépendra de notre capacité à bien gou-verner les « biens communs ». Ces derniers sont les ressources naturelles, la stabilité du climat par exemple, mais on peut aussi considérer comme Gaël Giraud que la liquidité et le crédit sont des biens communs, et que leur gouvernance ne doit pas échoir dans les seules mains des financiers. Les chantiers à enclencher dans le domaine financier sont énormes.

Le CCFD-Terre Solidaire et la microfinance : la SIDIConvaincu que le développement passe par la reconnaissance des plus pauvres comme acteurs et actrices de leur vie, le CCFD-Terre Solidaire et sa filiale spécialisée, la SIDI voient avec intérêt se développer les initiatives visant à :• Continuer à inventer des solutions nouvelles pour accroître l’impact social de la microfinance et de la finance solidaire, par exemple : permettre aux paysans du Sahel de gérer les aléas climatiques …• Pousser plus loin la recherche de pistes innovantes pour les populations les plus démunies en renforçant une chaîne de solidarité pour le financement, depuis la mobilisation des ressources (collecte de l’épargne solidaire, etc.) jusqu’à son emploi (renforcer les performances sociales des institutions de microfinance locales).

L’épargne localeLes territoires mettent en valeur leurs capacités de financement de projets locaux en élaborant des outils de mobilisation de l’épargne locale

Le crowdfunding, ou financement participatif en français, est une technique de financement de projets utilisant internet comme canal de mise en relation entre les porteurs de projet et les per- sonnes souhaitant investir dans ces projets. Pratique ancienne, elle fait l’objet actuellement d’un large engouement en raison de sa simplicité de fonctionnement et des difficultés que rencontrent certains créateurs à trouver des financements pour leurs petits projets. Il fonctionne le plus souvent via Inter-net. Les opérations de crowdfunding peuvent être des soutiens d’initiative de proxi- mité ou des projets défendant certaines valeurs. Elles diffèrent des méthodes de financement traditionnel et intègrent souvent une forte dimension affective.

Les monnaies locales complémentaires (cf. guide Richesses autrement)

La RSE : une voie pour la transition ?

Depuis les années 90, la responsabilité sociétale des entreprises - RSE - s’est progres-sivement forgée une légitimité et elle est désormais de plus en plus souvent invoquée comme un des outils au service du développement durable et comme instrument d’une conception renouvelée de la société mondiale et des rapports humains.

Le CCFD-Terre Solidaire estime que malgré le succès rencontré par le concept ces dernières années, la RSE est encore loin d’être une réalité. Il apparaît en effet que de plus en plus d’entreprises multinationales tirent un profit abusif de ces instruments volontaires d’autorégulation, en vue de transformer en arguments de vente, en direc-tion des consommateurs et des autorités publiques, les engagements éthiques qu’elles énoncent. En l’absence d’obligation de rendre des comptes (intégrée à un système de sanctions aux contre- venants), l’impunité des entreprises transnationales est réelle-ment problématique. La carence en mécanismes de recours internationaux (judiciaires ou extrajudiciaires) pour les victimes d’abus laisse la responsabilité de la résolution des contentieux aux organes nationaux, souvent trop faibles dans les pays du Sud.

ALLER PLUS LOIN Transition économique et financière

• Arnsperger Christian, « Fonder l’économie écologique, Crise environnementale, crise économique et crise anthropologique », Revue d’éthique et de théologie morale, 2013/HS (n° 276)

• Feffer Caroline, (2014) « Robert Costanza (dir.), VIVEMENT 2050 ! Programme pour une économie soutenable et désirable », Revue Projet 1/ 2014 (N° 338), p. 95-9

• Jackson Tim, (2010) Prospérité sans croissance : la transition vers une économie durable, De Boeck- Etopia, 247 p.

• Meadows Donella et Dennis (2012), Les limites à la croissance (dans un monde fini), Paris, Rue de l’Echiquier, 425 p.

