5
NRP Lycée mars 2015 1 La Place Royale, une comédie moderne Séquence 2 de Par Anne Cassou-Noguès Comment lire un texte de théâtre Petit rappel Si les élèves, à la sortie du collège, sont conscients des spécificités de l'écriture théâtrale, ils oublient parfois les mots-clefs pour exprimer ce qu'ils perçoivent. - dans le texte théâtral, on distingue les dialogues et les didascalies (nom des personnages, indications sur le lieu de l'action, indications sur le jeu des comédiens gestes, intonations...) ; - le texte théâtral repose sur le principe de la double énonciation (toute phrase adressée par le personnage A au personnage B est simultanément adressée par l'auteur au spectateur, ou au lecteur) ; - dans le dialogue théâtral, on distingue les répliques, les tirades (répliques particulièrement longues), les monologues (tirades prononcées par un personnage seul en scène) ; - lorsque le texte théâtral est joué, on doit étudier la mise en scène et s'intéresser particulièrement à l'espace et aux décors, aux lumières et à la musique et surtout aux personnages, à leurs costumes, à leurs déplacements et plus généralement à leur jeu. Comédie et tragédie Support : - notices de comédies (par exemple : Le Médecin malgré lui, Tartuffe, Le Malade imaginaire) et de tragédies (par exemple : Horace, Cinna, Andromaque) ; - extraits de comédies (par exemple, Tartuffe, I, 5, de « Madame eut avant-hier [...] » à « Le pauvre homme ! » ; Le Malade imaginaire, I, 5, de « Eh bien, c'est le neveu de monsieur Purgon » à « et d'être à même des consultations et des ordonnances ») et de tragédies (par exemple, Horace, II, 7, la réplique du Vieil Horace ; Cinna, IV, 2, la fin du monologue d'Auguste, à partir de « O Romains ! ») ; - quelques textes théoriques de Corneille et Molière. Nous proposons les extraits suivants à titre d'exemple : La comédie diffère donc en cela de la tragédie, que celle-ci veut pour son sujet une action illustre, extraordinaire, sérieuse. Celle-là s’arrête à une action commune et enjouée ; celle-ci demande de grands périls pour ses héros, celle-là se contente de l’inquiétude et des déplaisirs de ceux à qui elle donne le premier rang parmi les acteurs. Pierre Corneille, Discours sur l’utilité et les parties du poème dramatique. Sa dignité demande quelque grand intérêt d’État plus noble et plus mâle que l’amour, telles que sont l’ambition ou la vengeance, et veut donner à craindre des malheurs plus grands que la perte d’une maîtresse. Ibid. CHRISTINE GUILLEMIN [email protected]

Comment Lire Un Texte de Theatre

Embed Size (px)

DESCRIPTION

enseignement littérature

Citation preview

  • NRP Lyce mars 2015

    1

    La Place Royale, une comdie moderne Squence 2de Par Anne Cassou-Nogus

    Comment lire un texte de thtre Petit rappel Si les lves, la sortie du collge, sont conscients des spcificits de l'criture thtrale, ils oublient parfois les mots-clefs pour exprimer ce qu'ils peroivent. - dans le texte thtral, on distingue les dialogues et les didascalies (nom des personnages, indications sur le lieu de l'action, indications sur le jeu des comdiens gestes, intonations...) ; - le texte thtral repose sur le principe de la double nonciation (toute phrase adresse par le personnage A au personnage B est simultanment adresse par l'auteur au spectateur, ou au lecteur) ; - dans le dialogue thtral, on distingue les rpliques, les tirades (rpliques particulirement longues), les monologues (tirades prononces par un personnage seul en scne) ; - lorsque le texte thtral est jou, on doit tudier la mise en scne et s'intresser particulirement l'espace et aux dcors, aux lumires et la musique et surtout aux personnages, leurs costumes, leurs dplacements et plus gnralement leur jeu.

    Comdie et tragdie Support : - notices de comdies (par exemple : Le Mdecin malgr lui, Tartuffe, Le Malade imaginaire) et de tragdies (par exemple : Horace, Cinna, Andromaque) ; - extraits de comdies (par exemple, Tartuffe, I, 5, de Madame eut avant-hier [...] Le pauvre homme ! ; Le Malade imaginaire, I, 5, de Eh bien, c'est le neveu de monsieur Purgon et d'tre mme des consultations et des ordonnances ) et de tragdies (par exemple, Horace, II, 7, la rplique du Vieil Horace ; Cinna, IV, 2, la fin du monologue d'Auguste, partir de O Romains ! ) ; - quelques textes thoriques de Corneille et Molire. Nous proposons les extraits suivants titre d'exemple : La comdie diffre donc en cela de la tragdie, que celle-ci veut pour son sujet une action illustre, extraordinaire, srieuse. Celle-l sarrte une action commune et enjoue ; celle-ci demande de grands prils pour ses hros, celle-l se contente de linquitude et des dplaisirs de ceux qui elle donne le premier rang parmi les acteurs.

    Pierre Corneille, Discours sur lutilit et les parties du pome dramatique.

    Sa dignit demande quelque grand intrt dtat plus noble et plus mle que lamour, telles que sont lambition ou la vengeance, et veut donner craindre des malheurs plus grands que la perte dune matresse.

    Ibid.

    CHRISTINE GUILLEMIN [email protected]

  • NRP Lyce mars 2015

    2

    La tragdie a celle-ci [dutilit] de particulire que par la piti et la crainte elle purge de semblables passions.

    Pierre Corneille, Discours de la tragdie. La piti dun malheur o nous voyons tomber nos semblables nous porte la crainte dun pareil pour nous ; cette crainte, au dsir de lviter, et ce dsir, purger, modrer, rectifier et mme draciner en nous la passion qui plonge nos yeux dans ce malheur les personnages que nous plaignons, par cette raison commune, mais naturelle et indubitable, que pour viter leffet, il faut retrancher la cause.

    Ibid. Le devoir de la comdie tant de corriger les hommes en les divertissant, j'ai cru que, dans l'emploi o je me trouve, je n'avais rien de mieux faire que d'attaquer par des peintures ridicules les vices de mon sicle.

    Molire, Tartuffe, premier placet . Objectif : mettre en vidence les principales diffrences entre le genre comique et le genre tragique qui sont trs nettement diffrencis au XVIIIe sicle. Dure : une heure. Questionnaire 1. Quelles sont les notices de comdie ? De tragdie ? Sur quels critres vous appuyez-vous pour faire cette distinction ? 2. quelle classe sociale appartiennent les personnages de la comdie ? Ceux de la tragdie ? 3. Lisez les extraits proposs. Quels sont les thmes dominants dans la comdie ? Dans la tragdie ? lment de rponse Loin de nous l'ide de faire un cours exhaustif sur ces deux genres. Nous nous contentons d'indiquer dans le tableau, les lments essentiels, quoi que peut-tre rducteurs, que pourraient reprer les lves.

    COMDIE TRAGDIE

    Personnages Ils appartiennent toutes les catgories sociales : bourgeois, paysans... On peut aussi trouver des nobles. Certains sont insrs dans la vie sociale : mdecins, apothicaires... noter, un couple important : matre-valet.

    Ils appartiennent la noblesse ou servent les puissants. Ce sont le plus souvent des personnages de l'Histoire antique ou de la mythologie.

    Lieu de l'action Unit de lieu. Sont privilgis des Unit de lieux galement, mais des

    CHRISTINE GUILLEMIN [email protected]

  • NRP Lyce mars 2015

    3

    lieux quotidiens pour le spectateur, cela favorise l'identification.

    lieux lointains dans l'espace ou le temps.

    Thmes principaux

    Des problmes de la vie quotidiennes : amour et mariage, sant...

    Des problmes lis au pouvoir et, accessoirement, l'amour.

    Dnouement Heureux. Malheureux.

    Finalit Faire rire ; corriger les vices des hommes.

    mouvoir ; purger les passions.

    La scne d'exposition C'est avec la scne de dnouement, un des moments cls de la pice de thtre. Elle obit certaines rgles, auxquelles les auteurs se plient avec plus ou moins de complaisance et de brio. Elle a essentiellement deux fonctions : - une fonction informative : il s'agit de donner au spectateur (et au lecteur) les informations ncessaires la comprhension de la pice laquelle il va assister. On peut d'ailleurs s'interroger sur la diffrence de statut du lecteur et du spectateur ; - une fonction apritive : il s'agit de donner envie au spectateur de voir la suite de la pice, au lecteur de lire la suite. On peut rappeler que si le public est aujourd'hui d'une relative politesse, au XVIIIe sicle par exemple, on n'hsitait pas entrer et sortir de la salle durant la reprsentation, commenter haute voix... L'auteur devait donc conqurir un public peu attentif ! Support : quatre scnes d'exposition : - Molire, Les Fourberies de Scapin, 1671. - Beaumarchais, Le Barbier de Sville, 1775. - Musset, Les caprices de Marianne, 1775. - Alfred Jarry, Ubu roi, 1896. Objectif : mettre en vidence les constantes de la scne d'exposition et montrer comment les auteurs jouent avec les rgles et les contraintes. Dure : 1 heure. Questionnaire 1. Condensez en une seule phrase les informations fournies par chacun des extraits. 2. En quoi rside l'originalit de chacune des scnes ? lments de rponse Les Fourberies de Scapin. Octave, jeune amoureux, rpte Sylvestre les sombres nouvelles que son oncle, inform par le biais d'une lettre du pre d'Octave, vient de lui apprendre : son pre arrive au port en dbut de matine avec la ferme intention de le marier avec la fille de Gronte, qu'on a fait venir de Tarente, ce qui contredit les penchants de son cur.