• Ollivro Jean (2011) La nouvelle économie des territoires, Rennes, Editions Apogée, 190 p.

• Rouer Maximilien, Gouyon Anne (2007) Réparer la planète : la révolution de l’économie positive, Editions : JC Lattès, Collection : Essais et documents, 403 p.

• Schor, Juliet B. (2013), La véritable richesse, une économie du temps retrouvé, ECLM.

ALLER PLUS LOIN

Confronter vos points de vue, acquérir

de nouveaux savoirs, prendre appui sur des réseaux et des collectifs

existants ? Ces acteurs sauront certainement vous aiguiller / épauler / soutenir.

NB : Cette liste est loin d’être exhaustive. Nous présentons

simplement quelques acteurs. N’hésitez pas à nous suggérer

d’autres structures.Agence de Développement

et de Promotion de l’Economie Solidaire en Midi-Pyrénées (ADEPES) :

Ramonville Saint Agne (Haute-Garonne)…

ALLER PLUS LOIN Transition financière

• FDM n°277, Dossier « 30 ans de finance solidaire », p. 16-21

• Giraud Gaël, (2013) Illusion financière, Ivry-Sur-Seine, éd. de l’Atelier, 184 p.

• Naulot Jean-Michel (2013) Crise financière. Pourquoi les gouvernements ne font rien, Le Seuil, 284 p.

• Ollivro Jean (2011) La nouvelle économie des territoires, Rennes, Editions Apogée, 190 p.

• Schor, Juliet B. (2013), La véritable richesse, une économie du temps retrouvé, ECLM.

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PARTIE 4 TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET DÉMOCRATIE

Transition écologique et démocratie

Sur le chemin de la transition, à la bifurcation vers une société qui, loin de se focaliser principalement sur l’opulence matérielle, tendrait à la recherche du Bien-Vivre des peuples sur leurs territoires, en respectant les limites de la planète, les actions pour le changement se font attendre. Pourtant, ici comme là-bas, de nombreux citoyens souhaitent prendre leur destin en main en replaçant les enjeux écologiques au cœur des les politiques publiques et en renforçant la démocratie.

Penser le politique

Extrait de l’article de Gustave Massiah, « Le paradigme écologique et le politique », in Les Possibles — No. 03 Printemps 2014« (...) Depuis 2011, des mouvements massifs témoignent de l’exaspération des peuples. Un nouveau cycle de luttes et de révolutions a commencé il y a moins de trois ans à Tunis, s’est étendu à la région, a traversé la Méditerranée et s’est propagé avec les « indignés » en Europe du Sud, en Espagne, au Portugal, en Grèce. Il a trouvé un nouveau souffle en traversant l’Atlantique à travers les « occupy » Wall Street, Montréal. Il a pris des formes plus larges dans de nombreux pays du monde, au Chili, au Canada, au Sénégal, en Croatie, autour de la faillite des systèmes d’éducation et de la généralisation de l’endet- tement de la jeunesse. Il rebondit à partir des mobilisations en Inde, en Turquie, au Brésil et en Égypte.

Ces mouvements portent explicitement le refus de la misère sociale et des inégalités, le respect des libertés et de la dignité, le rejet des formes de domination. D’un mouvement à l’autre, il y a eu des affinements sur la dénonciation de la corruption ; sur la revendication d’une « démocratie réelle ». Dans ces mouvements, l’écologie n’est pas au centre des revendications, du moins explicitement. Mais elle transparaît à travers de multiples mobilisations autour de l’accaparement des terres, de l’eau, du contrôle des matières premières, des gaz de schiste, du parc Gezi à Istanbul, de l’urbanisme des grands événements... L’écologie apparaît comme un soubassement qui participe à la radicalisation de l’ensemble des mobilisations. Le passage de l’écologie de la dimension cachée à la pleine lumière s’inscrit dans la nouvelle culture politique.