    CHRISTINE GUILLEMIN [email protected]

  • NRP Lyce mars 2015

    4

    L'originalit de la scne rside dans le comique. Les rpliques s'enchanent grce au comique de mots. Paradoxalement, c'est celui qui interroge, qui pose des questions, qui donne les informations au spectateur. Il y a donc une inversion du procd habituel de l'exposition. Molire exhibe les codes de l'criture thtrale. Le Barbier de Sville. Le Comte, dguis, courtise incognito Rosine, jeune femme de rang infrieur. La scne est originale car il s'agit d'un monologue. Il est absurde de voir un homme masqu, qui agit en secret, qui dvoile haute voix ses penses sur la place publique ! Seul le public a besoin de savoir qui il est et ce qu'il fait l. Beaumarchais joue avec dsinvolture des codes de l'nonciation thtrale, misant sur la connivence et la complicit du rcepteur, dment et rapidement inform par une exposition alerte qui ne s'embarrasse pas de prcautions inutiles. Les Caprices de Marianne. Clio aime Marianne, cousine de son ami Octave : cette dernire est marie et apparemment fidle son mari, pourtant jaloux. On notera la longueur de la scne qui rompt avec la rgle du thtre classique qui veut qu'on change de scne chaque entre et sortie des personnages. Ces entres et sorties incessantes montrent la difficult communiquer des diffrents personnages : il est remarquable que Clio et Marianne ne peuvent pas se parler directement mais seulement par des intermdiaires. De plus, il est noter que les didascalies fournissent autant d'informations que le dialogue. En effet, elles manifestent toutes les contraintes qui enserrent Marianne : son mari ( la maison de Claudio ), la religion ( un livre de messe ). Ubu roi. Un homme et sa femme dcident de s'emparer de la couronne de Pologne en massacrant la famille royale en place. Le texte se dmarque d'une exposition classique par : - l'exagration burlesque ; - la destruction de l'illusion de vraisemblance ; - le niveau de langue familier voire grossier.

    Le dnouement tragique : de la tragdie baroque la tragdie classique Supports : trois dnouements - Shakespeare, Romo et Juliette (dans la traduction de Franois-Victor Hugo, scne 27, de Romo : Sur ma foi, je le ferai. Elle tombe sur le corps de Romo et expire. ), 1593 - Thophile de Viau, Pyrame et Thisb (V, 2, l'ensemble de la tirade de Thisb), 1621 - Racine, Phdre (V, 7, la tirade de Phdre), 1672 Objectif : reprer les constantes dans le dnouement tragique et apprhender l'cart de la tragdie baroque la tragdie classique. Dure : 1 heure

    CHRISTINE GUILLEMIN [email protected]

  • NRP Lyce mars 2015

    5

    Questionnaire 1. Reprez les diffrences et les points communs entre les dnouements de Romo et Juliette de William Shakespeare et de Pyrame et Thisb de Thophile de Viau. 2. Comparez maintenant le dnouement de Phdre avec les deux autres. lments de rponse 1. Les deux dnouements sont trs proches. Diffrences : Outre la question de la forme versifie, on note que les didascalies sont trs importantes dans le texte de Shakespeare, qui offre une esthtique visuelle, spectaculaire. Une forte animation scnique maintient en veil l'attention du spectateur. Dans la tragdie de Thophile de Viau, le dnouement est plus statique, il y a moins de mouvement. L'motion passe moins par ce qui est montr que par le lamento de l'hrone. Ressemblances : - deux histoires d'amour malheureuses. Les amants aspirent se retrouver dans la mort. Effet d'intertextualit entre les deux tragdies (mme modle antique) ; - deux dnouements qui s'achvent par la mort des personnages principaux, sur scne ; - mme importance du poignard, vritable incarnation de la mort, qui l'on s'adresse ; - dominante pathtique (ponctuation expressive, champ lexical de la souffrance...). 2. On observe quelques constantes, mme si l'on mesure l'cart entre ce dnouement classique et les deux dnouements baroques. Ressemblances : - l'hrone se suicide elle aussi. La pice de Racine est bien une tragdie ; - le registre dominant dans la tirade de Phdre est le registre pathtique qui vise provoquer l'motion, la piti chez le spectateur. Diffrences : - il ne s'agit pas d'un dnouement amoureux : Phdre expie sa faute. Ce n'est donc pas au nom de l'amour qu'elle meurt et mais au nom de la morale ; - Phdre ne se tue pas sur scne, elle a aval le poison hors-scne. La violence n'est donc que verbale et non visuelle. On ne voit pas le geste mortifre sur scne ; - le poison est objet du discours, il nest plus acteur de la scne : attnuation de la violence, de la ralit de la mort ; - le dnouement est moins spectaculaire, euphmistique. Les lves peuvent apprcier qu'avec Phdre, pice plus tardive, les codes et les gots ont chang.

    CHRISTINE GUILLEMIN [email protected]