Cette culture (…) expérimente de nouvelles formes d’organisation à travers la maîtrise des réseaux numériques et sociaux, l’affirmation de l’auto-organisation et de l’horizontalité. Elle tente de redéfinir, dans les différentes situations, des formes d’autonomie entre les mou-vements et les instances politiques. Elle recherche des manières de lier l’individuel et le collectif. C’est peut-être à ce niveau que les réseaux sociaux divers portent de nouvelles cultures, à l’instar des collectifs de logiciels libres. La réap- propriation de l’espace public est une reven-dication de souveraineté populaire. Les places renouvellent les agoras. Une large partie de cette culture s’est construite en liaison avec les mouvements écologistes, à partir des remises en cause ouvertes par le paradigme écologiste.

(…) Ces mouvements sont spontanés, radicaux, hétérogènes. Certains affirment que ces mouvements ont échoué parce qu’ils n’ont pas de perspective ou de stratégie et qu’ils ne se sont pas dotés d’organisation. Cette critique mérite d’être approfondie. (...) »

Assurer la transition écologique : un nouveau modèle social

La transition écologique suppose des évolutions démocratiques importantes, permettant aux citoyens, aux organisations de la société civile, aux collectivités territoriales, d’avoir des capacités d’avis et d’initiatives beaucoup plus importantes.

La société civile tunisienne s’affirmeLe Printemps arabe, suivi par la chute du régime de Ben Ali en Tunisie, interroge la notion de société civile et sa visée transformatrice. En effet, cette période a provoqué un désir profond de participation dans l’espace public. Des milliers d’associations se sont créées. Une coalition d’organisations de la société civile a élaboré les propositions qui ont permis de sortir de la crise politique dans laquelle se trouvait le pays après l’assassinat de deux leaders politique et de finaliser la rédaction de la nouvelle constitution. La société civile a participé au processus en cours en y portant ses valeurs d’indépendance, de démocratie, de liberté, d’égalité et de justice sociale.

Le CCFD-Terre Solidaire travaille en Tunisie avec des organisations du monde ouvrier et paysan. Ces deux catégories ont été fortement exploitées et spoliées par l’ancien régime. Ils sont de plus en plus nombreux à vouloir s’organiser pour défendre leur droit et créer des méca-

nismes de solidarité locale. C’est avec eux que l’on peut réfléchir à d’autres modèles de développement. Accompagner les organisations de transformation sociale est la mission principale du CCFD-Terre solidaire.

Le Baromètre des sociétés civilesLe CCFD-Terre Solidaire en partenariat avec l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) a publié en février 2014 la première édition du Baromètre des sociétés civiles – L’autre visage de la mondialisation. Ce rapport, auquel ont participé des chercheurs de l’IRIS, est le fruit de l’expertise du CCFD-Terre Solidaire qui soutient et accompagne depuis plus de 50 ans des organisations de la société civile (ONG, syndicats, organisations professionnelles, mouvements sociaux) à travers le monde et finance leurs projets. Ce Baromètre prendra chaque année le pouls des dynamiques sociales dans le monde. Les analyses par région et par pays permettent d’appréhender le rôle joué par les sociétés civiles dans la transformation sociale et dans les relations internationales.

Pour Xavier Ricard, directeur des partenariats internatio-naux au CCFD-Terre Solidaire, « la société civile, lorsqu’elle parvient à constituer un sous-ensemble suffi- samment dense du corps social, oppose une résistance, plus ou moins organisée, toujours inertielle à l’abus de pouvoir, et dessine les lignes de fond de l’histoire sociale. (...) Les socié-tés civiles sont aussi des incubateurs d’innovations et de changements sociaux ».

Pas de transition heureuse sans une société civile dynamique

Le mouvement de transition invite les citoyen-ne-s, en tant qu’individu, à considérer le contexte de crises comme une oppor-tunité de changement et à prendre part à l’action collective : partant du constat que les actions individuelles seules ne suf-firont pas et que la mise en place de solutions au niveau institutionnel ne sera pas assez rapide, le mouvement de transition s’appuie avec originalité sur un mode de fonctionnement social à dimension humaine, pour élaborer des solutions pertinentes et viables à une échelle locale.

Dans les démarches de transition, ce sont les citoyen-ne-s qui impulsent des dynamiques collectives en complément de leurs actions individuelles. Par une démarche participative, des groupes de citoyens analysent les dépendances de notre société aux ressources fossiles, font le bilan des ressources alternatives locales et renouvelables, mettent en place des groupes de réflexion et de travail pour lancer des initiatives concrètes. Ils interpellent les élus locaux afin de solliciter leur adhésion à ces projets, contribuant ainsi à réinventer la « politique » dans son sens premier, à savoir la science des affaires de la Cité. Ces démarches se différencient des Agendas 21, dont le cadre est prédéfini et répond à une politique de développement durable conven-tionnelle avec une approche exclusivement « du haut vers le bas », c’est-à-dire partant des décisionnaires vers les citoyens. Les initiatives de transition invitent les citoyens à concevoir des solutions issues de l’intelligence collective. Grâce à un travail collaboratif, celle-ci favorise des facultés de formation et d’imagination et fait émerger une conscience commune qui respecte l’autonomie de ses membres. L’éducation populaire, en apportant une vision positive des phénomènes en jeu et en dévelop-pant le « pouvoir d’agir », donne l’envie de réussir. Quel que soit le ressort qui nous pousse à se mettre en mouvement, la clé se trouve dans la détermination à agir et dans « l’agir ensemble ».

ALLER PLUS LOIN

Mouvement de la Transition en France

OUTILS POUR ANIMER • « Un pas en avant », jeu de simulation sur la gouvernance, dossier éducateurs 2010-2011, page 22.

• Animation autour du street art ?

Page 9: Comité catholique contre la faim et pour le …...Il se flxe donc comme horizon de revisiter et d’actualiser le concept de développement. Ainsi, il contribuera à la for Ainsi,

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PARTIE 5 CONSTRUIRE DES ALTERNATIVES

Construire des alternatives

« Forts de ces convictions, nous visons un monde où plus personne ne souffre de la faim, où la coopération se substitue à la compétition, où les droits humains et la dignité de chacun sont respectés, où la justice sociale et un partage équitable et transparent des richesses et des ressources sont garantis, où la vie démocratique et la participation citoyenne sont effectives, où le « vivre ensemble » et la fraternité sont rendus possibles par le dialogue et le respect de la différence, où les équilibres écologiques sont préservés et les ressources naturelles gérées durablement et avec sobriété.

Quel monde voulons-nous ?

La réalisation d’un tel monde suppose un changement global du modèle de développement. Le modèle actuel, qui mise sur un système économique mondialisé, « déterritorialisé » et dérégulé, fondé sur l’enrichissement d’un petit nombre, la crois- sance, la compétition, la financiarisation, la surexploitation des ressources, l’irresponsabilité et l’impunité des acteurs, n’est pas viable :• parce qu’il fait l’impasse sur les conditions à réunir pour faire rimer développement économique avec développement humain et amélioration des conditions de vie, notamment des plus vulnérables ;• parce qu’il ignore l’impératif de construire de nouveaux rapports à la nature dans un contexte d’épuisement des ressources et de déséquilibres écologiques majeurs ;• parce qu’il ne répond pas à l’exigence de développement de toute personne humaine et de toute la personne humaine (qui nécessite une autre approche du développement économique et de ne pas se limiter à une approche économique du développement).

L’émergence d’alternatives

Face au constat de l’impasse dans laquelle nous conduit ce modèle, des femmes et des hommes s’engagent, résolument, sur la voie de formes de vie sobres et fraternelles, riches assurément, mais d’une manière nouvelle fondées sur le respect des droits humains, le souci du bien commun et la sauvegarde des biens communs. Les sociétés civiles font émerger des alternatives, alternatives se concrétisent en termes à la fois d’initiatives de développement (économique, social, culturel) et de propositions politiques qui peuvent se décliner aux niveaux local, national, régional, international.Il nous faut, comme nous y invitait Claude Lévi-Strauss dans Race et histoire (1952) « écouter le blé qui lève ». Des initiatives concrètes sont mises en place ici et là comme alternatives au système dominant et sont les nouveaux rails pour un monde en transition. Points communs à la plupart de ces alternatives : la volonté de passer à l’action, de construire, d’être dans le positif, l’inclusif et le concret. Il s’agit d’inventer la société d’après dès aujourd’hui.

« Plutôt que d’avoir une indignation globale, il vaut mieux agir » Miguel Benasayag

(in La transition, une utopie concrète ? Mouvements 2013/3 - n° 75)

Des alternatives qui appellent de nouvelles formes d’engagement

Partout dans le monde, des hommes et des femmes ne se contentent pas de dénoncer les effets d’un modèle économique et de réclamer de meilleures démocraties. Ils expérimentent des modalités de la démocratie participative et ancrée dans les territoires. Ils déploient les éléments de la culture militante « alter-activistes »* avec un engagement qui fait la part belle à la transformation de soi, la subjectivité, l’expérience, la créativité, l’expérimentation ; un engagement qui construit des

lieux d’échanges, d’expression et d’ expérimentation ; un engage-ment qui faut usage des nouvelles technologies et des connexions en réseaux ; un engagement qui permet de s’inscrire dans des enjeux globaux tout en restant prioritairement ancrés dans l’espace local. Cet engagement appelle une participation politique qui ne se réduit pas à ses aspects les plus visibles ou médiatiques. C’est au contraire, dans la famille, leur quartier que la plupart s’engagent et deviennent acteurs de transformation sociale. Les « alter-activistes » estiment qu’un changement global adviendra par la multiplication d’espaces alternatifs ayant chacun leur spécificité.« Alter-activisme » ne se réfère pas à un mouvement particulier mais à une catégorie heuristique qui renvoie à une forme d’engagement, une « culture militante » définie comme une logique d’action basée sur ensemble cohérent d’orientations normatives et d’une concep-tion du monde, du changement social et de la nature et de l’orga-nisation des acteurs sociaux qui portent ce changement (voir Pleyers G., 2004, Des black blocks aux alter-activistes : Pôles et formes d’engagement des jeunes altermondialistes, Lien Social et Politiques n°51, pp.123-134).

Extrait du Rapport d’Orientation Transformation sociale, p. 63

Il s’agit d’une dynamique visant à obtenir un changement des mentalités et des pratiques personnelles et collectives et des structures (politiques, sociales, économiques, culturelles) qui sont à l’origine des situations considérées comme négatives (inégalités, pauvreté, faim, injustices, privation des droits, conflits, dégradation de l’environnement, etc.), et ce, aux différents niveaux de l’action (local,

national, international).

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Derrière ces initiatives, c’est en fait d’un autre projet de société dont il est question : « Passer de la productivité à la convivialité, c’est substituer à une valeur technique une valeur éthique. »

(Illich, 1973: 28).

Participer à la formulation et à l’approfondissement de ces alternatives, à leur «convergence » en une vision cohérente et prospective, constitue un défi de taille dans lequel le CCFD-Terre Solidaire fait le choix de continuer à s’engager.

Ces alternatives ne demandent qu’à être plus connues et davantage effectives.

Ce guide est une invitation à construire des liens entre les alternatives là-bas, chez nos partenaires, tout en étant attachés à l’ici, à nos ancrages locaux et à l’importance de rester dans le concret.

Nous vous invitons à développer une relation fondée sur le principe de la Minga. La Minga en langue Quechua signifie “la mise en commun du travail, dans le but de s’entraider les uns les autres en s’échangeant des techniques et des informations ou en se consacrant ensemble [de façon ponctuelle] à un objectif déterminé”.A

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